Séance du
jeudi 28 août 2008 à
10h05
56e
législature -
3e
année -
10e
session -
59e
séance
La séance est ouverte à 10h05, sous la présidence de Mme Loly Bolay, présidente.
Assistent à la séance: MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, et Mark Muller, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. David Hiler, Robert Cramer, Pierre-François Unger, Charles Beer et François Longchamp, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Christophe Aumeunier, Caroline Bartl Winterhalter, Antoine Bertschy, Marcel Borloz, René Desbaillets, Gabrielle Falquet, Michel Halpérin, Claude Marcet, Andreas Meister, Yves Nidegger, Patrick Saudan, Damien Sidler, Ivan Slatkine, René Stalder et Daniel Zaugg, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
Suite du premier débat
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le débat où nous l'avions laissé. Etaient encore inscrits: M. Jornot, M. Desbaillets, M. Moutinot, Mme Flamand, Mme Emery-Torracinta, M. Ducrot, Mme Curzon Price, M. Golay, M. Pétroz. Je passe tout de suite la parole à M. Olivier Jornot.
M. Olivier Jornot (L). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, ce débat est assez particulier... Il est particulièrement intéressant de ce fait aussi, dans la mesure où, au-delà des clivages politiques, nous avons l'occasion d'exprimer quelques avis sur notre conception du système démocratique et, également, de projeter un certain nombre de fantasmes par rapport aux notions de progrès et de technologie.
Pour ma part, j'ai fait, depuis le début, partie des sceptiques, ne parvenant tout simplement pas à voir quel serait l'avantage déterminant d'introduire le vote électronique et considérant que toutes les questions encore ouvertes m'empêchaient, finalement, d'adhérer à ce projet avec enthousiasme. Ce projet - je crois que nous en sommes maintenant conscients - ne représente pas seulement une modification technique: il introduit une révolution dans la manière de voter. En effet, si nous l'adoptons et si le peuple l'adopte, nous aurons pour la première fois un système où les électeurs et les contrôleurs qu'ils délèguent n'auront pas la possibilité de vérifier eux-mêmes la totalité des votes. Ils devront déléguer cette responsabilité à des techniciens qui, eux seuls, seront capables de comprendre. Cela représente donc effectivement une modification révolutionnaire.
J'aimerais pour ma part vous faire quatre remarques. La première porte sur les problèmes de sécurité. Mesdames et Messieurs, il ne sert à rien - et tout à l'heure nous avons refusé le renvoi en commission - de mandater des experts et de leur demander trente-six rapports pour savoir si le projet est sûr on non. Il y a une vérité évidente que nous connaissons tous: l'informatique peut connaître des failles. Point ! Nous savons tous, par exemple - nous évoquions tout à l'heure tout ce que nous faisons sur internet - que les transactions financières en ligne occasionnent des milliards de pertes chaque année au système financier international, tout simplement en raison des fraudes, en raison des hackers, tout ce que vous voulez. Mais le système financier international supporte ce pourcentage de pertes comme faisant partie des risques qu'il assume.
Par conséquent, nous ne devons pas nous demander si le système qui est proposé par le Conseil d'Etat est sûr: nous devons nous demander quel est le pourcentage de votes dont nous sommes prêts à accepter qu'ils soient corrompus. Combien de votations populaires ? Sommes-nous prêts à accepter, par exemple, qu'une votation populaire sur cent donne un résultat dont nous ne pouvons pas être sûrs ? C'est ce type de question que nous devons nous poser !
Ma deuxième remarque porte sur la perte du contrôle démocratique. Mesdames et Messieurs, je crois qu'il n'est vraiment pas anodin de signaler que, pour la première fois, nous aurions un système qui ne permet pas aux électeurs de contrôler eux-mêmes le résultat du vote. Aujourd'hui, nous avons la possibilité, après le dépouillement, de refaire des contrôles: c'est ce qui est intéressant au niveau de la question de contrôle démocratique. L'important n'est pas tant de savoir si la poste va ou non acheminer notre enveloppe jusqu'à l'urne finale, c'est de savoir qu'avec ce nouveau système, une fois que vous aurez voté, vous ne pourrez pas compter sur les contrôleurs de votre parti pour vérifier que les décomptes ont été faits correctement. On peut l'assumer, mais on peut aussi ne pas l'assumer et penser que c'est une perversion de notre système de vote.
Ma troisième remarque relève de la symbolique. Mesdames et Messieurs, on a évoqué tout à l'heure un orateur citer la liste de toutes les activités que l'on peut faire aujourd'hui en ligne... C'est vrai que l'on peut à peu près tout faire en ligne aujourd'hui ! Mais la question qui se pose est la suivante: sommes-nous d'accord de mettre sur le même pied l'exercice du droit de vote et les différentes activités que nous faisons en ligne aujourd'hui ? Sommes-nous prêts à accepter la gadgétisation de l'exercice du droit de vote ? Un orateur disait que si nous voulions réintroduire l'aspect solennel du vote, il faudrait supprimer le vote par correspondance, etc. C'est vrai ! Si on revenait à la Landsgemeinde, ce serait tout à fait symbolique ! Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit: il s'agit de savoir si nous sommes prêts à admettre que les gens puissent voter, se prononcer sur des questions essentielles devant leur ordinateur, de la même manière qu'ils signent une pétition pour sauver les bébés phoques ou de la même manière qu'ils passent une commande de lessive sur un site de vente en ligne. En ce qui me concerne, je ne suis pas sûr que cette évolution soit souhaitable !
Ma quatrième remarque porte sur la problématique des Suisses de l'étranger, qui se sont à juste titre invités dans ce débat, en relevant qu'ils connaissaient des difficultés dans l'exercice de leur droit de vote. Mesdames et Messieurs, il faut faire attention à ne pas se laisser entraîner dans un débat qui ne concerne pas le vote électronique. Pourquoi ? Parce que ce qui est en cause - et vous avez vu le Conseil fédéral intervenir, il y a quelques jours, pour tancer les cantons - ce n'est pas le temps nécessaire à la réponse, c'est-à-dire à l'exercice du droit de vote par le citoyen qui est à l'étranger qui est en cause. Ce qui est en cause, c'est le temps nécessaire à l'expédition du matériel de vote. Or, celui-ci devra de toute façon être expédié, notamment avec les codes, dans le système de vote électronique. Donc, il ne faut pas croire que la situation des Suisses de l'étranger serait améliorée par ce projet de loi.
En revanche, le Conseil fédéral a clairement reproché aux cantons de mal faire leur travail en matière d'expédition du matériel de vote aux Suisses de l'étranger, notamment de l'acheminer en courrier Z, de ne pas faire la dépense nécessaire pour que les personnes concernées reçoivent le matériel à temps, ou de l'expédier trop tard, ou, encore, de l'expédier dans des langues qui ne sont pas adéquates. Vous pouvez lire tout cela dans le courrier du Conseil fédéral. Eh bien, Mesdames et Messieurs, ce sont des points qu'il faut améliorer, mais qui ne relèvent pas du vote électronique !
En conclusion, je me pose la question suivante: quels sont, par rapport à ces inconvénients - que je considère, personnellement, comme importants - les avantages apportés par le vote électronique ? J'ai vraiment peine à voir, dans tous les textes à notre disposition, dans toutes les prises de position que nous avons entendues, autre chose que le simple avantage de l'adéquation à l'air du temps ! J'ai peine à voir autre chose que la volonté d'être à tout prix pionnier, de vouloir moderniser la république en introduisant un «machin» technologique, qui doit nous exciter ! Et il me paraît que ce n'est pas une bonne chose que d'introduire une modification aussi importante de notre système démocratique sur le simple titillement que l'on ressent à l'idée d'être pionnier dans un domaine technologique !
Et cela me pousse, Mesdames et Messieurs, à vous inciter à la plus grande prudence; en effet, il faut surtout éviter de «refiler» la question - si vous me passez cette expression - au peuple, en ne votant que le principe dans le cadre de l'article constitutionnel et en se disant que l'on verra bien après... Qu'est-ce que cela signifierait ? Cela reviendrait à demander au peuple s'il veut que l'on introduise cette innovation, sans savoir comment, nous, nous allons l'introduire et sans lui indiquer quelles seront les règles de sécurité qui seront applicables, pas plus que les procédures de vérifications qui seront utilisées. Ce mode de faire serait la pire des solutions, à moins que le but soit que le peuple dise non à tout prix. Il me semble en effet que cet objectif serait atteint si on lui posait la question de cette manière.
Je terminerai mon intervention, Mesdames et Messieurs, par un clin d'oeil... Je donnerai ma recommandation de vote en respectant la formule qui figure en page 34 du rapport: je vous recommande de voter Xcfg-zNax-o-nbe. Si vous vous reportez à la page en question, cela veut dire: non ! (Rires et applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le député ! Aux personnes qui se sont inscrites, dont j'ai donné les noms tout à l'heure, se sont ajoutés M. Guénat et M. Deneys. Le Bureau décide de clore la liste des intervenants. Monsieur Jean-Claude Ducrot, je vous donne la parole.
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Il me semble qu'un certain nombre de peurs se sont manifestées ce matin autour de ce projet de loi. Chaque progrès de notre société a été accompagné de telles peurs. Lorsque l'homme a découvert le feu, des incendies suivirent. Mais a-t-on pu arrêter le progrès pour autant ? Le feu a été très bénéfique, même s'il a été néfaste s'agissant des incendies qu'il provoque. Lors de l'arrivée des chemins de fer, que n'a-t-on pas dit ? Que le progrès était dangereux ! Pourtant, hier, un débat a eu lieu sur le train à grande vitesse entre Lausanne et Genève. C'est dire, Mesdames et Messieurs, que chaque progrès génère des peurs, des oppositions, des craintes du lendemain. Mais on ne gouverne pas avec les peurs: elles empêchent de progresser ! Et l'ère de l'informatique fait manifestement partie du progrès !
Dès lors, il faut absolument être sérieux dans ce projet. Le Conseil d'Etat tout comme les services - quand bien même ils auraient parfois pu être plus convaincants - montrent une réelle volonté d'aller de l'avant, d'apporter toute la sécurité possible en matière de vote électronique. Ce n'est qu'un moyen supplémentaire - même si d'aucuns ont dit qu'il était révolutionnaire, certes, mais l'informatique n'est plus révolutionnaire maintenant - pour encourager le débat démocratique et la prise de position de nos citoyens. Il n'a jamais été question de supprimer le vote par correspondance ni au local de vote. Ce moyen supplémentaire fait partie de notre manière de vivre, fait partie des sensibilités des uns et des autres: voyez d'ailleurs combien les enfants, dès leur plus jeune âge - ce n'est pas nécessairement toujours un bien - sont capables de s'impliquer dans l'informatique.
Nous avons parlé de tests de sécurité... Le projet de loi prévoit une certification tous les trois ans, mais, indépendamment de cette dernière, des tests sont effectués continuellement. Et la rapporteure de majorité - que je félicite, au nom de mon groupe, pour cet excellent document - a d'ailleurs signalé que des tests étaient effectués actuellement. Et, lors des votations, d'élections, des tests seront bien évidemment mis en place, afin d'offrir un maximum de sécurité. Aucun système n'est inviolable: les plus grandes forteresses ont été prises une fois ou l'autre ! Toutefois, à un moment donné, il faut accepter de courir des risques mesurés, d'autant que les experts nous indiquent - et c'est relaté dans le rapport - qu'ils sont très minimes.
Il a également été dit dans ce débat qu'il fallait prendre en considération que le vote de nos compatriotes à l'étranger était un élément important pour qu'ils soient partie prenante de notre démocratie.
C'est sans hésitation que le groupe démocrate-chrétien vous invite, Mesdames et Messieurs, à dire oui à ces deux projets de lois, à dire oui de manière à avancer dans le progrès, à dire oui pour permettre au Conseil d'Etat - et c'est sa responsabilité - de faire en sorte que le système de vote électronique soit fiable, quand bien même aucun système n'est à l'abri d'un quelconque accident. Et c'est sereinement que nous pouvons faire confiance au Conseil d'Etat et voter ces deux projets de lois. C'est ce que le PDC vous invite à faire ! (Applaudissements.)
Mme Victoria Curzon Price (L). Je ferai une seule observation au sujet du débat. Le vote électronique nous demande de mettre en balance avantage et inconvénient. L'inconvénient a été très souvent évoqué: c'est le problème de la fraude. L'avantage serait une participation plus active des fameux 40% qui ne votent que de façon intermittente. On pourrait multiplier les commissions et les enquêtes, on n'en saurait pas plus sur la question ! La seule façon de savoir ce qu'il en est, c'est d'expérimenter le système. Le Grand Conseil et Genève se doivent de faire cette expérience, parce que c'est un moyen d'améliorer la démocratie participative et d'améliorer la légitimité du vote. Par contre, si l'expérience n'est pas probante, parce que, à la lumière de l'expérience, les fraudes se révèlent trop importantes, il faudra savoir revenir en arrière. Il n'y a qu'une seule façon de savoir ce qu'il en est et de mettre des valeurs à ces incertitudes, c'est de tenter l'expérience.
Donc, en ce qui me concerne, je voterai ces deux objets.
M. Roger Golay (MCG). Beaucoup de personnes craignent que la participation dans les locaux de vote diminue... C'est vrai, le vote électronique entraînera cette baisse de participation.
Je tiens toutefois à vous faire part d'une expérience que j'ai vécue récemment, lors de la dernière votation populaire. J'ai eu l'honneur d'officier en qualité de vice-président du local de vote du Petit-Lancy. Il faut savoir que, sur 12 000 électeurs à Lancy, 160 personnes seulement se sont déplacées au local de vote du Petit-Lancy et à peu près l'équivalent au Grand-Lancy. Cela fait environ 300 personnes, et cela pour un votre très important. En temps normal, ce sont 80 personnes en moyenne qui se déplacent par local de vote. La participation est donc déjà très faible. L'introduction du vote électronique va probablement entraîner une baisse de ces chiffres, mais si ce mode de faire permet d'augmenter globalement la participation des électeurs du canton, je pense que ce serait une réussite.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Philippe Guénat... Il n'est pas là. Je donne la parole à M. Roger Deneys.
M. Roger Deneys (S). Merci, Madame la présidente. J'ai écouté avec attention les propos de M. Jornot tout à l'heure et j'en partage l'essentiel... Je pense que le vote en général n'est pas un acte anodin et qu'il mérite que l'on s'en préoccupe, notamment dans l'éventualité du vote électronique.
Je fais de l'informatique depuis plus de vingt ans, et, évidemment, je me suis posé beaucoup de questions sur ce sujet - et on m'a posé beaucoup de questions. Je ne suis bien sûr pas un expert en matière de sécurité informatique, mais je la côtoie tous les jours. Ce qui est certain, en tout cas, c'est que la sécurité absolue n'existe pas en informatique, et il serait faux de placer le débat à ce niveau. En effet, il ne s'agit pas d'une question de sécurité: c'est essentiellement une question de méthode que l'on pourrait utiliser pour détecter et corriger des fraudes. Et, pour ma part, je pense que la technologie permet sans cesse d'améliorer les processus. A défaut d'être infaillible - car je ne crois pas que les systèmes informatiques puissent l'être - la technologie peut garantir un niveau de fiabilité suffisant, et, contrairement à ce qu'a indiqué M. Jornot tout à l'heure, il n'est pas exact d'affirmer, dans le cas du vote électronique, que le vote serait complètement dématérialisé. Chaque vote électronique pourrait d'ailleurs - si on le souhaitait - faire l'objet d'une impression papier, et on pourrait compter les bulletins qui ont été imprimés. Du reste, on pourrait imaginer que toutes les transactions soient enregistrées dans un fichier - ce qui sera fait, bien entendu. Il ne faut donc pas faire de la parano par rapport à l'insécurité du système.
A mon avis, le problème n'est pas politique, c'est un véritable sujet de société. Nous sommes confrontés à l'évolution des moeurs, au fait que certaines personnes sont plus engagées en politique, comme vous et moi, et que d'autres le sont moins ou, en tout cas, différemment. Et puis, on peut se demander, la société changeant, si c'est une bonne chose de voter, de faire un geste citoyen, depuis son ordinateur. En ce qui me concerne, cela me pose problème et j'y suis défavorable, mais, sur le fond, je pense que c'est vraiment une question de moeurs de société.
Donc, j'arrive à la conclusion inverse de celle de M. Jornot: je pense que le plus sage, aujourd'hui, c'est de soumettre cette proposition en votation populaire, parce que c'est aussi aux citoyens d'indiquer comment ils souhaitent faire fonctionner la démocratie genevoise, la démocratie suisse. D'une certaine manière, c'est même un sujet qui aurait pu être traité par la Constituante, parce que l'on peut imaginer qu'il s'agit plutôt d'une question de méthode de fonctionnement de notre démocratie. Quoi qu'il en soit, je ne pense pas qu'il faille en faire un enjeu politique.
Comme je l'ai déjà indiqué, je suis plutôt opposé à l'introduction du vote électronique et, en fait, je suis aussi opposé au vote par correspondance, parce que, d'une certaine manière, je pense que le seul geste citoyen, c'est de se rendre au bureau de vote. D'une certaine manière, cette dématérialisation du vote a déjà été introduite en offrant la possibilité de voter à domicile; avec le vote électronique, on l'accentue encore, mais, en réalité, ce n'est pas très différent.
Par conséquent, en ce qui me concerne et quelles que soient mes réserves, je suis favorable à ce que ce sujet soit soumis au peuple; faisons des campagnes pour que celui-ci puisse se prononcer en connaissance de cause, mais ne bloquons pas ce processus aujourd'hui.
Autre chose. Il a été demandé plusieurs fois que cet objet soit traité en urgence devant ce Grand Conseil, cela a été refusé... J'aimerais donc quand même relever que le chancelier de la République et canton de Genève n'a pas forcément eu une attitude de nature à rassurer les députés et à calmer les débats. Personnellement, je le regrette, car je pense que nous aurions déjà pu prendre cette décision il y a quelques mois.
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de majorité. Je crois effectivement que l'essentiel du débat n'est pas technique. Très peu de personnes dans cette salle seraient capables de répondre de manière très pointue sur ce point. Je ne vais pas revenir sur les points que je voulais aborder sur le fonctionnement et la sécurité. Et puis, vous avez dans le rapport un certain nombre d'éléments sur ce sujet.
A M. Jornot, qui est le principal auteur de ce projet de loi constitutionnelle, j'exprimerai mon étonnement... En effet, je comprends mal, Monsieur le député, comment vous pouvez nous dire en commission que le peuple doit se prononcer sur ce sujet important et nous indiquer aujourd'hui qu'au fond vous êtes opposé au vote électronique, qu'il n'apporterait rien et qu'il n'est donc pas nécessaire d'en appeler au peuple.
Je rappelle du reste qu'en commission le projet de loi constitutionnelle n'a rencontré aucune opposition. Il y a eu des abstentions - Vertes et UDC - mais les autres groupes ont accepté ce projet.
Je vais aborder ce qui me paraît l'essentiel, c'est-à-dire à l'idée de la banalisation ou de la sacralisation d'un objet qui passe en votation populaire et à la symbolique dont parlait Mme Baud. Plusieurs d'entre vous l'ont rappelé: le tournant a été pris lorsque nous sommes passés au vote par correspondance. Et ceux qui refusent aujourd'hui le vote électronique, en disant qu'il est essentiel de se rendre au bureau de vote, ont une vision quelque peu passéiste et mythique d'une époque qu'ils regrettent.
J'aimerais également relever - M. Ducrot l'a très bien rappelé - que les nouvelles technologies font souvent peur. Il a évoqué les chemins de fer... On disait à l'époque que les vaches ne produiraient plus de lait, parce que les trains allaient passer ou que l'être humain ne supporterait pas la vitesse du chemin de fer. En fin de compte, nous avons réussi à surmonter nos peurs. Mais ce qui se cache derrière cela et qui est plus subtil, c'est que, au fond, les nouvelles technologies font craindre le spectre d'un Etat «Big Brother», d'un Etat dictatorial. En commission, il nous a du reste été dit que le risque principal pourrait venir de l'intérieur, c'est-à-dire de l'Etat lui-même.
Alors, j'aimerais insister sur un point qui me paraît essentiel. Dans l'Histoire, les pires tyrannies - au XXe siècle, je pense notamment au nazisme ou au stalinisme - ont vu le jour sans aucun moyen technologique particulier. La technologie n'a rien à voir avec la dictature ! Ce qui fait le lit du totalitarisme, ce sont d'autres facteurs: le désarroi, l'humiliation, la crise économique, la peur de l'avenir, l'absence de repères. La technologie n'est qu'un moyen: elle n'est jamais la cause du problème !
D'ailleurs, en lisant «1984» de George Orwell, on constate que la surveillance permanente de l'individu - le fameux «Big Brother is watching you» n'est pas la cause de la dictature. La cause de la dictature est l'absence de repères dans le passé et la réécriture permanente du présent par le gouvernement.
J'aimerais vous dire qu'il est normal d'avoir peur, qu'il est normal de se poser un certain nombre de questions avant d'utiliser de nouvelles technologies. Mais la peur relève de l'émotion et non de la raison. Et notre rôle de député, c'est de dépasser ces peurs, d'analyser rationnellement un projet et de savoir quels sont les risques que nous acceptons de prendre, de savoir si nous voulons telle ou telle technologie. Il serait absurde, pour une peur panique qui deviendrait totalement irraisonnée, de tout refuser.
A ce propos, je voudrais signaler que, parmi les personnes que nous avons auditionnées, il y avait un membre du parti des Verts, contrôleur lors des votations électroniques, qui nous a indiqué que le système proposé était fiable.
Madame la rapporteure de minorité, vous avez cité, en exergue de votre rapport, un auteur du XVIIe siècle... Personnellement, je citerai quelqu'un qui nous est proche. Il s'agit d'un contemporain, Nicolas Hulot, qui disait: «On ne peut vivre qu'en dominant ses peurs, pas en refusant d'avoir peur.» Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission n'a pas peur du choix de la population et vous invite à accepter au moins le projet de loi constitutionnelle.
Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse de minorité. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le débat que nous avons depuis plus de deux heures. Beaucoup d'arguments intéressants ont été échangés, mais, cela dit, j'ai entendu assez peu d'arguments concrets par rapport aux avantages du système de vote électronique. La plupart des arguments portaient sur la peur de la minorité, sur l'audace, le courage, la volonté d'être pionnier. Le PDC nous a du reste donné une véritable leçon en la matière: un discours que nous aimerions entendre plus souvent, je vous l'avoue, notamment en matière environnementale où certains se montrent souvent beaucoup plus frileux... (Commentaires.)
C'est vrai, Genève pourrait être la première à introduire le système de vote électronique, mais elle pourrait aussi être la première à connaître un échec, à connaître une fraude de grande ampleur. Et il n'est pas toujours bon d'être précurseur. On imagine que l'introduction du vote électronique à Genève concernerait 10% des citoyens... Certains l'ont comparé à la construction des chemins de fer: c'est peut-être un peu ambitieux ! A mon avis, la gloire passerait assez vite. Par contre, si nous rencontrions des problèmes avec ce système, ce serait nettement plus dommageable pour notre canton.
S'agissant du projet de loi constitutionnelle, je partage tout à fait l'avis de M. Jornot: si le peuple se prononce et s'il est favorable au vote électronique, il faut avoir un système sérieux et digne de confiance à lui proposer par la suite. Si nous ne sommes pas persuadés du bien-fondé du système de vote électronique, il n'est pas judicieux de voter ce projet de loi constitutionnelle, de renvoyer le bébé au peuple. Si nous avions dû, il aurait fallu le faire dès le départ, en admettant que le peuple devait se prononcer tout de suite sur le principe, et non pas après quinze séances de commission où nous avons eu largement l'occasion d'étudier ce système. Et si nous devions en être convaincus, il faudrait le voter pour cette raison-là, et pas laisser le peuple décider parce que nous n'y arrivons pas, étant donné nous ne sommes pas des experts. Pour moi, ce n'est pas une bonne solution.
Un autre argument a été avancé, selon lequel le système actuel n'est pas fiable... Si j'ai bien compris l'argument de la majorité, il faudrait accepter le vote par internet qui n'est pas fiable non plus... Ce n'est pas sérieux ! Si nous pensons que le système actuel ne convient pas, il faut le modifier. Donc, l'argument invoqué n'est pas valable pour adopter un nouveau système qui ne serait pas plus fiable que l'actuel !
En ce qui nous concerne, nous ne demandons pas le risque zéro, nous savons bien qu'il n'existe pas. Or, lorsqu'un risque est pris, lorsqu'une dépense conséquente est effectuée par l'Etat, nous attendons, en contrepartie, une avancée, des avantages incontestables. Mais nous ne les avons pas trouvés dans ce projet.
Je vous confirme donc que nous voterons non à ces deux projets de lois.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Le chancelier d'Etat, à la demande du Conseil d'Etat, a développé avec grand enthousiasme et beaucoup d'énergie le vote électronique. Je regrette que certains d'entre vous aient pu être choqués par son enthousiasme peut-être excessif... J'ose croire en tout cas qu'il n'y aura pas de vote sanction à son égard aujourd'hui. Certes, il a porté le vote électronique, mais c'est un projet gouvernemental: le Conseil d'Etat y tient.
Le vote - vous l'avez tous dit à juste titre - est un des éléments fondamentaux de la démocratie, et ce qui importe, c'est la fiabilité de l'expression populaire. Tous les modes de vote: électronique, par correspondance, en se rendant dans un local de vote, comportent un certain nombre d'inconvénients. Mais la validité du vote même dépend de l'importance que nous lui accordons, dépend du sérieux avec lequel l'instruction civique est dispensée, dépend de l'engagement des partis, de l'engagement des autorités. Le mode, en tant que tel, n'en est qu'une expression.
Mesdames et Messieurs les députés, vous avez voulu à juste titre que l'Etat de Genève s'engage fortement dans l'e-administration - à défaut d'un mot français, peut-être préférable - ce que nous faisons avec la conviction que cela est de nature à améliorer les prestations de l'Etat en faveur des citoyens, à les rendre également moins chères.
Le vote électronique est dans cette logique: il ne comporte pas un degré d'insécurité différent d'aucune autre utilisation électronique. Il fait même, en raison de son importance, l'objet de soins tout à fait particuliers, de contrôles supplémentaires. Et le système utilisé - cela a été dit et répété - comporte un risque le plus bas qui se puisse concevoir, même si ce n'est pas le risque zéro. Donc, en ce qui concerne la sécurité même, j'imagine mal que l'on puisse en faire un motif de refus.
Il a été dit, en revanche, que le contrôle par les citoyens - c'est l'un des arguments avancés par M. Jornot - était difficile, en tout cas que tout un chacun n'avait pas forcément les compétences nécessaires pour l'exercer.
C'est probablement vrai aujourd'hui. Ça ne le sera pas toujours ! Je vous rappelle qu'au début du vote écrit les citoyens procédaient eux-mêmes au dépouillement, comme cela se fait toujours. Comme, malheureusement, il y avait un nombre considérable d'analphabètes en Europe occidentale, ils ne pouvaient pas contrôler leur vote. Et personne, ou plutôt, si, certains ont eu l'idée d'utiliser cet argument, à l'époque, pour s'opposer au suffrage universel, mais, fort heureusement, il a été passé outre à cette objection. Aujourd'hui, la quasi-totalité des citoyens sont alphabétisés. Ils peuvent contrôler leur vote, et, à terme, compte tenu de l'importance croissante de l'électronique et de l'informatique, nul doute que l'on pourra aussi mieux qu'aujourd'hui contrôler ce genre de procédures.
Mesdames et Messieurs les députés, le système genevois, vous le savez, bénéficie des faveurs de la Confédération. Il intéresse un certain nombre d'autres cantons. Il intéresse un certain nombre d'autres pays. J'aurais quand même quelque peine à croire que ce qui a été fait à Genève serait bon pour tout le monde sauf pour les Genevois eux-mêmes ! Il faut reconnaître que nous avons quelquefois l'art de la bizarrerie, mais, là, nous serions carrément dans le paradoxe !
Deux projets de lois vous sont présentés ce soir. A partir du moment où vous avez, de manière quasiment unanime en commission, décidé qu'il fallait soumettre cette question au peuple - cela est parfaitement compréhensible compte tenu de son importance - vous ne devez pas vous demander si vous êtes favorables ou non au projet de loi constitutionnelle: vous devez vous demander si cela a un sens de poser la question au peuple. Si tel n'est pas le cas, l'exercice est parfaitement vain. Vous auriez pu simplement vous prononcer sur le projet de loi du Conseil d'Etat. Mais vous avez créé le processus constitutionnel - une fois encore: pourquoi pas ? - par conséquent, si vous voulez donner l'occasion au peuple de se prononcer - et il doit se prononcer, car c'est un enjeu de société, cela a été rappelé - vous devez accepter le projet de loi constitutionnelle.
M. Jornot a ensuite expliqué que l'on ne peut pas soumettre une question de principe au peuple sans lui dire comment on va l'appliquer... Il a raison ! Par conséquent, il faut que le débat se poursuive sur le projet de loi législatif, afin que la population sache comment pourrait être mis en oeuvre le principe constitutionnel qu'il lui est demandé d'accepter. Compte tenu des délais inhérents au processus, peut-être faudra-t-il apporter quelques modifications à ce projet de loi. Quoi qu'il en soit, il est effectivement légitime que les électeurs et électrices sachent comment le Grand Conseil entend concrétiser le principe, s'il est admis par le peuple.
La présidente. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais tout d'abord vous soumettre la prise en considération du projet de loi constitutionnelle, le PL 10013.
Mis aux voix, le projet de loi 10013 est adopté en premier débat par 41 oui contre 27 non et 9 abstentions.
La loi 10013 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10013 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 39 oui contre 28 non et 9 abstentions.
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de majorité. Lors de la séance précédente, nous avons refusé le renvoi en commission des deux projets de lois... Or il me semble que la donne a quelque peu changé: à partir du moment où nous acceptons que le peuple se prononce sur le principe, il me paraîtrait logique que, en parallèle, nous examinions, en commission le futur rapport qui sera rendu sur les tentatives d'intrusion effectuées, de façon à pouvoir - que l'on soit pour ou contre le vote électronique - présenter au peuple quelque chose qui tienne la route. Je me permets donc de vous demander à nouveau de renvoyer en commission le projet de loi 9931.
La présidente. Merci, Madame la rapporteure de majorité. D'autres personnes souhaitent-elles s'exprimer sur ce renvoi en commission ? Tel n'est pas le cas. Nous votons.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9931 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est adopté par 50 oui contre 19 non et 6 abstentions.
Premier débat
M. Alain Etienne (S), rapporteur. Ce projet de loi, modeste, vise tout d'abord à donner la possibilité aux Confédérés qui s'établissent dans notre canton de s'annoncer dans la commune de leur lieu de résidence, en plus de l'office cantonal de la population, comme c'est le cas actuellement. Pour ce faire, les communes pourront accéder à la base Calvin - ce qui, d'ailleurs, était demandé par les communes elles-mêmes - améliorant ainsi le service à la clientèle, notamment depuis le déménagement de l'office cantonal de la population à Onex. Je tiens toutefois à préciser que l'OCP conservera le pouvoir de surveillance. Ce projet propose donc d'offrir une proximité aux personnes concernées - ce qui n'est pas le cas actuellement - en transférant certaines compétences aux communes.
C'est pour cette raison que la commission vous demande d'approuver ce projet de loi.
M. Sébastien Brunny (MCG). Le but premier de ce projet de loi 10046 sur le séjour et l'établissement des Confédérés est d'améliorer le service à la clientèle, d'être plus efficient et de simplifier au maximum les procédures à suivre.
Le MCG a soutenu et continuera à soutenir ce projet de loi, mais il vous propose un amendement. En effet, nous pourrions supprimer, comme le canton de Vaud ou le canton du Valais l'ont décidé en votation cantonale, il y a dix ans environ, le permis d'établissement pour les Confédérés. Actuellement, ces cantons se basent sur un seul document: l'acte d'origine.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, il serait judicieux de renvoyer ce projet à la commission des affaires communales, régionales et internationales afin de le peaufiner et, surtout, d'étudier cet amendement, pour, éventuellement, l'ajouter au texte de loi.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Vous avez formellement demandé le renvoi de ce projet de loi en commission. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que chaque groupe a droit à trois minutes de parole. Deux personnes sont inscrites, respectivement du parti radical et libéral, mais j'imagine qu'elles voulaient s'exprimer sur le fond... Je vais ouvrir la discussion sur le renvoi en commission. Monsieur Ducret, voulez-vous vous exprimer sur le renvoi en commission ? (M. Michel Ducret répond hors micro.) Je vous donne la parole.
M. Michel Ducret (R). Madame la présidente, je vais faire une brève intervention et vous donnerai en même temps l'avis de notre groupe sur le renvoi en commission, c'est plus simple !
Pour le groupe radical, cette proposition s'inscrit dans la nouvelle répartition des tâches avec un report de certaines activités sur les communes, qui doivent être plus proches des citoyens, ce qui limitera les déplacements pour des raisons administratives. Aussi ne nous paraît-il pas utile de renvoyer ce dossier en commission.
Par contre, le débat en commission sur cet objet a montré des insuffisances dans les relations avec l'Association des communes genevoises. En effet, on se rend compte que des propositions discutées à certains niveaux entre l'Etat et l'ACG sont parfois mal répercutées sur l'ensemble des membres de l'ACG, ce qui pose un certain nombre de problèmes. Indirectement, au travers de cette proposition, on constate de plus en plus que les structures de l'Association des communes genevoises ne sont plus tout à fait adaptées quant à cette nouvelle répartition des tâches. Il sera donc peut-être nécessaire, à un moment donné, de se pencher sur ce sujet, pour faire en sorte que l'Etat puisse trouver un interlocuteur plus fiable - par rapport aux engagements pris entre ces différents partenaires - dans le cadre de la nouvelle répartition des tâches. Voilà ce que le groupe radical avait à dire.
Pour peu que ce projet ne soit pas renvoyé en commission, nous accepterons ce projet.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que nous sommes dans le débat concernant le renvoi en commission et que trois minutes de parole par groupe sont imparties. Madame Favre, vous pouvez vous exprimer.
Mme Christiane Favre (L). Merci, Madame la présidente. Si vous me le permettez, je ferai pareil: je m'exprimerai sur le renvoi en commission et sur le fond dans la même intervention...
Je vous signale tout d'abord que le groupe libéral renonce à renvoyer ce projet de loi en commission. Il semble en effet que tout a été dit sur ce sujet. La commission a accepté ce transfert de compétences entre l'Etat et les communes pour les raisons suivantes: il s'agit d'abord d'offrir un service de proximité, tout comme celui des passeports, qui avait été transféré il y a quelques années et qui est vivement apprécié par la population.
Ensuite, l'Association des communes genevoises nous a confirmé son intérêt et son accord, même si elle relève que le calcul des charges liées à ce transfert de compétences est difficile à effectuer avec exactitude. Selon les chiffres avancés par le département, il est question, pour la totalité du canton, d'une centaine d'opérations par jour, qui nécessitent environ trois postes et demi pour le service cantonal compétent. Si on imagine qu'une quarantaine d'opérations journalières reviennent à la Ville de Genève - qui pourrait logiquement les traiter avec un ou deux postes supplémentaires - il resterait une soixantaine d'opérations à répartir dans les quarante-quatre autres communes du canton, selon leur population respective. Cela devrait donc pouvoir être absorbé sans douleur par la plupart des petites et moyennes communes, avec, éventuellement, des ajustements de postes pour les plus grandes.
Quoi qu'il en soit, si les coûts exacts demeurent difficiles à chiffrer, c'est qu'une grande partie des charges induites par cette nouvelle prestation communale seront compensées par la perception d'émoluments. Le département parle d'une opération quasiment neutre pour les communes, j'espère que l'expérience le confirmera et qu'elle sera un succès, car ce transfert est intelligent. Il illustre assez bien ce qu'on attend des répartitions de compétences en fonction de la proximité.
Les libéraux accepteront donc ce projet de loi, mais ils demeureront attentifs à deux aspects: d'abord, que les chiffres avancés par le département s'avèrent bien exacts et, à terme, que le service cantonal ferme ses guichets pour les Confédérés, compte tenu du nombre de guichets communaux qui seront alors à disposition. Il serait en effet malvenu de pérenniser un doublon de ce type.
Un amendement sera déposé par le parti libéral, simplement pour faciliter le contrôle par ce parlement des deux derniers aspects évoqués par une évaluation.
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Ce projet de loi s'inscrit bien évidemment dans le cadre de la proximité citoyens et autorités. Cependant, cette proximité doit faire l'objet d'une évaluation et son coût doit être calculé.
En commission, le parti démocrate-chrétien a exprimé ses réticences par rapport aux coûts réels générés pour les communes, au nombre de personnels qui seront nécessaires pour effectuer ce travail. Le département nous a indiqué que cela permettait à l'Etat de faire l'économie de deux postes, alors que la Ville de Genève nous a déjà annoncé, lors de son audition, qu'il lui faudrait au moins quatre personnes pour remplir cette tâche ! Sans compter, bien évidemment - on peut se poser la question - ce qu'il adviendrait au niveau des grandes communes genevoises !
Dès lors - non pas que nous soyons opposés à ce projet de loi - il est extrêmement important de bien déterminer le cadre et de demander au Conseil d'Etat - et c'est normal ! - qu'une évaluation soit faite au bout de deux ans. Une telle évaluation devrait être effectuée, dans le cadre des enjeux financiers de notre canton, au travers du transfert de charges aux communes, parce que c'est par ce biais que l'on peut se rendre compte des doublons, s'il faut supprimer un service, s'il est nécessaire de reporter certaines charges sur les communes. Mais il est important d'en connaître les conséquences. Or il y a eu un flou artistique, Mesdames et Messieurs les députés, dans les réponses qui nous ont été données, quant à la nécessité de cette évaluation, quant à la quantification du travail qui serait réalisé par les communes !
La raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien s'était opposé à ce projet de loi, c'est que, manifestement, des garanties n'avaient pas été données par le Conseil d'Etat. Alors, nous accepterons ce projet de loi, pour autant, bien sûr, que l'amendement que nous avons déposé et signé - avec le groupe libéral - y soit inscrit.
La présidente. Merci beaucoup, Monsieur le député, mais vous ne nous avez rien dit sur le renvoi en commission. J'aimerais savoir si les démocrates-chrétiens soutiennent ou pas le renvoi en commission.
M. Jean-Claude Ducrot. Excusez-moi, Madame la présidente ! Nous sommes opposés au renvoi de ce projet de loi en commission.
La présidente. Maintenant, nous sommes au courant. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S). Je voudrais simplement signaler que le groupe socialiste refuse, évidemment, le renvoi en commission de ce projet de loi.
Je saisis cette occasion pour signaler à nos collègues du MCG - je ne sais pas s'il s'agit d'un lapsus - qu'ils ont privatisé cette prestation... En effet, l'un d'entre vous a parlé de «service à la clientèle»... Je ne savais pas que les citoyens étaient devenus des «clients» ! En principe, ce sont des usagers, des prestataires, des citoyens ! S'agissant d'une prestation publique, je crois que le terme de «clientèle» est malvenu. Les mots sont importants et je tenais à corriger l'expression que vous avez utilisée: il ne s'agit pas d'un «service à la clientèle», mais d'une prestation de l'Etat ou de la commune !
La présidente. Merci, Monsieur le député. Le parti socialiste refuse le renvoi en commission, n'est-ce pas ? (M. Alberto Velasco répond hors micro.) Vous avez raison: vous l'avez annoncé. Madame Alder, pour le groupe des Verts, vous avez la parole.
Mme Esther Alder (Ve). Les Verts s'opposent au renvoi de ce projet en commission. En effet, tout a été dit lors de l'examen de cet objet.
Il s'agit d'un projet gagnant/gagnant. L'Association des communes genevoises était tout à fait d'accord avec la décentralisation de cette prestation, dans l'idée d'aller au plus près des citoyens et d'offrir un service de proximité. Nous sommes donc, je le répète, opposés au renvoi en commission de ce projet de loi.
En ce qui concerne la proposition d'amendement, nous sommes un peu dubitatifs... Nous nous abstiendrons probablement.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. La demande de renvoi en commission semble être motivée par la volonté de rendre le système plus simple. C'est précisément le but de ce projet de loi, notamment en supprimant l'obligation du dépôt de l'acte d'origine.
Ce projet a été élaboré avec l'Association des communes genevoises, qui sont maintenant quarante-cinq... Il peut arriver que l'une ou l'autre ait une opinion différente, mais je considère l'ACG comme l'interlocuteur naturel du Conseil d'Etat. Libre ensuite à celles qui sont en minorité à l'ACG de reprendre d'autres positions ultérieurement. Je le répète, ce projet a été élaboré avec l'interlocuteur usuel du Conseil d'Etat en matière communale, à savoir l'ACG.
J'accepte l'amendement qui nous est proposé, parce que, par essence, lorsque l'on fait quelque chose, il vaut la peine, au bout d'un certain délai, de se demander si c'est bien fait, si c'est la bonne solution. Par conséquent, il est légitime d'évaluer le processus engagé.
En revanche, je ne suis pas d'accord de supprimer la compétence qui demeure concurremment à l'OCP. En effet, dans le même lieu se trouvent l'Etat civil, le service des naturalisations et le service des Confédérés, qui va être réduit. Or, le but du regroupement est d'éviter que les citoyens n'aient plusieurs démarches à effectuer dans des endroits différents. Tant mieux pour la personne qui n'a besoin que d'un acte qu'elle peut obtenir dans sa commune: elle n'a pas besoin d'aller loin ! Par contre, je vois mal que l'administration cantonale dire à une personne qui aurait besoin de plusieurs actes de retourner d'abord dans sa commune et de revenir ensuite à Onex ! Ce regroupement sera maintenu tel quel, avec des effectifs plus restreints, certes, mais il faut conserver cette compétence résiduelle.
Par conséquent, le Conseil d'Etat s'oppose au renvoi en commission et vous remercie de réserver un bon accueil à ce projet de loi.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10046 à la commission des affaires communales, régionales et internationales est rejeté par 63 non contre 5 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, le projet de loi 10046 est adopté en premier débat par 63 oui et 2 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 14.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement proposé à l'article 15 et présenté par Mme Beatriz de Candolle, M. Francis Walpen et M. Jean-Claude Ducrot. Un des auteurs de l'amendement désire-t-il le présenter ? Monsieur Ducrot, vous avez la parole.
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Merci, Madame la présidente. Je remercie M. Moutinot d'avoir dit dans son intervention que cet amendement pouvait apporter un plus à ce projet de loi. Cette évaluation permettra d'estimer le transfert de charges et, surtout, de le quantifier: et cela, en qualité et en nombre de personnes qui effectueront ces changements. Elle permettra en outre de voir quelles synergies pourront se développer à l'avenir entre l'Etat et les communes.
Je vous prie donc, Mesdames et Messieurs, au nom du parti démocrate-chrétien, d'accepter cet amendement.
M. Christian Brunier (S). Merci, Madame la présidente. Il va de soi qu'il faut évaluer continuellement le fonctionnement des nouvelles réformes de l'Etat, le fonctionnement de l'Etat en général, ne serait-ce que parce que les besoins changent, que le fonctionnement change et qu'il faut adapter en permanence le système.
Par contre, le parlement prend une vilaine habitude: pour toutes les lois, il demande des rapports au Conseil d'Etat, lesquels sont renvoyés au parlement, etc. On entend souvent la droite dire qu'elle souhaite alléger le fonctionnement de l'administration, mais, en l'occurrence, en demandant des évaluations à tout va, vous ne faites qu'alourdir la charge de l'administration ! Cela représente un gros travail pour l'administration, qui pourrait consacrer son temps à effectuer d'autres missions plus importantes, notamment en lien avec les besoins de la population.
Et puis, cela augmente la bureaucratie... Je n'ai jamais vu une commission parlementaire améliorer véritablement le fonctionnement de l'Etat dans le détail ! Laissons cette tâche à l'Association des communes genevoises ! Les communes ne vont pas payer pour quelque chose qui ne fonctionne pas. Laissons également cette tâche au Conseil d'Etat, parce que l'une de ses tâches, c'est de faire fonctionner l'Etat le mieux possible ! Et arrêtons de réclamer continuellement des rapports d'évaluation qui engorgent les commissions, qui sont souvent traités en commission sur un coin de table: c'est du travail inutile pour l'Etat ! Et puis, cela augmente la bureaucratie, et la gauche n'en veut pas ! (Rires. Exclamations.) Vous pouvez rire ! Nous, nous en avons marre d'avoir des rapports qui ne servent pas à grand-chose, qui donnent beaucoup de travail, qui génèrent beaucoup de paperasse et n'améliorent pas réellement le fonctionnement de l'Etat ! Travaillons plutôt à la réforme de l'Etat ! Poussons le Conseil d'Etat à réformer l'Etat au maximum, pour qu'il soit le plus efficace possible, et cessons de nous donner bonne conscience en réclamant à l'administration des rapports, qui finissent à la récupération de papier et qui coûtent très cher à la collectivité ! (Applaudissements.)
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, je vous soumets la proposition d'amendement que vous avez tous, j'imagine, sous les yeux. Il s'agit d'un article 15 (nouveau) intitulé «Evaluation» - l'article 15 ancien devenant l'article 16. Voici le texte de l'amendement: «Le Conseil d'Etat, en collaboration avec l'Association des communes genevoises, établit une évaluation deux ans après l'entrée en vigueur de la présente loi et adresse un rapport au Grand Conseil.»
Mis aux voix, cet amendement (création d'un article 15 - nouveau) est adopté par 38 oui contre 22 non et 8 abstentions.
Mis aux voix, l'article 16 (ancien article 15) est adopté.
Troisième débat
La loi 10046 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10046 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 65 oui contre 2 non et 2 abstentions.
Premier débat
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC), rapporteuse de majorité. C'est un plaisir pour moi de pouvoir rapporter la position de la majorité de la commission des finances, qui a étudié, je dirai même «passé au crible», ce projet de loi 10124 accordant une aide financière annuelle de 515 000 F à l'Association F-Information pour les années 2008-2011. A un certain moment, ce montant a pu sembler exorbitant, mais si j'ai dit que la commission avait «passé au crible» ce projet, c'est qu'elle a été particulièrement attentive aux comptes et aux budgets de cette association et qu'elle a demandé et obtenu nombre de compléments d'information. Et le travail sérieux et efficace de F-Information n'a jamais été remis en question.
Toutefois, certains commissaires, surfant sur une vague de résistance envers les associations féminines, ont stigmatisé momentanément F-Information et tenté de diminuer cette subvention. Or, le principe-même de l'économie anime l'équipe de F-Information. Un exemple: les salaires sont égaux pour toutes les collaboratrices, qu'elles soient secrétaires ou juristes. Et puis, l'aide apportée depuis vingt-six ans est efficace: cela a pu être constaté. Cette aide ciblée, au bon moment, à la personne qui a besoin d'un conseil, évite à certaines femmes de tomber dans la précarité et d'avoir recours à l'aide sociale. Dans ces cas-là, on peut même se permettre, avec beaucoup de délicatesse, de parler de «retour sur investissement». En effet, dès lors que l'association a pu donner un conseil pertinent à une personne qui va pouvoir développer ses compétences, qui va avoir d'autres réponses à ses questions, cela évite à cette personne d'avoir à recourir à l'aide sociale, ce qui représente une économie tout à fait substantielle, dans la mesure où il s'agit aussi des deniers publics.
Madame la présidente, je me permets donc de recommander, comme la grande majorité de la commission des finances, d'accepter ce projet de loi.
M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de minorité. Avec ce projet de loi, on touche l'un des sujets les plus tabous de la république, à savoir les associations féminines. Dans ma courte expérience, chaque fois que l'on ose émettre la moindre remarque sur la gestion ou les prestations de ces associations, surtout si on est un député homme, on se fait tout de suite traiter de «macho rétrograde», ce qui n'a pas manqué d'arriver dans ce débat.
Des voix. C'est vrai !
M. Edouard Cuendet. Eh bien, voilà ! (Rires.) La preuve ! Mais je reconnais un mérite à la rapporteuse de majorité: c'est qu'elle a bien relevé que jamais au cours des discussions le principe même des prestations de F-Information n'avait été remis en cause. Ce qui a fait l'objet de la discussion, comme pour la plupart des associations soumises à la sagacité de la commission des finances, ce sont les questions financières, budgétaires et de gestion.
En l'occurrence, les commissaires attentifs ont eu la surprise de constater que l'association elle-même disait dans le projet de loi que, suivant l'évolution des circonstances, elle ne serait pas en mesure de remplir le contrat de prestations qu'elle signait - ce qui était pour le moins surprenant - et, en plus, qu'elle basait son activité, d'après le contrat de prestations, selon une augmentation progressive de la subvention à travers les années. Cela a donc évidemment mis la puce à l'oreille des commissaires aux finances avertis, qui se sont demandés comment l'association pouvait s'engager à fournir des prestations en partant du principe qu'elle aurait plus d'argent, mais qu'elle se réservait le droit de fournir moins de prestations. Cela a semé le doute auprès des commissaires.
Cela a aussi semé le doute - c'est une remarque plus générale - parce que certains commissaires ont eu l'impression qu'il y avait deux poids deux mesures entre la rigueur dont font preuve certains départements du petit Etat et les activités dans certaines associations... Je m'explique ! Si l'on examine les budgets et les comptes d'une année à l'autre, on remarque que des efforts considérables ont été fournis par certains départements en matière de réduction des frais généraux, puisqu'ils arrivent à une baisse des coûts de plus de 10%. Or, cette tendance ne se retrouve absolument pas dans les bilans des associations subventionnées dont les frais généraux sont, au mieux, stables ou en augmentation.
Pour les associations féminines, la situation est encore un peu différente: en effet, quelle ne fut pas la surprise des commissaires d'apprendre, hier, à la commission des finances, de la bouche du Conseil d'Etat, que des démarches avaient été effectuées pour que ces associations féminines nombreuses se regroupent, en termes administratifs, de façon à obtenir des gains d'efficience, comme cela s'est pratiqué - je tiens à le souligner - pour d'autres prestataires soutenus par l'Etat. C'est le cas notamment des associations qui luttent efficacement contre la propagation du sida; c'est le cas pour la solidarité internationale, pour laquelle une fédération exerce une activité de coordination financière. En matière de prise en charge du handicap - qui est une des priorités du Conseil d'Etat - le conseiller d'Etat François Longchamp a également pris des mesures pour rendre plus efficiente la gestion des associations qui oeuvrent dans ce domaine, soutenues par l'Etat.
En l'espèce, les associations féminines, dont F-Information fait partie, ont sèchement refusé cette démarche, en disant que leur diversité ne permettait pas une telle évolution. Cela est tout à fait regrettable ! Tellement regrettable, d'ailleurs, que la commission des finances recommandera au Conseil d'Etat d'aller dans le sens d'une rationalisation.
En raison de ces éléments, une minorité - Mme von Arx parle d'une large majorité: elle n'était pas si large que cela ! - a proposé un amendement qui a été refusé et, par conséquent, elle a refusé ce projet de loi. Et je vous remercie de faire de même.
M. Alberto Velasco (S). Je constate qu'à chaque fois que l'on traite des associations féminines, c'est toujours la même litanie des libéraux... Si je dis cela, Messieurs les libéraux, c'est parce que pour d'autres associations - ne serait-ce qu'hier - vous ne tenez pas le même langage... Notamment, il est indiqué dans le rapport de majorité: «Le parti libéral proposera, sauf exception dûment motivée, une réduction de 5% pour toutes les demandes...». Vous appliquez cette règle pour les associations féminines, mais, pour d'autres, motus: vous ne faites rien ! Quand il s'agit des «boutiques» des autres, vous êtes stricts, mais quand il s'agit des vôtres, alors, là, silence radio ! Quand on définit un principe, il doit s'appliquer à tous, même s'il s'agit de vos «potes» ! Mais, là, ce n'est pas le cas...
Je reviens maintenant sur les propos du rapporteur de minorité. En réalité - et j'utiliserai le terme employé par le président de la commission - vous, les libéraux, vous voulez «kolkhotiser» les associations féminines. C'est-à-dire que vous voudriez qu'elles n'aient qu'une seule structure, une seule administration, une seule présidente, dans le but de réduire leurs frais. En général, ce sont les socialistes, étatistes, collectivistes, communistes, qui sont enclins à envisager une telle démarche ! Les libéraux, eux, sont favorables à une société de marché, à faire jouer la concurrence la plus effrénée: nous avons cru que c'était ça, le concept libéral ! Or, bizarrement, vous voulez «kolkhotiser» les associations féminines, sous prétexte que cela reviendrait moins cher. C'est quand même assez extraordinaire, parce que c'est en totale contradiction avec vos principes !
Vous avez prétendu tout à l'heure que cette association féminine, dans le cadre des travaux, pensait modifier ses prestations en fonction de l'évolution de la demande sociale... Il faut remettre ces propos dans le contexte: si elle reçoit une somme pour fournir une prestation, en toute honnêteté, il serait totalement ridicule de fournir cette prestation de manière dogmatique, alors que la société est en train d'évoluer ! Une entreprise doit s'adapter au marché: si le marché évolue, elle doit s'adapter ! Une entreprise qui ne le fait pas meurt ! Fertig !
Eh bien, je trouve que c'est une bonne chose qu'une association ait une démarche proactive ! Avant, les subventions étant versées chaque année, l'association modifiait ses prestations en fonction de l'évolution de la société et elle disait à la commission comment elle ferait l'année suivante. Mais, maintenant, elle reçoit une subvention définie pour quatre ans. Elle est donc en droit de préciser qu'elle peut se trouver à même, si la situation évolue, non pas d'augmenter ou de diminuer ses prestations, mais de modifier le contenu de celles-ci, c'est-à-dire de les cibler différemment. Vous ne pouvez pas ne pas être d'accord avec cela ! En l'occurrence, vous comprendrez qu'elle ne voulait pas se donner la liberté de modifier le contrat de prestations: elle voulait simplement dire avec honnêteté qu'elle ne voulait pas bêtement appliquer certains principes. En tant que libéraux, vous devriez être satisfaits !
Et si d'aventure, chers collègues, les prestations venaient à diminuer, nous pourrons, tous partis confondus - même moi - dénoncer toute association - même une association de droite - qui aurait reçu une subvention conséquente sans fournir les prestations définies, puisque, comme vous le savez, une évaluation sera faite au bout de quatre ans. Dans ce cas, cette association devrait rendre de l'argent, mais cela ne pourra se faire qu'après l'évaluation.
Je pense que vous serez d'accord avec moi: il faut laisser aux associations - comme aux entreprises - une certaine marge pour s'adapter en fonction de l'évolution de la société et des demandes sociales.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, ce que je tenais à dire, tout en soutenant les propos de la «rapportrice» ou, plutôt, la rapporteuse de majorité, selon lesquels cette association accomplit parfaitement son travail et sa gestion est pour le moins acceptable.
Présidence de M. Eric Leyvraz, premier vice-président
M. Eric Bertinat (UDC). Le moins que l'on puisse dire, c'est que la demande d'aide financière déposée par F-Information a présenté de nombreuses lacunes, ce qui amené la commission des finances à se pencher à trois reprises sur ce projet de loi avant de décider, sans l'UDC et sans les libéraux, d'accorder ladite subvention.
Certains d'entre vous peuvent regretter la trop grande rigueur qui a été apportée à ce projet de loi. D'autres - et j'en suis - observent que la mise en pratique de la LIAF rompt avec la mauvaise habitude prise par ce parlement d'accorder quasi automatiquement les subventions demandées par des associations dont toutes ne sont pas exemptes de copinage politique... (Rires.)
L'exerce qu'impose la LIAF permet donc une remise en question non seulement du financement, mais aussi des prestations proposées par les associations subventionnées. Ainsi, lors de l'étude du projet de loi 10124, F-Information n'a pas présenté un dossier suffisamment précis sur son travail, pas plus qu'elle n'a été capable ou n'a voulu présenter un tableau comparatif des différentes actions qu'elle mène sur le terrain de la défense des intérêts des femmes conjointement avec d'autres associations, qui oeuvrent sur le même sujet. Il y a là un enchevêtrement particulièrement opaque d'activités entreprises par les associations féministes qui ne nous permet pas de voir clairement si nous subventionnons des doublons dans le meilleur des cas. Tout en refusant de se livrer à une analyse transversale des prestations qu'elle entend offrir, F-Information nous demande une subvention en constante augmentation depuis de nombreuses années, subvention que l'UDC n'est pas d'accord de lui octroyer.
Nous rejoignons totalement le rapport de minorité de M. Cuendet et manifestons avec les libéraux notre souci vis-à-vis d'un contrat de prestations que F-Information annonce déjà comme étant à géométrie variable, se réservant le droit de modifier ses prestations en cours de route. C'est une route que nous nous refusons d'emprunter !
M. Christian Bavarel (Ve). Les Verts se réjouissent d'entendre M. le rapporteur de minorité dire que les prestations de F-Information sont nécessaires, souhaitables et que nous devons les soutenir... Nous sommes donc d'accord sur ce point et, visiblement, nous considérons unanimement que F-Information effectue un travail de qualité.
Toutefois - c'est là que cela commence à se gâter - nous avons quelques divergences quant à l'appréciation de sa gestion... M. le député Cuendet, je vous rappelle qu'une des grandes qualités des associations, c'est justement d'utiliser les deniers qui leur sont confiés avec beaucoup de circonspection, et c'est pour cela qu'elles ne peuvent pas réaliser les mêmes économies que d'autres. Elles font extrêmement attention, depuis de nombreuses années, à quelques exceptions près... Mais je vous rejoins sur ce point, lorsque l'on tombe sur ces exceptions, il faut absolument prendre les mesures qui s'imposent. C'est d'ailleurs aussi pour cette raison que nous avons voté la LIAF: nous pensons que, dans certains cas, il faut sanctionner. Je ne crois pas que cela soit le cas ici.
Par ailleurs, vous voulez marier les différentes associations... Je vais reprendre l'exemple que j'ai donné hier en commission: en ce qui me concerne, je pense que les mariages d'amour fonctionnent bien, que les mariages d'intérêt peuvent aussi fonctionner, mais que les mariages forcés sont une catastrophe et qu'il vaut mieux les éviter. Que le Conseil d'Etat incite fortement les associations à trouver des synergies, soit, mais que le parlement veuille obliger des associations dont les parcours sont différents, à fusionner, c'est à mon avis une ânerie !
Pour moi, un plus un ne font pas toujours deux... Je vous rappelle que si vous ajoutez un tas de sable à un autre tas de sable, vous n'obtiendrez qu'un seul tas de sable, et pas deux ! (Exclamations.) Ce que je veux dire par là, c'est que dans les associations - peut-être faudrait-il que vous y passiez un peu de temps, et je vous invite à vous y rendre - le travail des personnes bénévoles, qui s'engagent pour une cause avec leurs tripes, ne peut pas être chiffré. Il y a des comités bénévoles - du reste, la présidente de F-Information se trouve assise à côté de moi ! - où des personnes s'impliquent et passent un nombre d'heures considérable pour aider les autres.
Faisant partie de quelques conseils, je rencontre certains de vos amis qui y passent un temps fou, qui font preuve d'une générosité énorme, et je constate que la république bénéficie de l'énergie de ces personnes ! Et je suis étonné, car vous, ce que vous nous proposez, en tant que bon libéral, c'est de perdre cette énergie: je ne peux pas vous suivre sur ce point ! Je suis extrêmement surpris que vous vouliez prendre des mesures qui ne représentent pas des économies pour la république, puisque vous voulez en faire des fonctionnaires ! Non, gardons cette dynamique du privé ! Gardons cette dynamique de l'enthousiasme ! Gardons cette possibilité que les gens ont de se battre pour des causes qui leur sont chères ! Nous tenons à soutenir cette dynamique !
Alors faisons attention, dans notre débat, qui touche aujourd'hui F-Information, mais qui concerne plus généralement le subventionnement des associations, de définir quels sont les rapports entre le public et le privé que nous voulons ! Gardons cette possibilité de nous mobiliser ! Il me semble que vous souhaitez des dynamiques de concurrence et que vous souhaitez aussi que les gens trouvent des solutions par eux-mêmes, alors évitons de tout étatiser ! Nous les Verts - je vous le disais hier - nous avons un côté libertaire, qui nous fait parfois nous méfier du «tout-à-l'Etat». Le tout-à-l'égout était une mauvaise idée: on a mis en place un système séparé... Le «tout-à-l'Etat» ne m'inspire pas plus confiance !
Alors, gardons cette dynamique ! Ne la cassons pas ! C'est une question de bon sens: il faut utiliser le mouvement citoyen. Et ne faisons pas des associations des sortes d'associations paraétatiques de fonctionnaires !
Le président. Merci, Monsieur le député ! Je salue à la tribune la présence de Mme Brunschwig Graf, conseillère nationale et ancienne présidente du Conseil d'Etat. (Applaudissements.) Monsieur Alain Charbonnier, vous avez la parole.
M. Alain Charbonnier (S). Merci, Monsieur le président. Je ne vais pas répéter les propos de mon préopinant, M. Bavarel, puisque je suis tout à fait d'accord avec lui, comme le groupe socialiste, du reste.
Je donnerai quand même quelques précisions quant à ces contrats de prestations, car, à entendre M. Bertinat ou M. Cuendet, on a l'impression que tout le travail se fait en commission des finances, qu'on y découvre plein de choses et que tout cela paraît incroyable... Je tiens quand même à signaler que ces contrats de prestations ne sont qu'un partenariat entre les différents départements et les associations. Cela représente donc un travail de longue haleine, qui a duré des mois pour ce qui est de certaines associations. Ces contrats de prestations ne tombent donc pas du ciel ! Ils ne sont pas une émanation des associations, comme semblent vouloir le faire croire certains de mes préopinants. Le gros du travail est donc pratiquement effectué, et les questions - l'acharnement, devrais-je dire - de certains députés en commission visent vraiment certaines associations.
Je vous donnerai un exemple tout à l'heure, par rapport au handicap. En fait, je vais vous le donner tout de suite ! Vous dites que les associations oeuvrant dans le domaine du handicap se sont regroupées... Pas du tout ! M. Longchamp ne l'a pas précisé hier en commission: trois associations se sont regroupées, mais pas les autres ! Je ne sais pas combien d'associations existent dans le domaine du handicap, mais il doit bien y en avoir une cinquantaine. Ce n'est donc de loin pas la totalité d'entre elles qui se sont regroupées.
Et puis, justement, hier en commission des finances, lorsque nous avons traité d'une association qui oeuvre dans le domaine du handicap, vous n'avez pas réclamé sa fusion avec le regroupement qui a déjà eu lieu... Alors, soyez cohérents et dites-nous franchement quelles sont les associations que vous visez, comme cela nous serons tous au courant ! On commence à le découvrir au cours des débats en commission des finances. Et puis, essayez de suivre ! Nous recevons des préavis des commissions, mais vous vous asseyez dessus ! Vous trouvez toujours quelque chose à redire: soit c'est le rapporteur qui ne convient pas, soit ce sont les termes utilisés dans le rapport qui ne vous plaisent pas, soit vous critiquez les commissions ! Vous prétendez qu'elles ne font pas leur travail, parce que, tout d'un coup, vous trouvez que le projet ne correspond pas aux termes de la LIAF... Ayez un peu de respect à l'égard des commissions, car elles ont effectué leur travail au plus près de leur conscience !
Vous suggérez que les associations féminines fusionnent... Monsieur Cuendet, soit dit en passant - vous transmettrez, Madame la présidente ! - les associations qui s'occupent du sida sont déjà regroupées. Vous avez signalé que cela allait se faire: non, c'est déjà fait ! Vous avez mal précisé la chose tout à l'heure, ou, alors, nous vous avons mal compris ! Pour en revenir aux associations féminines, elles ont toutes leur spécificité, et il n'est pas forcément judicieux de les regrouper. Comme M. Bavarel l'a dit tout à l'heure, c'est à croire que vous voulez plus d'étatisation ! Nous sommes tout de même surpris de vous entendre, en commission des finances, préconiser de chapeauter toutes les associations et de les intégrer directement dans les services de l'Etat. Nous pensons, au contraire, que la force du tissu associatif, c'est l'énergie des bénévoles, c'est l'identité propre de chaque association ! En voulant faire des mégafusions vous prenez la mauvaise route, et vous risquez bien d'avoir de mauvaises surprises ! (Applaudissements.)
Présidence de Mme Loly Bolay, présidente
La présidente. Merci, Monsieur le député ! Sont encore inscrits: M. Claude Jeanneret, M. Renaud Gautier, M. Pierre Weiss, Mme Sandra Borgeaud, M. Mario Cavaleri, M. Jean-Marc Odier, la rapporteure de majorité Anne-Marie von Arx-Vernon, le président du Conseil d'Etat Laurent Moutinot. Le Bureau décide de clore la liste des intervenants. Monsieur Jeanneret, vous avez la parole.
M. Claude Jeanneret (MCG). Merci, Madame la présidente. Il me semble que le débat a quelque peu été déplacé sur des explications qui me semblent peu compréhensibles entre la vocation d'une activité d'un groupe de personnes et le fait de vouloir rationaliser le travail administratif, qui est à peu près le même pour toutes ces associations.
Je constate, depuis quelques années que je suis là, que ces associations, dont le rôle est utile et nécessaire - ce rôle et leur travail ne sont absolument pas remis en question - augmentent leurs frais d'année en année et n'essayent manifestement pas de rationaliser le travail qui pourrait l'être. Lorsque l'on parle de regrouper des tâches administratives, je ne vois pas en quoi cela représenterait un mariage ! Si le mariage se réduisait à une fusion du travail administratif, ce serait triste ! Et puis, je ne vois pas, si cela devait se faire, en quoi cela causerait de la confusion entre les activités des différentes associations. Cela représenterait simplement une volonté marquée de réaliser des économies sur la partie des tâches administratives. Par contre, ces associations pourraient vouloir utiliser les économies réalisées à mieux servir la cause qu'elles défendent. Mais nous n'entendons pas du tout ce genre de réaction: les associations nous demandent simplement plus d'argent pour couvrir leurs frais !
Je dois dire en passant, Monsieur Bavarel, que ce n'est pas en faisant des tas de sable que l'on va faire avancer les choses ! Il faut être sérieux: il faut construire quelque chose de positif. Il me semble que de vouloir regrouper des services ne peut pas être assimilé à de l'étatisation ! Les privés, qu'ils soient médecins ou avocats, ont un secrétariat commun: ce n'est pas pour cela qu'ils défendent les mêmes causes ! Il faut quand même être réaliste ! Et demander aux associations de fournir un effort pour rationaliser la partie administrative, ce n'est pas leur demander de regrouper toutes leurs activités ! Toutefois, nous souhaiterions qu'elles manifestent un minimum d'intérêt à l'égard de notre demande; dans la mesure où il s'agit des deniers publics, il me semble que ce serait la moindre des politesses de leur part puisqu'elles en vivent en grande partie !
Etant donné l'explosion des coûts depuis quatre ans, je trouve qu'il n'est pas décent, si ces associations ne montrent pas de façon claire, nette et précise, leur volonté de faire des économies là où elles le peuvent - c'est-à-dire dans l'administratif - d'accepter un budget pour quatre ans. Tant qu'elles ne manifesteront pas plus d'intérêt à surveiller leurs dépenses, administratives notamment, le MCG s'opposera à ce type de projets.
M. Renaud Gautier (L). Je commencerai mon intervention en citant l'un des préopinants, mais en modifiant légèrement ses propos: «Ce que j'aime avec les socialistes quand on parle des subventions, c'est que c'est toujours la même litanie !».
Ensuite, au nom du groupe... (L'orateur est interpellé.) Ça a d'abord été dit par vous ! (Remarque.) Excusez-moi, Madame la députée, mais j'aimerais bien terminer mon propos - je me promets de faire la même chose avec vous. Ensuite, disais-je, au nom du groupe libéral, je voudrais remercier mon collègue Alberto Velasco, de même que Christian Bavarel, l'un et l'autre experts en matière de philosophie libérale, car les leçons de libéralisme sont toujours écoutées avec beaucoup d'attention par les libéraux. Certes, il ne nous viendrait pas à l'idée de donner des leçons d'écologie ou de socialisme aux Verts ou aux socialistes, mais, enfin, chacun fait ce qu'il veut !
Je constate, dans ce débat, que la mauvaise foi est relativement reine: personne - c'est le seul point positif donné par M. Bavarel - ne conteste l'utilité des associations féminines. Donc, tout argument selon lequel les libéraux critiquent les associations féminines est donc nul et non avenu !
Une seule question se pose... Nous avons eu plusieurs exemples à la commission des finances, et je dois illustrer ici le propos du candidat Charbonnier tout à l'heure sur l'injonction relativement ferme qu'a faite en son temps M. le conseiller d'Etat Unger sur les différentes associations oeuvrant pour les personnes atteintes par le virus du sida. Effectivement, il y avait plusieurs associations, qui ont toutes leur spécificité et leur utilité. Il se trouve que l'histoire de la vie est ainsi faite que chacune de ces associations est née à un moment différent et répondait à un besoin différent. Mais, au bout d'un certain temps, il a fallu se demander s'il ne serait pas judicieux de regrouper leurs forces pour gagner de l'efficience, ne serait-ce que pour mieux aider les personnes concernées. La chose a été faite sans pleurs, sans grincements de dents, sans bain de sang, au niveau des institutions s'occupant du problème du sida, et cela, je crois, à la satisfaction de tout le monde et, en particulier, des malades. Alors affirmer ici sottement que nous entendons assassiner la moitié de ces associations et que nous pensons qu'elles ne servent à rien est faux !
Le problème est qu'il faut accepter aujourd'hui que la société évolue - la preuve, Messieurs les Verts, c'est que vous siégez ici ! - et, par conséquent, nous devons nous demander si certaines des prestations, qui sont peut-être concurrentes les unes avec les autres, ne seraient pas plus efficientes si elles étaient regroupées. Et pour cela, il faut réunir toutes les personnes concernées autour d'une table pour voir si des regroupements sont possibles.
Quoi qu'il en soit, un regroupement n'est pas une fusion et une fusion n'est pas un mariage ! Je ne sais pas comment les choses se passent dans votre vie privée, Monsieur Bavarel... En l'occurrence, la commission des finances - dont vous êtes l'un des plus éminents participants - a convenu qu'il serait intéressant de suggérer à ces associations de voir si elles pouvaient travailler mieux en étant plus coordonnées. Le propos s'arrête là ! Et je suis intimement persuadé qu'un meilleur travail que celui qui est effectué maintenant pourra être effectué si cette discussion a lieu sous l'autorité du Conseil d'Etat.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, par cohérence avec ce qui a été décidé hier à la commission des finances, je demande le renvoi de ce projet de loi à cette dernière, de manière qu'il puisse être mis sous l'élégant chapeau prévu hier par la commission, pour essayer de trouver des synergies entre ces différentes institutions, toutes plus remarquables les unes que les autres et dont les libéraux, bien entendu, sont les plus fervents défenseurs.
La présidente. Merci, Monsieur Gautier. Mesdames et Messieurs les députés, une demande formelle a été faite - n'est-ce pas, Monsieur le député ? - de renvoyer ce projet de loi à la commission des finances. Avant de passer au vote, je vais vous donner la possibilité de vous exprimer. Je le rappelle, un député par groupe peut prendre la parole, au maximum trois minutes.
Beaucoup de députés étaient inscrits, nous aurons peut-être le même problème que précédemment... Nous allons tout d'abord noter la liste des orateurs, jusqu'à M. le président du Conseil d'Etat. Maintenant, je demande aux députés qui veulent s'exprimer sur le renvoi en commission de bien vouloir s'annoncer ! Je vois qu'il y a M. Bavarel pour le groupe des Verts, M. Bertinat pour l'UDC, M. Charbonnier pour le groupe socialiste... (Commentaire.) C'est tout. Je passe la parole à M. Bavarel, exclusivement sur le renvoi en commission.
M. Christian Bavarel (Ve). Merci, Madame la présidente. Votre demande de renvoi, Monsieur le député Gautier, me donne l'occasion de vous répondre... Et, en même temps, je vous expliquerai pour quelles raisons les Verts refuseront ce renvoi en commission.
Je l'ai dit très clairement et je le répète: les Verts sont favorables à ce que l'on trouve des synergies et que l'on incite fortement les différentes associations à trouver des méthodes pour travailler ensemble.
Néanmoins - et c'est ce qui me surprend - que fait généralement un secrétariat d'associations ? Il rédige le P.V. du comité; il s'occupe des décisions stratégiques; il a des contacts avec les membres de l'association et les donateurs ! En décidant de fusionner ou de rapprocher ces secrétariats - et vous savez quelles sont les difficultés d'approcher les donateurs et autres - vous touchez la problématique du secret des affaires. En faisant cela, vous vous enlevez des opportunités de pouvoir négocier les aides que vous pouvez obtenir de tel ou tel partenaire ! Il ne s'agit pas simplement de regrouper des fichiers clients: il s'agit de regrouper ou pas des appartenances et des dynamiques !
Il me semble que notre discussion d'hier était suffisamment claire et que la discussion d'aujourd'hui l'était tout autant. Il ne me paraît donc pas utile de renvoyer ce projet en commission. Nous pouvons voter directement. Vous pouvez encourager les dynamiques existantes et les associations, quel que soit le domaine, pour qu'elles soient le plus efficaces possible, mais, en même temps, il est important qu'elles conservent leur diversité, qui fait leur richesse et qui nous est chère. Nous pensons qu'il faut des réponses plurielles et des sensibilités différentes: c'est nécessaire pour mieux répondre aux attentes des gens.
Aussi pensons-nous que nous pouvons aujourd'hui nous prononcer sans aucun problème sur ce projet. Mais j'aimerais que vous ne perdiez pas de vue l'importance de conserver les dynamiques internes des différentes associations. Le jour où vous demanderez à tous les cordonniers de Genève de fusionner pour se rassembler sous une seule enseigne, je ne suis pas sûr que l'on y gagnera en qualité ! C'est la même chose pour les boulangers, etc. ! La logique de monopole n'est pas souhaitable non plus pour le domaine associatif ! Nous sommes favorables au maintien des réponses plurielles, ce qui nous permet de voter ce projet aujourd'hui et de voter une prochaine fois les projets concernant les autres associations.
Je le répète, je suis content d'entendre dire que ces prestations sont nécessaires et de qualité. Je suis extrêmement satisfait de ce qu'il y a unanimité sur ce point !
M. Eric Bertinat (UDC). L'UDC soutiendra le renvoi en commission, et, pour répondre précisément à M. Bavarel, le jour où tous les cordonniers seront subventionnés, nous demanderons qu'ils aient une administration commune, afin de générer un minimum de coûts.
Une voix. Et ce sera un monopole !
M. Eric Bertinat. Ce sera un monopole ! Dans la mesure où nous payons, nous souhaitons que ce type d'exigences se concrétisent !
Depuis la naissance de la plupart de ces associations, on a observé qu'elles se sont développées de façon empirique et que leur gestion était floue... Etant donné la situation financière de l'Etat aujourd'hui et suite à l'introduction de la LIAF, qui demande avec précision quels sont les coûts pour pouvoir estimer les prestations offertes, il faut être beaucoup plus prudent avant d'octroyer des subventions, et il convient, y compris pour des associations féministes, de pouvoir discuter des problèmes en profondeur. J'ai presque envie de dire: plus particulièrement dans le cadre d'associations féministes, parce qu'elles sont nombreuses et qu'on a beaucoup de peine à voir qui fait quoi et à savoir quelles sont les demandes qui se recoupent. Le jour où ces associations féministes nous dirons qu'elles sont d'accord, qu'elles sont prêtes à avoir une discussion de transversalité, de nous faire savoir quelles femmes sont touchées par telle ou telle association, sans parler du travail effectué, eh bien, un grand chemin sera parcouru !
C'est l'une des raisons qui nous incite à demander le renvoi en commission. Cela nous permettra d'examiner tous ces éléments en profondeur.
M. Alain Charbonnier (S). Demander le renvoi en commission alors que nous avons passé trois longues séances à examiner ce projet de loi nous paraît totalement déplacé ! M. Bertinat fait des demandes qu'il a déjà présentées en commission et auxquelles des réponses ont été apportées ! Le conseiller d'Etat - homme ! - est en charge de ce dossier, et je crois qu'il a la volonté de regrouper le plus possible les énergies, alors laissons-le travailler sur ce sujet !
Vous parlez de la multitude d'associations, qui traitent de ce problème, Monsieur Bertinat... Ce problème concerne plus de la moitié de la population, vous semblez l'oublier ! Les femmes sont en majorité dans notre canton, eh oui ! Malheureusement, peut-être, pour vous ! C'est donc une bonne chose que des associations traitent des problèmes rencontrés par les femmes en général, et, à mon avis, elles ne sont pas de trop !
J'en viens à la manière de travailler en commission. M. Gautier demande le renvoi de ce projet de loi en commission... C'est le sommet ! Je vais vous expliquer ce qui s'est passé hier après-midi à la commission des finances, où nous avons traité de quatre associations féminines. Une multitude de documents ont été demandés les concernant. Je ne vous dis pas les tonnes de papiers que nous avons reçues pour répondre aux trois ou quatre malheureuses questions posées par M. Cuendet - toujours lui. Ces questions ont donc reçu des réponses. Et nous avons voté. Mais, juste avant, les libéraux ont demandé qu'une recommandation soit faite pour encourager le regroupement administratif de ces associations quand cela est possible. Ce à quoi tous les partis ont adhéré - je crois qu'il y a eu unanimité à ce sujet... (Remarque.) ...avec une abstention de M. Velasco. Mais, autrement, nous avons tous partagé cette volonté de regrouper les associations. Et qu'a fait le parti libéral, juste après ?! Il a refusé le projet de loi sur ces associations féminines ! Alors, quand on voit la manière et la stratégie employées par le parti libéral et par l'UDC, avec leurs grands amis et la grande alliance, nous refusons le renvoi en commission !
M. Mario Cavaleri (PDC). Le groupe démocrate-chrétien ne tombera pas dans le piège tendu par M. Gautier... Pour plusieurs raisons, dont notamment celle que vient de rappeler M. Charbonnier, à savoir que ce projet de loi a déjà fait l'objet d'intenses discussions au sein de la commission des finances.
Mais il y a un autre élément. Il ne vous aura en effet pas échappé que nous sommes en train de parler d'une somme de 25 000 F par an ! Et nous devons considérer qu'entre la longueur de cette discussion et les trois séances déjà consacrées, nous avons déjà «mangé» l'équivalent de cette somme, alors qu'elle aurait pu bénéficier à une association !
Pourquoi ce projet de loi est-il présenté séparément ? Cela a été rappelé, et c'est bien la raison pour laquelle il ne peut pas y avoir d'amalgame avec d'autres associations qui défendent les intérêts des femmes: cette association émarge à la politique publique migration et population, ce qui n'est pas le cas des autres associations.
Enfin, dernier élément - et cela a été signalé par le président de la commission des finances, mon collègue Guy Mettan - nous avons indiqué que nous étions d'accord avec la somme proposée et, donc, opposés à la diminution de la subvention. Qui est ridicule ! En effet, Messieurs les libéraux, soit vous contestez le bien-fondé d'une aide à cette association, et vous ne versez aucune subvention, soit votre proposition de diminuer la subvention, qui ne repose sur aucun élément d'observation ou d'évaluation, confine à la mesquinerie !
Je rappelle en outre que si nous avons été d'accord de soutenir ce projet de loi, c'est bien parce que nous avons demandé qu'un bilan soit effectué au terme de la période 2008-2011. Cela nous permettra de déterminer si la somme qui a été consacrée était suffisante ou beaucoup trop importante. Or on ne peut pas en préjuger sans ce bilan ! Alors, laissez ces institutions et ces associations travailler comme elles savent le faire et donnez-leur en les moyens !
Nous sommes donc opposés au renvoi en commission.
M. Jean-Marc Odier (R). Je me permettrai de m'exprimer sur le renvoi en commission et, de manière générale, sur le projet - mais très brièvement, je vous rassure !
Tout d'abord, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical affirme, confirme, qu'il soutient les activités du monde associatif. Mais, effectivement, toutes ces associations méritent qu'on les contrôle de manière plus stricte. Dans ce sens, je remercie le rapporteur de minorité, son groupe et les autres groupes qui se sont opposés à ce projet, dans la mesure où ils ont fait des remarques qui soulèvent un débat important.
En l'occurrence, je n'ai pas l'impression que nous devons débattre aujourd'hui sur F-Information en particulier: notre débat doit porter sur l'ensemble des associations. Et, puisqu'il s'agit du premier exercice, aussi bien pour les associations que pour le Conseil d'Etat et pour notre parlement, c'est une bonne chose que l'on en parle.
Quoi qu'il en soit, nous ne voulons pas bloquer les débats à ce stade en refusant ce projet de loi, mais nous refuserons le renvoi en commission.
Je dirai à M. Cuendet que - et j'ai déjà eu l'occasion de lui en faire part en dehors des séances - même si ses remarques sont fondées, nous sommes convaincus que ce n'est pas ainsi qu'il faut s'y prendre si l'on vise le redressement des finances publiques. Il faut plutôt envisager que ces associations, ensemble, adoptent petit à petit une gestion qui soit tout à fait similaire pour les unes comme pour les autres et qu'elles adoptent aussi les contraintes qu'on leur soumet. Cela me paraît tout à fait normal, et c'est dans ce sens que nous continuerons à examiner avec beaucoup d'attention tous ces projets de lois LIAF, ce qui nous permettra probablement de faire passer peu à peu des contraintes supplémentaires aussi bien aux associations qu'au Conseil d'Etat.
Nous avons entendu les représentants de F-Information en commission. Il est vrai que la présentation des rapports n'était pas excellente. Mais nous avons obtenu des informations complémentaires qui sont de nature à nous rassurer et le département nous a également rassurés, puisqu'il exerce un contrôle, notamment sur les thésaurisations, dont nous aurons probablement l'occasion de reparler.
Je le répète, nous refuserons le renvoi en commission, car nous ne souhaitons pas bloquer ce projet de loi, mais nous voterons ce dernier.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je demande aux rapporteurs s'ils souhaitent s'exprimer sur le renvoi en commission... Tel n'est pas le cas. Monsieur le président du Conseil d'Etat, j'imagine que vous ne souhaitez pas non plus vous exprimer sur le renvoi en commission... Nous allons donc voter.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10124 à la commission des finances est rejeté par 46 non contre 25 oui.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, étant donné qu'il est bientôt midi, je vous propose d'interrompre ici nos travaux. Nous les reprendrons à 14h. Bon appétit !
Fin du débat: Session 10 (août 2008) - Séance 60 du 28.08.2008
La séance est levée à 11h50.