Séance du jeudi 17 juin 2010 à 20h35
57e législature - 1re année - 9e session - 42e séance

M 1918
Proposition de motion de Mmes et M. Alberto Velasco, Françoise Schenk-Gottret, Lydia Schneider Hausser pour le droit de manifester contre les compromissions de notre canton avec le World Economic Forum

Débat

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Comme tout le monde le sait, le World Economic Forum se tient chaque année à Davos, réunissant des acteurs économiques prépondérants de la planète. L'entrée au club nécessite une cotisation annuelle allant de 40 000 F à beaucoup plus. Il faut bien évidemment un chiffre d'affaires de plusieurs milliards pour que ces gens puissent participer à cette réunion. Le Forum est une foire de lobbying du monde économique sur le monde géopolitique. Nous sommes passés de la colonisation à la consommation du monde et de ses habitants pauvres; de Bhopal à la «révolution verte», nous en sommes arrivés à breveter le vivant; de la plus grande catastrophe écologique humaine, nous passons à la destruction massive des terres, avec le suicide d'une multitude de paysans indiens; des élevages traditionnels ont été substitués par la production de bestiaux en usines. Tout cela pour que de nombreux investisseurs puissent s'enrichir sans rien faire.

Face aux rencontres de ce club select, de nombreux citoyens dont beaucoup de jeunes, qui rêvent à un monde qui pourrait être le leur en termes de valeurs, désirent manifester leur utopie et leurs souhaits sans le pouvoir. Effectivement, mercredi 21 janvier 2009, le Conseil d'Etat a interdit une manifestation devant avoir lieu samedi 31 janvier 2009. Un rassemblement s'est tout de même tenu, réunissant des personnes et des personnalités locales. (Brouhaha.) Il a été dispersé par la police à l'aide de moyens totalement disproportionnés. D'autres - certains députés, d'ailleurs, je ne les aperçois pas ce soir, mais je les ai vus lors de ce rassemblement - pourront témoigner, et ils n'étaient pas seulement des députés socialistes. (Remarque.) Non, soyez-en sûrs, c'était des députés d'en face, Messieurs ! (Brouhaha.)

Cette proposition de motion demande le droit inaliénable d'exprimer ses valeurs dans les espaces publics. Car il est tout de même étonnant que, lors de manifestations sportives, le comportement des forces de l'ordre soit aussi tolérant face à des débordements, parfois excessifs également, alors que d'autres manifestants, le plus souvent non violents, soient aussi violemment réprimés. Il est temps de revenir à un suivi équitable des manifestations publiques, et cela même si le contenu a une portée politique.

Notre canton - c'est l'autre invite - doit abandonner tout soutien au WEF, le World Economic Forum, et aux grandes entreprises qui n'ont aucun respect pour la biodiversité, qui détruisent les entreprises et emplois locaux ou la production agricole locale. Nous ne pouvons pas soutenir une fondation qui précarise, une fondation qui soutient même des entreprises qui surexploitent des millions de personnes à travers le monde pour permettre l'enrichissement...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée !

Mme Lydia Schneider Hausser. Oui ! ...l'enrichissement, que je qualifierai d'abusif, de quelques centaines d'individus sans scrupules.

En résumé, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste vous demande d'accepter le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat.

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts pensent que cette motion pose des problèmes de fond sur le droit de manifester, sur la liberté, sur nos droits fondamentaux. Or nous avons constaté que ce type d'objet, aujourd'hui, est étudié en commission judiciaire. Nous vous demandons simplement de lui renvoyer cette motion pour une plus ample étude, mais nous vous prions de rester, les uns et les autres, extrêmement attentifs à nos droits fondamentaux.

M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, c'est assez amusant. Nous avons renvoyé en commission une série de motions qui concernent les manifestations. Pourquoi ? Parce que ces manifestations, les autres, celles qui protestaient contre l'OMC, ont donné lieu à des débordements, à de la casse, à des dégâts, et ensuite à des interventions politiques.

Ici, c'est le contraire. Ici, une sage décision a été prise, par M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat socialiste. Il a pris une bonne décision, là: interdire cette manifestation. (Commentaires.) Pourquoi l'a-t-il prise, Mesdames et Messieurs ? Parce que tout annonçait une manifestation catastrophique: des appels à la violence, sur internet, par affichage, avec des affiches représentant des bâtiments qui brûlent, ni plus ni moins. Le Conseil d'Etat et en particulier M. Moutinot ont donc pris la bonne décision. Ils auraient dû prendre la même dans le cas des manifestations contre l'OMC. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé de durcir la loi sur les manifestations, de telle manière que l'on prenne davantage en compte le risque pour l'ordre public lorsque l'on procède à la pesée des intérêts qui doit présider à l'octroi d'une autorisation.

Ici, Mesdames et Messieurs, ont fait de la personnalisation - on en a parlé tout à l'heure - parce que certains dans cette salle n'aiment pas une organisation non gouvernementale. Je peux vous dire que, de notre côté, il y a un tas d'organisations non gouvernementales que nous n'aimons pas beaucoup, et nous n'en faisons pas toute une histoire. Je vous recommande, Mesdames et Messieurs, de rejeter cette proposition de motion.

Des voix. Bravo !

M. Pascal Spuhler (MCG). M. Jornot l'a dit, le Conseil d'Etat avait pris une bonne décision: interdire cette manifestation. Malgré ces recommandations, malgré les forces de l'ordre, les manifestants ont avancé, ont agressé le commissariat de la rue de Berne, les commerçants alentour et les habitants, évidemment.

On en a subi les conséquences. Vous n'imaginez pas ce que c'est d'être au milieu d'une manifestation sans le vouloir ! Eh bien, les commerçants ont subi ces conséquences. C'est inadmissible ! Si l'on veut manifester, on peut donner ce droit. Mais on ne peut pas accepter de manifestation dans la violence, de plus en le sachant ouvertement. Donc, je vous recommande de refuser cette motion.

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Pour les démocrates-chrétiens: manifester, d'accord; casser, pas d'accord ! C'est pourquoi nous refuserons cette motion.

M. Mauro Poggia (MCG). J'aimerais dire deux mots pour compléter ce que vient de dire mon collègue, M. Spuhler. Le MCG est évidemment attaché au droit de manifestation, et il n'est évidemment pas question que l'on puisse s'y opposer.

Par contre, nous avons soutenu d'autres motions qui, lorsqu'il s'agit de manifester contre des organisations internationales notamment - on a parlé tout à l'heure de l'OMC - visent précisément à que ces manifestations soient sous contrôle. On ne peut pas laisser l'Etat de Genève et sa population être pris en otage par des manifestations, qui sont certainement organisées par des personnes... (Remarque.) ...ayant l'intention d'exprimer des idées respectables - car, même si nous ne pouvons pas partager leurs idées, ces dernières ont le droit d'être exprimées - mais qui sont évidemment noyautées par des groupuscules violents, qui font de la casse. Donc, il faut contrôler ce type de manifestations.

Raison pour laquelle nous considérons que, si le droit de manifester doit être maintenu, il doit être sous contrôle. Et il n'y a pas de droit de défiler à travers la ville de Genève, car c'est précisément dans le cadre de ces défilés que des déprédations extrêmement importantes ont été commises par le passé.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur le renvoi de cette proposition de motion à la commission judiciaire et de la police.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1918 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 50 non contre 24 oui.

Mise aux voix, la proposition de motion 1918 est rejetée par 47 non contre 22 oui.