Séance du
jeudi 28 août 2008 à
14h
56e
législature -
3e
année -
10e
session -
60e
séance
PL 10124-A
Suite du premier débat
La présidente. Plusieurs personnes s'étaient inscrites tout à l'heure afin de s'exprimer; la première d'entre elles est M. Pierre Weiss, à qui je cède la parole.
M. Pierre Weiss (L). Merci Madame la présidente. Puisque l'excellente proposition de mon collègue Gautier n'a pas été retenue par une majorité de ce Grand Conseil, nous avons donc continué à examiner, comme le dit si souvent avec conviction Mme la rapporteure de majorité, «sans tabou» le projet de loi qui nous est soumis. En nous rappelant qu'il s'agit ici d'examiner un projet de loi qui ne porte pas sur le bien-fondé des activités, mais sur l'octroi d'une aide financière ! Et c'est bien cela que nous devons avoir en tête.
A ce sujet, j'aimerais simplement insister sur trois points, qui sont d'ailleurs relevés dans le rapport de minorité de mon collègue Cuendet. Le premier est le respect des contrats. Quand on annonce, alors que l'on signe un contrat de prestations, que l'on se réserve le droit d'y déroger en fonction de l'évolution des buts de l'association, je crois que l'on introduit une incertitude dont on peut se demander si elle est compatible non seulement avec la bonne foi, mais aussi, sur le plan de l'esprit, avec la lettre de ce que doit être un contrat. Au fond, on dit qu'on peut faire une chose; on peut en faire une autre... Libre à nous de décider ce qui sera bon. Cela introduit donc un élément qui nous semble douteux.
Deuxièmement, le budget qui est soumis à votre approbation est un budget dont on a dit qu'il était peu réaliste. Il fait appel, comme pour les autres associations féminines dont on a parlé ce matin, à une augmentation des dons au fil des exercices, et là aussi il y a un réalisme à géométrie variable.
Et puis, il y a un troisième point qui doit être aussi souligné, quelle que soit l'association concernée. Lorsqu'on ne sait pas de façon exacte ce que va être le budget, parce que, précisément, on compte sur des dons, on fait en sorte de dire que l'on va adapter ses dépenses à ses recettes. Ce n'est manifestement pas le cas ici, on préfère vivre sur une fiction !
Raison pour laquelle, de manière tout à fait modérée en commission, une adaptation des dépenses - au fond, une adaptation de l'aide financière - avait été proposée; celle-ci n'a pas été retenue par une majorité de la commission. C'est la raison pour laquelle, lorsque nous en viendrons au vote, il sera très difficile de se prononcer en faveur de ce projet de loi, dans la mesure où la rigueur n'est pas absolue.
Je voudrais terminer avec un ultime élément qui montre que la rigueur n'est pas aussi grande qu'on pourrait le souhaiter: c'est la gestion des heures supplémentaires. Les personnes qui sont rémunérées par F-Information le sont à des montants que l'on peut considérer comme étant modestes. Leur salaire mensuel est pour le moins raisonnable, à la différence d'autres associations - qui ne sont d'ailleurs pas des associations féminines - que nous avons été appelés à examiner récemment à la commission des affaires sociales où, là, on adopte purement et simplement les salaires de l'Etat. Non, ici les salaires sont modestes. Mais que fait-on ? Les salaires sont gonflés par l'utilisation des heures supplémentaires ! Alors, je pense qu'à l'avenir on pourrait demander à cette association de jouer de façon franche, cartes sur tables, de façon que les salaires correspondent à la réalité de ce que les gens vont percevoir. Et que l'on ne joue pas avec l'utilisation des heures supplémentaires; cela introduit un petit élément qui nuit à la crédibilité de l'action, menée par une gestion du personnel peu rigoureuse.
Voilà aussi une autre raison pour laquelle c'est avec difficulté qu'on pourra, pour certains d'entre nous, se résoudre à être favorables à ce projet de loi. Je vous remercie, Madame la présidente.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Mesdames et Messieurs les députés, étant moi-même présidente d'une association où les femmes sont grandement présentées et concernées, je ne peux pas laisser dire que l'on va quantifier le nombre de celles qui ont besoin de nous. D'ailleurs, comment voulez-vous procéder ? Qui peut savoir à l'avance que telle ou telle personne aura besoin de demander de l'aide auprès d'une association ?! Si je prends l'exemple d'une association venant en aide aux femmes battues, comment savoir à l'avance combien de femmes vont être tabassées par leur mari ? Soyons cohérents !
La femme est l'égale de l'homme - et elle a été créée ainsi afin que l'humanité puisse se perpétuer et évoluer. Mettons un terme à l'ère de la préhistoire et aidons les femmes qui ont besoin d'être reconnues: en tant qu'êtres humains, tout d'abord, et également pour leurs compétences et leur savoir-faire. Aussi, Messieurs, soyez respectueux et galants envers celles qui vous ont donné la vie !
M. Mario Cavaleri (PDC). Merci de me donner la parole, Madame la présidente, mais, compte tenu du fait qu'il vaudrait mieux boucler le débat, je renonce à m'exprimer.
La présidente. Avant de clore la liste des intervenants, je signale que la parole avait été demandée par M. Odier... qui renonce aussi. Je la donne à Mme la rapporteuse de majorité.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC), rapporteuse de majorité. Pour clore ce débat, voici quand même quelques rappels importants. La commission, dans sa majorité, a constaté qu'on ne pouvait pas en vouloir à une association qui met tout en oeuvre aussi pour rechercher des dons et, de ce fait, peut-être alléger à l'avenir les charges et les subventions. Je crois que quand on parle d'adaptation des prestations, c'est parce que dans la vraie vie il y a une réalité qui fait que, demain, il peut y avoir d'autres besoins et que c'est la responsabilité des associations de s'y adapter.
Les évaluations ne sont pas des tabous. En 2011, sur des critères tout à fait objectifs, il y aura des évaluations qu'aucune association féminine, et en aucun cas F-Information, ne pourrait réfuter.
Ensuite, quand on parle de réorganisation, voire de rationalisation, à nouveau il n'y a pas de tabou ! Et, vous le savez, Madame la présidente, les associations féminines ne font que de se réorganiser depuis qu'elles sont utiles à notre société. Alors, leur demander de mieux se regrouper par thème, pourquoi pas, mais aujourd'hui nous devons travailler sur le projet de loi de F-Information: le travail de député est d'estimer le rapport qualité/prix/prestations offerts par une association comme F-Information, et si ces prestations étaient délivrées par un service de l'Etat - plusieurs d'entre vous ont déjà pu le constater - bien évidement que cela coûterait beaucoup plus cher !
Quant à ceux qui s'inquiètent toujours de savoir s'il y a une transparence au sein des associations féminines, eh bien, on ne peut que les encourager à aller les rencontrer ! Sinon on pourrait finalement se poser des questions sur la place qu'ils réservent aux femmes dans notre société...
Je rappelle juste que la commission, dans sa majorité, a bien compris l'importance d'une association comme F-Information et je vous remercie de bien vouloir accepter ce projet de loi.
M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de minorité. J'aimerais juste revenir sur deux ou trois propos que nous avons entendus, tout d'abord sur ceux de M. Bavarel qui mérite largement sa carte dans l'aile néolibérale du parti libéral, puisqu'il a employé les mots «concurrence», «fusions», «business», «dynamique du privé»... Tout cela me ravirait si nous étions en situation de véritable concurrence sur un marché ouvert ! Ici, nous nous trouvons en présence d'associations dont la part de subventionnement atteint facilement les 90% voire plus. Evidemment que, dans ce contexte-là, la notion de concurrence devient toute relative et celle de «business plan» également. Je pense que ces termes, propres à l'excellente économie de marché, n'ont pas toute leur place dans cette discussion.
Deuxièmement, M. Bavarel affirme à plusieurs reprises que les associations, dans leur immense majorité, ont une attitude précautionneuse... Oui, c'est une affirmation comme beaucoup d'autres. Mais le travail de la commission des finances est justement de vérifier que c'est le cas... (Remarque.) L'étude des contrats de prestations fournit cette opportunité, ce qui n'a pas été fait durant les années précédentes, et c'est une occasion unique de se pencher davantage sur la façon dont ces entités sont gérées.
Et c'est là où je réponds à M. Charbonnier, qui, à la commission de finances, nous critique - nous particulièrement, les libéraux - en nous reprochant d'ergoter sur des contrats de prestations alors que les commissions spécialisées ont établi de magnifiques préavis. Parfois, ces derniers sont limités à leur portion - je dirai, pour être poli - «congrues», puisqu'il s'agit parfois d'une demi-page avec les signatures; et parfois même, les entités n'ont pas été entendues... On l'a vu. Donc, cela doit relativiser la portée de ces préavis, dans certains cas, et, surtout, ne pas empêcher la commission des finances d'effectuer son travail.
Nous avons vu aux cours de nos travaux que le dossier, notamment celui de F-Information, était particulièrement lacunaire, ce qui nous a obligés à demander des compléments d'information; ils nous ont certes été fournis, mais après une certaine attente. Il ne faut donc pas, non plus, dire que ces contrats doivent être avalés tout crus sans aucune question !
Il y a aussi une forme de contradiction. M. Bavarel nous parle de mariages forcés - on nous parle de fusions, de kolkhozes, de toutes sortes de choses... Alors que hier, à la commission des finances, à l'exception du très clairvoyant Alberto Velasco, les autres membres de la commission ont, à l'unanimité, et avec enthousiasme, voté une invite sous forme d'une résolution au Conseil d'Etat pour que ce dernier persévère dans la voie de la favorisation des synergies entre ces associations ! Et aujourd'hui, des bancs d'en face, on vient nous dire exactement le contraire ! Je trouve qu'il y a une certaine contradiction.
Enfin, l'excellent député PDC, M. Cavaleri, est venu avec l'argument massue final: «Nous ne parlons que de 25 000 F» ! Combien de fois n'a-t-on pas entendu cet argument à la commission des finances ? On ergote aussi durant des heures sur des montants ridicules...
Je vous rappelle que, si l'on accumule toutes les entités qui bénéficient des largesses de l'Etat, dans leur ensemble les subventions représentent environ 3 milliards du budget. Et si l'on additionne 25 000 F par-ci et 25 000 F par-là, à raison de plusieurs centaines d'entités, on arrive vite à des sommes considérables ! Donc, cet argument du petit montant me paraît totalement déplacé, d'autant plus en cette période de retournement de conjoncture, où l'on prend des engagements sur quatre ans et alors que tout le monde sait pertinemment que les rentrées vont baisser. Ainsi, il n'est absolument pas responsable de dire que 25 000 F, dans le fond, ce sont des «peanuts» et que l'on doit accepter cela sans sourciller !
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il fut un temps à Genève où le subventionnement des associations obéissait à des règles pour le moins obscures, voire franchement opaques. Le Conseil d'Etat et votre Grand Conseil ont voulu une clarification qui s'exprime dans les règles de la LIAF. Le changement est énorme ! Il est considérable, il est fondamentalement positif, dès lors qu'il oblige les associations à des efforts de gestion, dès lors qu'il oblige le Conseil d'Etat à des efforts de contrôle et dès lors qu'il vous permet de mieux apprécier les demandes de subventions qui vous sont fournies. Il est ainsi légitime qu'à chaque dossier qui vous est soumis vous procédiez à un examen attentif.
Mais, devant un changement aussi considérable, il ne faudrait pas en venir à des catastrophes que finalement personne ne veut. A savoir que, tout d'un coup, une association de l'importance de F-Information soit mise en péril ou que sa subvention soit carrément refusée. Les contrats de prestations prévoient un certain nombre de dispositions, d'évaluations, de contrôles, et il va de soi qu'en cours de contrat on peut s'apercevoir que, pour avoir une chance de revenir solliciter une subvention, il faudra améliorer tel ou tel point. Tout cela pour vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que bien entendu le Conseil d'Etat soutient le rapport de majorité, qui est conforme au projet qu'il avait lui-même déposé, et que, attentif aux différentes critiques émises, il vous invite à une certaine patience ! Car on ne peut passer d'un système dont, une fois encore, nous admettons tous les imperfections, à un système d'une rigueur telle qu'on est presque en train de se demander sur certains points s'il n'est pas trop rigoureux tant l'effort administratif réclamé de petites associations est démesuré par rapport à la subvention qu'on leur verse ! Ce n'est pas le cas avec F-Information qui est une grande association, mais je vous y rends attentifs. Il ne faudrait pas que, par un brutal retour de balancier, on en vienne à des excès inverses à ceux qu'on a connus !
Vous avez, Monsieur le député Weiss, rappelé la nécessité de la bonne foi dans les contrats, à juste titre, mais pas pour la raison que vous avez invoquée. Simplement, ces contrats assez extraordinaires sur quatre ans, avec des réserves - notamment le vote du budget - et avec des évaluations, ont forcément une certaine clause de souplesse. Et c'est précisément une question de bonne foi de l'Etat et des associations que de s'adapter. Evidemment, non pas de faire autre chose, voire le contraire de ce pourquoi la subvention est donnée, mais simplement de s'adapter à un certain nombre de réalités.
Pour le surplus, j'ai effectivement l'impression que, selon les associations que vous examinez, certains mettent des lunettes plus troubles, d'autres, des lunettes plus perspicaces... Je crois que ça n'est pas très opportun en l'occurrence. Par conséquent, je vous demande d'accepter le projet de loi tel qu'il a été déposé par le Conseil d'Etat et comme vous le recommande la majorité de votre commission.
Mis aux voix, le projet de loi 10124 est adopté en premier débat par 45 oui contre 26 non.
Deuxième débat
La présidente. Je mets aux voix, le titre et le préambule... (Commentaires.) Monsieur le rapporteur de minorité, vous demandez la parole, je vous la donne.
M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de minorité. Evidemment que si l'on veut présenter un amendement sur le montant, il faut faire amender le titre. Et si l'amendement, par impossible et par hypothèse, venait à être refusé, je ne le représenterai plus pour le reste de la loi.
Je propose donc l'amendement suivant sur le titre de ce projet de loi: «La commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat accordant une aide financière annuelle de 490 000 F à l'association F-Information pour les années 2008-2011».
La présidente. Monsieur le rapporteur, vous proposez cet amendement dans le titre déjà... Je vous informe tout simplement que si cet amendement est accepté, on ne pourra plus travailler sur ce projet de loi, il faudra tout renvoyer à la commission des finances. Parce que le contrat de prestations est annexé au rapport et qu'il faudra l'étudier de toute façon, puisqu'il devra être modifié ! Je vous rends attentif à cela.
Nous allons donc nous prononcer sur cette proposition d'amendement visant à abaisser la subvention de 515 000 F à 490 000 F.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 47 non contre 26 oui.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 10.
Troisième débat
La loi 10124 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10124 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 48 oui contre 26 non et 3 abstentions.
La présidente. Nous passons au point suivant. (Brouhaha. Remarque.) Oui, Monsieur Velasco, il s'agit du point 27, et je vous donnerai la parole ensuite. (Commentaires.) Madame la rapporteure, vous me faites signe que votre micro ne fonctionne pas: installez-vous à côté, chez votre collègue.