Séance du
vendredi 25 avril 2008 à
15h
56e
législature -
3e
année -
7e
session -
35e
séance
PL 9673-A
Premier débat
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, simplement pour éviter la mésaventure que nous avons failli vivre tout à l'heure, je vous signale que, à part quelques abstention éparses, la commission vous recommande de rejeter ce projet de loi, qui propose plus ou moins d'interdire les évacuations pour non-paiement de loyer et qui s'avère par conséquent totalement contraire au droit fédéral. Je vous remercie.
M. Alberto Velasco (S). Je ferai une petite différence d'interprétation par rapport à ce qu'a dit le rapporteur de majorité. A l'alinéa 2 de l'article 474A, il est écrit: «Il peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire...», etc. Eh bien, sans remettre en question le jugement d'évacuation, qui, lui, respecte le droit supérieur, ces personnes demandaient, pour des motifs humanitaires - vu certaines conditions sociales et la pénurie de logements dans notre république - qu'on fasse preuve d'un peu plus d'égards.
Cela dit, Monsieur le rapporteur, juste une petite observation: vous dites que ces personnes ont déposé une initiative en 2007, qui n'a recueilli que 8877 signatures, c'est vrai. Seulement, j'ai eu une grosse surprise dernièrement: ces personnes sont venues vers moi avec des feuilles de signatures que l'on avait barrées, que l'on avait considérées comme étant illégales. Notamment, celle de Mme Erica Deuber a été considérée comme illégale, les signatures de trois membres du parti socialiste reconnus par moi étaient considérées comme non conformes, et il y en a d'autres... C'est quand même un peu délicat que les noms de citoyennes et citoyens genevois reconnus - dont d'anciens élus - soient barrés de la liste d'une initiative populaire, un droit fondamental dans nos institutions !
Mesdames et Messieurs les députés, qui que nous soyons, de quelque bord que nous soyons, je crois nous devons nous interroger, car le respect de la signature d'un citoyen est fondamental dans nos institutions. Je crois, Monsieur le conseiller d'Etat, que ces personnes feront recours, or il est important que le Conseil d'Etat se penche sur cette question, car, même si cette initiative n'aboutit pas - je ne sais pas si le nombre de signatures recomptées fera la différence - le fait que quelques-unes soient considérées comme étant non valables, alors qu'elles sont valables, est un problème.
Mme Michèle Künzler (Ve). Il est vrai que ce problème revient régulièrement devant nous. On essaie de trouver des solutions juridiques à un problème qui est finalement social, et je pense qu'il faudra l'aborder sous un autre angle.
Je prendrai un exemple. Ce matin, une jeune femme m'a téléphoné: il y a deux ans, elle a été évacuée d'un logement social par une fondation immobilière; pendant deux ans, elle a erré de foyer en foyer; ensuite, elle est allée vivre à Saint-Cergue, dans une caravane; maintenant, elle est dans un foyer; et probablement qu'on va la reloger à cinquante mètres de là où elle avait été évacuée... Cette personne avait un arriéré de loyer de 6000 F, qu'on aurait peut-être pu régler autrement. Et quels sont les coûts sociaux de cette affaire ?! Il y a eu la rénovation de l'appartement - 20 000 F - l'évacuation, la procédure judiciaire, le suivi des enfants. Et non seulement on place cette femme dans une chambre, dans un foyer, avec un seul de ses enfants, la plus jeune - l'autre étant confiée au père, parce qu'on dit que c'est inadmissible d'être avec deux enfants dans une chambre - mais encore, on sépare les fratries. Et maintenant, il y aura le pédopsychiatre, l'accompagnement scolaire... Bref ! Pour un «dégât» de 6000 F, qu'on aurait pu résorber peu à peu, on cause à la collectivité un dommage de 100 000 F alors qu'il aurait été beaucoup plus simple de résoudre ce problème par un vrai travail social.
Il me semble que c'est déjà au niveau des fondations immobilières qu'il faut réfléchir à ce genre de situation et, aussi, sortir d'une vision purement juridique des choses pour trouver de vraies solutions.
En France, par exemple, il n'y a quasiment pas d'évacuations dans les logements sociaux, et le traitement est différent. J'estime qu'à Genève on pourrait aussi réfléchir à ces solutions, parce que le traitement juridique de la question, finalement, c'est beaucoup de foin pour pas grand-chose, et cela nous coûte cher ! Trouvons une autre solution, peut-être ensemble. (Applaudissements.)
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Je suis tout à fait navré de devoir vous le dire, Monsieur le député Velasco, mais il n'y a pas eu d'erreur de la part du service des votations. Les initiants ont eu la chance de recevoir toutes les listes, parce que, là, il y a une erreur du Tribunal administratif: il a renvoyé les listes d'électeurs aux recourants au lieu de les renvoyer à l'Etat. Donc effectivement, vous avez eu l'occasion de les voir toutes.
S'agissant en particulier de Mme Erica Deuber Ziegler, l'annulation des signatures tient au fait qu'elle a signé deux fois l'initiative. Alors, on a effectivement supprimé une des deux signatures. Mais cela arrive à tout le monde, un jour on signe malheureusement deux fois... Donc, il est exact que le nom de Mme Deuber Ziegler a été barré sur une liste. Or il en existe une autre, sur laquelle son nom a été maintenu.
Je vous le dis, parce que je ne peux pas laisser planer sur ces histoires électorales le doute que l'on magouille, que l'on complique, que l'on fait faux, que l'on triche ! Non, les activités du service des votations, soit le contrôle citoyen qui est effectué par les électeurs représentant tous les partis qui sont ici, est bien fait ! En l'occurrence, il n'y a pas eu d'erreur dans le dépouillement de cette initiative. (Commentaires.)
Des voix. Bravo !
Mis aux voix, le projet de loi 9673 est rejeté en premier débat par 33 non et 25 abstentions.