Séance du
jeudi 17 juin 2010 à
20h35
57e
législature -
1re
année -
9e
session -
42e
séance
PL 10448-B
Premier débat
M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. Tout le monde se rappelle que le débat a déjà été entamé, que la séance plénière d'il y a quelques semaines a renvoyé ce projet de loi en commission pour lui donner la possibilité d'avoir un caractère - comme le permet la législation cantonale - expérimental. La commission de l'économie a procédé à des auditions, et tant le monde patronal que le monde syndical ont rejeté cette possibilité de donner un caractère expérimental à cette loi. Du coup, l'auteur de l'amendement a retiré ce dernier avant le vote.
Revenons donc au débat. Harmoniser les heures de fermeture des magasins du lundi au vendredi à 20h et offrir la possibilité aux commerces d'ouvrir quatre dimanches par an, tels sont les objectifs du projet de loi. La nouvelle loi permettra aux commerçants genevois de lutter à armes un peu moins inégales avec les commerces français notamment. Elle donnera aussi la possibilité aux Genevois qui sont de plus en plus nombreux à travailler jusqu'à 19h de faire leurs courses. Un récent sondage indique que plus de 20% de la population active quitte actuellement son lieu de travail après la fermeture des magasins. Ces gens sont donc souvent condamnés à faire leurs achats le samedi. Le même sondage, réalisé auprès de plus de 400 Genevois, montre que les deux tiers voudraient de cette possibilité d'effectuer des achats souvent ou occasionnellement entre 19h et 20h. Ce chiffre s'envole à plus de 80% pour les 15-30 ans. L'ouverture prolongée des commerces permettra, comme c'est déjà le cas dans d'autres villes du pays, à Zurich par exemple, d'animer le tissu socioculturel et de concurrencer la France et la fermeture de ses magasins à 21h.
Le projet de loi, dans le cadre défini par la législation fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce, prévoit la possibilité d'ouvrir les magasins quatre dimanches par année. Le projet de loi qui nous est soumis ce soir prévoit deux dimanches avant Noël, le 31 décembre, qui à Genève est assimilé à un dimanche, et un dimanche durant les Fêtes de Genève. Il faut savoir - c'est important - que Genève, en décembre 2009, était le seul canton à ne pas proposer l'ouverture des magasins au moins un dimanche avant les fêtes de fin d'année.
Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, la majorité de la commission de l'économie recommande d'accepter ce projet de loi, qui non seulement renforce le dynamisme commercial, mais encore favorise l'emploi. C'est une véritable chance pour Genève.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi, pour le personnel de la vente à Genève, c'est travailler plus pour gagner moins. Avec ce principe, il est évidemment fort difficile d'accepter une loi qui ne fait que prétendre des choses entièrement fausses. M. Jeannerat les a évoquées. La première chose est de dire que cette loi permettrait de concurrencer les commerces français. C'est totalement inexact, parce que les commerces français, essentiellement, profitent des prix en France voisine, notamment du taux de change de l'euro, qui peut être comme aujourd'hui extrêmement favorable aux achats en France, ou moins favorable en certaines périodes. Donc, la principale motivation des achats en France voisine n'est pas une question d'horaires, mais une question de prix. On aurait pu le prouver si on avait laissé un peu plus de temps à la commission de l'économie; en fait, il aurait fallu étendre un mandat confié au Laboratoire d'économie appliquée de l'Université de Genève, qui a procédé à une étude, mais qui n'a pas pu la faire en France voisine. Cela, on le sait depuis longtemps.
L'autre mensonge de ce projet de loi consiste à dire qu'il permet d'harmoniser les horaires. Parce que la loi autorise déjà certaines choses... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...notamment la nocturne jusqu'à 21h et l'ouverture du vendredi jusqu'à 19h30, et que, en réalité, les commerces n'appliquent pas ces possibilités. Il y a donc une harmonisation théorique ! En réalité, elle n'existera pas, parce que - j'attends que vous le répétiez, Monsieur Jeannerat - il n'y aura pour les commerces aucune obligation d'ouvrir jusqu'à une heure donnée ou une autre heure. En réalité, on établit une harmonisation théorique qui restera aussi cacophonique qu'aujourd'hui ! L'exemple le plus flagrant est donné par la Migros ou la Coop qui, avec leurs nombreux commerces, ne sont pas capables d'avoir les mêmes horaires d'un lieu à l'autre - en même temps, c'est logique: personne ne va dans ces magasins pendant ces nocturnes, donc on ne va pas les ouvrir pour rien. Par conséquent, l'harmonisation est une théorie qui n'est pas du tout réalisée par ce projet de loi.
L'autre chose qui avait été mentionnée - et vous passez comme chat sur braise sur cette évocation très lyrique à l'époque - est l'animation du centre-ville. On sait très bien que l'hypothèse de l'animation du centre-ville est totalement utopique avec ce genre de mesure... En effet, les petits commerçants - et ils sont nombreux à l'avoir exprimé - ne sont pas favorables à travailler plus longtemps en soirée, parce qu'ils ont une clientèle d'habitués. Pour eux, travailler plus longtemps signifie des complications au niveau du personnel, des collaborateurs, voire de leur propre vie personnelle, puisque les petits commerçants sont souvent seuls ou en famille à exercer leurs activités. Rien que pour cette raison, on sait très bien que les uniques bénéficiaires de cette mesure sont les centres commerciaux qui se trouvent en périphérie, car eux peuvent réaliser des économies d'échelle, pressurer un peu plus les collaborateurs de la vente et, bien entendu, faire des économies d'échelle sur le dos du personnel, ce que ne peuvent pas, en général, les petits commerçants.
Par ailleurs, est-ce que cela crée des emplois ? C'est là aussi un mensonge de plus. Il est certes évoqué de la part du «Trade Club», c'est-à-dire les représentants des grandes surfaces, que 200 emplois d'étudiants pourraient être créés avec ce genre de mesures. Or on sait très bien ce qui se passe: les emplois créés dans les grandes surfaces sont destructeurs d'emplois chez les petits commerçants. C'est la conséquence directe de ce problème d'économie d'échelle. Les petits commerçants se retrouvent contraints à travailler davantage sans garantie de chiffre d'affaires supplémentaire et sans même réelle nécessité, si ce n'est qu'il y a la question d'occuper le marché, et que, si les grandes surfaces ouvrent, cela exerce une pression supplémentaire sur les petits commerçants s'ils n'ouvrent pas. Ainsi, pour chaque emploi créé dans les grandes surfaces - les études le montrent - on va détruire entre 3 à 5 emplois chez les petits commerçants. L'animation du centre-ville sera de nouveau péjorée, puisqu'on aura des grandes surfaces ouvertes à l'extérieur et encore moins de petits commerçants au centre-ville !
Fondamentalement, ce projet de loi pose la question de son utilité globale. Le pouvoir d'achat des Genevoises et des Genevois est-il augmenté parce qu'ils consommeraient davantage ou plus tard le soir ? En réalité, non. En réalité, ce projet de loi permet de détendre les heures de consommation, peut-être de différer certaines consommations de la journée en soirée; au fond, vous n'avez pas plus d'argent parce que les magasins sont ouverts plus tard le soir. Rien que pour cette raison, il est illusoire de penser que cela aura le moindre effet sur la relance économique.
De plus, il faut penser au personnel qui travaille dans le secteur de la vente. La situation est aujourd'hui particulièrement dramatique, dans la mesure où une convention collective étendue existe certes à Genève, mais qu'elle connaît de grands problèmes dans son application et arrive à échéance en fin d'année. Actuellement, on voit ce qui se passe: souvent, le personnel de la vente travaille à temps partiel et est mobilisé sur l'ensemble des heures d'ouverture hebdomadaires, soit une soixantaine d'heures par semaine; même en travaillant à temps partiel, il doit être disponible à n'importe quel moment pour venir effectuer des heures. Et vous savez très bien ce qui se passe avec le personnel dans ce secteur: il est soumis à une forte concurrence sur le marché de l'emploi, et il est extrêmement facile d'exercer un chantage à la moindre occasion pour obliger à accepter des conditions totalement scandaleuses, qui s'apparentent même à une forme d'esclavagisme moderne, et que nous ne pouvons pas accepter.
Fondamentalement, ce projet de loi ne va que précariser les employés du secteur de la vente et accentuer la pression sur les petits commerçants. D'ailleurs, je m'étonne que les associations de petits commerçants, à l'exception notable...
Le président. Il vous faut conclure !
M. Roger Deneys. ...des entrepreneurs progressistes, soutiennent un projet de loi aussi suicidaire pour le petit commerce. C'est pourquoi je vous invite à refuser ce projet de loi, qui n'amène rien et qui va à l'encontre de toutes les habitudes en la matière en Suisse.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ce sujet a provoqué beaucoup de débat à l'interne du MCG pour savoir s'il fallait favoriser le commerce ou, finalement, le péjorer, et je m'en explique.
Si cette loi passe, les seuls commerces qui ouvriront le soir sont effectivement les grandes surfaces. Les plus petits commerces de vente au détail, dans n'importe quel domaine, vont devoir engager plus d'employés. Et nous ne sommes pas convaincus, à l'heure où l'on se parle, qu'ils auront beaucoup plus de chiffre d'affaires. Cela signifie qu'ils vont augmenter leurs charges. Finalement, cela se ressentira sur les salaires déjà bien bas des employés du secteur de la vente.
Actuellement, nous n'avons pas toutes les garanties que les résidents genevois qui vont travailler le soir soient bel et bien rémunérés à la juste valeur de cette profession. Nous savons que l'aspect du salaire est accessoire pour certains partis de l'Entente et qu'ils sont, par nature, contre les conventions collectives. Pour rafraîchir la mémoire qui ferait défaut à certains députés de l'Entente, il n'y a qu'à voir ce qui se passe à l'Aéroport de Genève... En fin de compte, c'est toute un partie de la population qui pourrait se voir être privée de certains revenus ou travailler dans des conditions qui ne seraient peut-être pas acceptables.
Je vous le dis, nous nous penchons, en commission des affaires sociales, sur ce que l'on appelle les workingpoors, ceux qui travaillent et qui, malheureusement, n'arrivent pas à boucler leur budget; ce sont des familles qui travaillent à 100% et qui ne gagnent pas assez pour vivre à Genève. Finalement, c'est tout un débat de société que nous sommes en train d'aborder ce soir. Faut-il, oui ou non, étendre les heures d'ouverture des magasins la nuit ? Y aura-t-il vraiment plus de chiffre d'affaires ? Les gens cesseront-ils d'aller acheter en France, alors que l'euro est parti dans des précipices records, ce qui redonne un attrait aux commerces de l'autre côté de la frontière ? Toutes ces questions, comme je vous l'ai dit en préambule, ont provoqué beaucoup de débats à l'interne du MCG.
Le résultat est que, à la base, nous voulons nous opposer à ce projet de loi. Mais ! Mais nous allons peut-être vous proposer un amendement et nous déciderons, après le vote de ce dernier, quelle sera la position finale du MCG; peut-être même laisserons-nous la liberté de vote, puisque, au sein du groupe MCG, le débat a partagé. L'amendement que nous vous proposerons est de faire un essai sur trois ans. (Commentaires.) Si cet amendement venait à être refusé, eh bien je vous le dis, il serait possible que le groupe MCG s'oppose à la loi. Et si le groupe MCG s'y oppose, je pense qu'elle ne passera pas ce soir. Alors, c'est une responsabilité commune ! Mais, aujourd'hui, nous n'avons pas toutes les garanties requises par rapport à la qualité de vie des gens qui vont travailler dans ces commerces.
Je terminerai ici cette première intervention. Nous reviendrons sur le sujet lors du débat relatif aux amendements, nous prendrons notre décision sur le siège, après vous avoir écouté. Nous attendons de voir quelle va être la position du nouveau PLR - les députés seront-ils unis en faveur de cette ouverture nocturne permanente ? - et, surtout, ce qu'ils pourront, de même que notre ministre de l'économie, nous apporter comme garanties par rapport aux conditions salariales. En effet, continuer à niveler la population genevoise, puis la renflouer par les actions sociales et le DSE car les gens travaillant à 100% n'arrivent plus à subvenir aux besoins de leurs familles, ce n'est pas exactement le modèle de société que veut défendre le groupe du Mouvement Citoyens Genevois.
Alors nous attendrons avec impatience l'intervention de M. Unger concernant ces garanties, et nous verrons si le groupe MCG reste divisé sur cette question ou s'il prend position sur le non ou sur le oui. Mais, avec 17 députés, je pense que, ce soir, nous serons sûrement les arbitres de ce projet de loi.
Mme Christina Meissner (UDC). En ce qui concerne ce projet de loi, il est vrai que nous avons eu l'occasion de pouvoir en débattre à nouveau en commission, vu la proposition de loi expérimentale que le département nous faisait. Bien que cette proposition ait été refusée par l'ensemble des partenaires - dieu sait s'il y a eu des auditions, du côté tant des syndicats que du patronat, et tous ayant trouvé que ce n'était pas une bonne idée, il paraissait donc assez logique que nous-mêmes n'acceptions pas non plus cette proposition - le retour en commission a quand même eu un effet extrêmement positif. Cela a permis aux nouveaux députés dont je fais partie de prendre véritablement connaissance de ce dossier complexe. Même si, fondamentalement, ouvrir une heure de plus les magasins durant la semaine ne nous paraissait pas énorme, d'un autre côté, le retour en commission nous a permis d'entendre les partenaires, qui, au même moment, étaient aussi en pleines négociations.
Il est vrai que, lors des travaux de la commission, j'ai été parmi celles qui trouvaient important de permettre aux négociations d'avoir lieu, de laisser le temps aux partenaires - qui sont les principaux intéressés - de pouvoir trouver une entente, ensemble. Une entente qui paraissait même bien partie, puisque 19h30 était une proposition totalement envisageable, tant du côté du patronat que de celui des syndicats, pour autant qu'on laisse à cette négociation le temps d'avoir lieu. C'était au mois de mars. Effectivement, la proposition de gel n'a pas été reconnue ni acceptée par la commission, et la loi a été votée et acceptée. Mais c'était il y a trois mois ! Et, en trois mois, alors que les négociations avaient déjà commencé, il y avait la possibilité, véritablement, de leur laisser la place, de sorte que les partenaires puissent s'entendre sur un projet. Malheureusement, cette négociation a échoué. Les trois mois sont écoulés et, aujourd'hui, nous sommes là, au parlement, à devoir nous prononcer sur cette loi. Je suis personnellement assez désolée de constater que, malgré les pas qui ont été faits de part et d'autre par les partenaires sociaux - parce que ce sont tout de même eux qui sont les plus importants, que l'on doit écouter et qui sont les principaux intéressés - cette négociation a échoué !
Le résultat est que la fermeture, si on la laisse aujourd'hui telle qu'elle est, va continuer à être complètement disparate, avec des jours à 19h, d'autres à 19h30, à 18h... Cette situation est extrêmement confuse pour les consommateurs. Et même si, je le rappelle, il appartient encore aux entrepreneurs et aux propriétaires de choisir à quel moment et jusqu'à quand ils veulent ouvrir les magasins, on en est là aujourd'hui, avec une situation disparate.
Cette loi qui est proposée permet de clarifier la situation, en tout cas au niveau légal, pour l'ensemble des consommateurs que nous sommes tous, ce qui serait vraiment bienvenu. Nous étions même prêts en commission, si les partenaires sociaux s'entendaient, à dire 19h30 plutôt que 20h. Ce n'était pas le problème. En fait, nous souhaitions véritablement qu'il y ait une entente; elle n'a pas eu lieu. Alors voilà, nous avons voté cette loi - l'UDC y est totalement favorable - en espérant qu'effectivement, à un moment donné, nous puissions clarifier les choses pour le bien des consommateurs.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Pour les Verts, les choses étaient assez claires il y a trois mois, cette loi ne résolvait aucun problème et ne proposait pas de solutions non plus. Je veux dire que l'ouverture des magasins jusqu'à 20h, tous les jours de la semaine, n'était qu'un début à une déréglementation totale. Donc non, nous ne sommes pas en faveur d'une société où tout est possible tout le temps... (Commentaires.) ...nous sommes pour que la vie de famille puisse se faire en ayant des jours de congé réguliers. Alors non !
Je vous rappelle juste les points suivants en vous lisant les résultats de l'étude de M. Pini, qui n'est pas inconnu ni quelqu'un de pas reconnu dans la république. Il indique ceci à la page 26 du rapport PL 10448-B: «Dans les faits, les études à l'étranger ont mis en évidence des gains limités», en parlant de l'ouverture élargie des magasins. Puis: «Les effets sur l'emploi sont généralement modestes.» A la page 30, il écrit: «L'élargissement des heures d'ouverture pourrait modifier le lieu de consommation mais ne modifierait que peu les montants dépensés.» Et à la page 32, il conclut ceci: «L'élargissement des heures d'ouverture des commerces avantagerait le centre-ville en tant que destination d'achat par les possibilités de flânerie qu'il offre et sa proximité avec les lieux de travail et de loisirs.» Cela signifie que, si l'ouverture vaut pour tout le monde, dans la réalité on fait une discrimination entre les lieux de centre-ville ou les centres commerciaux, dont a parlé M. Deneys, et les autres, qui seront de toute façon les dindons de la farce. Il n'en est simplement pas question !
Ce que nous voulons, ce sont effectivement des emplois. Ce que nous voulons, c'est que les gens puissent acheter ce dont ils ont besoin pour leur consommation régulière. Mais il y a des choses qui... Le socioculturel dont parle M. Jeannerat ne consiste pas, pour les Verts, en la consommation à tout prix !
Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la question qui nous est soumise est une question de valeurs et de projet de société. Nous assumerons ainsi aujourd'hui vouloir défendre pleinement une vision de notre société qui affirme l'importance d'un équilibre entre vie privée et vie professionnelle, qui ne sacrifie pas un certain nombre de valeurs sur l'autel de la consommation et qui préserve la vitalité d'un commerce de proximité, créatif et diversifié.
Les années 80 nous ont porté, jusqu'ici encore, sous la bannière d'un individualisme marqué et, au nom d'une liberté individuelle glorifiée, vers un modèle de société où la consommation et une forme de confort personnel apparent sont les guides de notre organisation collective. Ouvrir les magasins jusqu'à 20h durant la semaine et jusqu'à 19h le samedi en est une des expressions. Mais à quel prix ? Finalement, pour quel bien-être individuel - si tant est que cela reste notre seul souci - et pour quelles conséquences sociales, familiales et collectives ?
Le milieu de la vente est un milieu féminisé. Il représente aussi des dizaines de milliers d'emplois et, donc, une part non négligeable de la population. Que penser dès lors d'une vie privée et d'une organisation familiale dans laquelle une femme devrait ne rentrer, plusieurs fois par semaine, qu'après 20h ? (Brouhaha.)
Nous n'avons pas encore renversé nos modèles de fonctionnement et, jusqu'à preuve du contraire, la femme reste un élément de référence dans le déroulement de la vie familiale et dans l'éducation des enfants. (Brouhaha.) Il est difficile de parler dans ce brouhaha... Je reprends. La femme absente, ce serait certes une occasion de faire place aux hommes, pour autant qu'elle ne soit pas seule cheffe de famille ! Mais que dire alors de cet espace ténu qui resterait à cette vie privée, dans laquelle nous puisons des ressources, nous forgeons des identités, nous construisons nos modèles de parents, de couple, de femme et d'homme ?
A ceux qui défendent la famille, à ceux qui affirment vouloir mettre la personne au centre de leurs préoccupations, à ceux qui crient au loup lorsqu'on parle d'éducation, les socialistes aimeraient dire que si le travail est intégrateur, s'il est un élément constitutif de notre société, s'il peut construire, il n'est pas tout; et surtout, il n'est plus rien quand il devient asservissement, contrainte, quand il envahit l'espace vital jusqu'à ne rimer plus qu'avec métro et dodo. (Brouhaha.)
L'élargissement des heures d'ouverture des magasins devrait contribuer à revitaliser le centre-ville Il devrait empêcher un exode vers les commerces de l'autre côté de la frontière Il pousserait les petits commerçants à se réinventer et à nous inventer, pourquoi pas, de nouvelles formes de consommation comme un enviable distributeur à spaghettis
L'ensemble des études existantes, les acteurs eux-mêmes, nous ont montré deux choses. Premièrement, l'extension des heures d'ouverture profite essentiellement au secteur alimentaire. Deuxièmement, ce sont les grandes surfaces et les centres commerciaux genevois hors du centre-ville qui en profitent.
Une heure de moins, chers collègues, vous fera-t-elle vraiment courir de l'autre côté de la frontière pour acheter, un mardi soir, une nouvelle paire de chaussures ?
Les socialistes sont attachés à une vision de la ville plurielle, humaine et créative, une ville qui soit attractive parce qu'elle se distingue d'une autre ville, parce qu'elle offre autre chose qu'un alignement de chaînes, de marques et de franchisés. Pour ce faire, nos artisans, nos commerçants indépendants et leur personnel ont besoin de conditions-cadres qui les mettent sur un pied d'égalité avec les grands commerces.
Il est difficile de régater avec des horaires qui dépassent la durée d'une journée de travail à taille, disons, «humaine». Et peut-être que ce commerce n'est pas prêt à prendre la loi sur le travail au pied de la lettre et de produire des journées de travail de 14h. Mais est-ce cela que nous voulons ? Le voudrions pour nous ? Sommes-nous désireux de lancer de nouveaux défis sociaux ?
Du dialogue entre les partenaires sociaux, nous avons attendu, peut-être à tort, un modèle partagé par les parties. L'exercice en valait la chandelle: un espace de test des représentations dans lequel ce sont exprimées les visions. Celle qui en ressort n'a pas permis de penser que l'extension des horaires serait créatrice d'emplois. Elle a plutôt confirmé l'image d'une semaine durant laquelle les journées des vendeuses et des vendeurs s'étendraient effectivement jusqu'à la limite de la loi.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ne souhaitent souscrire ni à cette vison du travail, ni à cette vision de la ville, et pas plus à ce projet de société qui tend à prendre appui sur les mêmes pour servir les autres. En conséquence, nous vous invitons à rejeter ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Le Bureau décide de clore la liste. Sont encore inscrits: Mme et MM. Jornot, Cuendet, Forte, Hohl, Rolle et Dandrès. La parole est à M. Jornot.
M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, revenons, si vous le voulez bien, à l'essentiel de ce projet de loi d'une extrême modestie. On n'y parle que de changer quelques heures de fermeture maximales des magasins, de les harmoniser, de telle manière que l'on n'ait plus le désordre actuel qui fait que les consommateurs ne s'y retrouvent plus. Cette harmonisation passe aussi par une réduction d'horaire pour le jeudi et sa nocturne, supprimée. Ce projet concrétise de plus ce que le parlement fédéral et le peuple ont voulu, à savoir la possibilité d'ouvrir un certain nombre de dimanches par année.
Nous sommes en réalité extrêmement limités dans la marge de manoeuvre qui est la nôtre, puisque - vous le savez très bien, on l'a dit en commission, plusieurs d'entre vous y étaient - un projet de loi sur les heures d'ouverture des magasins ne peut pas poursuivre un but de protection des travailleurs. On ne peut pas ! La répartition des compétences entre la Confédération et les cantons ne le permet pas. Un projet de loi de ce genre ne permet qu'une seule chose: empêcher que les magasins, par exemple, soient ouverts à des heures qui gêneraient le voisinage ou provoqueraient une circulation excessive, ou encore pour des raisons, autrefois sans doute, liées à la morale, selon laquelle on considère que dépenser est effectivement contraire aux bonnes moeurs.
Mais protéger les travailleurs, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas avec un projet de loi de ce type qu'on le fait, mais par le biais de la législation, la loi fédérale sur le travail, et par le biais de conventions collectives. Or à Genève, n'en déplaise à M. Stauffer par rapport à ses propos de tout à l'heure, nous sommes le seul canton de Suisse qui a une convention collective cadre dans le domaine de la vente, qui limite les heures de travail hebdomadaire. Notre canton est très en avance dans ce domaine, avec un grand nombre de conventions spécifiques pour différents domaines de la vente, conventions auxquelles nous sommes, nous à droite, tout à fait attachés, parce qu'elles permettent précisément, dans le partenariat social, d'améliorer les conditions de travail sans avoir un interventionnisme étatique qui nous dit comment il faut faire.
Nous avons, lors de la dernière session du Grand Conseil qui a traité ce projet de loi, décidé de le renvoyer en commission pour débattre de cette fameuse clause expérimentale. Et nous avons dû le constater: personne n'en voulait, parce qu'il est difficile d'expérimenter sur la base de critères objectifs les progrès d'un tel projet, mais aussi parce que les syndicats nous ont clairement expliqué qu'ils ne voulaient pas que leurs membres soient des cobayes qui fassent l'objet d'une expérience.
Nous avons néanmoins - Mme Meissner l'a rappelé tout à l'heure - donné le temps aux partenaires sociaux de travailler, de négocier, de poursuivre des discussions, qui ont abouti à des résultats absolument exceptionnels. Mesdames et Messieurs les députés, si les syndicats n'avaient pas rejeté, ces dernières heures, le résultat des négociations, nous aurions une amélioration - notable ! - des conditions de travail dans le domaine de la vente. Nous aurions des mesures qui protégeraient contre les risques liés à l'extension de l'horaire, ainsi que d'autres mesures, telles que l'amélioration des minima salariaux. Mais non ! Il a fallu que 70 personnes réunies dans une cabine téléphonique décident que tout cela ne valait rien et qu'elles imposent leur volonté aux 20 000 travailleuses et travailleurs du domaine de la vente ! (Huées à la tribune. Applaudissements.) Ce sont 70 personnes qui imposent leur volonté à 20 000 travailleuses et travailleurs, et qui empêchent l'amélioration des conditions prévues par la convention collective.
Alors aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, que faut-il faire ? S'agit-il, comme on l'a dit ici où là, d'un débat de société ? Non ! Ce n'est pas un débat de société; c'est un débat sur les heures d'ouverture des magasins. Bien sûr, on peut avoir des visions différentes de cela. On peut avoir la vision de M. Deneys, qui rêve sans doute d'un magasin de la banlieue de Varsovie dans les années 50, qui est ouvert entre une heure et une heure et demie par jour, où l'on met vite quelques boîtes de conserve sur un étal vide et où les gens sont priés de faire la queue avant d'entrer ! On a peut-être cette vision ! Mais nous, nous avons une autre vision, une vision dynamique, centrée autour des besoins des consommateurs et autour de la protection légitime des employés appelés à travailler dans ce secteur.
Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, nous avons un secteur bien protégé par des conventions collectives et mal réglé par une loi obsolète, qui introduit un régime qui ne convient à personne. Ce régime, il faut le faire évoluer ! Dans l'intérêt des Genevois, dans l'intérêt des travailleurs de ce secteur, je vous invite à voter oui à ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. (Manifestation à la tribune.) Je rappelle aux personnes présentes à la tribune que l'on ne peut pas procéder à des manifestations... (Remarque.) ...ni applaudir, ni commenter ! La parole est à M. Cuendet.
M. Edouard Cuendet (L). Monsieur le président, je vous remercie de cette intervention. Il est effectivement interdit de manifester, et une interruption de ce genre n'est pas tolérable.
Premièrement, je me permettrai de répondre à certains arguments qui ont été avancés parmi les bancs d'en face. En commission, la gauche n'a eu de cesse d'essayer de diviser les commerçants, de monter les petits commerçants contre les plus gros commerçants et la grande distribution. Eh bien cela a été un échec retentissant, puisque, en fin de compte, les commerçants ont présenté un front uni et ont unanimement soutenu le projet de loi qui vous est présenté ce soir ! Donc, il est faux d'affirmer que les petits commerçants sont contre ce projet.
A ce sujet, mon collègue Jornot a tout à fait raison de dire que le rapporteur de minorité est en faveur d'une consommation minimum, puisqu'il l'a clairement exprimé en commission: il est contre le consumérisme, il a écrit des articles de journaux à ce sujet. Il est pour diminuer la consommation au maximum, c'est-à-dire la réduire au minimum. Je crois que les commerçants genevois apprécieront cette attitude, en période de crise, alors que beaucoup d'entre eux sont en train de lutter pour survivre ! Comment le parti socialiste peut-il ensuite dire qu'il lutte en faveur des petits commerçants ? C'est entièrement faux.
Par ailleurs, certains, notamment Mme Schneider-Bidaux, ont fait référence à une étude de l'Université de Genève, commanditée par l'Etat. On peut dire que les deniers publics ont été mieux dépensés que dans cette étude plus qu'approximative... En effet, le Laboratoire d'économie appliquée a limité son analyse à 34 commerces du centre-ville, ce qui n'est absolument pas représentatif. En revanche, il ne s'est pas du tout penché sur la problématique des achats transfrontaliers en France, ce qui est un comble, et n'a, en plus, pas étudié les situations existant dans les autres cantons suisses, ce qui est une grave lacune ! Enfin, il a porté toute son attention sur des enquêtes menées à l'étranger, notamment dans l'Etat du Nouveau-Brunswick au Canada, dont la similitude avec l'Etat de Genève est absolument nulle ! Donc cette étude a une pertinence toute relative.
Durant les lentes tergiversations qui ont eu lieu en commission de l'économie, on a systématiquement mis de côté les besoins des clients. On a surtout parlé de la protection sociale, qui, comme l'a dit mon collègue Jornot, n'a rien à faire dans ce débat du Grand Conseil et qui est une question de partenariat social.
Lors de ces auditions, nous avons eu une présentation préhistorique d'une représentant du GEIP, le Groupement des entrepreneurs indépendants et progressistes - je souligne «progressistes» - qui a exprimé sa grande nostalgie pour l'époque où les femmes ne travaillaient pas, faisaient en tant que bonnes ménagères les courses durant la journée et n'avaient par conséquent pas besoin d'horaires étendus le soir. Et il a prononcé un vibrant discours pour un protectionnisme forcené. J'ai donc été surpris que M. Deneys, rapporteur de minorité, fasse grand cas de cette audition et cite les gens du GEIP comme exemple. Mais j'ai compris par la suite: il est président de ces commerçants progressistes qui sont pour les femmes au foyer et les femmes qui ne travaillent pas.
Une voix. Merci Landru !
M. Edouard Cuendet. Je préciserai que M. Deneys n'a pas eu la décence de faire part de ce lien d'intérêt avant l'audition. Il ne l'a indiqué que dans son rapport de minorité, ce qui est absolument lamentable.
En revanche, M. Deneys ne fait absolument pas cas, dans son rapport de minorité, de l'audition de la représentante de la Fédération romande des consommateurs, que l'on ne peut en aucun cas qualifier de «pro-patronat». Evidemment qu'il n'a pas cité cette déclaration, parce qu'elle le mettrait dans un embarras très profond. En effet, cette représentante de la Fédération des consommateurs qui, elle, défend vraiment les intérêts des consommateurs et des clients des commerces, se réfère aux comparaisons avec les autres villes de Suisse, qui ont déjà adopté, pour la plupart d'entre elles, des horaires du type de ceux que l'on vous propose aujourd'hui.
Je crois qu'il est nécessaire de citer cette personne. A la page 17 du PL 10448-A, elle «confirme que les consommateurs sont généralement satisfaits dans ces différentes villes. Elle précise que les principales préoccupations des consommateurs sont liées à une recherche d'une plus grande facilité d'achat, d'une plus grande qualité des produits, bien entendu à des prix les plus avantageux. On peut supposer que l'ouverture jusqu'à 20 h aura probablement pour effet de ramener les consommateurs "de ces heures" vers Genève.» C'est exactement ce que ce projet de loi recherche en pratique. De plus, concernant la paix sociale, elle déclare à la page 16 du PL 10448-A : «En matière de protection sociale, les conventions collectives sont probablement parmi les plus favorables, par conséquent l'inquiétude ne semble pas véritablement de mise.» CQFD ! Je vous remercie de soutenir ce projet.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Fabiano Forte (PDC). Le débat de ce soir est très intéressant à plusieurs titres. Les uns et les autres brandissent des chiffres, des études. C'était là tout le but du projet de loi expérimentale qui avait été proposé par le conseiller d'Etat Pierre-François Unger: vérifier quelle est la bonne étude ! Il suffit de se lancer à la figure des chiffres qui ne veulent rien dire.
Nous voterons ce projet de loi. Vous le savez, pour le parti démocrate-chrétien, cela a toujours été un sujet très discuté. Mais, ce soir, nous allons soutenir avec conviction ce projet de loi, car nous sommes convaincus qu'il y a nécessité, aujourd'hui à Genève, d'améliorer les conditions de vie des consommatrices et des consommateurs, qui sont aussi, Madame Serdaly, des familles qui travaillent - papa et maman - des familles qui ont besoin de pouvoir faire leurs achats pour leurs enfants et leur foyer. Alors oui, c'est un débat de société. Mais, à un moment donné, il faut faire des choix !
C'est un débat de société auquel le groupe MCG a participé, puisque la commission de l'économie est actuellement présidée par un représentant du MCG et que les travaux sur ce projet de loi, en commission de l'économie, ont été présidés par un représentant du MCG. Je tiens quand même à souligner que le groupe MCG a apporté son soutien. J'insiste: les deux représentants du MCG ont effectivement soutenu ce projet de loi sur toute la ligne. Or vous aviez, sauf erreur de ma part, en son temps, rejeté l'idée même du projet de loi expérimentale. Alors permettez-moi de m'étonner de votre proposition d'amendement, ce soir. Donc je pense que, à un moment... (Remarque de M. Eric Stauffer.) Mais Monsieur Stauffer, vos chantages, vous vous les gardez ! Je dis simplement la vérité sur ce qui se passe en commission. Vous aimez bien révéler des choses, je le fais aussi.
A un moment donné, nous avions l'espoir de trouver un compris sur l'horaire à 19h30, mais la majorité de la commission ne s'est pas laissé prendre à ce jeu-là, puisque, lorsque nous avons commencé à aligner les horaires que nous connaissons aujourd'hui et les horaires proposés, à 19h30, il n'y avait aucune évolution. Evolution en termes d'heures d'ouverture: zéro minute supplémentaire.
Donc, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à suivre la majorité de la commission, qui souhaite relancer l'économie et la consommation, mais aussi l'animation d'un centre-ville qui se meurt et une certaine sécurisation de nos rues. En effet, plus nos rues seront occupées par nos concitoyennes et concitoyens, moins nous aurons à nous plaindre ici des voleurs et des dealers. (Applaudissements.)
M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, le groupe radical tient à remercier le rapporteur de majorité pour son excellent rapport, que nous allons bien évidemment soutenir. Et il est radical ! Aujourd'hui, nous ne parlons pas, Mesdames et Messieurs, de nocturnes. Il ne s'agit pas de fermer les magasins à 22h ou 23h. On parle d'une harmonisation, quelque chose de clair en termes de marketing. En effet, 19h30, ce n'est pas clair, 20h l'est tout à fait. On comprend. Du lundi au vendredi: 20h; le samedi: 19h. Voilà un message clair. De plus, l'harmonisation avec la région est très importante. On vit dans une région ! Le canton de Vaud, la France voisine, Genève... La région ! Pour les Suisses et pour les touristes, il est important d'avoir une harmonisation régionale.
Ensuite, en termes d'animation et d'offre, avoir des magasins ouverts est un plus pour Genève. On l'a rappelé dans moult interventions, les petits commerces et les grands commerces peuvent choisir ! Ce n'est pas une obligation; ils ne sont pas obligés d'ouvrir jusqu'à 20h. Et les employés également peuvent choisir ! Mesdames et Messieurs, les syndicats ont posé la question aux 20 000 employés. Donc il y a eu une réunion mardi; sur 20 000 employés, il y en avait 80, qui ont dit non. Voilà ! Mais cela représente-il la majorité des employés ? Sur 20 000 ? Je ne crois pas.
Par ailleurs, Mesdames et Messieurs, voici une expérience que je vis pratiquement tous les dimanches, lorsque je fais mes courses vers l'aéroport, dans un grand supermarché un peu orange. Je me plais chaque fois à poser la question... (Commentaires.) Non, ce n'est pas un magasin démocrate-chrétien, enfin je ne crois pas ! Je me plais chaque fois, chaque dimanche, à poser cette question aux caissières: «Ma pauvre, ce doit être difficile de travailler le dimanche ?» Et chaque fois, on me répond: «Mais non, je suis contente, c'est moi qui demande !» (Brouhaha.) Il y a des employés qui sont contents d'avoir d'autres horaires !
Mesdames et Messieurs, cela a été rappelé et calculé, cette proposition de loi rapporte également des emplois à Genève. Alors oui à l'emploi, oui à un message clair ! Mesdames et Messieurs, je vous encourage à voter ce projet de loi.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Dominique Rolle (MCG). Monsieur le président, chers collègues, oui, cela va rapporter des emplois, je n'en doute absolument pas, notamment des kilomètres de contrats - des contrats à la pelle - avec des gens que l'on pourra exploiter, avec des familles monoparentales qui vont être fragilisées.... Alors oui, on peut parler de garantie ! Mais de la garantie de précariser des populations qui sont déjà elles-mêmes réellement fragilisées. Donc n'hésitez pas: si vous avez envie de les précariser encore un peu, eh bien, tous autant que vous êtes, soutenez ce projet de loi ! (Remarque. Commentaires.)
M. Christian Dandrès (S). Les auteurs du projet que nous votons ce soir soutiennent à grands renforts de rapports fumeux - je tiens à le dire - que les consommateurs viendraient leur mordre la nuque et qu'il serait devenu vital aujourd'hui, pour l'économie du canton, de pouvoir faire ses courses à toute heure. Certains ont même osé prétendre que ce projet avait pour objectif, également, de dynamiser l'animation socioculturelle du canton... J'aimerais leur répondre que l'on a la culture que l'on peut, Monsieur Forte ! (Remarque.) Et donc peu importe, selon l'Entente, que les vendeuses du secteur en pâtissent, peu importe également que quelques milliers de salariées soient privées de leur vie personnelle et familiale. On nous dit: «Le partenariat social pourvoira à la protection des ménages via les conventions collectives.»
Mesdames et Messieurs les députés, après le dépôt de ce projet de loi, qui ose encore prétendre que le patronat de notre canton respecte le partenariat social ? Pour faire plier les vendeuses et les vendeurs de ce canton, les syndicats patronaux ont commandé - je dis bien «commandé» - ce projet et contraint les salariés à négocier, le pistolet sur la tempe... Après ce coup de force, certains ont encore le cynisme de prétendre que le travail du soir se fera avec l'accord des salariés !
Mais c'est oublier un peu vite, Mesdames et Messieurs, que le droit du travail en Suisse ne prévoit quasiment aucune protection contre les licenciements. C'est particulièrement vrai concernant les représentants du personnel, en violation d'ailleurs flagrante de la convention de l'OIT de 1998, qui a été signée par la Suisse il y a plus de dix ans et qui n'est toujours pas appliquée dans ce pays. Et cela également malgré la plainte qu'avait déposée l'Union syndicale suisse en 2003 et qui avait abouti à la condamnation de notre pays en 2006 ! Donc, pas besoin d'être prophète, à mon sens, pour deviner le sort qui sera promis aux employés qui auraient la folie de refuser les horaires «libéralisés» que leurs patrons veulent leur imposer.
Vous savez, Mesdames et Messieurs les députés, particulièrement ceux des bancs d'en face, que les liens de confiance sont vite brisés dans une entreprise. Du reste, la présidente du syndicat UNIA a été licenciée pour moins que cela, puisqu'elle avait simplement osé dénoncer les pressions qui sont exercées sur les vendeuses pour assumer les nocturnes en période de fin d'année. Et après tout cela, l'Entente veut nous faire croire que les employés seront protégés par le dialogue social. Ce projet, en toute honnêteté, est un brûlot antisyndical qu'il faut absolument - absolument ! - refuser.
Mais je ne résiste quand même pas à l'envie de rappeler un ou deux points et de répondre aux questions qu'avait posées le député Jornot sur la fameuse ouverture du patronat dans le cadre de ces négociations, et notamment sur les améliorations «notables» qu'elles auraient pu apporter. J'en prends simplement deux. Sur la question de limiter à dix heures la journée de travail, cela a été un refus catégorique ! Du coup, la loi fédérale sur le travail va continuer à s'appliquer, avec sa limite de quatorze heures par jour, ce qui fait que les vendeuses vont pouvoir travailler de 6h à 20h le soir ! Deuxième exemple, la possibilité de récupérer les heures supplémentaires ou de les payer avec 25% de majoration s'est aussi heurtée à un refus catégorique du patronat. Du coup, le temps de travail pourra être modulé à l'envi par celui-ci !
J'ai le sentiment que ces exemples sont suffisamment éloquents, et c'est la raison pour laquelle - je tiens à insister - il est absolument essentiel de refuser ce projet de loi.
Je tiens également à rappeler que le canton d'Argovie a voté, il y a peu, sur un référendum du même type et que ce projet a été refusé à 53% des votants. (Applaudissements.)
Mme Loly Bolay (S). Tout d'abord, j'aimerais commencer par un constat. Aujourd'hui, le secteur du commerce de détail emploie à Genève 18 391 personnes travaillant dans 3051 établissements. Il faut savoir que le commerce de détail a énormément évolué, parce que les grandes surfaces ont pris des parts de marché de plus en plus grandes. D'ailleurs, on a vu que Denner disparaît au profit de Migros, etc. Au détriment de qui ? Au détriment du petit commerce, puisque, entre 2001 et 2005, Genève a perdu pas moins de 241 boutiques, 241 petits commerces indépendants. En parallèle à cela, on constate que le chiffre d'affaires du commerce de détail a progressé de 5% entre 2003 et 2006. En revanche, le nombre d'emplois a diminué de 6%, et je vous en demande les raisons. Pourquoi cette diminution ? C'est bien simple: d'abord, parce des emplois ont été supprimés.
Il y a aussi et surtout l'augmentation exponentielle du travail partiel: en vingt ans, Mesdames et Messieurs, le travail partiel a augmenté de 30% ! Ces emplois partiels concernent à 80% des femmes, dont certaines, il est vrai, préfèrent travailler à temps partiel - c'est une minorité. Mais par qui - il faut le rappeler - le temps partiel est-il imposé ? Pas par l'employé: par le patron ! C'est lui qui dicte ses lois. Or, qui dit temps partiel dit flexibilité du travail et flexibilité de l'horaire ! Et, dans la grande majorité des cas, les personnes ne savent pas d'une semaine à l'autre quel sera leur planning. Cela bouleverse bien entendu la vie de famille, et la vie tout simplement, Mesdames et Messieurs les députés ! Imaginez que nous, députés, ne sachions pas dans quelle commission nous allons siéger d'une semaine à l'autre... Eh bien, nous serions tous fâchés ! Nous aurions déjà déposé depuis longtemps une résolution pour dire: «Nous voulons savoir, bien à l'avance, quand nous allons siéger.» Alors, il faut aussi vous mettre à la place des autres. De plus, que prévoit la loi sur travail ? Elle stipule qu'une personne a l'obligation de savoir quel est son planning en tout cas deux semaines à l'avance.
Dans le communiqué que tous les députés, je pense, ont reçu, lequel est signé par le «Trade Club», la Fédération du commerce genevois et la Fédération des artisans, commerçants et entrepreneurs de Genève, on nous dit - je cite: «Les nouveaux avantages inscrits dans la convention collective étaient indéniables: évolution des minima salariaux et valorisation des années d'expérience; travail au-delà de 19h limité à trois heures par semaine; un départ garanti à 18h une fois par semaine; des congés fixes; cinq samedis de congé par année; heures supplémentaires limitées et suppression des horaires coupés.» Ce ne sont, bien évidemment, que des promesses...
J'aimerais tout de même vous fournir des chiffres. En effet, depuis l'entrée en vigueur de la convention collective de travail cadre en 2002, eh bien tenez-vous bien, Mesdames et Messieurs les députés, l'augmentation a été de 42 F par mois pour le personnel sans qualification et de 22,40 F pour le personnel qualifié ! Et voici ce qu'on dit: «Vous devez accepter, car on va vous augmenter de 22,40 F, Mesdames et Messieurs !», alors que l'on demande à ces personnes un sacrifice énorme ! Je peux vous donner encore un chiffre, car je connais plusieurs personnes qui travaillent dans la vente. L'une d'entre elles, après vingt-deux ans de bons et loyaux services, gagne, pour un temps complet... 4070 F par mois ! Voici un autre chiffre - j'aime beaucoup les chiffres, Mesdames et Messieurs les députés, parce qu'ils parlent d'eux-mêmes. Eh bien, dans la même période, le salaire des patrons des grandes entreprises ont augmenté de 20% entre 2007 et 2008 !
Alors voilà, Mesdames et Messieurs les députés, le personnel de la vente en a marre ! Et le personnel de la vente, Mesdames et Messieurs les députés, n'est pas dupe. Parce que vous lui avez déjà chanté cette chanson, plusieurs fois, et qu'il vous a cru ! Or aujourd'hui, il ne vous croit plus - il a raison - et nous non plus, parce que nous vous connaissons tous, ici ! Le parti socialiste ne va pas rentrer dans ce jeu-là: il ne va pas accepter ce projet de loi et il sera dans la rue pour signer le référendum ! (Applaudissements à la tribune.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je rappelle aux personnes qui sont à la tribune qu'elles n'ont pas le droit d'applaudir ni de manifester quoi que ce soit ! (Remarque.) S'il vous plaît ! Sinon, je vous fais évacuer, c'est le règlement. La parole est à M. Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, comme je vous l'ai dit, nous étions partagés. Finalement, nous nous sommes rappelé qu'un certain syndicat, le SIT, qui prône l'intégration et pratique l'exclusion, avait écarté des députés MCG au motif qu'ils étaient députés MCG du syndicat du SIT... (Brouhaha.) ..., de même qu'au motif que ces «lâches» prônent l'exclusion d'élus du peuple qui étaient membres de leur syndicat depuis en tout cas une dizaine d'années. (Brouhaha.) Finalement, on ne peut pas faire confiance à des gens qui trahissent leur fondement, leur doctrine, leur déontologie, et nous avons pris une décision. Monsieur le président, vous transmettrez à M. le conseiller administratif...
Le président. Je transmettrai, mais je vous prie de rester dans le sujet: les horaires des magasins ! Donc je transmettrai...
M. Eric Stauffer. Mais attendez, on parle des syndicats, des négociations...
Le président. On ne parle pas des syndicats, on parle des horaires de magasins !
M. Eric Stauffer. Ecoutez, certains ont déclaré: «Il faut dire les choses justes.» Alors on va dire les choses justes ! Vous transmettrez à M. le conseiller administratif que, quand on vérole des syndicats par la gauche et que l'on pratique l'exclusion du MCG, le MCG a tendance à répondre. C'est ce qu'il va faire ce soir. Alors je vous l'indique, nous avons modifié notre amendement et nous allons demander un rapport au Conseil d'Etat après trois ans. Nous voulons voir, constater l'impact que va avoir cette décision d'ouvrir les magasins.
Je vous le dis, Mesdames et Messieurs les députés, si l'amendement du MCG n'est pas accepté ce soir, nous nous opposerons à la loi ! Si cet amendement est accepté, nous soutiendrons la loi et nous ferons un point de situation dans trois ans. Voilà comment va fonctionner le MCG, à l'unanimité de ses députés présents.
Maintenant, Mesdames et Messieurs, il faut que nous soyons clairs. Nous n'acceptons pas que des syndicats, qui sont censés protéger les travailleurs locaux, puissent pratiquer l'exclusion comme ils l'ont fait. Et je le dis ici, publiquement, au parlement. J'appelle cela de la lâcheté; je qualifie cela de mots qu'il n'est pas nécessaire que je prononce ici.
La position du MCG ayant été tranchée durant ces débats, nous attendons simplement de notre conseiller d'Etat quelques garanties pour les employés, peut-être un renforcement des contrôles par rapport au dumping et au travail au noir généré dans certains commerces de notre canton. Nous soutiendrons ce projet de loi, mais moyennant l'amendement du MCG.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je rappelle que la liste était close. Pour celles et ceux qui voudraient s'exprimer, ce sera lors deuxième débat et sur les amendements. Je passe encore la parole aux deux rapporteurs, d'abord à par M. Deneys, puis au Conseil d'Etat.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, fondamentalement, ce n'est peut-être pas ici un débat de société, mais il est certain que, pour notre Grand Conseil, c'est un projet de loi qui mérite une pesée d'intérêts entre des enjeux contradictoires, entre la prétendue amélioration des conditions économiques pour les commerces genevois, les conditions de vie des vendeuses et l'organisation de notre société, puisque, bien entendu... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...ouvrir les commerces plus tard le soir a des conséquences sur l'organisation familiale d'à peu près chacun d'entre nous. Même si cette loi n'a pas pour vocation de protéger les travailleurs, elle a suffisamment de conséquences sur le fonctionnement de notre société pour que l'on s'en préoccupe et que l'on ne prenne pas cette décision à la légère.
Mesdames et Messieurs les députés, dire qu'il y a une convention-cadre à Genève et qu'elle est particulièrement progressiste, c'est bien. La réalité, malheureusement, est qu'elle n'est pas satisfaisante aujourd'hui, que les syndicats - à raison - ont cherché à améliorer les conditions de travail des collaboratrices et collaborateurs du secteur de la vente, et que cette négociation, aujourd'hui, n'a pas abouti. Alors on peut le regretter, mais j'aimerais dire - c'est là que les MCG sont un peu des farceurs - que, en l'occurrence, on avait proposé de suspendre les travaux trois mois pour les reprendre à peu près maintenant en commission et pour étudier les résultats de ces fameuses négociations. En commission, et pas ici, en plénière ! Cela me semblait simplement raisonnable. Les socialistes sont attachés au partenariat social, et les questions d'horaire de travail doivent être réglées entre partenaires sociaux d'abord. Si le Grand Conseil peut nouer la gerbe, parce que les milieux concernés sont d'accord, tant mieux ! Mais ce n'est pas ainsi, comme nous faisons aujourd'hui, en mettant la charrue avant les boeufs, que nous donnons de bonnes réponses aux problèmes posés.
A ce propos, j'ai envie de prendre deux exemples. Ce projet de loi est venu de députés de droite. Je ne sais pas si c'était un mandat du «Trade Club» ou de la Chambre de commerce, ce n'est pas très clair - je ne sais pas combien d'argent a été échangé à cette occasion. (Commentaires.) M. Forte a eu la décence de reconnaître que des annonces du PDC ont été payées par la Fédération du commerce genevois. (Remarque. Brouhaha.) Si, il l'a dit en commission ! C'est dans procès-verbal, Monsieur Forte, et je vous remercie, parce que, pour un PDC, faute avouée est à moitié pardonnée... (Rires.) ...donc c'est l'avantage ! (Remarque de M. Fabiano Forte.) Je ne vous en veux pas, Monsieur Forte, mais je vous remercie, cela faisait plaisir.
Mais la question ici est précisément de ne pas avoir mené les études préalables quant aux conséquences de cette extension des horaires. A-t-on pensé aux questions d'organisation familiale pour les personnes qui travaillent dans le secteur de la vente ? Aux femmes en particulier, qui doivent concilier vie de famille et vie professionnelle, et qui vont rentrer à leur domicile après, encore, quelques heures de transports à des heures absolument infernales ?! Je suis particulièrement étonné que le PDC - qui prétend justement soutenir les familles, mais cela c'est pour les discours lors des campagnes électorales - et que les radicaux, qui assurent défendre la qualité de l'enseignement genevois et les niveaux de performances des élèves genevois, ne se préoccupent pas des conséquences directes que ce projet de loi fait subir aux familles, aux parents ! Monsieur Jornot, ne l'oubliez pas, nous ne sommes pas que des consommateurs ! Nous sommes aussi des travailleurs, nous sommes aussi des parents, donc toutes les questions d'organisation sont liées. D'ailleurs, personne ne pose la question: «Etes-vous d'accord d'aller consommer plus tard le soir, si vous devez travailler plus longtemps ?» Pourtant, c'est bien cela qui va se passer, c'est un premier pas vers l'ouverture prolongée de toutes les activités économiques, pas simplement des magasins.
Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit aujourd'hui de se demander si l'on a envie de consommer plus longtemps ? Si on vote oui, c'est qu'on a envie de consommer plus tard le soir. Mais la question sous-jacente est: «Etes-vous d'accord de travailler plus longtemps ?» (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je vous invite à bien vous poser la question avant d'accepter ce projet de loi. Donc, Mesdames et Messieurs, je vous appelle à refuser ce projet de loi, qui n'amène rien et qui va péjorer les conditions de vie de chacun d'entre nous.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Je passe la parole à M. Forte, pour une réponse très rapide.
M. Fabiano Forte (PDC). Ce sera très bref, Monsieur le président. J'interviens pour dire que M. Deneys ment non seulement dans son rapport, mais aussi oralement. J'invite M. Deneys à aller consulter les comptes de la campagne électorale du parti démocrate-chrétien, puisque j'ai dit en commission que la Fédération du commerce genevois, via des annonces dans «La Tribune de Genève», que vous pouvez retrouver, a soutenu un certain nombre de candidatures. Il n'y avait pas que des démocrates-chrétiens, nous étions plusieurs. Il est donc faux d'affirmer que le parti démocrate-chrétien a eu des annonces de presse payées par la Fédération du commerce genevois ! Monsieur Deneys, une fois de plus, vous mentez ! (Brouhaha.)
M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. M. Deneys dit que l'on a mis la charrue avant les boeufs... En effet, la convention collective cadre dans le commerce de détail, qui arrive à échéance à la fin de l'année 2010, a été discuté en parallèle aux travaux de la commission sur cette loi concernant les heures d'ouverture des magasins. Mais on a effectivement laissé les trois mois de discussion aux partenaires sociaux... (Remarque.) ...et les syndicats ont développé, dans leurs discussions, un certain nombre de revendications, que le patronat a acceptées. Je donne quelques exemples: l'évolution des minima salariaux, la valorisation des années d'expérience, le travail au-delà de 19h limité à trois soirs par semaine, un départ garanti à 18h une fois par semaine, la suppression des horaires coupés. Il y a quatorze mesures analogues qui ont été acceptées par le patronat.
Alors, Madame Bolay, quand on veut chanter une chanson correctement, il faut d'abord en connaître les paroles ! (Commentaires.) Effectivement, cette convention... (Brouhaha.) ...cette convention collective est progressistes... (Chahut dans la salle des Pas-Perdus. Exclamations. «Goal !» «But !» Applaudissements.) Les éléments sur lesquels le patronat et le syndicat se sont mis d'accord faisaient que cette convention collective allait améliorer la situation des travailleurs du secteur de la vente. Mais on est arrivé à une situation où les responsables syndicaux ont réussi à faire porter le chapeau à leurs assemblées, en faisant voter non à cet accord. C'est regrettable, parce que l'on aurait pu à la fois satisfaire l'harmonisation, le but d'harmoniser les heures d'ouverture des magasins jusqu'à 19h30, et améliorer la convention collective. Eh bien non, les dirigeants syndicaux font porter le chapeau à leurs assemblées. Ils avaient peut-être peur de perdre leur travail, parce que si tout avait été accepté, ils n'auraient plus rien à faire ! (Brouhaha.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demanderai de faire un peu de silence. La parole est à M. Unger.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le débat de ce soir est à nouveau purement idéologique là où un certain nombre de faits pouvaient être évoqués. Deux études ont été réalisées, l'une par le département, l'autre par les milieux des patrons commerçants, deux études à des fins totalement différentes, avec des publics cibles totalement différents, mais qui donnent les deux des renseignements. Or aucun de ces renseignements ne porte le caractère noir ou blanc que j'ai entendu relayer ce soir.
La seule chose qui apparaît sûre est que de plus en plus de clients aimeraient pouvoir se servir un peu plus tard que les 19h actuelles.
Deuxièmement, les touristes s'ennuient à Genève parce qu'ils ne trouvent pas de magasins ouverts, et notamment les week-ends. Ce sont quinze études - quinze études ! - qui confirment cet état de fait.
Troisièmement, il est vrai que l'ensemble des magasins ne profiteraient pas de la même manière d'une ouverture retardée. Et il est vrai que les centres commerciaux profiteraient plus que les petits magasins isolés - isolés ! - d'une mesure d'ouverture. Le professeur Pini était en revanche catégorique sur le fait qu'un centre commercial entouré de petits magasins verrait l'ensemble de ces derniers profiter de l'effet d'aubaine. Il l'a dit, il l'a écrit. Alors, face à une étude académique, on a le droit de tout contester, mais on n'a simplement pas le droit de dire qu'il y est écrit des choses qui n'y sont pas et de nier des choses qui y sont. (Nouvelles exclamations relatives au match de football.)
C'est donc un combat purement idéologique qui vous a confrontés ce soir. Et c'était contre ce combat idéologique que j'avais proposé, au mois de janvier, de procéder à une tentative, limitée dans le temps, de l'exercice de la loi telle qu'elle est énoncée et de se mette d'accord sur ce que l'on allait mesurer. Il est vrai que les partenaires sociaux n'ont pas particulièrement agréé cela, après des va-et-vient, eux qui étaient plus ou moins enthousiastes à l'idée de le faire quand même... Puis finalement, non, c'était nul ! C'est un peu ce que l'on a vécu, d'ailleurs, ces trois dernières années, lors des travaux qui ont été menés en tripartite, suite - je vous le rappelle, parce que beaucoup d'entre vous ne s'en souviennent pas - à l'appel au secours par les syndicats, il y a quatre ans, au département pour essayer de sauver une convention collective dénoncée par l'un des partenaires patronaux, partenaire qui était précisément les petits commerces.
Nous avons réparé cette division très profonde et nous nous étions fixé une feuille de route. Nous avons eu beaucoup de peine à tenir cette feuille de route, tant il est vrai que les partenaires ont eu constamment, et des deux côtés, un certain nombre de maladresses qui vexaient pour quelques mois. Et puis, au moment de la réconciliation, l'autre partenaire, le cas échéant, commettait une autre maladresse.
Que vous dire de ce projet ? C'est, j'en suis persuadé, un bon projet, en ceci qu'il offre un certain nombre d'avantages, mais pas tous les avantages du monde. La négociation que nous avons autorisée par le retour en commission, en janvier, qui a permis aux partenaires de se rencontrer à nouveau, était une bonne solution. Ils ont pratiquement abouti. C'est vraiment au dernier moment, sur des points qui n'étaient manifestement pas de détail - puisqu'ils n'ont pas abouti, et au dernier moment, je le répète - que, malheureusement, ils n'ont pas abouti. Je le regrette sincèrement, parce que rien n'aurait été plus simple que d'expliquer des choses simples à la population avec des partenaires qui s'étaient mis d'accord sur les conditions d'exercice de cette ouverture retardée. A ce propos, j'ai entendu parler d'ouverture nocturne, toute la nuit... Il y a juste des moments où il faut apprendre à lire avant de dire des sottises ! (Remarque.) Plusieurs, Monsieur le député ! Plusieurs: la liste serait longue et constituerait un appel nominal auquel, vous m'en excuserez, je me soustrairai volontiers.
En réalité, Mesdames et Messieurs - et un seul député l'a dit ce soir - le droit fédéral épuise toute tentative cantonale de réglementer le travail. Ce n'est pas une invention, une «Genferei» ou quoi que ce soit d'autre, c'est le droit fédéral ! Et un droit fédéral approuvé par le peuple, y compris par le peuple genevois ! Partant de là, il faut se dire que la LHFM ne poursuit que deux buts: assurer des mesures de salubrité et de sécurité publique, en limitant probablement l'ouverture de certaines heures.
Certains pensent que ce projet de loi est un brûlot antisyndical. Cette remarque est un brûlot contre l'intelligence ! Car lorsqu'un droit fédéral vous dit exactement ce que vous avez le droit de faire, et que l'on prétend qu'un projet de loi qui arrange les affaires est un brûlot antisyndical, c'est que l'on n'a pas compris le droit. C'est extrêmement, extrêmement désolant d'entendre parler comme cela ! (Exclamations.)
Des voix. Bravos ! (Applaudissements.)
M. Pierre Unger. Mesdames et Messieurs, vous allez maintenant voter l'entrée en matière de ce projet de loi. Vous accepterez ou non un amendement qui, finalement, nous ramène à la séance du mois de janvier. Je suis persuadé que la proposition que j'avais faite en janvier - qui consistait à dire: «Ne détruisons rien; ne détruisons rien durablement pour ceux qui pensent que l'on détruit; n'abandonnons pas l'idée de construire, pour ceux qui ont l'idée que l'on construit; essayons, rendons un rapport et voyons ce qu'il convient ensuite de faire» me paraît relever du bon sens, et cela pourrait d'ailleurs être bouclé depuis la séance de janvier dernier. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur l'entrée en matière de ce projet de loi.
Une voix. Je demande le vote nominal ! (Appuyé.)
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 10448 (nouvel intitulé) est adopté en premier débat par 60 oui contre 28 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 3B (nouvelle teneur) à 18 (nouvelle teneur).
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 38, alinéa 2 (nouveau). Je donne la parole à M. Stauffer pour qu'il nous le présente.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est, à 22h, à son carrefour: ce sera oui ou ce sera non ! (Exclamations. Applaudissements. Commentaires.) Si l'amendement du MCG est adopté, ce sera oui, parce que les arbitres seront le MCG ce soir. (Exclamations.) L'amendement que nous vous proposons est de faire un point de situation après trois ans pour constater l'impact sur le commerce, les clients et les travailleurs. Nous l'avions dit, nous n'étions pas convaincus, mais l'essai mérite d'être tenté. Il nous faut ainsi savoir que le Conseil d'Etat devra s'engager à nous fournir, d'ici à trois ans après l'entrée en vigueur de la loi, un rapport évaluant l'impact des nouveaux horaires, lesquels figureront dans la loi.
Mesdames et Messieurs, je ne vais pas prolonger inutilement: à vos claviers pour le vote ! Si cet amendement est accepté, le MCG soutiendra ce projet de loi.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Je voulais intervenir sur l'amendement Vert... (Exclamations.) Du MCG, veuillez m'excuser ! Pour les Verts, il est évident que la proposition du MCG est inacceptable, et pour deux raisons. La première est que nous ne sommes les otages de personne; déterminer le vote d'une loi en fonction d'un amendement, en disant «si on le vote...» ou «si on ne le vote pas...» et «nous sommes les arbitres», eh bien non ! Vous pourrez dire, Monsieur le président, au tribun du MCG qu'il n'est pas l'arbitre de ce parlement, mais que chaque député est arbitre pour lui-même. Voilà ce qui est important.
La deuxième raison est que, effectivement, on a - le parlement quasiment dans son ensemble - refusé cet amendement il y a trois mois: il n'y a pas de raison qu'on l'accepte cette fois.
Le président. Merci, Madame la députée. Je rappelle que ce n'est pas tout à fait le même amendement qu'il y a trois mois. La parole est à Mme Meissner.
Mme Christina Meissner (UDC). En effet, le premier amendement du MCG ne fait que reprendre le principe de la loi expérimentale, une loi dont ce sont les partenaires sociaux qui n'en voulaient pas. Ce n'étaient même pas les membres de la commission de l'économie, mais les partenaires sociaux qui n'en voulaient pas ! Il est important de le rappeler. Nous l'avons bien vu lors des auditions en commission.
Par contre, ce deuxième amendement qui est demandé maintenant par le MCG est bon. Il nous permet de faire ce que nous souhaitons tous: éclaircir la situation par rapport à ce qui est dit concernant les effets de l'ouverture des magasins: sur l'emploi, le commerce, la fréquentation des magasins, etc. Nous n'avons jamais eu de référence genevoise, alors avoir enfin des chiffres crédibles par le biais d'un rapport sera une bonne chose. Je pense que nous y avons tous intérêt. Ainsi, le groupe UDC votera pour cet amendement.
Une voix. Bravo !
M. Fabiano Forte (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le groupe démocrate-chrétien soutiendra cet amendement. Le groupe démocrate-chrétien ne se sent pas du tout sous pression, puisque c'est la position que nous avons toujours défendue, déjà au mois de janvier, devant ce parlement. La position de l'expérimentation, à un moment donné, la mesure de ce projet de loi, est ce que nous avons toujours défendu lorsque nous avons parlé de ce projet de loi en commission. C'est la raison pour laquelle nous voterons des deux mains - enfin, en ce qui me concerne... (L'orateur montre sa blessure à la main.) ...que d'une seule - cet amendement.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Les partenaires sociaux, comme on l'a dit, se sont réunis, ont négocié et ne sont pas arrivés à s'entendre. Le parti socialiste a choisi son camp: nous ne voterons pas un amendement qui se veut être un milieu, un essai, une tentative - oui, mais encore, ni de droite ni de gauche, pour une fois... (Brouhaha.) ...n'est-ce pas, là, on cherche le consensus...
Nous ne sommes pas d'accord: donc, nous voterons non à l'amendement.
Des voix. Oh ! (Brouhaha.)
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. J'entends bien l'UDC et le PDC annoncer qu'ils vont soutenir cet amendement, puisque c'est ce qui va permettre à la loi de passer. En réalité, Mesdames et Messieurs les députés, je suis désolé de le dire comme cela, mais cet amendement, c'est vraiment «pisser dans un violon» ! (Exclamations. Commentaires. Chahut.) Mesdames et Messieurs les députés, c'est exactement cela ! Pour la simple et bonne raison que, rapport ou non, ce projet de loi, une fois qu'il aura été adopté, va continuer à exercer ses effets, même si, au bout de trois ans, on constatera qu'il n'y a aucun résultat positif pour l'économie genevoise, ni pour le personnel de la vente ! D'ailleurs, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à lire, en page 7 du rapport de majorité, l'audition de M. Brunschwig; il explique pourquoi il est extrêmement difficile de faire l'évaluation d'un tel projet, dans le cadre de la loi expérimentale - au fond, quelle que soit l'évaluation, cela ne va pas changer. M. Brunschwig évoque notamment le fait que le chiffre d'affaires est aussi lié à des facteurs extérieurs - une crise économique, une petite banque suisse prise les doigts dans la confiture - et d'autres crises majeures qui peuvent toucher l'économie genevoise. Ainsi, des phénomènes extérieurs à Genève influencent la santé de l'économie genevoise.
Du reste, et c'est ce que je trouve regrettable avec la proposition d'amendement MCG, c'est que, pour régler des affaires personnelles, le MCG est prêt à sacrifier les conditions de vie de 20 000 personnes à Genève. Je trouve cela particulièrement choquant, car a vraiment ici le côté «règlement de comptes».
De façon générale, je trouve peu pertinent, pour ne pas dire pas pertinent du tout, l'argument selon lequel les syndicats seraient non représentatifs: ils étaient 80 sur 20 000 personnes, tandis que nous sommes 100, dans cette salle, sur 450 000 habitants... A ce niveau-là, nous sommes beaucoup moins représentatifs que les délégués du personnel, mardi soir ! Ainsi, la représentativité ne me semble pas un sujet de polémique qui soit nécessaire.
Pour le reste, je pense que les attaques personnelles - aussi de votre part, Monsieur Unger - concernant les juristes sont assez malvenues. Je crois que c'est vous, conseiller d'Etat chargé de ce département, qui avez proposé la loi expérimentale, alors que personne n'en voulait parmi les partenaires sociaux ! Que l'on ait souhaité laisser du temps aux partenaires sociaux est une chose, mais que l'on fasse des propositions dans un secteur que l'on est censé traiter est assez particulier quand personne ne les veut ! (Exclamations relatives au match de football. Le président agite la cloche.)
Donc, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à refuser cet amendement, ce qui ne nous empêchera pas, d'ailleurs, d'évaluer les effets de cette loi, notamment en mesurant les taux de dépression et d'absentéisme chez les vendeuses, le nombre d'enfants en difficulté scolaire et tous les méfaits que l'on peut attendre d'une extension des horaires d'ouverture des magasins. En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, il faut refuser cet amendement, et refuser la loi en général !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Vous avez mentionné un violon, or le règlement ne lui donne malheureusement pas la parole pour répondre... La parole est au rapporteur de majorité.
M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. Je l'ai dit tout à l'heure, je regrette - et nous sommes nombreux dans cette salle à regretter - que le monde syndical et le monde patronal ne se soient pas mis d'accord sur une heure d'ouverture jusqu'à 19h30, avec une convention collective renouvelée pour les années qui viennent. J'espère qu'on va pouvoir, en votant cet amendement dans quelques minutes, donner une chance de plus, une nouvelle chance, pour que le partenariat social puisse reprendre le dialogue et, à terme, arriver à certains éléments d'amélioration pour la convention collective. Il faut donc prendre avec optimisme cette période d'essai de trois ans, et je suis convaincu que les syndicats et les patrons pourront trouver un terrain d'entente. Je vous invite ainsi à adopter cet amendement.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Monsieur Leyvraz, vous désirez encore intervenir ? (M. Eric Leyvraz acquiesce.) Alors brièvement, car les rapporteurs se sont déjà exprimés.
M. Eric Leyvraz (UDC). Ecoutez, Monsieur le président, nous sommes en train de traiter un sujet concernant 20 000 personnes à Genève, et il y a ici des gens qui regardent leur télévision, qui regardent les matches de football... Je trouve cela inadmissible. Que ceux qui veulent regarder les matches de football aillent à la buvette ! Parce qu'ici on parle sérieusement ! Ces personnes n'ont pas à suivre les matches ici, je trouve cela scandaleux ! (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur l'ancien président. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, je vous soumets l'amendement proposé. Il consiste à rajouter à l'article 38 un alinéa 2 (nouveau) intitulé «Modification du (à compléter)», lequel s'énonce ainsi: «Trois ans au plus après l'entrée en vigueur de la modification du (à compléter), le Conseil d'Etat présentera un rapport au Grand Conseil évaluant l'impact des nouveaux horaires sur l'économie locale, notamment quant à leur effet sur les consommateurs, les travailleurs concernés et la création d'emplois, notamment pour les résidents dans le canton.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 57 oui contre 28 non.
Mis aux voix, l'article 38, al. 2 (nouveau), ainsi amendé est adopté par 59 oui contre 28 non.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
Le président. Je passe la parole d'abord à M. Stauffer, ensuite à M. Deneys, puis à M. Unger.
M. Eric Stauffer (MCG). J'interviens brièvement pour dire que je ne peux pas accepter d'entendre que nous réglons des comptes personnels. (Remarque.) Non, il faut juste que l'on soit clair ! C'est simplement que nous ne faisons plus confiance aux syndicats, parce que, pour nous, ils ne représentent pas les intérêts des vrais travailleurs. Je parle du SIT, nous sommes bien clairs là-dessus. Quand il s'est agi, à l'aéroport, d'aller soutenir ce syndicat pour les conventions collectives, le MCG étant présent. Nous avons même déposé un texte parlementaire. Et voir que ces mêmes individus ont été capables d'exclure notre député Olivier Sauty après qu'il a été membre du SIT pendant dix ans, sous prétexte qu'il est député MCG... C'est de la lâcheté !
Cela n'a donc rien à voir avec un règlement de compte. (Exclamations. Commentaires. Brouhaha.) Mais vous jugerez ce que vous voulez ! C'est simplement, Mesdames et Messieurs, que nous ne faisons plus confiance à ces syndicats et que, pour nous, ce ne sont pas des partenaires fiables ! (Commentaires.) Nous, nous voulons protéger les résidents genevois contre l'afflux de ce que nous appelons les «eurofrontaliers». Maintenant, si vous n'arrivez pas à le comprendre, on donne des cours du soir. Vous verrez, c'est beaucoup plus simple ! Voilà, je voulais juste rétablir ces vérités, et je vous remercie d'avoir voté l'amendement MCG.
Le président. Très bien ! Je ne sais pas si vous avez rétabli beaucoup de choses. En tout cas, il y a beaucoup de nouvelles demandes de parole. Je la donne à M. Deneys.
M. Roger Deneys. Maintenant ? Ne devrais-je pas m'exprimer à la fin ?
Le président. Oui, et je donne la parole à M. Bavarel.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je dois vous annoncer comme ça, très tristement, que, durant trois ans de ma vie, j'ai été exclu du syndicat SIT...
Des voix. Oh !
M. Christian Bavarel. ...parce que j'avais commis ce crime énorme d'être patron ! Ainsi, pendant trois ans, j'ai été patron de ma propre entreprise. Auparavant, dès l'âge de 20 ans, j'étais syndiqué au SIT. Puis, pendant trois ans, je ne l'étais plus, puisque j'étais patron... Ensuite, vous le savez, j'ai planté ma boîte et repris une activité d'employé. J'ai alors été à nouveau syndiqué au SIT.
Des voix. Ah !
M. Christian Bavarel. Monsieur le député, sauf erreur de ma part, M. Sauty est un patron indépendant: je trouve absolument logique qu'il ne soit pas syndiqué. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Schneider Hausser. (Commentaires.) Votre micro fonctionne-t-il ? (Un instant s'écoule. Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Voilà ! Oui, cela fonctionne ! Je ferai seulement une remarque à l'intention de M. Stauffer et de son groupe. Je pense que, en tant que parlementaires, nous allons bientôt demander à M. Stauffer des honoraires pour des thérapies de groupe ici, dans ce Grand Conseil... (Rires.) En effet, je ne vois pas l'intérêt dans le débat actuel, qui concerne 20 000 personnes, de - veuillez excuser l'expression - «ramener sa fraise» avec une histoire quasi personnelle. (Commentaires.)
On a une histoire ! Il y a une histoire syndicale à Genève ! Il y a surtout des gens qui, veuillez m'excuser de devoir le dire ainsi, sont assez grands pour s'autodéterminer et pour choisir là où ils veulent aller, ce qu'ils veulent décider, sans que l'on commence à mener ici, dans cette enceinte, des guerres de tranchées pour ou contre les syndicats.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Deneys, pour une dernière intervention, puis ce sera M. Unger qui s'exprimera.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je crois que M. Sauty a une lourde responsabilité, parce que le sort de ces 20 000 vendeuses dépend en fait de son statut syndical... Et je trouve cela particulièrement dur pour lui.
Une voix. Et des vendeurs !
M. Roger Deneys. «Et des vendeurs» ! Mesdames et Messieurs les députés, je crois que ce projet de loi ne va pas bouleverser le commerce genevois, mais compliquer la vie des vendeuses...
Une voix. Et des vendeurs ! (Commentaires.)
M. Roger Deneys. ...parce que nous n'avons rien prévu pour organiser leur vie familiale et sociale avec l'extension des horaires. Les horaires des crèches ne sont précisément pas étendus ! C'est là que l'on voit le cynisme du PDC, qui s'attaque d'ailleurs aux crèches régulièrement. (Protestations.) Et les petits commerçants verront aussi leur situation se péjorer. Du reste, je remercie M. Cuendet de son aveu de fonctionnaire patronal bancaire... (Exclamations.) C'est qu'il ne connaît pas la vie des petits patrons ! Il ne sait pas qu'un petit patron qui travaille...
Le président. On revient au sujet, Monsieur le rapporteur ! On n'attaque pas les personnes.
M. Roger Deneys. J'y viens, je suis sur le sujet ! Un petit patron qui travaille, ce n'est pas parce qu'il fait une heure de plus qu'il gagne forcément plus d'argent ! En l'occurrence, les grandes surfaces sont l'un des grands problèmes de notre société aujourd'hui; elles font des économies d'échelle, car elles peuvent importer des marchandises qui viennent de très loin et faire pression sur les prix des producteurs - le monde agricole suisse en paie aussi le prix - de même, bien entendu, sur les vendeuses, qu'on peut exploiter, parce qu'on peut les engager à temps partiel, les faire travailler un jour, pas le lendemain, changer leurs horaires, etc. Seules les grandes surfaces peuvent agir ainsi, et cela se fait donc au détriment des petits commerçants.
D'ailleurs, Monsieur Unger, comme vous avez parlé des centres commerciaux, j'aimerais vous rappeler que les petits commerçants dans les centres commerciaux sont obligés d'avoir les mêmes horaires que les grandes surfaces. Ainsi, la conséquence directe de cette loi est que leur loyer va augmenter, parce qu'ils ouvriront plus longtemps et seront obligés de payer un loyer supérieur. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Donc, c'est une attaque en bonne et due forme contre le personnel de la vente et contre les petits commerçants ! On verra dans trois ans combien d'indépendants supplémentaires seront au chômage.
Fondamentalement, ici, c'est aussi la question de la société que nous voulons qui est posée. M. Jornot, tout à l'heure, s'est exprimé avec son lyrisme présoviétique habituel... Remarquez, je comprends qu'il ait cette nostalgie, parce que cela donnait au moins un sens à l'armée suisse; il avait l'impression de défendre quelque chose ! (Protestations.) Malheureusement, le monde a changé et il y a aujourd'hui des files devant les magasins. Mais c'est pour acheter un iPhone ou un dernier gadget technologique ridicule ! (Brouhaha. Commentaires.) Eh bien voilà ! (Remarque.) Oui, une serviette hygiénique ! (Le président agite la cloche.)
Aujourd'hui, la réalité est qu'il y a des files d'attente devant les commerces pour acheter des biens de consommation qui détruisent notre planète, et c'est bien cela qu'il faut avoir en tête ! (Exclamations.) Eh oui ! Parce que, nous le savons, Mesdames et Messieurs, aujourd'hui, au XXIe siècle, nous vivons une crise de surconsommation majeure. Sans vouloir revenir à des économies de pénurie, nous devons restreindre notre consommation. Je pense que le message qui consiste à dire que nous pouvons toujours consommer plus est profondément malsain: malsain pour nous, pour la planète, pour nos enfants. Pensons aux ravages de la société de consommation auprès des enfants. (Brouhaha.) Simplement pour cette raison, nous devons faire attention et ne pas accepter des projets de lois qui visent à étendre le mythe du bonheur par la consommation. C'est faux, cela ne mène nulle part, cela détruit les rapports sociaux et notre planète. Donc, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Je donne encore la parole au rapporteur de majorité, M. Jeannerat, et, enfin, à M. Unger, comme je l'ai annoncé tout à l'heure.
M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. C'est assez curieux, car j'avais l'impression que M. Deneys avait assisté aux mêmes séances de la commission de l'économie que moi, il n'arrête pas de dire qu'il n'y a que le grand commerce qui profitera de ce projet de loi. Mais je crois qu'il n'a pas dû écouter pendant certaines auditions.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, je vais quand même lire quatre arguments donnés par le président de la Fédération des artisans et commerçants, fédération qui rassemble des petits commerces. Je lis les quatre arguments qu'il a donnés et qui se trouvent à la page 13 du rapport PL 10448-A: «[...] uniformiser les heures de fermeture afin de simplifier la vie de la clientèle [...]; offrir une alternative crédible de l'achat de biens de consommation vis-à-vis des commerces de France voisine; générer un élan commercial favorable à l'emploi [...]; se rapprocher au plus près d'un standard d'horaire de plus en plus utilisé au niveau national.»
C'est le patron des petits commerces qui dit cela, donc il n'y a pas que les grandes surfaces ! Merci de voter ce projet de loi.
Des voix. Bravo ! (Exclamations. Applaudissements.)
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais conclure brièvement par ce qui sera probablement le vote de ce projet en trois débats, en nous rappelant que ce n'est pas une fin; c'est le début. C'est le début de quelque chose, d'un changement dans lequel nous devrons restaurer un dialogue entre les partenaires sociaux, parce qu'il n'est pas fini. Il n'y aura pas de convention collective automatique au 1er janvier, et nous ferons tout pour que celle-ci aboutisse, bien sûr avec des espoirs; pour les syndicats patronaux, qui sont que le projet de loi s'applique, et pour les syndicats d'employés, qui avaient manifesté un certain nombre de revendications, dont un certain nombre paraît extraordinairement légitime, notamment s'agissant de la flexibilisation du travail - ou plutôt de l'arrêt de cette flexibilisation - de la prévisibilité des horaires, du respect de la convention collective et, donc, d'un inspectorat mis sur pied, comme cela a été signalé dans le débat. Ces choses-là ne vont pas s'arrêter parce qu'un projet est voté ce soir. Elles doivent se poursuivre pour qu'une convention collective qui donne satisfaction à toutes les parties soit en vigueur au 1er janvier.
Deuxième chose, le Conseil d'Etat a été interpellé au cours de ce débat sur des garanties qu'il pouvait donner ou ne pas donner à tel ou tel aspect salarial. Le Conseil d'Etat, par la main de son président François Longchamp, a déposé, il y a plusieurs mois déjà, un projet de loi prévoyant des prestations complémentaires pour les familles dont le revenu ne permet pas d'assurer la survie. Il est vrai, Mesdames et Messieurs - et j'espère qu'il y a ici un consensus très large pour le dire - qu'il n'est pas concevable de vivre dans une société où le revenu d'un travail à plein temps ne permettrait pas de subvenir à ses propres besoins et aux besoins de ses enfants. C'est donc très naturellement que l'Etat pallie, au fond, un défaut supplémentaire du partenariat social en adaptant ce qui devrait l'être à travers des conventions de partenaires sociaux, ce qui serait plus honorable.
Et puis, j'ai peur d'avoir peut-être un peu involontairement blessé tel ou tel député dans une intervention précédente. Si tel est le cas, qu'il ou elle reçoive mes excuses.
Des voix. Mais non ! (Exclamations.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur ce projet de loi en troisième débat. Le vote nominal est demandé et accepté.
La loi 10448 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 10448 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 62 oui contre 28 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)