Séance du
jeudi 25 juin 2009 à
20h30
56e
législature -
4e
année -
10e
session -
51e
séance
PL 10444-A et objet(s) lié(s)
Suite du premier débat
Le président. Je rappelle que nous sommes en premier débat et que la liste est close. Doivent encore prendre la parole: M. Catelain, M. Slatkine, M. Bertinat, M. Jeanneret, M. Golay, Mme Chatelain, M. Gillet, M. Ducret, les deux rapporteurs et le conseiller d'Etat.
M. Gilbert Catelain (UDC). En 2001, le groupe UDC avait reconnu le bien-fondé de ce projet d'infrastructure ferroviaire et j'avais personnellement émis un certain nombre de réserves, notamment le fait que nous n'étions pas en possession des conclusions négatives des études de marché qui avaient été commandées par l'ancien conseiller d'Etat Jean-Philippe Maitre, que les estimations de fréquentation, en particulier par les Genevois, ne ressortaient pas des études... (Brouhaha.)
Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !
M. Gilbert Catelain. ...et qu'il y avait probablement une sous-estimation manifeste des coûts. Ce qui n'a pas empêché le groupe UDC, à l'époque, de voter la prise en considération de ce projet, puis de l'adopter.
Le projet de loi qui nous est soumis ce soir et le débat qui en découle illustrent à merveille la profondeur des blocages que ce Grand Conseil est capable de mettre en place pour entraver le développement durable de ce canton. Que s'est-il passé au cours de ces huit dernières années ? La population a progressé sur l'ensemble de la région, les déplacements ont explosé, les réseaux routiers et celui des TPG sont saturés. Ce Grand Conseil a voté d'importants projets de déclassement afin de permettre la construction de milliers de logements. La question qui nous est donc posée ce soir n'est pas de savoir s'il faut construire le CEVA: le CEVA est indispensable !
Des voix. Ah!
M. Gilbert Catelain. Et c'est un «CEVA-sceptique» qui vous le dit ! La question à laquelle nous devons répondre est celle relative au montant que nous sommes disposés à investir dans la réalisation de cette infrastructure, pour maintenir l'espoir que soit respectée la garantie constitutionnelle de la complémentarité des moyens de transports - partant, la construction de la traversées de la rade et, respectivement, l'extension du réseau de tram. Il conviendrait donc de connaître la vérité quant aux coûts ! Parce que déjà à l'époque, lorsqu'on nous a avancé le chiffre de 900 millions de francs pour ce projet, c'était déjà sous-estimé. On n'était pas aveugle ! (Brouhaha.) Sachant que ce Grand Conseil a voté une passerelle en bois enjambant la route des Jeunes, passerelle qui nous a coûté - proportionnellement - 30 millions le kilomètre, que l'autoroute de contournement a coûté, à l'époque, 100 millions le kilomètre... Il est donc évident que le CEVA ne va pas se réaliser pour 50 millions le kilomètre... C'est déjà le prix d'une simple voie de tram sur Cornavin-Meyrin-CERN ! A partir du moment où nous construisons des tunnels, nous savons que le coût sera élevé. Ce que nous demandons, c'est la vérité quant aux coûts. La Suisse est spécialiste en construction de tunnels: on connaît les risques géologiques, on connaît le problème qui a été rencontré pour les NLFA au Gothard, on peut donc très bien avoir une fourchette minimum-maximum, mais on doit savoir la vérité quant aux coûts ! Si nous l'avions connue en 2001, nous ne serions pas là pour en discuter. Disons au peuple ce que ce CEVA va coûter et osons nous prononcer sur le coût maximum que nous sommes prêts à y consacrer ! A ce moment-là, les gens auront confiance en le CEVA, nous serons partenaires de ce projet et pourrons au moins discuter avec les CFF, respectivement la Confédération. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Il convient pour nous d'avoir des garanties sur le financement; ces dernières, aujourd'hui, nous ne les avons pas ! Nous attendons la décision du Conseil fédéral et vous proposons, pourquoi pas, de voter cette entrée en matière, puisqu'on y arrivera finalement. Mais il conviendrait que le troisième débat n'ait pas lieu avant que nous soyons fixés sur la répartition des charges de ce projet ferroviaire qui est indispensable pour Genève. Et ce chaînon manquant, c'est la seule possibilité que nous aurons eue, ces cent dernières années, de réaliser une infrastructure moderne. Je rappelle que si nous ne l'avons pas encore, c'est aussi parce que nous avons, à l'époque, laissé les CFF établir leur direction régionale à Lausanne. Les décisions se prenaient à Lausanne et l'argent pour les infrastructures était réparti dans un environnement essentiellement vaudois; on votait plus pour savoir si on allait construire sur Lausanne ou sur Vallorbe, au détriment de Genève. Finalement, Genève est demeuré le parent pauvre de l'infrastructure ferroviaire en Suisse.
Nous n'aurons pas trois fois la même chance de construire une infrastructure ferroviaire. Le groupe UDC est d'accord avec l'édification de cette dernière, mais il veut simplement en connaître les coûts véritables. Nous sommes prêts, mais nous ne voulons pas porter atteinte au développement futur de Genève, lequel passe par la construction de la traversée de la Rade et des projets d'infrastructures dans la complémentarité des transports.
M. Ivan Slatkine (L). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral s'est exprimé sur le fond du sujet en début de soirée, en vous indiquant la position favorable qu'il va prendre concernant ce projet de loi. Vous me permettrez d'intervenir ici à titre personnel, afin de vous faire part d'une position certes minoritaire, mais qui mérite de figurer au Mémorial.
Sur le fond du sujet, nous sommes tous d'accord: notre canton a besoin d'un projet comme le CEVA. Ce projet, Mesdames et Messieurs les députés, a été initié par ceux qui occupaient nos sièges voilà presque dix ans, et c'est en juin 2002, il y a sept ans presque jour pour jour, que notre parlement, dans une belle et presque stalinienne majorité, a approuvé le projet de loi 8719 accordant un crédit de plus de 400 millions pour cette infrastructure. En consultant le Mémorial, on relèvera ici que, à l'époque déjà, certains saluaient les travaux de la commission des travaux effectués «de manière expresse, digne des TGV» - je pense à Mme Gauthier, Morgane. On relèvera encore que, grâce à un vote historique, «Genève avait rendez-vous avec son destin.» C'étaient les propos de M. Barrillier. Bien que le débat de juin 2002 ressemblât plus à de grandes déclarations en faveur du CEVA, il faut relever que de nombreuses questions avaient été soulevées, comme celles relatives aux coûts d'exploitation, ou encore celles relatives aux problèmes que pourrait poser la nappe phréatique. A cette époque, on ne parlait pas encore de sons solidiens, de protections antivibratoires ou d'autres considérations géologiques.
Concernant les coûts, M. Cramer avait clairement indiqué - je vous renvoie au Mémorial - que le budget global de 940 millions serait respecté, que les coûts de fonctionnement se monteraient pour le canton à 3 ou 4 millions de francs par an avec un taux de rentabilité interne de 12%, et qu'au niveau des finances publiques il s'agissait d'un investissement presque entièrement autofinancé par la taxe poids lourds RPLP. (Commentaires.) Malgré l'ensemble de ces garanties, tous les députés qui étaient intervenus en séance plénière avaient relevé que si le projet CEVA est un projet fondamental pour notre canton, il était nécessaire qu'un rapport régulier sur l'avancement du chantier soit présenté au parlement.
Au surplus, à l'unanimité, les députés avaient voté un amendement à l'article 11 du projet de loi, amendement présenté par le parti libéral, qui précisait que le Conseil d'Etat devait remettre à notre Grand Conseil, dans son premier rapport relatif au projet CEVA, un plan financier d'exploitation se rapportant non seulement à l'ouvrage, mais aussi aux équipements qui seront à l'emplacement et à proximité des gares.
Depuis le mois de juin 2002, de l'eau a coulé sous les ponts. Si vous me le permettez: des trains ont roulé sur les rails !
Une voix. A cause de qui ?
M. Ivan Slatkine. Membre de la commission de contrôle de gestion depuis huit ans, j'ai vu passer de nombreux dossiers où, à l'unanimité de la commission, on a pu être frappé par les mauvaises appréciations que se sont faites les députés. Citons deux exemples. Parking-relais de Genève-Plage, 30 millions de francs votés: facture finale de 67 millions ! Stade de Genève, 20 millions de francs votés: facture finale de plus de 120 millions ! Et la saga n'est pas terminée ! Si le CEVA est certes «le» projet du siècle pour Genève et si, en cette période d'incertitude économique, on ne peut qu'encourager la réalisation de grands projets tels que celui-ci, est-ce néanmoins des raisons suffisantes pour ne pas vouloir voir la réalité des chiffres ?! Et pour ne pas obtenir la liste détaillée et chiffrée de ce projet mammouth, mais ô combien indispensable pour notre canton, comme l'avait demandé l'unanimité de notre parlement en juin 2002 ?!
Contrairement aux propos du rapporteur de minorité, il faut rappeler ici que le groupe libéral avait défendu la recevabilité de l'IN 138. Il l'avait soutenue non parce qu'il était opposé au CEVA, mais tout simplement parce qu'il estimait que, sur des sommes aussi importantes - que celles que nous sommes prêts à voter ce soir - il lui semblait légitime d'obtenir l'appui de toute la population. Le Tribunal fédéral a finalement tranché, et sur ce point il faut admettre que le débat est clos.
Toutefois, dans sa grande sagesse, le Conseil d'Etat a eu le courage de déposer le projet de loi dont nous discutons ce soir. Ce dernier devrait nous permettre d'obtenir les réponses à toutes les questions posées, de telle manière à pouvoir dégager la plus large majorité possible en faveur du projet CEVA.
En fait, avec ce projet de loi, le Conseil d'Etat nous donnait l'occasion rêvée de bétonner le dossier, afin de nous permettre de voter en toute quiétude un projet aussi important pour l'avenir de notre canton. Mais politique et réalité des chiffres ne font pas bon ménage, Mesdames et Messieurs les députés ! Ceux qui me connaissent ne pourront pas mettre en doute ma rigueur et mon intégrité. Selon moi, il ne faut pas avoir peur des chiffres, il faut les assumer. La lecture du rapport de majorité n'apporte malheureusement pas de réponses concrètes et précises aux questions posées: aucun chiffre, aucun rapport d'expert, pas de «business plan» ! On ne trouve pas trace du moindre échange d'informations avec le maître d'oeuvre, les CFF; on ne trouve pas la moindre trace d'échange avec la Confédération, afin de savoir si cette dernière prendra bien en charge sa part au niveau des surcoûts estimés.
Ce soir, on nous demande de prendre une décision d'une grande importance, sans que nous ayons en main toutes les informations et garanties nécessaires pour nous prononcer en toute connaissance de cause. On nous indique que l'exposé des motifs du Conseil d'Etat est complet, qu'il est parfait et que cela est suffisant pour autoriser une dépense supplémentaire de 113 millions aux 400 millions votés voilà sept ans.
Parce que je soutiens le CEVA, mais parce que je suis aussi également à cheval sur la gestion des deniers publics et attaché au principe de la responsabilité, vous comprendrez, Mesdames et Messieurs les députés, que même si je suis de ceux qui sont pour le développement de notre canton, il ne me sera pas possible de voter ce soir comme nous l'avons fait voilà sept ans. Etre responsable, Mesdames et Messieurs les députés, c'est être en mesure de soutenir un projet quand on en connaît tous les tenants et aboutissants. En l'état, et à la lecture du rapport de majorité, il ne m'est malheureusement pas possible, en mon âme et conscience, d'apporter un soutien sans faille à ce projet de loi, qui laisse, selon moi, de trop nombreuses questions ouvertes. Je m'abstiendrai donc lors du vote final, car si l'on peut être pour le CEVA, il est aussi possible de ne pas vouloir signer un chèque en blanc pour ce projet, comme cela risque d'être le cas ce soir. (Applaudissements. Sifflet.)
M. Eric Bertinat (UDC). J'avoue qu'à mesure que les années ont passé, depuis que la décision a été prise de construire le CEVA, je me suis, pour reprendre la formule de mon collègue Catelain, «eurosceptisé». Au fur et à mesure que les questions venaient, les réponses ressemblaient à quelque chose comme une fuite en avant et les précisions demandées ne figuraient pas dans les réponses données.
Le projet de loi qui nous est proposé aujourd'hui est tout à fait dans cette lignée, et j'y trouve là une sorte de précipitation pour construire absolument et de manière têtue ce CEVA sans vouloir vraiment prendre le temps de creuser le sujet. Il suffit pour s'en convaincre de lire le rapport que l'ICF a rendu. L'ICF a effectué un audit de gestion le 5 mars de cette année, il a donc grosso modo trois mois. On trouve dans ce rapport deux thèmes qui reviennent et doivent vraiment nous poser le problème. Le premier thème, c'est que l'ICF constate que ce crédit complémentaire ne sera pas suffisant pour mener à bien le projet CEVA dès lors qu'il ne tient pas compte du renchérissement, qu'il évalue en mars à 135 millions de francs, et auquel pourraient s'ajouter les éventuels coûts liés au risque TVA qui se chiffre, lui, à 48,9 millions. Voilà déjà deux sommes qui ne sont pas inscrites aujourd'hui, qui ne font pas partie du crédit complémentaire, et auxquelles il faudra ajouter un surcoût de 230 millions ! Je ne trouve pas fondamentalement honnête de proposer à ce parlement de voter une partie seulement des coûts liés à la construction du CEVA. On n'y voit pas très clair - et je me demande dans quelle mesure les choses ne sont pas faites pour que, précisément, on ne puisse pas y voir très clair.
Deuxième remarque: nous ne sommes pas du tout sûrs que la Confédération paiera tous les débordements financiers que la construction du CEVA va provoquer. Là aussi, je me réfère au rapport de l'ICF, page 13: «Toutefois, et à notre connaissance, l'Etat de Genève ne dispose à ce jour d'aucune garantie de l'administration fédérale des contributions que ce procédé permette d'éviter le problème précité.» En effet, le courrier que la direction du projet a adressé à l'IFC indique entre autres que la décision n'est pas du tout prise et que les fonds nécessaires au versement éventuel de la participation fédérale ne sont pas encore trouvés. C'est-à-dire que nous allons voter un projet à géométrie variable, dont nous ne connaissons pas la totalité des coûts et qu'il serait tout de même important d'attendre, car - je pense que vous le savez tous - un certain nombre de conseillers nationaux ont déposé une question écrite à Berne pour demander la confirmation que la Confédération paiera tous les dépassements. Nous n'avons pas encore reçu de réponse, nous ne savons donc pas aujourd'hui ce que l'Etat de Genève va payer, et la facture sera très importante !
C'est pourquoi je propose, Monsieur le président, de renvoyer ce projet de loi à la commission des finances, pour se donner quand même le temps de savoir exactement à quoi on s'engage, pour que la population puisse aussi connaître les chiffres réels de la construction du CEVA, pour qu'on puisse attendre la réponse de la Confédération et revenir devant le parlement avec des chiffres sérieux.
Le président. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission des finances. Peuvent s'exprimer les deux rapporteurs et le Conseil d'Etat, trois minutes chacun. Je laisse la parole à M. Hohl.
M. Frédéric Hohl (R), rapporteur de majorité. Je crois qu'il faut être raisonnable. Bien sûr, on peut renvoyer ce projet de loi à la commission des finances, on peut le garder un an, deux ans ou trois ans avant de revenir en plénière, et nous n'aurons pas plus de renseignements qu'aujourd'hui ! J'ai l'impression que vous pensez disposer d'une boule de cristal pour nous dire, tant à l'UDC qu'au MCG, que ce projet va coûter 2 milliards de francs ou plus... Mais comment le savez-vous ? Ce que l'on sait, c'est que plus nous attendons, plus ça coûtera cher ! Ce que l'on sait aussi, c'est que plus nous attendons, plus il y a des risques que Berne remette en question son apport dans le financement. Je vous rappelle que dans la convention qui a été signée en 2002 il est clairement indiqué à l'article 12 que tout dépassement du coût des travaux ou toute économie réalisée suit la même clé de répartition. C'est bien clair ! C'est absolument clair, Mesdames et Messieurs les députés: la Confédération participe au comité de pilotage et suit en permanence l'évolution de ce chantier, ainsi que, je l'ai rappelé au tout début, les 80% des soumissions qui sont rentrées.
Alors, quelle que soit la décision des Chambres fédérales, la Confédération s'est engagée par ce protocole d'accord. Mesdames et Messieurs les députés, je vous encourage, si réellement vous voulez de ce CEVA, de bien évidemment refuser ce renvoi en commission, parce qu'on a plein de gens dans cette salle qui disent oui au projet et qui le trouvent formidable. L'UDC a dit que ce dernier est essentiel; si c'est essentiel, Mesdames et Messieurs les députés, vous devez absolument faire confiance et voter ce projet de loi. Point ! (Applaudissements.)
Le président. Le Conseil d'Etat veut-il prendre la parole à ce sujet ? Ce n'est pas le cas, nous allons procéder au... (Commentaires.) Excusez-moi, Monsieur Stauffer ! La parole est à vous.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je crois que les derniers propos du rapporteur de majorité demandant de faire confiance au projet ne sont pas les bons propos. Et, actuel, je rejoins pleinement M. Catelain et le groupe UDC, de même qu'une grande partie des libéraux. Comme quoi, il y a une justice, puisque nous avons eu droit à une diatribe de M. Weiss et, ensuite, à la contre-diatribe de M. Slatkine...
Le président. Exprimez-vous sur le renvoi à la commission des finances, s'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. Oui, on parle du renvoi en commission ! M. Slatkine nous a fait part avec beaucoup de franchise et d'honnêteté de ce qu'une grande partie des libéraux étaient contre ces dépenses étatiques incontrôlées. Et actuellement, Monsieur le rapporteur de majorité, défendre le projet du CEVA confine à l'irresponsabilité d'Etat. Vous ne savez pas où vous allez, vous voulez absolument commencer les travaux pour, ensuite, prendre en otage la population genevoise en disant qu'une fois un tronçon réalisé on sera obligé de finir, même si cela coûtera plus cher ! Ce ne sont pas seulement le MCG, l'UDC et une partie des libéraux qui le disent - ceux qui réfléchissent et sont respectueux des deniers publics - mais les CFF eux-mêmes ! Ils indiquent dans leur rapport commandé par le Conseil d'Etat que l'exploitation du CEVA sera déficitaire à raison de 32 millions de francs par année. Alors, nous sommes très intéressés de voir quelle sera la position du parti radical et celle de cette partie irréfléchie des libéraux, lorsqu'il faudra augmenter les subventions des TPG - que vous voulez réduire chaque année, puisque les TPG sont déficitaires.
Le président. Monsieur Stauffer, nous parlons du renvoi à la commission des finances !
M. Eric Stauffer. Mais on parle du renvoi en commission ! (Huées.) Oui, on peut jouer, Mesdames et Messieurs, il n'y a pas de problème... La population en est témoin. (Brouhaha.) Ainsi, pour quantifier ce que cela va coûter - sur dix ans d'exploitation, c'est 380 millions - il faut avoir des chiffres précis, et le groupe MCG soutiendra donc le renvoi à la commission des finances. Vous n'avez pas le droit, si vous êtes responsables des deniers publics, de voter à l'aveugle, selon le principe du «tout est bien» ou «tout est merveilleux», en disant que le CEVA est un projet d'avenir ! Je vous rappelle que la traversée sous la Manche a coûté 40 milliards aux contribuables et que ce n'est qu'après vingt-cinq ans que des dividendes de trois centimes ont pu être distribués... Mais l'Etat y a mis 40 milliards. Monsieur Hohl, est-ce que vous voulez faire payer des milliards aux Genevois ? Telle est la question ! Nous soutiendrons le renvoi en commission. (Brouhaha.)
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10444 à la commission des finances est rejeté par 62 non contre 15 oui.
Le président. Nous poursuivons notre premier débat. La parole est à M. Jeanneret.
M. Claude Jeanneret (MCG). Chers collègues, nous avons peut-être été un peu vite dans le vote sur le renvoi en commission. En effet, on parle quand même de milliards... Et nonobstant le fait que le projet du CEVA n'est peut-être pas d'une grande valeur pour l'avenir du canton étant donné qu'il passe à des endroits qui ne permettent pas un développement, alors qu'avec un autre tracé ç'aurait été envisageable.
Indépendamment de cela, dire oui à n'importe quel prix m'atterre ! Quand on pense que, depuis quatre ans, les fonctionnaires de la fonction publique ont fait l'effort de modérer les réévaluations de leurs salaires et que tout le monde a fourni un effort pour rétablir la situation financière de l'Etat afin de diminuer l'endettement de 2 milliards de francs... Et alors, comme ça, en un soir, on dépense tout pour n'importe quoi ! Car, pour le moment, c'est n'importe quoi, ce n'est pas préparé ! C'est un projet qui est mal ficelé, qui n'a pas apporté de réponses à toutes les questions que n'importe quel bon gestionnaire se devait de poser.
Je rappelle aussi une chose: nous avons quand même été élus par des citoyens qui paient des impôts pour financer tout ça ! Il me semble quand même que la moindre des choses, c'est d'être suffisamment responsables pour avoir la décence de faire au moins une étude sérieuse avant de prendre la décision d'investir dans ce CEVA. Il fallait entreprendre une étude de toutes les opportunités pouvant se présenter, et non pas foncer parce qu'il faut faire un projet ! L'avenir du canton ne dépend pas de ce projet. L'avenir du canton peut aussi dépendre d'une traversée de la Rade ! L'avenir du canton dépend de l'activité du canton, il ne dépend pas d'un train qui relierait le canton à un pays voisin ! Il ne faut pas confondre avec les trains de la région zurichoise, qui desservent une région et, aussi, le pays. Il y a là-bas une osmose, car il y a autant d'usines à Winterthur qu'à Zurich pour attirer des travailleurs. Et je n'ai encore pas vu un déferlement de Genevois allant travailler sur France voisine... Quand on établit une entreprise là-bas, on est ponctionné par les impôts avant d'avoir commencé son activité. Donc, il faut arrêter de comparer les choses qui ne sont pas comparables !
Nous avons affaire ici à un projet qui a été mal ficelé, à l'instar de tout ce qu'on a vu réaliser à Genève par certains. On a vu que le même conseiller d'Etat qui a poussé à cette «chose» a lui-même déjà échoué dans d'autres domaines, ne serait-ce que celui de la surveillance ou la haute surveillance des Services industriels.
Non, soyons sérieux, chers collègues, et étudions cela comme il faut ! Peut-être que la commission des finances n'était pas l'endroit idéal. Je dirai qu'on pourrait penser à la commission des travaux, qui étudiera de manière sensée tout ce que ce projet peut impliquer comme travaux et comme conséquences pour le canton. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Monsieur le président, j'aimerais juste émettre une remarque, puisque vous avez autorisé mon collègue Weiss à le faire. Il y a peut-être parmi nous des députés qui ont des ennuis à titre privé, mais cela ne regarde personne ! En revanche, quand un député se targue d'être un bon député, quand il est payé par l'Université pour les cours qu'il donne et qu'il se permet en sous-commission de contrôler les finances de l'Université, qu'il se permet aussi de demander des augmentations de budget pour l'Université alors qu'il est payé par elle pour les cours qu'il y donne, c'est-à-dire qu'il ne respecte aucune déontologie ou code d'honneur en qualité de député...
Le président. S'il vous plaît !
M. Claude Jeanneret. ...eh bien, il me semble que cette personne devrait s'abstenir de faire des commentaires !
Une voix forte. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
Le président. Monsieur le député, juste une petite chose. Vous trouviez que le débat sur le renvoi à la commission des finances était trop court; je vous rappelle l'article 78A de notre règlement qui stipule que, lorsqu'il y a une demande de renvoi en commission, les rapporteurs et le Conseil d'Etat peuvent s'exprimer pendant trois minutes, pas plus ! Nous ne sommes donc pas allés trop vite.
M. Claude Jeanneret. J'ai demandé un renvoi à la commission des travaux !
Le président. Nous allons nous prononcer sur cette demande formelle. Il y aura également trois minutes de parole pour chaque rapporteur et pour le Conseil d'Etat.
M. Frédéric Hohl (R), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je m'étonne que le MCG et M. Jeanneret demandent le renvoi à la commission des travaux. C'est une commission intelligente qui pourra certes bien travailler sur ce projet... Mais on vient de le faire, la commission des travaux s'est justement saisie de ce projet de loi ! Nous sommes, merci de le relever, une commission intelligente, et nous savons travailler, raison pour laquelle nous avons rédigé ce rapport.
Ce texte, Mesdames et Messieurs les députés, n'est pas le rapport général du CEVA: c'est un rapport uniquement sur le crédit complémentaire ! On ne va pas répéter tout ce qui a déjà été dit sur le CEVA, vous n'avez qu'à le relire dans le Mémorial !
Mesdames et Messieurs, je crois qu'il faut que nous redevenions un peu sérieux et il est bien évident que je vous encourage à refuser ce renvoi à la commission des travaux.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Justement, Monsieur le rapporteur de majorité, soyons un peu sérieux ! La commission des travaux n'a pas fait son job tel qu'il devait l'être ! Quatre facteurs de coûts ont été occultés. (Protestations.)
Le président. Silence !
M. Eric Stauffer. Quatre facteurs ont été occultés, estimés à au moins 534 millions de francs ! Il y a eu les aléas géologiques: 188 millions de francs. Et aucune étude du sous-sol genevois n'a été effectuée ! Vous prétendez aujourd'hui voter un crédit complémentaire... (Brouhaha.) ...pour percer le tunnel du CEVA, or on ne sait pas ce qu'il y a dessous ! J'en veux pour preuve que M. Slatkine a fait état de cela en évoquant les nappes phréatiques. Franchement, nous ne savons pas où nous allons ! Et il est inadmissible de voter un crédit complémentaire de 113 millions alors qu'on sait très bien que le coût total avoisinera, voire dépassera certainement, les 2 milliards.
Il est nécessaire que ce projet de loi soit retravaillé en commission, afin que nous obtenions des chiffres exhaustifs. Nous nous souvenons de ce que le Conseil d'Etat nous avait donné des engagements - comme l'a rappelé, encore une fois, M. Slatkine, qui m'excusera de le citer trois fois dans ma prise de parole. Donc, on nous avait promis un coût de 20 millions pour le Stade de la Praille, et ce sont finalement 120 millions qui ont été nécessaires. (Brouhaha.) Eh oui !
Partant de cela, il nous faut donc étudier ces prix en commission ! Je vous préviens d'ores et déjà que le MCG déposera une série d'amendements pour compléter les crédits... (Brouhaha.) Monsieur le président, il y a beaucoup de bruit, mais ce n'est pas grave, je vais continuer... (Le président agite la cloche.) Donc, il faut compléter ces crédits complémentaires, afin que la population sache que le CEVA ne coûtera pas que 400 millions de francs, mais que nous sommes déjà à plus de 600 millions et que nous arriverons, pour la part cantonale, à 950 millions, voire un milliard !
Ensuite, puisque vous ne voulez pas aller travailler en commission, nous déposerons également un amendement pour faire une provision sur dix ans...
Le président. Sur le renvoi à la commission des travaux !
M. Eric Stauffer. C'est sur le renvoi en commission ! ...pour faire une provision sur dix ans, de 32 millions par année, ce qui équivaudra au déficit d'exploitation qui devra être payé par le contribuable genevois. Et ce sont encore 320 millions ! Tous ces chiffres, Monsieur le rapporteur de majorité, vous en faites fi ! Vous êtes obnubilés par ce tunnel ! Mais, très franchement, votre attitude et celle de la majorité de ce parlement, qui tend à défendre le CEVA, confinent à l'irresponsabilité d'Etat. Cela plombera les comptes de la république. (Protestations.)
Nous soutenons donc le renvoi à la commission des travaux, afin que ce projet revienne en plénière avec des chiffres réels, et nous nous souviendrons de ce que le conseiller d'Etat Robert Cramer, quand il s'est agi de contrôler les salaires de certains dirigeants d'établissements publics autonomes, a déclaré... (Huées.)
Le président. S'il vous plaît, on arrête ! (Chahut.)
M. Eric Stauffer. Il a déclaré dans la presse qu'il n'était pas au courant de ce qu'ils gagnaient ! C'est bien la preuve, une fois encore, qu'il ne maîtrise absolument pas ses dossiers...
Le président. Merci, c'est terminé !
M. Eric Stauffer. ...et que, finalement, c'est vraiment un scandale !
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10444 à la commission des travaux est rejeté par 59 non contre 12 oui et 1 abstention.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous suspendons ici le débat sur ce projet. (Protestations. Remarque de M. Pierre Weiss.) C'est une décision du Bureau, Monsieur Weiss ! Nous allons passer au point 120, que nous devons examiner à huis clos. (Commentaires.)
Des voix. Motion d'ordre ! (Brouhaha.)
Le président. Nous la ferons voter, mais nous nous arrêterons ensuite ! (Le président est interpellé.) Je vous rappelle que vous devez obtenir une majorité des deux tiers pour pouvoir appliquer une motion d'ordre. (Panne informatique. Brouhaha.) Eh bien, nous allons nous prononcer à main levée !
Mise aux voix, la motion d'ordre (clore le premier débat) est adoptée.
Le président. Vous êtes largement soutenus, Mesdames et Messieurs les députés, nous voterons ainsi la prise en considération de ce projet de loi. Auparavant, M. Golay et Mme Chatelain doivent encore s'exprimer. (Panne de micro.)
Des voix. Micro ! (Brouhaha.)
Des voix. On ne peut pas continuer le débat comme ça !
M. Pierre Weiss. On n'est pas soumis à la technique ici !
Une voix. Voilà, c'est réparé !
Le président. Nous pouvons reprendre. La parole est à vous, Monsieur Golay.
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le CEVA tant loué par les uns est décrié par les autres ! C'est ce que j'ai entendu ce soir dans ce parlement. J'ai entendu que ce projet était l'avenir de Genève, indispensable pour la région en termes de mobilité, j'en passe et des meilleures... Eh bien, pour l'instant, votre projet du CEVA ne prend pas seulement une mauvaise tournure sur le plan financier, mais également par rapport à l'intérêt que celui-ci suscite auprès des Genevois.
Sur ce dernier point, je vous invite à prendre la ligne déjà existante du CEVA, entre la gare de Cornavin et la gare du Pont-Rouge, située sur la commune de Lancy. Là, Mesdames et Messieurs les députés, vous pourrez vous rendre compte que ce tronçon n'a aucun succès. Après deux années d'exploitation de cette ligne, les wagons restent quasiment vides ! Pour l'heure, ce trajet Cornavin-Lancy est un véritable désastre en termes de fréquentation, avec une gare déserte où le sentiment d'insécurité, même subjectif, règne dès la tombée de la nuit. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Que fait le gouvernement pour inciter les habitants de Lancy et les nombreux travailleurs exerçant sur cette commune à utiliser ce mode de transport ? Rien ! Absolument rien ! Au contraire, il a réussi à supprimer la ligne du tram 17 qui reliait la gare du CEVA Pont-Rouge à toute la cité du Grand-Lancy. Quelle belle promotion pour le CEVA !
Lors de mes deux premières années dans ce parlement, j'ai siégé dans le comité des «pro-CEVA». J'ai démissionné de cette association, n'étant pas convaincu que ce projet était une priorité pour les citoyens genevois. Siégeant à la commission des transports, je doute que ce projet attire les foules - peut-être quelques milliers d'usagers par jour ? - d'autant moins que la France ne fait pas preuve d'un grand enthousiasme pour aménager des structures d'accueil et des parkings, ceci au centre d'Annemasse. De plus, je vois mal les gens du Chablais ou d'ailleurs pénétrer dans Annemasse avec leurs voitures pour, ensuite, prendre ce train !
Ce soir nous discutons d'un crédit supplémentaire de 113 millions, alors que tout le monde sait que ce montant est très largement sous-estimé. (Brouhaha.) Nous savons tous que le coût supplémentaire sera de 500 millions de francs, dans le meilleur des cas, ou d'un milliard de francs, dans le pire des cas, si la Confédération ne rallonge pas sa participation initiale. En réalité, le CEVA nous reviendra certainement à plus de 2 milliards de francs, voire 3 milliards selon le comité contre le CEVA. Cela pèsera lourd sur les finances publiques pour, au mieux, quelques milliers de passagers journaliers.
Passons de la réalité au rêve: avec ces 2 milliards, nous pourrions financer l'entier des projets de lignes de tram et de bus prévus à Genève. Ou bien, nous pourrions financer la traversée du lac. Avec ces projets, nous pourrions parler de dizaines, voire de centaines de milliers d'usagers quotidiens. Malheureusement, beaucoup de grands projets dorment dans les tiroirs de l'administration, faute de moyens financiers. En somme, la meilleure chose serait de terminer le tronçon du CEVA jusqu'au dépôt des TPG, au Bachet, de profiter des voies CFF déjà existantes et de se recentrer sur les véritables priorités en matière de transports pour nos citoyens genevois. (Brouhaha.)
Refusons ce crédit supplémentaire de 113 millions de francs, qui n'est que le début d'une longue série sans fin ! Fixons des priorités raisonnables financièrement et procédons par étapes, pour ne pas plomber les investissements futurs. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à rejeter ce projet de loi 10444.
Mme Elisabeth Chatelain (S). Mesdames et Messieurs les députés, on est presque à la fin des discussions, le débat a eu lieu. «Enfin !» disent certains, ceux qui souhaitent un vote populaire, par exemple. Les montants ont été clairement identifiés, le projet de loi du Conseil d'Etat est très clair. Si vous l'avez lu attentivement, on voit qu'on n'a peut-être pas encore tous les petits détails, mais il est rare d'avoir un projet de loi aussi précis. Pourtant, le Conseil d'Etat a été traité de menteur; nous avec, d'ailleurs ! Nous devons à présent choisir. Je ne souhaite pas être particulièrement solennelle ce soir, mais, comme il s'agit d'un projet d'importance, je le serai un peu.
Je considère, et le parti socialiste avec moi, que le moment est stratégique, que nous sommes devant nos responsabilités, que nous sommes devant un choix politique pour Genève: choisir l'ouverture à une région ou la fermeture. Ce sont des choix que nous avons le droit de faire, mais on doit bien réfléchir aux conséquences. On doit choisir entre aller vers l'avenir ou rester dans le passé. Evidemment, l'avenir, c'est toujours un peu l'inconnu, il peut faire peur parfois. Sinon, on peut choisir de rester dans le passé, peut-être plus confortable. Le choix doit s'effectuer par rapport au CEVA, qui est un projet abouti; les autorisations de construire sont là, même s'il reste encore quelques recours à traiter, procédures habituelles dans le cadre de ce genre de grands travaux. On doit choisir entre le CEVA, projet abouti, et une idée, celle d'un projet dont le tracé passerait dans des endroits encore inconnus. La ligne passerait au pied du Salève, sur un tracé où il n'y a même pas une gare. La gare de Saint-Julien est plus loin et on se trouve un peu dans un no man's land - «dans les champs de cardons», comme M. Gabriel Barrillier a l'habitude de dire. On buterait contre le Salève, et cette ligne-là, que certains appellent de leurs voeux, les Français n'en veulent pas ! En effet, ce serait reporter sur la France la majorité des coûts. Les Français ne le souhaitent pas, car ils désirent développer leur réseau RER à partir d'Annemasse, en étoile et pas en cul-de-sac. D'ailleurs, vingt des quarante gares qui feront partie du réseau RER se trouvent sur le territoire français.
Genève change, Genève évolue, Genève s'agrandit. Cela peut déplaire à certains et amener quelques inquiétudes. Ce qui m'inquiéterait beaucoup plus, ce serait de ne pas accompagner ce changement, de ne pas accepter cette évolution et de ne pas réaliser de nouvelles infrastructures, et de continuer à palabrer. Je crois que le mot est des plus adéquats ! Il y a énormément de palabres autour de ce sujet, pour trouver le meilleur projet, pour trouver le meilleur tracé, le moins cher, et même, si j'ose dire: «le plus mieux bien», celui qui, en fait, ne se réalisera jamais !
Je rêve d'une région qui se développerait harmonieusement, qui offrirait plus de logements et où les problèmes de circulation seraient réduits. Je vous demande, et le parti socialiste avec moi, de montrer à la population genevoise, et à la population de toute la région, que vous voulez le CEVA et le RER ! (Applaudissements.)
M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais rappeler que ce crédit complémentaire, comme cela a été dit, est absolument nécessaire, nous devons le voter ce soir. Rappelons aussi qu'il est largement dû à des améliorations apportées au projet, lesquelles vont bénéficier aux riverains qui précisément, pour certains, le bloquent depuis de longs mois. Donc, ce projet a subi des retards, que d'aucuns souhaiteraient voir continuer à se développer.
Je rappellerai encore que le CEVA est indispensable à notre canton, à notre région: c'est la colonne vertébrale du futur plan de mobilité de notre agglomération, Mesdames et Messieurs les députés ! Tous les développements à venir se greffent déjà sur le réseau CEVA ! Il est donc indispensable à l'avenir de notre canton; de même qu'il l'est - Mme Chatelain l'a relevé - aux futures zones de logements. Ces derniers faisant cruellement défaut, nous espérons qu'ils pourront se développer le plus vite possible à proximité des gares CEVA.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, allons au-delà des calculs impossibles que certains souhaiteraient pour connaître, au centime près, le coût final des travaux ! Allons au-delà des calculs électoralistes de M. Stauffer et de son parti, le MCG, qui, comme d'habitude, saute dans le train de l'opportunisme au dernier moment ! Au-delà de ces calculs, c'est l'avenir de notre canton et de notre agglomération qui se joue. Nous devons voter ce crédit complémentaire ce soir même, et merci de l'adopter massivement ! (Applaudissements.)
Le président. La parole est à M. Michel Ducret.
M. Eric Stauffer. Il faut appliquer le règlement, un renvoi en commission a été demandé ! (Exclamations. M. Eric Stauffer s'exprime hors micro. Chahut.)
Le président. Non, ce n'est pas juste, Monsieur Stauffer ! Vous arrêtez ! (Brouhaha.) M. Golay a demandé un renvoi en commission des finances, ce qui avait déjà été proposé. On ne peut pas changer comme ça, tout d'un coup, parce que vous en avez décidé ainsi ! (Remarque de M. Eric Stauffer. Protestations.) S'il vous plaît, c'est terminé ! La parole est à M. Ducret.
M. Michel Ducret (R). Merci, Monsieur le président de donner la parole aux orateurs !
Mesdames et Messieurs les députés, a-t-on construit le Gothard en sachant exactement à la fin du XIXe siècle combien de marchandises passeraient en 2008 ou en 2009 à travers ce tunnel ? Ce n'est pas possible de répondre à ce genre de questions ! Le peuple genevois a voté avec le peuple suisse le nouveau tunnel du Gothard - cinquante-deux kilomètres sous les Alpes. Est-ce que vous croyez qu'ils ont demandé le détail du crédit et de savoir au franc près combien allait être dépensé ?! Ou peut-être la couleur du ticket ?! Ce n'est juste pas possible, Mesdames et Messieurs les députés !
Sommes-nous fous, dans ce canton ?! Sommes-nous fous au travers ce débat pour un crédit complémentaire ?! En réalité, on veut remettre en cause une infrastructure qui est essentielle pour le développement de Genève ! Et ceci alors que le processus est largement engagé et que ce Grand Conseil a voté le tracé il y a plusieurs années - c'est un choix qu'il a fait délibérément, et moi-même je n'étais pas de cet avis-là ! - alors que ce Grand Conseil a voté le crédit principal de construction, que les Chambres fédérales ont voté la part fédérale de ce crédit, que le projet a été accepté par nos voisins français - nos partenaires indispensables à notre prospérité - et qu'il est financé ! Et, aussi, que les coûts, en comparaison des projets en cours de réalisation à Zurich, sont tout à fait normaux et qu'il n'y a plus à ce jour, Mesdames et Messieurs, d'alternative valable à ce projet !
Globalement, à Genève, nous souffrons déjà d'un retard d'investissements dans les infrastructures nécessaires à notre région, à nos prétentions, et, surtout, qui sont indispensables à notre réalité économique ! Sommes-nous fous, Mesdames et Messieurs ?! Ce n'est plus le moment, quelle que soit la pertinence ou l'impertinence des arguments contre ce projet ! Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui c'est: CEVA ou «ça va pas» !
Enfin, Mesdames et Messieurs les députés, ce soir il n'y a en réalité pas de rapport de minorité... (Brouhaha.) ...mais bien un simple rapport d'opportunité, empli de déclarations qui démontrent que le rapporteur n'a strictement rien compris aux enjeux et à la problématique de notre réalité économique et qu'il s'oppose avec des idées complètement erronées sur Genève et sa région !
Le seul but de ce rapport de minorité, c'est de mettre son auteur en lumière, de se faire reluire envers ses électeurs potentiels et de parader devant les téléspectateurs comme un gros dindon gominé ! (Rires. Applaudissements.)
Mesdames et Messieurs les députés, ici, nous les radicaux, nous avons une autre idée de la politique et, aussi, une bien plus haute idée des Genevois et des Genevoises, que celle qu'en a ce pseudo-rapporteur qui prend la population pour un ramassis d'idiots et ce Grand Conseil pour la scène de la Comédie !
Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a ce soir qu'un choix: soit on laisse Genève sans possibilité de développement économique, et il faudra alors en accepter toutes les conséquences, y compris la régression, soit on veut un avenir pour Genève et l'on accepte ce crédit complémentaire. Ce n'est pas plus compliqué que ça ! (Applaudissements.)
M. Frédéric Hohl (R), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier l'UDC: vous avez prouvé ce soir que vous êtes pour le CEVA. Votre problématique, c'est le coût, et c'est bien légitime. Tous les partis se sont posé la même question, d'ailleurs ! On est tous pour le CEVA, il n'y a qu'un seul parti - on l'a compris ce soir - qui est absolument contre le CEVA...
M. Eric Stauffer. Les libéraux ?
M. Frédéric Hohl. ...un parti qui se fout complètement de l'avis des finances et du coût de ce projeté ! Le seul but de vos interventions, Messieurs du MCG, c'est uniquement d'avoir un outil pour les élections, tout le monde l'a compris ! Je crois que les téléspectateurs l'ont compris. Mesdames et Messieurs, il est temps maintenant de voter et de penser à la Genève de demain !
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, vous pouvez encore ricaner, rigoler, glousser et vous autocongratuler... (Brouhaha.) ...il n'en demeure pas moins que, ce soir, vous êtes en train de démontrer votre manque de courage politique. Si vous aviez du courage politique et si vos arguments étaient forts, vous auriez spontanément proposé une votation populaire pour obtenir la légitimité du peuple. Vous ne voulez pas le faire ! Vous voulez continuer dans cette logique destructrice qui va entraîner la dépense de centaines de millions pour réaliser un CEVA qui n'améliorera en rien la mobilité à Genève !
Finalement on peut ne pas s'en étonner, mais ce qui me paraît le plus bizarre, quand j'entends les propos de Monsieur... Rappelez-moi votre nom... (Exclamations.) Le monsieur radical... M. Ducret ! Excusez-moi, cette lacune était due au fait que vous ayez un homonyme à côté de vous. Je poursuis: je m'étonne quand même un peu de ce que l'Entente soit si divisée sur ce sujet, car, à écouter les commentaires de couloirs de certains libéraux - et même en plénière - eh bien, on voit que le CEVA n'a pas fait l'unanimité dans vos rangs ! Est-ce à dire que, quand vous traitez le MCG d'imbécile et d'irresponsable, c'est aussi valable pour une partie de l'Entente ?! Et, au même niveau, vos collègues libéraux qui, eux, sont arrivés à la conclusion qu'il n'y avait peut-être pas toutes les informations pour décider en connaissance de cause et, surtout, d'une manière responsable. (Brouhaha.)
Nous, au Mouvement Citoyens Genevois, nous ne voulons pas mentir à la population et nous vous avons préparé trois amendements, dont le premier est une proposition d'augmentation de crédit de 650 millions de francs, puisque c'est à peu près ce qu'il faudra pour couvrir les dépenses du CEVA. Alors, si vous avez le courage de faire les choses avec, dirai-je, honneur et transparence, eh bien, vous voterez cet amendement ! Pourquoi ? Parce que vous savez très bien qu'un crédit voté n'est pas forcément une obligation de dépense, néanmoins ça laissera la latitude au Conseil d'Etat de pouvoir finaliser le projet avec des chiffres réels. En fait, vous n'en aurez pas le courage, comme vous n'avez pas celui d'aller devant le peuple ! Car, si vous aviez proposé un stade de la Praille à 120 millions, il y aurait eu instantanément un référendum et ce stade n'aurait jamais vu le jour ! Mais vous voulez encore une fois prendre la population en otage, lui dire que l'enveloppe est suffisante et revenir après en disant qu'on n'avait pas prévu telle ou telle chose, qu'il y a le renchérissement et qu'il faut rajouter 200 millions de francs...
Le Mémorial sera là pour en attester: il y aura eu un groupe qui résistait et disait que le CEVA coûterait aux Genevois un milliard de francs ! L'avenir donnera la réponse à cette question, mais évidemment qu'à ce moment vous direz qu'on ne savait pas, qu'on ne pouvait pas prévoir - comme pour le stade de la Praille - et, finalement, le cocu de l'affaire, ce sera le citoyen contribuable genevois ! (Commentaires.)
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier la commission des travaux et son président, M. David Amsler, pour l'excellent travail qui a été fourni lors de l'examen de ce projet de loi. Les auditions de ceux qui ont demandé à être entendus ont eu lieu, les réponses aux questions posées par la commission ont été fournies, et, pour ceux qui prennent la peine de lire pas seulement le rapport de commission mais également le projet de loi et l'exposé des motifs du Conseil d'Etat, vous constaterez que pour l'ensemble des questions posées, notamment sur le plan financier, les réponses ont été données.
J'aimerais vous dire que je regrette la façon dont le débat s'est déroulé ce soir: malheureusement, certains groupes ont cru utile de tenter de faire obstruction à son déroulement normal. Par rapport à l'enjeu dont nous parlons, c'est indigne, Mesdames et Messieurs ! Le peuple aura l'occasion de se prononcer, il y aura probablement un référendum, et il aboutira. Une votation sera organisée en décembre et le peuple tranchera, hors artifices de procédures, sur la base des arguments, sur le fond. C'est-à-dire sur l'utilité, sur la nécessité de la construction de cette infrastructure pour notre région.
Alors, quels sont les motifs qui doivent ce soir vous amener à approuver ce projet de loi ? Tout d'abord, il y a la question des transports dans notre région. Genève et sa périphérie ont un grand retard dans le domaine de la mobilité par rapport à Zurich, Berne ou Bâle. C'est un retard que le Conseil d'Etat, avec votre soutien, Mesdames et Messieurs, cherche à rattraper depuis plusieurs années, dans le domaine des transports publics et, également, des transports individuels. Depuis quelques années, une forte impulsion a été donnée pour réactiver le dossier concernant la traversée du lac et plusieurs autres projets routiers: la traversée de Vésenaz, la route des Nations et d'autres études encore. Et c'est ce mouvement-là, cette dynamique-là, que nous devons poursuivre avec cette infrastructure structurante qu'est le CEVA.
Le CEVA va permettre de relier deux réseaux de transports publics, l'un sur le côté gauche du lac, l'autre sur le côté droit, et il va doter notre région - enfin ! - d'un véritable réseau RER, dont le manque se fait sentir cruellement.
L'autre raison pour laquelle nous devons voter ce projet, de façon très pragmatique et sans entrer dans le lyrisme - j'essaierai d'être un peu plus lyrique vers la fin - c'est que la réalisation du CEVA va ouvrir la porte à un certain nombre d'autres réalisations, notamment à tous les projets urbanistiques qui, aujourd'hui, sont développés autour des futures gares CEVA, qu'il s'agisse de SOVALP, ce grand projet des CFF autour de la gare de Lancy-Pont-Rouge, qu'il s'agisse de la place de la gare des Eaux-Vives - où il y aura des logements, des activités et la Nouvelle Comédie de Genève - et, enfin, qu'il s'agisse de Chêne-Bourg, où est prévu un grand projet comprenant des centaines de logements et des milliers de mètres carrés de bureaux. Ce sont également ces projets-là qui sont en jeu ce soir, Mesdames et Messieurs !
Il y a des critiques, et c'est légitime qu'il y en ait. J'aimerais essayer d'y répondre brièvement. Tout d'abord, sur les coûts. On nous dit que ça n'est pas transparent... On nous dit que le Conseil d'Etat cache des chiffres - les CFF aussi cacheraient des chiffres. C'est un procès d'intention ! Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage... C'est extrêmement facile de mettre en doute le montage financier de la réalisation du CEVA. Le Conseil d'Etat a fait le choix de la transparence, Mesdames et Messieurs ! Il a fait le choix difficile de venir devant vous avec une demande de crédit complémentaire, en vous expliquant que, oui, le coût avait augmenté de 50% par rapport à celui qui a été estimé il y a quelques années. Nous avons pris ce risque parce que nous estimions que nous vous devions la vérité: nous vous devions d'être transparents et de vous permettre de vous prononcer en toute connaissance de cause. Ça n'a rien à voir avec le dossier du Stade de Genève ! Au contraire, si nous avions procédé pour le Stade de Genève comme nous le faisons aujourd'hui pour le CEVA, il y a cinq ou six ans le Conseil d'Etat serait venu devant vous avec une demande de crédit complémentaire pour financer le surcoût qui était déjà identifié pour la construction du stade. Et nous ne serions pas obligés aujourd'hui de venir ramer en commission des finances pour obtenir de quoi le faire tourner le stade !
Ce sont deux dossiers qui sont menés de façons totalement différentes. Nous avons tiré les leçons d'un certain nombre d'échecs, de dysfonctionnements, et aujourd'hui nous jouons cartes sur table, à livre ouvert. Je mets au défi quiconque d'avancer le contraire, car personne n'a été crédible, ce soir, en remettant en doute les coûts du CEVA ! Personne ! Et je vous mets au défi de nous démontrer qu'il ne s'agit pas d'un coût complet.
Autre critique, ou plutôt autre tentative de diversion, c'est de dire qu'il ne faut pas faire le CEVA ainsi, mais de réaliser plutôt le barreau Sud ou encore un autre tracé... Le Tribunal fédéral a tranché cette question, l'initiative populaire a été invalidée, et ce que j'aimerais surtout dire à ce sujet, c'est que ces deux tracés ne sont pas incompatibles ! On peut parfaitement réaliser le CEVA, mais le CEVA, c'est le premier tronçon; c'est la première ligne d'un réseau qui va continuer à se développer. Pourquoi ne pas réaliser le barreau Sud ultérieurement ? Mais si aujourd'hui nous renoncions au CEVA en faveur d'un autre tracé, c'est possible de le faire. C'est un choix que vous pouvez effectuer, or vous devez savoir que dans la planification de la Confédération et des CFF il n'existe aucun autre tracé actuellement et que tout autre mettrait au moins vingt ans à être réalisé ! Or, Mesdames et Messieurs, c'est aujourd'hui que nous avons besoin de cette ligne de train !
Deux autres critiques ont été très peu développées ce soir, mais j'aimerais les évoquer parce qu'au fond c'est ce qui inquiète les habitants de certains quartiers et motive l'opposition de la plupart des recourants: les nuisances. Les vibrations, tout d'abord, et le bruit. Nous sommes en train de travailler pour essayer d'améliorer la situation, pour donner toutes les garanties nécessaires aux recourants afin de réduire au strict minimum les nuisances en question.
Autre inquiétude - et, à mon avis, il s'agit plus d'un fantasme - c'est un éventuel afflux de voyous du quartier du Perrier, en France voisine. Mesdames et Messieurs, les voyous qui aujourd'hui veulent venir à Genève pour commettre quelques rapines le font déjà ! Ils prennent le tram, ils viennent en vélomoteur, en moto ou en voiture... Ils n'ont évidemment pas besoin du CEVA pour cela ! Je peux comprendre cette crainte, mais je considère qu'elle est totalement infondée.
Mesdames et Messieurs, le contexte dans lequel ce vote s'inscrit va définir la Genève de l'avenir: nous allons voter sur le CEVA, probablement en décembre; en septembre, nous voterons sur l'extension de l'OMC et, au fond, sur ce que nous souhaitons pour la Genève internationale; il y a un référendum en Ville de Genève contre le projet Praille-Acacias-Vernets; par ailleurs, nous avons de grands projets en cours, comme le projet d'agglomération ou la traversée du lac. Nous vivons donc un tournant de l'histoire de notre région ! Nous allons devoir prendre ces prochains mois et années des décisions cruciales et fondamentales pour le développement de notre région. Et aujourd'hui, vous allez prendre l'une de ces décisions.
Mesdames et Messieurs, je vous invite à suivre le Conseil d'Etat et à indiquer la bonne direction: la direction du développement, la direction de la prospérité et de la qualité de vie dans notre région. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mis aux voix, le projet de loi 10444 est adopté en premier débat par 65 oui contre 7 non et 7 abstentions.
Le président. Nous entamerons le deuxième débat demain.
Troisième partie du débat: Session 10 (juin 2009) - Séance 54 du 26.06.2009
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au huis clos pour traiter le point 120. Je demande au Conseil d'Etat de se retirer, aux personnes qui sont à la tribune de bien vouloir la quitter, aux huissiers de fermer les portes et à Mme la mémorialiste de couper les micros et la retransmission à Léman Bleu.
La séance publique est levée à 23h.
Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.