Séance du
vendredi 12 février 2010 à
20h30
57e
législature -
1re
année -
5e
session -
25e
séance
PL 10205-A
Premier débat
M. Claude Aubert (L), rapporteur de majorité ad interim. Pour la deuxième fois, je vais remplacer Mme Hagmann, bien qu'elle soit par définition irremplaçable. Donc, je vais faire mon «petit possible», juste pour vous rappeler l'essentiel, parce que le rapporteur de minorité pourra certainement aller plus dans le détail.
Il s'agit donc d'un projet de loi instituant un Fonds d'investissement et de soutien aux institutions culturelles. Ce projet de loi a été déposé en février 2008, mais depuis lors beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. A commencer par le fait que notre commission de l'enseignement et de l'éducation est devenue, grâce à Mme Hagmann, la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture. On apprend maintenant que le département de l'instruction publique devient le département de l'instruction publique, de la culture et du sport. Tout bouge autour de la culture, qui cherche ses ancrages, et c'est pourquoi nous devons ajouter au canton et à la Ville, les communes prises individuellement, les communes prises collectivement sous la forme du Fonds d'équipement communal, et je vous rappelle que nous avons voté un projet de loi entré en force le 1er janvier 2010 concernant le Fonds d'équipement communal.
Lorsque nous avons discuté de ce projet de loi, même le président Beer lui-même avait proposé qu'on le gèle, étant donné que tout bougeait autour de la culture. Ce gel n'a pas été accepté par la commission, sauf, bien sûr, par les socialistes et les Verts. Ensuite, notre commission a décidé dans sa majorité de ne pas entrer en matière, et nous vous proposons ici de ne pas entrer en matière sur un projet qui est trop en décalage avec tout ce qui a changé. Pour être conséquent, il faudrait totalement le refaire.
M. Manuel Tornare (S), rapporteur de minorité ad interim. Chers collègues, je suis d'accord avec M. le député Aubert. Depuis février 2008, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et, heureusement, un certain nombre de décisions et de projets nouveaux dans le domaine de la politique culturelle indiquent une évolution de ce dossier.
Ce projet de loi, qui avait été proposé à l'époque par les socialistes, faisait, il est vrai, le constat d'un certain malaise et de l'échec d'une certaine politique culturelle intercommunale dans les relations entre les communes et l'Etat, une politique qui souvent avait été suivie de beaucoup d'échecs.
Nous pouvons nous souvenir de ce qui s'était passé dans les années 1990, lorsque Martine Brunschwig Graf, à l'époque chargée de l'instruction publique, Alain Vaissade, chargé de la culture en Ville de Genève, et d'autres maires et conseillers administratifs du canton avaient essayé de lancer la fameuse Conférence culturelle. On ne peut pas en chercher les responsables, mais ce fut, hélas, un semi-échec. Je m'en souviens, et il est vrai qu'une certaine déception en avait résulté, tant chez les élus de la Ville, des communes et du canton, qu'au niveau des acteurs culturels et des artistes de ce canton.
Par la suite, vous vous en souvenez, a été organisé un forum culturel avec les communes et le canton. On avait en quelque sorte essayé de «remettre la compresse» d'une autre manière - si je vulgarise un peu. Ce forum avait donné lieu à la création d'un Rassemblement des artistes et des acteurs culturels, le RAAC, qui se réunit très souvent. L'an passé, je crois qu'il s'est réuni au mois de mai au Théâtre Am Stram Gram et ce fut une journée d'étude extrêmement intéressante. C'est à ce moment-là qu'on avait entendu le président Beer nous parler de son intention et celle du Conseil d'Etat de proposer la création d'une commission externe chargée de rédiger un avant-projet de loi pour les arts et la culture, la CELAC, aussi dite la commission Mayou.
Cette commission est en fonction depuis quelques mois et elle travaille, je crois, extrêmement efficacement, d'après les échos de la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture. Le président du département en dira plus que moi, mais d'ici au 30 avril cette commission devra nous proposer un projet de loi, lequel fera certainement des propositions dans le sens d'une meilleure défense de la culture dans ce canton, mais aussi dans le sens d'un transfert de charges.
J'ajouterai qu'il y a des signes au niveau national aussi, depuis février 2008, au niveau de la Confédération, puisqu'on peut citer la loi fédérale sur l'encouragement de la culture, qui vient d'être adoptée et va aussi dans le sens souhaité par les acteurs et les artistes, non seulement de ce canton mais de tout le pays.
Le groupe socialiste vous demande de renvoyer ce projet de loi à la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture: on pourra peut-être le greffer à l'étude du projet dit «de la commission CELAC», pour voir si le projet de loi qu'on va nous proposer épuise ou pas le texte qui est sous vos yeux.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission. Monsieur Aubert, souhaitez-vous vous exprimer à ce propos ?
M. Claude Aubert (L), rapporteur de majorité ad interim. Nous ne pensons pas qu'un renvoi en commission soit utile, étant donné que de toute façon, s'il fallait refaire un projet, il le faudrait complètement. En ce sens, il vaut mieux s'arrêter, quitte à recommencer avec quelque chose d'autre.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10205 à la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture est rejeté par 48 non contre 23 oui.
M. Antoine Bertschy (UDC). Le rapporteur de minorité vous a parlé de cette fameuse Conférence culturelle. Je vous rappelle qu'elle avait, à l'époque, été soumise à plusieurs communes. Certaines d'entre elles avaient dit oui; d'autres, non. Je siégeais alors dans la commune de Vernier, qui avait dit non pour une simple et bonne raison: la Ville de Genève demandait que les communes donnent de l'argent pour cette Conférence, tout en gardant un droit de veto avec le canton. Le canton et la Ville devaient avoir un droit de veto.
Ce projet de loi, arrivé par le biais du parti socialiste, renvoie aux statuts du Fonds d'investissement et de soutien aux institutions culturelles, statuts dans lesquels je lis à l'article 11: «Le conseil ne peut délibérer valablement que si la majorité de ses membres, dont les représentants du canton et de la Ville de Genève, sont présents.» Cela maintient un droit de veto pour la Ville de Genève et pour le canton.
Le groupe UDC était opposé à l'entrée de la Suisse dans l'ONU à cause du droit de veto dont disposent certains pays dans le Conseil de sécurité; au niveau des communes et du canton, le groupe UDC reste sur la même ligne: nous sommes opposés au droit de veto et nous refuserons donc ce projet de loi !
Des voix. Bravo !
M. Pierre Losio (Ve). Décidément, le préopinant UDC a de ces raccourcis, entre la commune de Vernier et l'ONU, qui nous font voyager à une vitesse sidérale ! (Rires.)
Mesdames et Messieurs les députés, il est assez rare que nous ayons des débats sur la culture dans ce Conseil. Ils sont peu suivis et peu d'objets arrivent devant ce plénum. Une fois n'est pas coutume, il y en a un ce soir, mais nous estimons qu'il est prématuré. Je m'en expliquerai plus tard. (Commentaires.)
Là, je reprends une indication qu'avait donnée Mme Virginie Keller, lorsqu'elle a présenté son projet de loi à la commission: «Le projet de loi 10205 se veut une réponse à une partie du problème de transfert de charges.» Eh bien nous, les Verts, nous ne voulons pas de réponse partielle ! Nous souhaitons un projet global pour la culture, un projet cantonal, et qui ira peut-être prochainement au-delà des frontières cantonales de l'agglomération.
Nous ne souhaitons plus devoir assister à ces chicanes entre la Ville et l'Etat, à ces controverses et à ces bras-de-fer, parfois. Le canton et Etat de Genève doit, à notre sens, agir sans arrogance, mais sans complaisance non plus, fort des prérogatives que lui donne la Constitution fédérale.
Il convient donc de reprendre la rédaction du projet de loi sur la culture, de façon qu'il puisse servir de référence à toutes les collectivités publiques de notre canton et afin que, tous ensemble, en termes de «partenariat public-public», nous arrivions à trouver une solution. Le Conseil d'Etat, par l'entremise du chef du département, M. Beer, en a pris l'initiative, puisqu'il a créé cette commission dans laquelle sont représentées non seulement toutes les collectivités publiques, mais également, et c'est très important, ceux qui ont fait rebondir le débat culturel ces derniers temps, c'est-à-dire les acteurs culturels et les artistes qui font partie de cette commission.
Cette commission est chargée de rendre au tout début du printemps un avant-projet qui servirait de cadre. On peut donc se féliciter que l'Etat ait pris un rôle moteur dans cette affaire, mais prendre un rôle, s'attribuer un rôle, ce n'est pas forcément pouvoir le jouer. Si l'Etat veut pouvoir jouer ce rôle, il conviendra ultérieurement que des moyens suffisants et conséquents soient dégagés pour que ce Grand Conseil, le canton de Genève et le Conseil d'Etat prennent en considération de manière soutenue la culture.
Je disais que ce débat est prématuré. En effet, cette disposition partielle d'un fonds qui était en fait une réponse momentanée en 2008, au début d'une guéguerre entre la ville et l'Etat, pourrait constituer une des parties du nouveau dispositif qui est en train d'être travaillé. Mais pas forcément !
Donc, nous, en toute humilité, nous attendons les premiers signes du rapport de cette commission pour pouvoir nous déterminer de manière globale, et non pas de manière sectorielle. Il aurait mieux valu que la commission gelât ce projet de loi: le travail aurait déjà été fait et nous aurions pu le reprendre quand le projet de loi définitif sortira, je ne sais pas dans quel délai. Constatant que le renvoi à une commission a été refusé, notre groupe ne souhaite pas donner un signe négatif au monde culturel, mais il ne souhaite pas non plus court-circuiter le travail de cette commission. C'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.
M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, les démocrates-chrétiens sont convaincus que la culture est importante pour Genève et nous sommes convaincus également qu'il faudra repenser le financement de la culture, probablement avec une participation plus importante de l'Etat, notamment dans le cadre des grandes institutions culturelles de ce canton. Il est vrai que ce projet de loi est dans le champ du financement de la culture. M. Losio le rappelait, M. Tornare également, un gros travail a été fait par les artistes et acteurs culturels dans le cadre du récent forum auquel j'ai pu participer avec beaucoup d'intérêt. Notamment, de nombreuses pistes ont été évoquées dans le domaine du financement de la culture, d'autres pistes que celle d'un fonds, et qui méritent d'être explorées.
Je crois donc qu'il est prématuré de voter sur ce cadre qui pour ainsi dire concentre le financement sur un fonds. Il est nécessaire, comme cela a été dit, d'attendre les conclusions de la commission d'experts, laquelle se penche sur un certain nombre d'aspects, notamment celui du financement de la culture.
Je rappellerai aussi que nous avons voté, il y a peu de temps, un nouveau dispositif de péréquation intercommunale et que, dans ce cadre-là, a été instauré un nouveau fonds intercommunal, le FIC, qui a dans ses nouvelles prérogatives également la possibilité de financer des projets culturels. Il s'agit aussi de voir comment ce nouveau fonds va se mettre en oeuvre, quelles pourront être les projets soutenus dans ce cadre. Je crois donc qu'il est important de ne pas mettre la charrue avant les boeufs, que ce soit dans l'attente des résultats des études menées par la commission ou dans l'attente de la mise en oeuvre de ce nouveau fonds. Pour toutes ces raisons, tout en étant convaincu qu'il faut repenser le financement de la culture à Genève, le groupe démocrate-chrétien vous invite à rejeter ce projet de loi.
M. Mauro Poggia (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le MCG est aussi intimement convaincu que la culture est fondamentale dans toute société, et tout particulièrement dans une ville comme Genève. Néanmoins, il vous proposera de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.
La tiédeur du rapporteur de minorité quant à la présentation de sa position atteste effectivement, pour reprendre ses mots, que de l'eau a coulé sous les ponts. Depuis, c'est un tango que vous nous dansez-là, Monsieur Tornare: un pas en avant, deux pas en arrière ! En fait, je pense que vous êtes aussi intimement convaincu que ce projet de loi est aujourd'hui dépassé - ou prématuré, selon comment on se place. Et c'est également notre avis. Il y a eu le Fonds intercommunal, il y a les travaux de l'Assemblée constituante et, le 3 avril 2009, la Loi B 608 a été votée pour renforcer la péréquation financière intercommunale, dotant le Fonds intercommunal de 23 millions de francs annuels. Il y a donc des travaux qui sont en cours, il y a ce rapport de la commission qui doit être rendu pour le mois d'avril prochain.
Nous sommes donc sur la bonne voie, et créer un «machin» - pour reprendre la formule de Charles de Gaulle - qui devrait gérer la culture dans notre canton ne nous semble pas la bonne solution.
Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi 10205 a eu le mérite d'affirmer que la culture n'est pas un luxe et il a le mérite de poser, dans un contexte très incertain, les bases d'une vision portée par l'Etat.
Ce projet de loi renforce une approche amorcée avec le Fonds intercommunal qui, plutôt que de cliver les niveaux de responsabilité entre communes et Etat, tient compte de l'histoire culturelle de notre canton et de la modestie de son territoire. C'est un projet encore balbutiant qui a, cela dit en passant, l'âge d'une motion d'il y a près de vingt ans, déposée par un député libéral, comme le rappelait le député Manuel Tornare.
Ce projet de loi pose aussi la question de l'organisation de la gestion de la culture par la création d'une fondation, sur un modèle analogue au modèle fédéral avec Pro Helvetia.
Bien sûr - et heureusement - comme il est dit dans le rapport, de nombreux événements ont eu lieu depuis le dépôt de ce projet de loi. Et nous rendrons hommage au Rassemblement des artistes et acteurs culturels pour avoir précisément rassemblé aussi les collectivités publiques, dans une démarche large et intelligente, tout comme il faut saluer la décision du conseiller d'Etat Charles Beer d'avoir donné écho à l'ensemble de ces données nouvelles en créant une commission extraparlementaire. Celle-ci présentera le fruit de ses réflexions au mois d'avril.
Oui, ce projet de loi est aujourd'hui comme une pièce d'un puzzle dont l'image entière reste à définir. Peut-être la pièce ne conviendra-t-elle pas ? Cependant, ce projet, le travail de la commission et le rapport qui en témoigne contiennent de nombreux éléments qui devront nécessairement être abordés dans la suite des travaux.
Les socialistes ne peuvent ainsi que regretter que nous n'ayons pas donné ce soir un signal positif à l'ensemble des acteurs culturels et à nos concitoyens. Et nous aimerions affirmer que si le projet ne peut être traité tel quel, il pose néanmoins les bases d'une réflexion voulue par le Grand Conseil.
Nous veillerons ainsi, une fois que les travaux de la commission extraparlementaire seront achevés, à ce qu'en effet un projet global voie le jour, comme l'a dit le député Losio.
Mesdames et Messieurs, dans cette dynamique, les socialistes voteront ce soir ce projet de loi.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, évidemment, le groupe libéral soutiendra le rapport de majorité déposé par Mme Hagmann et défendu avec brio par M. Aubert. Le rapport de minorité a été défendu avec le même brio, d'ailleurs, parce qu'il en fallait pour défendre un rapport de minorité d'une page ! Et M. Tornare, de ce point de vue-là, a fait un excellent travail, je dirai même un travail d'exégèse approfondi, ce dont il convient de lui savoir gré.
Le refus de l'entrée en matière s'impose parce que ce projet de loi est obsolète ! Il est obsolète, compte tenu de ce qui a été rappelé, y compris par M. Tornare. Surtout, ce projet de loi ne s'attaque pas à l'essentiel. L'essentiel, qu'est-ce que c'est ? C'est la répartition des compétences entre les différents échelons du pouvoir: du canton et des communes, voire des agglomérations de communes et, probablement, jusqu'aux relations avec le canton de Vaud et la région. De ce point de vue-là, avec M. Losio, avec M. Gillet, avec Mme Emery-Torracinta, nous avons été un certain nombre à avoir des contacts approfondis avec le RAAC. Des contacts qui ont, je crois, été utiles pour la suite des opérations et pour cette réflexion de fond sur ce que devra être la réorganisation des subventions culturelles dans notre canton.
Il est en effet absurde que telle municipalité, aussi grande soit-elle et dont notre député-maire a la responsabilité, s'occupe d'institutions à réputation suprarégionale, je pense en particulier au Grand Théâtre, mais on peut penser aussi à la Comédie ou aux Musées d'art et d'histoire, alors que le canton ne s'occupe que des jeunes pousses culturelles à travers l'action du département de l'instruction publique, de la culture et du sport. Il doit probablement y avoir là un coup de sac à opérer !
Mesdames et Messieurs les députés, nous devons nous préparer à assumer un certain nombre de responsabilités, y compris financières; de même que les communes doivent s'apprêter à moins dépenser dans le domaine culturel, pour qu'il y ait compensation, afin que le contribuable ne soit pas le dindon de la farce - et je ne suis pas chez Feydeau, chers collègues ! Les grandes institutions au canton, celles qui sont d'importance moyenne au rassemblement de communes, et puis celles qui sont à vocation plus régionale voire locale, eh bien, aux communes elles-mêmes ! Et il ne faut pas exclure qu'avec leur générosité coutumière nos voisins français ou vaudois participent aux efforts que nous mènerons pour les grandes institutions.
Mesdames et Messieurs les députés, voilà les raisons pour lesquelles il convient de ne pas s'attarder davantage sur ce projet de loi qui a intéressé la commission, mais sur lequel elle a refusé d'entrer en matière, et pour lequel il conviendra, le moment venu, de réfléchir à un coup de sac structurel, en particulier à celui que propose la résolution 586 que nous avons été nombreux à signer et qui sera bientôt à l'ordre du jour de ce Grand Conseil.
M. Michel Ducret (R). Mesdames et Messieurs les députés, pour le parti radical il est clair que la culture est un élément essentiel de l'équipement de notre ville, de notre canton, de notre région. Et à Genève il y a des institutions qui sont à l'échelle de cette région, de cette agglomération dont nous nous prévalons très souvent, mais dont nous avons beaucoup de peine à assumer la réalité, notamment la réalité économique. Très clairement, il faut le reconnaître, par rapport à nos compétences, il y a donc des institutions culturelles qui sont aujourd'hui d'intérêt cantonal alors que d'autres sont beaucoup plus locales.
Le problème, c'est que la proposition qui nous est faite ici est celle d'une sorte - excusez le terme ! - de pompe à fric qui, au final, confirmerait un simple principe d'arrosage, un arrosage qui permettrait d'exister à toutes les petites pousses que les communes voudraient voir fructifier sur leur sol, dès qu'elles auront un peu d'argent en trop. Chacun veut avoir ses petits géraniums pour embellir sa commune et ce n'est pas ainsi qu'on aura une politique à l'échelle de nos prétentions, Mesdames et Messieurs les députés !
Pour sa part, le parti radical se tourne résolument vers une proposition qui va dans le sens d'une fondation intercommunale qui respecterait la répartition actuelle, en tout cas dans ce qui est communément appelé en ce moment la répartition des compétences entre l'Etat et les communes. Toutefois, pour donner aux institutions des communes cette dimension régionale, il faut impérativement passer à «l'intercommunalité» et il faut pour cela que les communes collaborent. Il s'agit aussi de passer au-delà de la frontière et de prendre en compte la possibilité de mettre ceci à l'échelle de la région.
Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, vous comprendrez que, pour le parti radical, la proposition qui est faite ici n'est pas satisfaisante. Nous préférons cette solution «d'intercommunalité» à une cantonalisation qui n'en serait pas une et qui ne conférerait pas à la culture la dimension régionale à laquelle elle a droit.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'abord de relever que le débat actuel, à l'exception de quelques interventions, démontre bien l'attachement de pratiquement l'ensemble des partis à la place de la culture dans notre canton. J'aimerais rappeler que nous avons vécu au cours des dernières années un certain nombre de manifestations inverses. Il y a eu le drame des fonds ponctuels réduits de moitié lors de l'établissement du budget en 2004; il y a eu le drame - ou psychodrame - autour du transfert de charges en 2007; il y a une volonté constante de la Ville de Genève de vouloir s'accaparer systématiquement l'ensemble du domaine culturel sur l'ensemble du territoire genevois. Cette volonté n'est toutefois pas unanime et, à cet égard, je salue la position de M. Manuel Tornare, conseiller administratif et souvent maire de la Ville, de s'y être opposé. Il y a aussi eu l'échec de la Conférence culturelle, malgré son succès devant ce parlement. Si votre Grand Conseil et le Conseil municipal de la Ville de Genève l'ont votée à l'unanimité, eh bien, les communes, pour la plupart d'entre elles, à l'exception de trois en plus de la Ville de Genève, ont refusé d'adhérer à cette Conférence culturelle, ce qui a donc constitué un échec.
Ce que nous avons pu remarquer, c'est que la tentative de transfert de charges en 2007 - c'est-à-dire la suppression de toute politique culturelle au niveau cantonal - a suscité une réaction des milieux culturels, laquelle a permis de créer le RAAC, le Rassemblement des artistes et acteurs culturels. Ce fameux Rassemblement a, quant à lui, non seulement mené des travaux importants, mais il a eu l'occasion de le faire lors de trois forums publics intéressants qui nous ont permis de noter que l'ensemble des partis politiques étaient attachés à une plus grande place de l'Etat dans la politique culturelle. Je tiens également à dire que la plupart des interventions ont largement souligné cela.
Reste évidemment à savoir comment l'Etat pourra prendre davantage de place dans la politique culturelle. Est-ce qu'il s'agit de contrôler les grandes institutions ? Est-ce qu'il s'agit d'agir au niveau de la relève ? Est-ce qu'il s'agit de la formation ? Est-ce qu'il s'agit des compagnies ? Est-ce qu'il s'agit de s'ouvrir sur la culture au niveau régional ? Ce sont toutes des questions qui seront traitées à l'avenir, indépendamment du sort de ce projet de loi. Et si nous aurons à les traiter, c'est parce qu'une commission externe, celle qui révise la loi sur l'accès à la culture, est en train de plancher sur les axes à donner à ce que devra être la politique culturelle de demain et, plus précisément, sur la place du canton dans cette politique. Nous n'échapperons pas, Mesdames et Messieurs les députés, à l'examen critique... (Brouhaha.) Il est un tout petit peu difficile de parler dans un tel bruit, même s'il ne reste que quelques minutes...
Le président. Terminez, Monsieur le conseiller d'Etat ! Ne vous laissez pas distraire !
M. Charles Beer. Merci, Monsieur le président ! Le débat a été largement engagé et il faudra non seulement savoir quels seront les budgets que nous consacrerons à la culture, mais également, le cas échéant, quelle est la marge de renégociation des engagements respectifs de la Ville de Genève et du canton de Genève.
Donc, nous attendons évidemment l'avant-projet de loi de la commission. Le Conseil d'Etat y travaillera et y mettra sans aucun doute sa patte. Je tiens d'ores et déjà à vous donner rendez-vous pour ces travaux, qui auront pour enjeu de définir cette politique culturelle que chaque parti appelle de ses voeux pour cette législature. Le mérite de ce projet de loi, c'est au moins d'avoir posé les jalons d'un débat qui devra ressurgir devant ce parlement, de façon sereine et constructive, et je vous remercie d'avoir donné des signes positifs en ce sens.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur la prise en considération de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 10205 est rejeté en premier débat par 64 non contre 15 oui et 18 abstentions.