Séance du
jeudi 19 mars 2009 à
8h
56e
législature -
4e
année -
6e
session -
32e
séance
PL 10257-A
Premier débat
Le président. Il s'agit d'un débat classé en catégorie II, qui prévoit cinq minutes de temps de parole par groupe. M. Jeannerat ne souhaite pas prendre la parole... Ah, Mme Hirsch la demande !
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Le PDC votera ce projet de loi tel qu'amendé, parce que le choix est restreint, étant donné le contrat de prestations qui y est lié.
J'aimerais juste me permettre une remarque concernant l'amendement qui a été voté. La commission des finances a soustrait 65 000 F du budget de l'APRET pour l'année 2009 comme conséquence du choix de cette association de faire campagne dans le cadre des votations sur la fumée passive.
On pourrait juste se redemander quel est l'objectif poursuivi par cette association ? C'est la prévention contre les méfaits du tabac ! Faire campagne dans le cadre de cette votation, c'est juste l'objectif de l'APRET ! Son objectif est de parvenir à réduire le nombre de fumeurs et les conséquences de la fumée passive. On ne peut pas dire que pousser les citoyens à voter «oui» à cette initiative ne cadrait pas avec les objectifs de l'APRET ! S'il est vrai que certains des objectifs de l'APRET sont un peu obscurs, l'APRET ne prenait aucun avantage financier dans cet objet. En effet, le jour où il n'y aura plus de fumeurs, il n'y aura plus d'APRET !
Nous avons donc trouvé que c'était une basse mesquinerie que d'enlever 65 000 F de son budget ! En 2009, l'APRET devra restreindre le nombre de ses actions de prévention parce qu'elle ne disposera pas de ces 65 000 F. Or, quand on connaît les problèmes qui se posent à l'heure actuelle en santé publique...
Une voix. Tout à fait !
Mme Béatrice Hirsch. ... Avec les addictions au tabac, entre autres, la population ne sortira pas gagnante, avec la diminution de ce budget.
Nous voterons pourtant ce projet de loi, étant donné que l'APRET a signé un contrat de prestation prenant en compte cette diminution de subvention de 65 000 F pour l'année 2009.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je ne répéterai pas exactement ce qu'a dit Mme la députée Hirsch, mais j'approuve totalement ses propos. En commission, j'ai été quelque peu surpris d'assister à des règlements de comptes à propos des associations actives autour de Carrefour Prévention, pour être large. On a même été extrêmement surpris d'avoir droit à des règlements de comptes politiques ! La bagarre a été dure et on nous a resservi l'argument de toujours: «Nous sommes à fond pour la prévention, donc nous allons réduire la subvention.» Je trouve de telles méthodes extrêmement choquantes, je tenais à le dire aujourd'hui !
Les Verts sont favorables à l'action de l'ensemble des associations et fondations qui s'occupent de la prévention et nous soutiendrons bien évidemment le projet de loi.
La Cour des comptes a fini par rendre un rapport déterminant si les associations étaient dans leur droit en faisant les campagnes de prévention en question: elles le sont ! Or nous avons vécu des moments extrêmement pénibles en commission, avec cette impression d'assister à un véritable règlement de comptes politique !
Aujourd'hui, je pense qu'il est important que nous disions publiquement que nous nous élevons contre de tels règlements de comptes politiques ! Ce sont deux personnes qui siègent sur les bancs socialistes qui étaient visées, parce qu'elles sont extrêmement actives et qu'elles font un travail de qualité. Toutefois, dans cette attaque, on avait oublié que d'autres personnes - appartenant à d'autres bords politiques - étaient aussi impliquées dans les projets de Carrefour Prévention ! On avait oublié que le travail de qualité qui avait été réalisé n'était pas le fait d'un groupe politique seulement, et on a voulu un règlement de comptes alors qu'il était question d'un problème de santé publique important !
Les Verts vous demandent donc de voter cette subvention qui ne semble plus poser de problèmes aujourd'hui, mais ils déplorent néanmoins l'attitude manifestée pendant toute la durée des discussions relatives à ce projet de loi.
M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur. Non, il ne s'agit pas d'un règlement de comptes politique, il s'agit d'un cas d'école ! Nous avons en face de nous une association qui utilise une subvention octroyée par la collectivité en allant au-delà des buts qu'elle poursuit: une partie de la subvention a été utilisée pour financer une campagne politique référendaire. C'est ça le problème !
Et, au fond, en acceptant ce projet de loi tel qu'initialement rédigé par le Conseil d'Etat, on aurait créé un précédent. Après, il n'y aurait plus eu de limites ! C'est comme si, un jour, il y avait un référendum contre la construction d'un nouveau bâtiment à l'hôpital et que l'hôpital devenait acteur de la campagne politique en finançant des annonces dans la presse. C'est comme si les TPG - qui reçoivent une subvention pour faire tourner les trams - utilisaient une partie de la subvention pour des annonces dans la presse ou pour faire de l'affichage sur leurs propres véhicules dans le but de communiquer en faveur de l'extension du réseau de tramways.
Il ne s'agit donc pas du tout d'un règlement de comptes. Il y a certes dans ce parlement, je pense, quelques députés qui ne sont pas en accord avec les objectifs de cette association. Ce n'est pas le cas de la majorité de la commission des finances. Si ça avait été le cas, la subvention aurait été réduite de manière plus significative. Ça n'a pas été le cas !
Il ne s'agit pas de punir cette association, il s'agit simplement d'éviter qu'à l'avenir nous ayons une base ouverte pour que n'importe quelle association puisse - avec de l'argent public - financer une campagne de votations.
Pour le reste, la majorité de la commission des finances l'a souligné, cette association fait un excellent travail et on l'en félicite !
M. Philippe Guénat (UDC). Evidemment que l'UDC est tout à fait favorable à la prévention - que ce soit contre l'alcoolisme ou contre le tabagisme - toutefois elle ne peut pas accepter le comportement récent de ces deux associations: avoir utilisé des deniers publics issus de subventions pour mener une campagne référendaire avec de l'affichage !
Par conséquent, à cause de cette manière d'agir, l'UDC votera contre ce projet.
M. Alain Charbonnier (S). Voilà comment l'UDC procède pour faire de la prévention: elle coupe dans les subventions ! C'est très malin... En la circonstance, ce groupe a même refusé de voter cette subvention ! Et le rapporteur de majorité avait dit que l'utilisation de cette subvention était contraire aux buts de l'association.
J'aimerais bien que les gens lisent les courriers que l'on reçoit, parce que, suite à cela, nous avions demandé un éclaircissement à la Cour des comptes ! Celle-ci a répondu très clairement, et je vais quand même vous lire un petit passage de sa réponse: «Le but de l'APRET étant précisément de lutter contre le tabagisme et ses effets pervers envers les tiers non fumeurs, on pourrait difficilement lui reprocher d'avoir utilisé une partie de ses fonds pour une campagne - fût-elle relative à une votation - en faveur de l'interdiction de la fumée passive. Ainsi, bien que formellement irrégulière, cette utilisation doit être tenue ex-poste pour être conforme aux voeux des autorités.» En plus, les autorités avaient donné leur feu vert pour cette campagne de prévention ! Car il s'agissait bien d'une campagne de prévention; ce n'est pas nous qui le disons, c'est la Cour des comptes.
Donc, avant de couper dans les actions de prévention, réfléchissez et soyez honnêtes! Votez cette subvention telle qu'elle est malheureusement sortie de la commission des finances. «Malheureusement», parce qu'il y a eu malgré tout cet amendement qui a réduit la subvention de 65 000 F. De grâce, ne supprimez pas le peu d'argent qui est encore versé dans la prévention ! Parce qu'on fait finalement très peu pour elle dans ce canton, et il serait temps qu'on s'y mette !
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Pour les démocrates-chrétiens, bien évidemment que le travail du CIPRET, de l'APRET et de la FEGPA sont absolument essentiels, en termes de prévention contre l'alcoolisme et contre le tabagisme. Ces procès d'intention nous semblent tellement en dehors de la réalité que je vais juste rappeler que les campagnes d'information aujourd'hui reprochées à l'association en question ont été menées sur mandat du Conseil d'Etat, et il est du devoir de cette association de faire de l'information aussi souvent qu'il est nécessaire. D'ailleurs, la Cour des comptes a reconnu l'excellence du travail et la rigueur de la fédération. Nous devons donc absolument continuer à soutenir tout ce qui peut être réalisé en matière de prévention, surtout lorsque c'est effectué avec autant de rigueur et d'excellence. Et il va de soi que les démocrates-chrétiens soutiendront ce projet de loi.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais quand même vous rappeler que vous avez tous hurlé lorsque les assurances-maladie utilisaient les cotisations des assurés pour faire campagne à propos des votations sur la caisse unique. Eh bien, on se retrouve exactement dans le même cas de figure: une entité utilise les subventions publiques pour faire campagne et il y a là un léger problème de forme et de fond !
Donc, nous accepterons ce projet de loi tel qu'il a été amendé par la commission des finances, cela nous paraît tout à fait respectueux de l'ensemble de ce que nous devons faire !
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Mesdames et Messieurs les députés, je soutiendrai également ce projet de loi tel qu'il a été amendé. Une fois de plus, je n'ai absolument rien contre la prévention du tabagisme, mais je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin: il ne suffit pas de marquer sur les paquets de cigarettes que la fumée tue, car cela ne décourage pas les gens.
Je pense aussi qu'il y a effectivement des personnes qui ont des partis pris et veulent terroriser les gens. Alors, j'ai envie de dire que la liberté est un droit fondamental. Même si la cigarette dérange certaines personnes, on a aussi le droit d'exister, bien que nous soyons minoritaires, avec 20% de fumeurs ! La cigarette existe, et du moment qu'elle a été créée, du moment qu'elle est vendue... Je crois qu'il faut aussi arrêter l'hypocrisie ! Cela me choque beaucoup plus de voir qu'on veut dépénaliser certaines drogues, sachant les dégâts qu'elles occasionnent ! On trouve désormais plusieurs restaurants sans fumée à Genève et je pense que, pour ce qui est de l'exposition à la fumée passive, il est possible d'aller manger dans un établissement sans fumée.
On est libre d'aller où l'on veut et il me semble que ce n'est pas une bonne idée que de vouloir obliger les gens à rester cloîtrés chez eux pour fumer leur cigarette... Ils ont le droit d'être intégrés dans la société, de faire partie du tissu social, notamment en allant dans les restaurants !
Cela étant, on fait déjà des choses en faveur de la prévention, mais, à mon avis, c'est surtout là qu'il faut agir en allant beaucoup plus loin, car ce n'est actuellement pas suffisant !
M. Henry Rappaz (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je compléterai un peu l'opinion de mon président. Force est de constater que dans toutes ces associations ou fédérations, nous en retrouvons généralement certaines pour qui la lutte ne vise pas uniquement l'alcool ou le tabac, mais inclut bien souvent une position électoraliste. Le MCG se pose la question de savoir comment une entité essentiellement subventionnée par l'Etat peut prendre publiquement fait et cause par rapport à une votation. Par exemple, nous retrouvons au CIPRET, comme médecin responsable, le politicien Jean-Charles Rielle; un peu plus loin, à la Fédération genevoise pour la prévention de l'alcoolisme, la FEGPA, on retrouve au poste de secrétaire générale Laurence Fehlmann Rielle, députée socialiste... (Applaudissements.) Sans parler de Michel Forni, qui reconnaît que son frère est le président de l'APRET ! Une grande famille citoyenne, en somme ! (Brouhaha. Commentaires.)
Tout cela nous gêne passablement au MCG, vous l'aurez compris. Comme la commission l'a relevé, il serait juste de diminuer le montant de la subvention, parce que l'association a participé, il y a quelque temps, à des campagnes de votation. (Brouhaha.) Cependant, magnanime, le MCG votera le projet de loi, car il reconnaît l'utilité de ces associations, en répétant une fois encore qu'il souhaite que l'argent ainsi attribué soit dépensé de manière conforme aux buts de l'association et non dans des campagnes politiques dissimulées ou à des fins politiciennes.
M. Michel Forni (PDC). Je n'entends pas épiloguer longuement, je ferai seulement deux remarques. Il y a dans ce projet de loi un aspect financier qui a été analysé, sur lequel je ne reviendrai pas. Il y a d'autre part un élément conjoncturel qui est celui de la santé des Genevois, celles des jeunes notamment. Je crois que cet élément intervient dans un principe qui est toujours le même: la prévention, malheureusement, est souvent une grande hypothèque dans nos programmes nationaux.
Il y a encore une petite chose que je tiens à dire suite à l'intervention de M. Rappaz: il est évident qu'on peut tout politiser et qu'il peut y avoir un aspect politique dans la prévention. Je ne vois pas le problème politique qu'il y a entre mon frère et moi-même ! Je vois plutôt ce rapport sous l'angle génétique, mais enfin, mon frère a ses idées, j'ai les miennes !
Le deuxième problème est celui de la partialité d'un professionnel de la santé. J'ai entendu des propos qui ont pu me choquer au sujet de l'impartialité, mais je préfère me ranger derrière ce qu'on appelle le principe de précaution politique - ou du politiquement correct. Cela permet d'amorcer le débat démocratique et, aussi, de se livrer à une réflexion interrogative. Certains parleront peut-être de position monopolistique, moi je pense que nous sommes confrontés à un très joli exercice de contorsionnisme, qui peut choquer, mais qui peut aussi de temps en temps aboutir à des catastrophes. C'est la raison pour laquelle je m'en tiendrai à ceci, Monsieur le président, et je propose de donner suite à l'acceptation de ce projet de loi.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je remercie d'abord la commission des finances et la commission de la santé d'avoir effectué ces travaux. Je crois qu'il faut réfuter les soupçons d'électoralisme qui ont été évoqués par tel ou tel député. Bon sang, il y a des associations qui font de la prévention et ces dernières sont conduites par des êtres humains qui, dieu merci, ont un coeur politique, qu'ils soient de droite ou de gauche ! Cela montre bien l'importance qu'ils accordent à la politique, c'est-à-dire à la vie de la cité. En matière de prévention, on connaît, de la part des bancs radicaux, libéraux, démocrates-chrétiens, Verts ou socialistes - des autres groupes, pas encore - l'engagement extrêmement important en faveur de la vie de la cité ! Cela devait être rappelé !
A propos de la question qui préoccupait la commission des finances, c'est-à-dire le financement de la campagne en faveur de l'initiative contre la fumée dans les lieux publics, je redis ce dont il s'agit. Ce n'est pas une espèce de grande interdiction générale dont je ne sais qui aurait tiré un bénéfice de je ne sais quelle nature, surtout six mois après un événement électif et, donc, trois ans avant le suivant ! Enfin, ce n'est pas de cela qu'il est question ! Il s'agit de savoir si oui ou non la prévention des dégâts du tabagisme passif imposait qu'une association, mandatée pour cela par l'Etat - prenne position ou, au contraire, s'abstienne, ce que personne n'aurait compris. C'est la raison pour laquelle j'ai donné mon aval à cette campagne, sur la base d'un budget existant, voté par votre Conseil, qui sait à quoi sert le CIPRET et pose régulièrement un certain nombre de questions sur ses activités. Ces questions sont parfaitement légitimes. Cependant, une fois le budget voté et les buts connus, une fois que les objectifs sont fixés et que vous les avez acceptés en adoptant le contrat de prestations, la logique voudrait que ce soit le pouvoir exécutif qui exécute ces missions ou en délègue l'exécution.
Dédramatisons tout cela, j'aimerais plutôt insister sur le fait que ce projet doit évoluer, comme d'autres projets, à l'occasion du renouvellement de ce que l'on appellera probablement un contrat de prestations avec Carrefour Prévention. Tenter d'énumérer tout ce qu'on va faire les quatre prochaines années, de manière à rassurer tous les députés sur le trop ou le trop peu de chacune des actions, c'est à l'évidence s'engager à quelque chose qu'on ne pourra pas tenir ! Est-ce que la prévention de telle ou telle addiction l'emportera sur telle ou telle autre, dans les quatre ans à venir ? De ceci, nous pourrons reparler, lorsque moi ou un autre viendra devant vous dans quatre ans avec un contrat de prestation qui touchera l'ensemble des addictions. Il y aura toujours moyen d'adapter le contrat, à partir des informations que nous transmettons régulièrement au parlement lors de l'élaboration des comptes et du budget. Nous pourrons décider de mettre un peu plus l'accent sur tel aspect et un peu moins sur tel autre qui serait en voie de résolution.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous encourage simplement à voter à l'unanimité ce projet, de manière à témoigner concrètement de la conviction de vos préoccupations. Cette conviction se manifeste chaque fois qu'on parle de prévention, mais elle se fissure chaque fois qu'il faut voter des moyens adaptés aux objectifs que vous fixez, verbalement en tout cas ! Vous pouvez aujourd'hui transformer ces convictions en un goal, en les mettant dans des en actes. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons donc voter la prise en considération. Avant cela, Mme Fehlmann Rielle demande la parole.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je voulais quand même vous dire que je ne prendrai évidemment pas part au vote !
Le président. Mme Emery-Torracinta demande le vote nominal. Etes-vous soutenue ? Vous l'êtes. Très bien !
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 10257 est adopté en premier débat par 46 oui contre 13 non et 3 abstentions.
La loi 10257 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10257 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 47 oui contre 13 non et 3 abstentions.