Séance du
vendredi 19 septembre 2008 à
20h45
56e
législature -
3e
année -
11e
session -
66e
séance
M 1794
Débat
La présidente. La parole est à M. Brunny pour la présentation de la motion. Je rappelle que nous sommes en catégorie II: trois minutes de parole par groupe, plus trois minutes pour l'auteur de la motion.
M. Sébastien Brunny (MCG). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, comme vous le savez tous, des hordes de mendiants venus de l'Europe de l'Est ont envahi nos rues et péjorent la qualité de vie de nos concitoyens et concitoyennes. (Brouhaha.) De plus, ils suscitent une «ambiance sécuritaire» délétère dans la cité de Calvin. N'oublions pas qu'elle est une ville internationale dont l'un des éléments porteurs auprès des étrangers du monde entier est la sécurité des biens et des personnes. En outre, il sied de préciser que la Suisse a versé, suite aux accords bilatéraux, plus d'un milliard pour le développement des pays de l'Est. Je suis conscient que le conseiller d'Etat, M. Moutinot, tente au mieux de contenir la petite et moyenne délinquance liée également à ces bandes de mendiants. Il serait judicieux que M. le conseiller d'Etat Moutinot intervienne avec vigueur auprès du département des affaires étrangères, quitte, en dernier ressort, à prendre des mesures de rétorsion commerciales et financières à l'encontre des pays qui laisseraient venir en toute impunité ces bandes de mendiants chapeautées par des réseaux mafieux. (Brouhaha.)
Sachant que certaines invites de cette motion ne sont pas la panacée à cette problématique, je vous invite, vous tous - que dis-je ? - nous tous, à travailler dans le même sens et en parfaite symbiose, cela afin que nous retrouvions la qualité de vie de notre Genève cosmopolite. Je vous remercie par avance de soutenir cette motion.
Mme Virginie Keller (S). Les socialistes ont trois choses à dire sur ce sujet. La première est qu'il continue de nous paraître fort étrange que ce soit un policier assermenté qui prenne la parole... (Remarque.) ...sur ce sujet. La deuxième chose, c'est que nous vous conseillons d'aller voir... (Commentaires de M. Eric Stauffer.)
La présidente. Monsieur, s'il vous plaît, laissez parler votre collègue... (Remarque de M. Eric Stauffer.) S'il vous plaît, Monsieur Stauffer ! S'il vous plaît, vous vous taisez maintenant ! Vous n'êtes pas «el capo del arena»: c'est moi. D'accord ?! Madame Keller, vous pouvez poursuivre.
Mme Virginie Keller. Je vous remercie, Madame la présidente. La deuxième chose que je vous conseille, Mesdames et Messieurs les députés, c'est de consulter le blog d'un camarade socialiste, Pascal Holenweg; il édite tous les jours un journal en ligne qui s'intitule «Cause toujours !». Dans le numéro 108, il est question du taux de pauvreté qui touche les Roms de Roumanie - je crois que cela équivaut à peu près à 87% - et de la meilleure solution trouvée pour lutter contre la pauvreté: simplement de les exclure... Allez voir ce blog, cela en vaut la peine !
La troisième chose est qu'en lisant la motion du MCG le groupe socialiste a eu une réaction, soit de se dire: «Mais, finalement, est-ce que le MCG a tous les droits ?»... Car c'est la question qu'on se pose quand on lit votre motion ! On ne se demande pas quels sont les droits des mendiants, mais quels sont les droits du MCG d'attaquer à ce point-là d'autres êtres humains !
J'aimerais vous lire trois ou quatre choses. Je ne sais pas si, Messieurs du MCG, vous êtes au courant de ce que cette année est... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...le soixantième anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'Homme ! Et cet anniversaire va, entre autres, se fêter au sein des organisations internationales qui siègent à Genève. Vous savez certainement que de nombreux pays ont ratifié cette déclaration universelle. Je pense que vous ne la connaissez pas et que vous ne l'avez jamais lue, c'est pourquoi j'aimerais vous en citer quatre extraits: «Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité et que l'avènement d'un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l'homme...». Je passe quelques paragraphes... Article premier, Monsieur Stauffer: «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.» Je poursuis: «Article 2 de la déclaration universelle des droits de l'Homme: Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.» (Remarque de M. Eric Stauffer.)
Et enfin, l'article 7, Monsieur Stauffer: «Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination.»
Le groupe socialiste, Monsieur Stauffer, condamne ce soir le MCG pour porter gravement atteinte à la déclaration universelle des droits de l'Homme. (Applaudissements.)
M. Olivier Wasmer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, mais que fait la police ? Effectivement, si tous les policiers sont au Grand Conseil, c'est très difficile de faire respecter l'ordre sur la voie publique ! (Rires.) Cela étant, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, comme le disait le président du Conseil d'Etat tout à l'heure, c'est un véritable scandale. Et, comme le disait aussi notre excellent collègue député, M. Cavaleri, le MCG est de nouveau pris en flagrant délit de populisme de bas étage et de démagogie.
A quoi sert cette motion, Mesdames et Messieurs les députés ? Strictement à rien, si ce n'est qu'à faire parler du MCG. Vous le verrez simplement en lisant l'invite «à faire respecter les droits des plus faibles - personnes âgées et femmes - face à certains mendiants»... Mais comment peut-on écrire des choses pareilles ?! Y-a-t-il ici une personne qui ne veut pas protéger les faibles, les femmes et les personnes âgées ?! C'est se foutre de la communauté, Mesdames et Messieurs les députés ! Une fois de plus, une telle motion ne mérite qu'un sort: le classement vertical ! A la poubelle !
Mais il y a plus. Comme l'a relevé notre collègue Virginie Keller, quels sont donc les droits du MCG pour déposer tout et n'importe quoi en permanence ? On s'aperçoit que, si le PDC est très prolixe pour déposer des motions - parfois, il est vrai, très intéressantes - il n'en est malheureusement pas de même du MCG, qui dépose tout et n'importe quoi pour faire parler de lui ! Et cela, pendant les heures d'audiences, afin que - vous l'aurez certainement compris - M. Stauffer puisse être cité le lendemain dans le «GHI», dans la «Tribune», etc.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de sanctionner à l'avenir ce type de comportement: par un classement vertical des motions de ce genre ! (Applaudissements.)
M. Frédéric Hohl (R). Au point précédent, nous avons traité de la motion sur la solidarité internationale, et vous avez parlé, Messieurs du MCG, des pauvres de chez nous: parmi les mendiants, il y a également des pauvres de chez nous. Je rappelle qu'une loi traitant de la mendicité a été votée. Je pense que cela ne sert à rien d'y revenir, il faut que le département des institutions fasse appliquer cette réglementation. Pour notre part - le groupe radical - nous n'allons pas entrer en matière sur cette motion.
La présidente. La parole est demandée par Mme Sandra Borgeaud. Vous avez une minute et demie, Madame la députée.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). J'aimerais juste remettre l'église au milieu du village. Monsieur le député Wasmer, je vous rappelle que, s'il y a quatre policiers dans cet hémicycle, c'est seulement vous qui l'avez voulu en acceptant, sans discrimination, les candidatures à la députation de tous les fonctionnaires. Vous ne pouvez donc que vous en prendre à vous-même.
Entre parenthèses, il manque cent dix gendarmes à Genève... Je ne pense donc pas que les quatre ici vont faire grand-chose contre les mendiants. D'autre part, j'aimerais vous rappeler que la loi sur la mendicité à Genève est entrée en vigueur. J'ai beaucoup de compassion pour les gens qui sont dans la peine et n'ont rien, mais, comme je l'ai déjà dit, je ne pense pas qu'il soit digne ou humain de devoir mendier tous les jours pour pouvoir se nourrir correctement... Je vous rappelle qu'à Genève nous avons l'Hospice général et de nombreuses associations. Nous sommes en Suisse, un pays qui accueille tous les étrangers, sans distinction, ni de religion, ni de race, ni de quoi que ce soit, et nous n'avons jamais - jamais ! - laissé un être humain mourir dans la rue. Alors, dire que mendier c'est bien, et que l'on doit laisser faire - alors que des gens sont terrorisés et que vous ne voulez pas entendre cela... C'est votre problème ! Pourtant, quand des personnes âgées ou d'autres vont chercher un billet de 100 F à la banque, elles ont peur des mendiants ! Cela, je suis désolée de vous le dire, Mesdames et Messieurs les députés, mais vous devez l'entendre et l'accepter, c'est votre rôle.
Arrêtez de critiquer systématiquement et de vous en prendre aux personnes et aux partis: pour une fois, lisez les textes ! Je vais vous dire très franchement que, dans ce parlement...
La présidente. Il vous faut conclure !
Mme Sandra Borgeaud. Oui, Madame la présidente ! - ... je me prononce uniquement sur le texte et n'ai strictement rien à faire de qui ou quel parti l'a écrit; j'en fais abstraction, ce sont les lois qui m'intéressent, pas les personnes. Je vous demanderai de faire de même à l'avenir; ainsi, nous avancerons certainement plus vite dans ce parlement ! Parce que ces bisbilles, il y en a plus qu'assez, elles sont une honte pour notre république. Merci !
M. Pascal Pétroz (PDC). Une fois n'est pas coutume, j'ai plutôt envie de vous faire part de mon embarras à propos de cette motion. Je dois le dire, Monsieur Wasmer, vous êtes issu d'un parti qui n'est pas toujours ami avec le mien, même si nous le sommes, vous et moi. J'ai été extrêmement sensible à votre discours, mais, en même temps... Bien sûr qu'il s'agit d'une motion populiste, bien sûr qu'il s'agit de la même démarche que toutes celles initiées par le MCG, tentant de faire croire aux citoyens que le MCG est seul à se préoccuper de leur sort et que les autres partis seraient inféodés à d'autres considérations que celles de l'intérêt général... Alors que nous toutes et tous savons évidemment que, si nous siégeons ici, c'est parce que nous nous soucions du bien commun et du bien-être de nos concitoyens. De ce point de vue là, nous partageons en totalité votre raisonnement.
Mais je suis emprunté ! Parce qu'en même temps force est de constater que, depuis que nous avons voté la loi en question, on ne peut pas dire que la mendicité ait été totalement éradiquée. Je reçois très régulièrement des appels téléphoniques pour m'alerter et me dire: «Mais qu'est-ce que vous faites, au Grand Conseil ?» Alors, j'explique qu'au Grand Conseil nous votons des lois et que ce n'est pas nous qui sommes responsables de la police et qui allons régler le problème de la mendicité. Il n'empêche que, comme d'autres, je reçois des appels de gens qui sont alertés, qui sont importunés par plusieurs types de comportement.
Venir dire aujourd'hui qu'il faut balayer cette motion d'un revers de main, parce qu'elle est populiste, a un certain sens. Mais, en même temps, cela pourrait apporter du crédit à ceux qui pensent qu'il n'y a pas de problème. (Brouhaha.) Plutôt que de vous livrer une position, je préfère - et il me semble que c'est être honnête dans le raisonnement, dans l'approche - m'en remettre à la déclaration du conseiller d'Etat en charge de la police, afin que celui-ci nous explique quelles mesures ont été prises pour appliquer la loi et pourquoi un certain nombre de comportements non conformes à cette dernière n'ont pas été constatés.
Nous réservons donc la position de notre groupe jusqu'à la déclaration du conseiller d'Etat en charge de ce dossier. Celui-ci nous expliquera soit qu'il a fait le nécessaire, soit qu'il n'a pas pu, pour certaines raisons. Nous pourrons être satisfaits, ou pas. Nous nous réjouissons de vous entendre, Monsieur le conseiller d'Etat.
La présidente. Merci, Monsieur le député, vous avez fait trois minutes pile. La parole est à Mme Michèle Künzler.
Mme Michèle Künzler (Ve). Au fond, nous avons voté une loi; j'étais totalement défavorable à cette dernière et je le reste.
J'étais dernièrement avec mon père - une personne âgée - qui devait se rendre à l'hôpital. Mon père voit une mendiante célèbre devant la gare et se précipite pour aller lui donner quelque chose... J'ai dit à mon père: «Tu sais que c'est interdit maintenant.» Il me répond: «Non ! Mais quelle connerie, c'est pas possible !» Je cite mon père, ma foi... (Rires.) Nous avons tous des pères, le mien est comme ça.
En fait, en ce qui me concerne, je ne sais pas où il y a de l'insécurité: je suis une femme, et je ne crois pas qu'un mendiant m'ait jamais fait peur. Il peut inspirer la pitié; pour certain, le dégoût; mais je ne comprends pas cela, parce que tous les hommes et toutes les femmes sont dignes d'intérêt, dignes de respect.
Franchement, la seule chose à dire est que cette motion est inutile et scandaleuse. Parce que, une fois de plus, vous prétendez que l'insécurité est dans les rues, or c'est vous qui la suscitez ! Et l'insécurité, ce n'est pas des gens qui mendient ! C'est autre chose qui fait peur: c'est vous. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ma collègue de gauche, Virginie Keller, a dit qu'il est scandaleux que ce soit un policier qui présente cette motion. (Brouhaha.) Eh bien, laissez-moi vous dire quelque chose: ici, nous sommes tous des députés; il n'y a pas d'avocats à la commission judiciaire, il n'y a pas d'enseignants à la commission de l'enseignement ! (Brouhaha.) D'accord ?! Et ça, c'est une réalité. Ici, nous sommes tous élus par le peuple. Et vos droits, Madame la socialiste, ne sont pas plus étendus que les nôtres ! Voilà le premier point.
Deuxième point: je suis très surpris du discours de l'UDC, qui vient prôner l'autorisation de la mendicité à Genève... Eh bien, vos électeurs sauront s'en souvenir ! Et, pour une fois que le PDC a une attitude responsable, elle est à souligner ! (Brouhaha.)
Je veux dire que les gens en ont assez de ces hordes de mendiants qui les alpaguent. (Protestations.) J'ai vu une personne âgée se faire bousculer, parce qu'ils étaient trois autour d'elle pour lui demander une pièce ou quelque chose... Ce n'est pas tolérable ! (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs de la gauche, vous encouragez des réseaux mafieux qui exploitent les personnes âgées et les enfants qui viennent mendier... (Exclamations.) C'est votre attitude... (Commentaires.) Taisez-vous, Monsieur Deneys, et demandez la parole comme tout le monde ! J'en ai terminé.
La présidente. Monsieur Stauffer, je vous prie de faire preuve de respect dans ce parlement. (Exclamations. Commentaires.)
M. Eric Stauffer. Du respect ?!
La présidente. Absolument ! Merci de faire preuve de respect, en tenant des propos dignes d'un parlement. Je donne la parole à M. Olivier Jornot.
M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, que d'agitation, que de gesticulations, que d'inepties sur un sujet dont nous avons eu l'occasion de débattre dans ce parlement et que nous avons, en ce qui nous concerne, sur le plan législatif, tranché ! Nous l'avons tranché, de surcroît, après que cette «motionnette» eut été déposée, ce qui aurait dû conduire tout parlementaire conscient de ses devoirs à la retirer sur le champ. Mais évidemment, l'opportunité de pouvoir faire un «tour de piste supplémentaire» - comme on le dit des artistes de cirque - sur le sujet inépuisable de la mendicité a conduit ses auteurs à la conserver.
Je n'ai pas besoin d'insister sur le fait que le problème sous-jacent, contrairement à ce que nous avons entendu des bancs du parti socialiste, existe. Et il existe indépendamment de la déclaration universelle des droits de l'Homme ! Il existe suffisamment pour avoir, en effet, inquiété beaucoup de citoyens et pour continuer à le faire, et non seulement dans ce canton, non seulement dans ce pays, mais aussi dans l'Europe entière ! Parce qu'il y a un véritable problème qui doit être réglé à la fois par des mesures telles que nous les avons prises et, aussi, par celles que vous, sur les bancs de la gauche, prônez régulièrement notamment en matière d'aide aux populations locales.
Le parlement a tranché sur la base d'un projet de loi, auquel les libéraux, comme vous le savez, n'étaient pas étrangers. Ce projet de loi a été adopté; il a fait l'objet d'un recours de la part des associations de défense des Roms; et le Tribunal fédéral a rejeté ce recours en disant que la mesure d'interdiction respectait les droits fondamentaux. Le Tribunal fédéral n'a pas seulement dit cela: il a aussi dit que notre société avait le droit, si ce n'est même le devoir, de prendre des mesures contre certains aspects de mendicité, organisée et agressive. Et le Tribunal fédéral n'est pas seul à dire cela. M. Christian Levrat, président du parti socialiste suisse, dit exactement la même chose dans ce célèbre papier de position qui n'a pas fini de diviser le parti socialiste suisse. (Commentaires.)
Néanmoins, aujourd'hui, nous avons évidemment une difficulté: de nombreux citoyens, ayant lu que le parlement avait voté une loi, constatent que dans la rue, ma foi, les choses n'ont pas toujours changé de manière absolument draconienne. Et ces citoyens ont effectivement le droit de se demander s'il y une différence entre l'interdiction de fumer, qui a immédiatement donné lieu à une modification fondamentale des comportements, et l'interdiction de la mendicité, qui, elle, donne lieu à un passage en douceur, où l'on ne semble guère se préoccuper de l'application de la loi. Alors, sur ce point-là, oui, je vous demande à vous, Monsieur le président du Conseil d'Etat et chef du département en question, de faire en sorte que la loi soit appliquée. Car il ne faudrait pas qu'il y ait trop de citoyens qui se disent que les propos que nous avons entendus tout à l'heure, respectivement ceux qui figurent ici, sont fondés; il n'y a pas de raison que ces propos le soient. Et, pour cela, il faut que la loi soit appliquée. Quoi qu'il en soit, cette motion dans son libellé est inacceptable - elle laisse entendre qu'un certain nombre de conseillers d'Etat soutiennent la mendicité, on se demande bien ce que cela veut dire - et les propos que nous avons entendus tout à l'heure l'étaient tout autant. C'est la raison pour laquelle, tout en demandant au Conseil d'Etat de prendre le problème au sérieux, le groupe libéral vous prie de conduire cette motion vers son destin le plus sûr, c'est-à-dire son rejet.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur Rappaz, vous vous êtes inscrit, désinscrit, puis réinscrit... Je vous donne la parole. Il vous reste une minute.
M. Henry Rappaz (MCG). Merci, Madame la présidente. Je ne pourrai donc pas vous donner tout mon texte, j'irai à l'essentiel. Je commencerai par répéter que les mendiants n'ont pas tous les droits. Aussi, je leur refuse le vol de quelques sous. J'espère ainsi que la misère et la faim, souvent feintes, les inspireront à se tourner vers un nouvel objectif. Le jour où ils s'apercevront que j'ai des pare-brise à laver, une terrasse à désherber, une maison à repeindre, une clôture à réparer, je leur donnerai considérablement plus que ce qu'ils demandent dans la rue. Je leur donnerai un salaire décent, la vie, la dignité, un métier et mon estime.
Nous savons trop bien que ces gens sont victimes de chantage. C'est que le crime s'achète ! On appelle cela la mafia. On est loin de la dignité. Les mendiants ne sont pas des voleurs, certes, ils ont besoin d'être compris, il faut les aider, mais pas en les laissant coucher leur progéniture dans nos rues. On m'a appris dès mon plus jeune âge que je devais gagner ma vie par mon travail; que je devais mériter l'argent que l'on me donne; et que c'était cela, la dignité. J'en suis d'autant plus heureux puisque j'achète à la valeur de mon travail, et ce travail a une grande valeur. Pour ces raisons, je propose, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir notre motion.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, sans refaire toute l'histoire, je rappelle qu'en octobre de l'an dernier, en accord avec la Ville de Genève, nous avions, M. Pierre Maudet et moi, annoncé un plan contre la mendicité. Quelques semaines plus tard, votre Grand Conseil a voté la loi qui fait de la mendicité une infraction. Et au milieu de ce débat, le 13 novembre 2007, il y a eu la motion dont nous parlons aujourd'hui. Que s'est-il passé depuis lors ? Il s'est passé dans l'hiver 2007-2008 qu'il n'y avait pas de mendiants ! Certains ont pensé que c'était le fait du plan de Pierre Maudet et moi; d'autres celui de l'interdiction. Le printemps est venu: il n'y avait toujours pas de mendiants ! Puis, il est vrai que, pendant l'été, il en est arrivé à nouveau, preuve que ni le plan ni la loi n'ont été efficaces.
Mais, dès lors que vous avez voté une loi, il m'appartient de l'appliquer. Raison pour laquelle j'ai demandé la semaine dernière au commandant de la gendarmerie de durcir le ton sur ces infractions-là. Parce que vous avez voté cette loi. Vous savez que je le fais contre mes convictions, mais je le fais parce que c'est le serment que j'ai prêté devant vous. Cela aura l'effet que cela aura, mais soyez assurés une fois encore que, en tant que magistrat, je n'ai qu'à respecter vos décisions et que je le fais.
En revanche, Monsieur Pascal Pétroz, je ne chercherai pas à vous convaincre. Toutes les grandes religions du monde, le christianisme, le bouddhisme, le judaïsme et les autres ont toujours considéré que l'aumône faisait partie de l'une des élévations possibles de l'âme des croyants. Vous me demandez de justifier auprès de vous, député PDC, mon action contre les mendiants: j'estime cela indigne et je renonce à le faire. (Vifs applaudissements.)
Mise aux voix, la proposition de motion 1794 et rejetée par 60 non contre 8 oui et 1 abstention.