Séance du
vendredi 18 juin 2010 à
17h15
57e
législature -
1re
année -
9e
session -
44e
séance
M 1936
Débat
Le président. Nous sommes au point 39 de notre ordre du jour. Je passe la parole à M. Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Que n'a-t-on pas entendu sur cette motion ? Laissez-moi peut-être juste vous expliquer deux ou trois petites choses, pour - à l'attention de ceux qui l'auraient oubliée - refaire un peu d'histoire. On va pour cela revenir sur la campagne électorale 2009. Certains partis ont fait de l'insécurité leur thème de campagne, les radicaux en tête: «Il nous faut plus de places de détention administrative !» Les libéraux: «Construisons des prisons !» - outre le fait de construire des logements... Le conseiller d'Etat radical: «Nous allons endiguer le chômage !» Et puis tout ça n'a été qu'un leurre pour la population, les ténors du gouvernement se sont tous défilés lorsqu'il s'est agi de reprendre le département de la police et ils ont laissé cette lourde charge à Mme la conseillère d'Etat Isabel Rochat. Résultat des courses: nous sommes aujourd'hui en juin, et, à ce jour, qu'y a-t-il eu de concret en termes de sécurité ? Cento Rapido, que nous avons rebaptisé «Cento pas rapido», puisque la seule réponse qu'a été capable de nous donner ce gouvernement, c'est 100 places de détention supplémentaires à une échéance de treize mois ! Voilà comment nous traitons la sécurité, ou l'insécurité, à Genève ! Voilà comment ceux qui ont fait des promesses aux électeurs, pour drainer des bulletins de vote, ont répondu par leur absence dans les décisions responsables.
Au MCG, nous avions envisagé plusieurs solutions et dit qu'il ne serait pas possible d'endiguer le problème de l'insécurité à Genève aussi longtemps que nous n'atteindrions pas 750 à 800 places de détention, toutes places confondues entre détention administrative, préventive et autres exécutions de peine en semi-liberté. Pour cette raison, nous avions pris quelques contacts dans différents cantons pendant la campagne électorale, notamment avec Vaud, Fribourg et Valais. Quelle ne fut pas notre surprise de voir Mme la conseillère d'Etat, ou l'un des membres du parti libéral, venir dire: «C'est à cause de vous, parce que vous avez parlé, que le deal a foiré !» Excusez-nous, on ne savait pas qu'il y avait beaucoup de clients pour acheter une prison en Valais ! On est vraiment désolés ! Non mais... Je crois qu'il faut arrêter de se moquer des citoyens. Mesdames et Messieurs, aujourd'hui, nous aimerions savoir...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Oui, évidemment, la sécurité, ça n'intéresse pas ce parlement qui limite la parole !
Le président. Alors...
M. Eric Stauffer. Alors voilà, je conclus...
Le président. Il vous faut conclure !
M. Eric Stauffer. ...donc on n'a rien pu dire ! Maintenant, donnez-vous-en à coeur joie et...
Le président. Il n'y a pas de problème.
M. Eric Stauffer. ...venez critiquer encore une fois un texte parlementaire MCG, la population vous regarde et... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Bolay.
Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi de dire tout d'abord que cette motion m'a choquée. Elle m'a choquée en tant que présidente de la commission des visiteurs. Pourquoi ? Parce que, lors de la première séance durant laquelle Mme la conseillère d'Etat est venue dans cette commission et a émis l'idée, justement, de trouver des solutions, notamment en Valais - non pas pour la préventive, j'y reviendrai, mais pour la prison ferme - voilà que, dans la demi-heure, eh bien, M. le virtuose de la «recuperaciòn»... (Rires.) ...est parti... (Applaudissements.) ...il est parti préparer sa motion: «C'est mon idée !» Non, Mesdames et Messieurs les députés, l'idée est de Mme Rochat ! Elle est venue nous parler. Et ce qui me choque, c'est la violation du secret de fonction, encore une fois ! (Applaudissements.)
L'autre hérésie de cette motion, c'est de vouloir - c'est l'idée de M. Stauffer - créer ce lieu de détention: pour la préventive ! Mais imaginez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, une prison préventive genevoise en Valais ? Vous imaginez les juges d'instruction prenant le train, la voiture, pour aller en Valais, pour aller voir... Mais c'est une hérésie des plus totales ! (Brouhaha.) Et ce qui me choque le plus, c'est que M. le député Stauffer, qui est vice-président de la commission, veut en devenir le président ! Mais je rigole tous les soirs quand je pense à ça ! (Rires.) Ecoutez, franchement, quand on connaît la commission des visiteurs, quand on connaît comment ça se passe...
Pour terminer, je vais dire ceci, Monsieur le président...
Le président. Mais je vous en prie !
Mme Loly Bolay. A Champ-Dollon, prison préventive, il y a 275 personnes en exécution de peine ! C'est pour cela que Mme la conseillère d'Etat voulait trouver des solutions ! Pour les exécutions de peines ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de refuser - des deux mains ! - cette motion. (Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Les orateurs changent, les groupes politiques changent, et pourtant la réponse va être la même. Mais certainement avec une argumentation totalement différente. C'est vrai que cela peut surprendre, or l'Union démocratique du centre n'est pas pour cette motion. Mais pour de tout autres raisons. Quand on regarde ce qui se passe - et vous avez dit, Madame la préopinante, qu'à Champ-Dollon il y a des gens en exécution de peine - j'ose rappeler, quitte à entendre des «hululements», que l'UDC est pour le renvoi des criminels étrangers. Car, si ceux d'entre eux qui sont en train de purger leur peine n'étaient pas dans nos prisons, nous aurions la place suffisante pour gérer les cas courant ! N'en déplaise à certains, cela est démontré dans bien des statistiques, par rapport... (L'orateur est interpellé.) Non, on ne mélange rien du tout, cher Monsieur !
L'UDC est aussi très constante en ce qui concerne les deniers publics. La faiblesse politique, la faiblesse de vouloir affirmer de choses fortes dans notre canton, voire dans notre pays, ne doit pas ruiner les gens en leur faisant faire des dépenses pharaoniques pour des centres carcéraux qui, quand on voit ce qu'on nous demande - dernièrement, notre collègue UDC a osé dire ce que le projet de Champ-Dollon allait coûter par place de détenu... Eh bien, l'UDC n'est pas d'accord avec ceci ! Nous pensons que si la demande en cellules augmente, nous ne devons pas la résoudre en augmentant l'offre carcérale, mais en faisant simplement le vide et la place nécessaires pour les résidents qui se conduisent mal, mais en n'incarcérant pas et en ne retenant pas tous ceux qui n'ont rien à faire dans notre pays. Pour cette raison, l'Union démocratique du centre vous demande - sans les deux mains, mais simplement en fonction des explications qui précèdent - de refuser cette motion.
M. Michel Ducret (R). Eh bien, écoutez, puisque l'UDC vient de donner sa position, j'aimerais juste rappeler que, alors que ce parti avait les clés des expulsions - une responsabilité fédérale s'il en est une - on ne peut pas dire que ses représentants au Conseil fédéral aient fait beaucoup de fleurs en matière d'expulsions de criminels étrangers, bien au contraire. Il n'y a eu aucun progrès, ils n'ont pas fait mieux que d'autres. (Commentaires.) Je ne pense donc pas que ce parti-là ait plus de leçons à donner aux autres en cette matière, bien que, sur le fond de la problématique, il ait parfaitement raison.
Cela étant, le parti radical constate à nouveau que certains, ici, qui se vantaient de pouvoir, en quarante-cinq jours, remettre de l'ordre à Genève et qui, en termes de solutions, ne savent que répliquer ce qui est suggéré par les magistrats d'autres partis - qui, eux, ont réussi à se faire élire - ne peuvent apporter aucune solution sinon des récriminations. Et la solution qui est proposée, si elle a été envisagée un temps, se heurte effectivement à de simples problèmes de fonctionnalité. Et puis, de toute façon, toute négociation devient effectivement impossible au moment où l'on parasite, Mesdames et Messieurs, les contacts entre gouvernements, en s'emparant des idées émises en toute liberté et en toute franchise par un magistrat devant une commission parlementaire, et que l'on rompt le secret de fonction pour en faire son beurre et sa publicité.
Ne serait-ce que pour cette raison, Mesdames et Messieurs, le parti radical vous recommande vivement de rejeter cette proposition qui n'est qu'un sombre calque d'une idée exploratoire auparavant exprimée devant la commission des visiteurs par la magistrate chargée de ces dossiers. Nous n'entrerons pas en matière plus avant dans cette affaire.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion nous pose quelques problèmes. Le premier, c'est le serment, c'est d'être parjure. (Brouhaha.) Tous les députés font un serment. Alors, ce dont nous nous rendons compte, c'est qu'avant les députés respectaient la parole de leur serment; aujourd'hui, comme il n'y a pas de sanction, en fait, le serment, on s'en fout, on peut y aller... On prête serment devant le peuple, et certains partis, qui disent être plus élus que les autres par le peuple, se moquent de lui ! Ils sont parjures.
Cette proposition est une imposture: ça sert à agiter, ça sert à faire du show, ça sert à nous faire croire qu'on règle les problèmes de sécurité. Il y a une confusion des pouvoirs; il y a une confusion des rôles; il y a, en s'agitant, en faisant des sorties de tous les côtés, une volonté de confisquer le travail que pourrait faire le gouvernement. Pendant ce temps-là, on ne pourra pas résoudre les problèmes de sécurité !
Ce qui se passe dans ce parlement, Mesdames et Messieurs les députés, est grave ! Nous ne sommes plus en train de faire de la politique correctement, nous ne sommes pas en train de confronter des idées gauche/droite. Certains font un show et empêchent de régler les vrais problèmes des Genevois. Mesdames et Messieurs les députés, nous devons nous poser des questions extrêmement claires à propos des difficultés que nous avons. C'est une dérive, c'est une dérive de notre vie parlementaire.
Pour ces différentes raisons, les Verts vous invitent à refuser très fermement cette motion. Et puis, après cela, une petite note d'humour. J'ai été surpris d'entendre le député UDC me dire que ce parti était pour l'expulsion des criminels avant qu'ils ne purgent leur peine - ça, ça commence à devenir fort de café ! Pour nous, quand vous dites que les prisons sont pleines et qu'il suffirait d'expulser ces criminels pour faire de la place, il s'agit bien de les expulser avant qu'ils aient exécuté leur peine. Les Verts ne sont pas pour l'expulsion des criminels étrangers, mais ils sont en tout cas pour que tous les criminels purgent leur peine, et de manière égale pour tous, en proportion des délits qu'ils ont commis.
M. Eric Stauffer (MCG). Je vous rassure, Mesdames et Messieurs, quand vous parlez de parjure, ça me fait ni chaud ni froid, parce que le parjure, il vient... (Brouhaha.) ...il vient de chez vous ! Parce que vous vous moquez des électeurs ! Vous vous moquez des gens ! (Remarque.) Non, absolument pas ! Encore une fois: moi, je n'ai pas évoqué les travaux de commission. Mais puisque la présidente de la commission a parlé, je me sens également libre du secret de fonction. Que dire, quand une conseillère d'Etat vient, ne connaît pas ses dossiers, ne connaît pas le nombre d'établissements concordataires, ne sait pas de quoi elle nous parle ?! (Commentaires.) Ça, c'est un scandale ! (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, Monsieur le député, revenez à la motion !
M. Eric Stauffer. Mais, Monsieur le président, il n'y a pas deux poids et deux mesures dans ce parlement !
Le président. Revenez à la motion, s'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. Mais c'est vrai que Mme...
Le président. Et n'accusez pas les uns et les autres de propos qui ne sont pas vérifiés !
M. Eric Stauffer. Mme la députée socialiste Loly Bolay l'avait dit à la radio: «Il faut laisser le temps à Mme Rochat, elle fait son apprentissage.» C'est bien ce que vous aviez déclaré sur les ondes de Radio Cité un certain matin ! Effectivement ! Mais, en attendant, la sécurité ne se règle pas à Genève ! Alors oui, le MCG a eu des idées, oui... (Commentaires. Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît ! (Commentaires.) Monsieur Bavarel....
M. Eric Stauffer. Il y avait plusieurs clients pour la prison dans le Valais ?! Vous me faites rigoler ! (Commentaires.) Vous, vous voyez uniquement Genève ! Moi je suis en train de vous parler de sécurité au niveau de la Suisse romande ! (Exclamations. Brouhaha. Rires.) «Suisse» ! Vous savez, le passeport suisse qui nous relie tous ici aujourd'hui !
Le président. Monsieur Stauffer, adressez-vous à la présidence !
M. Eric Stauffer. Vous transmettrez, Monsieur le président: la sécurité doit être un enjeu romand ! Dans quel pays avons-nous, à 30 kilomètres de distance, trois prisons préventives et cinq établissements d'exécution de peine ? Il faut commencer à voir un peu plus loin en termes de sécurité sur la région ! Prison préventive dans le Valais: «Mon dieu ! On va devoir faire 80 kilomètres !» Dans quel pays - par exemple, aux Etats-Unis ou en France - ne fait-on pas 80 kilomètres pour aller de la prison préventive voir un juge d'instruction ou pour faire les enquêtes ? Il n'y a qu'en Suisse qu'on voit ça, où on fait de la multiplicité ! Regardez: à Genève, nous avons cinq établissements d'exécution de peine où il y a un maximum de 22 détenus. Et il y a 23 personnes qui travaillent là-bas - entre le directeur, les sous-directeurs, les comptables... Voilà comment on fait la sécurité à Genève ! Tout cela est à balayer, Mesdames et Messieurs ! On ne peut plus, aujourd'hui, se payer le luxe de faire des petites villas avec 23 détenus et 23 gardiens pour les surveiller ! Et c'est là où j'en veux à ce gouvernement, qui est incapable d'avoir une vision à moyen et à long terme - on ne parle même pas du court terme, ça n'existe pas dans son vocabulaire !
Alors je vous le dis, Mesdames et Messieurs, vous pouvez critiquer encore une fois les textes parlementaires du MCG, mais, en attendant, nous apportons des solutions ! (Commentaires.) Et cette motion donnait au moins le champ libre au Conseil d'Etat pour aller investiguer. Je vous demande de soutenir le texte MCG. (Remarque.)
Le président. On essaie de retrouver un tout petit peu de sérénité... Y compris sur les bancs du MCG. Je passe maintenant la parole à M. Jornot.
M. Olivier Jornot (L). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je suis heureux que le calme soit revenu pour pouvoir vous dire qu'en effet cette motion est absolument intolérable. Elle ne l'est pas seulement parce que son auteur en a obtenu le contenu à la faveur d'une violation du secret de fonction - même si je partage l'indignation de M. Bavarel à cet égard. Elle l'est surtout parce qu'elle manifeste une attitude, à l'égard des détenus eux-mêmes, qui est parfaitement inacceptable. Lorsque l'on lit, Mesdames et messieurs, que «l'air du Valais ne leur fera que du bien», je suppose que ce n'est pas par mépris envers les Valaisans, et je peux donc en déduire que c'est parce que le MCG considère la population carcérale comme un troupeau de bovins qu'on peut mener paître sur les alpages... (Commentaires.) ...c'est-à-dire d'une manière parfaitement irrespectueuse de la personne humaine. Rien que cela, Mesdames et Messieurs, fait qu'on n'a pas besoin d'aller plus loin... On n'aurait pas besoin d'aller plus loin dans l'étude de cette motion.
M. Stauffer, il y a un instant, a visiblement perdu ses moyens. Je me demandais d'ailleurs, Monsieur le président, si, dans les cas de ce genre, quand un député perd ses moyens et se met à injurier l'une ou l'autre personne - le règlement ne prévoyant pas la possibilité de faire appel à une assistance médicale - il ne serait pas nécessaire ou utile de faire appel à d'autres dispositions du règlement, permettant à ce parlement de délibérer tranquillement - j'aimerais que vous y pensiez à l'occasion.
M. Stauffer ne comprend strictement rien à la problématique carcérale. Strictement rien, parce qu'il confond totalement tout ce qui concerne les différents types d'exécution. Tout ce qui est préventive d'un côté, exécution de l'autre, établissements spécialisés - ceux où il y a une vingtaine de détenus - il ne connaît rien à tout ça. Et cela donne, du coup, ces espèces de textes dans lesquels on nous dit que, dans le fond, on peut envoyer les détenus à Martigny ou à Pétaouchnock, que ça n'a aucune importance, que, de toute façon, on a qu'à envoyer des juges d'instruction en train pour aller les interroger. C'est une méconnaissance du domaine carcéral qui est fascinante et qui fait que personne ne peut accorder la moindre once de crédibilité au discours du MCG sur la politique en la matière.
Pendant cette législature, Mesdames et Messieurs - pendant que M. Stauffer nous fera des crises du type de celle qu'il nous a faite il y a un instant - on va mettre à disposition 100 places pour la détention préventive à Champ-Dollon, 150 places pour l'exécution de peine par le biais de la Brenaz II, à peu près une centaine de place par le fait que les unités sanitaires vont être sorties de Champ-Dollon, respectivement l'établissement de sociothérapie de la Pâquerette déplacé dans Curabilis. Plus de 350 places de détention seront donc mises à disposition. Ça, c'est de la politique carcérale, ça, c'est de la mise sur pied de places de détention utiles... (Remarque.) ...pour emprisonner les détenus ! Tout le reste, c'est du vent, et c'est du vent mauvais. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Meissner, à qui il reste une minute.
Mme Christina Meissner (UDC). L'idée de trouver de la place ailleurs que dans la rue, pour la criminalité, est, au demeurant, bonne. Mais la prison est-elle encore à vendre ? Personne n'a posé cette question. Il y a des doutes, vu le foin qu'on a fait pour vendre la mèche à tous vents. Et c'est cela qui est regrettable. Parce que je crois que, là, il y avait peut-être de bonnes pistes. Il reste cependant quelques forteresses à vendre en montagne - l'air frais de la montagne, paraît-il, fait du bien. Il y en a un, effectivement, qui, assigné à résidence à la montagne, démontre ainsi qu'on peut purger sa peine ailleurs.
Le scandale, dans tout cela, c'est de ne pas avoir laissé, à un moment donné, l'Etat - qui était bien parti pour faire des négociations - faire son travail. Et là, on doit savoir parfois ne pas vendre la mèche. C'est la raison pour laquelle nous refuserons également cette motion.
Le président. Merci, madame la députée. La parole est à M. Poggia, à qui il reste quinze secondes.
M. Mauro Poggia (MCG). Merci, Monsieur le président. Je pense qu'au lieu de prendre des airs inspirés de premiers de classe, certains seraient bien inspirés de poser les problèmes et de trouver les solutions: nous avons plus de 600 personnes à la prison de Champ-Dollon, pour 270 places ! On nous dit: «Absurde, d'acheter la prison en Valais !» Mais si c'est si absurde, Monsieur Jornot, pourquoi votre représentante au Conseil d'Etat, Mme Rochat, l'avait-elle envisagé ? Pourquoi reproche-t-on à M. Stauffer...
Le président. Merci... (Le micro de M. Mauro Poggia est coupé.) Merci, Monsieur le député ! La parole est à M. Pétroz.
M. Pascal Pétroz (PDC). Au nom du groupe démocrate-chrétien, je vous informe de ce que nous refuserons cette motion, pour toute une série de raisons évoquées avec brio par Mme Bolay dont l'intervention était parfaite.
J'aimerais juste revenir sur trois points. Le premier concerne M. Lussi. Pour lui dire qu'en réalité, s'il s'agit, pour des étrangers, de ne pas purger leur peine, ça va rendre la Suisse extrêmement attractive pour les ressortissants d'autres pays. En effet, il suffira d'être étranger, de venir en Suisse, de commettre une infraction, et puis on n'ira même pas en prison - on est mis dans un avion et l'on retourne chez soi... Fantastique ! Alors si c'est comme ça que vous voulez lutter contre la criminalité, bravo ! Le but, c'est que - et le droit fédéral le prévoit expressément - quand on commet une infraction, on va en prison; et quand on a purgé sa peine, on sort de prison et on est mis dehors si l'on est étranger. Voilà, ce n'est pas plus compliqué que ça - première chose que je voulais dire... (Remarque.) ...à l'intention de l'UDC.
Autre chose, dont il n'a pas été fait beaucoup état dans le débat, c'est la troisième invite de cette motion: elle nous demande d'évaluer le coût du transfert des prévenus ou du déplacement de juges d'instruction à Martigny. Bon, on est déjà en train d'essayer de se débrouiller avec Justice 2011 pour caser les juges d'instruction où l'on peut... Alors s'il faut, en plus, après, les faire déplacer à Martigny, puis faire revenir des détenus en détention préventive - après sept jours en prison - pour qu'ils passent devant la Chambre d'accusation, franchement, ça va être du joli ! Il faudra bien m'expliquer comment on pourrait faire ça !
S'agissant de l'air de la montagne, je pense qu'on peut s'accorder sur le fait qu'une étude mérite d'être effectuée quant à l'exécution de peine, mais, s'agissant de détention préventive, je vous rappelle qu'on parle quand même de personnes qui n'ont pas été condamnées ! Cela arrive souvent - quoi que l'on puisse en dire - que l'on soit mis en détention préventive, pour être acquitté après; ce qui signifie qu'on a été mis en détention à tort. Donc, excusez-moi, Madame la préopinante de l'UDC, mais vouloir mettre des innocents dans des bunkers, parce que l'air de la montagne leur fait du bien, je trouve que c'est totalement hors de propos.
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Je crois qu'il est effectivement temps, bien au-delà de cette motion, de dire que la sanction, Mesdames et Messieurs, est venue d'elle-même. La sanction n'est pas venue par le rejet éventuel d'une telle motion; la sanction n'est pas venue par le fait que je n'ai même pas pu entrer en matière sur l'achat d'une prison - je n'ai même pas voulu entrer en matière, dans la mesure où il n'a jamais été question une seule fois d'acheter une prison en Valais ! Mes propos ont été non seulement déformés, galvaudés, mais l'objet n'était absolument pas d'acheter une prison.
Il se trouve que nous avons actuellement dix détenus en fin d'exécution de peine à la prison des Iles. Mesdames et Messieurs, la sanction, elle est venue de là. Il était prévu, par une convention, qu'une trentaine de nos détenus puissent être pris en charge par la prison des Iles; non seulement nous n'en avons pas trente, non seulement nous n'en avons que dix, mais la priorité est donnée maintenant au canton de Vaud. Si ce n'est pas une mesure de rétorsion, il faudra m'expliquer comment cela s'appelle.
L'enjeu n'est pas romand comme cela a été dit, il est national, Mesdames et Messieurs ! Il est international ! Cette problématique, sortons-la un peu de notre frontière étroite du canton, de la région. La problématique est internationale, elle ne peut pas se régler en quelques jours ni en quelques mois, vous le savez très bien.
«Gardons nos prisons pour nos résidents»... Les résidents de Champ-Dollon - pour ceux qui connaissent un tout petit peu cet établissement - c'est moins de 10% de la population actuellement dans cette prison. Cela, il faut également le savoir.
Je crois qu'il est temps, maintenant, sereinement, d'étudier toutes les possibilités. Chaque jour, l'office pénitentiaire est à la recherche de places: il n'y a pas un jour sans qu'une place dans une prison en Suisse ne soit prise par un autre détenu. Un travail fantastique est fait, tant par les gardiens - que je salue encore une fois - et par le directeur de la prison, que par l'office pénitentiaire qui s'assure d'un renouvellement au niveau national. Il n'y a pas une place de prison de libre à ce jour en Suisse, je peux vous le garantir !
Heureusement, malgré l'émotion, malgré ce tapage médiatique qui a été bien contraire à une action sereine et construite telle qu'elle était prévue, malgré cela, le travail se fait. Il se trouve que la situation est totalement inextricable, et il se trouve - comme cela a été rappelé par certain députés - que la planification est maintenant en train de se mettre en place. Les solutions existent ! Les solutions en termes d'accords de réadmission sont en train de se mettre en place, exactement en ce moment, entre le canton de Genève et la Confédération. Laissez-nous travailler tranquilles, c'est tout ce que nous demandons. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je vais faire voter cette proposition de motion.
Mise aux voix, la proposition de motion 1936 est rejetée par 68 non contre 13 oui.