Séance du
jeudi 23 septembre 2010 à
20h30
57e
législature -
1re
année -
11e
session -
57e
séance
M 1968
Débat
Mme Prunella Carrard (S). Mesdames et Messieurs les députés, il y a septante-sept jours aujourd'hui, les employés d'ISS-Aviation votaient la grève suite à la dénonciation de la convention collective de travail en vigueur par leur employeur. Cette grève a connu depuis de nombreux soubresauts, il est vrai. Citons ici un jugement en défaveur des employés par la Chambre des relations collectives du travail - CRCT - jugement pour le moins scabreux, dans la mesure où il allait à l'encontre de toutes les jurisprudences en la matière. Pourquoi ? Nul ne le sait, même si l'on peut émettre certaines hypothèses. Citons également l'apparition-surprise et miracle, pour les dirigeants de l'ISS, d'une association nommée PUSH, se présentant comme un nouveau partenaire social et représentante des employés, association constituée par les cadres d'ISS et qui n'a d'autre velléité que de légitimer une baisse salariale... (Brouhaha.) Monsieur le président, si vous pouviez calmer un peu l'assemblée, ce serait agréable ! (Le président agite la cloche.) Merci !
Ce qui est difficile à évaluer cependant, c'est l'implication du Conseil d'Etat. Peut-être y a-t-il eu de nombreuses discussions de couloirs, mais officiellement le Conseil d'Etat ne s'est, à notre sens, que très peu impliqué dans la résolution de ce conflit. Or, en vertu de la loi, le Conseil d'Etat remplit un rôle de surveillance de l'Aéroport international de Genève, et c'est sur ce postulat fondamental que nous avons déposé cette proposition de motion et que nous nous adressons aujourd'hui à vous. Ainsi, nous demandons que le Conseil d'Etat s'assure que les entreprises travaillant pour les régies publiques ou simplement sur le site de ces dernières respectent les CCT établies au moment de l'attribution de la concession. Il n'est pas admissible qu'une entreprise dénonce une CCT en cours de concession, même si c'est une entreprise sous-traitante, et peu importe d'ailleurs si sa concession est régie au niveau fédéral ou cantonal.
Ce que nous affirmons ici, c'est qu'il est de la responsabilité de l'Etat de s'assurer que les travailleurs de ce canton perçoivent des salaires décents leur permettant de vivre correctement dans une région où le coût de la vie est particulièrement élevé. A ce stade, je vous donnerai un exemple: avec les nouveaux salaires en vigueur, un employé d'ISS gagnera, pour un travail à plein temps, 3500 F brut comme salaire minimal en début de carrière, et 3800 F en fin de carrière - brut encore une fois ! L'une de mes connaissances travaillant pour ISS est mère célibataire de trois enfants, et cette situation avec un salaire de 3500 F lui donnera vraisemblablement droit à des aides publiques sous forme de prestations complémentaires familiales, selon le projet de loi récemment proposé par M. Longchamp. Ces prestations seraient alors grosso modo d'un montant de 2500 F, payés par l'Etat, et c'est là également que le bât blesse. Les socialistes n'admettent pas que l'Etat se substitue à la responsabilité sociale des entreprises de payer des salaires décents.
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée !
Mme Prunella Carrard. Nous disons non à cette subvention indirecte à des entreprises voyous, exerçant qui plus est sur le site de la régie publique du canton de Genève.
Le président. Merci, Madame la députée...
Mme Prunella Carrard. Je n'ai pas terminé, Monsieur le président ! J'utilise un peu du temps de parole des...
Le président. Non, vos trois minutes sont épuisées !
Mme Prunella Carrard. Je prends une ou deux minutes sur le temps de parole du parti socialiste !
Le président. Alors d'accord, continuez !
Mme Prunella Carrard. Je me dépêche ! Afin de parer à ce genre de dérive, la dernière invite de notre proposition de motion demande que plus de moyens soient alloués aux organismes cantonaux chargés de la protection des travailleurs et de la surveillance du marché de l'emploi. C'est le moins que nous puissions faire pour les travailleurs de ce canton. Pour les employés de l'ISS qui doivent payer leurs factures, il y a urgence que le Conseil d'Etat prenne leur défense car, franchement, qui ici osera dire qu'il est normal de vivre avec 3500 F brut ? Qui ici osera le faire ? Qui ici osera dire qu'il est normal que, pour la même activité, le salaire à l'ISS soit de 24% plus bas qu'il y a dix ans ?
Mais l'urgence de ce débat se justifie également pour une autre raison: nous aborderons bientôt le projet de loi présenté par le Conseil d'Etat visant à clarifier les relations entre le gouvernement, le parlement et les établissements publics autonomes. Nous demandons donc que les écueils évoqués dans cette motion soient pris au sérieux et clarifiés lors des débats sur ce projet de loi, et que l'Etat s'engage véritablement, par la loi, dans la protection du droit des habitants de ce canton à bénéficier de conditions de travail décentes. (Applaudissements.)
M. Gabriel Barrillier (R). Mesdames et Messieurs les députés, si le groupe radical a voté l'urgence, c'est qu'il voulait quand même rappeler quelques principes. Je m'adresse à vous, Monsieur le président, mais manifestement ma collègue ignore complètement ou connaît mal les mécanismes et les organismes qui s'occupent de réguler, de vérifier, de surveiller le niveau des salaires et les situations de dumping éventuel - le Conseil de surveillance du marché de l'emploi, etc. Je pense que le Conseil d'Etat nous le rappellera.
Elle semble également ignorer trois principes fondamentaux qui président au fonctionnement du partenariat social dans notre pays. Tout d'abord, l'Etat n'a pas à se substituer à la volonté des partenaires sociaux, même si c'est une entreprise. Il peut ensuite éventuellement fournir une aide par certaines initiatives afin que les partenaires sociaux se parlent et, cas échéant, entreprennent des négociations.
Il y a un deuxième principe qui est extrêmement important, c'est la liberté d'association. Si les employés de cette entreprise ont décidé de travailler avec un syndicat qui s'appelle PUSH, qui est également... (Commentaires.) Ecoutez, laissez-moi parler ! Ce syndicat est également présent à Zurich, donc ce n'est pas seulement un syndicat maison...
Et le troisième principe est celui de la liberté de contracter. Je peux contracter, m'affilier au SSP ou à un autre syndicat. C'est une liberté, un fondement de notre fonctionnement: liberté individuelle, liberté d'association.
Alors dans cette affaire, je suis bien obligé de faire appel à mon expérience de trente ans dans un secteur qui n'a pas toujours été très calme en matière de relations du travail. Effectivement, c'est un secteur qui a des syndicats très représentatifs - dans la construction, la plupart représentent le 90% des travailleurs. Pour les employeurs également, les associations patronales sont extrêmement représentatives. On parle de corporatisme; eh bien oui, c'est du corporatisme positif, puisqu'on obtient des résultats. En trente ans, il y a eu des coups de Trafalgar dans nos métiers, rappelez-vous les manifestations ! Mais on a toujours abouti à des conventions collectives, à une bonne foi, à une confiance réciproque. Ici, on a affaire je dirais presque à un chef syndicaliste qui a envie de se faire un prénom, puisque la famille est très nombreuse, et qui utilise la technique de la canonnière, le harcèlement...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Gabriel Barrillier. Je vais conclure ! ...et je pense que ce n'est pas la bonne technique, ce n'est pas comme ça qu'il va améliorer le sort des 13 grévistes qui font partie de son syndicat sur environ 150.
En conclusion, nous refusons cette proposition de motion et vous invitons à faire de même. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, on pourrait tenir ce soir deux discours, le premier venant d'un magistrat radical et consistant à dire ceci: l'économie genevoise va bien, l'aéroport est en forte progression, il est bénéficiaire, nous avons toujours plus de passagers, et tout va bien dans le meilleur des mondes. Ça, c'est le discours qu'on nous tient en fin d'année pour faire le bilan du Conseil d'Etat, notamment de ce département. Et alors après, il y a le revers de la médaille, il y a ces employés, puisque l'on a voulu une ouverture des frontières sans contrôle, que l'on paie avec une fronde ! Et quand ces employés viennent dire: «Excusez-moi, mais je travaille à 100% et je n'arrive pas à subvenir aux besoins de ma famille. J'ai une vie normale, un appartement modeste de quatre pièces à Genève, que je paie 2200 F par mois avec les charges, j'ai les primes d'assurance-maladie, mes enfants vont à l'école...», eh bien là, on s'entend dire: «Mais enfin, c'est normal !» Parce que c'est ce que prône M. le conseiller d'Etat en charge de l'aéroport: tout va bien ! On se souvient des expériences du mois de janvier, au début de cette année, où il y avait déjà des grévistes; ils étaient peut-être plus que treize, mais ils ne seraient que deux que ça ne changerait rien au problème ! Et le conseiller d'Etat a finalement daigné écourter ses vacances de l'autre côté de la planète, pour voir ce qui se passait éventuellement là où il était ministre ! Et finalement nous sommes intervenus - donc le ministre, vous comprendrez bien - et les grévistes ont obtenu une augmentation: de 40 F par mois ! Alors faites le calcul: cela représente 35 centimes supplémentaires de l'heure ! Mais quelle gratitude, merci, seigneur ! Mais de qui se moque-t-on dans cette république, Mesdames et Messieurs ? Le MCG, en date du 13 janvier déjà, déposait un projet de loi pour interdire à l'Aéroport international de Genève de louer des concessions à des entreprises qui ne seraient pas au bénéfice d'une convention collective. Vous avez voulu et vous plébiscitez la main-d'oeuvre européenne et le fait qu'elle vienne travailler à Genève; vous avez tiré les salaires en bas, et aujourd'hui vous payez le prix de votre arrogance ! Parce que même les frontaliers qui gagnent deux ou trois fois plus que le SMIC commencent maintenant à avoir les dents longues. On ne parle même pas des Genevois qui sont désormais depuis longtemps déjà sur le carreau ou à l'Hospice général - ou en tout cas au bénéfice de certaines aides sociales, tant les salaires sont misérables - et qui n'arrivent plus à vivre.
Eh bien, le MCG se bat contre cette politique ! Et, oui, nous allons soutenir le texte des socialistes ! Parce que, Messieurs, de deux choses l'une: soit vous avez l'économie dans les veines et vous vous foutez de la précarité d'une grande partie du peuple genevois, et il faut que la population le sache...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Je conclus, Monsieur le président ! ...soit vous êtes respectueux des citoyens de Genève et vous payez des salaires décents, ce qui, en fin d'année, permettra à votre ministre de tirer sur ses bretelles en disant que l'aéroport marche bien. (Applaudissements.)
Mme Esther Hartmann (Ve). Les Verts vont soutenir cette proposition de motion. Il est vrai que la situation de l'ISS a beaucoup évolué, mais nous pensons que cette situation va encore se répéter pour d'autres entreprises. Nous estimons qu'il est important que l'Etat joue un rôle de régulateur lorsqu'il y a des situations où les entreprises demandent à leurs employés des augmentations de cadence et offrent des conditions de travail de plus en plus pénibles et des salaires de plus en plus bas. C'est pour cela que nous soutenons cette motion; ce n'est pas par rapport à l'ISS où, effectivement, il y a peut-être eu quelques petits problèmes avec certains syndicats - nous sommes bien d'accord avec cela. Non, c'est aussi parce que nous pensons que l'Etat doit vraiment avoir un rôle de respect et de surveillance pour que les conventions collectives soient respectées. (Applaudissements.)
Mme Christina Meissner (UDC). En ce qui concerne cette proposition de motion, j'aimerais rappeler qu'effectivement l'association PUSH existe depuis longtemps, déjà du temps de Swissair. Les travailleurs dans leur grande majorité sont d'accord aujourd'hui de fonctionner dans les conditions qui leur sont offertes; 85% ont signé la convention. Seule une minorité fait grève: 13 personnes. D'autres ont même eu le courage de déclarer qu'ils n'étaient pas d'accord avec cette grève et de le dire dans les journaux. Il fallait effectivement beaucoup de courage, et ils l'ont fait.
Maintenant, évidemment, il faut se rappeler que si la situation est telle qu'elle est aujourd'hui, c'est parce que nous avons signé des accords bilatéraux qui nous obligeaient à ouvrir le marché. Là où il y avait auparavant une entreprise d'entretien des avions, eh bien maintenant il y en a deux: ISS et Dnata. Dnata, de Dubaï, il faut le faire quand même ! Mais cela aurait pu être pire, parce qu'en réalité l'Etat a même décidé à un moment donné de ne pas ouvrir davantage le marché et de restreindre à deux entreprises.
Alors oui, je regrette les prix exorbitants du coût de la vie à Genève, mais il faut dire qu'avec la situation d'aujourd'hui il convient aussi d'assumer les conséquences. Vous avez voulu les accords bilatéraux, il va falloir maintenant aussi être cohérents avec vous-mêmes, donc assumer et accepter les conséquences - en l'occurrence, le fait que peut-être aujourd'hui les salaires sont plus bas qu'hier.
M. Serge Hiltpold (L). Après la motion sur les conditions salariales des bagagistes de janvier, voilà que le groupe socialiste revient à la charge au sujet des conditions salariales du personnel touchant le site de l'aéroport cette fois-ci, avec la problématique des nettoyeurs au sein de l'entreprise ISS. Pour votre information, et pas plus tard que mardi dernier, une convention collective d'entreprise entre ISS et son personnel a été signée et votée devant huissier, avec le consentement d'une très large majorité de ses collaborateurs, soit plus de 80%.
Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que le rôle de l'Etat est d'empêcher les situations de sous-enchère salariale, et non de se substituer aux organisations représentatives des travailleurs qui négocient leurs salaires. Avec vos procédés démagogiques de saisir le parlement, vous remettez en question ce que l'on appelle le partenariat social et le tripartisme, éléments et valeurs largement reconnus qui ont fait leurs preuves et qui sont enviés par nos pays voisins. Je dirai même que c'est une sorte de mépris pour le travail qui est accompli au quotidien pour garantir des conditions-cadres justement établies au profit de notre économie genevoise qui s'occupe du droit privé. La paix du travail est le fruit de cette négociation entre fédérations patronales et syndicales. Je suis d'ailleurs fort surpris de votre manque de confiance envers vos syndicats de travailleurs - Unia, SIT, Syna - qui, jusqu'à nouvel ordre, défendent vos milieux et non pas ceux que je représente ici dans ce parlement. Seraient-ils incapables de négocier ? Est-ce de la récupération politique ou une telle méconnaissance du dossier, pour être convaincus par treize grévistes ? Mesdames et Messieurs les députés, je reste perplexe quant au bien-fondé de votre proposition de motion.
En conclusion, et c'est une évidence pour les libéraux, il appartient aux patrons et syndicats de négocier des conditions de travail adaptées. Les conventions collectives ne peuvent pas être imposées par l'Etat, sans quoi les syndicats n'auraient plus lieu d'exister. Je vous demande donc de bien vouloir renvoyer cette proposition de motion en commission de l'économie, laquelle prendra, je n'en doute pas, la juste mesure des choses avec plus de recul que ce que j'ai entendu jusqu'à présent, ne subissant pas la pression de l'actualité et de certains flibustiers. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Fabiano Forte (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en train de refaire un débat que nous avons déjà eu - il s'agissait de l'entreprise Swissport. On peut souscrire à la demande de renvoi en commission, afin de refaire le même débat, ce qui nous permettra une fois de plus de démontrer les mensonges du syndicat SSP qui, dans cette affaire, défend treize grévistes. Sur ces treize grévistes, une personne est à 100%; est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? Faut-il bloquer l'activité d'une entreprise pour ce groupuscule, que je qualifierais de sectaire ? Et quand on dit que le syndicat PUSH - je dis bien «le syndicat PUSH» - n'est pas un syndicat, c'est mal connaître l'activité de cette organisation, puisque, Madame Carrard, ce syndicat exerce depuis de nombreuses années; je pense que vous et moi n'étions pas encore nés lorsque ce syndicat était actif.
En revanche, ce qui est jeune sur l'Aéroport international de Genève, c'est l'activisme pernicieux d'un syndicat qui est le SSP, et qui est mené - on l'a dit - par un flibustier, un pirate qui veut torpiller le partenariat social. Nous allons donc accepter bien entendu de renvoyer ce texte en commission, mais on entendra à nouveau les mêmes choses, et cela permettra de tordre le cou à tous les mensonges qui sont dits non seulement par un syndicat, mais également par les représentants de l'Alternative ce soir. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Dandrès, à qui il reste une minute trente.
M. Christian Dandrès (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je regrette profondément que l'Entente prenne ce soir la défense d'un employeur qui bafoue les règles les plus élémentaires du partenariat social. L'Etat n'a pas à intervenir et à se substituer aux partenaires sociaux, nous dit-on. Je vous rappelle tout de même que vous avez la mémoire un peu courte, parce qu'il y a quelques semaines à peine, vous faisiez passer la loi sur l'horaire d'ouverture des magasins. On constate que l'Entente agite le partenariat social lorsque cela l'arrange. Dans ce cas d'espèce, ISS-Aviation dénonce une convention collective qui est en vigueur depuis plus de dix ans, et tente par la suite de passer en force ses exigences salariales à la baisse en imposant de nouveaux contrats de travail ! Puis, après quelques dizaines de jours, ISS ressuscite PUSH, le fameux syndicat maison qui apparaît à chaque fois qu'il y a un conflit social dans un aéroport, à Zurich ou à Genève.
ISS, Mesdames et Messieurs les députés, se moque de notre canton en pratiquant une politique de dumping social au vu et au su de nos autorités. Je tiens à vous rappeler que l'Etat s'était engagé, lors de l'autonomisation des régies publiques, à ce que l'intégralité des salariés qui y travaillent soient couverts par des conventions collectives. Le conseil d'administration de l'aéroport ne peut donc pas tolérer - c'est absolument inacceptable - que des sous-traitants profitent de leur position pour refuser d'appliquer les règles contenues dans les concessions qui sont conclues à l'aéroport. A mon sens, ce laxisme pose un problème institutionnel majeur, et c'est la raison pour laquelle il est absolument essentiel que le Grand Conseil se saisisse de cette affaire. Je vous invite donc à voter cette motion, Mesdames et Messieurs les députés. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Hartmann, à qui il reste deux minutes.
Mme Esther Hartmann (Ve). Merci, Monsieur le président. Je voulais quand même vous faire partager mon sentiment d'agacement, de très grand agacement, quand j'entends parler des accords bilatéraux qui feraient baisser les salaires. Non, ce n'est pas les accords bilatéraux qui font que les gens sont payés moins bien ! C'est l'ensemble des conditions salariales, c'est ce qui est négocié qui fait que les gens sont moins bien rémunérés. Ce n'est pas l'arrivée d'un Français qui provoquera du dumping salarial, c'est le fait que l'on autorise que ces salaires soient pratiqués. C'est pour cela que nous insistons - même si l'ISS effectivement, je le précise à nouveau, n'est pas un cas tout à fait exemplaire - sur le rôle de contrôle de l'Etat, et non de substitution aux patronats ou aux associations. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Weiss, à qui il reste trente-cinq secondes.
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je serai très rapide. Je ne vois pas au nom de quoi ici les dix-neuf signataires d'un instrument en faveur de treize grévistes peuvent s'instituer les garants de la vraie conscience des travailleurs. En réalité, ceux qui, parmi les travailleurs de l'aéroport, ont décidé d'adhérer à un nouveau syndicat, ceux qui, parmi les travailleurs d'ISS, ont décidé de refuser la grève, ont parfaitement conscience de leur intérêt; ne les méprisons pas en pensant qu'ils ne savent pas ce qui est bon pour eux. Je trouve que, de la part du groupe socialiste, il y a là trop de dédain.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Forte, à qui il reste une minute trente.
M. Fabiano Forte (PDC). C'est beaucoup trop, Monsieur le président ! Je vous remercie de votre grande générosité ! J'aimerais simplement préciser un point: quand on dit qu'on ressuscite le syndicat PUSH, on ne ressuscite rien ! Lors du premier conflit avec l'entreprise Swissport, nous avons reçu à la commission de l'économie le SSP, avec son «líder máximo» - ils étaient sept, et c'est le seul qui a parlé - et nous avons également reçu le représentant syndical de PUSH, qui avait plus de trente-cinq ans de maison. Donc on ne peut pas prétendre ici que l'on ressuscite un syndicat et on ne peut pas faire l'affront à cette organisation syndicale de dire qu'elle ne s'appelle pas «syndicat»; c'est un mensonge ! (Applaudissements.)
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais ici vous dire au nom du Conseil d'Etat mon inquiétude. En effet, la situation qui se déroule à l'aéroport dans le cadre de ce conflit, comme celle que nous avons connue lors d'un conflit précédent, est une situation qui n'est pas acceptable. Le Conseil d'Etat a eu l'occasion de le dire et il a eu l'opportunité de prendre des mesures dans le cadre du premier conflit, en faisant en sorte qu'une médiation entre les parties puisse avoir lieu.
Dans le deuxième cadre, le cas du conflit qui nous occupe aujourd'hui, j'aimerais rappeler que nous en étions à un stade où l'une des parties, de manière tout à fait explicite, a indiqué au Conseil d'Etat qu'elle ne voulait aucun arbitrage et aucune intervention de sa part, ce qui est profondément inquiétant.
Je souhaite enfin vous dire que la situation est un petit peu plus complexe qu'on veut bien la décrire. D'abord, il n'y a pas une convention collective qui liait l'ISS à la VPOD, mais deux; l'une de ces conventions collectives a été contestée par le syndicat lui-même, et cela a amené l'employeur à résilier les deux conventions collectives, puis ensuite à signer une convention collective avec un autre syndicat, le syndicat PUSH - vous en avez parlé. De mon côté, j'ai ordonné, en ma qualité de président du Conseil de surveillance du marché de l'emploi, de saisir les instances nécessaires - soit le Conseil de surveillance du marché de l'emploi ainsi que les commissions paritaires - du cas précis, afin de voir dans quelle mesure une autre convention collective ou, à défaut, des usages pouvaient être imposés comme résolution à ce conflit. Le Conseil de surveillance du marché de l'emploi - dont je note dans cette motion qu'il serait à court d'argent, alors que je n'ai jamais entendu de la part de ses membres que ceci était un problème dans son fonctionnement - à l'unanimité de ses membres, qu'ils représentent des syndicats, des patrons ou l'Etat, a suivi la procédure qui lui avait été proposée, c'est-à-dire d'interpeller la commission paritaire ou, à défaut, d'examiner si des usages ne pouvaient pas être faits.
Mon inquiétude est grande, parce que nous assistons à Genève, dans une régie publique - et qui plus est dans une régie publique essentielle - à une dégradation du climat social ainsi qu'à une dégradation de ce qui fait la force de notre pays, c'est-à-dire la capacité des syndicats et des patrons de se parler, et la capacité que nous avons eue en Suisse, pendant des années, de construire des relations du travail qui n'étaient pas basées sur l'autorité ou sur un droit pléthorique, comme c'est le cas dans d'autres pays, qui s'enorgueillissent d'avoir des codes du travail de plus de 2000 pages. Cet avantage est en train gentiment mais sûrement de disparaître, par méconnaissance d'un certain nombre des parties de la réalité de tout cela. Et mon inquiétude est grande, Mesdames et Messieurs les députés, d'entendre ou de lire des argumentations qui me semblent devoir être explicitées de manière forte en commission. Il convient de rappeler un plusieurs principes, mais aussi, Madame Carrard, certains éléments juridiques qui, dans votre proposition de motion, mériteraient précisions, c'est le moins que l'on puisse dire.
C'est la raison pour laquelle, malgré le fait que nous avons, c'est vrai, Monsieur Forte, déjà fait un travail de cette nature, qui a amené la commission de l'économie à apprécier la situation, je vous demande de bien vouloir renvoyer cette motion en commission, afin que vous puissiez entendre et faire entendre - car ce sera là ma demande - non seulement les syndicats et l'entreprise concernée, mais également des partenaires syndicaux, des membres du CSME, et peut-être aussi, pourquoi pas, des responsables et des juges en charge de la CRCT, qui pourront vous démontrer que l'Etat, que les institutions n'ont pas pris, loin s'en faut, ce conflit à la légère.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Il s'agit d'un renvoi à la commission de l'économie, je présume ? (M. François Longchamp acquiesce.) Très bien. Nous allons donc nous prononcer sur cette demande.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1968 à la commission de l'économie est rejeté par 50 non contre 41 oui. (Exclamations à l'annonce du résultat.)
Le président. Je vais donc, Mesdames et Messieurs les députés, vous faire voter la proposition de motion elle-même.
Une voix. Appel nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien !
Mise aux voix à l'appel nominal, la proposition de motion 1968 est rejetée par 47 non contre 44 oui.