Séance du
jeudi 6 mai 2010 à
17h
57e
législature -
1re
année -
7e
session -
31e
séance
M 1835
Débat
M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, nous allons parler d'énergie, de tarifs d'électricité. (Brouhaha.) En principe, les invites devraient rallier une majorité de ce parlement, puisqu'elles sont le fruit du bon sens. Je rappelle que cette proposition de motion a été déposée le 20 août 2008. L'état des faits mériterait une actualisation, mais les invites sont quant à elles parfaitement à jour. Elles visent notamment à ce que le Conseil d'Etat refuse «toute nouvelle hausse des tarifs d'électricité pour les usagers genevois», étudie «la construction d'une usine de géothermie (énergies propres) sur le canton de Genève, afin d'atteindre au minimum 80% d'autonomie énergétique pour le canton de Genève» et entreprenne «sans délai tout projet qui tendrait à augmenter l'autonomie de production d'électricité sur le canton de Genève.»
Voici plusieurs faits parlants. Les tarifs d'électricité dans le canton de Genève ont augmenté au 1er janvier 2008 de 11%. Quelques mois plus tard, le 23 août plus exactement, en plein été, M. Robert Cramer, alors à la tête du département du territoire, proposait et acceptait une augmentation des tarifs, à nouveau, depuis le 1er janvier de l'année suivante, de 19%. C'est donc une hausse des tarifs de 30% qui a été appliquée à charge des résidents genevois en moins d'une année ! Et tout cela alors que, en trois ans, les SIG sont parvenus à amortir une dette globale de 980 millions. Les usagers genevois n'en ont évidemment pas bénéficié, puisque, plutôt que de baisser les tarifs d'électricité, on a maintenu des tarifs élevés. On les a même augmentés, précisément pour amortir cette dette en un temps record. Tout cela en finançant simultanément Energie Ouest Suisse. Je rappelle que les SIG sont actionnaires à environ 30% de EOS, qui elle-même est actionnaire de la société Alpiq cotée en bourse.
Donc nous avons des hausses successives et massives des tarifs d'électricité, alors que les SIG avaient largement les moyens de baisser ces tarifs. Nous souhaiterions que l'on nous explique comment il est possible que le canton de Zurich ait des tarifs de 50% inférieurs à ceux de Genève, avec une population double, alors que Genève a des tarifs aussi élevés et que les deux cantons investissent dans des cantons alpins, à proximité, précisément dans des centrales hydroélectriques. Pour Zurich, ce sont les Grisons; pour Genève, c'est le Valais.
Je vous signale également que les dernières recherches ont mis en évidence une faille géologique entre le Salève et le Jura, qui pourrait précisément être utilisée pour fournir des énergies nouvelles, naturelles, propres, au canton de Genève.
Le président. Vous avez dépassé les trois minutes, Monsieur le député.
M. Mauro Poggia. Je conclus, Monsieur le président, merci. Nous demandons donc que le Conseil d'Etat soit invité à travailler dans ce sens et dans l'intérêt de la population du canton. Et je suis certain que tout le monde se ralliera à ce bon sens.
M. François Haldemann (R). Cette motion est provocatrice voire franchement mauvaise quant à sa rédaction. Sur la forme, le groupe radical ne pourrait pas soutenir cette motion telle qu'elle est présentée, puisque la question formulée en titre trouve déjà sa réponse à la deuxième ligne de l'exposé des motifs.
Néanmoins, sur le fond, la commission traite actuellement la proposition de motion radicale M 1831 et la proposition de résolution 569 des Verts. Ici, la troisième invite concerne la géothermie. Or la commission a, notamment, déjà auditionné de nombreux acteurs sur toutes les solutions d'énergie renouvelable. Et nous avons auditionné à plusieurs reprises les SIG.
Donc, le groupe radical acceptera le renvoi à la commission de l'énergie. Je pense que nous devrions être en mesure de traiter cet objet rapidement.
Des voix. Très bien !
M. Marcel Borloz (L). Mesdames et Messieurs les députés, la motion 1835, émanant d'un représentant du MCG au sujet des SIG, sonne plutôt comme un règlement de comptes que comme quelque chose de constructif. En effet, après de nombreuses interventions sur la BCG, qui ont lassé tout le monde, il s'en est pris aux frontaliers avec le même résultat, c'est-à-dire un ras-le-bol de la députation. Alors, pas avare d'efforts, il s'est dit: «Pourquoi ne pas s'attaquer aux SIG pour essayer de se rendre intéressant ?» Là aussi, nous en avons marre des mêmes rengaines, que ce soit dans la presse, à la commission de l'énergie ou dans cette enceinte. Nous avons l'impression de suivre une mauvaise série télévisée et que, même si nous en manquons dix épisodes, nous avons toujours la sensation de voir le même ! (Rires.) Le plus rigolo dans cette affaire est que ce même député siégeait à l'époque au conseil d'administration des SIG, et je pense qu'il n'a pas renoncé à ses jetons de présence afin de diminuer les charges de l'entreprise.
En lisant les considérants, nous constatons qu'il est fait mention quatre fois du canton de Zurich pour le prix de l'électricité. Nous remarquons également qu'il vante Zurich pour sa production d'électricité. Mais en défenseur de l'énergie renouvelable, il oublie de préciser que les 50% de cette production proviennent du nucléaire. Cherchez l'erreur ! Soyons sérieux: si nous voulons faire des comparaisons, prenons au moins la moyenne suisse.
A la lecture des solutions proposées, j'ai constaté qu'il avait un train de retard. En effet, les SIG sont impliqués dans divers projets: l'éolien dans le Jura, la centrale chaleur force, qui est effectivement combattue par le MCG, le barrage de Conflan et, prochainement, la reprise de forages pour la géothermie.
Les augmentations du prix de l'électricité effectuées en 2008 devaient permettre aux SIG de faire face à la très forte augmentation du coût d'approvisionnement et au doublement du prix de transport de très haute tension, imposé par le gestionnaire suisse de ce réseau.
Voici les vraies questions que l'on doit se poser: qu'est-ce qui coûte cher et fait gonfler les prix ? Est-ce l'approvisionnement en électricité, la communication, le sponsoring, la publicité à tout-va ou les charges ? Il faut également préciser que M. Prix est intervenu pour dire que le tarif était trop élevé à Genève. Immédiatement, les SIG ont réagi par une ristourne sur des factures trop élevées. Entre-temps, la Cour des comptes a été saisie du dossier. A la lecture de son rapport, on doit constater que l'entreprise était correctement gérée.
Il est évident que le groupe libéral refusera cette motion. Avant de clore mon intervention, je vous lis une citation, chère au président: «A la liberté de provocation répond la liberté d'objection.»
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Stauffer, à qui il reste deux minutes et quarante secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). C'est amplement suffisant, Monsieur le président !
Monsieur le député Borloz - vous transmettrez, Monsieur le président - vous avez oublié de spécifier que le texte qui s'oppose à la centrale chaleur force provient de vos rangs. Le tout nouveau PLR a eu un accouchement difficile, je vous le concède, mais c'était bien un texte radical qui s'oppose à la centrale chaleur force.
Maintenant, laissez-moi peut-être, chers collègues, vous rafraîchir un peu la mémoire, car je pense qu'elle vous fait défaut. Cette motion date du 20 août 2008 ! Nous sommes aujourd'hui le 6 mai 2010 ! Donc si vous prenez en considération le jeu des dates, c'était bien à cette époque que les tarifs d'électricité avaient été augmentés de 30% en une année.
Figurez-vous que le modeste administrateur que j'étais aux Services industriels et l'humble député qui s'exprime devant vous ce soir... (Remarque.) ...a fait en sorte, Mesdames et Messieurs les députés, que les SIG ont dû rembourser aux usagers genevois la bagatelle de 70 millions de francs sur quatre ans. Comment croyez-vous que cela est arrivé ? Par hasard ? Eh bien non, Mesdames et Messieurs les députés, et c'est ce que le Conseil d'Etat, lâchement, m'a reproché: d'avoir violé mon devoir de fidélité à l'entreprise des SIG au détriment des Genevois. C'est bien là tout le problème, Mesdames et Messieurs ! Mon seul devoir de fidélité est envers le peuple qui m'a élu. (Brouhaha.) Et c'est bien grâce aux actions menées par le MCG que ces 70 millions ont été remboursés aux usagers.
Et là, c'est un scandale, parce que vous avez couvert depuis des années le salaire absolument indécent du président du conseil d'administration des Services industriels: 440 000 F pour un poste à 40% ! Honte à vous, Mesdames et Messieurs, d'avoir couvert ces magouilles entre petits copains ! «Je te donne un bon poste, tu verras.» Presque un demi-million de francs pour un poste à 40%, c'est une honte pour cette république !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il y a un point sur lequel je donnerai raison à M. Stauffer: la date du dépôt de la motion. (Rires. Applaudissements.) Cette motion commence effectivement à dater un peu. Alors on peut comprendre pourquoi, sur les huit invites, il y en a six qui ne sont clairement plus d'actualité ou qui sont sur le ton habituel - revanchard, agressif - que l'on connaît, que l'on reconnaît au MCG. Par contre, deux invites méritent tout même une certaine attention, raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien acceptera le renvoi de cette proposition de motion en commission.
La troisième invite traite effectivement de la possibilité et de la nécessité de développer la géothermie à Genève - je crois que notre parti y est favorable. Mais surtout, il y a la quatrième invite, que je me permettrai de vous lire. M. Stauffer parle beaucoup de «cohérence», qui semble le nouveau mot à la mode; donc, par souci de cohérence, je vous lis la quatrième invite. Cette motion demande au Conseil d'Etat d'«entreprendre - sans délai - tout projet qui tendrait à augmenter l'autonomie de production d'électricité sur le canton de Genève.» Alors, s'il y a un projet susceptible de répondre à cette demande, c'est évidemment la centrale chaleur force ! J'espère bien que, par cohérence, Monsieur Stauffer et le MCG, vous cesserez dans les plus brefs délais votre opposition à la centrale chaleur force.
Des voix. Bravo ! (Commentaires.)
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais d'abord vous rassurer: la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est prête à traiter tous les projets qui lui seront renvoyés, quelles que soient les forces hostiles qui s'expriment à l'intérieur ou à l'extérieur de la commission. Bref, si vous nous renvoyez cette motion, nous la traiterons.
En revanche, sur le fond, je suis désolé, Monsieur Stauffer, vous êtes comme d'habitude révisionniste. Vous réécrivez l'histoire en prétendant certaines choses... (Brouhaha.) ... en prétendant que vous auriez révélé certains scandales, alors que c'est inexact. Vos propos sont mensongers, parce que l'exposé des motifs, comme les considérants, parlent de la situation du canton de Zurich, or M. Borloz l'a relevé avec justesse: le canton de Zurich s'approvisionne à 50% en énergie nucléaire. Donc ce n'est pas du tout comparable avec la situation du canton de Genève, qui essaie - à raison ! - d'éviter le nucléaire. Une fois de plus, vous n'écrivez qu'une partie de la réalité. C'est tout simplement malhonnête et mensonger.
Par ailleurs, Monsieur Stauffer, rien ne vous empêchait de retirer ce texte ! Certes, il date de 2008, mais, en l'occurrence, il n'y a presque rien dedans. Parce qu'on a eu les réponses tant sur la baisse des tarifs de l'électricité - qui ne dépendait pas de vous - que sur les autres questions que vous soulevez concernant le siège du Lignon. Les réponses, nous les avons dans les comptes des SIG. Vous avez déposé plusieurs interpellations urgentes, qui ont nécessité un certain travail pour donner des réponses que nous avons toutes et tous à disposition. Par conséquent, vous auriez simplement pu retirer cette motion ! Parce qu'elle est tout simplement inadéquate dans la forme et mensongère dans son contenu.
Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser le renvoi de cette proposition de motion en commission.
M. Eric Leyvraz (UDC). On peut reconnaître une qualité à M. Stauffer: c'est d'avoir de la suite dans son peu d'idées. (Exclamations.) Les Services industriels, et les Services industriels, et encore les Services industriels... Cette motion est ancienne, elle est dépassée.
Les SIG, il faut le rappeler, offrent maintenant un prix de l'électricité qui se situe dans la bonne moyenne suisse. Donc le prix n'est pas surfait. Ensuite, les SIG ont créé un fonds de péréquation pour verser les sommes touchées dépassant le prix réel de l'électricité, fonds qui permet de lisser une augmentation des tarifs l'année suivante. Rappelons aussi que c'est le Conseil d'Etat qui fixe le prix du kilowatt en juin et que des fluctuations peuvent apparaître en cours d'année. C'est donc, une fois de plus et sans raison, une attaque injustifiée contre les SIG. Pour M. Stauffer, cela devient vraiment un TOC: trouble obsessionnel compulsif. Monsieur le président, vous pouvez lui dire que cela se soigne et qu'il aurait intérêt à consulter la Faculté.
Ainsi, pour les raisons que je vous ai exposées précédemment, nous refuserons cette motion.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts se demandent toujours comment on peut penser d'une manière globale et agir d'une manière locale. Ainsi, la première analyse que nous avons faite a été de se demander quels sont les enjeux pour notre planète aujourd'hui. Ces enjeux sont cruciaux et ont trait au réchauffement climatique et à la fin du pétrole, la ressource énergétique qui a fait vivre notre civilisation de manière un peu délirante. Aujourd'hui, les enjeux, pour nous, gravitent autour des économies d'énergie et du développement de nouvelles énergies qui soient renouvelables. Est-ce que cette motion y répond ? La réponse, à notre sens, est évidemment non. Non, Mesdames et Messieurs les députés, cette motion ne permettra pas d'arriver, au niveau local, à de meilleures économies d'énergie. Ce n'est pas en bradant les énergies que nous les économiserons. Non, ce n'est pas avec des motions de ce type que nous pourrons faire des économies.
Je rejoindrai le préopinant du MCG pour dire que, oui, Monsieur Stauffer, nous reconnaissons que le salaire qui était versé au président du conseil d'administration des SIG était scandaleux. Oui, le fait de toucher des jetons de présence ainsi - un petit bout ici, un petit bout là, et encore de-ci et de-là - est scandaleux. Pour nos concitoyens qui travaillent et qui sont salariés, des rémunérations de ce type sont incompréhensibles. Nous partageons ce point de vue. Néanmoins, nous pensons que c'est le travail du conseil d'administration de régler cette question, et c'était le conseil d'administration dont vous faisiez partie qui avait accès à ce type d'informations. Mais entendons bien que nous sommes, comme vous, tout à fait révoltés par ce fait.
Toutefois, cette motion ne traite pas de ce sujet et propose des solutions qui ne peuvent qu'aggraver la crise énergétique que nous sommes en train de vivre au niveau planétaire. Pour cette raison, nous vous invitons à rejeter cet objet.
Le président. Merci, Monsieur le député. Dernière intervention, de M. Jeanneret, à qui il reste trente secondes.
M. Claude Jeanneret (MCG). J'aimerais seulement remettre quelque chose au point. On vient nous dire que Zurich s'alimente en énergie nucléaire: c'est vrai. Mais quand nous, nous sommes en panne, de toute façon, on ne vient pas nous dire d'où cela vient, on achète de l'électricité là où il y en a. Cette électricité est bien sûr nucléaire comme pas nucléaire. Donc, il ne faut pas non plus prendre les gens pour des imbéciles ! On sait que l'on s'alimente là où l'on nous fournit. Et lorsque l'électricité est dans le fil, elle n'a pas de couleur. Elle n'est ni verte, ni rouge, ni bleue, ni nucléaire, ni pas nucléaire, c'est de l'électricité !
Deuxièmement - soyons clairs, nets et précis - même si M. Stauffer a parfois un discours un peu virulent, c'est tout de même grâce à lui que le scandale du salaire du président du conseil d'administration a éclaté. C'est quand même depuis que le MCG est dans le conseil d'administration que le Conseil d'Etat a décidé de rembourser le prix de l'électricité aux consommateurs...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Claude Jeanneret. Je crois qu'il est grand temps que nous ayons des gens qui défendent non pas la fidélité aux SIG seulement, mais la fidélité à l'électorat ! Et c'est ce que le MCG décide de faire. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Bavarel, pour une toute dernière intervention.
M. Christian Bavarel (Ve). J'aimerais simplement corriger une contrevérité. Vous savez comment est produite l'électricité, comment cela fonctionne. Je vais simplement donner une image qui me semble importante. C'est comme si vous aviez une baignoire ou un tonneau. D'un côté, au pied de cette baignoire, se trouve votre robinet de consommation personnelle; et vous consommez - on va parler en litres - deux litres d'électricité. Il faut alors de nouveau remplir cette baignoire pour qu'elle reste au même niveau. Vous pouvez la remplir avec de l'énergie d'origine soit nucléaire, soit renouvelable. A Genève, on ne remplit pas la part que nous prélevons dans la baignoire d'électricité commune, qui est le réseau électrique, de manière nucléaire. Il n'y a donc pas d'énergie nucléaire dans notre réseau. Ce n'est pas là que nous nous alimentons.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1835 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est rejeté par 49 non contre 32 oui.
Mise aux voix, la proposition de motion 1835 est rejetée par 72 non contre 14 oui.