Séance du jeudi 12 juin 2008 à 17h
56e législature - 3e année - 9e session - 47e séance

P 1574-A
Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier la pétition concernant le droit aux traitements logopédiques pour tous les enfants
Rapport de M. Claude Aubert (L)

Débat

La présidente. Nous sommes au point 16 de notre ordre du jour. (Brouhaha.) Je vous prie d'être attentifs ! Monsieur Barazzone ! Monsieur Bertschy ! Merci ! Je passe la parole au rapporteur Claude Aubert.

M. Claude Aubert (L), rapporteur. Cette pétition qui porte sur un problème très précis, notamment le retrait des prestations de l'AI pour les mesures de pédagogie spécialisée, a été déposée en 2006. C'est donc un problème ancien, et du fait de la lenteur de nos travaux et de notre ordre du jour pléthorique nous n'en parlons qu'aujourd'hui, en 2008.

Le département a répondu aux bonnes questions posées par cette pétition, notre commission a estimé qu'on avait reçu les informations nécessaires et, par conséquent, nous avons demandé le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Tout cela par rapport à un problème bien circonscrit: depuis que le département s'est chargé des activités relatives aux prestations dans le domaine de la pédagogie spécialisée, d'autres problèmes peuvent se poser quant à la manière de reprendre ces prestations. Mais ce n'est pas l'objet de la pétition elle-même.

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Je rappelle que cet objet est classé en catégorie II, c'est-à-dire trois minutes par groupe, comme cela a été décidé par la commission.

Mme Beatriz de Candolle (L). La conclusion du rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation confirme la pertinence de la pétition 1574, qui comporte 652 signatures sans aucune couverture médiatique. A la conclusion selon laquelle la première invite ne serait plus d'actualité, le financement des traitements logopédiques étant assuré, les pétitionnaires opposent encore aujourd'hui les besoins réels du terrain. En effet, il reste au service médico-pédagogique - SMP - des besoins en traitements logopédiques qui ne peuvent pas être satisfaits, ou pas suffisamment. En outre, les chiffres indiqués par le SMP dans la lettre adressée à la commission par le DIP le 27 juillet ne semblent pas clairs, puisqu'ils mélangent année scolaire et calendaire, c'est-à-dire des années à dix et douze mois. Toutefois, cela ne doit pas être pris comme une critique vis-à-vis des auteurs de la lettre, qui disposaient d'une base de données insuffisante et établie selon des critères changeant d'année en année. L'organe n'avait jamais établi ces données de manière claire.

D'autre part, le recours à des traitements logopédiques en cabinet privé est sous contrôle du nouveau SFSS - secrétariat à la formation scolaire spéciale - qui dépend directement du SMP. Des traitements privés permettaient de pallier ponctuellement les insuffisances et manquements, ce qui n'est pas le cas avec les effectifs actuels. Si la politique restrictive a porté ses fruits en ayant comme conséquence une certaine baisse des demandes, quel prix devrons-nous payer dans quelques années à cause des traitements indispensables sacrifiés ? En effet, il faut savoir qu'aujourd'hui le SFSS part du principe que, par exemple, la dyslexie, les problèmes de déglutition ou la surdité s'effacent durant les vacances ! Les nouvelles décisions couvrent quarante semaines par an sur cinquante-deux, c'est-à-dire pas celles où les mineurs et les thérapeutes se trouvent en vacances. Or, selon la thérapie et le stade du handicap, des interruptions peuvent coûter cher, car il faut ensuite reprendre certains points.

Le SFSS contrôle la durée des séances - ce qui n'est pas un mal - mais essaie d'édicter des séances de quarante-cinq minutes. Toutefois, une séance peut durer deux fois quinze minutes pour un enfant, avec quinze minutes en compagnie des parents, ou soixante, voire quatre-vingt-dix minutes selon la problématique du handicap. Quoi qu'il en soit, la volonté de réduire le nombre des séances par semaine n'est souvent ni efficace ni très économique.

J'ai un fils malentendant, aujourd'hui adulte, qui a suivi au départ une prise en charge logopédique intense, allant jusqu'à trois jours par semaine; au fil des ans, ces séances se sont espacées, et lorsqu'il a atteint l'âge de quatorze ans les professionnels ont déclaré qu'il n'en n'avait plus besoin.

Les deuxième et troisième invites de la pétition sont concernées par le projet de loi 9865. Sachez donc que le groupe libéral sera très attentif à la poursuite des travaux au sujet de la loi sur l'intégration des mineurs handicapés ou à besoins spéciaux et qu'il se montrera très ferme, notamment en ce qui concerne la séparation entre l'évaluation et la prestation, d'un côté, et le financement et l'expertise, de l'autre. En effet, maintenant encore, malgré un organigramme qui essaie de le démentir, le SMP reste juge et partie.

Mesdames et Messieurs les députés, nous savons combien le chef du département de l'instruction publique, Charles Beer, s'engage en faveur de l'amélioration de la prise en charge des enfants souffrant de handicaps et à quel point son action pour leur intégration est réelle. Le groupe libéral votera donc le dépôt de la pétition 1574 sur le bureau du Grand Conseil, mais, au vu de ces nouveaux éléments, il ne lâchera pas prise.

M. Sébastien Brunny (MCG). Cette pétition a eu le mérite d'attirer à juste titre l'attention des commissaires de l'enseignement et de l'éducation concernant la suppression de certains traitements logopédiques, alors même que le langage est un facteur essentiel d'intégration. En effet, n'oublions pas que les enfants sont notre avenir et que nous autres, adultes, avons une responsabilité envers eux, afin de leur donner le maximum et de les préparer au mieux à une société qui devient de plus en plus compétitive.

Cette pétition a reçu l'aval unanime de la commission de l'enseignement et de l'éducation. Cependant, lors des travaux en commission, puisque des explications détaillées avaient été fournies par le département de l'instruction publique et que le financement des traitements logopédiques était assuré, les commissaires ont décidé de manière judicieuse de déposer ladite pétition sur le bureau du Grand Conseil pour information.

M. Michel Forni (PDC). Je vais revenir sur le traitement qu'a réservé la commission de l'enseignement et de l'éducation à cette pétition et essayer de sortir quelque peu des éléments techniques qui ont déjà été exposés par mes préopinants.

Cette pétition découle de trois problèmes. Premièrement, suite à la réforme intervenue dans le cadre de la péréquation financière et de la nouvelle répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, l'AI s'est retirée de certains domaines de scolarisation et de la pédagogie spécialisée. Il a donc incombé à l'Etat de Genève d'assumer, dès janvier 2008, ce type de prestations, en reprenant à charge notamment les traitements de logopédie, à savoir l'élocution mais également l'apprentissage de la lecture.

Le deuxième problème, un peu plus obscur, fait suite à un accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée, alors que le troisième découle du projet de loi 9865, concernant malheureusement les mineurs handicapés ou à besoins spéciaux, qui traite également partiellement de cette problématique de la logopédie.

Il faut souligner que 652 signatures sont à la base de cette pétition, qui précise bien le cadre des programmes de logopédie et leur déroulement soit au sein d'une formation scolaire spéciale, soit lors de consultations auprès de logopédistes privés, soit encore hors institutions, mais toujours dans le cadre de services rendus par l'Etat, à savoir le SMP. Il s'ensuit, comme toujours, différents problèmes, tels que la peur d'interrompre des traitements, la surcharge, parfois, de certaines institutions, le risque de non-remboursement et, surtout, la perte du libre choix du thérapeute, qui renforce la spirale de l'angoisse. En outre, il faut le dire, une certaine forme d'autoritarisme a été exercée par un service de l'Etat en l'absence d'un droit de recours, élément qui reste quelque peu contestable.

Heureusement, la raison l'a emporté, les invites ont fait place à des assurances, les traitements se poursuivent et les explications reçues permettent de déposer à la quasi-unanimité cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Il faut quand même retirer un petit enseignement de ce type de pétition. Réformer, il est vrai, impose de nouveaux paradigmes. La mutation des services publics, y compris celle dans le domaine de la pédiatrie ou de l'adolescence spécialisée, appelle à des stratégies, à de nouvelles techniques, qui passent également par le partenariat avec le privé, mais qui doivent surtout privilégier la communication avec les intéressés et leurs proches. Les trois démarches qui ont déjà été expliquées ce soir - au niveau politique, au niveau de la libéralisation des secteurs d'activité paramédicale et, enfin, au niveau de la jurisprudence - permettent de bien définir le cadre dans lequel cette pétition a été traitée, raison pour laquelle le PDC vous propose également de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. (Brouhaha.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. Il y a tellement de brouhaha qu'ici, au perchoir, on vous a à peine entendu ! Je vous saurais donc gré, Mesdames et Messieurs les députés, de tenir vos conversations extrêmement intéressantes ailleurs !

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Mme Beatriz de Candolle a parfaitement expliqué les tenants et les aboutissants de cette pétition, je ne vais donc pas y revenir. Toutefois, je voudrais attirer votre attention sur le fait que, malgré les efforts du département et la reprise des traitements - elle nous l'a montré - ce n'est pas toujours simple, et il y aura donc lieu d'être attentif.

En outre, j'aimerais lancer un appel aux commissaires à l'enseignement. M. Aubert nous dit dans son rapport que les deuxième et troisième invites de cette pétition seront traitées lors du débat sur le projet de loi 9865 concernant la loi sur l'intégration des mineurs handicapés ou à besoins spéciaux, alors je souhaite que vous ne l'oubliiez pas ! Et ce qui est notamment capital, c'est que, en matière de prestations pour les enfants sourds ou malentendants, mais aussi pour tous les mineurs handicapés ou à besoins spéciaux, l'organe qui assure les bilans et qui décide des prestations ne soit pas celui qui finance et qui, au bout du compte, offre ces prestations.

M. Christian Bavarel (Ve). Les Verts ne vont pas répéter ce que Mmes Beatriz de Candolle et Emery-Torracinta viennent de dire et ils souscrivent à leurs propos.

Je vous rends simplement très attentifs au fait que la logopédie et le travail sur la communication sont des domaines très importants, que les enfants soient en situation de handicap ou qu'ils aient de simples difficultés d'expression. Nous autres députés, qui avons l'habitude de parler en public, sommes d'ailleurs bien placés pour savoir que des problèmes de langage et des difficultés à se faire comprendre peuvent être extrêmement handicapants pour l'existence en général. Il est donc extrêmement dangereux de réaliser des économies à cet endroit, et je pense que ce n'est pas du tout là qu'il faut en faire.

Ne voulant pas répéter ce qu'ont très bien dit mes deux préopinantes, je m'en tiendrai là.

La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Henry Rappaz, à qui il reste deux minutes.

M. Henry Rappaz (MCG). La commission de l'enseignement et de l'éducation, chargée d'étudier la pétition concernant le droit aux traitements logopédiques pour tous les enfants, a été en faveur du dépôt de celle-ci sur le bureau du Grand Conseil. Au cours de ses séances, elle a également accepté l'entrée en matière du projet de loi 9865, constatant que les services actuels étaient surchargés et qu'ils ne répondaient plus efficacement aux demandes de soins.

Nous avons pu relever un sentiment mitigé au sujet du service médico-pédagogique de l'office de la jeunesse qui, jusqu'à présent, se comportait trop souvent en juge et partie. Il s'est donc agi de rétablir de nouveaux critères explicites en matière de droits et de traitements logopédiques.

Notons au passage que cette pétition est désormais dépassée, le financement des traitements étant assuré. Toutefois, elle reste d'actualité, car elle pose le problème des droits des patients d'accéder au financement de logopédistes privés. En conclusion, la commission unanime - et donc le Mouvement Citoyens Genevois - a estimé que cette pétition avait permis d'étudier un problème important, qu'il convenait d'éclaircir.

Mises aux voix, les conclusions de la commission de l'enseignement et de l'éducation (dépôt de la pétition 1574 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 55 oui (unanimité des votants).