Séance du
jeudi 17 septembre 2009 à
20h30
56e
législature -
4e
année -
11e
session -
61e
séance
PL 10308-A
Premier débat
M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Comme souvent, et c'est toujours un plaisir, on se retrouve face à M. Charbonnier lorsqu'il s'agit de la vente d'un bien immobilier. En l'occurrence, ce bien est situé à Versoix et n'a aucun intérêt, ni pour l'Etat, ni pour la commune de Versoix. Je souligne ce point parce que la commune de Versoix a été interrogée et elle a clairement exprimé sa volonté de ne pas acquérir ce bien. Je relève cela d'autant plus que, dans un autre projet de loi récent dont on a parlé ici, la commune de Versoix s'était ravisée pour faire part de son intérêt concernant une parcelle qu'elle avait fini par acquérir. Ce n'est pas le cas, en l'occurrence.
En l'état, avec l'immeuble dont il est question ici, on remarque que le locataire paie actuellement un loyer certes modeste, mais qui correspond aux investissements qu'il a lui-même effectués dans l'immeuble qui était dans un état vétuste. Une expertise a été réalisée pour ce bien, et là, de manière surprenante, une commissaire socialiste a articulé un autre montant, comme ça, en disant que la valeur qui avait été retenue n'était pas suffisante. Par bonheur, l'expert du département compétent est venu nous expliquer que la valeur retenue dépendait de la zone, dépendait du fait qu'aucune construction n'était possible et qu'il fallait évidemment prendre en considération ces éléments concrets et ne pas se lancer dans des conjectures hypothétiques quant à la valeur théorique de ce bien. L'expert a surtout rappelé que ce bien avait été acquis il y a fort longtemps par l'Etat de Genève, dans le but d'élargir la route Suisse, mais que cet objectif n'était plus d'actualité. Le représentant de l'administration a confirmé que ce bâtiment n'avait plus aucune utilité pour l'Etat, qu'il se situait en zone 5 et qu'il n'avait aucun intérêt pour un projet futur.
Ce qui fait que, dans son immense majorité, la commission des finances a voté en faveur de l'aliénation de ce bien. C'est la raison pour laquelle le rapporteur de majorité vous remercie par avance de bien vouloir accepter ce projet de loi et l'aliénation de l'immeuble en question.
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. J'ai le plaisir de retrouver M. le rapporteur de majorité en face de moi, pour un nouveau problème d'aliénation. M. le rapporteur nous présente ce projet comme étant tout rose - et qui devrait évidemment passer la rampe, à l'écrasante majorité de droite de ce Grand Conseil. Mais quand même ! Quand même, cher Monsieur Cuendet ! Car il a tout de même fallu deux séances de commission pour discuter de ce sujet !
La première fois, parce que la valeur de vente ne figurait pas au projet - alors que la commission des finances tient à ce genre de détails quant aux projets qui lui sont proposés... De plus, il n'y avait, dans le projet d'origine, pas d'indication quant au lieu, quant à la situation. D'habitude, avec de tels projets de lois, on a une petite carte qui nous indique à peu près l'endroit où est sise la parcelle... Là, rien du tout, si ce n'est une page recto-verso et quelques lignes. Et hop, voilà un objet qui passe à la trappe !
Il est vrai que le représentant du département nous a donné des renseignements plus complets lors de la deuxième séance, entre autres sur l'expertise et le montant proposé. Or l'expert n'a pas été aussi clair que vous le prétendez, puisqu'il dit que le loyer payé était plus que modique. Même si le locataire a effectué des rénovations lui-même, il semble que celui-ci y ait largement trouvé son compte jusqu'à maintenant, et le prix de rachat qui lui est proposé est très bas par rapport aux investissements consentis. Là n'est toutefois pas le problème. En ce qui concerne les aliénations, la position des socialistes est qu'ils refusent cette pratique datant du début de la législature, qui est de vendre à tout-va les biens de l'Etat, sans prendre de recul.
On a pu s'apercevoir qu'on n'avait pas non plus, en commission, obtenu tous les renseignements. L'expertise dont a parlé M. Cuendet tout à l'heure, et qu'il a très bien fait d'inclure dans son rapport, nous a été distribuée lors de la deuxième séance de commission; nous n'avons donc pas eu le temps d'en prendre connaissance.
Mais quelle ne fût pas ma surprise, lors de la préparation du rapport de minorité, de m'apercevoir, en page 7, que l'expert nous dit que la situation de la parcelle va bientôt changer. Sa situation est remarquable, «dans le sens que les parcelles 4324, 4325 et 5352 vont accueillir deux séries de quatre maisons mitoyennes»... La conséquence pour notre parcelle faisant l'objet de cette expertise est la suppression de parkings très pratiques pour les occupants des bureaux.
On peut laisser l'histoire du parking de côté, le problème est que ces parcelles, citées par l'expert, appartiennent - je m'en suis aperçu et j'avais posé la question en commission - aussi à l'Etat de Genève. Ces parcelles, que je mentionne dans le rapport de minorité, jouxtent et entourent la parcelle qu'on nous propose d'aliéner ce soir. Or nous n'étions pas au courant, lors de nos travaux en commission, qu'il y avait un projet - je ne sais par quel miracle - de construire quatre villas mitoyennes sur ces parcelles appartenant à l'Etat de Genève ! Je trouve donc lamentable que nous n'ayons pas eu ces renseignements en commission, de façon à pouvoir prendre une décision en tout état de cause. C'est pourquoi je vous encourage à voter non à l'aliénation de cette parcelle.
Mme Elisabeth Chatelain (S). Effectivement, on s'est retrouvé face à un manque de documentation par rapport à ce dossier. Le fait d'avoir constaté un peu par hasard, par la bande, que les parcelles juste à côté, appartenant également à l'Etat, allaient être bâties nous a rendus prudents, voire méfiants, par rapport à cette vente.
On a en tout cas le sentiment qu'on a là une mise en vente des biens de l'Etat. C'est vrai que les finances publiques ont besoin d'être améliorées, surtout en période où l'on envisage une baisse d'impôts, mais faut-il pour autant brader le patrimoine de l'Etat ? Nous n'en sommes pas du tout convaincus et nous avons le sentiment que nous n'avons pas eu tous les éléments nécessaires pour prendre une décision appropriée. Peut-être aurait-il mieux valu procéder à une vente de toutes les parcelles d'un coup, pour présenter un projet peut-être plus intéressant, plus intéressant pour l'Etat également, au lieu de faire quelque chose un peu en catimini.
Afin que ces questions soient vraiment résolues et que le sujet soit vraiment analysé d'une manière approfondie, je demande le renvoi en commission de cet objet.
Le président. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission: trois minutes de temps de parole pour les rapporteurs et le conseiller d'Etat. M. Cuendet, voulez-vous prendre la parole ?
M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Selon le vieux et bon adage, quand on veut noyer son chien on l'accuse d'avoir la rage ! Ce qu'il faut retenir du rapport de minorité de mon excellent collègue Charbonnier, c'est la phrase suivante: «Un commissaire socialiste intervient pour dire que son groupe s'oppose de manière générale à ce genre de projet.» Evidemment, personne ne sera dupe: le caractère dilatoire de cette demande de renvoi en commission saute aux yeux ! Je vous invite donc vivement à rejeter cette demande de renvoi.
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Effectivement, je l'ai dit tout à l'heure: de façon générale, le parti socialiste s'oppose aux aliénations, sauf dans les cas où on nous prouve vraiment que l'Etat de Genève ne peut rien faire des surfaces en question. Or, cette surface-là, Monsieur Cuendet, est bordée d'autres surfaces appartenant à l'Etat et il y a des projets de construction, ce que l'on a en tout cas omis de nous dire en commission des finances ! Des parcelles jouxtent la surface en question, et on aurait eu un bien plus grand périmètre si l'on y avait inclus cette dernière ! Pour quelle raison ne nous a-t-on pas signalé cela en commission ? Voilà ce que nous aimerions savoir.
Le président. Merci, Monsieur le député. Dans quelle commission souhaitez-vous renvoyer ce projet de loi, Madame Chatelain ?
Mme Elisabeth Chatelain. A la commission des finances !
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10308 à la commission des finances est rejeté par 39 non contre 21 oui.
Le président. Nous continuons notre débat. La parole est à Mme von Arx-Vernon.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour le parti démocrate-chrétien, il est bien évident qu'il faut voter ce projet de loi. Parce qu'on essaie de nous faire prendre un confetti pour un bijou de la couronne ! Franchement, gardons nos forces, gardons nos finances pour de réels investissements pourvoyeurs d'emplois et arrêtons de faire d'une grenouille un boeuf !
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'un point important a été relevé par l'excellent rapporteur de majorité Edouard Cuendet, à savoir le dogmatisme de la députation socialiste en matière de vente d'objets appartenant à l'Etat, quels que soient les objets, qu'ils puissent être utiles à la collectivité ou qu'ils puissent permettre la création de palais privés pour des élus socialistes.
Un autre point mériterait d'être rappelé ici, c'est le fait que, lorsqu'on énonce des chiffres, il faut avoir un minimum de sérieux. M. Chobaz, chef du service des opérations foncières au DCTI ne peut être qualifié de suppôt des milieux immobiliers. Et pourtant, lorsqu'il a dit le prix auquel pouvait être vendu cet objet, il a parlé d'un demi-million ! Cela n'a pas empêché certains en commission d'énoncer un montant de l'ordre du double, de l'ordre du million ! Il n'y a là aucune connaissance des faits, il n'y a là aucune connaissance du milieu immobilier: il n'y a qu'une attitude dogmatique quand il s'agit de vendre des objets appartenant à l'Etat, qui permettent de désendetter notre Etat, objets pour lesquels l'Etat ne manifeste aucun intérêt, pour lesquels les collectivités publiques municipales et communales ne manifestent aucun intérêt !
Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à suivre les conclusions du rapporteur de majorité et de la commission des finances, à savoir de vendre cet objet, et au plus vite !
Mme Michèle Künzler (Ve). Les Verts ont accepté ce projet de loi. Ils sont donc favorables à la vente de cet objet qui, effectivement, n'est d'aucune utilité à l'Etat. Par contre, en ce qui concerne le prix, il nous semble impossible de vendre cet objet pour 450 000 F: il s'agit d'une maison de 238 m2 ! La plupart des logements qui se négocient actuellement à Genève tournent autour des 10 000 F le m2 ! Je veux bien que l'objet ne soit pas en très bon état, mais tout de même, il faudrait être raisonnable ! Et la plupart d'entre nous achèteraient, si cela leur était possible... (Exclamations.) ...cet objet, à 450 000 F !
Comme pour la Fondation de valorisation, il faudrait avoir une véritable mise en concurrence des acheteurs, car, parmi les gens qui suivent nos débats ce soir, il y en a certains qui voudront prendre connaissance de ce dossier, parce que ce n'est pas possible de vendre un tel objet à ce prix, dans la situation actuelle. Il faut prévoir une mise en concurrence des acheteurs potentiels !
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, à la page 6 du rapport établi par notre collègue Cuendet, il y a une note explicative établie par le département de M. Muller. Elle nous indique en particulier que le volume SIA est de 850 m3: c'est par rapport à ce volume qu'il convient de raisonner ! Et il n'y a qu'à voir le total auquel arrive l'expert, à savoir une valeur de remplacement de l'immeuble, de 454 940 F. Alors je suis très heureux de savoir qu'il y a déjà un acheteur à ce prix ! Eh bien, mettons la maison aux enchères et nous verrons si elle dépasse de beaucoup le prix énoncé ! D'ailleurs, ce serait très intéressant de savoir si ceux qui disent aujourd'hui qu'ils sont prêts à acheter en ont véritablement les moyens !
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Effectivement, le département nous a donné une note explicative. Moi, je ne voulais pas entrer dans les chiffres, mais si vous voulez, allons-y ! D'ailleurs, c'est pour cela qu'il serait intéressant de retourner en commission. Parce que, si le département donne ce prix de 850 F le m3, eh bien, dans l'expertise externe indépendante mandatée par le département, l'expert arrive à 917 F le m3: il y a déjà une différence assez importante entre les deux expertises !
Par rapport à l'intérêt général, le bien de la collectivité publique, laissez-moi rigoler, Monsieur Weiss ! L'UDC a compris sur le tard - plus pour des raisons électorales qu'autre chose, j'imagine - que vous aviez, il y a peu près une année, je crois, aliéné une parcelle, ce à quoi nous nous étions opposés. Eh oui, encore pour une question de doctrine ! Il s'agissait de la parcelle de Rive-Belle, située au bord de lac: il y a là typiquement un intérêt général pour la population d'avoir un accès au lac. Vous avez refusé cette possibilité, or l'Etat a de la peine à vendre cette parcelle, parce que la Confédération y a mis son veto - alors que cette vente était pratiquement conclue, d'après ce que l'on a pu savoir. Donc, quand vous parlez d'intérêt général, je crois que, jusqu'à maintenant, nous l'avons plus défendu que vous en ce qui concerne les aliénations de biens de l'Etat !
J'y reviens encore une fois, parce que vous n'avez peut-être pas bien compris: si, d'un côté, il y a la doctrine qui ne veut pas de ces aliénations en général, il reste qu'on ne nous a pas tout dit sur cette parcelle lors de nos travaux en commission... Il est scandaleux qu'on ne nous ait pas annoncé la construction de ces villas mitoyennes sur les parcelles de l'Etat qui jouxtent directement le bien dont il est question ! Et j'espère que M. Jeanneret - qui me regarde - m'entend, lui qui est en général favorable à la transparence, la rigueur et l'efficience. Je pense qu'il aurait quand même été judicieux de nous signaler que toutes les parcelles sises autour de celle qui est examinée ce soir se trouvent en main de l'Etat et qu'il y a des projets de construction sur ces parcelles mitoyennes, cela aurait changé la donne ! Il me semble que la moindre des choses maintenant, c'est de renvoyer ce projet en commission !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Broggini, puis nous terminerons en la donnant à M. Cuendet, rapporteur de majorité.
M. Roberto Broggini (Ve). Monsieur le président, ce que nous ne lisons pas dans ce rapport, c'est que nous sommes sur un parcellaire extrêmement riche qui date de l'époque où le duc de Choiseul voulait construire Versoix-la-Ville. Ceci n'apparaît pas et confère une autre valeur à cette demeure, même si elle est extrêmement modeste - et le montant de 450 000 F pour cette vente nous paraît fort modeste. Même si l'Etat de Genève et notre Conseil veulent s'en séparer, il conviendrait de réexaminer cette proposition, parce que nous sommes sur un parcellaire historique qui date du plan Napoléon. Vous pouvez le lire en page 21, si vous avez une bonne lecture de ce parcellaire et je crois bien que nous devrions renvoyer cet objet en commission afin de mieux examiner la valeur exacte de cet objet.
Le président. Monsieur Broggini, le renvoi en commission ayant déjà été refusé, nous n'y revenons pas ! Monsieur Weiss, vous pouvez prendre la parole encore une fois.
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je suis désolé d'intervenir à nouveau, mais, à la page 17, dernier paragraphe, qu'est-il indiqué ? Il est donné l'explication du prix de cet objet immobilier. Disons qu'il est de 500 000 F. Eh bien, à la page 17, dernier paragraphe, il est noté que les 500 000 F correspondent en réalité à 30% du montant de ce qui sera nécessaire, parce qu'il faudra détruire l'objet aux deux tiers, puis le reconstruire !
En réalité, la personne qui voudra acheter cet objet devra payer d'abord 500 000 F et, ensuite, un million. Donc, cela reviendra à un million et demi pour 200 m2 et quelques. S'il y a toujours des personnes intéressées pour dépenser un million et demi, eh bien, je serai très intéressé d'entendre Mme Künzler !
Le président. Madame Künzler, vous avez la parole.
Mme Michèle Künzler (Ve). Tout ce que nous contestons, c'est qu'on ne fasse pas une véritable vente aux enchères, que l'on ne mette pas cet objet réellement sur le marché ! Je rappelle qu'il est question de 238 m2, de treize pièces qui sont actuellement utilisées. Même si l'on peut toujours envisager d'effectuer des rénovations importantes, ces pièces sont utilisables à l'heure actuelle. Donc, 450 000 F pour un bâtiment de 238 m2 et de treize pièces - avec, encore, une cour à l'arrière - c'est quand même donné !
M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Le groupe socialiste s'insurge avec la plus extrême violence contre le fait qu'on ne l'aurait pas tenu au courant de ce que l'Etat était propriétaire des trois parcelles adjacentes. Cette attitude entre un peu en contradiction avec ce que vient de dire M. Broggini, du groupe des Verts. Parce qu'il n'est pas du tout intéressant pour cette commission de savoir que l'Etat est propriétaire de ces parcelles adjacentes, sur lesquelles il peut, s'il le souhaite, construire des villas, puisque la parcelle dont on parle ici va rester telle quelle. Donc, les parcelles adjacentes n'ont aucune influence sur le sort de celle dont on parle ici. C'est vraiment un prétexte, car, comme l'a dit M. Broggini, cet immeuble a peut-être une valeur historique et, de ce fait, il n'est pas question de le détruire. Le rapport avec les autres parcelles est, à mon sens, nul et non avenu.
Quant à Mme Künzler, ce qui me choque un peu dans son intervention - et ce n'est pas la première fois qu'elle agit ainsi - c'est qu'elle met en doute la probité des experts ! Ici, on a plusieurs experts qui font, à mon avis, des calculs de professionnels; je sais que Mme Künzler est une grande connaisseuse du monde immobilier, mais, de là à faire des expertises... Il y a un pas qu'elle seule ose franchir ! Je trouve déplaisant qu'elle mette en doute la probité des professionnels qui se sont livrés à ces expertises et sont arrivés à des valeurs similaires. Il me semble que Mme Künzler extrapole de manière audacieuse.
Je me permets quand même de lire une partie de l'expertise, en page 6, où il est écrit: «Ce bâtiment est intransformable et doit être utilisé en l'état. En effet, sa transformation lourde ne serait pas rentable, compte tenu de la vétusté de l'objet et compte tenu de la distribution intérieure désuète.» De là à en faire un immeuble de rapport, comme semble vouloir l'insinuer Mme Künzler, il y a un pas qu'elle seule ose franchir !
C'est pourquoi je vous demande encore une fois de soutenir le rapport de majorité et d'accepter l'aliénation de cet immeuble en l'état. Je vous remercie.
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Je voudrais quand même dire que, dans ce cas précis, on ne parle pas d'une vente à n'importe qui: c'est le locataire qui a suggéré cette expertise et qui se propose de racheter l'objet au montant de 450 000 F. Il ne s'agit pas de n'importe qui, ce locataire est un bureau d'assurances qui travaille dans ces locaux sans aucun problème actuellement. D'après ce que l'on sait, il ne prévoit pas de chambouler toute la maison et de la rendre neuve en un coup de baguette magique ! Non, il se propose juste de la racheter à 455 000 F, montant qui est effectivement bien bas, surtout par rapport au loyer qu'il a payé jusqu'à maintenant. Ensuite, on vient nous dire qu'il a fait des travaux. Mais, de cela, on n'a aucune trace, aucune facture qui nous nous le prouverait. Il a certainement effectué des travaux, or, pour quel montant, on n'en a aucune idée !
Quant à la valeur supposée nulle de cet objet, il est indiqué à la page 10 de l'expertise que «le taux d'occupation est plus de trois fois supérieur à la norme légale en zone 5 et représente ainsi une valeur tangible pour le bâtiment. Toutefois, si le bâtiment est effectivement utilisable en l'état - ce qui est le cas, puisque les bureaux qui s'y trouvent fonctionnent très bien actuellement - il ne correspond certainement pas, loin s'en faut, aux standards offerts par une construction neuve à usage commercial.» Alors là, les experts... On explose de rire ! Un usage commercial dans une construction neuve... C'est une maison du XIXe siècle, qui a une valeur historique ! Evidemment qu'on ne va pas en faire une maison neuve, sauf qu'il s'agit d'une compagnie d'assurances qui loge dans ces locaux, et qui s'y trouve très bien puisqu'elle y a ses bureaux depuis de nombreuses années et que, d'après ce que l'on sait, elle ne mettra pas la clé sous la porte demain, une fois qu'elle aura acquis ce bâtiment pour une somme modique.
Je reviens encore une fois sur le fait que le représentant de l'Etat, de quelque bord qu'il soit - je dis cela par rapport aux allusions de M. Weiss - eh bien, ce représentant a quand même omis de nous dire à quoi étaient destinées les surfaces entourant l'objet qu'on veut aliéner maintenant. Je ne comprends pas pourquoi cela s'est passé de cette façon, et rien que pour cette raison on aurait dû procéder à un renvoi en commission !
M. Roberto Broggini (Ve). Je constate que, pour 14 000 F par année, la location de ce bâtiment, d'un tel volume, est plus que raisonnable. Même en HLM, pour des locaux subventionnés, on n'obtient pas une telle surface à ce prix ! Ici, j'ai vraiment l'impression que c'est la spoliation d'un objet appartenant au patrimoine public et que nous devons rediscuter ce projet. Ce soir, il faut donc refuser le rapport de majorité et suivre le rapport de minorité, réétudier la question et obtenir des explications complémentaires de la part du département !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Muller, conseiller d'Etat.
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai l'impression qu'on refait chaque fois le même débat lorsqu'il s'agit de vendre la moindre parcelle de l'Etat ! Nous sommes dans un processus qui a démarré il y a de nombreuses années: à un certain moment, le Conseil d'Etat a décidé de faire l'inventaire des parcelles dont il était propriétaire et dont il n'avait plus l'usage, et il a décidé de proposer au Grand Conseil la vente de ce patrimoine immobilier.
Les recettes de ces aliénations sont utilisées à d'autres fins, notamment pour acquérir des parcelles. Pour rassurer ceux qui craignent que nous nous défaisions de nos bijoux de familles, j'aimerais quand même signaler que l'Etat accroît son patrimoine immobilier, année après année, au gré d'acquisitions foncières.
Dans ce dossier-là, je rappelle que cette parcelle avait été achetée pour élargir la route de Suisse. Or, ce projet a été abandonné. L'Etat n'a donc plus l'usage de cette parcelle. L'Etat n'a aucun autre projet pour cette dernière, nous sommes en zone 5, en zone villas, et il n'y a pas de projet particulier impliquant un déclassement de ce périmètre en zone de développement. C'est la raison pour laquelle l'Etat souhaite se défaire de ce bien.
Quant au prix, des expertises ont été rendues dans ce dossier. On peut mettre en doute la probité des experts, on peut mettre en doute la compétence des experts... J'imagine qu'il y a un grand nombre d'experts dans cette enceinte, toujours est-il que l'administration et le Conseil d'Etat ont choisi de se fier à ces expertises !
Maintenant, étant donné la publicité dont jouit cette vente - avec un débat de plus d'une heure, avec sa diffusion sur Léman Bleu et, en plus, sur internet, pour la première fois de l'histoire de ce parlement - j'imagine que, peut-être, un acquéreur intéressé viendra faire une offre pour ce magnifique bâtiment, situé en bordure de la route de Suisse - un endroit bucolique où tout un chacun rêverait d'élever ses enfants ! Si nous recevons une offre plus intéressante que le prix proposé par les expertises, eh bien, nous vendrons au meilleur prix ! Je vous invite à voter ce projet de loi. Je vous en remercie.
Mis aux voix, le projet de loi 10308 est adopté en premier débat par 39 oui contre 24 non et 1 abstention.
La loi 10308 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10308 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 37 oui contre 26 non.