Séance du
jeudi 28 août 2008 à
14h
56e
législature -
3e
année -
10e
session -
60e
séance
La séance est ouverte à 14h, sous la présidence de Mme Loly Bolay, présidente.
Assistent à la séance: MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, Pierre-François Unger, Charles Beer et François Longchamp, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. David Hiler, Robert Cramer et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. David Amsler, Christophe Aumeunier, Caroline Bartl Winterhalter, Antoine Bertschy, Didier Bonny, Marcel Borloz, Beatriz de Candolle, Michel Halpérin, Andreas Meister, Yves Nidegger, Ivan Slatkine, René Stalder et François Thion, députés.
La présidente. Nous avons reçu de notre collègue, Mme Gabrielle Falquet, sa lettre de démission de son mandat de députée, qui prendra effet à l'issue de cette séance. Je prie Mme la secrétaire de bien vouloir procéder à la lecture de ce courrier 2655. (Applaudissements à l'issue de cette lecture.)
La présidente. Il est pris acte de cette démission. Mme Gabrielle Falquet a siégé au Grand Conseil pendant près de trois ans. Elue en 2005 sur la liste du parti socialiste, elle a participé aux travaux des commissions suivantes: droits politiques, logement, affaires sociales, énergie et Services industriels, de même qu'à la commission de grâce. Au cours de ces années, Mme Falquet nous a fait partager son engagement et sa sensibilité pour les questions sociales: sa passion. C'est le domaine de l'enseignement qui a conduit Mme Falquet à nous présenter sa démission, afin de pouvoir se consacrer à ses fonctions de directrice d'école. Nous lui souhaitons plein succès pour ce nouveau défi et lui remettons, bien sûr, le traditionnel stylo souvenir. (La présidente remet le stylo souvenir à Mme Gabrielle Falquet. Applaudissements.)
Je donne la parole à la cheffe du groupe socialiste, Mme Emery-Torracinta.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chère Gabrielle, je dois dire que c'est avec une certaine tristesse et beaucoup de regret que j'ai appris que notre collègue allait démissionner. En effet, je crois que lorsqu'on a son expérience politique - avoir été, pendant de nombreuses années, conseillère administrative d'une commune et avoir été encore, comme elle le dit, proche du terrain - c'est extrêmement précieux pour un parti, notamment pour le parti socialiste.
J'aimerais juste vous raconter quelque chose d'un peu plus personnel. Lorsque j'étais candidate en même temps que Gabrielle, sur notre liste, l'une de mes amies, collègue de Gabrielle, m'avait dit: «Tu verras, c'est un roc.» Mais c'était dit d'une manière très gentille: «C'est un roc», c'est-à-dire qu'il s'agit de quelqu'un de fiable, de solide, sur lequel on peut compter en politique. Et dans un groupe parlementaire, Mesdames et Messieurs les députés, c'est un élément très important !
C'est pourquoi, indépendamment de l'amitié que je porte à Gabrielle, je regrette son départ, de même, un peu, que le côté désabusé de sa lettre. Mais je crois que Gabrielle n'est pas la seule dans ce parlement à s'inquiéter des lenteurs de la démocratie... Or j'imagine qu'il vaut mieux une démocratie un peu lente qu'une tyrannie rapide - et efficace, qui sait ?
En tout cas, chère Gabrielle, au nom du groupe socialiste, nous te félicitons de ta nouvelle fonction. Nous te félicitons aussi d'avoir fait le choix de quitter le parlement malgré tout, parce qu'au fond il n'y avait pas d'obligation légale à cela. Et je crois que c'est tout à ton honneur de ne pas vouloir amalgamer ta tâche de directrice d'école, poste important qui sera exposé ces prochains mois, avec ton mandat de députée. Merci Gabrielle ! (Applaudissements.)
M. Pierre Weiss (L). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, au nom de tous mes collègues libéraux, notamment des anciens magistrats communaux libéraux, je tenais à dire à Gabrielle notre regret de la voir quitter ce parlement. Elle a quitté déjà la commune, aujourd'hui elle quitte le parlement; elle rallie une mission beaucoup plus difficile, celle de faire obéir des maîtres, mais... (Remarque.) ... éventuellement des parents ! Dans des conseils, dans des soviets de parents ! Mais Gabrielle a toujours su faire preuve non seulement d'intelligence, mais aussi de coeur, d'honnêteté, de fermeté, de conviction, et toujours avec le sourire.
Je voudrais simplement lui dire que je n'ai qu'un regret, c'est qu'il n'existe pas, pour le groupe socialiste en tout cas, la possibilité des postes de députés à mi-temps, moitié pour elle, moitié pour celui qui la remplacera - c'est-à-dire notre ami Charollais qui va nous rejoindre - ç'aurait été la possibilité de la garder, au fond, d'avoir le meilleur de deux mondes ! Bon vent, Gabrielle ! (Applaudissements.)
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chère Gabrielle, c'est avec une certaine surprise, et regret à la fois, que je vois partir une ancienne collègue, d'une commune proche de deux conseillers administratifs que nous côtoyons de temps en temps, puisque Vernier et Meyrin étaient appelés à collaborer. Aujourd'hui Gabrielle nous quitte, parce qu'elle va rejoindre et reprendre la direction d'une des écoles de Meyrin. C'est dire si, à la fois, je suis satisfait et confiant en le corps enseignant, et plus particulièrement par le truchement de Gabrielle Falquet qui va se consacrer à cette tâche d'enseignante qu'elle a toujours affectionnée. Chère Gabrielle, être enseignante et directrice, c'est difficile, tu le sais mieux que quiconque.
Tu as été également une conseillère administrative pondérée, qui a su écouter. Ici, je comprends que tu sois parfois désabusée quant à ce qui se passe dans ce parlement. Quand on a siégé à l'exécutif, on aime les choses efficaces, on aime, dans le respect de la démocratie, que cela avance ! Et les lenteurs, parfois - quand bien même c'est la démocratie qui s'applique - eh bien, les lenteurs sont un frein à l'efficacité.
Chère Gabrielle, tu as été, je dirai, «une lumière» dans ce parlement et...
Une voix. Oui !
M. Jean-Claude Ducrot. ...et si je devais te comparer à des fleurs, je dirai ceci: la plus belle des fleurs, quelle qu'elle soit, fanera plus vite que toi, parce que tu as toujours le sourire ! Bonne chance, Gabrielle ! (Exclamations. Applaudissements.)
La présidente. Quels magnifiques compliments ! Tu les mérites bien, Gabrielle !
La présidente. Mme Nicole Castioni, première candidate vient-ensuite, ayant renoncé à son mandat de députée en raison d'une incompatibilité avec le mandat de juge assesseur au Tribunal de police, la commission des droits politiques a examiné la compatibilité du dossier d'un autre candidat, également vient-ensuite, soit de M. Thierry Charollais, tel que M. Weiss nous l'a indiqué... (Commentaires.) Qu'ai-je dit ?
Des voix. C'est Charollais !
La présidente. C'est bien cela. Et le rapport est de M. Claude Selleger...
Des voix. «Charles» !
La présidente. J'ai un problème avec les prénoms ! Le rapport oral est donc de M. Charles Selleger, à qui je donne la parole.
M. Charles Selleger (R), rapporteur. La commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil a examiné hier la liste des liens d'intérêts de M. Thierry Charollais, appelé à siéger en remplacement de Mme Gabrielle Falquet, démissionnaire.
M. Thierry Charollais est membre du parti socialiste. Licencié en sciences politiques et en géographie, il exerce la profession de documentaliste. La commission n'a décelé aucune incompatibilité entre les éléments contenus dans cette liste et la charge de député. A l'unanimité, la commission vous invite donc à accepter M. Thierry Charollais au sein du Grand Conseil.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport oral.
La présidente. M. Charollais prêtera serment aujourd'hui à 17h.
Liens d'intérêts de M. Thierry Charollais (S)
Université, licences en sciences politiques et géographie
Documentaliste
Syndicat suisse des médias (SSM)
Communication de la présidence
La présidente. Si vous le permettez, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme Natacha Andaloro, engagée le 1er juin 2008 comme huissière du Conseil d'Etat, et à M. Pierre Gruffat, également engagé comme huissier du Conseil d'Etat le 1er juillet 2008.
Nous accueillons ces personnes avec plaisir, d'autant plus qu'elles nous aident lorsque des démarches doivent être effectuées pour le Grand Conseil. Merci, Madame et Monsieur ! Nous vous souhaitons la bienvenue, de même qu'une belle carrière au sein de l'Etat ! (Applaudissements.)
Annonces et dépôts
Néant.
Annonce: Session 09 (juin 2008) - Séance 49 du 13.06.2008
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 09 (juin 2008) - Séance 49 du 13.06.2008
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 09 (juin 2008) - Séance 49 du 13.06.2008
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 10 (juin 2008) - Séance 56 du 27.06.2008
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 10 (juin 2008) - Séance 56 du 27.06.2008
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 10 (juin 2008) - Séance 56 du 27.06.2008
Cette interpellation urgente écrite est close.
La présidente. Nous poursuivons avec le point 26, PL 10124-A, que nous avons déjà commencé à examiner avant la pause.
Suite du premier débat
La présidente. Plusieurs personnes s'étaient inscrites tout à l'heure afin de s'exprimer; la première d'entre elles est M. Pierre Weiss, à qui je cède la parole.
M. Pierre Weiss (L). Merci Madame la présidente. Puisque l'excellente proposition de mon collègue Gautier n'a pas été retenue par une majorité de ce Grand Conseil, nous avons donc continué à examiner, comme le dit si souvent avec conviction Mme la rapporteure de majorité, «sans tabou» le projet de loi qui nous est soumis. En nous rappelant qu'il s'agit ici d'examiner un projet de loi qui ne porte pas sur le bien-fondé des activités, mais sur l'octroi d'une aide financière ! Et c'est bien cela que nous devons avoir en tête.
A ce sujet, j'aimerais simplement insister sur trois points, qui sont d'ailleurs relevés dans le rapport de minorité de mon collègue Cuendet. Le premier est le respect des contrats. Quand on annonce, alors que l'on signe un contrat de prestations, que l'on se réserve le droit d'y déroger en fonction de l'évolution des buts de l'association, je crois que l'on introduit une incertitude dont on peut se demander si elle est compatible non seulement avec la bonne foi, mais aussi, sur le plan de l'esprit, avec la lettre de ce que doit être un contrat. Au fond, on dit qu'on peut faire une chose; on peut en faire une autre... Libre à nous de décider ce qui sera bon. Cela introduit donc un élément qui nous semble douteux.
Deuxièmement, le budget qui est soumis à votre approbation est un budget dont on a dit qu'il était peu réaliste. Il fait appel, comme pour les autres associations féminines dont on a parlé ce matin, à une augmentation des dons au fil des exercices, et là aussi il y a un réalisme à géométrie variable.
Et puis, il y a un troisième point qui doit être aussi souligné, quelle que soit l'association concernée. Lorsqu'on ne sait pas de façon exacte ce que va être le budget, parce que, précisément, on compte sur des dons, on fait en sorte de dire que l'on va adapter ses dépenses à ses recettes. Ce n'est manifestement pas le cas ici, on préfère vivre sur une fiction !
Raison pour laquelle, de manière tout à fait modérée en commission, une adaptation des dépenses - au fond, une adaptation de l'aide financière - avait été proposée; celle-ci n'a pas été retenue par une majorité de la commission. C'est la raison pour laquelle, lorsque nous en viendrons au vote, il sera très difficile de se prononcer en faveur de ce projet de loi, dans la mesure où la rigueur n'est pas absolue.
Je voudrais terminer avec un ultime élément qui montre que la rigueur n'est pas aussi grande qu'on pourrait le souhaiter: c'est la gestion des heures supplémentaires. Les personnes qui sont rémunérées par F-Information le sont à des montants que l'on peut considérer comme étant modestes. Leur salaire mensuel est pour le moins raisonnable, à la différence d'autres associations - qui ne sont d'ailleurs pas des associations féminines - que nous avons été appelés à examiner récemment à la commission des affaires sociales où, là, on adopte purement et simplement les salaires de l'Etat. Non, ici les salaires sont modestes. Mais que fait-on ? Les salaires sont gonflés par l'utilisation des heures supplémentaires ! Alors, je pense qu'à l'avenir on pourrait demander à cette association de jouer de façon franche, cartes sur tables, de façon que les salaires correspondent à la réalité de ce que les gens vont percevoir. Et que l'on ne joue pas avec l'utilisation des heures supplémentaires; cela introduit un petit élément qui nuit à la crédibilité de l'action, menée par une gestion du personnel peu rigoureuse.
Voilà aussi une autre raison pour laquelle c'est avec difficulté qu'on pourra, pour certains d'entre nous, se résoudre à être favorables à ce projet de loi. Je vous remercie, Madame la présidente.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Mesdames et Messieurs les députés, étant moi-même présidente d'une association où les femmes sont grandement présentées et concernées, je ne peux pas laisser dire que l'on va quantifier le nombre de celles qui ont besoin de nous. D'ailleurs, comment voulez-vous procéder ? Qui peut savoir à l'avance que telle ou telle personne aura besoin de demander de l'aide auprès d'une association ?! Si je prends l'exemple d'une association venant en aide aux femmes battues, comment savoir à l'avance combien de femmes vont être tabassées par leur mari ? Soyons cohérents !
La femme est l'égale de l'homme - et elle a été créée ainsi afin que l'humanité puisse se perpétuer et évoluer. Mettons un terme à l'ère de la préhistoire et aidons les femmes qui ont besoin d'être reconnues: en tant qu'êtres humains, tout d'abord, et également pour leurs compétences et leur savoir-faire. Aussi, Messieurs, soyez respectueux et galants envers celles qui vous ont donné la vie !
M. Mario Cavaleri (PDC). Merci de me donner la parole, Madame la présidente, mais, compte tenu du fait qu'il vaudrait mieux boucler le débat, je renonce à m'exprimer.
La présidente. Avant de clore la liste des intervenants, je signale que la parole avait été demandée par M. Odier... qui renonce aussi. Je la donne à Mme la rapporteuse de majorité.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC), rapporteuse de majorité. Pour clore ce débat, voici quand même quelques rappels importants. La commission, dans sa majorité, a constaté qu'on ne pouvait pas en vouloir à une association qui met tout en oeuvre aussi pour rechercher des dons et, de ce fait, peut-être alléger à l'avenir les charges et les subventions. Je crois que quand on parle d'adaptation des prestations, c'est parce que dans la vraie vie il y a une réalité qui fait que, demain, il peut y avoir d'autres besoins et que c'est la responsabilité des associations de s'y adapter.
Les évaluations ne sont pas des tabous. En 2011, sur des critères tout à fait objectifs, il y aura des évaluations qu'aucune association féminine, et en aucun cas F-Information, ne pourrait réfuter.
Ensuite, quand on parle de réorganisation, voire de rationalisation, à nouveau il n'y a pas de tabou ! Et, vous le savez, Madame la présidente, les associations féminines ne font que de se réorganiser depuis qu'elles sont utiles à notre société. Alors, leur demander de mieux se regrouper par thème, pourquoi pas, mais aujourd'hui nous devons travailler sur le projet de loi de F-Information: le travail de député est d'estimer le rapport qualité/prix/prestations offerts par une association comme F-Information, et si ces prestations étaient délivrées par un service de l'Etat - plusieurs d'entre vous ont déjà pu le constater - bien évidement que cela coûterait beaucoup plus cher !
Quant à ceux qui s'inquiètent toujours de savoir s'il y a une transparence au sein des associations féminines, eh bien, on ne peut que les encourager à aller les rencontrer ! Sinon on pourrait finalement se poser des questions sur la place qu'ils réservent aux femmes dans notre société...
Je rappelle juste que la commission, dans sa majorité, a bien compris l'importance d'une association comme F-Information et je vous remercie de bien vouloir accepter ce projet de loi.
M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de minorité. J'aimerais juste revenir sur deux ou trois propos que nous avons entendus, tout d'abord sur ceux de M. Bavarel qui mérite largement sa carte dans l'aile néolibérale du parti libéral, puisqu'il a employé les mots «concurrence», «fusions», «business», «dynamique du privé»... Tout cela me ravirait si nous étions en situation de véritable concurrence sur un marché ouvert ! Ici, nous nous trouvons en présence d'associations dont la part de subventionnement atteint facilement les 90% voire plus. Evidemment que, dans ce contexte-là, la notion de concurrence devient toute relative et celle de «business plan» également. Je pense que ces termes, propres à l'excellente économie de marché, n'ont pas toute leur place dans cette discussion.
Deuxièmement, M. Bavarel affirme à plusieurs reprises que les associations, dans leur immense majorité, ont une attitude précautionneuse... Oui, c'est une affirmation comme beaucoup d'autres. Mais le travail de la commission des finances est justement de vérifier que c'est le cas... (Remarque.) L'étude des contrats de prestations fournit cette opportunité, ce qui n'a pas été fait durant les années précédentes, et c'est une occasion unique de se pencher davantage sur la façon dont ces entités sont gérées.
Et c'est là où je réponds à M. Charbonnier, qui, à la commission de finances, nous critique - nous particulièrement, les libéraux - en nous reprochant d'ergoter sur des contrats de prestations alors que les commissions spécialisées ont établi de magnifiques préavis. Parfois, ces derniers sont limités à leur portion - je dirai, pour être poli - «congrues», puisqu'il s'agit parfois d'une demi-page avec les signatures; et parfois même, les entités n'ont pas été entendues... On l'a vu. Donc, cela doit relativiser la portée de ces préavis, dans certains cas, et, surtout, ne pas empêcher la commission des finances d'effectuer son travail.
Nous avons vu aux cours de nos travaux que le dossier, notamment celui de F-Information, était particulièrement lacunaire, ce qui nous a obligés à demander des compléments d'information; ils nous ont certes été fournis, mais après une certaine attente. Il ne faut donc pas, non plus, dire que ces contrats doivent être avalés tout crus sans aucune question !
Il y a aussi une forme de contradiction. M. Bavarel nous parle de mariages forcés - on nous parle de fusions, de kolkhozes, de toutes sortes de choses... Alors que hier, à la commission des finances, à l'exception du très clairvoyant Alberto Velasco, les autres membres de la commission ont, à l'unanimité, et avec enthousiasme, voté une invite sous forme d'une résolution au Conseil d'Etat pour que ce dernier persévère dans la voie de la favorisation des synergies entre ces associations ! Et aujourd'hui, des bancs d'en face, on vient nous dire exactement le contraire ! Je trouve qu'il y a une certaine contradiction.
Enfin, l'excellent député PDC, M. Cavaleri, est venu avec l'argument massue final: «Nous ne parlons que de 25 000 F» ! Combien de fois n'a-t-on pas entendu cet argument à la commission des finances ? On ergote aussi durant des heures sur des montants ridicules...
Je vous rappelle que, si l'on accumule toutes les entités qui bénéficient des largesses de l'Etat, dans leur ensemble les subventions représentent environ 3 milliards du budget. Et si l'on additionne 25 000 F par-ci et 25 000 F par-là, à raison de plusieurs centaines d'entités, on arrive vite à des sommes considérables ! Donc, cet argument du petit montant me paraît totalement déplacé, d'autant plus en cette période de retournement de conjoncture, où l'on prend des engagements sur quatre ans et alors que tout le monde sait pertinemment que les rentrées vont baisser. Ainsi, il n'est absolument pas responsable de dire que 25 000 F, dans le fond, ce sont des «peanuts» et que l'on doit accepter cela sans sourciller !
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il fut un temps à Genève où le subventionnement des associations obéissait à des règles pour le moins obscures, voire franchement opaques. Le Conseil d'Etat et votre Grand Conseil ont voulu une clarification qui s'exprime dans les règles de la LIAF. Le changement est énorme ! Il est considérable, il est fondamentalement positif, dès lors qu'il oblige les associations à des efforts de gestion, dès lors qu'il oblige le Conseil d'Etat à des efforts de contrôle et dès lors qu'il vous permet de mieux apprécier les demandes de subventions qui vous sont fournies. Il est ainsi légitime qu'à chaque dossier qui vous est soumis vous procédiez à un examen attentif.
Mais, devant un changement aussi considérable, il ne faudrait pas en venir à des catastrophes que finalement personne ne veut. A savoir que, tout d'un coup, une association de l'importance de F-Information soit mise en péril ou que sa subvention soit carrément refusée. Les contrats de prestations prévoient un certain nombre de dispositions, d'évaluations, de contrôles, et il va de soi qu'en cours de contrat on peut s'apercevoir que, pour avoir une chance de revenir solliciter une subvention, il faudra améliorer tel ou tel point. Tout cela pour vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que bien entendu le Conseil d'Etat soutient le rapport de majorité, qui est conforme au projet qu'il avait lui-même déposé, et que, attentif aux différentes critiques émises, il vous invite à une certaine patience ! Car on ne peut passer d'un système dont, une fois encore, nous admettons tous les imperfections, à un système d'une rigueur telle qu'on est presque en train de se demander sur certains points s'il n'est pas trop rigoureux tant l'effort administratif réclamé de petites associations est démesuré par rapport à la subvention qu'on leur verse ! Ce n'est pas le cas avec F-Information qui est une grande association, mais je vous y rends attentifs. Il ne faudrait pas que, par un brutal retour de balancier, on en vienne à des excès inverses à ceux qu'on a connus !
Vous avez, Monsieur le député Weiss, rappelé la nécessité de la bonne foi dans les contrats, à juste titre, mais pas pour la raison que vous avez invoquée. Simplement, ces contrats assez extraordinaires sur quatre ans, avec des réserves - notamment le vote du budget - et avec des évaluations, ont forcément une certaine clause de souplesse. Et c'est précisément une question de bonne foi de l'Etat et des associations que de s'adapter. Evidemment, non pas de faire autre chose, voire le contraire de ce pourquoi la subvention est donnée, mais simplement de s'adapter à un certain nombre de réalités.
Pour le surplus, j'ai effectivement l'impression que, selon les associations que vous examinez, certains mettent des lunettes plus troubles, d'autres, des lunettes plus perspicaces... Je crois que ça n'est pas très opportun en l'occurrence. Par conséquent, je vous demande d'accepter le projet de loi tel qu'il a été déposé par le Conseil d'Etat et comme vous le recommande la majorité de votre commission.
Mis aux voix, le projet de loi 10124 est adopté en premier débat par 45 oui contre 26 non.
Deuxième débat
La présidente. Je mets aux voix, le titre et le préambule... (Commentaires.) Monsieur le rapporteur de minorité, vous demandez la parole, je vous la donne.
M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de minorité. Evidemment que si l'on veut présenter un amendement sur le montant, il faut faire amender le titre. Et si l'amendement, par impossible et par hypothèse, venait à être refusé, je ne le représenterai plus pour le reste de la loi.
Je propose donc l'amendement suivant sur le titre de ce projet de loi: «La commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat accordant une aide financière annuelle de 490 000 F à l'association F-Information pour les années 2008-2011».
La présidente. Monsieur le rapporteur, vous proposez cet amendement dans le titre déjà... Je vous informe tout simplement que si cet amendement est accepté, on ne pourra plus travailler sur ce projet de loi, il faudra tout renvoyer à la commission des finances. Parce que le contrat de prestations est annexé au rapport et qu'il faudra l'étudier de toute façon, puisqu'il devra être modifié ! Je vous rends attentif à cela.
Nous allons donc nous prononcer sur cette proposition d'amendement visant à abaisser la subvention de 515 000 F à 490 000 F.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 47 non contre 26 oui.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 10.
Troisième débat
La loi 10124 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10124 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 48 oui contre 26 non et 3 abstentions.
La présidente. Nous passons au point suivant. (Brouhaha. Remarque.) Oui, Monsieur Velasco, il s'agit du point 27, et je vous donnerai la parole ensuite. (Commentaires.) Madame la rapporteure, vous me faites signe que votre micro ne fonctionne pas: installez-vous à côté, chez votre collègue.
Premier débat
Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse. Ce projet de loi a été déposé par l'ensemble de la commission des visiteurs. La commission... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...des droits politiques et du règlement du Grand Conseil a étudié ce texte avec attention, elle a retenu certaines propositions et en a écarté d'autres. Parmi celles que nous avons retenues: l'assouplissement de certaines pratiques; par exemple, le fait de pouvoir auditionner des détenus qui n'en ont pas fait la demande. Egalement, la composition des délégations pour les visites: on a supprimé l'obligation que les trois représentants soient de partis différents, puisqu'on nous a expliqué que l'ambiance consensuelle de cette commission ne nécessitait plus cette exigence. Une autre des modifications que nous avons acceptées, c'est d'augmenter le nombre de lieux accessibles à commission des visiteurs en incluant les violons, les locaux de la task force ou les cellules du Palais de justice.
En revanche, d'autres éléments nous ayant semblé exagérés, nous les avons refusés. Je vous en fais une brève liste. Tout d'abord, le changement de nom de la commission. L'appellation de «commission des visiteurs officiels» est historique et nous avons préféré garder la notion de visiteurs, puisqu'elle implique de visiter des personnes plutôt que de contrôler des lieux.
La question de la confidentialité des procès-verbaux de la commission s'est également posée, ce qui avait aussi été le cas dans un précédent projet de loi rejeté. Par cohérence, nous avons refusé d'édicter des règles spéciales pour cette commission en ce qui concerne la confidentialité des procès-verbaux.
Le projet de loi réclamait aussi que la commission puisse avoir la compétence de s'octroyer les moyens d'effectuer ses tâches. Nous avons pensé que cela allait un peu trop loin et entraînait une trop grande disparité avec d'autres commissions.
Enfin, le projet de loi demandait la possibilité d'effectuer des visites inopinées, sans avertir la hiérarchie des lieux de détention. Dans le respect de la séparation des pouvoirs, nous n'avons pas non plus conservé cet élément.
Nous avons tout de même prévu quelques aménagements des activités de cette commission, mais nous ne voulions pas, en lui octroyant des compétences trop étendues, instaurer de commissions à deux vitesses.
Nous espérons que les changements apportés pourront, dans un premier temps, améliorer son fonctionnement et nous vous invitons à accepter ce projet de loi.
M. Alberto Velasco (S). C'est en qualité d'ex-président de la commission des visiteurs que je m'exprimerai, M. Gautier étant son président actuel.
D'emblée, Madame la présidente, je tiens à dire que, concrètement, ce projet de loi n'émane pas de la commission de visiteurs de cette année-ci. Parce que depuis le temps que je fais partie - et d'autres députés également - de cette commission, je puis vous garantir qu'il s'agit de travaux qui ont duré deux législatures ! Il y avait d'autres collègues, qui avaient siégé dans d'autres commissions et qui avaient d'autres observations à formuler, et ce projet-là était à chaque fois étudié et modifié. Donc, le travail a duré deux législatures !
Ce qui ressort de ce projet de loi, c'est en fonction du constat effectué sur le terrain. Quand j'ai été auditionné à la commission des finances, j'ai essayé d'être le plus objectif possible en tant que député, mais j'ai été étonné, Madame la présidente, de voir qu'on avait pratiquement balayé tout notre travail ! Avec une expertise... que je méconnais. On a balayé tout notre travail sans avoir eu l'indulgence - je dis bien «l'indulgence» - de reconvoquer la commission des visiteurs pour lui dire: «Votre projet de loi ne nous intéresse pas, nous l'avons totalement effacé.» Car ce que dit Mme la rapporteure, c'est qu'on a laissé un petit truc - je ne sais pas comment on appelle cela - parce qu'il aurait été choquant qu'un projet de loi présenté par un député ou une commission soit totalement supprimé par la commission... Alors on a dit: «Allez, on va quand même mettre un petit truc !» Et je pense que M. Jornot est suffisamment intelligent pour en avoir prévu un, comme ça, pour qu'on puisse se calmer... Or la vérité, c'est qu'on a totalement vidé le travail de la commission ! Totalement !
Je prends un exemple: le contrôle de la commission. Mais, Madame la présidente, notre parlement, en raison des prérogatives fixées par Berne, est pratiquement un parlement de contrôle ! Nous sommes un parlement de contrôle ! Que dit la commission ? Elle veut introduire le terme «contrôle» ! Dans son titre, dans sa définition ! Et on barre...
Mais, Mesdames et Messieurs les députés, lorsque nous nous rendons dans ces lieux de détention, c'est simplement pour contrôler ! Il y a les normes que la Suisse a acceptées en matière de détention et de privation de liberté. Et quand des députés se rendent dans ces lieux-là, que font-ils ? Ils contrôlent ! Ils examinent si les lieux de détention correspondent aux normes que nous nous sommes engagés à respecter. C'est donc un contrôle ! (Brouhaha.) Quand on vérifie si les détenus sont correctement traités, c'est un contrôle ! Alors on nous a dit - plutôt, on ne nous l'a pas dit directement, on l'a appris par la bande. Eh bien, on nous a dit: «Oui, mais on ne veut pas que la commission s'immisce dans les questions de gestion par rapport au fonctionnement des prisons»... Mes chers députés, qu'il s'agisse de détention, et même de postes de police, la commission ne s'immisce jamais dans les questions de gestion du personnel ! D'ailleurs, on fait très attention de signifier à tous les détenus que notre commission ne peut pas entrer en matière sur deux aspects: les procédures et la gestion intrinsèque de la prison. Et lorsque nous avons reçu à Champ-Dollon le syndicat qui voulait être auditionné par notre commission, nous avons exprimé clairement que nous ne pouvions pas entrer en matière pour ce qui est de la gestion. Lors de nos travaux, nous examinons si le personnel de l'administration bénéficie de conditions de travail adéquates. Effectivement ! Mais jamais cette commission n'a prétendu avoir quelque droit sur la direction ! C'est pourquoi, Madame la présidente, il me semble y avoir un problème. Et cette commission mérite aujourd'hui, par son travail, qu'on lui accorde son titre.
Quant aux procès-verbaux, Mesdames et Messieurs les députés, Mme la rapporteure estime que cette commission veut s'attribuer des prérogatives... Mais la commission de contrôle de gestion a les mêmes ! D'abord, elle dispose d'une somme. Ensuite, elle décide elle-même si les procès-verbaux sont envoyés ou pas - même à la commission des finances nous n'envoyons pas les P.V. au Conseil d'Etat. Or il est arrivé qu'une commission traite de problèmes délicats et que, parfois, les procès-verbaux aient été diffusés là où on ne le voulait pas... Donc, on n'a pas refusé de les remettre au Conseil d'Etat. Ce n'est pas vrai ! Tout ce qu'on a dit, c'est que les procès-verbaux qui concernent directement les auditions du Conseil d'Etat ou de ses fonctionnaires lui seront envoyés. En revanche, il y a d'autres procès-verbaux dont le contenu doit rester interne à la commission, et c'est pourquoi la prérogative de cette dernière est de pouvoir décider où peuvent être adressés ces P.V.
Voilà donc quelques aspects, mais il y en a d'autres. Par exemple, concernant la somme. Elle a été refusée... Moi, je ne fais pas cas de cela ! Tout ce que je sais, c'est que tout ce qui a trait aux sommes... Eh bien, ce parlement, parfois, a des attitudes misérabilistes envers ses propres députés ! Pas forcément envers l'extérieur, mais envers ses propres députés ! On l'a vu récemment avec la question du café, maintenant on ne peut plus en prendre, on a changé la machine... D'ailleurs avec des trucs moins écolos ! Donc... Malheureusement, c'est comme ça ! (Exclamation.) Pardon ?
Une voix. Du café frappé !
M. Alberto Velasco. C'était du café frappé, maintenant c'est Nespresso... Ce que je veux dire, c'est que le travail réalisé par nos collègues a manqué, à mon avis, de pertinence - et je dis bien: «de pertinence» - parce que, pour arriver à de telles conclusions... Eh bien, je pense qu'il aurait été plus juste de convoquer ou de reconvoquer les collègues de la commission des visiteurs. Cela aurait permis de s'expliquer et de préciser les points sur lesquels il y a désaccord.
La présidente. Monsieur le député, il vous faut conclure, vous avez dépassé les sept minutes. Vous pourrez reprendre la parole ultérieurement.
M. Alberto Velasco. Je conclus, Madame la présidente. J'ai un souhait, c'est que ce projet de loi soit à nouveau renvoyé à la commission des droits politiques et que la commission des visiteurs, quitte à trouver les compromis nécessaires, puisse être entendue une deuxième fois.
La présidente. Une demande de renvoi en commission venant d'être formulée, une seule personne par groupe pourra s'exprimer, et uniquement sur ledit renvoi. S'il est refusé, nous reprendrons le débat.
Mme Esther Alder (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, mon groupe m'enjoint de refuser le renvoi en commission... (Rires.) Mais, à titre personnel et en tant que membre de la commission des visiteurs depuis de nombreuses années, j'aimerais soutenir ce renvoi. En effet, et malgré tout mon respect pour les membres de la commission des droits politiques, je pense qu'il y a peut-être plusieurs précisions à apporter.
Personnellement, j'ai été très déçue de l'examen de certains points proposés par la commission des visiteurs. Je remercie les membres de la commission des droits politiques d'avoir accédé à une partie des requêtes de la commission des visiteurs, mais je pense qu'il y aurait encore des éléments à modifier. Ces derniers ne sont pas mineurs: ils concernent tant le titre de la commission que la possibilité pour ses membres de visiter tous les lieux de privation de liberté, et ils touchent également à la question budgétaire.
Donc, je souhaiterais que ce parlement entre en matière sur un renvoi à la commission des droits politiques. Je vous en remercie.
M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, le seul renvoi en commission qui permettrait d'exaucer les voeux des auteurs du projet de loi, ce serait le renvoi dans leur commission, de telle manière qu'ils puissent refaire ce projet de loi à la façon de leur propre projet, puisqu'ils n'admettent pas que d'autres puissent avoir un avis divergent sur la façon dont il faut organiser les travaux de ce Grand Conseil.
En ce qui concerne la commission des droits politiques, il me semble qu'elle a effectué un travail conséquent: d'abord, elle a longuement entendu l'auteur premier du projet de loi, qui a plaidé avec brio en faveur de ses diverses propositions; ensuite, elle a réalisé un travail de détail, approfondi, sachant faire le tri entre les propositions qui concernent le travail effectif de la commission - je pense à la question des auditions de détenus sur proposition de la commission; je pense aussi, par exemple, à la question de la définition des lieux de détention - mais elle a su séparer de cela les demandes qui transformaient petit à petit la commission des visiteurs en «Conseil d'administration des prisons genevoises S.A.»
Alors, Mesdames et Messieurs, je comprends parfaitement que les membres de la commission des visiteurs soient marris de ne pas devenir les administrateurs d'une régie publique supplémentaire, administrant à la place du Conseil d'Etat les prisons de la République et canton de Genève, mais je crois pouvoir dire sans trop m'avancer - et peut-être me trompé-je - que la commission des droits politiques n'a pas l'intention de suivre cette vue, puisqu'en tout cas elle l'a très clairement dit lors de l'examen du projet de loi.
Je reviendrai tout à l'heure, Madame la présidente, sur les innovations apportées par la mouture sortie de commission, respectivement sur les raisons pour lesquelles la commission n'a pas accepté les autres propositions, mais je crois qu'en l'état le simple respect des commissions les unes envers les autres, de la même manière que la commission des droits politiques a entendu le ou les auteurs du projet de loi, de la même manière il convient que le plénum fasse droit aux conclusions de la commission des droits politiques et débatte aujourd'hui du projet de loi tel qu'il est issu de ses travaux.
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Comme vient de très bien le dire mon préopinant, la commission des droits politiques a travaillé sur ce projet de loi, et si elle n'est pas arrivée aux mêmes conclusions que la commission des visiteurs, c'est dommage. Mais il ne servirait à rien de renvoyer ce texte en commission, car le travail a déjà été fait. Par conséquent, le groupe démocrate-chrétien se prononce contre le renvoi en commission de ce projet de loi.
Mme Michèle Ducret (R). Si le texte issu des travaux de la commission des droits politiques est moins ambitieux que celui qui lui avait été renvoyé et s'il ne plaît pas tout à fait aux membres de la commission des visiteurs de prison, je le regrette, mais, en ce qui concerne le groupe radical, ce texte nous satisfait.
Par conséquent, je refuserai le renvoi en commission et vous indique également que je ne me reprononcerai pas sur ce texte, que le groupe radical acceptera certainement après le premier vote.
M. Eric Ischi (UDC). Je dois donc me prononcer sur le renvoi éventuel en commission... Vous me permettrez tout de même d'être surpris de la manière dont certaines personnes poussent l'exagération. Quand j'entends le député Jornot nous traiter de «Conseil d'administration des prisons genevoises», je trouve que c'est pour le moins déplacé et complètement faux dans l'esprit de la commission des visiteurs.
Si la demande est faite de renvoyer ce projet en commission, c'est peut-être parce que nous n'avons pas tout à fait bien compris la position de la commission des droits politiques. Et il est probable que sa position n'a pas été nécessairement bien comprise de la part des membres de la commission des visiteurs.
C'est la raison pour laquelle je crois que ce n'est pas une erreur de demander le renvoi en commission, cela nous permettra de discuter sereinement de ce projet de loi.
Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse. Brièvement, quelques mots pour répondre à M. Velasco, que j'ai trouvé un peu injuste à l'égard de la commission des droits politiques. Lorsqu'il dit que nous aurions simplement donné quelques petits susucres pour compenser le refus de certaines mesures, je relève que nous avons étudié consciencieusement tous les articles et alinéas, chacun ayant fait l'objet d'un débat.
Quant au fait d'auditionner la commission des visiteurs, nous avions reçu M. Velasco, auteur du projet de loi, qui a eu l'occasion de présenter ce dernier. Ensuite, lors du débat, ou plutôt lors des questions - puisqu'il ne s'agit pas d'avoir des débats en séances en commission - quelques-unes assez critiques avaient été posées, et M. Velasco a eu l'occasion d'y répondre. Donc, les points d'achoppement de ce projet de loi étaient déjà connus !
De même que les personnes s'étant exprimées avant moi, je pense que la commission des droits politiques a bien réalisé son travail et qu'un deuxième passage de ce texte en commission n'apporterait pas de résultats différents. C'est pourquoi je vous invite à refuser le renvoi en commission.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, étant donné que c'est la première fois que je prends la parole, je me permets de vous dire que j'espère que vous avez passé de bonnes vacances et que nous aurons de nombreux moments heureux en ce parlement !
Concernant le projet de loi qui nous occupe, le groupe MCG s'opposera à son renvoi en commission, car un consensus s'est dégagé et il serait inutile de vouloir forcer la main à certains députés qui, peut-être, n'ont pas compris les enjeux de la commission des visiteurs officiels.
Nous nous opposerons au renvoi en commission, de manière - aussi - à amorcer un changement par phases. D'ailleurs, nous y reviendrons peut-être dans quelques années.
Je vous rappelle que la commission des visiteurs officiels est l'une des plus anciennes, sinon la plus ancienne commission parlementaire du Grand Conseil. Et elle est, à bien des égards, nécessaire pour protéger les fonctionnaires qui travaillent dans des lieux de détention, tout comme elle est nécessaire à la protection des détenus, puisque, nous le savons, la force d'une société se mesure toujours au maillon le plus faible de sa chaîne.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10155 en commission est rejeté par 37 non contre 21 oui et 5 abstentions.
M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut être clair si l'on veut prendre la mesure des débats de la commission des droits politiques. Dans le fond, cette dernière, à un moment donné, a été tentée de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Et si elle a fait ce travail de réécriture des dispositions qui lui étaient présentées, c'est parce qu'un certain nombre des commissaires ont, après un dialogue avec le conseiller d'Etat en charge du département des institutions, estimé qu'il y avait des propositions intéressantes qui méritaient d'être reprises de ce projet de loi et conservées. Je crois qu'il faut faire attention, lorsqu'on jette l'anathème d'une commission à l'autre, sur le fait que la commission des droits politiques a précisément voulu aller dans le sens des auteurs du projet de loi.
Plusieurs orateurs ont insisté tout à l'heure sur l'importance de cette commission des visiteurs. Je le fais à mon tour, et en particulier s'agissant des libéraux, pour relever l'importance d'agir en sorte qu'un regard externe, un regard de tiers, se porte sur les conditions de détention dans notre canton. Tout est question de savoir s'il s'agit d'une activité parlementaire, qui s'exerce dans le cadre des pouvoirs usuels du parlement, ou s'il s'agit de faire quelque chose de différent.
Alors, il est vrai que la commission des droits politiques n'a pas voulu transformer la commission des visiteurs en quelque chose d'autre - et je ne dirai plus, Monsieur Ischi, de peur de vous vexer, qu'on n'a pas voulu faire de vous un établissement public autonome. Il y avait relativement peu d'ironie dans mon propos, parce que, finalement, c'est l'étape ultérieure qui suit l'autonomisation de la commission telle que vous nous l'avez proposée. C'est vrai que l'idée d'avoir une autonomie budgétaire particulière pour cette commission nous a paru saugrenue; c'est vrai que le fait de lui permettre d'effectuer des contrôles sans informer personne dans la hiérarchie des établissements concernés - non pas à l'avance, Mesdames et Messieurs, mais au moment même où le contrôle a lieu ! - nous a paru tout simplement irrespectueux des rapports entre les pouvoirs. Et c'est vrai que nous n'avons pas voulu rouvrir une xième fois la polémique relative à la question des procès-verbaux, qui avait été tranchée par notre commission des droits politiques elle-même à propos d'un autre projet de loi qui, déjà, établissait une loi sur un cas particulier parce qu'une fois un procès-verbal avait été mal utilisé.
J'aimerais revenir sur les éléments positifs de ce projet de loi, sur les avancées qu'il contient et qui, contrairement à ce que disait M. Velasco, font que le projet n'est pas vidé de sa substance mais qu'il renferme toujours des éléments extrêmement importants. J'en citerai deux. Le premier, c'est la possibilité pour la commission de proposer les auditions. Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, c'est une exigence d'Amnesty International que les instances de contrôle des conditions de détention puissent proposer des entretiens et ne pas attendre que les détenus eux-mêmes les demandent. Cette proposition a été jugée pertinente, elle figure dans le projet de loi, et il est certain qu'elle changera de manière importante le fonctionnement de la commission.
Le deuxième élément - cette fois-ci, je m'adresse un peu à Mme Esther Alder - c'est la définition des lieux contrôlés. Relisez votre projet, Madame la députée, vous verrez que vous parliez de contrôler les postes de police et leurs violons, mais que vous n'envisagiez précisément pas les autres lieux de détention, qui aujourd'hui sont problématiques parce qu'on ne sait pas très bien sous le contrôle de qui ils se trouvent. On pense particulièrement aux lieux de détention de la task force - qui a fait couler pas mal d'encre dans cette république - respectivement aux violons du Palais de justice. Eh bien, ces lieux, la commission a expressément voulu qu'ils tombent dans le champ de compétence de la commission des visiteurs. Et c'est la raison pour laquelle la commission a choisi la formule la plus large possible, pour qu'on ne puisse plus, ici ou là, lui dire qu'elle n'est pas compétente pour visiter tel ou tel local.
Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, je crois qu'il y a, dans ce projet de loi, de la substance ! Et que cette substance mérite d'être soutenue. Je vous remercie.
M. Renaud Gautier (L). Ce sera ma journée des citations, Madame la présidente. J'ai eu le bonheur, tout à l'heure, de citer l'excellent penseur Alberto Velasco, je me réfère maintenant à cette maxime: «Seigneur, préservez-moi de mes amis; les ennemis, je m'en charge». Je ne vais pas entamer ici le débat de la compétence d'une commission sur une autre - débat un peu stérile - même si, effectivement, nous avons à réfléchir lorsqu'une commission qui a l'expérience, l'habitude, est amenée à soumettre des propositions de modifications dans le sens de sa pratique. Je comprends parfaitement - et c'est, hélas, dans la logique des choses - que le Conseil d'Etat ne soit pas forcément favorable à une augmentation des compétences d'une commission. Les choses sont ainsi faites que la position du gouvernement en tant que tel ne m'étonne pas. C'est vrai qu'à titre personnel je regrette que la commission n'ait pas compris ce qui était recherché dans ce projet de loi.
Quelques remarques. D'abord, vous le savez certainement, la commission dite «des visiteurs» est la plus ancienne, puisque c'est la première commission que ce parlement a instaurée d'une manière permanente. Deuxièmement, Genève peut s'enorgueillir de la commission des visiteurs, car aucun autre parlement cantonal n'en a une ayant les compétences de cette dernière. C'est un fait reconnu puisque, lors de l'application de certaines conventions supranationales, la Confédération est amenée à poser des questions à la commission des visiteurs, parce qu'elle lui reconnaît une certaine compétence.
Troisièmement, Mesdames et Messieurs, vous avez peut-être la mémoire un peu courte. Il n'y a pas très longtemps nous avons étudié le fameux rapport d'experts sur les émeutes de Champ-Dollon; si vous en avez fait une lecture attentive, qu'aurez-vous remarqué ? Que, de nos jours, la problématique des conditions de détention - donc dans lesquelles vivent les personnes privées de liberté - se situe dans les phases aiguës, soit entre l'arrestation et l'arrivée dans un poste de police ou dans une prison, et non pas dans les prisons. Ce qui veut dire, contrairement à ce que nous a expliqué - avec son savoir - Me Jornot, que la problématique ne se pose pas simplement en termes de contrôle des prisons et des violons, mais de privation de liberté.
Et où commence la privation de liberté, Mesdames et Messieurs ? Elle commence lorsqu'un policier ou un représentant de la force publique est amené à vous dire poliment: «Suivez-moi !» C'est là que, généralement, se passent la plupart des - entre guillemets - «dérapages» fort malheureux qui peuvent survenir. La même question se pose d'ailleurs pour les personnes qui, à un titre ou à un autre, peuvent être internées contre leur volonté dans des établissements médicaux. Par exemple, la question se posait lorsque - jusqu'il n'y a pas très longtemps, d'ailleurs - des soldats qui faisaient leur école de recrue étaient enfermés dans les prisons de la caserne des Acacias...
Ainsi, réduire le champ d'application du contrôle des conditions de détention - et non pas des causes - en en dressant une liste exhaustive et en disant: «Ce sont les postes de police et les violons», c'est simplement dommage pour le travail qu'effectue cette commission, dont ce parlement peut être fier et ne devrait, par définition, pas limiter les compétences.
Dans le même ordre d'idées, rappelons-nous que, sur le plan international, la visite non annoncée est un principe de base qu'utilisent de nombreuses organisations non gouvernementales comme le CICR et d'autres. Il faut simplement, à un moment donné, vérifier que les conditions de celui qui est privé de liberté ne sont pas modifiées par un appel à la direction de la prison quelque temps à l'avance. Nous le voyons nous-mêmes à Genève dans le cadre de la commission, lorsque nous effectuons des visites impromptues les problèmes ou les choses que nous voyons ne sont pas les mêmes que lorsque le secrétariat du Grand Conseil annonce l'arrivée de la commission tel jour à telle heure ! Il ne faut donc pas restreindre ce travail.
C'est un fait, Monsieur Jornot, la commission qui a le plus de compétences, parce que c'est la seule qui exerce un contrôle direct sur l'administration, est celle des visiteurs. Et je trouve simplement qu'on aurait dû étoffer ce qui a été réalisé, plutôt que d'avoir une attitude contradictoire en disant: «Vous en demandez trop.» Les choses sont effectivement jouées et la majorité de ce parlement semble penser que le contrôle des conditions de détention n'est pas un problème prioritaire. Je suis sûr que la commission saura revenir en temps et lieu voulus pour, que cela plaise ou non à l'exécutif, obtenir les éléments lui permettant d'effectuer son travail dans les meilleures conditions possibles.
Mme Esther Alder (Ve). Je suis d'accord avec mes préopinants, excepté avec M. Jornot à qui je dois dire ne pas pouvoir accepter, pour la commission, le qualificatif de «Conseil d'administration des lieux de privation de liberté». Il me semble que cela dénote une méconnaissance du travail de la commission.
Si je remercie la commission des droits politiques d'avoir étendu le champ des compétences en ce qui concerne tous les lieux de privation de liberté, j'aimerais quand même revenir sur certains points, notamment sur le nom de la commission.
Cela peut paraître anodin, mais, de nos jours, bien qu'elle soit la plus ancienne commission de ce parlement, on ne peut plus appeler cette dernière «commission des visiteurs officiels du canton de Genève». Pourquoi ? Parce que cela renvoie quand même à une image très... je dirais «misérabiliste» du travail de cette commission. (Remarque.) Voilà, on me souffle: «Cela fait très Zola» !
Aujourd'hui la commission effectue avec professionnalisme un contrôle des conditions de privation de liberté et, afin de se mettre à niveau avec la législation européenne en matière de droits de la personne, je pense qu'il importe d'avoir un titre qui corresponde exactement à la compétence de la commission. En cela, je dépose un amendement pour qu'on puisse se mettre d'accord sur le titre.
Concernant la confidentialité des procès-verbaux, il est vrai que le travail de la commission des visiteurs est particulier. Effectivement, Monsieur Jornot, il aurait été peut-être plus juste que chaque commission, qui connaît le champ de ses activités, puisse légiférer en matière de compétences. On doit malheureusement passer par la commission des droits politiques, or je pense que c'est une erreur: la compétence doit être accordée à ceux qui connaissent le travail.
Pour ce qui est de la confidentialité des travaux de la commission, il est important que nous puissions, nous, décider à qui sont transmis les P.V. Parce que, je vous le rappelle, on a eu un certain nombre de dossiers très «chauds», et des fuites ont eu lieu ! Alors, ce n'est pas que le cas de la commission des visiteurs, et je déplore ces fuites. Toutefois, je pense que la transmission des procès-verbaux ne posait pas de problème majeur, d'autant moins qu'on ne souhaitait pas la rétention d'information dans l'ensemble des situations que nous traitons.
Maintenant concernant le budget. Il est vrai qu'à chaque déplacement on doit présenter une demande. D'ailleurs, on nous reproche assez souvent ces déplacements ! Je rappelle à ce parlement que tous les déplacements de la commission des visiteurs ont eu pour objet d'améliorer les conditions de détention en général: je me réfère à ce que nous avons réalisé en faveur des mineurs et, également, en matière de détentions qui tombaient sous le coup de l'ancien article 43 et faisaient l'objet de mesures figurant maintenant dans un autre article du nouveau code pénal des adultes.
J'aimerais encore dire que si l'on pouvait, il y a une vingtaine d'années, se targuer à Genève d'être en avance en matière de détention et de réinsertion, eh bien, de nos jours, nous sommes loin de pratiques qui sont meilleures dans d'autres pays ! Or il est important qu'une commission parlementaire telle que celle des visiteurs puisse oeuvrer dans le sens de la modernisation des conditions de détention.
Je ne sais pas si l'amendement a pu vous être remis, mais je souhaite vraiment que le parlement entre en matière sur ce dernier. Je vous remercie.
La présidente. Merci, Madame la députée. Concernant cet amendement, je vous demanderai, le moment venu, d'apporter quelques précisions, à savoir si vous souhaitez qu'on reprenne le terme tel qu'il avait été proposé par les signataires du projet de loi ou le terme que vous employez dans votre amendement. Pour l'heure, je donne la parole à M. Moutinot, président du Conseil d'Etat... (Remarque.) C'est vrai ! Excusez-moi, Monsieur le président, je devais auparavant céder la parole à M. Velasco... (Commentaires.) ... pour autant que son micro fonctionne.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Madame la présidente, et permettez-moi de m'adresser à mon collègue Jornot, car sa remarque est pertinente: est-ce une mission parlementaire que celle de la commission des visiteurs ? Effectivement, en théorie, votre interrogation est tout à fait légitime, mes chers collègues ! Mais, voyez-vous, lors de notre visite dans un pays du Sud, visite d'ailleurs critiquée dans ce parlement, il a été répondu ceci à une question que nous avions posée: «Les détenus sont privés de liberté, mais ils ont tous les autres droits - tous les autres droits ! - soit celui de l'information, celui de la formation, celui de l'hygiène, etc.» Eh bien, notre parlement, ici, à part légiférer, a également un devoir: celui de veiller à ce que les droits des citoyens et citoyennes de ce canton soient garantis. C'est implicite, mais c'est comme ça !
Alors, par rapport à votre interrogation, oui, cette commission est pertinente. Aussi, je tiens à saluer les députés qui, il y a bien des années, avaient institué cette commission. Ils avaient fait preuve de clairvoyance ! D'autant plus que nous, le parlement genevois, avons reçu à maintes reprises des félicitations de la part d'autres parlements et d'autres entités qui disent que c'est incroyable qu'un parlement dispose d'une commission s'intéressant aux conditions de détention. Par exemple, chez les Valaisans, il n'y en a pas, c'est la commission judiciaire qui s'intéresse aux questions de détention. Or c'est elle qui vote les budgets relatifs aux travaux concernant les lieux de détention. Donc, leur commission judiciaire a des prérogatives que la commission judiciaire de Genève n'a pas !
Ce que je voulais dire, Monsieur Jornot, c'est que nous sommes loin de nous instituer en conseil d'administration, loin de là. Je crois que dans ce canton il y a un Conseil d'Etat qui gouverne, qui est à même de pratiquer une certaine gouvernance, et c'est à lui qu'on doit s'adresser. Mais pour s'adresser à ce «conseil d'administration» qui, en réalité, est le Conseil d'Etat, il faut bien que nous nous allions sur place pour contrôler si les lieux de détention sont adéquats. Peut-être y a-t-il eu une confusion dans l'interprétation des termes, mais ce point me paraît important.
Concernant les procès-verbaux, Monsieur Jornot, on peut en discuter. C'est une question délicate.
Quant au budget, lorsque j'ai été auditionné, j'ai bien dit que la somme - et il ne s'agissait pas de 100 000 F - était à étudier et que, de toute façon, les dépenses étaient sous contrôle du Bureau, c'est-à-dire que la commission ne pouvait pas engager une dépense. La seule raison pertinente de relever ce point était le fait de pouvoir prévoir un budget et que, lorsque le Grand Conseil présente son budget à la commission des finances, des prévisions aient été effectuées. D'ailleurs, pour la commission de contrôle de gestion, cela s'est passé ainsi. Et cela ne me gêne pas que le secrétariat du Grand Conseil budgète, par commission, 10 000, 15 000 ou 20 000 F, et que ces sommes ne soient jamais utilisée... Budgéter une somme dans une commission, Mesdames et Messieurs les députés, cela ne veut pas dire qu'elle sera dépensée ! D'abord, elle ne le sera que s'il y a pertinence et, ensuite, si le Bureau du Grand Conseil le décide.
Par conséquent, il n'y a pas lieu de croire que nous allons nous octroyer des prérogatives qui outrepassent l'esprit de ce parlement. Voilà, Madame la présidente, ce que je tenais à éclaircir.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Je trouve assez lassant de passer des heures sur un projet comme celui-ci. Déjà, vouloir changer le titre... Cette commission s'est toujours appelée «commission des visiteurs officiels», cela indique bien de quoi il s'agit: ceux qui sont nommés dans cette commission sont là pour aller visiter des lieux ! Et vous n'êtes pas là pour semer votre grain de sel et donner des ordres, vous êtes là pour faire un constat des lieux tels qu'ils sont - je suis désolée de devoir vous le rappeler.
Alors, laissez cette commission telle qu'elle est ! Vous pouvez modifier tous les noms que vous voulez, cela ne changera rien au travail que vous devez effectuer. Il existe des institutions publiques, et vous n'avez pas été élus pour faire leur travail. Nous, nous sommes là pour rédiger des lois, les abroger, les modifier, mais en aucun cas pour réaliser le travail de ces institutions. Cessons ce bavardage et votons ce projet de loi, nous avons d'autres choses à faire ! (Applaudissements.)
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez tous insisté à juste titre sur l'importance de la commission des visiteurs officiels, sur son ancienneté, et j'y ajouterai, sa grande pertinence dans le contrôle de la situation des personnes privées de liberté. Parce que, mieux que des experts, mieux que des cercles divers et variés, les représentants du peuple sont certainement les meilleurs gardiens des libertés et des droits de ceux auxquels on y touche pour des raisons justifiées par les tribunaux. Donc, c'est dire tout d'abord l'importance de cette commission.
En deuxième lieu, si nous n'étions que dans un débat d'organisation des travaux de votre Grand Conseil, le Conseil d'Etat s'imposerait une forte retenue. Mais il est vrai que le projet qui vous est soumis est problématique à plus d'un titre et que, fort heureusement, la commission des droits politiques, sur un projet qui sortait du cadre des institutions, a fait une proposition à laquelle le Conseil d'Etat se rallie, parce qu'elle améliore objectivement les possibilités de la commission des visiteurs officiels notamment - ce qui est un progrès considérable - par cette capacité d'auditionner des détenus qui ne l'ont pas demandé. Et, de ce point de vue là, nous ne pouvons qu'y souscrire.
Le nom de la commission a une importance: la commission des visiteurs officiels, comme son nom l'indique, visite ! Elle a un rapport avec les personnes détenues. Quant à une «commission de contrôle des conditions de privation de liberté», je ne suis d'ailleurs pas sûr que ce soit très possible, car les conditions de privation de liberté sont fixées par le juge. Et cela, vous ne pouvez en tout cas pas y toucher. Donc, les mots ont de l'importance; le titre a de l'importance. Et le titre actuel, outre son caractère historique, montre bien que c'est un rapport entre le peuple, les élus du peuple que vous êtes, et les personnes privées de liberté, et que c'est là que se situe votre mission, pas ailleurs.
L'autre raison pour laquelle le Conseil d'Etat intervient aussi clairement dans ce débat est que c'est votre Grand Conseil qui est le pouvoir législatif ! Et vous ne pouvez pas, sauf à raison de vous priver de votre propre prérogative, autonomiser vos propres commissions. En termes budgétaires, par exemple, ça n'est pas dans la logique du système genevois. On verra ce que la Constituante décidera. Mais, en l'occurrence, vous ne pouvez pas autonomiser une commission, parce que vous allez avoir la commission de la santé ou la commission des travaux, ou telle ou telle commission, qui va dire: «Mais notre mission, aussi noble et importante, justifie que nous ayons la capacité de nous organiser tout seuls...». Ce n'est pas raisonnable !
Votre commission des droits politiques a fait un tri remarquablement pertinent entre les propositions qui permettent d'améliorer le travail de votre commission des visiteurs officiels et les propositions qui sortaient du cadre constitutionnel d'aujourd'hui. Raison pour laquelle je vous invite à suivre le rapport de la commission des droits politiques et du règlement et à rejeter les amendements qui vous sont proposés.
La présidente. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Je vais soumettre à cette assemblée la prise en considération de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 10155 est adopté en premier débat par 60 oui et 1 abstention.
Deuxième débat
Mis aux voix le titre et le préambule sont adoptés.
La présidente. Monsieur Velasco, vous avez demandé la parole ? (Commentaires.)
M. Alberto Velasco (S). Excusez-moi de vous interrompre, Madame la présidente, mais il y a un amendement sur les titre et préambule...
La présidente. Il y a un amendement, mais c'est plus loin.
M. Alberto Velasco. Excusez-moi, Madame la présidente.
La présidente. Je vous en prie. Je poursuis. C'est à la section 17 que nous sommes saisis d'un amendement présenté par Mme Esther Alder. Elle demande à remplacer le titre «commission des visiteurs officiels du Grand Conseil» par «commission de contrôle des conditions de privation de liberté».
Avant de vous donner la parole, Madame la députée, afin que vous expliquiez votre amendement, j'ai juste une question. Dans le projet initial, les signataires - que vous êtes, d'ailleurs - du projet de loi proposaient: «commission de contrôle des lieux de privation de liberté». Maintenez-vous votre proposition visant à remplacer «commission de contrôle des conditions de privation de liberté» ou reprenez-vous le titre initialement proposé par les auteurs de ce projet ?
Mme Esther Alder (Ve). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, vous faites bien de souligner ce changement de formulation, or j'ai lu attentivement le rapport de la commission des droits politiques, notamment l'argumentaire de M. le conseiller d'Etat Moutinot en ce qui concerne la formulation «commission de contrôle des lieux de privation de liberté». M. Moutinot soulignait à juste titre que ce terme était trop restrictif puisqu'il s'en tenait aux lieux. Raison pour laquelle j'ai proposé un amendement qui visait à ce que la commission s'appelle «commission de contrôle des conditions de privation de liberté». Mais, quelle que soit la formulation, j'ai l'impression qu'on va toujours trouver des arguments juridiques pour dire que ce n'est pas tout à fait ça.
Ce que j'aimerais dire sur le fond, c'est que de nos jours, et contrairement à ce que certaines personnes pensent, les termes ont toute leur importance. La commission des visiteurs ne se borne pas, et heureusement, à simplement visiter les détenus; son travail est bien plus important que cela. C'est effectivement une commission qui contrôle les conditions de privation de liberté. Par cela, j'entends tout espace où la personne se trouve réprimée dans ses mouvements. C'est donc très important, et c'est la raison pour laquelle je proposais cette formulation. Je l'ai dit précédemment, le titre de «commission des visiteurs officiels» me paraît obsolète et ne correspond pas à l'évolution des commissions qu'on constate au niveau européen, notamment à la Commission européenne.
Voilà pourquoi j'aimerais qu'on réfléchisse à cela et qu'on ne balaie pas d'un coup cet amendement. Mais je suis sûre que M. Jornot, qui est expert, va trouver la formulation la plus exacte sur laquelle ce parlement tombera d'accord.
La présidente. Je vous remercie, Madame la députée. Je rappelle que la proposition d'amendement est également signée par le président actuel de la commission des visiteurs, M. Renaud Gautier, de même que par son ancien président, M. Alberto Velasco. Monsieur Velasco, vous avez demandé la parole: je vous la donne. (Protestations.)
M. Alberto Velasco (S). Comment «non»... Pourquoi ? (Brouhaha.)
Une voix. On vote !
La présidente. Si M. Velasco veut encore parler, il le peut, c'est son droit ! (Commentaires.)
M. Alberto Velasco. Madame la présidente, puisque certains collègues trouvent que le titre de cette commission pose problème, je voulais juste dire que celui d'aujourd'hui, de «visiteurs officiels»... Mais «officiels» de quoi et «visiteurs» de quoi, n'est-ce pas ? En ce qui me concerne, ce titre ne me dit absolument rien !
Le terme «contrôle» vous gêne peut-être, mais il faut quand même qu'on sache qu'il s'agit des visiteurs officiels des lieux de privation de liberté. Car «visiteurs officiels», c'est vraiment un titre bateau... Personne ne s'y retrouve. Aussi, Madame la présidente, la proposition qui nous est faite aujourd'hui me semble tout à fait pertinente.
La présidente. La parole n'étant plus demandée, je vais mettre aux voix cet amendement, soit le titre de «commission de contrôle des conditions de privation des libertés». (Commentaires.) Non ! Pas «des lieux», justement pas !
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 40 non contre 29 oui et 2 absentions.
Mis aux voix, l'article 227, al. 2 et 4 (nouvelle teneur), est adopté, de même que les articles 228, al. 1 (nouvelle teneur) à 228B, al. 3 (nouvelle teneur).
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 10155 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10155 (nouvel intitulé: suppression de «Commission de contrôle des lieux de privation de liberté») est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 67 oui et 3 abstentions.
Premier débat
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, le projet constitutionnel qui vous est soumis aujourd'hui est extrêmement simple, en tout cas tel qu'il est ressorti des travaux de la commission des droits politiques, puisqu'il vise à ne plus permettre la possibilité d'être à la fois conseiller d'Etat à Genève et d'occuper un mandat fédéral.
Si vous avez lu le rapport, vous avez constaté que, curieusement, il y a eu, à la commission des droits politiques, peu de débats sur le fond de la question: doit-on offrir ou pas la possibilité de cumuler les deux mandats ? Au début de nos travaux, il semblait y avoir une sorte de consensus pour signifier qu'il y avait un vrai problème à remplir les deux mandats. Mais la question a surtout été celle de l'opportunité: faut-il ou pas discuter maintenant de cette question et la régler de la manière que la proposait le projet de loi ?
Sur ce point en tout cas, il y avait au début de nos travaux une quasi- unanimité pour dire qu'il était exclu d'accepter le projet de loi tel qu'il était présenté, puisqu'il aurait visé à faire démissionner un conseiller aux Etats ou un conseiller d'Etat - c'est selon - à peine une élection passée. Alors, qu'a fait la commission des droits politiques ? Elle s'est dit que, au fond, elle avait commencé ses travaux en décembre, qu'il y allait avoir les élections sur le principe de la Constituante - en attendant déjà si le peuple se prononcerait en faveur d'une Assemblée constituante - et qu'on pourrait discuter ultérieurement. Ainsi, le temps a passé, le principe de la Constituante a été accepté, les droits politiques ont repris leur discussion, de l'eau avait coulé sous les ponts, et une très grande majorité - la quasi-unanimité de la commission - ne voulait pas que la situation actuelle puisse perdurer encore quelques années. Car, malgré la possibilité d'avoir une nouvelle constitution et, peut-être, de nouvelles règles du jeu, on sait très bien qu'il serait encore possible, lors des élections cantonales de 2009 ou fédérales de 2011, d'avoir un double mandat. En fonction de cela, comme je vous le disais, de l'eau avait coulé sous les ponts. La majorité de la commission a souhaité accepter le principe de l'incompatibilité, mais étant entendu qu'il n'entrerait pas en vigueur dans l'immédiat et qu'on attendrait les prochaines élections cantonales pour cela. Dans ces conditions, j'ai un peu de mal, Mesdames et Messieurs les députés, à comprendre la position du PDC.
Je comprends celle de la majorité des commissaires qui n'ont pas voulu, je dirais, du «projet de loi initial» qui était véritablement une «Lex Cramer» - excusez-moi d'être aussi précise - et qui, de surcroît, remettait en question un principe clair d'une démocratie et d'un Etat de droit, c'est qu'on ne change pas les règles du jeu une fois que la partie a commencé. Alors mon sentiment - ma seule explication - c'est que, peut-être, le PDC comprend-il la loi qui est issue de nos travaux comme une «Lex Unger».
Mme Béatrice Hirsch (PDC), rapporteuse de minorité. Il est assez amusant de voir en l'occurrence un rapporteur de majorité et un rapporteur de minorité être complètement d'accord sur le fond, mais vraiment pas sur la forme.
Et je suis très heureuse de constater que le rapporteur de majorité peine à comprendre la position du PDC qui, elle, n'a pas changé, contrairement à l'opinion de tous les autres groupes - à l'exception des libéraux, mais à commencer par le MCG qui est auteur du projet de loi !
Depuis le début, nous avions dit qu'il était sage d'attendre la votation et que, si le peuple genevois se prononçait pour la réforme de la constitution - de l'Assemblée constituante - l'incompatibilité serait alors quelque chose à traiter globalement dans le cadre de la Constituante. Et si l'on a laissé ce projet de loi en suspens en attendant la votation, c'était clairement en se disant - et là-dessus, à nouveau, tout le monde était d'accord sauf les libéraux - que c'était un sujet idéal pour la Constituante.
Que va comprendre le peuple genevois ? Il vient de demander une révision de la constitution, lors de laquelle il va se pencher sur le fonctionnement des institutions dans son ensemble. Et là, tout d'un coup, on lui demande juste de se prononcer sur une petite chose qui est l'incompatibilité entre la position de conseiller d'Etat et d'élu fédéral... Pourquoi ne pas lui poser d'autres questions concernant la nécessité d'un huitième conseiller d'Etat qui pourrait être élu à Berne ? Enfin, tout ce sur quoi la Constituante va se pencher. Donc le PDC, bien qu'étant au départ complètement d'accord sur l'incompatibilité, trouve qu'il n'est absolument pas nécessaire de demander maintenant au peuple de se prononcer là-dessus, alors que l'Assemblée constituante va, elle, se pencher sur le fonctionnement global des institutions.
Un mot concernant la «Lex Unger». Je n'ai pas de boule de cristal... Pour l'instant ce n'est certainement pas à l'ordre du jour. A l'époque où nous avons abordé tout cela, personne n'en a jamais parlé, tout le monde était d'accord. Or, un mois après la votation du 24 février, soudainement, tout le monde a changé d'avis ! Sauf le PDC - et les libéraux, je le reconnais et le répète. Par conséquent, peut-être y a-t-il eu d'autres influences que celles dont on a parlé ?
Je vous recommande donc de refuser ce projet de loi et de laisser tranquillement l'Assemblée constituante travailler. Je vous remercie.
M. Eric Stauffer (MCG). Comme l'a dit Mme la rapporteure de majorité, il s'agit d'un projet de loi constitutionnelle, qui appelle donc le peuple à se prononcer sur une question touchant à la constitution. Eh bien oui, nous avons demandé au peuple de trancher cette question, devenue d'actualité puisque l'expérience nous a montré que les conditions de travail d'un conseiller d'Etat d'aujourd'hui n'ont plus rien à voir avec celles d'il y a vingt ans. Du reste, nous avons pu lire cela dans la presse, des journalistes ont suivi un conseiller d'Etat durant une journée, laquelle commence à 6h30 du matin pour se terminer très tard le soir, et cela environ six jours par semaine.
Alors oui, nous demandons au peuple de dire s'il accepte ou pas l'incompatibilité des mandats entre un conseiller d'Etat, un conseiller aux Etats ou un député à la Chambre nationale, c'est-à-dire un conseiller national. Et pourquoi le demandons-nous ? Reprenons les propos de Mme la rapporteure de minorité, qui dit: «Il s'agit d'un travail pour la Constituante, n'entamons pas ce dernier, laissons les personnes travailler tranquillement.» D'accord, mais entre «tranquillement» et la petite addition que l'on peut faire... On attend le résultat des votations concernant la Constituante, donc c'est l'année prochaine qu'elle se mettra au travail et cela durant quatre ans; ensuite, si un consensus n'est pas trouvé quant au texte, un délai de deux ans supplémentaires sera accordé - nous en sommes déjà à sept ans. Après, il y aura des votations pour que le peuple accepte le texte qui sera pondu par les constituants - c'est encore un délai de six à huit mois. Là, nous en sommes déjà à sept ans. Quant à la mise en application, il faudra compter en tout cas encore une année... Ce qui nous reporte à huit ans.
Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons de soutenir ce projet de loi, avec l'amendement des libéraux - de M. Jornot - concernant cette disposition transitoire - que nous pouvons parfaitement comprendre et que nous acceptons sans aucune remarque - pour que le peuple, dans un délai compris entre aujourd'hui et six mois, puisse se déterminer sur l'incompatibilité des mandats entre les Chambres fédérales et le Conseil d'Etat. Je vous remercie de soutenir ce projet de loi.
M. Pascal Pétroz (PDC). Quelques observations au sujet de ce projet de loi. J'avais cru comprendre, à l'instar d'autres personnes de cet éminent hémicycle, que, compte tenu de la détermination du principe de la Constituante et de l'élection prochaine de cette nouvelle instance, nous avions trouvé entre différents groupes le consensus suivant: dire qu'il fallait distinguer deux choses concernant les projets de lois constitutionnelles, donc distinguer ceux qui paraissaient prioritaires de ceux qui ne semblaient pas d'une urgence telle qu'ils ne pouvaient pas attendre le vote de la Constituante. Nous avons aussi décidé de distinguer les projets de lois constitutionnelles ponctuels de ceux qui devaient faire l'objet d'une réflexion globale.
Pour vous donner un exemple et rappeler ce que nous avons voté aujourd'hui, nous aurions pu dire que le vote par internet aurait pu être un sujet à débattre par la Constituante. Nous aurions pu le dire, mais nous avons, à la majorité, estimé qu'il s'agissait d'une question ponctuelle, d'une question de principe. Nous avons également estimé que, compte tenu du déroulement des événements, cette question méritait d'être traitée dans un délai raisonnable.
Quant aux incompatibilités, il ne s'agit pas que de traiter d'un point particulier, certes fondamentalement important mais qui n'est qu'un aspect du problème. Il est certain que la Constituante se penchera aussi sur une autre question qu'il y a lieu de se poser, et que certains groupes politiques ont instaurée dans leurs statuts. Je parle du parti socialiste qui, par exemple, a instauré une incompatibilité entre la charge de maire d'une commune - donc au Conseil administratif - et celle de député. Sauf erreur de ma part, c'est le seul groupe politique ayant instauré cette incompatibilité dans ses statuts.
Ainsi, l'incompatibilité reste une question éminemment complexe, qui n'est pas liée qu'à l'incompatibilité entre le mandat de député au Grand Conseil et celui aux Chambres fédérales, étant précisé que la charge au Conseil des Etats et au Conseil national n'est pas du tout la même. Et l'on pourrait aussi imaginer que, dans un certain sens, il faudrait peut-être établir un distinguo quant à l'incompatibilité entre conseiller d'Etat et député au Conseil des Etats ou conseiller national.
Nous, nous considérons que ces questions complexes, à traiter de manière globale, doivent faire l'objet d'une réflexion d'ensemble, laquelle doit être opérée dans le cadre de la Constituante.
Voilà notre position sur la forme. Effectivement, nous avons été un peu surpris de la volte-face de certains groupes qui avaient adhéré à cette solution... Car je crois que tout le monde a été d'accord pour dire qu'il y avait un véritable problème et que cette «Lex Cramer», comme l'a indiqué Mme la rapporteure de majorité, méritait d'être examinée. Mais nous avons estimé, et estimons toujours, que ce débat-là doit avoir lieu dans le cadre de la Constituante. Or nous ne sommes pas très cohérents, Mesdames et Messieurs les députés ! En effet, nous avons voté une Constituante, et, chaque fois que cela nous arrange, nous faisons tout pour nous arroger les prérogatives de cette dernière... Alors soyons cohérents ! Avec enthousiasme, nous avons décidé de créer cette Constituante, laissons-lui quelque matière à réflexion, auquel cas son travail sera vain. Je vous remercie de votre attention.
Mme Michèle Ducret (R). Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de rappeler qu'il y a déjà plusieurs années le parti radical a présenté un projet à propos de la représentation à Berne et à Genève - l'élection du Conseil d'Etat - et les liens qu'il devait y avoir avec Berne pour défendre les intérêts de Genève. Dans ce projet, on parlait de nommer deux conseillers d'Etat qui auraient été, eux, en même temps des conseillers d'Etat aux Etats. C'est dire que nous trouvons intéressante l'idée d'une incompatibilité, et nous pensons sans doute qu'il faut y réfléchir, mais, en même temps, nous estimons qu'il faut aussi examiner la façon d'améliorer les liens qu'a le canton de Genève avec Berne. Cela, c'est fondamental pour l'avenir de notre canton.
Quant au renvoi de ce projet de loi à la Constituante ou devant le peuple - par un vote sur un article constitutionnel - eh bien, il n'y a pas eu de volte-face de la part du groupe radical ! Ceux qui ont travaillé depuis trois ans à la commission des droits politiques savent très bien que, comme un roc, j'ai toujours défendu l'idée que les projets de lois constitutionnelles doivent attendre désormais, depuis qu'on parle de Constituante, le travail de cette dernière. Car nous estimons qu'il serait absurde de renvoyer devant le peuple un projet qu'il devra accepter ou refuser et que, ensuite, cette idée-là soit balayée par la Constituante - qui en a absolument le droit. Et la Constituante a pleins pouvoirs de ce point de vue là ! Nous considérons donc qu'il serait absurde de présenter au peuple un projet de loi qui risque d'être supprimé très peu de temps après.
Dès lors, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical soutiendra le rapport de minorité et vous demande de ne pas accepter ce projet de loi constitutionnelle.
Mme Catherine Baud (Ve). En effet, les incompatibilités et compatibilités ont fait couler beaucoup d'encre, et j'aimerais quand même vous annoncer que les Verts, l'année dernière, ont changé leurs statuts de fond en comble, de manière à édicter un maximum d'incompatibilités, qu'il s'agisse des conseillers d'Etat ou des élus aux Chambres fédérales, mais aussi des élus communaux.
Nous sommes tout à fait au clair maintenant avec les incompatibilités et n'avons donc aucune raison de nous opposer à ce texte. Même si, bien sûr, la logique voudrait qu'on le laissât à la Constituante, je pense que le principe d'incompatibilité dans son ensemble doit quand même être affirmé. Disons que nous envoyons un signe fort à la Constituante pour qu'elle s'intéresse de très près à ce sujet et qu'elle aille peut-être encore plus loin pour déterminer correctement un principe global d'incompatibilité à toutes les élections.
Mme Elisabeth Chatelain (S). J'ai suivi attentivement les travaux en commission, de même que le débat d'aujourd'hui, et certaines volte-face me laissent un peu perplexe, en particulier celle des radicaux. Mme Ducret n'était effectivement pas en séance de commission, or les deux membres du parti radical qui étaient présents ont accepté ce projet de loi avec l'amendement demandé. Je suis donc surprise. Il me semble qu'on ne fait que parler de volte-face et c'est ce qui ressort du travail de cette commission.
Nous serons très clairs: pour les socialistes, le cumul de fonctions électives n'est, par principe, pas autorisé, et ce n'est quand même pas simplement pour épargner du surmenage à nos élus. On sait qu'ils sont très capables et peuvent assumer plusieurs charges, mais nous avons d'autres principes, dont celui de favoriser la relève à tous les niveaux électifs, afin qu'il y ait une meilleure répartition des charges, des devoirs et, aussi, des avantages de ces différentes fonctions.
C'est donc dans cette logique que nous accepterons, avec l'amendement proposé par le groupe libéral, ce projet de loi, afin de ne pas pénaliser quelqu'un qui est actuellement dans l'exercice de ses fonctions.
M. Philippe Guénat (UDC). Nous devons bien admettre qu'il pourrait être tentant et prestigieux, autant pour une personne que pour un parti politique, d'avoir son champion siégeant à Berne et à Genève en même temps. Et l'on dira que seul un conseiller d'Etat en fonction à Genève peut, avec ses tripes et ses passions, défendre les intérêts du canton à Berne.
Les passions de certains ne sont pas forcément les miennes. La preuve... Il me prend de rêver d'une troisième voie CFF: je reçois le CEVA. Je rêve d'un pont sur la rade; je reçois des rails dans les rues étroites de Genève, toujours pour le CEVA.
Etre au four et au moulin et vouloir courir derrière deux lièvres à la fois - quel que soit son bord politique et quelle que soit la personnalité du prétendant ou de la prétendante - est tout simplement utopique. Et à vouloir tout faire, on ne fait rien. Ou à moitié ! Et dire que la Constituante s'occupera du dossier... Rien n'est moins sûr ! Qu'est-ce qui nous prouve, Madame la présidente, que la Constituante va se pencher là-dessus ?
Pour le PDC, qui semble oublier l'existence de l'UDC, sauf quand il faut lui planter un couteau dans le dos... (Brouhaha.) ...je rappellerai qu'on ne peut pas prendre la Constituante comme un paillasson et botter en touche ! (Brouhaha.) Bien que le rugby, parfois, est votre spécialité !
Comme l'a dit M. Stauffer - pour une fois, je suis d'accord avec lui et même en symbiose - on ne peut pas attendre sept ans, en mettant tout de côté et en disant: «Ce sont les autres qui feront, c'est la Constituante.»
Voilà ! C'est pour cela, Madame la présidente, chers collègues, que l'UDC votera ce projet de loi, avec l'amendement Jornot sur la «Lex Unger-Cramer».
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de majorité. Brièvement, je répondrai à M. Pétroz. Je crois, Monsieur le député, être assez d'accord avec ce que vous avez dit, mais pas avec les conclusions que vous avez tirées. Vous nous dites «réflexion globale»: très bien ! J'aurais souhaité, d'ailleurs, que la majorité de droite de la commission législative aussi considère, par exemple, que les projets de lois sur le pouvoir judiciaire fassent partie d'une réflexion globale et ne soient pas traités actuellement.
Mais, en ce qui nous concerne, vous avez donc dit «réflexion globale à la Constituante», «petits sujets», «urgences», «à traiter maintenant»... Mais on est exactement dans l'urgence ! On est dans l'urgence et on est dans le ponctuel ! On a bien dit que l'on ne voulait pas - en tout cas la majorité de la commission des droits politiques - en 2009 ou en 2011, que l'habitude qui commence à s'ancrer... Parce que cela ne date pas de M. Cramer, cela date d'avant. On ne voulait donc pas que s'instaure l'habitude consistant à terminer son mandat de conseiller d'Etat à Berne... Eh bien non, la majorité de la commission a estimé qu'il y avait urgence et qu'il fallait traiter cela. Donc, on est peut-être d'accord sur les prémices, mais pas sur la conclusion.
Cela dit, quel que soit le vote de ce soir, de même que le vote populaire qui suivra, cela n'empêche pas que la Constituante devra opérer une réflexion qui sera bien plus large que celle sur l'incompatibilité des mandats. Et je crois que, de toute façon, et quel que soit ce que nous aurons décidé, la Constituante aura un gros travail !
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. La question des incompatibilités est évidemment extrêmement importante. S'agissant de celle dont vous vous occupez, elle a deux aspects: l'aspect personnel, de savoir si un être humain peut assumer cette double charge assez écrasante; et puis, elle a un aspect politique, qui est de savoir par qui le peuple veut être représenté à Berne et, surtout, quelle serait la représentation la plus efficace pour le canton. Là, le débat est compliqué. Je ne vous cache pas qu'on a connu des périodes un peu difficiles où certains conseillers aux Etats genevois s'appliquaient à prendre le contre-pied des décisions de votre Grand Conseil ou de celles du Conseil d'Etat, ce qui ne favorisait pas la crédibilité genevoise à Berne.
Et nous connaissons des systèmes - c'est le cas en Argovie, par exemple - où les conseillers aux Etats ne sont pas conseillers d'Etat mais ont une séance hebdomadaire qui suit immédiatement la séance du Conseil d'Etat pour que les affaires argoviennes soient totalement à connaissance des conseillers aux Etats argoviens, qui s'en inspirent, quel que soit leur parti au demeurant, dans les travaux fédéraux. Cela pour dire, Mesdames et Messieurs les députés, que la vraie question est: comment pouvons-nous être efficaces à Berne ?
Aujourd'hui, je dois dire que la présence de M. Cramer nous est utile. Je ne suis pas sûr que ce soit forcément le bon système ni que ce soit un système à encourager. Mais je comprends extrêmement mal que l'on veuille aujourd'hui, dans l'urgence - je suis navré, pour une fois, de vous contredire, Madame Emery-Torracinta, mais je ne vois pas l'urgence - donc, je comprends mal que l'on veuille, dans l'urgence, faire voter le peuple sur cette petite question-là, alors même que la question dont la Constituante devra forcément traiter, c'est de savoir comment Genève parle à Berne ! Est-ce qu'on y parle d'une seule voix ? Est-ce qu'on y parle par des résolutions du Grand Conseil, fort fleuries ? Ou par un autre système ? Et alors je vois mal, si le peuple est appelé à se prononcer sur cette question unique aujourd'hui, que l'on puisse ensuite commencer à dire: «Oui, on a voté en 2008, mais on va faire autrement en 2009». Non ! Je crois qu'il s'agit d'une question qui doit être renvoyée à la Constituante. Raison pour laquelle je vous invite, au nom du Conseil d'Etat, à suivre le rapport de minorité. (Applaudissements.)
Mis aux voix, le projet de loi 10167 est adopté en premier débat par 37 oui contre 18 non et 2 abstentions.
La loi 10167 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10167 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 38 oui contre 17 non et 2 abstentions.
Premier débat
La présidente. La parole est au rapporteur, M. Pablo Garcia. Je la lui donne «en seguida» !
M. Pablo Garcia (S), rapporteur. «Muchas gracias» ! (Commentaires. Rires.) Mesdames et Messieurs les députés, en préambule, permettez-moi de saluer le travail fourni par le député Odier qui nous présente aujourd'hui une série de propositions ayant pour ambition d'améliorer le fonctionnement de notre parlement. Il est important que les représentants du peuple que nous sommes se soucient constamment des risques de blocages institutionnels du Grand Conseil.
La commission des droits politiques s'est penchée avec intérêt sur ces projets, proposant des amendements ou refusant des objets qui ne répondaient pas à cette exigence d'efficience. C'est le cas du projet de loi 10213, ce dernier porte sur les rapports divers. L'auteur et les signataires souhaitent que les rapports divers soient traités comme des projets de lois renvoyés sans débat en commission. Pour la majorité de notre commission, ce projet de loi, en englobant la totalité des rapports, n'est pas une bonne réponse aux quelques rapports divers posant des difficultés, notamment liées aux délais de dépôt et de vote. En effet, la plupart des rapports divers sont traités durant les séances des extraits. Avec une procédure de demande d'urgence, nous risquons de perdre plus de temps pour prendre acte d'un rapport. En ce sens, le remède serait pire que le mal.
Aujourd'hui, il existe des moyens à disposition pour traiter ces rapports en laissant notamment la possibilité aux chefs de groupe de les sortir des extraits, d'interpeller sur d'éventuelles urgences. Il suffit d'utiliser ces moyens correctement plutôt que de rigidifier ou alourdir la loi.
Ce projet de loi présente un risque réel d'introduire une lourdeur supplémentaire dans le règlement, alors que la procédure actuelle permet la résolution rapide et efficace des rapports divers.
Pour toutes ces raisons, simples et évidentes, la majorité de la commission des droits politiques vous invite à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Avant de passer la parole à celles et ceux qui l'ont demandée, je salue à la tribune la présence de Mme Marie-Claire Hutin, ancienne élue du Conseil général de l'Isère. Bonjour Madame ! (Applaudissements.) Je donne la parole à M. Jean-Marc Odier.
M. Jean-Marc Odier (R). Effectivement, la commission des droits politiques a examiné avec intérêt cette proposition, et je lui en sais gré. Cependant, les travaux de la commission n'ont pas abouti à une amélioration de dispositions réglementaires visant à régler le problème soumis par l'auteur du projet de loi. En l'occurrence, effectivement peu de rapports divers posent problème; cependant, ceux d'entre eux qui en soulèvent sont vraiment importants, puisque, si l'on prend l'exemple du rapport des transports publics, il arrive que la commission des transports soit saisie de ce dernier pratiquement une année et demie, voire deux ans, après qu'il a été mis à l'ordre du jour du Grand Conseil.
Je pense que la commission a examiné avec intérêt ce projet de loi mais qu'elle n'est pas allée au bout de ses travaux; on aurait pu trouver des solutions, elle n'a pas voulu. Ce n'est pas aujourd'hui que je vais vous proposer, comme auteur, le renvoi en commission. Par contre, je crois que nous reviendrons avec une proposition complémentaire sur cet objet, puisqu'il y a réellement un problème à ce niveau-là. Et je pense que si nous avions déposé un amendement indiquant simplement: «A moins qu'ils ne soient traités en procédure de débat accéléré, les rapports sont renvoyés en commission sans débat», nous aurions certainement retrouvé une majorité. Ainsi, probablement reviendrons-nous avec cette proposition.
M. Philippe Guénat (UDC). De l'avis du groupe UDC, ce projet de loi est compliqué, lourd - voire mammouth - dans son élaboration. Et l'on cherche tout bonnement et systématiquement à mettre tous les rapports aux extraits pour, ainsi, éviter le débat parlementaire. Ce n'est pas du tout comme cela que l'UDC conçoit la démocratie dans notre République et canton de Genève, Messieurs !
Le groupe UDC refusera donc énergiquement ce projet de loi.
M. Pascal Pétroz (PDC). Le groupe démocrate-chrétien votera ce projet de loi même si, au vu des majorités qui se sont exprimées en commission, nous serons malheureusement battus. Pour nous, le raisonnement est simple: toute façon de faire permettant de modifier notre règlement afin que nos travaux s'effectuent le plus rapidement possible, sans porter atteinte au droit d'expression de chacun et chacune, mérite d'être soutenue. Si vous voulez que nous siégions désormais tous les jours pour des sessions interminables, ne votez pas ce projet de loi ! A l'inverse, si voulez que nos travaux soient plus diligents, je vous remercie de l'accepter !
M. Olivier Jornot (L). Tout d'abord, je remercierai le groupe radical de son bouquet de projets de lois - j'aurai l'occasion d'en défendre l'un ou l'autre tout à l'heure dans la suite de l'ordre du jour - car la plupart d'entre eux apportent des améliorations qui ne sont pas négligeables dans la façon de travailler de ce parlement.
S'agissant du projet que nous examinons maintenant, celui sur les rapports divers, j'ai le regret de dire à M. Pascal Pétroz qu'il se trompe lorsqu'il imagine, à l'instar des auteurs du projet de loi, voir dans le renvoi automatique des rapports divers en commission une possibilité d'accélération de nos travaux. Pour la simple et bonne raison - cela a été relevé tout à l'heure par le rapporteur - que l'essentiel de ces rapports vont aux extraits où il en est pris acte. Et s'il s'agit de renvoyer tous ces rapports en commission, on aura le bonheur, ensuite, d'avoir une heure de débat chaque fois que ces derniers reviendront de la commission concernée. Donc, trouver des moyens d'accélérer les travaux du parlement: oui ! Réfléchir ensemble à des façons de faire en sorte d'éviter de se prendre les pieds dans la barbe de la procédure: oui ! Mais faisons attention à ne pas nous tromper et à ne pas, au contraire, sous prétexte de vider l'ordre du jour de la plénière, obstruer celui des commissions avec un effet boomerang qui, ensuite, serait tout à fait nuisible !
Mme Elisabeth Chatelain (S). Je résumerai en quelques mots notre position, qui est celle d'employer les moyens mis à notre disposition. En général, la procédure des extraits nous satisfait. Si un rapport doit être renvoyé en urgence en commission - on oublie parfois que ce fut le cas - afin d'y être étudié, il l'est. Le procédé actuel nous semble donc suffisant.
Nous n'avons pas besoin d'accélérer à tout prix nos débats, je suis d'accord qu'ils sont souvent trop longs, mais ce n'est pas forcément à cause de la procédure: il y a souvent confusion entre le droit d'expression et le débordement dont nous abusons parfois dans cet hémicycle - qui n'en est pas un ! Nous avons d'autres moyens, nous devrions peut-être faire preuve d'attention quant à notre temps de parole et, à ce moment-là, nous pourrions accélérer nos travaux.
C'est pourquoi nous estimons ne pas avoir forcément besoin de ce projet de loi.
La présidente. Je vous remercie, Madame la députée. Monsieur Pétroz, vous avez redemandé la parole ?
M. Pascal Pétroz (PDC). Oui, très brièvement, et je vous remercie, Madame la présidente. J'ai essayé d'être très succinct mais, au vu de ce qui a été dit ensuite, quelques précisions s'imposent.
La pratique actuelle est que le rapport commence par dormir un certain temps à l'ordre du jour de notre Grand Conseil - à peu près entre trois mois, si l'on a de la chance, et une année, si l'on en a moins - cela en fonction de la rotation des départements. Et puis, on arrive finalement au point concerné, par exemple le rapport annuel concernant les TPG. Ensuite, il y a des déclarations de tous les groupes. Certains disent: «C'est très bien, on se réjouit d'examiner tout ça en commission.» D'autres disent: «Non, ce n'est pas bien du tout, on se réjouit de le démontrer en commission.» Après, le dossier part en commission... On a déjà perdu une année. La commission travaille: elle étudie le dossier avec l'attention requise, elle rapporte au Grand Conseil, et l'on attend à nouveau une année avant que ce rapport soit traité en plénière.
Voilà la situation que nous connaissons aujourd'hui ! Sauf pour certains cas où, heureusement, nous arrivons à nous mettre d'accord sur les procédures d'extraits. Or je rappelle qu'il faut l'accord de tous les groupes pour qu'un point soit traité en extraits ! Il suffit donc que pour une raison ou une autre il y ait contestation, et l'on ne pourra pas traiter le dossier en extraits.
C'est la raison pour laquelle ce projet de loi, qui nous épargne deux débats mais n'en prévoit qu'un lorsque le rapport sort de la commission - après qu'elle a dûment étudié la question - ne préjudicie pas la liberté d'expression des députés: elle évite d'avoir deux débats, dont un est très souvent inutile puisqu'on se dit qu'on se réjouit d'étudier le rapport en commission avant de le déposer... C'est pourquoi, au lieu d'avoir deux débats, il vaudrait mieux n'en avoir qu'un sur la base de la position documentée d'une commission qui a traité le sujet.
On ne peut donc pas dire que ce projet de loi ne sert à rien, à l'évidence cela n'est pas exact.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Je vais être brève, et assez dure néanmoins... (Exclamations.) Pour changer!
Encore aujourd'hui, nous avons passé trois quarts d'heure sur un projet de loi, et tout cela pour que chacun appuie sur le même bouton puisque tout le monde est d'accord ! Si certaines personnes arrêtaient de prendre la parole... (Exclamations.) ...et de la conserver durant sept minutes - pour parler pour ne rien dire, parce qu'il y a les caméras et qu'on se croit dans un théâtre de boulevard - eh bien, je pense qu'on avancerait beaucoup plus vite !
Et si les gens faisaient aussi l'effort de travailler dans les commissions qui siègent toutes les semaines, au lieu de refaire systématiquement le débat en plénière ou de présenter des amendements sur le siège pour essayer de faire des coups de force, eh bien, je pense que, là aussi, on avancerait bien plus vite ! Au lieu de passer une journée entière à traiter cinq projets de lois, il y aurait de fortes chances qu'on puisse en traiter une trentaine. Que certains ou certaines d'entre nous méditent là-dessus ! Quant à moi, je refuse ce projet de loi.
M. Gilbert Catelain (UDC). J'ai bien entendu les arguments des uns et des autres. Concernant les auteurs de ce projet de loi, je relève que les travaux de la commission n'ont pas fait apparaître d'analyses statistiques sur le nombre de rapports renvoyés en commission, respectivement sur le nombre de ceux qui ont été directement adoptés par le Grand Conseil. Il est donc impossible de prendre position.
En revanche, je relève que nous avancerions beaucoup plus vite dans notre ordre du jour si nous n'étions pas pollués par un nombre inconsidéré de motions PDC: elles ne sont que du réchauffé sur des projets discutés en commission et transformés en motions par le groupe PDC.
Donc, si le PDC a des propositions à faire pour accélérer les débats de notre ordre du jour, je l'invite à déposer moins de motions... (Brouhaha.) ... et nous aurons ainsi résolu notre grand problème de gestion de l'ordre du jour. (Commentaires.)
Des voix. Bravo !
Mis aux voix, le projet de loi 10213 est rejeté en premier débat par 46 non contre 17 oui et 2 abstentions.
Premier débat
La présidente. Le rapporteur, M. Marcel Borloz, est remplacé au pied levé par M. Jornot.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur ad interim. J'ai eu le plaisir de défendre cette série d'excellents projets de lois déposés par M. Jean-Marc Odier et le groupe radical; il s'agit ici du projet concernant les urgences. Ses auteurs se sont émus du fait que nous puissions, au cours d'une même session, ajouter par deux fois des urgences à notre menu et suggèrent que ces dernières ne puissent plus être votées qu'au début de la session, c'est-à-dire le jeudi - selon notre tradition actuelle - et que cela vaille pour l'ensemble de la session.
Ce projet de loi a fait un tabac en commission, puisqu'il a été approuvé par huit voix contre une et quelques abstentions. Je vous recommande, comme la commission, de l'adopter.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Effectivement, les socialistes se sont abstenus en commission. C'est vrai qu'il s'agit d'un projet de toute petite portée, néanmoins il est quand même significatif d'une certaine volonté de vouloir un peu museler le parlement avec l'argument de dire que l'ordre du jour est pléthorique - on est obligé de l'admettre - et qu'on a de la peine à l'endiguer.
Cela dit, à part les extraits - auxquels j'étais opposée, mais dont je reconnais qu'ils nous permettent d'évacuer quelques sujets ne posant pas de problème - je crois que toutes les tentatives qui ont été faites, notamment à travers ces projets de lois, dont celui-ci qui est une fausse bonne idée. Elles n'ont pas du tout abouti à faire diminuer l'ordre du jour ni à raccourcir les sessions, puisque nous sommes toujours aussi bavards !
A ce sujet, je pourrais peut-être donner quelques conseils à l'Entente, l'UDC et le MCG: puisque vous êtes majoritaires, eh bien, cessez de toujours déposer mille douze motions ! Car vous pouvez déposer des projets de lois et imposer votre position. Quant à la minorité, c'est-à-dire nous, il est normal qu'elle dépose des motions, puisqu'elle doit montrer qu'elle existe ! Or il y a certains partis qui, pour un oui et pour un non, déposent des motions. Je citerai plutôt... Disons le PDC, qui est assez fortiche, et qui est souvent en train de se faire mousser avec toutes sortes de motions - qui, d'ailleurs, enfoncent souvent des portes ouvertes ! Alors, on pourrait déjà limiter un tout petit peu... (Brouhaha.) Et puis, finalement, je m'aperçois que... (Commentaires.) Mais il n'y a pas que le PDC, je crois qu'il y en a d'autres aussi ! (Exclamations. Remarque de M. Jean-Michel Gros.) Oui oui, Monsieur Gros !
Quant au point relatif aux urgences, qui dépose le plus souvent des demandes d'urgence ?! Eh bien c'est souvent vous-mêmes, les représentants de l'Entente ! (Brouhaha.) Alors, essayez de vous autocensurer et vous n'aurez pas besoin de légiférer aussi souvent !
Il s'agit là d'un projet de loi qui, une fois de plus, est une atteinte aux droits du parlement et qui n'aboutira à aucune solution efficace, et c'est pourquoi nous allons nous y opposer.
Mme Catherine Baud (Ve). J'ai simplement deux questions à évoquer devant vous: y a-t-il vraiment un tel nombre de modifications proposées lors de la séance du vendredi qu'il faille légiférer pour bloquer l'ordre du jour du jeudi ? La question est vraiment ouverte.
Et sommes-nous face à une menace telle de désorganisation de nos travaux qu'il faille prendre une telle mesure ? Je n'en suis franchement pas convaincue.
Alors, laissons un peu de souplesse dans nos travaux. Je ne crois pas que nous irons ni plus vite ni moins vite avec un tel projet de loi, je crois qu'il est tout simplement inutile.
M. Philippe Guénat (UDC). Après le discours éloquent de M. Jornot qui remplace M. Borloz, je ne vais pas faire trop long, mais simplement confirmer que le groupe UDC votera ce projet de loi et qu'il le soutient tout à fait.
Mis aux voix, le projet de loi 10215 est adopté en premier débat par 37 oui contre 26 non.
La loi 10215 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10215 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 39 oui contre 25 non et 2 abstentions.
Premier débat
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons entrer cette fois-ci dans un sujet qui pourrait avoir une portée un peu plus grande, j'en conviens, que le projet de loi précédent, puisqu'il s'agit de s'attaquer à cette calamité que sont «les débats dans le débat» lorsqu'une demande est faite de renvoyer un projet de loi en commission.
Nous l'avons encore vécu aujourd'hui: nous partons dans un débat d'entrée en matière, et, alors qu'on s'attendrait à pouvoir entendre tous les groupes et, ensuite, décider ce que nous faisons d'un objet, eh bien, il suffit que l'un d'entre nous propose un renvoi en commission, et puis le débat est bloqué !
Alors, on a maintenant cette nouvelle méthode qui consiste à noter à la main le nom des personnes qui se sont inscrites et à refaire une deuxième liste, et puis, de cette façon-là, le débat est brisé ! On s'exprime sur un sujet anecdotique, à savoir le renvoi en commission, sans que les groupes aient pu s'exprimer sur le fond, et de surcroît on perd du temps. Vous vous souviendrez sûrement d'un certain débat lors duquel nous avons eu droit à soixante demandes de renvois en commission sur un même sujet, dans un même débat pendant l'examen d'un projet de loi, comme simple méthode de combat retardateur pour empêcher le plénum de s'exprimer sur le fond.
Le projet de loi déposé par le groupe radical proposait une mesure effectivement radicale, à savoir le fait que, lorsqu'une demande de renvoi en commission est présentée, le Grand Conseil se serait prononcé sans débat sur cette demande. Je ne dirais pas, Monsieur Odier, que la commission politique a éprouvé de l'intérêt pour le projet de loi, je dirais qu'elle l'a effectivement étudié et retravaillé en réfléchissant à une solution permettant néanmoins de connaître les raisons pour lesquelles le Grand Conseil pourrait décider de renvoyer ou, au contraire, de ne pas renvoyer l'objet en question en commission. Et la solution choisie, c'est celle qui consiste à dire que, lorsqu'une telle demande - donc de renvoi - est formulée, la parole ne peut être prise que par les rapporteurs et par le Conseil d'Etat, de manière que l'on connaisse à ce moment-là la position de la majorité - et de la minorité, s'il y en a déjà une à ce stade et s'il y a donc plusieurs rapporteurs. On connaît également la position du Conseil d'Etat et le Grand Conseil peut, à ce moment-là, s'exprimer en connaissance de cause. C'est là une solution qui est mesurée et qui permettra très certainement d'accélérer nos travaux. C'est la préoccupation des auteurs et de la majorité de la commission qui a voté ce projet de loi, tout en respectant la possibilité pour les uns et les autres de faire connaître leur avis.
Je vous recommande donc d'accepter ce projet de loi.
M. Alberto Velasco (S). En premier lieu, j'aimerais demander au parti radical si l'on pourra bientôt encore déposer des projets de lois... Parce qu'au rythme où ça va, on dira sous peu qu'il faut être radical pour pouvoir déposer un projet de loi, n'est-ce pas ?! Article premier, souligné ! Non mais... On a déjà limité notre temps de parole... Mais Mme la présidente, de temps en temps, nous laisse nous exprimer un peu, sinon nous serions trop déprimés... (Brouhaha.) Maintenant, non content d'avoir limité notre démocratie à l'interne, on dit qu'il faut aller encore plus loin: lorsqu'il y a une demande de renvoi en commission, c'est «niet», «Punkt», «fini» ! Et puis, bientôt, il sera interdit de demander un renvoi en commission ! Franchement, vous devriez voir ce qui se passe dans votre groupe radical, parce qu'il y a vraiment un problème ! (Commentaires.)
Ce projet est d'une perversité immense, chers collègues ! Imaginez-vous que la majorité demande le renvoi en commission: elle s'est exprimée, elle demande le renvoi en commission, et puis elle dirait «Vous, la minorité, eh bien, il ne faut pas vous exprimer...», et la majorité renverrait le projet en commission sans que la minorité puisse s'exprimer... Nous subirons cela chaque fois que ces messieurs d'en face décideront qu'il n'y aura pas de débat ! Cela, c'est ne pas respecter la démocratie ! Parce que la véritable démocratie, Mesdames et Messieurs les députés, c'est quand la majorité laisse parler la minorité ! (Brouhaha.) Et déjà que dans ce parlement on ne respecte pas le temps de parole ! Parce que le temps de parole réel, Madame la présidente, ce serait que la gauche ait le même que la droite. Et que, lorsqu'on accorde une heure pour un débat, eh bien, il y ait trente minutes pour la droite et trente pour la gauche. Or cela ne se passe pas comme ça ! Ils ont trois quarts - oui, parfois 50% du temps - et la gauche ne bénéficie que de 10 à 15% du temps de parole. C'est ça, la démocratie ? Votre démocratie ?! Bravo ! (Brouhaha.)
Non contents de cet état de fait, vous nous soumettez maintenant un projet incroyable ! (Brouhaha.) Ce projet, c'est: «Vous avez peu de temps de parole; et non seulement ce dernier est inégal étant donné la proportion droite/gauche, mais encore, c'est nous qui déciderons quand vous pourrez vous exprimer.» Parce que c'est bien de cela qu'il s'agit ! Ce projet de loi, c'est: «Nous décidons quand vous pourrez vous exprimer» !
Monsieur le rapporteur, vous dites que, puisqu'il y a un rapporteur de majorité, c'est lui qui décide de renvoyer l'objet en commission et qu'il n'y a pas besoin de consulter les autres groupes... Mais le rapporteur de majorité est nommé pour rapporter sur le vote de la majorité de la commission ! Vous savez très bien qu'entre le moment où un projet est déposé dans ce parlement et celui où il est débattu il se passe une année et que, parfois, les positions changent durant ce délai: les groupes qui ont pris position en commission peuvent changer d'avis en séance plénière. Et quel que soit le parti ! Cela, je le respecte. Dans ce cas, un renvoi en commission est demandé pour y apporter d'autres informations, d'autres modifications, des amendements ou que sais-je... Avec ce que vous nous proposez, cela n'est pas possible ! Le rapporteur de majorité aurait un droit de cuissage, il dirait: «Pour tous les partis qui ont voté à la majorité en commission, je décide, moi, qu'on renvoie ou pas.» Mais c'est simplement inadmissible !
Madame la présidente, je ne sais pas si, du point de vue de nos institutions, cela tiendrait la route... Je ne suis pas juriste, c'est vrai; M. Jornot l'est, brillant, il paraît. Bien que je ne sois pas juriste, je me pose cette question: du point de vue institutionnel, ce truc-là tient-il la route ? (Brouhaha.) Si l'on raisonne d'un point de vue démocratique - soit de l'expression même de ce parlement, des pouvoirs que nous a conférés le peuple, donc du pouvoir de nous exprimer en son nom et de débattre - est-ce que ce projet de loi tient la route ?!
Je comprends l'idée de nos députés - camarades, collègues ou amis - radicaux qui ont déposé ce projet de loi. Je comprends, c'est vrai que le renvoi en commission «se dilue» parfois... Or, Monsieur le rapporteur de majorité, auparavant nous avions droit à dix ou vingt minutes, maintenant c'est trois minutes... Seulement trois minutes ! Cependant, il est normal qu'un député expose à ce parlement la raison pour laquelle il accepte ou refuse un renvoi en commission ! Ne serait-ce que par déférence envers les autres députés, et même par devoir ! Il doit pouvoir dire: «Mesdames et Messieurs, nous les socialistes avons décidé de refuser ou d'accepter le renvoi en commission pour telle et telle raisons», c'est une question de respect mutuel !
Je pense, Mesdames et Messieurs les députés, que ce projet ne respecte même pas, disons, l'adversaire ! Et il ne respecte pas les minorités ! Je suis donc profondément choqué par ce texte.
Madame la présidente - et je m'adresse aussi à tous mes collègues - nous ne devons pas aller jusque-là ! Je comprends, Messieurs les radicaux, que vous ayez pu être excédés parce que les ordres du jour sont très longs, mais j'aimerais ajouter ceci: la société s'est complexifiée ! Pas seulement à Genève, cela concerne tous les parlements. Puisque la société s'est complexifiée, nous devons traiter davantage de sujets. Mais nous ne disposons que d'un temps limité, n'avons qu'une députation de milice, et peut-être que les débats devraient mieux se situer à ce niveau qu'à celui de l'immunité parlementaire et à celui de nos libertés. Nous devrions examiner comment organiser nos travaux tout en préservant notre temps de parole et notre liberté d'expression. Alors, examinons cela puisque, effectivement, nous devons faire face à davantage de travail, plus complexe, et à davantage d'informations. La question est là !
Au lieu de d'examiner cela, que faites-vous, chers collègues ? Vous estimez que, pour remplir notre tâche dans un délai fixé, il faut limiter le temps de parole... Si je transpose cela au niveau du peuple, cela signifie que faire des référendums prend trop de temps et coûte trop cher... Et que dorénavant: «fini», quand la majorité décide qu'il n'y a pas de référendum, eh bien il n'y en a pas ! Vous imaginez cela ?! Eh bien, voilà ce que vous êtes en train de préparer pour le peuple genevois. (Applaudissements.)
M. Jean-Michel Gros (L). Je me joins aux compliments adressés par le rapporteur au groupe radical pour avoir élaboré ce projet de loi. Cependant, je voulais dire, tout en appelant à le voter ce soir, que je souhaiterais que l'on prolonge un peu la discussion sur le sujet du renvoi en commission et dois dire que nous serons prêts à collaborer avec nos collègues de l'Entente pour poursuivre cette réflexion.
Je m'explique et veux revenir sur le déni de démocratie qu'évoque M. Velasco. Le système actuel du renvoi en commission est un pur déni de démocratie. Je vous donne un exemple: M. Velasco, maintenant, s'est exprimé et a utilisé quasiment tout son temps de parole - ses sept minutes - pour nous dire tout le mal qu'il pense de ce projet de loi, et c'est tout à fait son droit. Il suffisait qu'il conclue son exposé par: «Et pour ces raisons je demande le renvoi en commission», et pouf !, toutes les lumières sont bloquées, Mesdames et Messieurs, vous avez trois minutes et ne pouvez vous exprimer que sur le renvoi en commission. (Remarque.) Donc, seul le groupe socialiste aura pu donner son avis sur ce projet de loi, devant Léman Bleu et les journalistes - comme vous l'évoquez - et devant les autres membres de ce parlement. Et ça, c'est profondément antidémocratique.
C'est pourquoi je suggère à nos collègues d'approfondir encore, mais pas en commission - je précise, nous allons voter cette partie du projet - ce projet partiel, car je pense qu'il faudra en arriver à ce qu'au début de chaque débat, sur chaque sujet, la présidence du Grand Conseil pose la question préliminaire: «Quelqu'un demande-t-il le renvoi en commission de ce projet ?». «Oui, moi - dit M. Velasco - je demande, pour telle ou telle raison, le renvoi en commission.» Ensuite, les deux rapporteurs s'expriment pendant trois minutes, et le Conseil d'Etat a trois minutes également, pour dire oui ou non au renvoi en commission, et comme ça nous serons tous à égalité pour exposer nos arguments pour ou contre tel projet de loi.
C'est ça la démocratie ! Mais ce n'est pas de tenir le crachoir ! Parce que c'est une pratique que tout le monde connaît dans ce Grand Conseil, de tenir le crachoir pendant sept minutes et de conclure par la demande de renvoi en commission, ce qui bloque la parole des autres groupes ! C'est une tactique que tout le monde a pratiquée - j'ai pris l'exemple de M. Velasco, parce qu'il venait de prendre la parole.
Donc, je pense que nous pourrons voter ce projet de loi, qui est un net progrès, mais que le problème du renvoi en commission n'est pas totalement résolu et qu'il faudra poursuivre la réflexion. (Applaudissements.)
Mme Catherine Baud (Ve). Ce projet de loi est né suite aux cafouillages ayant eu lieu dans notre parlement à l'occasion des débats sur la gouvernance et qui n'étaient effectivement pas acceptables. Il est vrai que parfois, à l'occasion des demandes de renvoi en commission, certains députés continuent de parler sur le fond, peut-être parce qu'ils seraient frustrés de ne pas pouvoir lire le texte qu'ils ont préparé auparavant.
Cependant, voter sur le siège, donc immédiatement, tel qu'il l'est proposé dans ce projet de loi est totalement inacceptable, puisqu'un parlement, par définition, est un lieu où l'on doit pouvoir s'exprimer, en respectant bien sûr certaines règles.
Le texte issu de la commission des droits politiques a été amendé, c'est vrai, avec seulement la prise de parole des deux rapporteurs et du Conseil d'Etat. Néanmoins, les Verts vont refuser ce projet de loi, même ainsi amendé, parce qu'ils restent attachés à la liberté d'expression, et quel que soit le type de texte.
De plus, lorsqu'on regarde la philosophie qui est derrière l'ensemble de ces projets de lois - puisque, là, on les a vus les uns après les autres - on se rend compte que, finalement, il ne s'agit pas vraiment d'accélérer nos travaux mais plutôt de limiter le temps de parole - de museler certains députés qui, éventuellement, parlent un peu trop longtemps - et je ne suis pas convaincue que ce soit une bonne chose. Parce qu'à ce moment-là il y aura des études plus longues en commission et d'autres types de discussions. Je crois que le système actuel, si chacun y met du sien et respecte le règlement du Grand Conseil, peut tout à fait fonctionner correctement.
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, oui, c'est dommage de devoir légiférer concernant l'ordre du jour; oui, c'est dommage de devoir légiférer à défaut de pouvoir accélérer les débats ou, en tout cas, de devoir légiférer pour ne pas les laisser s'étendre autant qu'il le font à l'heure actuelle. Les radicaux ont déposé ce train de projets de lois afin d'améliorer le fonctionnement du Grand Conseil, et je pense que c'est une bonne chose.
On ne muselle personne, Madame Baud ! Simplement, on demande aux gens - en l'occurrence les rapporteurs - de s'exprimer strictement sur le renvoi en commission. Donc, la majorité a la possibilité de s'exprimer, la minorité a la possibilité de s'exprimer, le Conseil d'Etat a la possibilité de s'exprimer sur le renvoi en commission.
Concernant le fond. En effet, du coup il faudra attendre le débat de fond, soit après un refus de renvoi en commission, soit au retour de ce travail en commission. C'est vrai que cela n'a pas forcément lieu lors de la même séance, mais quand même, les gens pourront toujours s'exprimer sur le fond au retour de ce travail en commission.
M. Velasco a dit qu'il y avait là un déni de démocratie... En ce qui me concerne, je pense que «respecter» c'est essayer de ne pas parler pour ne rien dire, et ne pas répéter - encore, encore et encore - les mêmes arguments; quand on examine le nombre de points à l'ordre du jour, il faudrait que chacun de nous puisse le faire. Malheureusement, ce n'est manifestement pas le cas. Donc, il est certainement nécessaire, au vu de la longueur de cet ordre du jour, de légiférer pour éviter les écarts et les débats à l'infini à propos, en l'occurrence, de ce renvoi en commission.
Le groupe démocrate-chrétien soutient donc ce projet de loi et vous encourage à faire de même. Je vous remercie.
M. Pablo Garcia (S). La question qui nous occupe ici est un débat entre une certaine vision de l'efficacité et le besoin fondamental de légitimité démocratique. Sous prétexte de longueurs lors de discussions parlementaires, les partis de droite veulent faire des économies de temps. Mais à quel prix ! Nous débattrons moins, nous échangerons moins... Bref, nous nous comprendrons moins !
La plupart des objets qui nous occupent ne sont pas des sujets manichéens qui peuvent être aisément résumés par l'unique avis des rapporteurs. Les interventions des groupes politiques apportent la légitimité des opinions multiples et les nuances nécessaires pour saisir toute la cohérence d'un projet de loi. Renvoyer en commission sans mot dire, sans expression de toutes les positions politiques et en faisant abstraction des propositions, est une grave erreur et un manquement important à la représentativité essentielle au sein de ce parlement !
Notre démocratie vit par l'échange des opinions, par le débat, par la discussion: elle n'est pas à la solde d'une majorité pressée. (Brouhaha.) Notre démocratie n'est pas un monopole. Bien au contraire... (Brouhaha.) Bien au contraire, le rôle d'une majorité est avant tout de faire en sorte que la minorité soit respectée et entendue.
Les socialistes défendent une démocratie pluraliste, capable de faire entendre la voix des philosophies, des valeurs et des idées qui traversent notre société. Pour nous socialistes, ce parlement doit être à l'image des Genevoises et des Genevois, c'est-à-dire un parlement où la parole est diverse, respectée, entendue. En un mot: un parlement où la parole est libre. (Brouhaha.)
Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi bâillonne cette parole plurielle, si essentielle à la vitalité de nos institutions. Il bâillonne ce parlement au travers duquel parle le peuple genevois, avec toutes ses sensibilités et ses opinions. Merci de respecter ce dernier en rejetant ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC). L'UDC soutient le but de ce projet de loi, puisqu'il s'agit d'accélérer les travaux de notre Grand Conseil. Sur le fond, c'est un texte parmi d'autres et il s'inscrit dans une série de projets qui, au bout de la législature, cumulent des heures qui auraient permis de traiter de nombreux objets. Et je ne suis pas sûr qu'en fin de compte ce projet ne sera pas finalement contourné par d'autres artifices, notamment par le dépôt de plusieurs amendements, puisque, si nous ne pouvons pas demander ou expliquer notre renvoi en commission, nous déposerons alors des amendements pour retarder les travaux et nous nous exprimerons sur les amendements.
Sur le fond, par rapport à la problématique du renvoi en commission, nous soutenons ce projet de loi. Nous estimons que la majorité et la minorité, respectivement les chefs de groupe, peuvent prendre contact avec le rapporteur, s'entretenir avec lui et se fier à sa prise de position pour voter. Cela impliquerait qu'au niveau de la direction des travaux du Grand Conseil, comme l'a proposé M. Gros, il y ait une concertation préalable ou une interruption de séance au moment de la demande du renvoi en commission. Cela permettrait, au sein des différents groupes, de prendre position quant à ce renvoi. Je pense qu'il n'est pas indispensable d'avoir un projet de loi pour cela, mais qu'il appartient à la présidente - respectivement au vice-président - de donner le temps nécessaire aux groupes pour se concerter, afin de prendre position à l'interne, sans s'exprimer en plénière sur le renvoi en commission. (Brouhaha.)
Si ces conditions peuvent être remplies, il n'y a alors aucune objection à ce que l'UDC approuve ce projet de loi.
M. Roger Deneys (S). J'aimerais reprendre, avec un peu moins de lyrisme, les propos tenus à l'instant par M. Pablo Garcia ou par M. Alberto Velasco au début de cette discussion.
Fondamentalement, toutes les propositions qui visent à réduire et à contrôler le temps de parole et d'expression des députés vont à l'encontre d'une saine démocratie, qui a besoin de laisser le temps de s'exprimer aux différents partis ou tendances ou opinions.
En l'occurrence, Monsieur Gros, j'aimerais vous rappeler les débats épiques que nous avons menés l'année dernière concernant les conseils d'administration des entreprises publiques et votre souhait de mener au pas de charge une privatisation ! (Remarque.) Vous avez mené ces débats au pas de charge dans les commissions, ce qui a conduit à des rapports particulièrement, on va dire, lacunaires, avec des différences d'un conseil d'administration à l'autre, avec différents problèmes qui n'ont pas été traités correctement en commission, et donc les rapports qui arrivent ici en plénière reflètent les travaux en commission.
Alors que se passe-t-il en plénière ? Vous, vous souhaitez mener au pas de charge, une fois de plus, la même réforme et ne pas écouter les différentes remarques que nous avons formulées ! Alors que nous socialistes, qui étions pour une réforme des conseils d'administration, nous avons, pour finir, été convaincus qu'il ne fallait pas faire cette réforme-là ! Résultat des courses: nous proposons lors du débat - alors qu'à chaque occasion on voyait bien que ces projets étaient mal foutus et que le travail n'avait pas été fait - eh bien, nous avons proposé à maintes reprises le renvoi en commission ! Mais c'était justifié. Parce que le travail n'avait pas été effectué ! Vous, vous prenez cela pour de l'obstruction parce que nous ne sommes pas d'accord avec vous.
Il s'agissait simplement de lire les textes et de comparer les rapports. C'était simple comme bonjour, mais cela n'a pas été fait. Résultat: on est obligé de redemander le renvoi en commission. Il nous est arrivé à maintes occasions de voir dans ce Grand Conseil que, tout à coup, une partie du problème n'a pas été bien délimitée en commission; donc renvoyons en commission, cela peut survenir au milieu de n'importe quel débat ! Et je ne pense pas qu'il y ait besoin de savoir à l'avance si cela doit être renvoyé en commission ou non.
De toute façon, il y a effectivement un moment où, si l'on multiplie les «règlements réglementaires»... D'ailleurs, cela me fait rire que les partis de la liberté, de l'Entente, veuillent toujours tout réglementer. Ce sont les partis de la liberté... Mais c'est un autre problème.
Comme l'a dit M. Catelain, fondamentalement on peut toujours trouver des techniques pour ralentir les procédures, pour changer la façon de mener les débats dans un parlement, mais il faut arrêter de rajouter des couches de règlements pour notre propre fonctionnement. Nous sommes des adultes responsables !
En plus, et c'est l'un des problèmes d'aujourd'hui, on a un effet d'optique - c'est le cas de le dire, car Léman Bleu nous filme - c'est qu'on trouve que le débat dure beaucoup trop longtemps et qu'il n'intéresse pas les citoyens, etc. Mais je vous rappelle que nous ne faisons pas de la politique pour Léman Bleu: nous faisons de la politique pour le bien-être de nos concitoyens. Alors, si l'on fait de la politique pour le bien-être de nos concitoyens, le but est aussi de laisser des traces du pourquoi et du comment des réformes que nous menons. Il ne s'agit pas simplement de dire: «Mais il a parlé durant quatre minutes à Léman Bleu, ça emmerde tout le monde»... Non, ce n'est pas ça ! Il faut plutôt se dire: «Eh bien voilà, une décision a été prise, il y avait des pour et des contre, il y avait les problèmes évoqués, laissons-nous le temps de voir qu'il y avait des gens suffisamment intelligents, éclairés ou pas, pour relever que, là, on est en train de mal travailler et qu'il faut renvoyer le dossier en commission.»
C'est pourquoi je vous invite à refuser ce projet de loi, de même que tous ceux qui vont dans le sens d'une limitation du droit d'expression des députés.
Mme Michèle Künzler (Ve). Je me demande s'il est bien urgent de statuer sur ce point. Je crois que tous les partis se rendent compte que c'est totalement illusoire et je vous rappelle que la majorité d'aujourd'hui n'est pas celle de toujours, cela peut changer.
Ne prenons pas de décisions qui peuvent défavoriser la minorité ! Car, tout d'abord, il faudra peut-être présenter un rapport de minorité à chaque fois; actuellement, on peut n'être pas d'accord avec un projet de loi et renoncer à rédiger un rapport de minorité, tandis qu'avec ce projet de loi on ne pourra même plus intervenir pour demander le retour en commission lorsque ce sera justifié. (Remarque.) Non, on ne le pourra pas, puisque seuls les rapporteurs pourront intervenir ! Il faut juste lire ce que vous voulez décider... Seule la majorité pourra demander le renvoi en commission sans que la minorité se soit même exprimée ! (Remarque.) Mais c'est évident ! Quelqu'un parle en premier, demande le renvoi en commission, et puis la minorité qui n'est pas représentée ne pourra même pas intervenir ! Et il y aura zéro débat ! Zéro !
Je crois que c'est vraiment un projet contraire à la liberté d'expression, projet qui est, surtout, inutile ! On pourra présenter des amendements ou employer d'autres moyens, mais la solution ne doit pas être de déposer un rapport de minorité chaque fois qu'on n'est pas d'accord sur un point. C'est pourquoi je vous invite à refuser ce projet. Merci !
M. Alberto Velasco (S). J'aime bien M. Gros... Parce qu'il a donné un exemple concret en disant: «Je prends l'exemple X, c'est-à-dire que le débat commence, un groupe prend la parole puis demande le renvoi en commission, et j'applique le projet de loi.» Vous disiez, Monsieur Gros, qu'avec ce projet de loi on limite les interventions. Alors appliquons ce projet de loi: un groupe a pu, lui, s'exprimer - par exemple, le MCG, il a parlé, il a tout dit, etc. A partir de là, dès qu'une proposition de renvoi est formulée, la discussion porte uniquement sur elle; et, comme Mme Künzler vient de le souligner, seuls les rapporteurs et les représentants du Conseil d'Etat peuvent s'exprimer... Cela veut dire que, pour les autres groupe: nenni ! Bien... Et la durée des interventions peut durer trois minutes...
Voilà le problème, chers collègues ! Un groupe prend la parole et, d'entrée, il demande le renvoi en commission: ce sont alors les rapporteurs qui s'expliquent, mais qui ne représentent pas forcément l'avis de tous les groupes, et puis c'est voté ! Et les autres groupes n'ont plus droit à la parole ! C'est ça qui pose un problème !
Ce n'est même pas un débat idéologique, chers collègues ! Si c'en était un, je serais prêt à trouver, avec vous, une solution. Alors je dis simplement que ce projet de loi, tel qu'il est rédigé, pose un problème, et pour nous, et pour vous ! Et pour les minorités et majorités futures, quelles qu'elles soient ! Ce projet de loi ne nous apportera que des problèmes, qu'il faut éviter.
Il faut revoir ce projet et le rédiger d'une autre façon. Prévoyez trente secondes ou une minute de parole, mais il faut que les groupes puissent tous s'exprimer ! C'est une question de respect des uns envers les autres.
La présidente. Je vous remercie, Monsieur le député. Je propose à cette assemblée de suspendre ici nos travaux et de faire une pause. Plusieurs personnes s'étant inscrites pour prendre la parole, nous poursuivrons ce débat à 17h précises.
Fin du premier débat: Session 10 (août 2008) - Séance 61 du 28.08.2008
La séance est levée à 16h45.