Séance du
jeudi 12 juin 2008 à
20h30
56e
législature -
3e
année -
9e
session -
48e
séance
IN 134-D et objet(s) lié(s)
Premier débat
La présidente. Nous sommes au point 110 de notre ordre du jour et traitons du contreprojet à l'IN 134.
M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)
La présidente. Monsieur le rapporteur, attendez quelques secondes ! Je prie l'assistance qui se trouve au fond de la salle de bien vouloir s'asseoir et d'écouter le rapporteur. Merci, Madame Fontanet, Madame Bartl Winterhalter, Monsieur...
Des voix. Borloz !
La présidente. Oui: Monsieur Borloz - je ne voyais pas très bien depuis là. Merci bien ! Et Monsieur Weiss... (Brouhaha.) ...j'ai l'impression que vous aurez un carton jaune ce soir... Je vais réfléchir ! Voilà, Monsieur le rapporteur, vous pouvez continuer.
M. Gabriel Barrillier. Merci, Madame la présidente ! J'espère que les classes du cycle d'orientation sont plus disciplinées que le Grand Conseil !
«Un projet rassembleur», c'est ainsi qu'il faut qualifier le projet modifiant la loi sur l'instruction publique qui vous est soumis ce soir par la commission - unanime ! - de l'enseignement, de l'éducation - et de la culture, Madame Hagmann !
Cette commission a suivi un long cheminement pour parvenir à ce résultat. Dans un premier temps, par souci de pacifier le débat sur l'instruction publique, il a été très rapidement décidé et confirmé de réformer le cycle d'orientation en profondeur, sur la base d'une analyse objective des défauts de l'institution, puis de proposer des mesures constructives et courageuses, susceptibles d'entraîner l'accord du plus grand nombre. Sur le plan formel, il a été décidé que le projet révisant la LIP serait d'abord opposé en votation populaire comme contreprojet direct à l'initiative 134, puis, en cas de succès, que ce texte constituerait un contreprojet indirect à l'initiative 138, sur laquelle le peuple sera aussi appelé à se prononcer plus tard.
Chers collègues, en cette période footballistique, il s'agit en quelque sorte d'une finale en deux tours, mais malheureusement sans l'équipe suisse ! S'appuyant sur cette décision de principe et tenant compte des recommandations présentées par plusieurs partis gouvernementaux, la commission a chargé le DIP d'élaborer un projet. En ma qualité de rapporteur, je rends particulièrement hommage ici à toutes et tous les commissaires qui ont contribué à remanier ce texte pour en faire une proposition rassembleuse, avec la participation constructive du chef du département et de la direction du cycle.
Le débat de ce soir concerne 13 000 élèves du secondaire I, répartis dans 20 établissements, avec 650 classes et 1800 enseignants, le tout coûtant environ 240 millions de francs par année, soit 13% des dépenses cantonales en matière d'éducation et de formation.
Le cycle d'orientation est la dernière étape obligatoire de l'instruction publique. C'est un passage obligé et crucial, puisqu'il doit permettre aux élèves de choisir leur avenir formatif et professionnel. La réforme en profondeur qui vous est proposée ne signifie pas que cette institution, vieille d'un demi-siècle, a failli à sa tâche et sombré dans la médiocrité. Simplement, Genève n'est plus le meilleur élève de la classe ! Les comparaisons PISA, les études internes et les plaintes récurrentes des responsables du postobligatoire et de l'académie, sans oublier les entreprises formatrices que je connais bien, ont permis de mettre le doigt sur deux défauts majeurs du système: d'une part, trop d'élèves n'ont pas les connaissances de base suffisantes pour suivre normalement des formations et, d'autre part, une partie non négligeable - entre 20 et 30% - voulant suivre des études gymnasiales coûte que coûte, s'oriente dans la mauvaise direction et se retrouve sans projet entre 18 et 20 ans, précisément à un moment où ces élèves auraient déjà dû s'engager dans une solide formation. A titre d'exemple, chers collègues, sachez qu'à fin mai 2008, il y a donc quelques jours, les entreprises avaient offert 1200 places d'apprentissage en dual - soit une augmentation de 22% par rapport à 2007 - mais que seuls 155 contrats avaient été signés à cette date. Ainsi, trois mois avant la rentrée d'automne en apprentissage, seules 12% des places offertes étaient pourvues, ce qui démontre on ne peut plus clairement que l'orientation n'est pas adéquate et que les choix sont beaucoup trop tardifs.
Pour répondre à ces deux défauts majeurs, la commission propose de réintroduire le système des groupements et sections avec enseignements distincts et niveaux différents, afin de renforcer et de rehausser les connaissances de base, en particulier en français et en mathématiques. Simultanément, les trois années du cycle seront mises à profit pour renforcer et muscler l'orientation scolaire et professionnelle, afin d'amener chaque élève à choisir une voie adéquate au sortir du cycle. Le tout, dans une école plus exigeante, mais pas plus sélective - et qui ne brime pas les bons élèves ! - dans une structure unique et lisible pour les 20 établissements du cycle. Avec les mêmes chances au départ pour tous, sans confondre, j'insiste là-dessus, égalitarisme et égalité des chances. Et, finalement, avec une valorisation réelle et sérieuse de la formation professionnelle.
En bref, la première année doit permettre de combler les lacunes et de commencer une véritable orientation grâce à un enseignement différencié, mais exigeant, pour tous et des soutiens pour les élèves les plus faibles. J'insiste, Mesdames et Messieurs les députés, sur le fait que ces trois regroupements auront des niveaux déterminés reposant sur des attentes, des programmes, des objectifs d'apprentissage et des dotations horaires qui différeront en fonction de chaque regroupement. Les huitièmes et neuvièmes années seront réparties en trois sections bien distinctes, avec une définition claire et nette des débouchés auxquels elles conduiront. En outre, des passerelles et des appuis seront aménagés dans chacun des 20 établissements, pour permettre aux élèves motivés de changer de filière sur la base d'un projet formatif et professionnel solide.
Autant le département que l'ensemble de la commission ont voulu que ces sections soient de valeur égale. Il n'y aura plus de voie royale et de voie secondaire ! Il n'existera pas de hiérarchie entre elles, mais elles figureront dans la loi en fonction des débouchés auxquels elles conduisent et du contenu de leur enseignement. En fait, le contenu des programmes et les objectifs à atteindre priment la structure.
Pour mieux les intégrer, certaines catégories d'élèves bénéficieront d'un soutien et d'un encadrement particuliers. Songeons également aux classes d'accueil pour les élèves non francophones - c'est d'actualité - et aux classes-ateliers, qui reçoivent des élèves en grande difficulté scolaire et qui ont besoin d'un programme spécifique ou d'un encadrement approprié pour compléter leur bagage scolaire en lien avec un projet professionnel.
Mesdames et Messieurs les députés, ce cycle exigera plus d'efforts de la part de tous les acteurs, particulièrement des élèves, des enseignants et des parents, qui ne doivent pas se bercer d'illusions et de faux espoirs à l'heure des choix de leurs enfants.
En conclusion, il faut relever que ce projet tient très largement compte des propositions, par ailleurs parfaitement divergentes l'une de l'autre, des IN 134 et IN 138, notamment en réintroduisant des sections distinctes, en revalorisant la formation professionnelle, mais aussi en prévoyant des mesures de soutien appropriées et bien ciblées pour les élèves réellement en difficulté. Il s'agit d'un projet qui intègre en érigeant des ponts et non pas des murs, parce qu'il parie sur l'effort et la volonté de progresser des élèves, des enseignants et des parents. Le coût supplémentaire est évalué à 32 millions par année, avec une augmentation de 244 postes et de 81 classes, ce qui est sensiblement comparable aux deux initiatives, la différence résidant aux yeux de la commission dans le fait que cet effort supplémentaire sera mieux utilisé pour atteindre les deux objectifs principaux que je rappelle: hausse du niveau des connaissances et orientation efficace et courageuse des élèves.
A l'unanimité, la commission a voulu marquer sa forte détermination en inscrivant au fronton de son oeuvre: «Un cycle d'orientation exigeant et formateur pour tous.»
Mme Janine Hagmann (L). Contrairement à l'élaboration du contreprojet sur l'initiative «Pour le maintien des notes à l'école primaire», qui s'était déroulée dans un climat très tendu, le contreprojet qui vous est présenté, à l'unanimité de la commission, s'est construit pas à pas, avec de nombreux allers et retours, mais toujours dans un esprit serein et constructif, malgré quelques fuites de procès-verbaux.
Ce contreprojet revient de loin. En effet, l'alliance des quatre partis - radical, démocrate-chrétien, socialiste et des Verts - qui ont présenté au chef du département de l'instruction publique dix-huit propositions consensuelles, tout cela dans le dos des libéraux, aurait pu nous mettre sur les pattes de derrière. Mais, au contraire, cela nous a piqués au vif et nous a incités à nous plonger à fond dans la problématique de la scolarité des adolescents.
Les trois commissaires libéraux ont privilégié l'Institution avec un grand «I», en cherchant toujours ce qui leur paraissait le mieux adapté à faire évoluer l'école pour les jeunes entre 12 et 15 ans. Loin de se montrer rancuniers, ils ont mené la course en tête, proposé une profonde réflexion et amené de nombreux amendements, en privilégiant chaque fois la paix scolaire. Et il est vrai qu'il a fallu discuter, parlementer, voire faire des concessions, tout en gardant une ligne directrice qui refusait de mettre la barre trop bas.
L'idée que l'école peut et doit s'améliorer n'est pas qu'un acte de foi. Mais les obstacles rencontrés par les élèves, d'autant plus en pleine adolescence, ne sont pas de nature à être levés d'un coup, ni par de nouvelles pédagogies, ni par de nouveaux modes d'organisation. Toutefois, rappelons que, pour environ 80% des jeunes, tout se passe bien et que Genève est l'un des cantons qui forme le plus d'élèves obtenant une maturité gymnasiale. Le problème consiste à donner à tous une ouverture d'esprit, une faculté de discernement, une autonomie et un socle solide qui leur permettent de s'épanouir dans l'existence en trouvant leur voie.
Ce contreprojet est une réponse à l'IN 134 qui, dans un esprit de recherche d'efficacité des initiants, propose une complexification inouïe du cycle, amenant même, en cas d'acceptation, à la création de plusieurs bâtiments supplémentaires. Le contreprojet n'a pas l'ambition de résoudre tous les problèmes ni d'annihiler les difficultés d'apprentissage: il veut mettre en place des structures favorables et qui répondent aux besoins de formation des jeunes. Il n'aborde de loin pas des problèmes à la mode actuellement, tels que le choix de l'établissement scolaire, l'horaire, le bilinguisme, le tutorat, et j'en passe. Mais, de toute façon, il est, par la loi, limité au champ d'application de l'initiative. Il essaie donc simplement de redessiner le cycle d'orientation, afin qu'il corresponde à son appellation qui est d'orienter.
Si le peuple accepte ce contreprojet, ce que j'espère, le cycle genevois aura passé à l'âge adulte. Mais qu'apporte-t-il de neuf ? On peut le résumer en quelques points.
Le premier, très important, c'est l'unité pour tout le canton et, donc, la fin des exceptions de cycles dits à options ou hétérogènes.
Le deuxième, c'est une septième année construite, et j'insiste, non pas en classes hétérogènes - la volonté populaire est ainsi respectée - mais en regroupements selon les notes obtenues à la fin de la sixième, avec le même programme pour tous, mais des attentes différentes. Et là, je vous rends conscients que cela signifie soit latin pour tous, ou éventuellement culture latine, soit pas de latin en septième. Les classes dont le niveau d'acquisition doit être consolidé comporteront moins d'élèves, pour faciliter l'individualisation de l'enseignement. Ce choix a fait tousser à tort certains, mais les députés dans leur ensemble ont reconnu que la mission de l'école primaire n'est pas de sélectionner. Quant aux classes passerelles, qui permettent des rattrapages, elles exigeront un effort pour mériter une réorientation.
Et le troisième point, le dernier changement, c'est une véritable sélection à la fin de cette septième année, pour une huitième et une neuvième années affichant clairement les possibilités offertes à leur sortie. Le concept est nouveau: on choisit un chemin en fonction de là où l'on veut aller. Il y a également la valorisation de la formation professionnelle, qui a été un leitmotiv de la commission, au point que les libéraux ont aussi dû défendre les élèves destinés à suivre une voie gymnasiale. Car il ne s'agit pas de créer une école où l'on ne s'occupe que des élèves en difficulté ! La formation des élites compte, n'oublions jamais que la Suisse doit sa prospérité à sa matière grise. D'ailleurs, les libéraux ont bien essayé en vain de faire passer une voie directe qui aurait permis d'obtenir la maturité à dix-huit ans, comme dans la plupart des autres cantons. Mais ils reviendront à la charge, n'ayez crainte ! Il faut laisser se mettre en place l'harmonisation scolaire.
Il est difficile, Mesdames et Messieurs les députés, de résumer dix-huit séances, de parfois trois heures, en sept minutes. Notre débat est pourtant très important ce soir, et j'espère qu'il va se prolonger un peu, car l'école est devenue un sujet national, dont chaque groupe politique aimerait s'emparer. Nous vivons, je pense, un moment historique, et les commissaires sont tous conscients que le fait de s'être plongés dans ce sujet, d'avoir procédé à de nombreuses auditions et mené une telle réflexion les a enrichis dans leurs connaissances du monde de la formation. Ils savent toutefois que les dispositions législatives ne remplaceront jamais l'importance des enseignants, qui sont in fine les spécialistes de la réussite de tous les élèves.
Jusqu'à la dernière séance de la commission, j'ai craint, Monsieur le président, de vous laisser un champ d'action très libre et de vous donner un chèque en blanc pour la mise en place de la septième. Mais j'ai découvert avec satisfaction dans le rapport de M. Barrillier...
La présidente. Il vous faut conclure, Madame la députée ! Vous aviez sept minutes !
Mme Janine Hagmann. J'arrive au bout, Madame la présidente ! J'ai donc découvert avec plaisir qu'une ébauche de choix était indiquée, c'est-à-dire que, pour l'accès au premier regroupement, il fallait avoir 5 de moyenne, pour le second, 4, et pour le troisième, 3. Mais je pense qu'il faudra aussi penser à remettre l'allemand. Cela répond à nos interrogations et je rappelle au président sa promesse de présenter à la commission le règlement d'application.
D'autre part, les libéraux ont tenu à voir figurer trois principes qui leur tiennent à coeur...
La présidente. Madame la députée, vous pourrez reprendre la parole, mais je suis obligée de vous demander de conclure, parce que cela fait plus de sept minutes que vous vous exprimez !
Mme Janine Hagmann. Je conclus ! Nous voulions trois principes: l'exigence, l'excellence et l'effort. Nous en avons obtenu deux, l'exigence et l'effort. Nous espérons donc que l'excellence va de soi !
Pour terminer - cette fois je termine vraiment ! - je regrette que le département n'ait pas osé aller plus loin dans la réforme et nommer une seule direction pour toute la scolarité obligatoire. Il me semble que de ne pas franchir ce pas est regrettable, car on aurait ainsi une unité dans le cursus scolaire. Quoi qu'il en soit, voter ce soir ce contreprojet, c'est donner une chance à Genève de maintenir sa vocation de cité-phare de la pédagogie.
La présidente. Merci, Madame la députée. Je vous donne quand même un carton jaune, Madame Hagmann, car vous avez dépassé votre temps de parole ! Vous êtes en débat libre, c'est-à-dire que vous avez droit à trois fois sept minutes. Si vous dépassez ce temps chaque fois, cela ne va pas être possible ! Je suis désolée ! Donc un carton jaune pour Mme Hagmann ! (Exclamations.)
M. François Gillet (PDC). Permettez-moi, en tant que président de la commission de l'enseignement, d'adresser tous mes remerciements à M. Gabriel Barrillier, notre rapporteur, qui a effectué en un temps record un remarquable travail afin de vous présenter ce soir un rapport fort clair et très complet. J'aimerais également remercier l'ensemble de mes collègues de la commission, pour leur travail de qualité et l'esprit constructif qui a présidé à tous nos travaux, ce qui permet de vous présenter un excellent contreprojet, fruit d'une recherche constante de consensus.
A propos d'esprit d'équipe, je relèverai en outre le travail accompli depuis le début de ce processus il y a plus d'une année. Comme Mme Hagmann l'a rappelé, ce furent d'abord un certain nombre de commissaires qui se sont vus pour ébaucher ce qui est devenu le contreprojet présenté par le Conseil d'Etat. Au fil du temps, cette équipe s'est élargie, mais l'esprit d'équipe est resté. Les libéraux s'y sont également joints et ont effectivement joué un rôle important dans la suite des travaux de la commission.
Ce contreprojet, tel qu'il ressort des travaux de la commission, est un excellent texte et doit être soutenu sans réserve par notre parlement. En effet, ce projet de loi 10176 apporte de réelles améliorations à la structure du cycle d'orientation. C'est un bon projet, parce qu'il entre parfaitement dans le cadre que nous nous devions de respecter: d'une part, il est cohérent par rapport à l'enseignement primaire et l'enseignement postobligatoire et respecte l'articulation entre les trois ordres d'enseignement, ce qui était fondamental; d'autre part, il est dans la ligne que nous nous devions de suivre au niveau de l'harmonisation scolaire romande. Il respecte également, et c'est important, la volonté populaire en renonçant clairement à l'hétérogénéité. En définitive, il constitue une excellente alternative aux initiatives 134 et 138.
Ce projet de loi est bon, car il réaffirme également la vocation d'orientation de notre cycle. Non, ce n'est pas à la fin de la sixième primaire que les élèves doivent être sélectionnés pour la suite de leur scolarité. Non, ce n'est pas non plus au postobligatoire de récupérer une tâche qui aurait été abandonnée par le cycle d'orientation. Ce projet est donc bon parce qu'il redonne à l'orientation tout son sens. Orientation n'est pas synonyme de sélection: il est important, pour orienter un élève, de tenir compte de ses résultats et de ses compétences, cela a été dit, mais il n'y a pas d'orientation sans choix, et il ne peut y avoir de choix sans une information scolaire et professionnelle de qualité dès l'entrée au C.O. De même, il ne pourra y avoir un choix, notamment en fin de septième année, que si tous les élèves ont pu se confronter à l'ensemble des disciplines; ce qui sera le cas avec ce contreprojet.
D'autre part, ce projet de loi est bon car il n'enferme pas les élèves dans des sections imperméables. Il permet, à l'inverse, une perméabilité - qui devrait être plus importante en septième et s'atténuer au fil des trois années - grâce à un système de passerelles et d'appuis dont les moyens seront garantis.
Ce projet de loi est également bon car il valorise les filières professionnelles, M. Barrillier a particulièrement insisté sur ce point. Et il les valorise pour tous les élèves, y compris pour les élèves les plus scolaires qui ont de la facilité, mais qui pourront eux aussi voir un intérêt à des perspectives de carrières intéressantes dans les filières professionnelles.
En outre, ce contreprojet est bon, car il ne laissera aucun élève sur le bord de la route. Toutes les sections en huitième et en neuvième déboucheront sur des filières clairement identifiées au postobligatoire, et c'est essentiel. De plus, il donne la chance à tous les élèves de progresser durant les trois ans du cycle d'orientation: tous les élèves, que ce soient les moins scolaires ou ceux qui ont le plus de facilité. Et il faut le dire très clairement, rien dans ce contreprojet ne ralentira la progression des élèves qui ont de la facilité.
En définitive, et je conclurai provisoirement sur ce point, ce projet de loi est bon car, comme son titre l'indique, il est exigeant et formateur pour tous. Nous vous invitons donc, au nom du parti démocrate-chrétien, à le soutenir sans réserve. (Applaudissements.)
Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Nous l'avions dit lors du débat sur l'initiative 134: celle-ci est totalement inacceptable pour les Verts, car elle propose entre autres une sélection précoce des élèves à la fin de la sixième primaire, sans prévoir une organisation pour d'éventuelles réorientations de parcours. De plus, l'IN 134 durcit encore la sélection dès la huitième, en classant les adolescents en six regroupements. Or, on le sait, plus les regroupements sont nombreux, plus les formations sont multiples et spécialisées, moins les réorientations sont possibles. Pourtant, nous parlons bien là de jeunes entre 12 et 15 ans, nous sommes donc en plein dans la cible de la scolarité obligatoire, dans laquelle la culture générale doit être privilégiée et l'ouverture vers différentes voies possible. Par ailleurs, les filières de l'IN 134 sont excessivement complexes à mettre en place.
Pour combattre cette initiative très majoritairement refusée par les partis représentés dans notre enceinte, et sur délégation du Grand Conseil, le Conseil d'Etat a élaboré un contreprojet en s'inspirant des remarques et propositions des partis politiques notamment. Après de nombreuses auditions, un travail en commission animé et passionnant, de riches propositions et de moult concertations et discussions, le projet du Conseil d'Etat a évolué. Le texte que nous voterons ce soir a réuni l'unanimité de la commission de l'enseignement et de l'éducation, unanimité pourtant difficile à obtenir ces dernières années sur des sujets aussi sensibles que l'école. Il aura fallu bien des compromis et bien des concessions pour arriver à un accord que l'on n'ose qualifier de parfait, mais plutôt de bien helvétique, le seul qui permettra d'enterrer la guerre de l'école à Genève.
Les Verts ont toujours été en faveur des classes hétérogènes en septième, partant du principe que cette organisation permettrait de ne pas faire peser sur l'école primaire le rôle d'orientateur, mais de laisser ce travail au cycle qui mériterait alors son nom d'orientation. Toutefois, nous avons dû nous rendre à l'évidence: notre proposition ne trouverait pas de soutien ni de la part des politiques, ni certainement auprès de la population.
Nous sommes néanmoins satisfaits de la solution trouvée: le texte prévoit trois regroupements, qui accueillent certes les élèves en fonction de leurs résultats à la sortie de la sixième, mais dans lesquels les mêmes disciplines seront enseignées, ce qui laisse aux élèves la possibilité de se réorienter plus facilement qu'auparavant.
Le nombre d'élèves par classe, s'il n'est pas chiffré dans la loi, permettra lui aussi des réorientations. En effet, actuellement, passer du niveau A au B ou inversement est devenu trop souvent impossible, parce que les effectifs sont complets. Avec le contreprojet, ce blocage des trajectoires ne devra plus exister et nous nous en réjouissons.
Dès la huitième année, les élèves seront répartis dans les trois sections proposées et déjà décrites par mes préopinants. Si nous regrettons quelque peu le goût de déjà vu de ce projet, avec ces trois sections, nous relevons toutefois ses côtés positifs: il n'existe pas de hiérarchie entre les sections et les débouchés au postobligatoire sont clairement décrits, afin de jouer franc jeu avec l'élève et de l'aider à préparer son avenir en l'informant sur les choix possibles qui s'ouvrent à lui en fonction de son potentiel et de ses résultats.
Un sujet a réuni les commissaires sans clivage politique: celui de la valorisation de la formation professionnelle, trop souvent dénigrée par certains parents et enseignants et mal reconnue par les élèves. Nous souhaitons au travers de ce projet encourager les jeunes à trouver une voie qui leur apporte satisfaction et qui les valorise, qu'elle soit gymnasiale ou professionnelle.
Un autre aspect de ce projet auquel nous tenons tout particulièrement est celui des passerelles et des soutiens. Les Verts veilleront particulièrement à la mise en place de ces structures dans chaque établissement, qui devraient permettre de lutter contre les échecs scolaires et de participer à la motivation et à la réussite des élèves. Pour les Verts, il ne s'agit pas de faire une déclaration d'intention, mais bien de passer à l'action. Cela aura un coût, et nous espérons que ceux qui soutiendront ce projet ce soir seront cohérents lors du vote du budget. Pour notre part, nous voterons ce contreprojet et le défendrons.
Toutefois, nous savons que l'aspect structurel de l'école n'est qu'un élément, certes important, mais que les vraies richesses de celle-ci sont, d'une part, les enseignants et les professionnels sur le terrain - nous voulons des professionnels motivés, reconnus pour la qualité de leur travail et auxquels nous devrons donner des moyens à la hauteur de nos attentes - et, d'autre part, les élèves. En commission, nous n'avons jamais perdu de vue que nous travaillions pour eux, pour que chacun trouve sa place dans une école motivante, stimulante, exigeante, honnête dans son message et respectueuse des compétences de chacun. Les Verts soutiennent ce contreprojet et espèrent que nous le voterons ce soir à l'unanimité, afin de donner un message clair au peuple, celui de la confiance que nous portons à l'école publique. (Applaudissements.)
M. Jacques Follonier (R). J'aimerais tout d'abord remercier le rapporteur. Pour l'avoir été moi-même dans le cadre du contreprojet sur l'école primaire, je sais à quel point le travail qu'il a dû fournir est titanesque et lui a demandé un énorme effort en très peu de temps, et je tenais à le lui dire de vive voix.
Je ne vais pas parler ce soir du cycle d'orientation, parce que tout a été dit, mais j'aimerais répondre à des questions qui m'ont été plusieurs fois posées ces derniers temps.
Tout d'abord, est-ce que ce contreprojet est un compromis ? Est-ce un compromis entre deux initiatives qui s'opposent l'une à l'autre ? Eh bien pas du tout ! Ce n'est pas un compromis, nous avons mis en place un système de sections, prévoyant trois sections bien définies - une section de formation professionnelle, une section de formation commerciale et une section de formation gymnasiale - et nous voulions qu'il y ait un respect et une fierté liés à ces dernières, de manière que chacun soit fier d'être dans sa section et qu'il n'y ait pas d'ambiguïté comme on en voit aujourd'hui. Nous avons également tenu compte de l'articulation entre le primaire, le cycle d'orientation et le postobligatoire.
Ce texte, au départ fourni par le Conseil d'Etat, a été extrêmement bien travaillé en commission. Il ressort aujourd'hui de ce travail un bon contreprojet qui permettra de mettre sur pied à Genève un cycle d'orientation efficace, nous l'espérons.
Il m'a également été demandé si le cycle d'orientation que nous mettrons en place sera efficace. Oui, il va l'être, pour la bonne raison qu'il retrouve son vrai sens, c'est-à-dire qu'il redevient un cycle d'orientation, le but étant bien évidemment d'orienter les élèves pour les amener à bon port, à l'endroit où ils doivent être, et non pas d'agir comme nous le faisions auparavant, à savoir de prendre tous les élèves pour les amener quelque part, tout en les laissant d'une certaine façon perdus, sans qu'ils ne puissent jamais réussir à trouver la bonne voie. J'en veux pour preuve par exemple - et tout le monde le sait - que, dans le regroupement A, le tiers des élèves qui étaient pourtant en filière prégymnasiale refusaient à la fin de la neuvième du cycle d'aller au collège et partaient en formation professionnelle. Ce qui était regrettable, parce que cela constituait finalement une perte. Or, aujourd'hui, la création de ces sections claires permettra à chacun de suivre sa juste évolution.
Quels avantages entraînera cette nouvelle organisation ? Elle créera moins d'échecs au postobligatoire et le gain se répercutera forcément sur le prix, puisqu'on nous dit que le contreprojet a un coût plus élevé même que les initiatives. Certes, nous devrons mettre de l'argent, mais je pense qu'il est nécessaire de le faire, notamment parce qu'il y aura moins de redoublements. On sait aujourd'hui que les redoublements que l'on observe en première année du postobligatoire, et cela dans chacune des filières que nous connaissons, que ce soit la filière gymnasiale, commerciale ou la formation professionnelle, constituent une grande difficulté. Or, si ces redoublements sont évités, il y aura forcément des gains d'argent, qui pourront être réinvestis dans le cycle d'orientation. Je pense qu'il y aura donc là une réelle valeur ajoutée.
Finalement, est-ce que ce cycle sera plus sélectif ? C'est une question que les gens se posent beaucoup. Eh bien non, il ne sera pas plus sélectif ! Il sera en revanche plus exigeant pour tous, car il le sera aussi bien pour les élèves que pour les enseignants, c'est un point qu'il faut souligner. Les élèves devront fournir davantage, mais les enseignants aussi, et le niveau sera de par cette situation surélevé. On arrivera ainsi à une réalisation correcte et, surtout, ce cycle sera formateur pour l'ensemble des élèves.
En conclusion, je dirai que nous avons ainsi posé les bases d'un cycle d'orientation moderne, formateur et efficace, et que ce sont finalement aussi les bases d'une excellente école genevoise, raison pour laquelle le parti radical soutiendra ce contreprojet et vous invite à faire de même.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Se sont encore inscrits MM. Claude Aubert, François Thion, Christian Brunier, Antoine Bertschy, Henri Rappaz, Gilbert Catelain et Mme Véronique Pürro. Le Bureau décide de clore la liste.
M. Claude Aubert (L). Les discussions concernant l'école sont toujours colorées et évoluent entre deux extrêmes. Les uns savent parfaitement comment il faut faire: «pif, paf, pan-pan yaka !» et les autres sont conscients que tout est compliqué. Face aux affirmations péremptoires, il faudrait dévorer une bibliothèque entière pour confirmer ou infirmer les propos.
Toutefois, les libéraux ont une certitude: il faut un climat suffisamment apaisé pour que l'école prospère, les écoles privées jouant le rôle d'alternative dans une offre que nous souhaitons ouverte. Or, depuis nombre d'années, aux revendications des uns ont répondu les revendications des autres. Aux enseignants menant un combat syndical, les parents ont répliqué par des exigences accrues avec, en clé de voûte, la votation sur les notes qui a secoué les esprits, même si certains n'ont pas encore compris le changement de la mentalité publique.
Les libéraux, après avoir clairement indiqué leurs valeurs, ont donc choisi d'accepter le compromis. Nous souhaitons éviter l'initiative 134, qui multiplie les tunnels, et l'initiative 138, qui structure le cycle sur la seule problématique des élèves en difficulté. Nous choisissons le juste milieu, tout en conservant nos idéaux, qui seront peut-être les lois de demain.
M. François Thion (S). Ce texte est d'abord le contreprojet à l'IN 134 et il convient déjà que nous discutions de cela. J'aimerais rappeler que cette initiative propose une structure du cycle d'orientation extrêmement compliquée, avec de nombreuses sections, cloisonnées - on l'a dit, six filières en huitième et neuvième sont prévues - et avec une orientation qui se fait dès le début de la septième et qui n'est quasiment plus modifiable. S'ajoute à cela une classe que je qualifierai de purgatoire entre la sixième et la septième, qui deviendrait celle des laissés-pour-compte ou des exclus. Nous le savons, l'objectif de l'initiative 134 est clairement de diminuer le nombre d'élèves qui entrent au collège ou à l'école de commerce et donc, à long terme, de réduire le nombre de porteurs de maturité, alors que Genève, faut-il le rappeler, obtient à ce niveau les meilleurs résultats de l'ensemble de la Suisse.
Le problème de l'IN 134, c'est qu'elle a certainement été, de manière inconsciente, pensée et écrite par des enseignants pour des enfants d'enseignants, afin que les jeunes puissent avoir une école où ils s'épanouissent. Elle n'est le fruit d'aucune étude scientifique sérieuse en matière de recherche pédagogique. D'ailleurs, le cycle proposé par l'IN 134 devra malheureusement changer de nom: ce ne sera plus un cycle d'orientation, mais un cycle de sélection !
Pour combattre cette initiative, les députés socialistes ont estimé que la meilleure solution consistait à collaborer avec les trois autres partis gouvernementaux, afin de réfléchir à un contreprojet qui permette d'améliorer la structure actuelle du cycle - celui de Mme Brunschwig Graf - dont la mise en place s'est faite sans enthousiasme, ni du côté des enseignants, ni d'ailleurs d'une partie des directeurs d'établissements.
En ce qui concerne le contreprojet, nous sommes satisfaits des points suivants: d'abord, des moyens financiers supplémentaires seront affectés, notamment afin d'avoir des effectifs de classes qui rendent possible un changement d'orientation d'une filière à une autre à tout moment, c'est-à-dire durant les trois années du cycle d'orientation, et j'insiste sur ce point, parce que je crois que cela n'a pas été compris par les députés libéraux. Il faut pouvoir orienter l'élève pendant les trois années ! D'autre part, des moyens financiers supplémentaires vont permettre d'aider sérieusement les élèves en difficulté - et il n'en existe pas seulement dans les classes où les niveaux sont les plus bas, mais bien dans toutes les classes - et je pense qu'il faut tous les aider.
En outre, la structure proposée, on l'a déjà dit, est cohérente avec les autres ordres d'enseignement et respecte les impératifs liés à la coordination scolaire romande. En septième année, tous les élèves vont donc suivre un cursus commun et seront confrontés aux mêmes disciplines. Les écoliers qui sortiront de sixième avec un certain retard dans les connaissances de base seront regroupés dans des classes à effectifs restreints, avec une limitation des enseignants intervenant dans la classe. A ce propos, je pense que l'idéal serait de confier ces classes aux enseignants les plus chevronnés et non à ceux qui débutent.
Dans un contexte social souvent difficile - augmentation du nombre de familles monoparentales, diversification des origines familiales, précarité toujours plus grande pour une minorité de la population de notre canton - nous estimons qu'il est nécessaire de lutter contre les inégalités sociales par une répartition encore meilleure des ressources, en tenant compte des coefficients sociaux des établissements. Et c'est ce que prévoit ce projet.
Pour terminer, les socialistes souhaitent rappeler qu'ils sont totalement opposés au projet libéral de maturité en trois ans et qu'ils sont donc satisfaits que ce contreprojet, voté à l'unanimité de la commission de l'enseignement, n'ait pas pris en compte cette idée d'école à deux vitesses. (Applaudissements.)
M. Christian Brunier (S). Comme chacun des partis - je crois que nous sommes tous dans la même situation aujourd'hui - le PS a fait des concessions. Ce contreprojet n'est pas le programme du parti socialiste, comme il n'est pas celui des radicaux, des libéraux, des Verts, de l'UDC, etc.
Au PS, nous pensons toujours qu'il faut reculer la sélection pour laisser un maximum de chances à un maximum d'enfants, comme c'est le cas en Finlande, où l'école est un modèle au niveau mondial. Sélectionner un jeune à 11 ans, à la fin du primaire, est une hérésie, puisqu'à Genève on sort d'apprentissage - et ce sont les âges moyens officiels - à 21 ou 22 ans et, dans les autres corps d'enseignement, encore plus tard. Mais ne soyons pas en dehors de la réalité ! Aujourd'hui, le PS, comme tous les autres partis politiques de ce parlement, est en train de construire une école de compromis; ce n'est pas la meilleure des écoles en fonction de chacune de nos idéologies et de nos idéaux, mais nous avons cherché un compromis. Nous avons donc tous fait des concessions, dans un esprit constructif et soucieux de trouver un projet pour l'avenir des jeunes - cela a été salué mais je crois qu'il faut le répéter - malgré nos différences, qui parfois étaient grandes. Je siège dans la commission de l'enseignement depuis longtemps, et pourtant c'est la première fois que j'ai vu autant de partis réunis pour penser aux jeunes avant tout, et non pas pour essayer de récolter des voix ou je ne sais quoi. Cela m'a frappé ! Je crois que nous avons donné un modèle, un modèle d'antithèse de politique politicienne et nous avons pensé là à construire l'avenir de l'école genevoise.
Mais nous avons aussi cherché à construire une majorité, afin de combattre, comme l'a dit François Thion, l'IN 134, qui serait un véritable poison pour l'école genevoise. Je vous rappelle que cette initiative demande à des enfants qui sortent de l'école primaire de choisir quasiment le métier qu'ils exerceront dix ou quinze ans plus tard ! Et je n'exagère pas ! Si je prends les filières que l'IN 134 a définies, on va demander à un enfant de 11 ans s'il veut aller dans celle des professions commerciales, administratives, de la santé et du social, ou alors dans la filière des professions techniques et informatiques. C'est cela, le contenu de l'IN 134 et, ce qui m'inquiète, c'est que ce sont des enseignants qui l'ont rédigée. Je me demande si ces derniers ont un jour écouté et dialogué avec un enfant de 11 ans ! Ils sont complètement en dehors de la réalité ! Ils prônent un système dans lequel on sélectionne à tout prix les soi-disant meilleurs et où les autres n'auront comme seul destin que l'élimination. Je crois donc que l'IN 134 propose une école du passé, une école poussiéreuse et dépassée, qui ne correspond pas aux préoccupations de la société actuelle, et il faudra qu'on la combatte sérieusement.
Nous sommes une large majorité - quasiment une unanimité - à vouloir aujourd'hui construire un cycle exigeant et valorisant pour chaque jeune, où l'on ne dit pas: «Toi, tu es meilleur que lui !» ou inversement, mais: «Vous avez des compétences différentes et on va essayer de vous amener à votre meilleur niveau, de vous construire le meilleur avenir possible.» C'est un cycle de la réussite, pas de l'élimination.
J'ai trouvé six clés de succès à notre contreprojet. La première, certains l'ont souligné, c'est qu'on va enfin avoir à Genève le même cycle partout. En effet, actuellement, lorsque vous changez de quartier, vous avez l'impression de changer de pays, car les cycles n'ont pas du tout les mêmes programmes et les mêmes fonctionnements ! Là, on va avoir un système identique, et je crois que l'ensemble des Genevoises et des Genevois souhaitaient cela.
Deuxièmement, en septième année, on donnera encore une chance aux élèves - ce ne sera pas la sélection couperet à la fin de la sixième - et ils seront répartis dans des regroupements différents; ceux qui ont plus de difficultés à la fin du primaire bénéficieront d'un meilleur encadrement que les autres, mais auront la possibilité de changer de filière et d'accéder aux sections qui les intéressent. On ne leur dira pas: «Il y a une bonne section et une mauvaise», mais: «Il existe diverses sections en fonction d'aptitudes ou d'envies différentes», et c'est une très bonne chose.
Le troisième point fort positif, c'est la valorisation de la formation professionnelle. Actuellement, on montre trop souvent du doigt dans les écoles genevoises les formations professionnelles alors que, on l'a vu dernièrement, le CFC est aujourd'hui un gage de trouver un emploi, ce qui n'est pas le cas des autres filières. Nous devons donc donner la possibilité aux jeunes de choisir la filière dont ils ont envie, et non pas leur dire: «Tu es un mauvais élève, tu iras en apprentissage.» Non ! Nous voulons, et je crois que c'était le souhait d'une grande majorité, que les très bons élèves puissent faire le choix volontaire d'aller en apprentissage en disant: «C'est mon destin, c'est ce que j'ai envie de faire ! C'est ma passion, je n'ai pas forcément envie de faire de longues études et j'aspire à faire d'autres choses.» Voilà l'école que nous souhaitons construire demain.
Le quatrième point positif, ce sont les passerelles, qui donnent la possibilité aux jeunes - qui ont un long cursus devant eux, de plus en plus long, et ce n'est pas notre choix, mais une volonté générale, je crois, à travers toute l'Europe - d'avoir de nouvelles chances, d'être mieux orientés, et également de se tromper de voie pour en prendre une autre. Je pense que c'est l'un des points forts de notre contreprojet.
La cinquième clé de succès de notre texte, ce sont les moyens supplémentaires affectés au cycle d'orientation. Nous avons été une large majorité à reconnaître que le primaire et le cycle sont aujourd'hui les parents pauvres de l'enseignement, alors que c'est là qu'on doit investir de l'argent et des moyens afin de combler les lacunes et de donner les clés de la réussite aux jeunes.
Et le dernier point fort de notre contreprojet, c'est la sérénité que nous ramenons dans l'école genevoise.
Maintenant, nous avons un devoir - et même plusieurs - c'est de concrétiser notre bonne volonté, premièrement en tenant nos engagements de voter ce soir, puis, en nous battant tous ensemble pour faire voter ce contreprojet par la population. Je crois que nous avons de grandes chances de gagner, mais il faudra se battre, aller convaincre les gens et prouver que notre contreprojet est certainement la meilleure des solutions en ce moment.
Deuxièmement, il faudra donner les moyens au cycle d'orientation de réussir. On nous a fait de belles promesses, il s'agit maintenant de les concrétiser !
Troisièmement, et là je crois que le processus est en train de se réaliser et de se travailler, nous devons collaborer avec les entreprises, car, si nous voulons valoriser l'apprentissage, il faut aussi que celles-ci engagent des jeunes à la fin du cycle d'orientation. Aujourd'hui, elles n'embauchent que 6% des élèves qui sortent du cycle et privilégient les jeunes proches de 20 ans plutôt que ceux de 15 ans, et nous avons donc là un travail à effectuer.
Pour conclure, j'aimerais remercier, comme tout le monde, mais je crois que cela en vaut la peine, notre «rapporteur d'unanimité» - et j'espère que cette dernière ressortira au vote final ! - pour le travail qu'il a accompli. On revient de loin ! Celles et ceux qui étaient réunis l'été passé autour d'une table et qui disaient: «Maintenant, on enterre la hache de guerre et il faut que l'on trouve un arrangement» n'étaient pas sûrs de réussir. Les quatre partis de départ ont donné un élan, mais très vite...
La présidente. Il vous faut conclure !
M. Christian Brunier. J'arrive à ma conclusion ! Mais très vite, il faut le reconnaître, les libéraux ont franchement joué de manière très sympathique l'alliance avec les quatre partis de départ - ils auraient pu mettre les pieds contre le mur mais ils ne l'ont pas fait - l'UDC également, et je remercie M. Ischi, parce que je crois qu'il a été l'une des pièces motrices dans le consensus, et ce n'est pas toujours le cas avec l'UDC. Je pense que les partis ont vraiment dit «stop à la guéguerre scolaire» - ce qui est une bonne chose ! - et ont laissé la place aux priorités, c'est-à-dire l'avenir des enfants.
Sur l'amendement, Madame la présidente...
La présidente. Non, vous pourrez reprendre la parole plus tard !
M. Christian Brunier. D'accord, je m'exprimerai plus tard sur l'amendement.
La présidente. Comme je l'ai dit tout à l'heure, vous disposez de sept minutes ! En outre, je rappelle qu'à 22h15 très précises nous commencerons notre huis clos. J'espère donc que nous aurons fini nos travaux d'ici là !
M. Antoine Bertschy (UDC). Je crois que la commission, comme l'a souligné le président, a effectué un excellent travail. Je relèverai toutefois un point négatif: nous avons dû subir durant tous nos travaux des fuites de procès-verbaux qui passaient à une association bien connue sur la place de Genève. Cela aurait pu pourrir l'ambiance de nos travaux, mais cela n'a pas été le cas, grâce aux commissaires qui ne diffusaient pas les P.V. Parce que ces derniers ont voulu faire un bon travail et sont allés de l'avant, nous avons pu garder une bonne ambiance et coordonner nos travaux pour arriver à un résultat que je qualifierai de plus que satisfaisant.
Quant au cadre, il y avait d'un côté l'IN 134 et, de l'autre, l'IN 138. Nous étions donc dans une sorte de slalom sur une piste de ski. Je ne vais pas prendre l'exemple du football parce que ce n'est pas brillant en ce moment pour notre équipe, je préfère celui du ski ! Nous avons donc eu une sorte de piste qui était bien balisée par ces deux initiatives. En outre, il y avait le vote populaire à propos de la septième hétérogène, qui s'était soldé par un refus. Dans ce chemin, déjà balisé, nous avons pu trouver une piste fructueuse et sommes parvenus à l'arrivée avec un bon résultat. Certes, d'aucuns auraient aimé franchir les portes un peu plus haut, d'autres être un peu plus directs, mais nous avons tous fait des concessions et sommes arrivés à un résultat.
Nous avons donné à ce contreprojet, pour un cycle exigeant mais pas plus sélectif, le titre suivant: «Un cycle d'orientation exigeant et formateur pour tous». Je crois que les deux derniers mots sont importants, «pour tous», effectivement ! Ce contreprojet sera plus exigeant, mais pas seulement pour les élèves, car je crois qu'il n'y a pas d'élèves sans professeurs, et que ces derniers devront aussi être plus exigeants vis-à-vis d'eux-mêmes. Ce que nous, députés, attendons, non seulement du corps enseignant mais aussi des élèves, c'est en effet qu'ils soient plus exigeants vis-à-vis d'eux-mêmes, mais pas que le cycle soit plus sélectif, et nous nous engageons à faire respecter cette idée.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDC soutiendra ce contreprojet.
M. Henry Rappaz (MCG). J'aimerais tout d'abord mettre un petit bémol aux éloges qui ont été faites au rapporteur. En effet, il serait honnête de rappeler qu'une aide importante du DIP a largement contribué à la rédaction de ce rapport.
Le MCG a étudié avec beaucoup d'attention le contreprojet que le Grand Conseil va prochainement opposer en votation populaire à l'IN 134 et il ne vous cache pas ses craintes sur la structure de la septième année. En effet, le texte n'est pas assez précis en ce qui concerne cette dernière qui, nous vous le rappelons, a été l'objet en 2001 d'une décision populaire. Afin de dissiper tout doute au sujet d'un point qui est pour Genève la clé de voûte du système du cycle d'orientation, et pour rassurer tout le monde, nous proposons un amendement qui va apporter une précision indispensable à l'article 53, et grâce auquel la population sera rassurée sur le respect de la votation de 2001, où elle avait refusé à 65% que les classes de septième soient hétérogènes. C'est une clarification bienvenue et nous vous prions de bien vouloir soutenir cet amendement tout à l'heure.
M. Gilbert Catelain (UDC). La commission de l'enseignement a admis à l'unanimité que le cycle d'orientation actuel provoque, je cite le rapport: «[...] des réorientations par l'échec, de nombreuses déceptions, voire des démobilisations problématiques et un gaspillage des ressources publiques...». L'avenir nous dira si ce contreprojet, qui va engendrer des coûts supérieurs au gaspillage des ressources publiques identifié par la commission de l'enseignement, sera un bon projet. Pour l'heure, il est nécessaire.
Je vous donne un exemple: je suis accessoirement chargé de recruter du personnel. Nous avons convoqué cent candidats, tous au minimum détenteurs d'un CFC de trois ans et dont la moitié provient de l'école genevoise. Au test de la dictée, qui correspond à un niveau de cinquième primaire, les résultats sont affolants: 66% des candidats genevois ont échoué à cette dictée, contre 33% des candidats valaisans, et 17% de ces cent candidats ont obtenu la note de 1 !
Ce contreprojet est donc nécessaire pour l'institution: il est indispensable pour les adolescents et est impératif pour redorer l'image de Genève en Suisse.
Il serait certes vain de considérer que le changement de structure du cycle d'orientation pourra à lui seul avoir un effet sur le manque de curiosité des uns et de motivation des autres, mais nous soutiendrons ce texte parce qu'il est aujourd'hui le seul projet qui puisse redonner confiance en l'institution scolaire du cycle d'orientation et qu'il respecte la volonté populaire exprimée en 2001.
Mme Véronique Pürro (S). Tant de choses ont été dites ! Je vais essayer de ne pas trop entrer dans les détails qui ont déjà été évoqués par mes collègues. J'aimerais tout d'abord rappeler que l'éducation est un enjeu de société - et par conséquent politique - des plus importants, cela a été souligné au cours du débat. Partout en Suisse, mais aussi dans les pays qui nous entourent, les systèmes d'éducation actuels sont remis en question. Naturellement, dans une société qui change - mon collègue François Thion a parlé de la difficulté des familles et des enjeux sociaux importants - les réponses d'aujourd'hui ne sont pas forcément les plus pertinentes. C'est le cas avec le cycle d'orientation, qui manque de légitimité. Je vous rappelle d'ailleurs que le passage des sections aux regroupements A et B ne s'est pas fait par une décision du peuple mais de l'administration. En outre, le système manque de lisibilité, car il n'est pas identique sur tout le territoire genevois et ne l'est donc pas pour tous les élèves. Enfin, je crois qu'il ne prend pas suffisamment en compte les profils différents des élèves. Par conséquent, il est naturel - et, je crois, souhaité par tous - que ce système, qui ne répond plus aux besoins, évolue.
Concernant les réponses proposées par les deux initiatives, j'aimerais dire à M. Aubert qu'il ne s'agit pas d'une initiative des enseignants contre une initiative des parents, puisque ces deux textes émanent principalement du monde enseignant. On voit par là - du fait que ces initiatives sont différentes, opposées - que diverge au sein même des professionnels la perspective de la réponse qu'il conviendra d'apporter à un système qui n'est plus d'actualité. Je crois donc qu'il est de notre responsabilité de trouver non pas un consensus, mais une réponse qui satisfasse le plus grand nombre de personne, en prenant précisément en compte les enjeux de société et l'évolution des besoins.
Le contreprojet - résultat de nos travaux, que nous soutenons quasiment tous ce soir - atteint, je crois, cet objectif et rétablit une certaine paix scolaire puisque, comme nous l'avons vu pour l'école primaire, les divisions politiques et la politique politicarde sur un enjeu aussi important que celui de l'éducation laissent des traces qui sont difficiles à surmonter. L'effort que nous avons tous consenti pour le cycle d'orientation est donc à saluer et j'espère de tout coeur que nous allons le poursuivre jusqu'au bout...
Une voix. Le budget !
Mme Véronique Pürro. Et, comme me le souffle ma collègue, le poursuivre également au niveau du budget. Les socialistes saluent dans ce contreprojet les moyens supplémentaires qui devront être affectés pour les enfants en difficulté, tout comme ils saluent également l'égalité de traitement, c'est-à-dire que le cycle d'orientation sera identique pour toutes et tous sur l'ensemble du territoire cantonal.
En conclusion, il est nécessaire d'enterrer la hache de guerre sur un enjeu de société aussi important, parce que, au-delà des desseins électoraux ou des causes qui peuvent nous opposer, le futur de nos enfants est beaucoup plus important que l'avenir politique de certains d'entre nous. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Madame la députée. Madame Hagmann, je ne peux vous donner la parole... (Remarque de Mme Janine Hagmann.) Attendez, Madame la députée: la liste est close; en revanche, vous pourrez vous exprimez en deuxième débat.
Mis aux voix, le projet de loi 10176 est adopté en premier débat par 63 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mme Janine Hagmann (L). Je dois dire, Madame la présidente, que je suis un peu gênée, parce que notre collègue du MCG n'a pas exposé comme tous les groupes, lors du premier débat, ses idées sur le contreprojet, mais a tout de suite présenté son amendement. C'est précisément sur ce dernier que je voulais intervenir. Voulez-vous que je le fasse maintenant, Madame la présidente, ou au moment où vous nous ferez voter l'article ?
La présidente. Il est préférable que vous preniez la parole au moment où nous voterons l'article, parce qu'il y a d'autres demandes de parole sur l'amendement, notamment de la part du groupe socialiste. Etes-vous d'accord, Madame Hagmann ?
Mme Janine Hagmann. Je pense que M. Rappaz ne savait pas qu'il est d'usage de présenter les amendements lors du deuxième débat.
La présidente. Depuis le temps qu'il est là, il devrait le savoir ! Nous sommes donc en deuxième débat.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 7B (nouveau, les articles 7B et 7C anciens devenant les articles 7C et 7D), 52 (nouvelle teneur) et 52A (nouveau).
La présidente. A l'article 53, nous sommes saisis d'un amendement du groupe MCG. La parole est demandée par le rapporteur, par MM. Brunier et Bertschy, Mme Hagmann et MM. Gillet et Follonier. Le Bureau décide de clore la liste. Monsieur le rapporteur, est-ce maintenant que vous voulez vous exprimer sur l'amendement ?
M. Gabriel Barrillier (hors micro). Non: à la fin !
M. Christian Brunier (S). Nous avons travaillé durant dix-huit séances, sans compter ce qui s'est effectué en parallèle. Nous nous sommes beaucoup vus, il y a eu de nombreuses propositions allant dans tous les sens à certains moments, mais nous avons ramené le débat dans un cadre et avons toujours cherché un accord.
Durant ces dix-huit séances, tous les partis - je dis bien: «tous les partis» - ont fait des propositions constructives. Cela a suscité des débats, mais les idées étaient toujours constructives. Or, pendant ce temps, un parti ne s'est quasiment jamais exprimé et n'a fait aucune proposition: c'est le Mouvement Citoyen Genevois. Aujourd'hui, nous sommes dans un climat constructif, nous avons beaucoup travaillé sur ce projet, et je considère que cet amendement est une provocation. Je crois qu'il n'y a pas de place dans ce parlement pour la démagogie et je vous demande donc de refuser cet amendement.
M. Antoine Bertschy (UDC). Je crois que non seulement cet amendement est démagogue, mais, en plus, il est fondamentalement inutile ! Etant donné les structures qui seront celles du cycle d'orientation, les classes seront de toute façon homogènes ! Il ne sert à rien de rajouter des mots dans une loi pour en rajouter ! Cet amendement est inutile et il ne convient donc pas de le prendre en compte.
Mme Janine Hagmann (L). Comme vous le savez tous, cet amendement a été proposé à plusieurs partis par le groupement ARLE, après le dépôt du rapport sur l'IN 134. Les libéraux ont bien réfléchi à la question de savoir s'il fallait accepter cet ajout ou non, mais ils ont trouvé comme mes deux préopinants qu'il était totalement inutile. Nous avons donné des garanties sur le respect de la volonté populaire en rédigeant ce projet de loi, et cet amendement ne sera donc pas accepté.
D'autre part, le groupement ARLE a été auditionné et qu'il n'a pas présenté son amendement. Je vous rappelle d'ailleurs que ce n'est pas ARLE qui est à l'origine de l'initiative 134, mais REEL. A ce propos, je ne peux m'empêcher de vous citer un morceau d'anthologie de notre ami Pascal Décaillet... (Exclamations.) ...qui a rédigé un article à ce sujet: «N'y a-t-il pas là, plutôt, une tentative de prise de leadership, en cours, pour ne pas dire un piratage ? Le public, surtout, est-il vraiment gagnant dans ce nébuleux Verdun d'assauts nocturnes, où la clarté du front s'estompe au profit de celle des ambitions ?» Je pense que, avec cet amendement, ARLE a voulu récupérer le travail accompli par REEL, si bien que le groupe libéral ne peut l'accepter.
M. Henry Rappaz (MCG). J'ai pris note que le MCG n'avait pas participé aux travaux. Evidemment, la voix du MCG n'est jamais prise en considération. (Huées.) Et il est absolument impossible... (Brouhaha.) Oh, vous pouvez rire, on le voit lors des votations ! Donc, il était bien inutile et nous voulions simplement le signaler en plénière.
M. François Gillet (PDC). Cette proposition d'amendement est sans fondement. Aucune disposition du PL 10176 ne laissant la porte ouverte à l'hétérogénéité, il n'y a donc aucune raison d'en rajouter une couche sur cette question.
Par ailleurs, et j'insiste sur ce point, étant donné l'esprit qui a régné tout au long des travaux, introduire aujourd'hui un amendement serait ouvrir la voie à d'autres propositions. Comme cela a été rappelé, plusieurs groupes ont fait des concessions et ont renoncé à certains aspects qui leur étaient chers, alors dire oui à un amendement, c'est mettre en péril tout le consensus qui a été patiemment élaboré.
M. Jacques Follonier (R). Pour paraphraser une chanson bien connue: c'est une fausse bonne idée ! Si nous avions le temps, j'aurais une joie innommable à entendre M. Rappaz nous expliquer ce qu'il entend par cet amendement, parce que je suis persuadé qu'il ne sait absolument pas ce que cela signifie ! Mais comme nous n'avons pas le temps, je vous propose de refuser cet amendement. (Applaudissements.)
M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur. Très concrètement et objectivement, je rappelle à M. Rappaz qu'il a participé à ces travaux et qu'il sait parfaitement - je l'ai dit au départ et tout le monde l'a répété - que la première année du cycle doit permettre de combler des lacunes et de commencer une véritable orientation grâce à un enseignement différencié. J'ai également rappelé à plusieurs reprises que cet enseignement différencié signifiait des niveaux déterminés, des programmes, des attentes, des objectifs et des dotations horaires différents en fonction de chaque groupement. Alors je ne sais pas en quelle langue il faut parler, en volapouk peut-être, pour que notre collègue comprenne...
Des voix. «Volapük» !
M. Gabriel Barrillier. Oui, volapük: pük ! Pour le reste, j'exprime ma tristesse - oui, ma tristesse ! - devant une attitude aussi vide et lamentable que celle de notre collègue. C'est vraiment lamentable ! (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous allons maintenant voter sur l'amendement à l'article 53, al. 1, (nouvelle teneur), qui est le suivant: «Tous les établissements du cycle d'orientation ont la même structure et tous les enseignements sont dispensés en classes homogènes, à l'exception de l'éducation physique.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 56 non contre 5 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'article 53 (nouvelle teneur) est adopté, de même que les articles 53A (nouveau) à 165.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, les débats sur le cycle d'orientation ont été nombreux au cours du XXe siècle. Certains ont marqué l'histoire, comme ceux de 1927, de 1931 et de 1946, dans le but non pas de mettre sur pied le cycle d'orientation, mais d'en jeter déjà les fonts baptismaux. Et il aura fallu attendre le début des années 1960 et un très grand débat de ce Grand Conseil en 1964 pour inscrire dans la loi le cycle d'orientation.
Le cycle d'orientation du canton de Genève est l'histoire d'un consensus construit entre la gauche et la droite à partir d'une opposition de principe qui longtemps jalonna les débats parlementaires, à savoir la volonté de préparer une filière d'élite et celle d'intégrer au maximum; vous y reconnaissez respectivement, pour la première partie du XXe siècle, la droite et la gauche.
C'est donc au début des années 60, sous l'impulsion notamment de l'institution scolaire, mais également d'Alfred Borel, puis, dès 1961, d'André Chavanne, que le consensus a pu s'établir: un cycle d'orientation rassemblant l'ensemble des élèves, quels que soient leur provenance ou leurs résultats scolaires, sous le même toit. Depuis 1964, la loi sur l'instruction publique - la LIP - n'a pratiquement pas changé en ce qui concerne le cycle d'orientation, si on excepte le débat important de 2000, suite auquel quelques mois plus tard, en 2001, le peuple a tranché au sujet de l'inscription d'une septième hétérogène, devant rassembler l'ensemble des élèves dans les mêmes classes, les mêmes regroupements, quel que soit le niveau scolaire. A ce moment-là, le parlement avait voté de façon extrêmement serrée la septième hétérogène, alors que le peuple l'avait lui balayée quelques mois plus tard, ce qui constitue un élément important du point de vue de l'organisation de nos débats.
Même si les modifications de la loi sur l'instruction publique en ce qui concerne le cycle d'orientation ont été rares, il faut quand même relever que ce dernier a subi et vécu bien des changements. A commencer par l'instauration d'une réforme II en 1971, 1974 et 1975, avec l'ouverture de trois cycles d'orientation appliquant cette réforme, devant présager une extension de celle-ci à l'ensemble des établissements, sitôt les maîtres convaincus et formés aux vertus de la réforme II intégrant l'ensemble des élèves dans les mêmes classes. Nous connaissons l'histoire, et quels que soient finalement les débats, en termes de motions ou d'interpellations urgentes, il y a toujours un cycle d'orientation organisé en deux modes. Le premier, qu'on peut qualifier d'hétérogène, est le fruit de la réforme II et est appliqué dans trois établissements. Dans le second, en vigueur dans les dix-sept autres, on trouve le principe des regroupements qui ont succédé aux sections en 2001, à partir non pas du vote populaire mais d'une décision du département - donc du Conseil d'Etat - qui suivit de peu la votation populaire, sans que celle-ci n'ait plébiscité d'aucune manière les regroupements, puisque ce sont bien les sections que le peuple avait décidé de retenir au détriment de la septième hétérogène.
Mesdames et Messieurs les députés, nous nous trouvons aujourd'hui devant une chance historique, et je crois que le travail parlementaire l'a bien démontré, celle de pouvoir réunir l'ensemble des points de vue pour faire en sorte que l'intérêt général triomphe en ce qui concerne une vision de l'enseignement secondaire, du cycle d'orientation en particulier. Et cela, avec une lucidité dont nous avons fait preuve lorsque nous avons montré, à la fois dans l'enceinte parlementaire, puis, il faut également le dire, au niveau de l'administration et de la direction générale du cycle d'orientation, notre volonté de revoir le cycle tel qu'il existe avec ses regroupements et la réforme dite de la grille horaire. En effet, nombreuses ont été les discussions; elles ont abouti dans un premier temps à la création d'une commission indépendante, la CO1 qui, à défaut de nous avoir servi de modèle, aura ouvert des pistes et nourri le débat, et c'est un élément qui aura en tous les cas permis d'éclairer quelques-unes de nos discussions. Je tiens à ce propos à remercier toutes celles et ceux qui, comme la direction générale, ont très largement alimenté le débat sur le cycle d'orientation.
Il n'en demeure pas moins que des enseignants, comme vous l'avez dit, regroupés en associations - et c'est leur plus grand droit - ont décidé d'en découdre à travers deux textes différents, les initiatives 134 et 138. J'aimerais rappeler, Mesdames et Messieurs les députés, si vous me le permettez, que le texte que nous nous apprêtons à voter ce soir est non seulement un contreprojet direct à l'IN 134, mais également un contreprojet indirect à l'IN 138, puisqu'il n'y aura pas d'autres textes et que les partis ont pris l'engagement au niveau du Grand Conseil de soutenir ce projet contre les deux initiatives. Ces dernières ont ceci en commun, outre le fait qu'elles souhaitent régler par l'extérieur de l'institution et du parlement le devenir du cycle, qu'elles considèrent que ce n'est pas au cycle d'orientation que doit avoir lieu l'orientation. Pour l'IN 134, tout se joue à l'école primaire et, pour l'IN 138, tout doit se jouer après le cycle d'orientation, dans les filières du postobligatoire.
Mesdames et Messieurs les députés, nos travaux s'articulent avec une volonté forte, celle de voir le cycle d'orientation incarner l'orientation durant trois ans, non pas seulement par son nom, mais par une réalité pédagogique et d'investissement de l'ensemble de l'institution et des enseignants.
Permettez-moi à cet égard, par rapport aux travaux que nous scellons aujourd'hui sur le plan parlementaire, de remercier d'abord l'ensemble des enseignantes et des enseignants du cycle d'orientation, ainsi que toutes celles et ceux qui y travaillent, pour leur engagement dans une institution qui est souvent critiquée, tant la tâche est complexe et difficile. Je remercie également l'ensemble des directrices et des directeurs d'établissements, la direction générale, et tout particulièrement le Grand Conseil et la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture, pour le travail extrêmement constructif qui a été mené et qui aura permis d'enrichir très largement le texte proposé initialement par le Conseil d'Etat.
Monsieur le député Gillet, je tiens en tant que conseiller d'Etat à vous remercier pour votre rôle de président, qui avez sans cesse souhaité faire triompher le consensus, en posant la discussion de façon telle que l'argumentation était de rigueur; et, Monsieur le rapporteur Barrillier, pour votre engagement dans un rapport qui éclaire nos débats et qui est de nature à éclairer également, je l'espère, nos successeurs dans les débats qui ne manqueront pas d'intervenir au cours des décennies à venir. Puisse-t-on espérer qu'on attendra quand même quelques années avant de reprendre ce débat !
J'aimerais maintenant faire quelques remarques sur le fond. Ce texte nous permet de consacrer un élément important, l'orientation, comme je l'ai dit tout à l'heure. «Orientation» signifie dans un premier temps - et je crois que c'est l'élément notoire du texte - que tout ne doit pas être joué à l'entrée au cycle. Il doit certes y avoir des sections qui permettent de choisir un projet et d'adapter son parcours aux exigences en fonction de ses capacités, mais elles doivent également laisser la possibilité, grâce à des passerelles, de changer de filière, par un dispositif d'orientation permanent lors de ces trois ans.
Je tiens en outre à souligner la volonté du Grand Conseil et du Conseil d'Etat de voir un certain nombre de structures pour les élèves en difficulté être instaurées de façon souple, mais de manière à pouvoir prendre en charge les élèves qui souffrent aujourd'hui dans le système scolaire, en raison de nombreuses difficultés, probablement du reste vécues en grande partie en dehors de l'institution scolaire.
Je souhaite à présent évoquer le deuxième thème: les débouchés. En effet, il y a non seulement la volonté consacrée de permettre à chaque élève qui sort du cycle d'orientation d'intégrer une filière du postobligatoire, mais aussi celle de revaloriser la formation professionnelle, indispensable pilier de notre système de formation, malheureusement trop souvent négligée du point de vue de l'attrait des débouchés, et c'est une grande vertu de ce texte que de la mettre au centre de nos préoccupations.
Je tiens à terminer sur un point. La démocratisation des études et la volonté de donner une chance à chacune et à chacun n'est pas le fait aujourd'hui strictement de la pédagogie, même si celle-ci a un rôle éminemment important à jouer. Ce n'est pas par le système d'évaluation qu'on démocratise les études et qu'on encourage l'égalité des chances; ce n'est pas non plus par un type de regroupement qui convient davantage en fonction des conceptions que du point de vue de la réalité des études, en termes de recherches, que nous parviendrons à donner un second souffle à cette démocratisation des études. Non, c'est à partir de la réalité, des capacités de chacune et chacun et d'un dispositif qui stimule par l'orientation et l'information que nous y arriverons.
Pour conclure, je salue également la volonté du Conseil d'Etat de s'engager dans une politique de soutien systématique aux institutions - et donc aux cycles d'orientation comme aux écoles primaires - situées dans les quartiers les plus difficiles du point de vue des conditions économiques et sociales, de manière à intégrer le fait que l'origine sociale ne doit pas être déterminante pour le choix d'un projet, puisque c'est bien à l'institution scolaire de permettre, en fonction des capacités de chacune et chacun, de développer son propre projet.
Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à vous remercier pour la qualité du débat et à adresser mes remerciements à toutes celles et ceux qui ont joué un rôle important; je pense bien sûr aux quatre partis, mais je tiens à dire également que, au-delà du parti socialiste, radical, des Verts ou des démocrates-chrétiens, les libéraux ont joué un rôle très important dans le dispositif, tout comme l'UDC. Enfin, je souhaite aussi, peut-être à contre-courant de votre assemblée, saluer un point important, c'est que le MCG a voté le contreprojet, contrairement à ce qui était prévu à l'origine lors des travaux en commission, puisque c'était au départ le seul parti à soutenir l'IN 134. (Applaudissements.)
La loi 10176 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10176 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 80 oui et 1 abstention. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat IN 134-A (sur la validité et la prise en considération de l'initiative).
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 134-D.
La présidente. J'aimerais m'associer aux propos de M. le conseiller d'Etat Charles Beer pour remercier à mon tour le rapporteur et vous, Mesdames et Messieurs les députés, pour la qualité de ce débat.
Nous allons à présent traiter à huis clos les points 152 et 153 relatifs aux naturalisations. En conséquence, je demande au Conseil d'Etat ainsi qu'aux personnes qui se trouvent à la tribune de bien vouloir se retirer, aux huissiers de fermer les portes et à Mme la mémorialiste de couper les micros ainsi que la retransmission sur Léman Bleu.
La séance publique est levée à 22h.
Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.