Séance du
jeudi 2 septembre 2010 à
10h
57e
législature -
1re
année -
10e
session -
53e
séance
PL 10481-A
Premier débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante: le PL 10481-A. Nous commençons le débat maintenant et le poursuivrons cet après-midi, puisqu'il va certainement durer. Je passe la parole à M. Jornot.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est le dernier des projets de lois Justice 2011, enfin presque, puisqu'il y aura encore un projet de loi récapitulatif - que l'on appelle traditionnellement le projet de loi «balai» - qui viendra ultérieurement pour régler les problèmes d'harmonisation.
Ce dernier projet est probablement le moins intéressant, le moins politique, sous une petite réserve, et vous y verrez des centaines d'articles qui ont un contenu parfaitement indifférent. D'autant plus indifférent que le Conseil d'Etat, à la suite des experts, a pris la décision de ne pas remanier fondamentalement le droit d'application du code civil, parce que nous allons bientôt avoir de profonds remaniements dans le domaine du droit de la tutelle, en raison d'une modification du code civil suisse, et qu'il faudra de toute façon tout recommencer dans quelques années.
Il y a deux sujets à caractère politique dont nous avons eu à débattre. Le premier est celui de l'évacuation des locataires, parce que, comme cela a été dit dans le débat précédent, la procédure d'évacuation des locataires par le fait du code de procédure civile suisse sera considérablement allégée par rapport à la situation actuelle, et la commission a voulu rechercher autant que possible les moyens de prendre des mesures d'accompagnement conformes au droit fédéral, mais permettant de préserver autant que faire se peut la pratique genevoise actuelle.
L'autre question politique, Mesdames et Messieurs, est un sujet où le Conseil d'Etat précédent, dans sa majorité de l'Alternative, a proposé, sous la plume de M. Laurent Moutinot, un article qui introduisait la suppression de la gratuité devant les juridictions des prud'hommes et des baux et loyers. L'exposé des motifs du Conseil d'Etat nous disait à l'époque que peut-être - peut-être ! - ce point pourrait susciter un débat politique. C'était évidemment une analyse politique parfaitement à courte vue: le Conseil d'Etat n'aurait pas dû à l'époque déposer un projet introduisant une telle révolution dans le domaine de ces juridictions à caractère social sans s'assurer à tout le moins de l'appui non seulement d'une commission d'experts présidée par un socialiste - parce que cela ne suffit pas - mais aussi d'un certain nombre de milieux intéressés. La commission a géré cette affaire comme un boulet, en demandant au nouveau Conseil d'Etat, en particulier à Mme Isabel Rochat, de tenter de trouver un accord. Or cet accord n'a pas pu être obtenu, parce qu'en réalité personne ne voulait négocier dans cette affaire. Des solutions auraient été possibles, en préservant le caractère social de ces juridictions, mais, ma foi, une solution de ce type n'a pas pu être trouvée, il faut en prendre acte.
La majorité de la commission s'est repenchée sur ce sujet dans une séance tout à fait célèbre, puisque c'est celle d'hier. Du reste, elle n'a pas fait que se pencher sur les problèmes de conciliation en matière de baux et loyers, dont nous avons longuement parlé, mais elle est également revenue sur la question de la gratuité, a pris acte de l'échec des négociations et a décidé, Mesdames et Messieurs, d'enterrer la réforme des frais en matière de baux et loyers et de s'en tenir dans les grandes lignes en matière de prud'hommes à ce qu'elle avait déjà avisé, avec là aussi des concessions supplémentaires envers les syndicats. Cela signifie, Mesdames et Messieurs, qu'en matière de baux et loyers nous aurons une juridiction qui sera encore plus gratuite qu'aujourd'hui, puisque l'instauration à l'article 17 - pour lequel vous voyez qu'il y a un amendement de la commission - de la gratuité en matière de baux et loyers implique qu'on ne prélèvera même plus d'émolument en appel.
En ce qui concerne les prud'hommes, nous nous en sommes tenus au seuil de 50 000 F qui avait été voté par la commission dans le cadre de la loi sur les prud'hommes, montant admis par les syndicats pour autant qu'on retienne le même en appel et qu'on supprime les dépens. Nous avons fait les deux. En effet, nous avons élevé à 50 000 F le seuil pour les émoluments en appel également et nous avons, par une disposition expresse, fait quelque chose à quoi les syndicats tiennent beaucoup: nous avons supprimé la possibilité d'allouer des dépens devant la juridiction des prud'hommes. Autrement dit, chacun conserve les frais de ses avocats ou autres mandataires professionnellement qualifiés.
Ce qui signifie, Mesdames et Messieurs, qu'au final - et sous réserve de surprises qui pourraient arriver dans un instant - il n'y a plus de conflit politique sur cette loi. Nous avons toutefois déposé un certain nombre d'amendements à caractère technique et il y a des amendements qui concrétisent la réintroduction de la gratuité dans le sens des décisions prises hier par la commission lors de sa séance et qui faisaient suite à des auditions auxquelles les uns et les autres avaient procédé pendant l'été - en l'occurrence, c'était surtout par le biais de la conseillère d'Etat.
En conclusion, je vous recommande bien entendu d'entrer en matière sur ce projet de loi.
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Tout d'abord, j'aimerais remercier la commission pour tout le travail qui a été fait. Cette commission a travaillé dans un esprit consensuel, un esprit désireux de trouver à tout prix des solutions pour les uns et les autres, et ce fut un travail assez fastidieux pour beaucoup d'entre nous en tout cas, puisque ce code de procédure civile, vous l'avez remarqué dans le rapport, contient énormément d'articles. J'aimerais remercier ici également le département de Mme Rochat, plus particulièrement bien sûr Mme Rochat elle-même, qui a assisté à certaines de nos séances, mais aussi et surtout M. Scheidegger, qui nous a accompagnés tout au long de nos travaux, qui a accompli un travail remarquable d'écoute et qui nous a fait des propositions qui sont allées dans le bon sens. Je crois qu'il est à relever que lorsque les membres d'une commission et ceux d'un département travaillent de concert, on avance beaucoup plus vite. Je remercie également Mme Prigioni, collaboratrice scientifique de la commission, pour son aide qui a été extrêmement appréciée.
Mon rapport de minorité - je ne sais pas si vous l'avez lu - a trait bien évidemment à la suppression de la gratuité. Je rappelle que ce nouveau code de procédure fédérale unifiée, on l'a dit à plusieurs reprises, que ce soit dans le code de procédure pénale ou dans le code des mesures administratives, laisse très peu de marge aux cantons. Dans le cas d'espèce, les codes de procédure fédérale laissaient aux cantons l'appréciation concernant la gratuité. Le rapporteur de majorité l'a dit, les experts, le Conseil d'Etat ont voulu supprimer la gratuité; on y reviendra tout à l'heure, parce que justement les amendements votés hier soir en commission visent à revenir à la situation actuelle, c'est-à-dire à instaurer la gratuité. On en reparlera concernant les prud'hommes.
Si ces amendements sont votés tout à l'heure, une partie de mon rapport de minorité tombe concernant les baux et loyers, puisque c'était l'objet de mon rapport. En revanche, s'agissant des prud'hommes, on a un petit différend, car le rapporteur a proposé un amendement visant à ce qu'il y ait des frais lorsque la valeur litigieuse en première et en deuxième instance excède 50 000 F. Or la proposition que j'avais faite à l'époque, au moment des votes, était de dire ce que les syndicats avaient plus ou moins exprimé, à savoir que des émoluments soient perçus lorsque la valeur litigieuse dépasse 100 000 F en première instance, et qu'on monte à 50 000 F en appel. On verra tout cela tout à l'heure, avec les amendements qui ont été proposés, et on expliquera plus en détail ce qu'aura comme incidences ce nouveau code de procédure civile qui, je le rappelle - je l'ai dit tout à l'heure - pénalise davantage le locataire, puisqu'il est prévu à l'article 198 qu'il n'y aura plus de conciliation pour les cas clairs. J'y reviendrai tout à l'heure, parce que c'est extrêmement technique.
Monsieur le président, il est 11h55, je crois que tout le monde a faim... Et, surtout, la commission législative, à laquelle appartiennent le rapporteur de majorité et moi-même, devra consacrer une partie de son temps à un autre sujet.
Le président. Merci, Madame le rapporteur. Il nous reste six minutes pour l'intervention de Mme Captyn, puis nous pourrons aller manger, et surtout participer à l'apéritif qui nous sera offert par les quatorzièmes lauréats du concours de foot, qui nous ont rapporté des bouteilles à cette occasion. Madame Captyn, vous avez la parole.
Mme Mathilde Captyn (Ve). Ce sera court, Monsieur le président ! J'aimerais simplement vous dire que les Verts avaient prévu dans un premier temps de refuser la loi d'application du code de procédure civile. La raison principale tenait à notre attachement au principe de gratuité des procédures des prud'hommes, des baux et loyers et du Tribunal cantonal des assurances sociales. Si nous souhaitions tellement que ces procédures restent gratuites, ce n'est pas tant parce que nous aimons lorsqu'il n'y a rien à payer - à vrai dire tout service a un coût - mais c'est surtout que ces domaines de la justice sont primordiaux. Ils touchent en effet au travail, au logement, qui sont des éléments fondamentaux de la paix sociale. C'est aussi un acquis populaire, puisque la gratuité a été gagnée par une initiative populaire en 1977. On a par ailleurs souvent entendu qu'il y avait l'assistance juridique pour les pauvres et qu'ainsi la gratuité de ces procédures était un luxe, mais il faut quand même voir que le calcul de la valeur litigieuse peut rapidement mener à de gros montants et que, à Genève, les personnes couvertes par l'assistance juridique sont à la limite de la subsistance. Il est donc trop important que cette justice-là soit parfaitement accessible. En conséquence, les Verts voteront la loi d'application du code de procédure civile si la gratuité y est dûment inscrite.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Buche. Vous en avez pour...
Mme Irène Buche (S). J'en ai pour un moment !
Le président. Ah ! Ecoutez, c'est très prometteur ! Dans ce cas, peut-être qu'on va attendre cet après-midi, si vous le permettez !
Fin du débat: Session 10 (septembre 2010) - Séance 54 du 02.09.2010