Séance du
jeudi 17 juin 2010 à
17h
57e
législature -
1re
année -
9e
session -
41e
séance
M 1894
Débat
Le président. M. Stauffer n'étant pas là, je passe la parole à M. Girardet.
M. Jean-François Girardet (MCG). Merci, Monsieur le président, mais je n'avais pas demandé la parole ! (Exclamations.) C'est donc une erreur.
Le président. Il n'y a pas de souci. La parole est à M. Jeannerat.
M. Jacques Jeannerat (R). Au fond, au titre de dédommagement pour les automobilistes, en compensation des désagréments des nombreux travaux qu'il y a actuellement dans les rues de Genève, le dernier parti entré dans ce parlement nous propose au travers de cette motion de diminuer l'impôt auto de 50%. Cela n'a absolument pas de sens, parce que si l'on suit le raisonnement de cette proposition de motion, il faudrait doubler l'impôt auto actuel une fois que l'ensemble des travaux sera terminé, puisque les Genevois pourront circuler et se déplacer grâce à des infrastructures modernes et en bon état. Non, ce n'est pas sérieux. Cette motion, il faut la refuser.
Une voix. Bravo !
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il est bientôt 19h, on ne va pas passer une heure sur cette motion. (Exclamations.) C'était un coup de gueule du MCG. Genève est un chantier permanent. Genève est éventré. On ne peut plus circuler. Les PME n'en peuvent plus. Cela vient même altérer leurs activités.
Alors je vous le demande - aujourd'hui, nous avons un gouvernement à majorité de droite: les partis de droite sont-ils en faveur de plus de taxes sur les automobiles, de moins de places de parking et de plus de restrictions pour réduire à une voie là où il y avait deux voies ? Parce que si tel est le cas, il faut que vous le disiez clairement.
Nous sommes pour le partage. Le peuple a voté une fois pour dire que les citoyens pouvaient choisir entre les transports publics et privés. Cela doit être complémentaire. Et ce ne doit pas être des ayatollahs qui nous dictent aujourd'hui comment on doit se comporter dans la vie, si l'on veut prendre le bus ou son transport privé.
Alors oui, le MCG a lancé un coup de gueule en disant: «Puisque la mobilité est réduite au moins à 50% - et encore, on est modeste, parce qu'il faut actuellement plus d'une heure et demie aux heures de pointe pour traverser la ville - nous estimons normal que, pour toutes ces nuisances, on réduise de 50% l'impôt sur les automobiles.»
Alors non, cette proposition de motion n'est pas ridicule. (Remarque.) Elle sera peut-être illégale. Mais une proposition de motion n'est pas un projet de loi. C'est une intention qui demande au Conseil d'Etat de nous rendre rapport dans les six mois. Telle est notre volonté, aujourd'hui, de marquer ce gouvernement de droite, qui devrait normalement rétablir l'équilibre par rapport au précédent qui était de gauche. Il nous rendrait rapport en disant: «Ce n'est pas légal, mais on a bien pris en considération qu'il y a trop de chantiers à Genève, trop en même temps.» Voilà le message à faire passer au Conseil d'Etat.
Maintenant, une fois de plus, Mesdames et Messieurs, vous pouvez ironiser sur le texte MCG. Vous pouvez dire qu'il faut le balayer. Mais les citoyens en ont marre ! Ils en ont marre de cette ville où, pour finir, les automobilistes sont les moutons que l'on vient taxer, taxer et retaxer. Il y en a assez ! C'était le coup de gueule du MCG. Rien que pour ces motifs, Mesdames et Messieurs, je vous encourage à renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat pour lui dire que la population, une grande partie de la population, en a assez de tous ces chantiers, en même temps, sur les routes genevoises.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous saluons à la tribune notre ancien collègue M. Jacques Baudit. (Applaudissements.)
M. Christian Dandrès (S). Avec le sens de la nuance qu'on lui connaît habituellement, le MCG adopte aujourd'hui l'étendard ou, j'ose dire, l'uniforme du justicier. Selon ce groupe, l'automobiliste serait la victime, je cite, d'une «politique anarchiste» ourdie par des partis politiques qui ont pour projet, je cite encore, d'«éradiquer - rien que cela ! - l'automobile du canton». Pour réparer les injustices de cette «croisade» - M. Stauffer a parlé en termes religieux - il y aurait une seule solution sur les bancs d'en face: baisser les impôts.
Le MCG oublie un peu vite que le lobby automobiliste trouve depuis des années une oreille plus qu'attentive, voire même complaisante, auprès d'une très large majorité de députés de ce Conseil. Le MCG oublie également que cette majorité a beaucoup fait pour l'automobiliste jusqu'à présent. Je pense notamment à la tranchée couverte de Vésenaz. Le MCG oublie surtout que les habitants de Meyrin et d'Onex attendent leur tram depuis des années et que ce retard est notamment dû aux blocages que certaines associations d'automobilistes ont menés par rapport à ces projets de construction. Je ne crois pas pour autant que les Onésiens ou les Meyrinois aient obtenu ni même sollicité des baisses d'impôts durant cette période.
Alors mes chers collègues, si vous voulez réellement récompenser la patience des automobilistes, offrez-leur des services de transports publics performants pour qu'ils puissent éviter les abominables bouchons et les autres cauchemars du trafic qui sont dépeints dans la motion. C'est du reste ce que vous auriez dû faire, Mesdames et Messieurs du MCG, en soutenant le projet du CEVA. Et n'oubliez surtout pas que les nuisances n'ont pas pour cause les travaux relatifs au tram, mais les quelques dizaines de milliers de voitures qui s'engouffrent chaque jour vers le centre-ville.
J'en appelle donc à l'intelligence des députés et vous demande de bien vouloir refuser cette proposition de motion. (Applaudissements.)
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Certes, la ville et le canton subissent actuellement des travaux, mais des travaux qui sont extrêmement importants, puisqu'il s'agit de construire de nouvelles lignes de tram. On peut comprendre une certaine exaspération de la population, qui va en effet subir un certain nombre de bouchons; mais cette situation est provisoire et est appelée en fait à apporter une grande amélioration dans la vie et dans les possibilités de transport de la population. Il faut le rappeler.
La motion qui nous est proposée aujourd'hui pèche par de nombreux points. Tout d'abord, elle est complètement disproportionnée par rapport aux désagréments que les automobilistes subissent. Ensuite, s'il est vrai qu'il y a des désagréments, ce ne sont pas uniquement les automobilistes qui en pâtissent, mais également les piétons et les usagers des transports publics. (Brouhaha.) Elle instaure donc une inégalité de traitement, puisqu'elle propose d'indemniser uniquement les automobilistes et de laisser tomber toutes les autres personnes qui subissent également ces désagréments.
Enfin, je voudrais rassurer le MCG, qui semble craindre que les Verts visent à éradiquer l'automobile du canton de Genève. Lorsque l'automobile sera devenue une espèce menacée, nous serons prêts à l'inscrire à la CITES, la convention sur la préservation des espèces menacées. (Applaudissements.)
M. Jean-Michel Gros (L). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG a aussi en partie raison, dans un sens. C'est-à-dire que ces chantiers à Genève deviennent absolument insupportables !
Une voix. Bravo !
M. Jean-Michel Gros. Et le groupe libéral demande véritablement au Conseil d'Etat de rétablir le plus rapidement possible une certaine fluidité dans ce canton. Il est inadmissible que non seulement le transport privé en souffre, mais également que les transports publics - dont, vous le savez, je suis un adepte, puisque je viens toujours en transports publics à ce Grand Conseil... (Applaudissements.) Merci de vos applaudissements ! - subissent des retards absolument incroyables. Donc il s'agit de rétablir la situation le plus rapidement possible et de ne pas multiplier les chantiers les uns après les autres. Pourquoi avons-nous entamé le chantier du tram de Bernex avant que celui de Meyrin ne soit terminé ? On peut se poser la question. Il y a vraiment quelque chose d'inouï. Genève est un véritable trou. (Commentaires.) Il n'y a que cela. Plus personne ne peut circuler dans ce canton, et nous demandons instamment au Conseil d'Etat de remédier à cette situation.
Maintenant, j'en viens à la proposition de motion, Monsieur le président. Cette proposition de motion est absurde ! Il s'agit ici d'un impôt, d'un impôt sur les véhicules automobiles. Evidemment, les libéraux sont toujours en faveur de toute baisse d'impôt, mais pas de manière à le faire fluctuer en fonction des inconvénients. Je prends un exemple personnel. Je n'utilise pas l'instruction publique. Dois-je voir mon impôt sur le revenu diminuer de 33% parce que je n'utilise pas l'instruction publique ? Il en va ainsi de tous les impôts. Les impôts sont un acte de solidarité dans un pot commun. Et il est exclu de baisser un impôt uniquement en raison d'inconvénients pour les véhicules automobiles en ce moment. En effet, comme l'a très bien dit M. Jeannerat - je crois que c'est M. Jeannerat...
Une voix. Oui !
M. Jean-Michel Gros. ...il faudra alors, dès que les chantiers seront heureusement terminés, doubler l'impôt. Et à ce moment, évidemment, nous nous y opposerions, vous vous en doutez bien.
Donc, Mesdames et Messieurs les députés, une fois de plus, il s'agit - on m'a noté le mot - d'une vuvuzela du MCG... (Remarque.) ...et il convient de ne pas entrer en matière sur cette proposition de motion. (Applaudissements.)
Le président. Il nous reste une dernière intervention avant celle de Mme Künzler. Nous allons donc finir vers 19h05, j'imagine. La parole est à M. Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Il faut quand même bien avouer une chose: la situation pour les automobilistes est catastrophique dans notre canton. C'est pour cela que nous trouvons cette proposition de motion tout de même assez intéressante et nous aimerions, en fait, soit la renvoyer en commission pour l'étudier plus précisément, ou alors je proposerai l'amendement suivant: il s'agit d'ajouter «jusqu'en 2015» après «50%» à la fin de l'invite.
Comme l'a dit ma collègue de commission fiscale, Mme Forster Carbonnier, la situation des travaux est provisoire. La catastrophe est donc provisoire. Alors pourquoi ne pas rétrocéder provisoirement, jusqu'en 2015, une partie de l'impôt automobile ? Cela pourrait ainsi satisfaire en tout cas un grand nombre d'automobilistes et une majorité de la population. Voilà pourquoi je dépose l'amendement suivant, que je répète: ajouter «jusqu'en 2015» après «50%» à la fin de l'invite.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous voterons donc votre amendement. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Mais avant, je passe la parole à Mme Künzler.
Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Pour intervenir sur ce point fiscal, je rappelle que la population a voté, à une large majorité, une modification de la loi sur la taxation des automobiles. S'il fallait baisser de 50% de manière temporaire, il faudrait de nouveau passer par un vote populaire. Il ne me semble pas que ce soit très judicieux.
C'est vrai, Genève connaît une période de chantiers intense qui est, je crois, sans précédent. On atteint un paroxysme. J'annonce que la semaine prochaine, ce sera encore mieux, quand la rue du Stand sera fermée... (Remarque.) J'entendais: mieux dans le paroxysme des chantiers. Mais on sait que nous avons tous ici voté ces projets. Certains ont avancé plus vite, il y a eu des recours, et c'est d'une certaine façon malheureux que l'on arrive avec deux ou trois gros chantiers en même temps. On va aussi commencer celui de Vésenaz, où il n'y a là aucune possibilité de délestage. Mais on voit bien la possibilité d'organiser les transports collectifs, par exemple à Vésenaz. Quand on s'y emploie vraiment... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...on arrive à faire passer 30% de personnes de plus en transports collectifs. Je pense que l'on a là vraiment trouvé des solutions.
En tout cas, le Conseil d'Etat - et moi en particulier dans ce domaine - va proposer beaucoup de mesures de sécurité, parce que ce ne sont pas seulement les voitures qui ont des problèmes. Ce sont les transports collectifs, les voitures, les piétons et les cyclistes. Il y a malheureusement eu des accidents mortels et d'autres très graves ces derniers temps, liés aussi en partie aux mesures de chantier. On va déjà proposer un fléchage pour les piétons, parce que je ne trouve pas normale la manière dont cela se passe actuellement autour des chantiers. Ils doivent être beaucoup mieux signalés et sécurisés. Il doit y avoir un fléchage. Nous avons déjà proposé une rencontre entre les trois conseillers d'Etat qui étaient concernés, c'est-à-dire M. Muller, Mme Rochat pour la police, et moi-même, afin de mener une action concertée pour tout ce qui va se passer autour de Notre-Dame cet été.
Nous sommes effectivement à un point qui est le sommet - si l'on peut dire une telle chose pour des trous qui vont se créer dans la chaussée - mais cela va aller nettement mieux. Regardons ce qui se passe à la rue de la Servette et à la rue de Lausanne. A la fin des chantiers du tram, la situation est vraiment bien meilleure. Je crois que c'est ce que nous devons viser. Il y a encore une année difficile. Mais la situation sera ensuite bien meilleure, les chantiers seront terminés; c'est tout de même une bonne nouvelle. Il est vrai que, maintenant, il faut faire au mieux. J'invite aussi certains, qui pourraient renoncer à leur véhicule, à éviter de le prendre au centre-ville, parce que c'est actuellement le moment où il y a vraiment une grosse difficulté d'organiser le trafic avec tous ces chantiers.
Ces projets sont nécessaires, ils ont été voulus par la population et votés par ce parlement. Maintenant, il faut les mener à bien. Certes, quand ils se concrétisent, cela fait des chantiers importants, mais j'invite à la patience; on sait qu'on va vers le mieux. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur l'amendement proposé par M. Florey, qui consiste à compléter la fin de l'invite comme suit: «jusqu'en 2015.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 17 oui et 1 abstention.
Le président. Nous votons à présent sur la proposition de motion... (Commentaires.) A quelle commission ? Vous aviez surtout parlé d'amendement, pas de renvoi... (Commentaires.) Très bien, à quelle commission ?
Une voix. Fiscale !
Le président. Alors nous votons sur le renvoi de la proposition de motion à la commission fiscale puis, en cas de rejet, au Conseil d'Etat.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1894 à la commission fiscale est rejeté par 60 non contre 17 oui et 1 abstention.
Mise aux voix, la proposition de motion 1894 est rejetée par 59 non contre 16 oui et 1 abstention.