Séance du jeudi 28 janvier 2010 à 20h30
57e législature - 1re année - 4e session - 18e séance

R 601
Proposition de résolution de Mmes et MM. Stéphane Florey, Eric Bertinat, Céline Amaudruz, Eric Leyvraz, Marc Falquet, Christina Meissner, Patrick Lussi, Christo Ivanov du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonal pour une modification du Code pénal suisse (punissabilité du recours à des prostitué-e-s de moins de 18 ans)

Débat

M. Stéphane Florey (UDC). Le but de cette proposition de résolution est de donner suite à nos travaux sur la loi que nous avons votée le mois dernier sur la prostitution, qui interdit la prostitution des mineurs. Comme vous le savez peut-être, le Parlement fédéral a refusé une motion du PDC qui faisait une demande en ce sens. La réponse du Conseil fédéral a été claire: il a refusé d'interdire la prostitution des mineurs en raison du fait que l'âge légal pour avoir une sexualité est fixé à 16 ans. Nous avons estimé que ce n'était pas normal, qu'il fallait justement continuer la démarche et renvoyer cette résolution au Conseil fédéral.

Il faut encore savoir que d'autres parlements statuent également sur cette demande... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !

M. Stéphane Florey. Le parlement valaisan a aussi une motion en cours de traitement sur ce même sujet. Nous estimons que c'est un thème important, il convient donc de ne pas se relâcher et de continuer à mettre la pression sur le Conseil fédéral pour qu'il statue enfin, définitivement, sur le fait d'interdire la prostitution des mineurs jusqu'à l'âge de 18 ans.

Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai d'abord un regret, c'est celui que cette résolution n'ait pas été déposée en même temps que le projet de loi sur la prostitution que nous avons voté il y a un mois. Toutefois, il vaut mieux tard que jamais ! Le groupe socialiste votera cette résolution, mais en préambule j'aimerais ajouter quelque chose.

D'abord, nous avons dit au moment du débat sur le projet de loi qu'il y avait la problématique des mineurs. Le conseiller national Barthassat a entrepris plusieurs démarches, mais d'autres aussi, comme les socialistes neuchâtelois, les socialistes bernois et zurichois, qui vont dans le même sens. Ils veulent faire introduire dans le droit pénal une infraction qui s'appliquerait à tous ceux qui feront appel à des personnes mineures. En réalité, elles sont majeures sexuellement selon la loi suisse, mais 18 ans, c'est quand même un peu trop tôt ! Pourquoi ? Parce qu'il y a aujourd'hui une tendance, une demande de plus en plus forte pour des jeunes prostituées chez ces messieurs. Or, aujourd'hui, des jeunes se prostituent parfois pour acheter une télévision ou dieu sait quoi ! C'est aussi là que ça devient problématique.

Dans la communauté européenne, une convention du Conseil de l'Europe a déjà été ratifiée par beaucoup de pays et elle fixe une limite à l'âge de la prostitution à 18 ans. Toutefois, il y a des pays européens, comme le Danemark, la Suède et l'Allemagne, où cette interdiction a été portée jusqu'à l'âge de 21 ans, et je pense que c'est une très bonne chose. Mais qui peut le plus, peut le moins: essayons déjà avec cette résolution d'appuyer toutes les demandes faites par d'autres parlementaires, pour qu'enfin Berne prenne conscience qu'aujourd'hui la prostitution des jeunes est un véritable problème de société, parce que certains se disent que cela s'apparente à la pédophilie ! Comment voulez-vous qu'un jeune de 18 ans se rende compte de ce qu'il fait en se prostituant ? Plus tard, ce jeune aura énormément de problèmes dans la vie. Parce que ça laisse des traces de démarrer très jeune dans un tel métier. Il l'aura peut-être fait parce que des camarades le faisaient ou peut-être parce qu'il avait envie de se payer une nouvelle trottinette, un nouveau portable ou autre chose. (Commentaires.) Oui, un nouveau portable ! Il y en a qui coûtent très cher ! En conclusion, Monsieur le président, le groupe socialiste appuiera et votera cette résolution.

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Monsieur le président, vous pensez bien que le groupe démocrate-chrétien est particulièrement attentif à cette résolution puisque M. Luc Barthassat a déposé il y a plus d'une année une intervention à Berne, cela a été relevé. Oui, elle n'a pas été acceptée, mais le travail est de nouveau mis sur le métier et nous avons bon espoir que, avec l'aide de tous les autres partis, il y ait une nette avancée.

La législation suisse actuelle comporte certes des dispositions en lien avec la prostitution des mineurs, mais sans la régler toutefois, puisque celle-ci est permise dès 16 ans, à condition qu'il n'y ait pas d'exploitation par un tiers de la détresse de la personne qui pratique la prostitution. Or comment peut-on imaginer un instant qu'un ou une mineure de 16 à 18 ans ne soit pas dans une situation de détresse - qu'elle soit financière, psychologique ou morale ? Comment peut-on ne pas voir qu'inévitablement, cette personne mineure tombera sous l'emprise de quelqu'un qui pourrait l'exploiter ? Alors tout ce qui peut être fait doit être fait pour lutter contre cette hypocrisie - et il y en a dans nos lois, Monsieur le président ! Nous devons donc continuer à lutter et à être les plus nombreux possible à dénoncer cette injustice et l'inacceptable dans notre législation. Bien sûr, nous soutiendrons donc cette résolution.

M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons progressé dans ce canton de manière notable avec le vote de la loi sur la prostitution il y a quelques semaines. Nous avons dans ce parlement également beaucoup débattu de notre fonctionnement tout à l'heure. En faisant un rapprochement entre ces deux débats qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre, je ne peux m'empêcher de penser que l'un des moyens d'accélérer le fonctionnement de notre parlement, ce serait de ne pas voter par je ne sais quel coup de sang l'urgence sur des résolutions qui ne servent à rien du tout, si ce n'est à finir dans la poubelle du Parlement fédéral parce qu'il s'agit de sujets qui n'ont aucun caractère urgent !

Le problème posé par cette résolution de l'UDC, que l'on remercie de se pencher soudain avec un intérêt considérable et détaillé sur la question de la prostitution, est évidemment un problème réel. La prostitution des mineurs est un événement et un problème détestables, ça ne fait pas l'ombre d'un pli. En effet, la majorité sexuelle pénale est fixée à 16 ans dans ce pays, et la majorité civile à 18 ans. Mais bien entendu, ce qui se produit dans des situations absolument normales et paraît par conséquent le fruit de l'évolution normale des individus à qui l'on fait confiance ne peut pas s'appliquer purement et simplement à l'activité de la prostitution, Mme von Arx-Vernon l'a rappelé.

Il n'en demeure pas moins que la solution qui est proposée ici n'est pas nécessairement la meilleure et c'est probablement la raison pour laquelle elle n'a pas été adoptée d'entrée de cause par les Chambres fédérales. D'abord, parce que c'est une solution pénale, une solution de criminalisation. Est-ce que nous voulons dans notre pays, comme aux Etats-Unis, voir des patrouilles policières arrêter les clients des prostituées à tout bout de champ ? Est-ce qu'on a envie d'avoir une forme d'Etat policier autour de l'activité de la prostitution ? Est-ce qu'on pense qu'on peut, grâce au fait d'édicter une norme pénale supplémentaire, résoudre un comportement de ce type ? Je n'en suis pas certain. J'en suis d'autant moins sûr qu'ici, la seule solution probablement réaliste serait de criminaliser la personne qui s'adonne à la prostitution et pas seulement celui qui recourt à ses services ! Sans quoi, on risque en effet de provoquer une chasse aux clients au lieu de résoudre le problème en tant que tel !

Le deuxième problème, Mesdames et Messieurs, vous l'avez compris, c'est celui de l'infantilisation. Que voulons-nous véritablement, alors même que dans un certain nombre de parlements cantonaux on parle d'accorder le droit de vote aux mineurs à partir de 16 ans ? Avec une évolution dans ce sens, est-ce qu'on veut véritablement créer des carcans pénaux à tout bout de champ autour de personnes à qui, par ailleurs, on fait de plus en plus confiance ?

Tout cela fait que ce texte est malvenu; c'est un texte de circonstance, inspiré par le vote d'une loi qui, en tant que telle, est une bonne loi mais, comme cela a été dit tout à l'heure, la prostitution des mineurs est un phénomène détestable et le groupe libéral ne s'opposera pas à ce que ce texte soit renvoyé aux autorités fédérales.

M. Stéphane Florey (UDC). Monsieur le président, je voulais juste ajouter que nous proposons cette résolution parce qu'il ne sert à rien d'avoir une loi cantonale qui interdit cette prostitution, alors que nous sommes à moins de vingt minutes en train ou même en vélomoteur d'un autre canton. Si les autres cantons n'interdisent pas aussi cette prostitution, cette loi n'a aucun sens.

C'est pour ça que je vous remercie de renvoyer directement cette résolution au Conseil fédéral pour maintenir la pression, comme je l'ai dit tout à l'heure, et pour que le Conseil fédéral statue une fois pour toutes sur cette problématique.

M. Frédéric Hohl (R). On l'a dit tout à l'heure, la loi cantonale a été votée et on a largement débattu de ce sujet. On remercie l'UDC d'avoir fait cette résolution qui ne sert pas à grand-chose. Evidemment, nous allons la voter et on l'enverra à Berne où ils n'attendent pas cette résolution pour travailler, je peux vous l'assurer, puisque le sujet est inscrit au programme de la prochaine session, en mars. Nous voterons donc la proposition de résolution, même si elle ne sert pas à grand-chose.

M. Mauro Poggia (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, tout le monde est d'accord que la prostitution est quelque chose de détestable, tout particulièrement lorsqu'elle est pratiquée par des personnes mineures. Autre est la question lorsque la prostitution est pratiquée par des personnes adultes et consentantes. Evidemment, il est toujours difficile de savoir où s'arrête le consentement et où commence l'exploitation.

Nous sommes tous ici unanimement convaincus qu'il y a quelque chose à faire pour les jeunes de 16 à 18 ans qui, pour des raisons financières, peuvent être entraînés dans des réseaux de prostitution. Le problème est de savoir si nous pouvons par le biais d'une résolution comme celle qui nous est présentée par l'UDC amener l'Assemblée fédérale à un résultat constructif.

Je rappelle que cette résolution vise à punir le client, comme le disait le député Jornot, puisque ce sont les personnes qui recourent à des prostituées âgées entre 16 et 18 ans qui sont visées. Alors, fort heureusement, je ne fais pas partie de la clientèle en question, mais j'imagine volontiers qu'il est pour le moins difficile pour un client de déterminer si la personne à laquelle il s'adresse a 17 ans ou 18 ans et demi. Cela voudrait dire que tout client d'une prostituée devrait d'abord lui demander de présenter sa carte d'identité pour s'assurer qu'elle a effectivement plus de 18 ans. C'est en fait le but de cette résolution.

Vous imaginez aisément les difficultés pratiques que pourrait avoir une telle disposition si on voulait l'amener jusqu'à son but final, c'est-à-dire la mettre en bonne place dans notre code pénal, sachant - et vous le savez aussi bien que moi - que le doute profite toujours à l'accusé. Et le client aurait beau jeu de se défendre, sachant que les personnes qui s'adonnent à la prostitution essaient généralement d'être plus aguichantes que n'importe quelle autre personne dans la rue et peuvent souvent sembler avoir un âge supérieur à celui qui est réellement le leur. Nous aboutirions donc très facilement à des acquittements.

Il faut donc être efficace et ne pas succomber à ce que M. Jornot appelait des élans de coeur. Il y a effectivement un travail de fond à faire au niveau de l'Assemblée fédérale; nous avons un article 195 dans le code pénal qui réprime celui qui aura poussé une personne mineure à la prostitution. Comme on l'a dit, la majorité n'est pas la même sur le plan civil et sur le plan pénal puisqu'elle est fixée à 16 ans au niveau pénal, sexuellement parlant, contre une majorité civile à 18 ans. C'est donc à ce niveau-là qu'il faut agir, au niveau de ceux qui profitent de la dépendance de jeunes qui, à un moment de leur existence, succombent, par faiblesse peut-être, à l'appât d'un gain facile.

Nous sommes d'avis qu'il faut faire quelque chose, mais qu'il faut le faire avec recul, avec concertation. C'est la raison pour laquelle le MCG proposera un renvoi en commission.

Le président. On se disait justement qu'il n'y avait pas eu de demande de renvoi en commission, mais vous venez d'y remédier ! Dans quelle commission, Monsieur Poggia ?

M. Mauro Poggia. La commission judiciaire et de la police !

Le président. Très bien. La parole est à Mme Schneider Hausser.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Je serai rapide. Cette résolution aborde l'aspect répressif. J'aimerais ici apporter un autre élément par rapport au phénomène de la prostitution. Actuellement, des nouvelles formes de prostitution se développent, à savoir la prostitution des jeunes, justement, qui a pour but la consommation, sujet que nous venons d'aborder à un point précédent de l'ordre du jour.

Par rapport au phénomène de la prostitution, et en particulier de la prostitution des jeunes, on peut espérer qu'aux Chambres fédérales le débat sera plus large que le seul débat répressif. Il y a effectivement des problèmes de fond, des problèmes de société, des problèmes liés à l'attrait de la consommation, attrait irrépressible pour certaines personnes, femmes ou hommes. Des études et des réflexions doivent aussi être menées à ce niveau-là.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est encore demandée par M. Florey.

M. Stéphane Florey (UDC). Je m'exprimerai rapidement sur la demande de renvoi en commission. Personnellement, je ne vois pas vraiment où le groupe MCG veut en venir. Comme je l'ai dit tout à l'heure, l'important est de battre le fer tant qu'il est chaud, de ne pas perdre de temps à noyer cette résolution par un passage en commission pendant plusieurs mois. C'est pour cela que je vous demande - vous en jugerez - de refuser ce renvoi en commission et d'adopter cette résolution, afin qu'elle soit transmise le plus vite possible aux Chambres fédérales.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 601 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 71 non contre 12 oui.

Mise aux voix, la résolution 601 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 82 oui (unanimité des votants).

Résolution 601