Séance du
vendredi 19 septembre 2008 à
17h
56e
législature -
3e
année -
11e
session -
65e
séance
La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de Mme Loly Bolay, présidente.
Assistent à la séance: MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer, Pierre-François Unger et François Longchamp, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. David Hiler, Charles Beer et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Guillaume Barazzone, Ariane Blum Brunier, Marcel Borloz, Christian Brunier, Maurice Clairet, Morgane Gauthier, Philippe Guénat, Yves Nidegger et Brigitte Schneider-Bidaux, députés.
Annonces et dépôts
La présidente. Le Conseil d'Etat nous informe qu'il retire les deux projets de lois suivants:
Rapport de la commission de contrôle de la fondation de valorisation des actifs de la BCGe chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat autorisant la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève à aliéner la parcelle 1669, plan 18 de la commune du Grand-Saconnex, comportant trois immeubles locatifs HCM sis rue Jo-Siffert 10 à 14 (PL-10206-A)
Rapport de la commission de contrôle de la fondation de valorisation des actifs de la BCGe chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat autorisant la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève à aliéner la parcelle 1670, plan 18 de la commune du Grand-Saconnex, comportant deux immeubles locatifs HCM sis rue Jo-Siffert 16 à 18 (PL-10207-A)
Ces rapports figureront au Mémorial.
Par ailleurs, la pétition suivante, parvenue à la présidence, est renvoyée à la commission des pétitions:
Pétition pour la protection du petit parc rue Sautter / CMU (P-1673)
Interpellations urgentes écrites
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez trouvé sur vos places les interpellations urgentes écrites suivantes:
Interpellation urgente écrite de M. Thierry Cerutti : Les autorités communales sont toujours en attente de réponses de la part du Conseil d'Etat (IUE 613)
Interpellation urgente écrite de Mme Sandra Borgeaud : Abri pour animaux (IUE 614)
Interpellation urgente écrite de Mme Sandra Borgeaud : Incohérence à Genève en matière de droit agricole (IUE 615)
Interpellation urgente écrite de M. Eric Bertinat : Places d'apprentissage réelles (IUE 616)
Interpellation urgente écrite de Mme Anne-Marie von Arx-Vernon : Mesures de sécurité concrètes aux Pâquis (IUE 617)
Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : Ecole ; prix du « Bonnet d'Âne » qui est le prétendant ? (IUE 618)
Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : SIG la banque royale à la charge des citoyens ! (question 1) (IUE 619)
Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : SIG la banque royale à la charge des citoyens ! (question 2) (IUE 620)
Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : SIG la banque royale à la charge des citoyens ! (question 3) (IUE 621)
Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : SIG la banque royale à la charge des citoyens ! (question 4) (IUE 622)
Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : SIG la banque royale à la charge des citoyens ! (question 5) (IUE 623)
Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : Le bilan des SIG est-il un faux, les Genevois ont-ils été trompés ? (IUE 624)
Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : Electricité qui paye quoi et à qui ? (IUE 625)
Interpellation urgente écrite de Mme Lydia Schneider Hausser : Les immeubles des Pâquis tombent, que fait l'Etat ? premier cas (IUE 626)
Interpellation urgente écrite de Mme Lydia Schneider Hausser : Les immeubles des Pâquis tombent, que fait l'Etat ? deuxième cas (IUE 627)
Interpellation urgente écrite de Mme Lydia Schneider Hausser : Les immeubles des Pâquis tombent, que fait l'Etat ? troisième cas (IUE 628)
Interpellation urgente écrite de Mme Lydia Schneider Hausser : Fonds d'équipement communal (FEC) refusé pour la FASe (IUE 629)
Interpellation urgente écrite de M. Alberto Velasco : Fichage de parlementaires cantonaux (question 1) (IUE 630)
Interpellation urgente écrite de M. Alberto Velasco : Fichage de parlementaires cantonaux (question 2) (IUE 631)
Interpellation urgente écrite de M. Alberto Velasco : Fichage de parlementaires cantonaux (question 3) (IUE 632)
Interpellation urgente écrite de M. Alberto Velasco : Fichage de parlementaires cantonaux (question 4) (IUE 633)
Interpellation urgente écrite de M. Alberto Velasco : Fichage de parlementaires cantonaux (question 5) (IUE 634)
Interpellation urgente écrite de M. Alberto Velasco : Spéculation au 5 boulevard Jaques-Dalcroze (IUE 635)
Interpellation urgente écrite de M. Alberto Velasco : Fondation privée pour la construction d'habitations à loyers modiques HLM (question 1) (IUE 636)
Interpellation urgente écrite de M. Alberto Velasco : Fondation privée pour la construction d'habitations à loyers modiques HLM (question 2) (IUE 637)
Interpellation urgente écrite de M. Alberto Velasco : Fondation privée pour la construction d'habitations à loyers modiques HLM (question 3) (IUE 638)
Interpellation urgente écrite de M. Alberto Velasco : Fondation privée pour la construction d'habitations à loyers modiques HLM (question 4) (IUE 639)
Interpellation urgente écrite de M. Alberto Velasco : Fondation privée pour la construction d'habitations à loyers modiques HLM (question 5) (IUE 640)
Interpellation urgente écrite de M. Alberto Velasco : Fondation privée pour la construction d'habitations à loyers modiques HLM (question 6) (IUE 641)
Interpellation urgente écrite de Mme Sandra Borgeaud : Sur les cartes de légitimation inexistantes à Champ-Dollon (IUE 642)
Interpellation urgente écrite de Mme Sandra Borgeaud : concernant les repas de fin d'année pour le personnel de Champ-Dollon (IUE 643)
Interpellation urgente écrite de Mme Mathilde Captyn : Qu'attend le DCTI pour se prononcer sur l'aménagement de Montbrillant ? (IUE 644)
IUE 613 IUE 614 IUE 615 IUE 616 IUE 617 IUE 618 IUE 619 IUE 620 IUE 621 IUE 622 IUE 623 IUE 624 IUE 625 IUE 626 IUE 627 IUE 628 IUE 629 IUE 630 IUE 631 IUE 632 IUE 633 IUE 634 IUE 635 IUE 636 IUE 637 IUE 638 IUE 639 IUE 640 IUE 641 IUE 642 IUE 643 IUE 644
La présidente. Conformément à l'article 162D de notre règlement, le Conseil d'Etat, respectivement le conseiller d'Etat interpellé, répondra par écrit lors de la session suivante, à savoir celle d'octobre.
Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour.
Premier débat
La présidente. Je donne tout de suite ou, plutôt, je cède le micro à M. le rapporteur de majorité, Pedro Weiss... Pierre Weiss.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Gracias ! Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui sont soumis à votre attention deux projets de lois, qui visent tous deux à améliorer la situation des familles en augmentant le montant des allocations qui leur sont versées. L'un le fait sur la base d'un projet déposé par le Conseil d'Etat; l'autre propose d'augmenter le montant des allocations d'une manière qui n'est pas supportable, pour un certain nombre de raisons que je développerai.
Une large majorité de la commission des affaires sociales vous propose aujourd'hui d'adopter le projet de loi 10237, qui n'a fait l'objet que de deux abstentions socialistes, prises au terme d'un long débat. Je tiens d'ailleurs à remercier Mme Emery-Torracinta de la façon responsable avec laquelle elle s'est déterminée. D'autres auront l'occasion d'exprimer leur point de vue. Par ailleurs, une majorité de droite de la commission vous propose de refuser l'entrée en matière sur le projet de loi 10243.
Le projet de loi 10237 - celui du Conseil d'Etat - représente un important progrès social pour deux raisons. D'abord, il augmente les allocations familiales pour les enfants âgés de 16 ans et plus. Ensuite, il est ciblé en ce qu'il offre aux familles, dès le troisième enfant, une importante augmentation - en l'occurrence, le double - de l'allocation d'accueil et, aussi, une importante augmentation des allocations, soit 100 F par mois. Le coût de ces mesures est d'ailleurs important. En effet, actuellement, 270 millions sont reversés chaque année aux familles au titre des allocations familiales. Le projet de loi du Conseil d'Etat aurait porté ce montant à 340 millions. Avec la mesure adoptée en commission, ce sont 354 millions qui seront redistribués dès le 1er janvier aux familles genevoises, pour autant que rien ne vienne remettre en cause l'équilibre patiemment obtenu au fil des débats de la commission.
D'autre part, ce projet de loi permet non seulement - évidemment, puisque c'était obligatoire de par l'adoption d'une loi fédérale - l'harmonisation de la législation cantonale, mais il maintient les spécificités cantonales, en particulier le versement d'allocations aux enfants d'indépendants - indépendants, qui, par ailleurs, cotisent.
En revanche, le projet de loi 10243 - dont le coût n'a pas été calculé par ses auteurs, mais dont une estimation a été effectuée par des spécialistes en la matière - aurait une incidence très forte en ce qu'il ferait passer le montant ponctionné aux entreprises à 515 millions par an. Au fond, il ferait passer de 1,7% à 2,4% la cotisation sur les salaires. Par ailleurs, il serait à craindre que cette augmentation n'ait une influence négative sur le taux de chômage. Et, enfin - cela me paraît être l'élément essentiel - il ignore - aussi bien dans son exposé des motifs que dans le rapport de minorité de Mme Emery-Torracinta - l'évolution du panorama des assurances sociales suisses, en particulier l'importante évolution de l'assurance-chômage qui se profile pour les années qui viennent, d'une part, et, d'autre part, l'évolution de la conjoncture. Il est du reste piquant de noter que la bonne conjoncture est assurée aux yeux de la rapporteuse de minorité... Ceux qui connaissent le sujet ou qui ont ouvert le journal cette dernière semaine peuvent se rendre compte que la chose est pour le moins compromise ! (Exclamations.)
Au fond, si je devais faire état des impressions laissées par les séances, je dirai que les débats ont été longs et subtils; qu'ils ont été exigeants - probablement trop pour certains - que les positions ont été fermes; qu'un compromis ingénieux a été trouvé. Il fallait en effet éviter tout risque de référendum: une telle éventualité - je vous le dis sans ambages, Mesdames et Messieurs les députés - signifierait tout simplement une non-entrée en oeuvre de la loi au 1er janvier 2009 ! Bien entendu, des allocations continueraient d'être versées, mais selon la stricte législation fédérale, et les indépendants ne les percevraient plus jusqu'à ce que le référendum soit voté.
Deux positions opposées se sont affrontées en commission: d'un côté, celle de Mme Emery-Torracinta et du groupe socialiste, et, de l'autre, celle du groupe libéral. Le groupe socialiste souhaitait aller beaucoup plus loin que le Conseil d'Etat; le groupe libéral, lui, voulait s'en tenir à la législation fédérale. Finalement, après de longs débats - qui, entre nous, ont été parfaitement courtois - une solution itérative a été trouvée. Par exemple, une proposition radicale ciblée, consistant à augmenter les allocations dès le troisième enfant, a été prise en compte. Il en a été de même pour une proposition démocrate-chrétienne - que je tiens à saluer - d'augmenter l'allocation d'accueil. Et puis, enfin, une synthèse de ces deux propositions a été effectuée par le groupe libéral.
Finalement, Madame la présidente du Grand Conseil, nous avons un minimum d'amendements par rapport au projet de loi initial, avec un maximum d'ajouts supportables. Les députés qui ont voté ce projet de loi en commission ont ainsi montré leur sens des responsabilités et leur intérêt pour les familles. Cela a permis aux caisses d'anticiper la nécessité de se préparer au changement en ce qui concerne le fonctionnement de leur système d'allocations familiales. Et puis, ces mesures ont un coût: 84 millions de plus vont être distribués aux familles. Si je devais le formuler en une seule phrase - que vous trouvez résumée dans le projet de loi - je dirai ceci: le contexte était contraignant; deux points de vue divergeaient; un projet de loi était indispensable, non seulement aux yeux du Conseil d'Etat, mais parce que le peuple l'a voulu; un autre ne l'était pas; le résultat est globalement acceptable et, enfin, le coût est alourdi et considérable pour l'intérêt des familles.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Je cède maintenant la parole à M. le rapporteur de minorité, Eric Stauffer, pour le projet de loi 10237 uniquement.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente. Avant d'aborder le fond de ce projet de loi, j'aimerais souligner la performance de notre collègue Pierre Weiss qui, en un coup de cuillère à pot, a réussi à réécrire ce qui s'est passé en commission, mais en travestissant honteusement la vérité... Cela sera démontré un peu plus tard dans ce débat.
Le MCG s'est opposé au projet de loi 10237 modifiant la loi sur les allocations familiales, dont l'entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2009. Il considère que le montant alloué dans le cadre des allocations familiales n'est pas suffisant si l'on vise une politique de natalité digne de ce nom. Partageant l'avis des socialistes, il pense qu'une réelle aide aux familles ne peut se réduire à une prime de natalité de 1000 F. Pourtant, un consensus s'était dégagé en commission pour porter ce montant à 1500 F. Eh oui, Mesdames et Messieurs, c'était bien ce dernier montant qui devait être soumis aujourd'hui en séance plénière ! Mais les libéraux ont fait volte-face au dernier moment et proposé de ramener la somme à 1000 F. C'est l'une des raisons pour lesquelles le MCG a décidé de rédiger ce rapport de minorité.
Le MCG propose donc deux amendements - sur lesquels je reviendrai plus tard - pour rétablir la prime de natalité de 1500 F dès le premier enfant et pour augmenter les allocations mensuelles. Il va de soi que si ces amendements - ou l'un des deux - trouvaient un écho favorable, le MCG ne s'opposerait pas au projet de loi du Conseil d'Etat, qui, de toute façon, améliore la situation. Comme je l'ai déjà dit, j'interviendrai plus tard à ce sujet.
Aujourd'hui, avoir un enfant est très onéreux. C'est principalement l'aspect financier qui retient certains couples d'avoir un ou plusieurs enfants. Alors qu'il y a encore vingt ans le salaire seul du mari suffisait à subvenir aux besoins de la famille, aujourd'hui les deux membres du couple se voient dans l'obligation de travailler étant donné la cherté de la vie... Dans de très nombreux cas, deux salaires ne suffisent même plus ! Cela en raison - essentiellement - des loyers abusifs, des primes d'assurance-maladie scandaleuses et de l'augmentation du coût de la vie. Chacun de nous peut s'en rendre compte lorsqu'il fait ses courses: tout coûte beaucoup plus cher qu'il y a dix ans, mais les salaires, eux, n'ont pas bougé.
La constitution genevoise stipule en son article 2B - encore; décidément, on parle beaucoup de constitution ces jours ! - que «la famille est la cellule fondamentale de la société. Son rôle dans la communauté doit être renforcé.» Le MCG précise que la décision finale de la commission des affaires sociales aura un impact sur l'avenir. Par conséquent, il propose de donner un coup de pouce aux familles en maintenant la prime de natalité à 1500 F, comme elle avait été votée en séance, le 17 juin 2008. Il propose également une augmentation - vous le verrez plus tard dans les amendements - des allocations familiales mensuelles. Il s'agit d'une hausse très modeste en regard du coût réel de la vie, mais cette mesure n'a été suivie que par les Verts et les socialistes.
En parallèle, le MCG est favorable à une défiscalisation des allocations familiales, car il part du principe qu'il est inadmissible de donner d'une main pour, ensuite, reprendre de l'autre.
Par ailleurs, je déplore profondément la tournure du débat, lors de la dernière séance de commission du 24 juin: nous nous serions cru dans une véritable «République des eunuques», pour reprendre le titre du livre de Renaud Gautier...
M. Renaud Gautier. Le bal ! (Rires.)
M. Eric Stauffer. «Le bal des eunuques»... Merci, cher collègue ! Les idées du MCG peuvent déplaire, mais il a le droit - et même le devoir, face à nos électeurs - de les exprimer et de les défendre ! Par des procédés indignes d'une démocratie, on a voulu nous empêcher de les exprimer. Si nous, députés du MCG, respectons parfaitement l'opinion de nos adversaires, l'inverse n'est hélas pas le cas ! (Commentaires.) Et ces procédés frisent l'infamie quand nos détracteurs veulent nous empêcher de défendre la famille et les allocations familiales: ils passent toute la sainte journée à se poser en défenseurs de la famille, alors qu'ils ne lui octroient pas les moyens économiques d'exister !
Ce 24 juin, plusieurs commissaires n'ont pas été dignes de la charge qu'ils occupent: ils ont utilisé de multiples procédés pour nous empêcher de nous exprimer, au nom d'un prétendu consensus qui voudrait censurer certaines opinions, surtout par rapport aux familles genevoises que défend le Mouvement Citoyens Genevois. Ce consensus dévoyé, c'est de la dictature, c'est la censure des minorités, et c'est une grave menace pour notre démocratie, ne vous en déplaise, Monsieur le rapporteur de majorité !
Que s'est-il passé ? L'un des commissaires libéraux, dénigrant de manière indigne son adversaire, a dépassé l'infamie ! Selon ce commissaire, que je défende les familles genevoises et les intérêts des enfants fait penser aux années noires de l'Europe, c'est-à-dire au fascisme... Eh bien, nous, nous ne respectons pas le consensus ! MM. les libéraux ont des trous de mémoire en matière d'histoire: le fasciste était consensuel et aurait envoyé en prison les trublions du MCG ! Alors que les libéraux italiens ont été déterminants dans l'arrivée au pouvoir, dans les années 20, de Mussolini, ancien socialiste...
Il serait temps d'ouvrir les yeux et de devenir des vrais démocrates, pas seulement en paroles, mais aussi dans les faits ! Il est certain que de payer 500 F de plus pour la naissance d'un enfant, prime de natalité, fait mal à certains libéraux ! Qui oublient que, sans naissances, personne ne paiera leur retraite ! Que diable, un peu d'esprit démocratique dans cette assemblée ne nous ferait pas de mal !
Rien n'a été épargné au commissaire MCG: menaces de poursuites judiciaires dans le cas où il divulguerait les prises de position des partis figurant dans les procès-verbaux; interdiction d'avoir accès aux procès-verbaux antérieurs; menaces - des libéraux - d'un référendum pour appliquer le minimum fédéral le temps des votations... Vive la radinerie antifamilles !
Le MCG juge essentiel de défendre les familles sur le plan financier, pour leur épargner de devoir recourir à l'aide sociale. Et les sommes que nous proposons sont encore loin d'être suffisantes en regard des coûts réels d'un enfant à Genève ! Mais nous divergeons de la gauche sur un autre point: il faut, en parallèle, aider réellement les entreprises et préserver la vitalité...
La présidente. Monsieur le député, s'il vous plaît, vous devez conclure !
M. Eric Stauffer. J'ai terminé, Madame la présidente ! Il faut réserver la vitalité économique en réduisant les taxes et impôts: mais pas sur le dos des familles ! Il faut s'attaquer à la bureaucratie et à tout ce qui étouffe les entreprises genevoises. Par exemple, le prix de l'électricité est un handicap sérieux. C'est là où, notamment, se trouvent les réelles entraves...
La présidente. Monsieur le député...
M. Eric Stauffer. Il me reste un petit paragraphe: j'en ai pour dix secondes !
La présidente. Monsieur le député...
M. Eric Stauffer. Vous ne voulez pas, ce n'est pas grave ! Allez !
La présidente. Monsieur le député, je vous le rappelle, le règlement est formel: le temps de parole imparti dans un débat libre est, par député, de sept minutes et de trois interventions au maximum. Les rapporteurs peuvent prendre la parole plus de trois fois, mais ils doivent respecter le temps imparti de sept minutes par intervention. Or, vous venez de dépasser ce temps de parole de quelques secondes. Par souci d'égalité de traitement, je vous demande de vous rasseoir. Je vous remercie ! Madame la rapporteure Emery-Torracinta, je vous donne la parole, mais, auparavant, je voudrais saluer à la tribune notre ancien collègue Albert Rodrik. (Applaudissements.)
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de première minorité. Merci, Madame la présidente. J'imagine que c'est le sujet des allocations familiales qui veut ça, mais je trouve assez amusant que tout le monde s'arroge la paternité - ou la maternité - des meilleurs amendements et des progrès réalisés en faveur des familles. Vous saurez, à la fin de mon exposé, qui a vraiment été à l'origine des propositions dans ce sens.
La réflexion socialiste a été initiée par deux constats. Le premier, c'est qu'en Suisse - comme, d'ailleurs, dans de nombreux pays - avoir un enfant représente un réel risque de pauvreté: l'enfant coûte cher - extrêmement cher - et plus le nombre d'enfants augmente dans une famille plus le risque de pauvreté est grand.
A diverses reprises, l'Office fédéral de la statistique a fait des études qui montrent que les enfants et les adolescents étaient surreprésentés dans l'aide sociale. Or, on sait qu'une politique sociale volontariste permet de corriger certaines choses: par exemple, suite à l'introduction de l'AVS, du deuxième pilier, des prestations complémentaires, de moins en moins de personnes âgées sont en situation difficile dans notre pays. Aujourd'hui, la pauvreté s'est déplacée vers les familles et c'est donc sur cette catégorie de la population qu'il faut agir de manière volontariste.
Un deuxième point a été à l'origine de la réflexion socialiste, ce sont les comparaisons intercantonales. En matière d'allocations familiales, Genève n'est pas - et ne le sera pas, d'ailleurs, avec le projet de loi tel qu'il est issu des travaux de la commission - à la pointe. Je dirai même que, sur le plan romand, Genève se situe plutôt dans le deuxième groupe et ne fait pas partie du clan de tête.
D'autre part, les contributions des employeurs sont actuellement de 1,4%, l'un des taux les plus bas de Suisse, et, surtout, le plus bas des cantons romands. Il faut savoir qu'aujourd'hui, avant même l'adaptation de la loi fédérale, les taux des autres cantons romands s'échelonnent entre 2 et 3%, voire plus de 3%.
De plus, Mesdames et Messieurs les députés, ce taux a baissé ces dernières années. En 2004, il était de 1,7%; en 2005, de 1,5% et, depuis 2006, de 1,4%. Etant donné que la masse salariale a très fortement augmenté ces dernières années, il nous semble important que l'un des cantons les plus riches de Suisse soit un peu plus généreux en matière d'allocations familiales. Et quand je dis «un des cantons les plus riches de Suisse», ce n'est pas moi qui l'affirme, c'est la Confédération ! Vous savez très bien quelles sont nos discussions lorsque nous parlons de la RPT: Genève fait partie des cantons riches, qui doivent redistribuer aux autres une partie de leur richesse.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les socialistes... Mesdames et Messieurs les députés - malheureusement, pas encore tous socialistes - nous avons présenté un projet de loi parallèlement à celui du Conseil d'Etat proposant de porter l'allocation naissance à 2500 F et de verser 100 F de plus par mois pour chaque enfant ainsi qu'une allocation plus importante dès le troisième enfant.
Ces propositions ne tombent pas du ciel. M. le rapporteur de majorité nous reproche de ne pas les avoir chiffrées... Eh bien, dans le projet de loi, j'avais donné un chiffre concernant le canton de Vaud dont le taux était de 2,15% et j'avais indiqué que, si le même taux avait été appliqué à Genève en 2007, il aurait été possible de verser une centaine de francs de plus par enfant. Si l'on ajoute les quelques points nécessaires pour s'adapter à la loi fédérale, on arrive à 2,3 ou 2,4%, taux évoqué par le rapporteur de majorité. D'ailleurs, permettez-moi de vous dire qu'il est assez piquant d'entendre cela de la bouche de M. Weiss, sachant qu'il est le premier signataire d'un projet de loi sur l'imposition des personnes physiques, qui n'est pas chiffré - et il le dit très clairement - et dont le Conseil d'Etat estimait les recettes à engranger à moins d'un milliard.
M. Pierre Weiss. On verra ! On verra...
Mme Anne Emery-Torracinta. En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, que penser des travaux de commission et que penser de ce qu'il en est ressorti ? Nous estimons, au niveau du groupe socialiste, que nos propositions ont permis d'obtenir un plus. Le plus, c'est le troisième enfant.
Mais, à part cela, il n'y a pas de réels progrès. Pour quelle raison ? Parce que, depuis plusieurs années, les allocations familiales n'ont pas été indexées. En réalité, pour tous les parents qui ont un enfant de moins de 16 ans, les 200 F par mois qui sont proposés par le projet de loi du Conseil d'Etat et qui sont ressortis des travaux de commission, sont un moins par rapport à ce que proposait le projet de loi initial de 1996. J'aimerais rappeler à cet égard que ce projet de loi - que nous allons modifier si nous votons aujourd'hui un nouveau projet - demandait une indexation régulière de ces montants.
Par conséquent, cela représente une baisse réelle pour certaines catégories de personnes. Les seules à être bénéficiaires sont les familles avec trois enfants, mais moins de dix mille personnes sont concernées, alors que cent vingt-cinq mille jeunes ont moins de 25 ans. Sont favorisés également - il faut le reconnaître - les jeunes de plus de 18 ans, qui n'avaient pas droit auparavant, pour conditions de ressources, aux allocations familiales. Mais il ne s'agissait peut-être pas des plus démunis et ceux qui en avaient le plus besoin.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes persuadés, sachant que de nombreux partis de ce parlement mettent en avant la famille dans leur propagande électorale, qu'ils déclarent qu'il faut alléger les charges de la classe moyenne et des familles - dont les parents travaillent - qui sont en situation difficile, que, d'ici la fin de ce débat, un progrès aura été fait et un consensus trouvé !
M. Didier Bonny (PDC). Le projet de loi 10237 est, comme relevé dans le rapport de majorité, le résultat d'une négociation. Et qui dit négociation dit forcément des pas, des uns et des autres, en direction de l'objectif à atteindre.
En l'occurrence, cet objectif, c'est le vote d'une loi qui, en fin de compte, représente tout de même 84 millions de plus qui seront versés au titre des allocations familiales dès le 1er janvier 2009. Et cette avancée importante va pouvoir se faire grâce aux employeurs, il ne faut pas l'oublier.
Il est donc tout à fait normal que le PDC, en tant que parti responsable, ait, au cours des débats, fait évoluer sa position. A l'opposé de ce que pense la rapporteure de minorité, il n'a cédé aux pressions de personne, bien au contraire ! En effet, sans la position ferme du PDC, mais aussi - soyons justes ! - sans le projet de loi socialiste qui a agi comme un aiguillon positif, le projet de loi 10237 aurait été voté tel que présenté par le Conseil d'Etat. Or, au terme des travaux de la commission, c'est une dépense supplémentaire de 14 millions qui sera faite. Cette dépense profitera aux familles de trois enfants et plus et va dans la direction que souhaite le PDC en matière de politique familiale, à savoir une politique ciblée.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le PDC, avec ses partenaires habituels, propose de nombreuses mesures fiscales à l'attention des familles, mesures actuellement à l'étude en commission et qui sont, pour rappel, les suivantes: déductibilité des allocations familiales perçues; augmentation des déductions sociales pour les enfants à charge; déduction sociale forfaitaire de 12 000 F pour les contribuables faisant ménage commun avec un parent ou un proche ou un parent handicapé. A ces propositions, il faut ajouter celles du Conseil d'Etat, à savoir le splitting intégral pour les couples mariés et les déductions pour frais de garde effectifs jusqu'à 7000 F.
Toutes ces mesures, si elles sont adoptées, représenteront une avancée bien plus grande pour les familles qu'une indexation par-ci ou une augmentation par-là, d'autant plus que les sommes que cela représente seront en partie perdues en raison de l'augmentation des impôts qu'elles induisent.
Pour le PDC, la politique est un art subtil, et il faut bien constater que la subtilité n'est pas l'apanage de tous les partis qui siègent au sein de ce parlement. Nous en prenons acte, en faisant confiance dans le discernement des électrices et électeurs, qui sauront trier le bon grain de l'ivraie. Quoi qu'il en soit, le PDC, respectueux des engagements pris en commission, suite - je le rappelle encore une fois - à une négociation, votera le projet de loi 10237 tel qu'il est issu des travaux de la commission des affaires sociales et, bien évidemment, refusera le projet de loi 10243.
Le projet de loi 10237, contrairement à ce que la minorité voudrait faire croire, prend en compte les intérêts des familles et ceux des employeurs. A ce titre, c'est un projet équilibré, et le PDC peut donc tout à fait le soutenir sans qu'on lui fasse la leçon ! (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Nous sommes maintenant en plein coeur du débat... Que les libéraux veuillent appliquer, comme l'a dit M. Weiss, le minimum requis par la Confédération, c'est leur droit ! Pour les libéraux, on le sait bien, il faudrait gagner beaucoup d'argent, ne pas être malade, ne pas avoir d'enfants et, si possible, mourir très jeune !
Pour ce qui est du PDC, la situation est épique... En effet, le parti démocrate-chrétien, qui affiche son bien-fondé et son combat incessant pour défendre les familles, vient de montrer en direct, au cours de cette séance plénière, une des plus belles trahisons à l'encontre de son électorat, les familles, depuis le début de cette législature. Il vous faut savoir, Mesdames et Messieurs les députés, que ce sont les PDC qui ont pesé dans la balance lors de travaux de commission et qui ont appuyé les votes pour qu'on se retrouve avec un rapporteur de majorité - et un rapporteur de minorité que je représente dans le projet de loi 10237. Parce que, malheureusement, les socialistes, espérant une solution négociée, ont été trahis par l'Entente ! En effet, cette dernière a refusé, juste après, l'entrée en matière du projet socialiste ! C'est donc bel et bien en raison de la trahison des PDC que les familles genevoises toucheront une prime natalité de 1000 F seulement au lieu de 1500 F, ce qui avait été voté. Quant aux allocations, eh bien, ce minimum de 200 F, c'est aussi à cause des PDC qu'il ne sera pas augmenté ! (Brouhaha.)
Mesdames et Messieurs du PDC, il faut être plus cohérents: au lieu de vous contenter de faire de l'électoralisme, vous devriez avoir le courage d'aller au bout de vos idées ! Force est de constater que seul le Mouvement Citoyens Genevois a ce courage. En ce qui nous concerne, nous causons peut-être moins que vous de la famille, mais, contrairement à vous, nous, nous agissons !
Il est tout de même un point à relever. Ici, nous divergeons de la gauche sur un point. En effet, nous pensons qu'il faut, en parallèle, aider véritablement les entreprises et préserver le dynamisme économique en réduisant les taxes et impôts. Cependant, pas sur le dos des familles ! Il faut s'attaquer à la bureaucratie, à tous les niveaux, qui étouffe les entreprises genevoises, comme je l'ai déjà évoqué. Une «certaine droite» est à tel point aveuglée par l'argent qu'elle finit par tuer la poule aux oeufs d'or... Ce n'est ni à gauche ni à droite que nous trouverons la solution, mais dans une juste vision des problèmes quotidiens que rencontrent les Genevois !
C'est dans cet esprit que nous vous proposons, Mesdames et Messieurs, une série d'amendements qui, nous l'espérons, seront soutenus par une majorité de ce Grand Conseil: socialistes, Verts et, pourquoi pas, PDC. Faites amende honorable ! Vous vous êtes trompés, vous avez trahi votre électorat... C'est le dernier moment pour prouver que vous êtes là pour soutenir les familles, et pas seulement pour recueillir des bulletins de vote, mais réellement pour les aider au quotidien !
Que proposons-nous exactement ? De porter à 250 F les allocations familiales pour les enfants jusqu'à 16 ans et à 350 F pour les jeunes de 16 à 20 ans. En parallèle, nous demandons de faire passer la prime de natalité de 1000 à 1500 F pour le premier enfant. Il n'est pas pertinent que l'augmentation soit plus forte pour le troisième enfant, car nous savons tous que l'essentiel des dépenses a lieu de toute façon pour le premier enfant - les suivants profitant des achats effectués pour l'aîné, comme la poussette, les pyjamas, l'anorak, etc. Les enfants qui suivent génèrent donc moins de frais que le premier, qui représente de grands sacrifices pour les familles genevoises les plus modestes. (Brouhaha.) Evidemment que certains députés de droite, qui gagnent plus de 200 000 F par année, ne peuvent pas se rendre compte que cela peut poser un problème de devoir acheter une poussette... Malheureusement, la majorité des citoyens n'a pas la chance de gagner autant, et cette prime de natalité de 1500 F peut représenter une aide substantielle.
Des députés ont relevé que ces aides étaient versées à tous... Eh bien oui ! Elles ne doivent pas être discriminatoires ! Il faut penser que si une famille dont les revenus atteignent 300 000 F par an reçoit une aide, elle devra payer davantage d'impôts ! L'Etat, en quelque sorte, se rattrape au niveau de la fiscalité, ce qui n'est pas le cas pour les faibles revenus.
Voilà en termes clairs les propositions du MCG. J'interviendrai plus tard, au cours du débat, pour présenter un autre amendement au sujet de l'augmentation liée à l'indexation du coût de la vie.
Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs du PDC - parce que c'est vous qui serez déterminants et qui ferez pencher la balance entre la droite et la gauche - de respecter votre électorat et d'être en accord avec vos slogans électoraux quand vous dites: «Nous défendons les familles, nous sommes pour les crèches, nous sommes pour l'amélioration des conditions de vie des familles» ! Eh bien, prouvez-le ce soir ! Changez d'avis en plénière et votez les amendements proposés par le Mouvement Citoyens Genevois, avec l'appui des Verts et des socialistes ! Et ce sera une grande victoire pour les familles genevoises ! Je vous le demande en leur nom.
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de première minorité. Je voudrais apporter une ou deux précisions qui me paraissent importantes. D'une part, il n'y a eu aucune trahison ou quoi que ce soit de ce genre en commission. Le parti socialiste est suffisamment grand pour prendre ses décisions tout seul ! Toutefois, nous avons estimé qu'il ne fallait pas faire courir au projet du Conseil d'Etat le risque de ne pas passer, car il représente quand même un plus pour les familles, et nous voulions surtout éviter qu'il n'y ait un vide juridique. C'est pourquoi nous nous sommes abstenus. Voilà ma première remarque.
La deuxième est la suivante. Monsieur Stauffer, il y a une chose que je ne comprends pas: vous dites que l'on ne peut pas reprendre d'une main ce que l'on a donné de l'autre et qu'il faut défiscaliser les allocations familiales... D'ailleurs, c'est aussi ce que demandait M. le rapporteur de majorité. Je vous signale que le groupe socialiste est tout à fait opposé à une telle défiscalisation ! Dans la mesure où, précisément, les allocations familiales sont versées aux familles quels que soient leurs revenus, il est juste qu'elles soient prises en compte et que l'on retienne aux personnes les plus aisées une partie - peut-être même importante - de ces allocations. Voilà ce que je voulais relever avant de laisser parler mes collègues.
M. Christian Bavarel (Ve). Nous sommes engagés dans un drôle de débat... J'ai compris que mon rôle était de vous expliquer pourquoi les Verts aiment encore plus la famille que les autres partis... (Rires et exclamations.) Et que tous les partis aiment énormément la famille ! Nous allons partir du principe que nous sommes tous d'accord sur ce point !
Comme les choses deviennent un peu compliquées, je vais vous indiquer - ce sera une sorte de fil rouge - comment les choses se sont passées en commission. Pour nous, c'était très simple: nous avons accepté le projet de loi le plus ambitieux, c'est-à-dire le projet socialiste, et, également, celui proposé par le gouvernement, projet qui améliore la situation actuelle. Pour que les choses soient claires, nous avons décidé de prendre position sur les différents sujets, sans tenir compte de la position des autres partis politiques. Voilà notre démarche, afin que tous les partis soient d'accord sur ce point. De même que tous s'accordent à reconnaître que les Verts aiment encore plus la famille que les autres... (Rires.)
Cela dit, il faut voir ce qui se passe aujourd'hui à Genève et quel est le message que nous voulons faire passer. Je vais éviter d'épuiser les sept minutes qui me sont imparties, cela me semble inutile, les rapporteurs de majorité et des deux minorités nous ayant déjà expliqué longuement les tenants et les aboutissants des projets de lois. Le message que nous voulons adresser aux familles de ce canton est le suivant: les enfants doivent être les bienvenus; nous sommes favorables à l'aide aux familles; un enfant n'est pas une catastrophe ni une cause d'appauvrissement. Les allocations familiales sont un moyen de politique familiale, mais il y en a d'autres: il faut des aménagements d'horaires, des crèches, la possibilité de travailler à temps partiel - pour les hommes aussi... On l'oublie souvent, mais le jour où il y aura des postes de cadres à 80% pour les hommes, les pères seront plus présents à la maison. Et, lorsque ce sera le cas, les postes de cadres pour les femmes à temps partiel seront nettement mieux rémunérés qu'aujourd'hui ! Nous arriverons à quelque chose de plus harmonieux. C'est la politique que nous soutenons. Il était donc logique d'approuver ces deux projets de lois, ce que nous avons fait. (Quelques applaudissements.)
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Le Mémorial pourra intituler cette séance: «Loi sur les allocations familiales» ou «Familles, je vous aime»... Tout le monde y trouvera son compte, sauf, peut-être, les familles !
En ma qualité de présidente de la commission des affaires sociales, je souhaite quand même relever que les commissaires ont travaillé avec assiduité pendant cinq séances pour étudier d'abord le projet de loi du Conseil d'Etat - qui est effectivement d'une technicité et d'une complexité importantes - et, tout de suite après, le projet de loi des socialistes. Je saisis cette occasion pour remercier le département, notamment les fonctionnaires qui nous ont apporté leur soutien au cours de ces travaux, en particulier M. Maugué, directeur des assurances sociales à la DGAS.
Néanmoins, ce débat ne fut pas un long fleuve tranquille, vous l'aurez compris. Et c'est bien sûr l'article 8 de la loi, qui définit les montants, qui a été au coeur de tous ces débats et qui a fait l'objet de négociations, pour ne pas dire de marchandages, notamment au sein des partis de l'Entente, lesquels, précisément, ont eu de la peine à s'entendre à cette occasion.
Une voix. C'est pas vrai !
Mme Laurence Fehlmann Rielle. Mais si, c'est vrai ! Le résultat, en fait, ne satisfait pas vraiment les socialistes... Vous n'en serez pas surpris ! En effet, même si le projet qui est issu des travaux de la commission est légèrement amélioré en raison des montants concernant le troisième enfant - vous le savez, sous l'aiguillon du projet de loi socialiste, ce qui a été reconnu par M. Bonny, et nous l'en remercions - nous aurions pu obtenir davantage si les PDC nous avaient plus soutenus, mais ça c'est une autre histoire... C'est vrai, le projet du Conseil d'Etat est minimaliste, puisqu'il se contente de maintenir les acquis de la loi genevoise d'avant 1996 - notamment la question des allocations pour indépendants, qui est néanmoins importante, et l'allocation de naissance - auxquels s'est ajouté le minimum fédéral concernant la formation. Ce projet minimaliste ne pouvait pas nous satisfaire, nous, les socialistes. C'est pour cela que nous défendrons notre projet de loi - je ne vous le décrirai pas, puisque la rapporteure de minorité en parle largement dans son rapport - en proposant un certain nombre d'amendements.
Un élément a déjà été relevé, sur lequel je crois qu'il est important d'insister. Le gouvernement n'ayant pas indexé les allocations familiales depuis une dizaine d'années, celles-ci sont donc, en réalité, moins élevées maintenant qu'il y a dix ans. C'est pour cela, vous le comprendrez, que les amendements que nous présenterons tout à l'heure sont tout à fait justifiés, ne serait-ce que pour essayer de combler ce fossé.
Nous pensons, nous l'avons indiqué à plusieurs reprises, que la venue d'un enfant ne doit pas constituer un risque de pauvreté. Et les commissaires des affaires sociales ont finalement implicitement admis ce fait en acceptant cette très modeste contribution supplémentaire pour le troisième enfant. Celle-ci est malheureusement un peu frileuse: elle ne permettra pas d'augmenter la natalité, comme certains le souhaiteraient, mais elle apportera une bouffée d'oxygène à un certain nombre de familles.
Il est facile à tous les partis de rappeler leur attachement à une politique familiale digne de ce nom, mais, une fois encore, nous ne pouvons que constater, lorsqu'il s'agit de prendre des mesures concrètes, que l'Entente et l'UDC en restent aux paroles.
Un mot quand même sur l'attitude du rapporteur de minorité... (Remarque.) Je veux parler de M. Stauffer, bien évidemment, et pas de Mme Emery-Torracinta ! Ce dernier nous a fait une belle démonstration de son opportunisme. Il a débarqué en commission à la cinquième séance, alors que nous étions déjà à bout touchant de nos travaux. Alors, certes, il a soutenu les revendications du parti socialiste, mais il a voulu aller encore plus loin. Et, à mon avis, son attitude n'a pas été correcte. En effet, il accuse les commissaires - il suffit de lire des passages de son rapport de minorité - de tous les maux: d'avoir exercé des pressions insoutenables, d'avoir fait du terrorisme intellectuel, etc. C'est vrai qu'à un moment donné un certain nombre de commissaires ont demandé à M. Stauffer de ne pas s'engager dans un rapport de minorité - pour éviter que le projet du Conseil d'Etat ne passe pas et que la loi ne puisse pas entrer en vigueur au 1er janvier 2009 - cela d'autant moins que nous avions obtenu que le projet de loi socialiste serait examiné au cours de la même séance, de façon à pouvoir, comme c'est le cas ce soir, avoir une discussion de fond sur cette question. Je trouve donc qu'il est particulièrement... Mais je vois que cela n'intéresse plus M. Stauffer ! Il est vraiment désagréable de voir un député flairer la bonne affaire politique et essayer de «remporter la mise» d'une manière populiste.
En conclusion, nous entrerons en matière sur les deux projets de lois, mais nous présenterons des amendements. En fonction de leur adoption ou pas, nous verrons si nous persistons à nous abstenir sur le projet de loi du Conseil d'Etat.
M. Patrick Saudan (R). Comme vous l'imaginez bien, les radicaux aiment aussi les familles et soutiendront donc le projet de loi du Conseil d'Etat.
L'adaptation à la loi fédérale et les mesures prises en faveur des familles qui ont trois enfants et plus vont coûter 85 millions aux employeurs, et nous sommes tout à fait conscients que cette somme représente un sacré effort.
La question qui sous-tend ce débat est de savoir si les allocations familiales peuvent être un instrument pour lutter contre la pauvreté des familles et pour une politique plus nataliste. S'agissant de la pauvreté des familles, nous ne sommes pas favorables à un arrosage tous azimuts, pour la simple raison que ces allocations familiales profitent à tout le monde et qu'elles ne ciblent pas que les familles à bas revenus.
Par ailleurs, je répondrai à Mme Emery, qui se targue d'un taux de contribution des employeurs qui serait plus faible à Genève - 1,4% - que dans les autres cantons romands, que ces comparaisons sont tout à fait fallacieuses. En effet, si vous comparez le canton de Genève à des cantons qui ont une structure sociodémographique similaire, comme Zurich et Bâle, vous vous rendrez compte que le taux de contribution est le même, puisque celui de Zurich est de 1,3% et celui de Bâle de 1,4%. Deuxièmement, la masse salariale est plus élevée à Genève que dans les autres cantons romands, et il faut aussi savoir que le Valais, dont le taux de contribution est le plus important et la politique d'allocations familiales la plus généreuse de Suisse romande, a aussi une participation des salariés à hauteur de 0,3% de leur salaire, ce qui change la donne. Troisièmement, il ne faut pas isoler les prestations sociales comme les allocations familiales de la fiscalité des bas revenus, et celle-ci est plus favorable à Genève. Mme Emery donnait l'exemple d'une famille avec deux enfants dont le revenu annuel imposable est de 50 000 F. A Genève, elle ne paie pas d'impôt cantonal, mais elle en paie dans tous les autres cantons romands, et jusqu'à 4000 F à Lausanne ! C'est un élément important qu'il faut également prendre en considération. Le canton de Genève n'a donc pas à rougir de sa politique d'aide envers les familles à bas revenus.
En ce qui concerne la natalité, le parti radical a énormément contribué au compromis qui s'est dégagé en commission et qui a abouti aux mesures en faveur des familles avec trois enfants et plus. Ces mesures - je le reconnais - ont été inspirées par le projet socialiste. Il faut savoir qu'en 1970 le taux de fécondité était de 2,1% en Suisse et qu'il est tombé à 1,4% en 2002. Et cela s'est fait au détriment du pourcentage de familles avec trois enfants et plus, puisque leur nombre a chuté de 42%. Il paraît donc logique d'aider les familles à avoir trois enfants ou plus.
Néanmoins, l'effet d'une incitation financière sur le taux de fécondité est très incertain, si l'on se réfère aux expériences passées. Je prends l'exemple de la Suède, pays qui mène une politique familiale très active, tant par des mesures directes que par des mesures d'incitation financière: dans les années 90, ce pays - qui connaît aussi une participation très importante des femmes sur le marché du travail, puisqu'elle avoisine les 80% - a vu son taux de fécondité être inversement corrélé... A quoi ? Au taux de chômage, Mesdames et Messieurs les députés ! C'est une raison de plus pour ne pas alourdir la charge de nos entreprises et de notre tissu économique !
Enfin, le parti radical pense que, si l'on veut mener une politique nataliste efficace, il faut cibler davantage les familles. C'est le cas avec les mesures déjà mentionnées par mon collègue Didier Bonny: des allégements fiscaux en faveur des familles, la création de crèches et des initiatives comme l'initiative 141 du parti radical sur l'horaire continu à l'école ! C'est en effet en permettant aux femmes de mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale qu'on pourra peut-être arriver, et je l'espère !... (Remarque.) S'il vous plaît laissez-moi parler ! ...à augmenter le taux de fécondité, qui est malheureusement très bas à Genève.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, le parti radical vous demande de soutenir le projet de loi du Conseil d'Etat et il s'opposera à tout amendement supplémentaire. (Applaudissements.)
M. Eric Bertinat (UDC). Autant le dire tout de suite, puisque tout le monde se livre à cet exercice: l'UDC aime la famille ! Elle aime tellement la famille... (L'orateur est interpellé.) ...qu'elle le démontre au quotidien. Pour ma part, j'ai six enfants; mon collègue Stéphane Florey en a cinq; Yves Nidegger en a cinq; Gilbert Catelain en a trois...
Une voix. Des futurs membres ?
M. Eric Bertinat. Des futurs membres de l'UDC, je l'espère ! Et si je me permets de mettre en avant la vie privée de députés de l'UDC, c'est pour vous préciser que ce débat nous a évidemment beaucoup intéressés. Et je précise au passage que certains propos tenus par Mme Emery-Torracinta sont tout à fait justes. En effet, à part ceux qui ont des revenus très confortables, avoir beaucoup d'enfants c'est, évidemment, prendre le risque d'avoir des fins de mois assez difficiles, voire des fins de mois qui commencent bien avant la fin du mois.
Maintenant, il faut se demander si le montant des allocations familiales doit être proportionnel à l'amour de la famille... Et puis, ces allocations généreusement accordées suffisent-elles à aider la famille ? On répondra affirmativement. Pour les familles qui en ont vraiment besoin ces allocations - même 20 F - représentent une aide importante pour les fins de mois. En revanche, elles ont moins d'importance pour les familles qui ont des revenus confortables. Le principe veut que les allocations familiales soient perçues par tous ceux qui travaillent, et il faut respecter ce principe. Par contre, il faut se demander s'il y a lieu ou non de défiscaliser les allocations familiales, et ce sujet mérite débat. Ce débat a eu lieu en commission et a été fort intéressant.
Et je me plais à relever que, durant les cinq séances de travaux de commission - que ce soit au sujet de la demande du Conseil d'Etat, qui nous a proposé un premier projet de loi avec des allocations similaires à celles que nous connaissons aujourd'hui, jusqu'au projet de loi socialiste qui préconisait des allocations beaucoup plus importantes - chacun a pu s'exprimer et des chiffres sont apparus. Vous me permettrez de me pencher un peu sur ces chiffres, car la commission des affaires sociales - quinze membres - s'est un peu érigée en roitelet ou en prince de la République. Parce que, finalement, l'argent dont elle voulait disposer, c'est de l'argent qu'il va falloir demander au patronat. Et l'on ne peut que constater que le patronat - même si l'on compare Genève à d'autres cantons où les allocations sont plus élevées - va se retrouver avec une facture assez lourde. En effet, si l'on se base simplement sur la demande déposée par le Conseil d'Etat, cela représente une augmentation de près de 100 millions - c'est Mme Sayegh qui a fourni ce chiffre - et si l'on tient compte de toutes les augmentations qui pourraient être imputées à l'introduction de la nouvelle loi, cela porterait quand même la facture pour le patronat à 340 millions...
Petite remarque: la facture augmentera aussi pour l'Etat... En l'occurrence, il s'agit de 9 millions de plus, ce qui n'est pas négligeable. Alors que l'on nous annonce un budget à peu près équilibré avec 68 millions, il faut mener une réflexion pour ce montant de 9 millions. Quant au projet socialiste, il nous emmenait dans des sphères assez élevées, puisqu'il portait la facture du patronat à 515 millions, soit une différence de 175 millions par rapport au projet initial, avec, comme corollaire une facture pour l'Etat de 19 millions...
Finalement, le bon sens l'a quand même emporté, n'en déplaise à M. Stauffer ! La proposition faite par le parti libéral nous a semblé pleine de bon sens, équilibrée, les chiffres se situant un peu à mi-chemin des diverses propositions. Mais il reste tout de même une facture globale de 13 millions pour l'Etat, qui augmente le projet initial du Conseil d'Etat de 14 millions. L'UDC estime que c'est tout à fait faisable; le patronat est d'accord, et cela permet, si vous le voulez bien, à cette loi d'entrer rapidement en vigueur, dès le 1er janvier 2009. Elle pourra ainsi déployer ses effets.
L'UDC vous engage donc à accepter le projet de loi du Conseil d'Etat, c'est-à-dire le projet 10237 et à refuser l'entrée en matière pour le projet de loi 10243.
Mme Virginie Keller (S). Les socialistes ont l'impression, ce soir, que le vote est déjà fait. Les familles genevoises, Mesdames et Messieurs les députés, ont bien les loyers les plus chers de Suisse; les familles genevoises, Mesdames et Messieurs les députés, ont bien les assurances-maladie les plus chères de Suisse... Mais elles n'auront malheureusement pas les allocations familiales les plus élevées de Suisse ! Et cela, on le devra à la majorité de droite et d'extrême droite du Grand Conseil: il faudra s'en souvenir !
Pourquoi est-il important de mener une politique dynamique au niveau des allocations familiales ? Pour toutes les raisons que nous avons entendues ce soir: afin que l'on puisse et afin que l'on ait envie d'avoir des enfants; pour la relève. Il est important d'avoir des enfants dans notre société: c'est indispensable !
S'agissant de la pauvreté des familles - ma collègue en a parlé tout à l'heure - beaucoup d'études récentes ont été effectuées à ce sujet. Dans une étude commandée par l'Office fédéral des assurances, il est indiqué qu'un cinquième des familles de plus de trois enfants sont pauvres. Il est indiqué également que 40% des femmes élèvent seules les enfants; qu'une pension alimentaire sur cinq n'est pas versée; que les familles nombreuses et les familles monoparentales représentent les personnes les plus pauvres de Suisse aujourd'hui. Voilà pourquoi, entre autres, il faut mener une politique d'allocations familiales forte à Genève !
Evidemment, les socialistes ne prétendent pas que c'est le seul élément d'une politique familiale. Du reste, nous avons oeuvré au développement des crèches, et vous savez que les socialistes sont pionniers en la matière depuis de nombreuses années. Il suffit de voir la politique municipale de Genève, qui en a créé énormément ces dernières années. Nous travaillons également beaucoup pour changer les conditions de travail et les salaires, notamment des femmes, pour améliorer la vie quotidienne des familles. Tout cela participe d'une politique familiale, Mesdames et Messieurs les députés !
Néanmoins, on aurait pu ce soir, avec le projet de loi socialiste, faire un peu plus que le minimum ! On aurait pu reconnaître que, depuis dix ans, on a volé de l'argent aux familles. En effet, le gouvernement genevois, en n'ayant pas indexé les allocations familiales comme il aurait dû le faire, a volé la population; et aujourd'hui il ne lui rend même pas ce qu'il a volé !
Dans d'autres cantons, Mesdames et Messieurs, des propositions encore plus audacieuses que celles qui sont présentées par le parti socialiste sont actuellement en train de se concrétiser; nous ne sommes pas les seuls ! Et Genève était plutôt à la pointe en matière de politique familiale...
A ceux qui pleurent l'argent que le patronat devrait payer si le projet socialiste était adopté, je rappelle quand même que, il y a peu de temps encore, le patronat genevois payait seize semaines de congé maternité aux femmes - c'est exceptionnel dans ce pays - et que c'était à la charge des patrons. Il me semble que l'économie ne s'en est pas si mal sortie que cela !
A ceux qui tentent de culpabiliser les familles, les femmes et les enfants en leur disant qu'ils sont un danger pour l'économie genevoise, je recommande de lire la «Tribune de Genève» d'aujourd'hui, par exemple: ils verront la faillite mondiale - et, donc, genevoise - que les banques sont en train de causer. Ce ne sont ni les familles, ni les femmes, ni les enfants qui représentent un danger pour l'économie genevoise, n'en déplaise à certains des milieux de droite et d'extrême droite de ce Grand Conseil !
Le parti socialiste avait longuement hésité à déposer un projet de loi. Pour quelle raison ? Eh bien, parce que nous sommes minoritaires - on le constate une fois de plus ce soir - même sur une thématique comme la famille, alors que - M. Bavarel l'a évoqué tout à l'heure - tous les partis se posent en défenseurs de la famille... Oui, mais la différence, c'est que nous, nous ne faisons pas qu'en parler: nous proposons des projets concrets ! Et comme nos projets ne passent pas au parlement, Mesdames et Messieurs les députés, nous - avec la population - vous les présenterons à nouveau dans quelque temps, dans quelques mois ! La population saura nous accompagner. Pour faire mieux que ce que vous proposez ce soir !
Je me souviens d'un jeu auquel nous jouions dans la cour de récréation, lorsque nous étions enfants. Ce jeu était intitulé: «Grand-mère, aimes-tu ?»... Nous devions faire des propositions. Si cela plaisait à la grand-mère, elle nous disait de faire un pas de géant; dans le cas contraire, elle nous demandait de faire un «pas de saucisson», voire un pas de fourmi...
Mesdames et Messieurs les députés, ce soir, vous faites un pas de fourmi pour Genève, alors que les socialistes vous proposaient de faire un pas de géant ! (Applaudissements.)
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). J'aimerais attirer votre attention sur le fait que le canton de Genève est particulièrement cher. Nous le savons, c'est un canton à part. Il faut être cohérent et admettre que la majorité de la population n'a plus les moyens de vivre comme dans les années 80. Tout a augmenté, cela de manière vertigineuse, ce qui fait que le pouvoir d'achat de la population a diminué. Si l'on veut faire repartir l'économie, il faut investir, règle d'or incontournable.
Pour donner le meilleur à un enfant, il faut avoir des moyens financiers. Un enfant doit être nourri à sa faim et correctement habillé. Il faut savoir, par exemple, que le montant des allocations familiales équivaut au coût de couches-culottes nécessaires à un bébé pendant un mois ! Cela veut signifie qu'il ne reste rien pour les autres frais: à partir de là, tout est dit !
Si vous voulez assurer l'avenir, si vous voulez que les entreprises cessent de faire faillite les unes après les autres, si vous voulez plus d'écoles, plus de profs, etc., il faut donner les moyens financiers en conséquence. Il n'y a pas d'autre solution, l'argent est le nerf de la guerre ! Il serait peut-être temps de réaliser cet état de fait, de l'accepter et d'agir en fonction de cela.
Il est donc évident que je soutiendrai les amendements, aussi bien ceux présentés par le MCG - que j'ai signés - que ceux présentés par les socialistes.
Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit ici d'un sujet important. Il faut penser aux couples qui veulent des enfants; on ne peut décemment pas leur recommander de ne pas en faire parce qu'ils n'ont pas les moyens financiers de les assumer ! Avoir un enfant, c'est un droit à la vie, et vous devez respecter cela ! La plupart d'entre vous avez des enfants et avez toujours pu subvenir à leurs besoins, d'une manière ou d'une autre. Vous devez donc aussi donner la possibilité aux jeunes générations de continuer à fonder des familles, de pouvoir subvenir aux besoins de leurs enfants, les nourrir, les éduquer. Il en va de votre responsabilité !
Pour conclure, je soutiendrai le projet de loi 10243-A et rejetterai le projet de loi 10237-A.
M. Pascal Pétroz (PDC). A ce stade du débat, il faut clarifier certaines choses. Tout d'abord, si nous sommes ici et si le Conseil d'Etat a déposé le PL 10237, c'est bien parce que, au niveau fédéral, le parti démocrate-chrétien a proposé un projet de loi qui a été plébiscité par le peuple de notre pays. Alors, que l'on ne vienne pas nous faire la leçon: sur ce point, nous sommes à l'aise ! Si le projet du Conseil d'Etat, qui allouera 74 millions de plus, est voté ce soir, c'est bien parce que le parti démocrate-chrétien a obtenu un vote populaire favorable aux familles quant à son projet présenté à l'échelon fédéral. C'est la première chose que je voulais dire.
La deuxième est la suivante: j'ai lu dans un honorable journal de parti que, en réalité, le parlement s'apprêtait à diminuer le montant des allocations familiales. J'ai évoqué les 74 millions engagés par le projet de loi du Conseil d'Etat, il convient d'ajouter à cette somme les 14 millions - ou presque: 13 750 000 F, sauf erreur de ma part et selon l'estimation faite par le département - induits par les amendements que nous avons votés en commission. Pour ma part, je souhaiterais que ce débat soit digne et honnête: on peut dire qu'il aurait été possible d'augmenter davantage les allocations, mais on ne peut pas prétendre que les mesures que nous allons voter ce soir représentent une diminution des allocations familiales: c'est tout simplement inexact ! Avec le vote de ce soir, ce sont des millions en plus qui seront octroyés aux familles, à titre d'allocations familiales, et il faut que cela soit affirmé clairement !
S'agissant du pas de fourmi que nous ferions, je souhaiterais répondre à ma préopinante du parti socialiste. Je me rappelle que l'ancien billet de 1000 F représentait une fourmi... Eh bien, 74 millions plus 14 millions, cela représente, alignées l'une après l'autre, de nombreuses fourmis ! Si vous, vous trouvez que nous ne faisons qu'un pas de fourmi, il me semble plutôt que ce sont de très nombreux pas de fourmi que nous réalisons aujourd'hui en faveur des familles !
J'en viens aux propos tenus tout à l'heure par le rapporteur de deuxième minorité. J'ai été quelque peu sidéré par sa capacité à nous convaincre qu'il avait assisté à tous les débats de commission, qu'il avait vécu ce sujet d'une manière... intense ! Qu'il avait tellement suivi les travaux de près qu'il était en mesure de nous expliquer que nous avions tous tort... Que seul le Mouvement Citoyens Genevois était capable de défendre les intérêts des Genevoises et des Genevois, qui ploient sous les impôts, qui ploient sous les taxes... Et que c'est donc le seul parti à avoir tout compris, contrairement à tous les autres !
Alors, soyons clairs ! Cela a été indiqué tout à l'heure par Mme Fehlmann Rielle: les débats de commission ont été empreints de bon sens avec le commissaire MCG, M. Clairet. Ce dernier, nous expliquait d'ailleurs au début que, en tant que patron d'une boulangerie, il ne voulait pas entrer en matière sur la moindre augmentation des allocations familiales, quelles qu'elles soient. Il était d'une intransigeance absolument étonnante ! Mais, le débat avançant, M. Clairet s'est finalement rallié au compromis qui avait été si savamment négocié, et avec autant d'énergie en commission. Et vous, Monsieur Stauffer, vous avez assisté à la dernière séance de commission, pour défaire ce que votre collègue avait mis tant de temps à construire. Alors, qui trahit, Monsieur Stauffer, vous ou le PDC ? Qui fait de l'électoralisme ? Pour ma part - et je crois que tout le parlement sera d'accord avec moi - je sais très bien qui fait de l'électoralisme en traitant les autres de Judas pour satisfaire un ego surdimensionné ! (Rires. Exclamations.)
Maintenant, je crois qu'on occulte l'essentiel de ce débat et des travaux de la commission... Cette dernière a voulu donner un signal aux familles de ce canton pour leur dire qu'il lui apparaissait indispensable de mener une politique en faveur de la famille, pour augmenter le nombre de naissances. Et c'est la raison pour laquelle nous avons mis un accent tout particulier sur le soutien financier apporté lors de la naissance du troisième enfant, en doublant l'allocation naissance et les allocations familiales dès le troisième enfant. Mais, malheureusement, cela n'est pas assez ressorti dans ce débat.
Enfin - et ce sera ma conclusion - en matière de politique familiale, ce qui est important, c'est ce qui reste dans le porte-monnaie à la fin du mois et pas de savoir ce que l'on va recevoir au début du mois à titre d'allocations. De notre point de vue, il serait totalement hypocrite de dire aux gens que les allocations familiales vont augmenter de 20 ou de 50 F si ces personnes sont davantage ponctionnées fiscalement - à raison du montant des allocations, voire plus...
C'est la raison pour laquelle, en commission fiscale, nous plaidons avec force pour la défiscalisation des allocations familiales, de manière que les personnes concernées aient davantage d'argent à la fin du mois: nous plaidons pour le splitting, pour l'imposition séparée des revenus au sein de la famille ! Cette espèce de honte que le Tribunal fédéral nous a demandé d'effacer depuis des années... Ce que nous n'avons pas encore fait, mais que nous réaliserons bientôt avec le soutien des membres de ce parlement ! C'est cela, la véritable politique familiale ! Ce ne sont pas des vociférations intempestives et de la politique politicienne, comme cela a été le cas ce soir ! (Applaudissements.)
M. Renaud Gautier (L). Je suis désolé d'avoir à doucher le bain d'angélisme dans lequel nous baignons depuis le début de ce débat, en rappelant deux ou trois choses qui me paraissent relativement importantes.
Une politique sociale est une bonne chose, c'est le reflet d'une société qui tient compte des plus faibles. Elle est généralement soit le fait de tout le monde, soit imposée par une majorité, et s'effectue sur la base du pot commun.
Les allocations familiales, Mesdames et Messieurs, ne sont rien d'autre que du racket ! Dans la mesure où l'on va prendre de l'argent chez des personnes auxquelles on ne demande pas si elles sont d'accord de payer... En effet, puisqu'elles qu'elles créent de l'emploi et de la richesse, on décide, une fois de plus, qu'elles vont cracher au bassinet et que ce sont elles qui vont payer les allocations sociales... Cela, il faut le rappeler haut et fort ! Et c'est très facile de distribuer l'argent des autres ! C'est très facile de dire à ceux qui ne sont pas dans cette salle: «On va encore vous ponctionner un peu plus, parce qu'on estime en avoir besoin.» Or il faudrait penser aussi que les personnes auxquelles on va prendre l'argent destiné aux allocations familiales sont celles qui établissent déjà la prospérité de Genève !
Une de mes préopinantes - qui est une experte bancaire reconnue... - nous faisait remarquer que la crise mondiale - et genevoise - était due aux banques... Moi, je veux bien ! Mais alors, poussons le raisonnement plus loin: si la crise économique et bancaire induit un grand nombre de faillites d'entreprises et davantage de chômage, qui va payer les allocations familiales ? Réfléchissez aussi à l'impact de ces mesures sur celles et ceux qui, à Genève, participent à la croissance de la richesse, qui créent de l'emploi, qui ne sont pas représentés ici et à qui l'on dit: «Nous, nous pensons que c'est mieux qu'on vous taxe un peu plus que ce qu'on faisait jusqu'à présent»... Je veux bien entendre un discours sur la politique sociale, mais je ne trouve tout de même difficile d'entrer en matière lorsque ce parlement décide qui il va taxer, sans pour autant que ceux qui le seront n'aient quelque chose à dire. Il faut quand même respecter un tant soit peu les personnes qui créent la richesse à Genève, laquelle permet de payer des allocations familiales que vous voulez augmenter ! (Applaudissements.)
M. Ivan Slatkine (L). Permettez-moi tout d'abord de remercier l'ensemble des groupes qui ont soutenu le projet de loi du Conseil d'Etat, notamment ceux qui ont soutenu les amendements libéraux représentant un compromis. Je remercie également les commissaires pour la qualité des travaux qui, jusqu'à la dernière séance, a été excellente. Malheureusement, ces travaux ont quelque peu dérapé lorsque le commissaire MCG, qui travaillait très correctement, a dû être remplacé... Mon collègue Pétroz l'a rappelé.
Et je tiens aussi à remercier les entreprises ! Qui permettent de payer ces allocations familiales ! Merci aux entreprises qui dégagent des richesses pour venir en aide aux familles !
Il est toujours facile de décider qu'une catégorie de personnes doivent donner davantage... Il faut toutefois prendre conscience que les entreprises vont devoir payer 84 millions de plus. Alors, plutôt que de les critiquer, il faudrait les remercier, parce qu'elles contribuent à un effort et à soutenir les familles.
Pour le parti libéral, Mesdames et Messieurs, il est évident qu'une politique familiale efficace ne passe pas des allocations, mais par la fiscalité. Et c'est en baissant les impôts des familles concernées, en défiscalisant les allocations familiales, que l'on pourra pratiquer une politique familiale digne de ce nom ! Ce n'est pas en augmentant les allocations familiales de quelques francs que les choses vont changer de façon significative pour les familles - d'ailleurs, Mme Borgeaud l'a très bien dit, avec les 200 F des allocations familiales, on peut juste acheter deux paquets de couches pour un mois. Je le répète, ce n'est pas en augmentant ce montant de 20 F que cela changera les choses de manière significative.
Permettez-moi aussi de vous signaler que le parti libéral ne va pas se poser aujourd'hui en parti de la famille, mais qu'il est certainement le parti de l'amour ! Le parti de l'amour, car nous arrivons - celles et ceux qui siègent dans nos rangs - à plus de quarante-cinq enfants... Je n'ai pas fait le calcul exact, mais c'est certainement chez nous qu'il y a le plus d'enfants - en moyenne, bien entendu. (Exclamations.) Le parti libéral contribue donc activement au développement économique, et même au développement démographique de notre région ! A ce stade du débat, il me semblait important de rappeler cela. En conclusion, je dirai: «Vive l'amour !» (Applaudissements. Exclamations.)
La présidente. Merci, Monsieur le député. En tout cas, ce n'est pas le Bureau qui va se livrer à ce calcul, car il est débordé ! Monsieur Stauffer, vous avez la parole.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Beaucoup de choses ont été dites... Je vais tout d'abord répondre brièvement aux attaques personnelles. On a prétendu que j'avais été opportuniste en assistant à la dernière séance de commission. J'aimerais quand même rappeler que je suis le nouveau titulaire de cette commission et que, par ailleurs, je suis président des affaires sociales dans notre belle commune d'Onex. En outre, je signale aux moins inspirés que je suis entré en politique en 1987, comme élu libéral, faut-il encore le rappeler. (Commentaires.)
Cela étant dit, vous avez attaqué le commissaire qui faisait partie de la commission des affaires sociales avant moi et j'aimerais vous répondre ceci: c'est vrai, les entreprises apportent d'importantes contributions et font des efforts pour les allocations familiales. Mais, comme nous l'avons dit - et c'est sur ce point que nous avons trouvé une unanimité au sein du MCG - il faut absolument alléger tout ce qui est administratif: la taxe professionnelle communale, etc. Mais il ne faut pas vouloir faire des économies sur le dos des familles ! Ce que le Mouvement Citoyens Genevois vous reproche ce soir, Mesdames et Messieurs de la droite et du PDC, c'est que vous voulez diminuer les allocations familiales sous prétexte que ce sont les entreprises qui payent !
Monsieur Pétroz, vous avez parlé de fourmis... Certes, vous faites de très belles phrases, en indiquant que 74 millions plus 14 millions représentent beaucoup de pas de fourmi... Eh bien, allez expliquer cela aux familles qui, à la fin du mois, doivent regarder si elles ont encore 50 F dans leur porte-monnaie pour aller faire des courses à la Migros ou à la Coop ! Et des pas de fourmis à 74 millions, elles ne comprennent même pas ce que cela veut dire !
Evidemment, quand on se pose en défenseur de la famille - par pur électoralisme - mais que l'on agit dans le sens inverse, voilà ce qui arrive ! En réalité, Monsieur Pétroz et Mesdames et Messieurs du PDC, que se passe-t-il ? Votre volte-face en commission - et ce soir, apparemment, en plénière - va impliquer que les familles genevoises ne toucheront que 200 F par mois d'allocations familiales, alors que nous, au Mouvement Citoyens Genevois, soutenus par les socialistes et les Verts, nous demandons de porter cette allocation à 250 F... Nous sommes donc en train de nous battre pour 50 F ! Et, vous, pour 50 F, vous répondez en dizaines de millions de francs: c'est en cela que vous avez trahi votre électorat !
Je reviens maintenant sur ce qui s'est passé... (De la main, M. Pierre Weiss fait des moulinets.) Vous avez chaud, Monsieur Weiss ? Vous vous faites de l'air ? Je vois que vous gesticulez: vous faites le ventilateur, n'est-ce pas ? Je reviens maintenant, disais-je, sur ce qui s'est passé en commission... Le Mouvement Citoyens Genevois n'est pas le seul à estimer que l'atmosphère de cette commission a été détestable et que des menaces ont été lancées durant les travaux. (Commentaires.) Je vais vous lire un court passage du rapport de minorité de ma collègue, qui est à mes côtés. Je cite: «Effectivement, alors que pendant les campagnes électorales nombreux sont les partis (de tendances politiques très diverses !) qui affirment vouloir défendre les familles, force est de constater que lorsque des mesures concrètes sont proposées... bien peu les défendent ! L'attitude du parti libéral, constatant que le projet cantonal allait plus loin que la LAFam pour les indépendants et utilisant la menace d'un référendum en cas d'augmentations autres que celles pour le troisième enfant, n'a pas été en soi tellement étonnante. Par contre, ce qui l'a été, ce fut l'attitude du parti démocrate-chrétien qui, séance après séance, cédait aux menaces libérales...». Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont vos amis socialistes ! (Exclamations.) Et je le clame haut et fort ! (L'orateur est interpellé.) Eh bien oui, parce que vous votez une fois à gauche, une fois à droite... (Protestations.) Cela dépend des élections ! (Exclamations.) Bien pauvre Entente ! Vous savez les flatter quand vous avez besoin d'un vote, mais ensuite, par contre, vous jouez la carte de l'Entente ! Eh bien aujourd'hui, Mesdames et Messieurs du PDC, vous êtes pris la main dans le sac: en flagrant délit de trahison de votre électorat ! Et les familles se souviendront que, ce soir, vous aurez été déterminants dans la balance gauche/droite dans la décision de refuser 50 F de plus pour les allocations et 500 F de plus pour la prime de natalité ! C'est cela que les gens retiendront demain dans la rue, dans les familles; le PDC a trahi les familles, il a diminué les allocations familiales ! J'ai terminé pour l'instant.
La présidente. Doivent encore prendre la parole: M. Gilbert Catelain, Mme Anne Emery-Torracinta, M. Eric Stauffer et, ensuite, M. le conseiller d'Etat François Longchamp.
M. Gilbert Catelain (UDC). Contrairement à ce que nous venons d'entendre, il ne faut pas juste retenir que les allocations ont augmenté de 50 F ou pas: il faut nous souvenir que les familles toucheront 84 millions de plus, ce qui représente une hausse de 31%. C'est cela qui est important ! Et cela, grâce au projet de loi - il faut le reconnaître - PDC aux Chambres fédérales, qui a été accepté par le peuple. Aujourd'hui, la masse monétaire destinée aux familles augmente de 31% ! Et ne pas le reconnaître, Monsieur Stauffer, c'est de l'indécence !
L'objectif du projet de loi du Conseil d'Etat est double: c'est de mettre en conformité le droit cantonal avec le droit fédéral, et puis, de maintenir les particularités genevoises, notamment la prime de naissance. Notre responsabilité, à nous, députés, consiste ce soir à permettre aux familles de ce canton de bénéficier de cette manne supplémentaire de 84 millions - ce qui, par les temps qui courent, n'est pas négligeable - financés par les seuls employeurs.
Mais le projet de consensus qui vous est proposé ce soir va au-delà des deux objectifs du Conseil d'Etat. La commission a effectivement demandé aux employeurs de ce canton de verser un supplément - qui est connu - au profit des familles nombreuses, consistant en une allocation majorée pour les familles dès le troisième enfant, à savoir les familles pour lesquelles le risque de pauvreté est manifestement le plus élevé.
Ce projet de loi peut paraître modeste pour certains, insuffisant pour d'autres, mais il engendrera des effets pervers pour certaines familles au bénéfice de l'aide sociale. En effet, les montants supplémentaires qu'elles toucheront en raison des effets de seuil les feront sortir - c'est une bonne nouvelle - de l'aide sociale, or, en réalité, elles n'auront rien de plus - ou pas grand-chose - à la fin du mois.
L'UDC est parfaitement consciente que la situation des familles - en particulier des familles de la classe moyenne, qui n'ont droit à aucune subvention, que ce soit au niveau du logement, de l'assurance-maladie, des allocations d'études - n'est pas enviable.
En commission, le MCG, par l'intermédiaire de M. Clairet, s'est ingénié à nous démontrer que les charges qui pèsent sur les PME sont écrasantes. M. Clairet - lui-même chef de PME - a déclaré que ce projet de loi allait pénaliser l'embauche des pères de famille et que lui-même hésiterait, à l'avenir, à engager des travailleurs pères de famille nombreuse... A ce moment-là, nous lui avons expliqué le fonctionnement des allocations familiales; qu'il pouvait engager qui il voulait; que l'embauche de pères de famille n'aurait pas d'incidence. Toujours est-il que la position du rapporteur de minorité ne reflète pas celle de son prédécesseur en commission ! En effet, il joue son rôle d'opportuniste, qui a très bien compris qu'il était porteur, électoralement parlant, de faire du populisme à deux balles, avec l'argent des autres...
L'UDC s'opposera aux amendements proposés pour les raisons suivantes. S'agissant de la classe moyenne, lorsque l'employeur verse 100 F supplémentaires d'allocations familiales, 50% repartent à l'Etat sous forme d'assurance-chômage, d'AVS, de deuxième pilier et d'impôt autour de la tranche marginale. Pour l'UDC, une politique familiale efficace passe notamment par des mesures fiscales favorables aux familles, notamment en diminuant les impôts en fonction du nombre d'enfants et en transformant les allocations de naissance en allocations tout court pour l'ensemble des familles, étant donné que certaines d'entre elles n'en touchaient pas jusqu'à présent. Il faut en effet savoir que des centaines de familles de ce canton n'ont jamais touché d'allocations de naissance... Par exemple, un employé de la Confédération ne touche pas de prime de naissance: cela a été mon cas.
Enfin, adopter les amendements des rapporteurs de minorité, c'est plomber les chances de succès des futures négociations salariales entre partenaires sociaux.
Mesdames et Messieurs, soyons respectueux des familles: ne les prenons pas en otage pour atteindre des objectifs politiques, le temps d'un débat et d'une élection municipale à Vernier !
La présidente. Merci, Monsieur le député. Les trois rapporteurs se sont inscrits. Ensuite interviendra M. le conseiller d'Etat. Le Bureau décide de clore la liste des orateurs. Mme Emery-Torracinta, vous avez la parole.
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de première minorité. Il vaudrait mieux que le rapporteur de majorité s'exprime d'abord, Madame la présidente.
La présidente. Je donne la parole aux intervenants dans l'ordre dans lequel ils s'annoncent. Vous vous êtes inscrite avant M. Weiss, je vous donne donc la parole d'abord. (Commentaires. Exclamations.) Madame Emery-Torracinta, vous avez la parole !
Mme Anne Emery-Torracinta. Très bien, Madame la présidente, mais il me semble que, d'habitude, les rapporteurs de minorité parlent en dernier... Enfin, bref !
Je voulais juste faire une ou deux remarques. J'apprécie beaucoup que le MCG ait finalement rejoint les positions socialistes - tant mieux ! - mais j'aimerais quand même signaler que je suis assez grande pour exprimer mes points de vue, sans que M. Stauffer le fasse à ma place. Je précise encore que, lorsque nous avons proposé l'amendement socialiste suivant en commission: «L'allocation de naissance ou d'accueil est de 2500 F», il y a eu cinq voix pour - les trois socialistes et les deux Verts - et dix voix contre, y compris le MCG ! (Rires.) Et ainsi de suite ! C'est seulement lors de la dernière séance que le MCG a soutenu les propositions socialistes...
Il a beaucoup été question ici des efforts demandés aux employeurs. C'est vrai, qu'ils vont payer davantage: il ne s'agit pas de 100 millions - je ne sais plus si ce chiffre a été articulé par M. Catelain ou par M. Bertinat - mais de 84 ou 85 millions qui seront à la charge des employeurs dès l'année prochaine.
Sachez toutefois que, en raison des baisses successives du taux de contribution depuis plusieurs années, les employeurs ont fait de sacrées économies. Et si en 2007 - compte tenu de la masse salariale de 2007 - le taux avait été de 1,7%, comme il l'était en 2004, eh bien, ils auraient dû payer 92 millions de plus ! Donc, en définitive, on ne fait que demander aux employeurs ce qu'ils payaient quelques années auparavant, alors que la situation économique était certainement moins favorable que ce qu'elle a été en 2007.
J'aimerais aussi répondre à M. Saudan qui parlait de comparaison fallacieuse, s'agissant de Genève par rapport aux cantons romands. Pour ma part, je ne comprends plus très bien ! A chaque fois que Genève réalise quelque chose de différent, on nous reproche de faire des «Genevoiseries»; on nous demande de regarder ce qui se fait dans les cantons voisins; on nous recommande de nous regrouper dans une HES, de faire les choses ensemble, d'avoir des sites communs pour les universités ! C'est vraiment à géométrie variable: quand ça vous arrange, vous nous dites de faire les choses avec les cantons romands; et quand cela ne vous arrange pas, vous nous dites de faire avec les cantons alémaniques, etc. !
Quant à l'exemple d'une famille, avec deux enfants, dont les revenus sont de 50 000 F, il s'agit, à Genève, d'une famille qui bénéficie de l'aide sociale ! Nous ne parlons pas aujourd'hui de ce type de familles: nous parlons essentiellement des familles de la classe moyenne, dont les deux parents travaillent - peut-être pas à temps complet - et qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts ! Sans parler, comme l'a dit Mme Keller, des familles monoparentales.
Vous avez déclaré, Monsieur Gautier, que les personnes ponctionnées sont celles qui créent la richesse... Soit ! Mais à croire le discours récurrent du parti libéral, il faudrait que les gens payent moins d'impôts pour avoir plus les moyens de consommer... Eh bien, nous tenons, au fond, le même raisonnement lorsque nous expliquons qu'en augmentant les allocations familiales les personnes concernées pourront aussi consommer davantage.
Enfin, j'insiste encore par rapport à l'intervention de M. Pétroz. Ses propos au sujet de l'impôt est complètement faux. Et il le sait, puisque M. Longchamp l'a encore répété en commission des affaires sociales, pas plus tard que la semaine dernière. Le barème de l'impôt est progressif - c'est vrai que l'impôt prend davantage aux personnes les plus aisées - mais il ne reprend jamais le montant intégral des allocations. Il est donc totalement mensonger de prétendre que le montant des allocations pourrait être repris intégralement au niveau fiscal !
En conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à soutenir les amendements du parti socialiste et à mener une véritable politique dynamique en faveur des familles.
Je ferai cependant une dernière remarque. Tout le monde parle de paternité ou de maternité en ce qui concerne les allocations familiales... Il faut savoir qu'en 1998, bien avant les projets PDC, c'est une socialiste - Mme Fankhauser - qui avait proposé au Conseil national une harmonisation de la loi fédérale.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Quelque chose me choque dans la pingrerie organisée de ce soir ! Je m'en explique. Les dispositions fédérales qui imposent les minima sur l'ensemble du territoire suisse fixent les allocations familiales à 200 F par mois et par enfant... Alors, Mesdames et Messieurs, qui agitez le spectre de l'économie, ne me dites pas que 200 F par mois pour un enfant d'une famille d'Appenzell Rhodes-Intérieures, en Suisse orientale, a la même valeur qu'à Genève ! Tout le monde le sait, Genève est l'une des villes les plus chères de Suisse ! Et vous, aujourd'hui, vous vous montrez pingres en refusant d'octroyer 50 F de plus aux familles genevoises ! Mais ça va plus loin que cela, Messieurs les libéraux, Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente, et je vais vous expliquer ce qui s'est passé en commission. Les socialistes ont tout fait, avec les Verts et le soutien du MCG, pour obtenir une augmentation des allocations familiales. C'est ainsi que les socialistes ont proposé de les augmenter de 20 F, symboliquement, pour donner un signal favorable aux familles, pour être légèrement au dessus du minimum fédéral imposé par Berne. Les socialistes ont donc proposé un amendement faisant passer l'allocation de 200 à 220 F... Qui s'y est opposé ?! Deux UDC - ce qui est normal: ils sont devenus les laquais des libéraux depuis qu'ils espèrent entrer dans l'Entente - trois libéraux, deux radicaux... Et deux PDC, Mesdames et Messieurs ! Pour 20 F ! (L'orateur est interpellé.) Absolument pas ! Le MCG a voté oui. Je vais vous le dire: c'est à la page 25 du rapport ! Deux Verts, trois socialistes et un MCG ont voté oui ! Et pour 20 F, Mesdames et Messieurs du PDC, vous qui prétendez défendre les familles, qui étalez de grandes affiches en faveur des familles, vous qui voulez augmenter le nombre de crèches, etc., vous vous êtes opposés à cette augmentation ! Je le répète: la population saura s'en souvenir !
Mesdames et Messieurs, je vais conclure pour cette partie de mon rapport de minorité. Je laisserai la parole à notre collègue, M. Weiss, qui viendra vous expliquer que l'économie ne peut pas supporter une telle augmentation, parce que les entreprises vont déjà devoir débourser 74 millions... Eh bien, Monsieur Weiss, il faudra aussi indiquer à une partie des PME et des grandes sociétés qu'il est temps d'adapter le niveau des revenus des employés à la réalité quotidienne des Genevois ! Parce que de plus en plus de Genevois finissent à l'aide sociale, on les appelle les working-poors - pour reprendre une de vos expressions favorites - et il faut les aider. Vous leur expliquerez que l'on ne peut pas se permettre de leur octroyer 20 ou 50 F de plus par mois, alors que, dans d'autres domaines, l'on se permet de verser 2 milliards à la BCG... (Exclamations.) ...et d'offrir 100 millions à nos amis Vaudois pour EOS ! (Exclamations.)
C'est cela, la politique que vous prônez, Mesdames et Messieurs les libéraux, et c'est une véritable honte ! Oui, vous pouvez vous en aller, Monsieur Weiss ! (Rires.) Vous épargnerez du temps à nos contribuables !
J'en ai terminé pour l'instant, Mesdames et Messieurs. Je reprendrai la parole ultérieurement pour les amendements.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Ce débat a illustré, au fond, deux visions différentes des allocations familiales: l'une de gauche représentée - j'allais dire «avec élégance» - par Mme Emery-Torracinta, l'autre de droite, par moi-même.
Ce débat, si l'on se réfère aux propos de droite, a rappelé l'importance d'une négociation; qu'il faut cibler les aides; qu'il est également important d'adapter la fiscalité en matière d'aide à la famille; qu'il y a une facture pour l'économie, comme il y en a une pour l'Etat; qu'il ne faut pas confondre baisse et hausse, comme certains le font - mais ça n'est pas une question d'école, c'est probablement une autre question, de confusion mentale; et puis, aussi, qu'il est nécessaire de ne pas distribuer l'argent des autres, surtout quand il n'est pas encore créé. J'allais conclure la position de droite par la phrase suivante, qui n'est pas: «Vive l'amour libéré !», mais «Vive l'amour libéral !».
La position de la gauche, elle, a été assez pragmatique lorsqu'on nous a dit que ce qui était pris n'était plus à prendre; que l'on avoue la victoire de l'Entente - car, au fond, ce projet de loi représente la victoire de l'Entente et de la droite, il faut le dire; lorsqu'on nous annonce une initiative - certainement pas électoraliste, étant donné qu'elle sera lancée en 2009 - et, enfin, lorsque l'on veut faire, non des pas de fourmi, mais des pas d'éléphant... Dans le mécanisme d'horlogerie des assurances sociales, Madame la rapporteuse, on ne fait guère de pas d'éléphant, sinon on casse la porcelaine ! Voilà, au fond, le débat.
Par rapport à ces deux positions, j'aimerais vous rendre le mérite suivant: c'est d'avoir inclus dans votre projet - mais vous avez pu constater que c'était une préoccupation largement partagée, car je crois que vous nous ferez non seulement l'amitié mais l'estime de croire que nous ne l'avons pas copié - la nécessité de consentir à un effort majeur pour les familles nombreuses, dès le troisième enfant.
Si cet apport est le vôtre - mais c'est un apport partagé - il y a, de mon point de vue, un autre élément important. En effet, à un certain moment, si l'on compare des taux d'allocations familiales, il faut faire un choix: entre salaire et allocations familiales, il faut trouver la bonne solution. Vaut-il mieux un taux de 2,4 ou de 3% et un salaire de 6000 F ou vaut-il mieux un taux de 1,4 ou de 1,5% et un salaire de 10 000 F ? D'expérience, vous préférez la deuxième solution: un taux de 1,5% et un salaire de 10 000 F ! C'est d'ailleurs celle qui est appliquée à Genève dans l'enseignement public.
Voilà pourquoi il faut aujourd'hui, en matière d'allocations familiales, préférer ce qui est proposé par la majorité de droite, par l'Entente unanime, en faveur des familles, en faveur des familles nombreuses, en faveur des accueils dans les familles, c'est-à-dire aussi de l'adoption et pas seulement de la naissance. Voilà pourquoi le projet de loi du Conseil d'Etat amélioré est la meilleure chose que nous pouvons offrir, dès le 1er janvier 2009, aux familles genevoises !
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Il faut d'abord resituer dans son contexte le débat qui nous anime ce soir. Une loi fédérale a été votée par le peuple suisse, qui vise à l'harmonisation des allocations familiales. Nous avons eu l'occasion de nous en apercevoir, cette loi était un peu un leurre. Elle n'harmonise rien du tout. Elle complexifie, en réalité, le dispositif fédéral. Elle maintient vingt-cinq systèmes différents. Ses lacunes sont considérables, puisqu'elle ne règle pas le cas des enfants de parents qui n'ont pas d'activité lucrative, pas plus qu'elle ne règle le cas des enfants dont les parents sont des indépendants et elle ne règle pas - ce qui démontre à quel point cette loi a été vite élaborée, voire bâclée - la situation - tenez-vous bien - des orphelins qui avaient été oubliés dans cette affaire et qui, si l'on appliquait la loi fédérale, n'auraient purement et simplement même pas droit à des allocations familiales, ce qui, vous en conviendrez, paraît un peu curieux.
Le canton s'est appliqué à retranscrire cette harmonisation fédérale dans sa législation en mandatant un groupe de travail paritaire, paritaire avec des représentants des associations patronales et des associations syndicales, sous la houlette d'une ancienne présidente de votre Grand Conseil, Mme Christine Sayegh, qui a rendu ses travaux et dont le Conseil d'Etat a fait siennes les conclusions.
Le but du projet de loi que le Conseil d'Etat vous a proposé est de répondre aux critères de l'harmonisation fédérale et de préserver des acquis, cela par un accord qui a pu être trouvé entre les organisations syndicales et les organisations patronales. C'est-à-dire de faire en sorte que les enfants dont les parents sont sans activité lucrative puissent continuer à toucher des allocations familiales, même si la loi ne l'oblige pas; que les enfants dont les parents sont indépendants puissent continuer à recevoir des allocations familiales; que les orphelins puissent également continuer à en recevoir et que d'autres catégories qui avaient été également oubliées - je pense aux personnes qui sont en incapacité de travail dès le quatrième mois et qui, précisément, à un moment où ils ont moins de revenus, se trouvent, eux aussi, privés d'allocations familiales.
L'accord politique qui a été trouvé en commission a permis d'améliorer encore ce travail que le Conseil d'Etat vous proposait, en étendant les allocations familiales, en faisant un effort pour le troisième enfant, en faisant un effort sur les primes de naissance. Cela concerne respectivement cinq et dix mille personnes par an, ce qui n'est pas une mince affaire, et permet d'augmenter les prestations d'allocations familiales pour ces catégories.
Et puis, un effort considérable est fait - et qui explique, d'ailleurs, en grande partie, le coût supplémentaire de ce projet de 74 millions - en faveur des familles dont les enfants ont 16 ans et au-delà et sont en formation jusqu'à 25 ans, à une époque de leur vie où, précisément, ils commencent à coûter très cher. Et toutes celles et ceux qui ont indiqué le nombre de leurs enfants savent que c'est justement à partir de 16 ans qu'ils commencent à coûter cher. Le système actuel réduisait ces prestations à cet âge-là; la loi qui est proposée ici prévoit de les augmenter.
Le résultat des travaux de commission, sous la bienveillance du Conseil d'Etat, est un compromis. C'est un compromis sur des montants et sur notre capacité à supporter ce dispositif. C'est aussi un compromis politique avec un écueil qui n'est pas le moindre: si la loi que vous votez ce soir est frappée de référendum, elle ne pourra pas, Mesdames et Messieurs, pour une pure question de délais, entrer en vigueur pour le 1er janvier. Le Conseil d'Etat sera donc réduit à rendre obligatoire le dispositif fédéral, et tout le monde y aura perdu, parce que toutes les catégories dont je vous ai parlé ne toucheront pas d'allocations familiales. Les milieux qui seraient susceptibles de lancer un référendum savent parfaitement qu'ils risquent d'échouer devant le peuple et que, si l'entrée en vigueur de la loi est retardée, des dizaines et des dizaines de millions d'économies potentielles pourraient être réalisées pour les entreprises. J'ai le sentiment qu'il faut éviter cela: il faut donc trouver un compromis politique.
La commission parlementaire avait parfaitement travaillé et non moins parfaitement compris qu'il fallait préserver ces équilibres. Elle était arrivée, du reste, à trouver un accord avec tous les partis. A cette occasion, je salue aujourd'hui cette dynamique en matière familiale: on se serait cru dans le film «Mamma Mia», qui vient de sortir et qui vante les mérites des chansons d'Abba. On peut y voir un enfant qui a trois pères... Eh bien, en l'occurrence, ce compromis avait manifestement sept pères, puisque, tous, vous avez apporté votre pierre à l'édifice: les socialistes, les Verts, le PDC, les radicaux, les libéraux, l'UDC et le MCG. Tout du moins jusqu'à la dernière séance, où - c'est vrai, Monsieur Stauffer - vous avez pris des positions très divergentes de celles de votre prédécesseur.
Maintenant, il faut se poser une question de fond, à laquelle le Conseil d'Etat vous invite à réfléchir: quelle politique familiale voulons-nous ? Les allocations familiales sont-elles l'expression de la meilleure politique familiale ? Vous me permettrez, au nom du Conseil d'Etat, d'en douter. D'abord, parce que les allocations familiales sont financées - cela a été évoqué - par un prélèvement qui se fait exclusivement sur le travail. Dans un monde où - malheureusement ou heureusement: je sais qu'un certain nombre de forces politiques s'en émeuvent - la part du capital est aujourd'hui beaucoup plus forte dans la production de richesse, vous conviendrez qu'il est quand même un peu surprenant d'avoir un dispositif de politique familiale exclusivement centré sur des prélèvement sur les salaires, à l'heure où les revenus du capital explosent, à l'heure où il y a de plus en plus de rentiers qui sont de plus en plus riches, à l'heure où nous avons des enjeux en matière d'emploi.
Ensuite, les allocations familiales ont évidemment un autre défaut. Elles sont versées indistinctement aux familles riches comme aux familles les plus modestes. Et si l'on peut concevoir qu'aider les gens qui en ont besoin - c'est précisément ce que le Conseil d'Etat vous propose - puisse représenter un progrès social, il est quand même étonnant que ce dispositif aide des gens qui ont des revenus extrêmement conséquents et qui n'ont pas besoin des allocations familiales, même si aujourd'hui la loi fédérale nous oblige à leur en servir.
Alors, le Conseil d'Etat vous propose, puisque vous avez tous une volonté de développer des politiques familiales, d'autres pistes, et nous serons heureux de voir que vous les soutiendrez. Il s'agit tout d'abord de baisser l'impôt pour les familles, celles qui sont précisément aujourd'hui dans la situation la plus difficile. Les familles de la classe moyenne, dont les revenus déclarés avoisinent 65 000 F, qui, ne bénéficiant pas d'une série de prestations sociales dont nous pouvons être fiers, payent des impôts, y compris sur les allocations familiales qu'elles touchent. Ces familles se trouvent en réalité dans une situation - nous avons eu l'occasion d'en discuter récemment à la commission des affaires sociales, dans le cadre des projets de lois contre les effets de seuil - plus difficile que celles dont les revenus sont moindres mais qui bénéficient des aides sociales. Et cela est inacceptable, du point de vue de l'équité sociale !
Par ailleurs, le projet de loi que le Conseil d'Etat vous proposera permettra de déduire un certain nombre de frais, notamment les frais de garde, de tenir compte de ces derniers et, donc, d'avoir une politique sociale plus juste et plus ciblée.
Il permettra également de mettre en place des dispositifs d'aide sociale, pour aider, précisément, les familles en difficulté. Et - je l'ai indiqué pas plus tard qu'il y a quelques jours devant la commission des affaires sociales et devant la commission des finances - le Conseil d'Etat a l'intention de vous proposer la création de prestations complémentaires pour les familles en lieu et place de l'aide sociale. En effet, si, aujourd'hui, le fait d'avoir des enfants peut entraîner des personnes dans la pauvreté, cela ne doit pas, pour autant, les obliger à aller quémander leur aide sociale tous les mois devant une assistante ou un assistant social de l'Hospice général. Non que ce soit dégradant, mais le fait d'avoir des enfants ne devrait pas, si un effort public est fait pour les familles en difficulté, les obliger à passer par un système qui génère 28 F de frais administratif pour 72 F de prestations versées !
Et puis, il y a d'autres éléments de politique publique, qui sont des éléments de politique familiale, mais je n'y reviendrai pas ici, car elles dépendent des communes genevoises, en tout cas dans le cadre des compétences qu'elles ont aujourd'hui, à savoir la construction de crèches.
Le compromis politique qui a été trouvé est celui que le Conseil d'Etat vous propose de ratifier aujourd'hui, comme vous vous apprêtiez à le faire en commission... Ce compromis tient compte des différents équilibres et induit, en réalité, une politique sociale beaucoup plus juste que celle que vous préconisez, consistant à augmenter indistinctement les allocations familiales pour les riches comme pour les pauvres et à effectuer un prélèvement sur le travail exclusivement en imaginant que cela finance de manière équitable les prestations familiales... Ce n'est manifestement pas le cas !
Mesdames et Messieurs les députés, voilà pourquoi - en vous rappelant que le vote d'aujourd'hui est important - nous devons faire en sorte que cette nouvelle loi sur les allocations familiales puisse entrer en vigueur au 1er janvier. Nous ne pouvons nous permettre aucun risque sur le plan politique, notamment eu égard à un éventuel référendum. Je vous invite donc à voter le projet de loi du Conseil d'Etat, amendé des propositions qui ont reçu l'agrément de la majorité des membres de la commission - de la totalité, même, à un certain moment - et de vous en tenir à cela, et à cela seul ! (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la prise en considération du projet de loi 10237.
Mis aux voix, le projet de loi 10237 est adopté en premier débat par 82 oui et 1 abstention.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Mis aux voix, l'article 2 (nouvelle teneur, sans modification de la note) est adopté, de même que les articles 2A (nouveau) à 7A (nouveau).
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il y aura un petit problème de timing, car plusieurs amendements sont proposés à l'article 8; j'imagine que de nombreux députés voudront donc prendre la parole. Par conséquent, je vous propose d'interrompre nos travaux et de les reprendre à 20h30. Vu les amendements qui nous sont proposés, je crains que nous ne puissions terminer à temps. (Commentaires.) Comme vous parlez tous en même temps, je ne vous comprends pas: voulez-vous continuer la discussion, oui ou non ?
De voix. Oui !
D'autres voix. Non !
La présidente. Je n'ai toujours pas compris !
De voix. Oui !
D'autres voix. Non !
La présidente. Très bien ! Alors, nous continuons ! Nous sommes saisis d'un amendement présenté par le parti socialiste. Cet amendement est le plus éloigné de l'article 8 - vous l'avez toutes et tous reçu sur vos places. Je donne la parole à Mme Laurence Fehlmann Rielle pour qu'elle le développe.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Merci, Madame la présidente. Cette proposition d'amendements porte sur plusieurs alinéas de l'article 8, mais je ne ferai qu'une seule intervention, pour éviter les redites.
Comme nous l'avons déjà indiqué, la venue d'un enfant ne doit pas être une cause de précarité pour les familles. Même l'UDC en a convenu tout à l'heure ! Et le projet qui nous est soumis n'est pas assez généreux, nous vous l'avons dit sur tous les tons, notamment s'agissant de l'allocation - qui est trop modeste à nos yeux ! - pour le troisième enfant. M. Weiss a prétendu qu'elle représentait un apport majeur... A notre avis, ce n'est pas le cas ! D'ailleurs, même le canton de Vaud propose 420 F par mois pour le troisième enfant. Pour une fois, nous pourrions nous aligner sur les cantons romands plutôt que de faire une «genevoiserie». Il faut savoir que 125 000 jeunes sont concernés par les allocations familiales et que seuls 10 000 d'entre eux bénéficieront de l'augmentation pour le troisième enfant.
Quoi qu'il en soit - nous l'avons également signalé - l'absence d'indexation des allocations familiales depuis à peu près dix ans a représenté un véritable manque à gagner pour les familles et il faut absolument procéder à un rattrapage. C'est donc aussi le but des amendements proposés par le parti socialiste.
Enfin, la conjoncture actuelle reste favorable à Genève - en Suisse, en général - et le taux de contribution des employeurs sera environ de 2,4% - ce qui reste tout à fait dans la moyenne romande. Par conséquent, il est tout à fait exagéré et fallacieux de prétendre que cela «saignera» les employeurs ! Lors du débat sur la modification de la loi fédérale sur la modernisation des allocations familiales, l'USAM avait déjà déploré cette augmentation; elle avait même averti que cette modification pourrait entraîner des baisses de salaires et des reports. Nous sommes des politiques, et nous ne devons pas faire cas des menaces lancées par les milieux patronaux !
Servir des allocations familiales généreuses nous semble un investissement pour les entreprises et, surtout, pour la société. Nous vous demandons donc de soutenir notre proposition d'amendements à l'article 8, amendements qui portent sur les trois premiers alinéas et dont la nouvelle teneur est la suivante: «1 L'allocation de naissance ou d'accueil est de 2500 F. 2 L'allocation pour enfant est de: a) 300 F par mois pour l'enfant jusqu'à 16 ans; b) 350 F par mois pour l'enfant de 16 à 20 ans. 3 L'allocation de formation professionnelle est de 350 F par mois.» Je vous remercie de soutenir notre proposition.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Je dirai quelques mots sur l'amendement socialiste. Je remarque qu'entre l'austérité de la droite et la générosité de la gauche en matière sociale, il existe un juste milieu qui se veut en dehors des dogmes gauche/droite.
Pour le principe, nous soutiendrons la proposition d'amendements du parti socialiste. Nous pensons en effet qu'elle a peu de chance d'aboutir, étant donné les montants trop élevés qui sont suggérés. Et puis, la différence serait trop lourde à supporter pour les entreprises, surtout d'une manière aussi brutale.
Vous le verrez, le MCG propose des amendements plus raisonnables en termes de coût et qui permettent tout de même une avancée significative des prestations offertes en matière d'allocations familiales.
Je le répète: pour le principe, nous soutiendrons la proposition d'amendements de nos amis socialistes.
Mme Véronique Pürro (S). A mon tour d'apporter des éléments supplémentaires chiffrés pour défendre notre proposition.
Tout à l'heure, Mme Keller Lopez nous a rappelé qu'à Genève les coûts en matière de logement et de maladie sont parmi les plus élevés de Suisse. Je voudrais vous donner les chiffres révélés par une enquête. Un enfant «coûte» 1416 F par mois en frais directs... (L'oratrice est interpellée par M. Pierre Weiss.) Effectivement, je ne l'ai pas fait... J'aurais pu. Quoi qu'il en soit, pour les familles dont le revenu est moyen - dont je fais partie, Monsieur Weiss - ce chiffre est au-dessous de la réalité. Si vous pensez que les frais de crèche s'élèvent déjà à 1600 F par mois, ce montant de 1416 F - qui correspond au coût d'un enfant, en moyenne, en Suisse - est déjà largement dépassé. Et bien sûr qu'il est plus élevé à Genève. Toujours selon cette même enquête, cela représente - pour un enfant, de la naissance jusqu'à 20 ans - une dépense de 340 000 F pour un ménage avec un revenu moyen. Il est important de garder ces chiffres en tête, dans la mesure où nous sommes en train de vous proposer d'augmenter de quelques dizaines de francs les montants des allocations proposées par le Conseil d'Etat.
Nous avons très peu parlé d'un autre élément pourtant essentiel, c'est ce que coûte, en temps, un enfant. Bien souvent, c'est la mère qui donne ce temps en réduisant son taux d'activité, ce qui, par conséquent, réduit le revenu disponible pour la famille. Si l'on prend en compte les coûts supplémentaires engendrés par l'enfant et la baisse de revenus induite le plus souvent par la diminution du temps de travail, il est bien évident que les augmentations dérisoires que nous demandons n'arrivent pas à compenser la conjugaison de ces deux facteurs.
Je vous encourage donc vivement à prendre en considération tous ces éléments chiffrés et, bien sûr, le fait que nous sommes à Genève, pour les frais fixes, bien au-dessus de la moyenne suisse.
La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la proposition d'amendements que présente le parti socialiste sur les trois premiers alinéas de l'article 8. En voici la nouvelle teneur: «1 L'allocation de naissance ou d'accueil est de 2500 F. 2 L'allocation pour enfant est de: a) 300 F par mois pour l'enfant jusqu'à 16 ans; b) 350 F par mois pour l'enfant de 16 à 20 ans. 3 L'allocation de formation professionnelle est de 350 F par mois.» Madame Emery-Torracinta, voulez-vous la parole ? (Hors micro, Mme Anne Emery-Torracinta demande l'appel nominal. Appuyé.)
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 49 non contre 32 oui.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une autre proposition d'amendements. Elle est présentée par le groupe MCG, qui porte également sur l'article 8, mais aux alinéas 1, 2, 3 et 6. Monsieur le rapporteur de deuxième minorité, je vous cède la parole.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente. Vous voulez qu'on les traite tous en même temps ?
Des voix. Oui !
La présidente. Tout à fait ! On ne va pas entamer un débat pour chaque alinéa ! On les traite en même temps, cela nous permettra de gagner du temps... Et le temps, c'est de l'argent ! (Rires. Applaudissements.)
M. Eric Stauffer. Madame la présidente, vous avez parfois la langue bien pendue, et vous faites perdre aussi pas mal de temps à ce parlement ! (Commentaires.) Mais pas de problème, nous avons tous faim, alors nous traiterons les amendements ensemble !
J'aimerais tout de même expliquer plusieurs choses. Certains disent que les PME sont surtaxées... C'est vrai - nous l'avons dit, au MCG - mais notre idée est de soutenir en parallèle les mesures fiscales qui pourraient alléger les PME. Toutefois - nous l'avons signalé également - nous ne voulons pas réaliser des économies sur le dos des familles ! Pour aider les PME, il faut supprimer la taxe professionnelle communale et supprimer la taxe du tourisme, car elles n'aident pas les familles: elles vont directement dans la poche de l'Etat ! Du reste, on se demande bien, s'agissant de la taxe sur le tourisme, ce que l'Etat fait des dizaines de millions perçus. Et puis, Genève a une telle notoriété qu'il serait certainement possible de réduire drastiquement les salaires des présidents de l'Office du tourisme... Par exemple, ils pourraient éviter d'organiser des cocktails, comme à l'Aéroport international de Genève, dont certains ont été fournis par des députés.
Je reviens à notre proposition d'amendements et j'aimerais souligner un fait important. Je vous ai signalé que, à cause des PDC, nous n'avions même pas pu augmenter de 20 F l'allocation mensuelle pour les familles... Vous allez voir que le premier amendement déposé par le MCG porte sur l'allocation de naissance, qui est de 1500 F. (Brouhaha.) Or, en commission, un député libéral a présenté un amendement pour réduire cette allocation de naissance - je dis bien «réduire» ! - la faisant passer de 1500F à 1000 F. Quel a été le résultat des votes ? Eh bien, je vais vous le dire, Mesdames et Messieurs les députés: l'amendement des libéraux a été accepté par neuf voix pour - deux UDC, trois libéraux, deux radicaux et deux PDC - contre six voix - deux Verts, trois socialistes et un MCG. Par conséquent, si les PDC s'étaient opposés à cet amendement pour maintenir cette prime de natalité à 1500 F, il y aurait eu huit voix contre sept et cet amendement aurait été refusé ! Cela montre bien que les PDC ont trahi leur électorat: c'est à cause d'eux que la prime de natalité passera de 1500 F à 1000 F et que les allocations mensuelles resteront à 200 F, puisque l'augmentation de 20 F a été refusée. Ça, c'est la réalité ! Ça figure à la page 25 du rapport, et, pour ceux qui auraient des doutes, c'est consultable sur le site internet du Grand Conseil, sur le numéro du projet de loi qui défile actuellement sur vos écrans. (Brouhaha.)
Il faut donc dire clairement que vous défendez un capitalisme effréné, Monsieur Weiss, et cela n'est pas respectueux envers les citoyens ! Mais lorsque cette classe moyenne, que vous prétendez défendre, se rendra compte que, depuis plus d'une décennie, son pouvoir d'achat part dans les limbes, je pense que vous, les libéraux, vous pourrez vous faire du souci ! Parce que vous risquez d'être moins bien représentés dans cet hémicycle lors des prochaines élections cantonales !
Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande donc de soutenir le premier amendement présenté à l'article 8, alinéa 1, et de fixer à nouveau l'allocation de naissance ou d'accueil à 1500 F, dès le premier enfant. (Brouhaha.)
Je vous demande de soutenir également l'amendement présenté à l'article 8, alinéa 2, consistant à porter les allocations mensuelles au minimum fédéral: soit 250 F jusqu'à l'âge de 16 ans - ce qu'une famille touchera à Appenzell Rhodes-Intérieures - et cela d'autant qu'à Genève la vie est plus chère, et 350 F jusqu'à l'âge de 20 ans. Voilà pour le deuxième amendement !
Le troisième amendement proposé par le Mouvement Citoyens Genevois consiste à porter l'allocation de formation professionnelle à 350 F. (Brouhaha.)
Enfin, le dernier amendement que nous proposons concerne le renchérissement du coût de la vie, car nous trouvons que ce projet de loi ne propose rien de sérieux à cet égard. En effet, l'indexation des allocations sur le coût de la vie se fait - d'après le projet de loi du Conseil d'Etat - à condition que l'indice suisse des prix à la consommation ait augmenté d'au moins 5 points... (L'orateur est interpellé.) Ça a été supprimé ? Bref, ce n'est pas grave ! Nous demandons simplement de biffer la deuxième partie de cette phrase, car nous pensons que cette condition n'est pas pertinente. Et les primes doivent être indexées au coût de la vie chaque année. Comme l'a indiqué l'une de mes collègues, si les allocations avaient suivi le coût de la vie, elles seraient déjà de 220 F par mois. Or ce n'est pas le cas, elles sont toujours à 200 F.
Voilà, je pense avoir été assez concis ! J'ai fait un tir groupé sur ces amendements. (Remarque.) Vous pouvez rigoler... Il n'y a aucun problème ! Je le répète, Monsieur le député Weiss, nous n'avons pas les mêmes fréquentations...
M. Pierre Weiss. Heureusement !
M. Eric Stauffer. Heureusement, c'est sûr ! Vous fréquentez plutôt un monde feutré, les cocktails sous des lambris dorés... (Exclamations.) Je suis probablement plus proche de nos concitoyens, des gens de la rue... (Exclamations.) Mais oui ! Vous êtes déconnecté de la réalité, mais nous en reparlerons à l'occasion.
J'ai terminé et je demande de soutenir les amendements déposés par le Mouvement Citoyens Genevois.
La présidente. Merci, Monsieur le député ! Je vous informe que nous ne sommes plus sur Léman Bleu ! (Rires.) Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la proposition d'amendements présentée à l'article 8 par le MCG. L'appel nominal a été demandé par Mme Borgeaud. Est-il appuyé ? C'est le cas !
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 50 non contre 31 oui.
Mis aux voix, l'article 8 (nouvelle teneur, sans modification de la note) est adopté.
Mis aux voix, l'article 9 (abrogé) est adopté, de même que les articles 10 (nouvelle teneur, sans modification de la note) à 49 (lettre e, nouvelle).
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que les articles 2 et 3 (soulignés).
Troisième débat
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement présenté à l'article 8 par le groupe socialiste. Madame la rapporteure, je vous cède le micro.
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de première minorité. Merci, Madame la présidente. Le groupe socialiste constate avec regret que ses propositions n'ont pas été suivies. Nous vous proposons maintenant un amendement tout à fait consensuel. Il s'agit uniquement d'indexer les allocations familiales, comme le prévoit la loi actuelle. J'ai accompagné du détail de la loi J 5 05 l'amendement présenté à l'alinéa 3 et qui stipule ceci: «Après avoir consulté les milieux intéressés, le Conseil d'Etat propose au Grand Conseil, tous les deux ans, l'adaptation des montants prévus aux alinéas 1 et 2. L'indice d'adaptation est fixé sur la base de l'évolution des prix et des salaires.»
Cette indexation n'a jamais été proposée. Nous vous demandons simplement de profiter de la modification législative d'aujourd'hui pour indexer ces montants. Cela revient à faire passer l'allocation de naissance ou d'accueil à 1140 F - je vous ferai grâce des 3 francs supplémentaires - et l'allocation pour les enfants de moins de 16 ans à 220 F. En ce qui concerne les plus de 16 ans, elle était avant à 220 F; avec les 30 F relatifs au coût de la vie, cela la porte à 250 F. L'allocation prévue par le projet de loi du Conseil d'Etat correspond tout juste à cette augmentation.
Il ne s'agit donc pas de faire davantage pour les familles: il s'agit simplement de faire ce qui a été prévu au moment où la loi a été votée - en 1996, pour l'allocation d'accueil ou de naissance, et en 2001 pour l'allocation concernant les moins de 16 ans. Il s'agit simplement de respecter la loi ! J'en appelle ici à la conscience civique de toutes celles et ceux qui siègent dans ce parlement: nous sommes là pour rédiger des lois, mais également pour faire en sorte qu'elles soient respectées.
En me basant sur la démographie, j'ai aussi chiffré cette mesure, puisque c'est un élément que l'on nous demande souvent. Si l'on prend en considération 80 000 jeunes de moins de 16 ans et 5000 naissances, j'arrive, grosso modo, à 20 millions de francs, ce qui correspond, d'après les dires de M. Longchamp en commission, à une hausse du taux de contribution de 0,1%. C'est un effort minimal, qui correspond uniquement à la hausse du coût de la vie. Je demande donc instamment à toutes celles et tous ceux qui défendent habituellement la famille de soutenir cet amendement.
Je vous rappelle aussi qu'à Genève les familles - et elles sont très nombreuses - qui ont un ou deux enfants ne verront pas les allocations augmenter avec ce projet de loi, sauf si ces derniers ont plus de 16 ans. C'est donc le minimum que nous puissions faire ce soir.
La présidente. Merci, Madame la rapporteure. Monsieur Deneys, vous venez de vous inscrire... Voulez-vous prendre la parole ? (M. Roger Deneys acquiesce.) Vous l'avez.
M. Roger Deneys (S). Merci, Madame la présidente. Je voudrais revenir sur certains propos qui ont été tenus tout à l'heure quant au principe que les socialistes défendent en faveur des allocations familiales. C'est vrai, le montant des allocations familiales a une conséquence directe sur les politiques menées par les entreprises en matière salariale. La corrélation est évidente, on ne peut pas le nier !
Comme l'a évoqué le conseiller d'Etat, il est également vrai que cela pose problème de n'utiliser que la masse salariale - et pas d'autres outils - pour calculer le montant des primes à payer. Il n'empêche que, pour les socialistes, ce système permet quand même d'obtenir une bien meilleure solidarité que si l'on baissait la fiscalité. En effet, Mesdames et Messieurs les députés, les personnes aux revenus les plus bas ne payent déjà pas d'impôt. Alors, quand vous dites qu'il faut alléger les impôts des personnes qui ont des enfants, cela revient à n'enlever rien à rien, ce qui ne change rien ! Il est donc bien plus logique d'augmenter le montant des allocations familiales, notamment pour les personnes qui ont des revenus très bas. Je pense en particulier aux familles monoparentales. Ce sont le plus souvent des femmes - parfois, aussi, des hommes - qui travaillent à temps partiel et dont les revenus sont extrêmement bas. Dans ces cas, le montant des allocations familiales change considérablement la donne.
Et puis, Mesdames et Messieurs les députés, le système actuel, en pourcentage, introduit une solidarité entre les entreprises, avec, d'un côté, les petites entreprises - qui ont peu de salariés, de petits revenus, et qui, en fait, cotisent peu - et, de l'autre, les grandes entreprises, qui ont des revenus importants et cotisent bien davantage. Comme tout l'argent est reversé aux personnes qui bénéficient des allocations familiales, c'est évidemment une solidarité en faveur des plus bas revenus.
Mesdames et Messieurs les députés, il me semble que les amendements socialistes génèrent un coût supportable pour l'économie. C'est encore plus le cas avec ce dernier amendement, compte tenu de la hausse modeste de 0,1% qu'il induit. Quoi qu'il en soit, ce coût est supportable, et il ne peut pas représenter un problème pour l'économie genevoise dans son ensemble. Cela va entraîner des adaptations, mais ponctuellement.
Cela me permet, d'ailleurs et pour conclure, de revenir sur la position du MCG au cours de ces travaux.... J'ai quand même l'impression que M. Clairet s'est fait rouler dans la farine ! (Exclamations.)
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Le MCG soutiendra l'amendement des socialistes, farine ou pas farine, Monsieur Deneys ! Nous pensons effectivement que toute augmentation est bonne à prendre pour les familles. Nous attendons de voir si nos amis du PDC vont encore faire volte-face pour cette augmentation de 0,1%... (Commentaires.) Mais, bon, on n'en est plus à une trahison près, ce soir !
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets l'amendement socialiste présenté à l'article 8, consistant à adapter les allocations familiales au coût de la vie.
Une voix. Je demande le vote nominal !
La présidente. Le vote nominal est-il appuyé ?... Largement !
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 47 non contre 30 oui et 1 abstention.
La présidente. Madame la rapporteure, voulez-vous la parole ? (Commentaires.) Je vous la donne.
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de première minorité. Je voudrais juste faire une déclaration finale. Je suis extrêmement déçue de voir que, dans ce parlement, on ne respecte même pas les lois et que celles et ceux qui nous donnent régulièrement des leçons en matière de politique familiale sont tout simplement incapables d'accepter une indexation des allocations familiales - puisqu'il ne s'agit pas, comme l'a dit M. Stauffer, d'une augmentation.
Je le regrette infiniment, d'autant que j'entends souvent en commission M. Catelain ou M. Bertinat souhaiter une politique familiale plus généreuse. Et il en est de même pour les députés du PDC... Je le regrette d'autant plus, car, si l'on conçoit que certains partis politiques de cet échiquier défendent les entreprises, il n'en est pas de même pour d'autres. Je crois qu'il faut avoir le courage, en politique, de faire des choix: soit on défend les entreprises, soit on défend la famille et les plus démunis ! Mais on ne peut pas vouloir ménager la chèvre et le chou !
Certains ont fait des remarques relatives aux allocations familiales qui «arrosent» tout le monde... Certes ! Mais, comme je l'ai aussi expliqué, l'équilibre est en partie rétabli par le biais des impôts. Et puis, j'aimerais également insister sur un élément qui me paraît extrêmement important: si la politique sociale est uniquement ciblée sur les plus faibles et les plus démunis, cela casse le lien social et, pour finir, une partie de la population, notamment la classe moyenne - celle qui ne touche jamais rien - se sent oubliée et a l'impression de payer pour tous. Et ça, c'est très mauvais dans une société ! Une politique sociale moderne, c'est à la fois des prestations pour tous - c'est le cas de l'AVS: les riches touchent l'AVS, même s'ils n'en ont pas besoin - mais c'est aussi, en plus, des prestations ciblées pour les plus faibles et les plus démunis.
La présidente. Merci, Madame la rapporteure. Sont inscrits M. Eric Stauffer et M. Weiss. Le Bureau décide de clore la liste des orateurs. Ensuite, nous passerons au vote, nous commençons à avoir faim. (Rires.) Monsieur Stauffer, vous avez la parole.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente. Nous regrettons aussi l'attitude de certains partis. Nous pouvons dire aujourd'hui - et on s'en était déjà ouvert, dans cet hémicycle - que nous sommes les premiers à ne pas respecter certaines lois que nous avons votées. Nous en avons aujourd'hui la plus belle démonstration avec l'amendement présenté par le parti socialiste pour adapter les allocations au coût de la vie, conformément à la loi. Et, même sur ce point, les démocrates-chrétiens ont fait faux bond à leur électorat. Ils auraient pu - étant donné les sacrifices qu'ils ont consentis pour cette Entente devenue désormais aléatoire - prendre prétexte du respect de la loi, puisqu'ils ne sont pas très courageux et qu'il leur faut toujours des prétextes ! Or, même sur ce point précis, nous ne les avons pas trouvés ! Il faudra, Mesdames et Messieurs les députés - je le dis surtout à l'intention de nos amis PDC - changer de stratégie électorale, parce que je pense que ce débat fera date dans les annales genevoises. Les gens n'ont pas fini de parler de votre attitude de ce soir !
Mesdames et Messieurs, j'ai terminé. Le MCG acceptera toutefois le projet de loi 10237... (L'orateur est interpellé.) Le PL 10237, c'est bien ce que je dis ! Je conclurai en répétant que nous ne pouvons que regretter que les modestes avancées proposées n'aient pas été acceptées et que, de ce fait, les familles genevoises toucheront autant que celles qui vivent dans le fin fond du Valais...
Mme Anne Emery-Torracinta. Moins !
M. Eric Stauffer. Oui, moins, vous avez raison, chère collègue ! ...alors que la vie est bien plus chère à Genève ! Nous le regrettons !
La présidente. Monsieur Pétroz, vous voulez intervenir ? Nous avions clos la liste ! (Protestations. M. Pascal Pétroz renonce à s'exprimer.) Vous avez la parole, Monsieur Pierre Weiss, pour conclure.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Madame la présidente, je pense qu'il convient de rendre hommage à ceux qui ont été insultés ce soir... C'est ce que je tenais à dire dans un premier temps.
Deuxièmement, il y a, entre Mme Torracinta et moi, une différence quant au point où mettre le curseur: le sien est plus proche d'une ligne rose... (Brouhaha.) Le mien est plus proche... (Exclamations.) ...de la ligne de ce qui est possible pour les Genevois ! Il y a ceux, en effet, qui permettent aux familles de bénéficier de hausses d'allocations familiales dès le 1er janvier 2009, qui ont fait des compromis gagnants-gagnants: nous en sommes ! Entre ceux qui parlent et ceux qui réalisent, je préfère être du côté de ceux qui réalisent ! Certes, une politique sociale généreuse est une bonne chose, et celle de Genève est bonne !
Mais, pour la classe moyenne, Madame Emery-Torracinta, j'espère que vous soutiendrez le projet de loi sur la fiscalité, qui - comme dans le canton de Vaud que vous avez loué tout à l'heure - propose de baisser les impôts et préconise un bouclier fiscal ! D'avance, je vous remercie de votre soutien ! (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés, voulez-vous aller dîner ou pas ? Alors, soyez attentifs !
La loi 10237 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10237 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 60 oui et 18 abstentions.
La présidente. Nous devons encore nous prononcer sur le projet de loi 10243 - à l'appel nominal, je crois... Cette demande est-elle soutenue ? C'est le cas.
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet 10243 est rejeté en premier débat par 51 non contre 32 oui.
Le projet de loi 10206 est retiré par le Conseil d'Etat.
Le projet de loi 10207 est retiré par le Conseil d'Etat.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je lève la séance. Nous reprendrons nos travaux à 20h45. Bon appétit !
La séance est levée à 19h20.