Séance du
vendredi 30 novembre 2007 à
20h30
56e
législature -
3e
année -
2e
session -
10e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Loly Bolay, présidente.
Assistent à la séance: MM. Laurent Moutinot, Robert Cramer, Pierre-François Unger, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Charles Beer, président du Conseil d'Etat, et David Hiler, conseiller d'Etat, ainsi que Mme et MM. David Amsler, Guillaume Barazzone, Christian Brunier, Maurice Clairet, René Desbaillets, Georges Letellier, Claude Marcet, Louis Serex et Ariane Wisard-Blum, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
La présidente. Je salue à la tribune notre très très ancien collègue M. Antonio Hodgers ! (Applaudissements.)
La présidente. MM. Charles Selleger et Andreas Meister sont assermentés. (Applaudissements.)
Mesdames et Messieurs les députés, après les félicitations d'usage à nos nouveaux députés, auxquels je souhaite la bienvenue, je vous rappelle que nous poursuivons le traitement des points 134, 137 et 140, soit le rapport PL 10106-A, la proposition de motion 1793 et la proposition de résolution 548.
Suite du premier débat
Mme Virginie Keller Lopez (S). Les socialistes souhaitent, après avoir entendu tout à l'heure les mensonges proférés notamment par M. Catelain, du groupe UDC, rectifier un certain nombre de points.
Tout d'abord, M. Catelain a prétendu lors de ce débat sur la mendicité que toute personne de passage, y compris les mendiants que nous avons vus cet été à Genève, pouvait bénéficier des prestations de l'Hospice général. Or cela, Mesdames et Messieurs les députés, est totalement mensonger, et il est important que la population le sache. Les prestations de l'Hospice général ne sont délivrées qu'aux individus qui ont un statut légal et sont résidents à Genève. Il peut certes y avoir un certain nombre d'aides ponctuelles accordées à des personnes de passage - cela a notamment été le cas dernièrement pour des mendiants - mais en aucune façon des prestations régulières de l'Hospice général ne peuvent leur être attribuées.
D'autre part, le groupe socialiste regrette que la droite et l'extrême-droite aient fait une utilisation politique de cette question de la pauvreté et de la mendicité à Genève. Vous avez fait durant l'été et ces derniers mois de l'incitation au racisme et à la haine. Vous avez stigmatisé des populations, particulièrement celle qu'on appelle «les Roms», alors que l'on sait que, parmi les mendiants à Genève, il y a certes des Roms, mais il se trouve également des personnes d'autres pays de l'Est. On voit également des Roumains qui ne sont pas Roms et qui mendient.
Vous avez donc stigmatisé ces populations, comme le font aujourd'hui et n'ont jamais cessé de le faire différents groupes d'extrême-droite en Europe et en Suisse, qui reprennent du poil de la bête ces dernières années. Vous avez certainement vu cette émission sur Arte qui parlait des recrudescences en Belgique, en Allemagne et en Autriche des groupes d'extrême-droite et de nazis qui recommencent à sévir, même s'ils n'ont jamais cessé, et deviennent de plus en plus nombreux à s'attaquer aux juifs. Dans la même émission, on pouvait voir un reportage sur les Roumains, qui eux s'en prennent aux Roms dans leur pays. Or stigmatiser ces populations, comme vous l'avez fait durant cette campagne, revient à donner des arguments à l'extrême-droite, et vous le savez très bien.
Les socialistes s'opposent donc à ce projet de loi et pensent que nous devons trouver des solutions empreintes de solidarité et de respect, que ce soit en adoptant les crédits de solidarité internationale que vous ne votez jamais à droite et à l'extrême-droite, ou en recherchant des solutions d'accueil, lorsqu'on doit par exemple accepter un quota de réfugiés en Suisse. On voit d'ailleurs à ce moment-là à quel point le Conseil fédéral et le Conseil national sont frileux en matière d'accueil.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous redirons ce soir notre solidarité avec ces personnes, ainsi que notre refus de stigmatiser, de criminaliser et d'exclure la pauvreté. (Applaudissements.)
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Cette année, Genève a été témoin des conditions de vie d'une communauté, européenne, les Roms. Nous venons de débattre sur le thème général de la mendicité et, par le biais des propositions de motion 1793 et de résolution 548, qui font aussi partie de ce point, nous vous soumettons une réflexion et une action portant sur le moyen et long terme.
Il est clair que nous ne pouvons et ne pourrons pas accueillir à Genève les 8 à 10 millions d'hommes et de femmes qui constituent cette communauté des Roms et qui sont répartis à travers toute l'Europe, particulièrement dans les pays de l'Est et des Balkans. Cependant, en tant que représentants de Genève, ville internationale, nous devons faire en sorte que ces communautés ne soient pas perçues comme un risque pour la cohésion sociale des pays européens, mais bien comme un potentiel, à l'instar de chaque communauté qui constitue notre pays et notre continent.
Avec la proposition de motion 1793, qui s'adresse au Conseil d'Etat, nous demandons que les montants alloués au financement de la solidarité internationale du canton soient augmentés de manière claire en faveur de projets de coopération pour le peuple Rom de Roumanie. Ces projets, qui doivent être élaborés avec des représentants de cette communauté, auront comme axes les compétences scolaires et professionnelles à acquérir, l'accès aux soins et la lutte contre la double discrimination des femmes. Ils devront également être consacrés à la population roumaine en général.
La proposition de résolution 548, quant à elle, vise à obtenir votre accord sur le dépôt d'une initiative cantonale signée par le Conseil d'Etat et le Grand Conseil et invitant les autorités fédérales à renforcer les activités de coopération en Roumanie, afin de soutenir et de développer des programmes et projets concrets destinés aux Roms, comme il en a déjà été réalisé par la Suisse dans le sud-est de l'Europe et les Balkans. Cette résolution demande également d'inclure dans toutes les négociations que la Suisse engagera avec les pays de l'Est une volonté d'égalité des droits pour les Roms, en tant que citoyens de l'un des pays de la Communauté européenne, comme tout un chacun. Je vous remercie beaucoup de votre soutien. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Madame la députée. Je salue à la tribune notre ancien collègue Florian Barro. (Applaudissements.)
Plusieurs personnes sont encore inscrites pour prendre la parole, et le Bureau vous propose de clore cette liste. Je donne maintenant la parole à M. Renaud Gautier.
Une voix. Vas-y, Renaud, on est tous avec toi !
M. Renaud Gautier (L). Madame la présidente, c'est avec raison que vous avez rappelé au début de cette session, à savoir hier, que vous ne souhaitiez plus qu'il y ait de dérives dans ce parlement. Je pense effectivement que vous devez être attentive, mais je sais que vous l'êtes tout au long des débats.
A ce propos, il ne me paraît pas correct d'entendre certains dire ce soir que les attitudes des uns ou des autres relèvent du nazisme. C'est soit faire preuve d'une coupable méconnaissance de l'histoire, soit être simplement blessant, ce qui me semble ne rien apporter au débat.
Par rapport à ce projet de loi, j'entends bien qu'on puisse avoir des avis différents sur ce problème de la mendicité, mais ce qui me frappe ce soir, c'est que personne n'a fait allusion au sentiment que certaines personnes, plus particulièrement les plus âgées de notre société, peuvent éprouver en se baladant aujourd'hui en ville. Une fois de plus, je suis désolé de ce genre de commentaires «du haut», parce que je crois vraiment que certains peuvent ressentir un certain malaise à se promener dans les rues à cause de ce harcèlement. Que ce soit juste ou faux ne me semble pas être le coeur du débat, mais je pense que l'on doit au moins avoir la délicatesse d'entendre ce que ces personnes âgées ont à dire. D'ailleurs, lors de sa conférence de presse avec la Ville, M. le chef du département a souligné ce fait, à savoir qu'une partie de la population peut effectivement se sentir harcelée par ces propositions.
Alors voyons, s'il vous plaît, le problème dans son entier et arrêtons ces comparaisons, qui me semblent extraordinairement douteuses, avec une période de l'histoire dont nous n'avons pas à être fiers. Je trouve d'ailleurs qu'il n'est pas correct, Madame la présidente, que vous laissiez ce genre d'accusations planer dans ce parlement. (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC). Très rapidement, j'aimerais préciser que le groupe UDC ne fait aucun amalgame. Il a simplement rappelé qu'il était regrettable que ce soit finalement le peuple roumain dans son ensemble qui soit victime de cette situation.
Concernant ce qui a été déclaré tout à l'heure par le groupe socialiste, j'ai ici la loi sur l'aide sociale que nous avons votée ce printemps. A la section 2, «Bénéficiaires», article 11, «Principes», il est écrit à l'alinéa 1: «Ont droit à des prestations d'aide financière prévues par la présente loi les personnes qui: [...]» et, à l'alinéa 3, f): «les personnes de passage». J'ai terminé. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Claude Jeanneret... qui n'est pas là ! (Commentaires.) Ecoutez, il faut être attentif aux débats ! Si la personne qui demande la parole n'est pas là, elle n'est pas là ! Je passe la parole...
Une voix. Il est là ! Il est là !
La présidente. Monsieur Jeanneret, je vous prie d'être présent lors des débats et de rester attentif. Je vous passe la parole.
M. Claude Jeanneret (MCG). Merci, Madame la présidente ! Veuillez m'excuser de cette petite absence.
J'ai entendu ce soir un certain nombre de choses, et il me déplaît quelque peu que, tant d'un côté que de l'autre, on se focalise sur des schémas typés. Si l'on est contre les mendiants, on fait du racisme; si l'on est pour... c'est aussi désastreux.
Moi je ne comprends pas que l'on doive, dans un canton qui dépense 400 millions par année pour son service social et qui offre le meilleur encadrement à ceux qui n'ont pas assez pour vivre... (Bruit de larsen.) Ce n'est pas moi ! Cette fois, ce n'est... (Rires.) Il se peut que ce soit moi, mais je n'en suis pas sûr ! (L'orateur s'adresse à l'un de ses voisins.) Je l'enlève et te le confie. (L'orateur s'adresse à l'assemblée.) Il ne peut pas m'appeler puisqu'il est là !
Pour en revenir au sujet qui nous occupe, je ne comprends pas que, dans un canton aussi bien structuré socialement que le nôtre, où l'on peut véritablement se targuer d'avoir l'un des meilleurs systèmes sociaux au monde, on ose dire que des mendiants sont les bienvenus. Je dis non ! Il est inadmissible, mais totalement inadmissible, que l'on puisse considérer que, dans un canton doté d'un système social aussi développé que le nôtre, des mendiants aient droit de cité ! Ils n'ont pas droit de cité parce que ce ne peut être des gens qui ont eu recours, comme il se doit, à tout ce qu'on peut leur offrir. Je crois donc que ce débat ne se situe absolument pas là où il le devrait. Il ne s'agit pas de racisme, d'anti-racisme ou quoi que ce soit ! Simplement, ces gens-là ne sont pas de vrais mendiants, pour la plupart d'entre eux. En revanche, si une personne est vraiment dans le besoin, alors là, d'accord, on l'aide ! Car il y a des pauvres parmi nous, réellement.
D'ailleurs, à l'ex-gériatrie, qui est devenue l'hôpital des Trois-Chêne, on voit arriver des gens vraiment démunis, et, par gentillesse, certaines personnes de ce service, qu'elles soient aides-soignantes, infirmières ou couturières, les aident à se refaire un trousseau pour partir. Alors, qu'on supprime ce bénévolat sous prétexte du plan Victoria, cela, c'est grave ! Parce qu'il ne s'agit pas de secourir des mendiants, mais d'apporter quelque chose à des personnes vraiment démunies et qui n'osent pas le demander, alors qu'elles sont résidentes ici.
Et, à côté de cela, on ose dire que, avec un budget annuel de 400 millions alloué à l'Hospice général, on n'a pas les moyens d'aider ceux qui ont vraiment faim, et que l'on accepte des mendiants ? Je trouve cela tout à fait inadmissible, et c'est la raison pour laquelle le MCG votera pour la loi.
M. François Thion (S). Il existe une certaine cohérence dans les propositions que vous fait le parti socialiste, notamment dans la motion 1793. L'Europe est confrontée à un réel problème de différence de richesses sur son territoire et, au moment où l'on est en train - et c'est une très bonne chose - d'ouvrir les frontières grâce à des accords avec l'Union européenne, je crois qu'il faut donc aussi qu'on agisse sur place. Et justement, cette proposition de motion invite le Conseil d'Etat à développer et soutenir des projets apportant une aide directe aux Roms en Roumanie.
La cohérence du parti socialiste me pousse aussi à rappeler que nous avons à Genève une loi qui a été votée en 2001 et qui demande que 0,7% du budget de fonctionnement soit consacré à la solidarité internationale. Or cette loi votée il y a six ans n'est pas respectée. A l'heure actuelle, on est à peine à 0,2% - ce qui est extrêmement peu - et c'est la raison pour laquelle se trouve au point 67 de notre ordre du jour une proposition de motion socialiste qui vous présente sept bonnes raisons d'atteindre le 0,7% à Genève en sept ans.
Il y a donc une cohérence et, à l'heure de la mondialisation - M. Velasco disait tout à l'heure que cette mondialisation entraînait un déplacement de la pauvreté - je crois qu'il faut aussi aider les gens sur place. Par conséquent, je vous demande de renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat.
Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse de première minorité. J'aimerais simplement préciser que les Verts vont voter les propositions de motion et de résolution socialistes. Par ailleurs, je renonce à réagir à toutes les interpellations qui ont été faites. En effet, je considère que tout a été dit, même dix fois répété, et c'est bien assez pour ce projet de loi qui est, je le rappelle, inutile, voire totalement inefficace.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat est d'avis qu'il convient de lutter, non contre les mendiants, mais contre la mendicité, et de prendre toutes mesures utiles pour la supprimer. Il ne s'agit en revanche pas de s'en prendre, par le biais du droit pénal, à la personne des mendiants.
S'agissant des mendiants locaux résidents - parce qu'il en existe - il est exact que c'est depuis 1539 qu'on s'en préoccupe et qu'ils doivent forcément et fondamentalement être adressés aux services sociaux qui sont là pour les prendre en charge. Toutefois, il peut arriver - et c'est probablement une question de liberté individuelle - que d'aucuns refusent ce filet social auquel ils ont droit et préfèrent une vie de SDF. C'est une réalité, et vous la connaissez.
Concernant les mendiants étrangers - et là je me vais fâcher cette fois avec la gauche - on ne peut pas aider des gens qui n'ont pas le droit d'être ici, ou du moins de s'y installer, parce que l'intégration n'a pas de sens dans ce cas-là. Par conséquent, nous devons faire en sorte que ces mendiants-là ne viennent pas.
D'autre part, je vous ai dit tout à l'heure que la pénalisation était indigne. En effet, on ne punit pas quelqu'un parce qu'il tend la main ! Mais, à supposer que vous n'adhériez pas à ce principe, comment faire pour que les mendiants partent ?
Mesdames et Messieurs les députés, en 2005, quand cette loi admirable, que vous me reprochez d'avoir supprimée, existait, nous avons infligé 163 970 F d'amendes, dont nous avons recouvré brillamment 13 900 F. En 2006, le montant de ces amendes s'est élevé à 115 328 F, sur lesquels nous avons récupéré tout aussi brillamment 7518 F ! Il n'est donc pas sérieux de prétendre que ce type de sanctions est efficace, alors que ces dernières sont aussi mal appliquées - et ce n'est pas par faute de volonté de la police ou de l'administration, mais simplement, certains l'ont dit, parce que ces gens n'ont pas de domicile.
Je réponds par la même occasion à ceux qui pensent que j'encourage les mendiants à se rendre chez nous ou que c'est moi qui les ai fait venir. En 2005 et 2006, cette loi que vous me reprochez d'avoir abrogée existait bel et bien, puisqu'on a quand même infligé plusieurs centaines de milliers de francs d'amendes, et pourtant cela ne les a pas empêchés de revenir en 2007 ! A partir de là, le plan d'action que M. Pierre Maudet, conseiller administratif de la Ville de Genève, et moi-même avons mis au point fonctionne. Vous le savez, les mendiants s'en vont, et nous les faisons partir - ce n'est pas facile - avec, je crois, un maximum de dignité. Les services sociaux de la Ville, dans l'intervalle, ne les laissent pas sous les ponts.
J'aimerais maintenant préciser quelques points qui ont été mis en évidence lors de ce débat. Monsieur le rapporteur de majorité, vous dites que le plan entend interdire la mendicité aux enfants, mais que c'est un mensonge, car nous n'en avons pas les moyens. C'est inexact ! En effet, les différentes règles de protection des mineurs nous permettent bel et bien d'intervenir en ce qui concerne les jeunes.
D'autre part, vous avez dit, Monsieur le député Guénat, que plusieurs conférences internationales avaient été annulées; je vous saurais donc gré de m'en communiquer la liste, parce que, à ma connaissance, et selon les chiffres qui m'ont été transmis par le délégué aux relations avec la Genève internationale, le nombre de conférences augmente ! Peut-être augmente-t-il moins mais, enfin, il croît toujours.
Ensuite, ce qui est grave, c'est que, Monsieur Nidegger, vous m'avez taxé de félonie, en laissant entendre que j'aurais dit ne pas vouloir appliquer la loi. Or il est exclu que je ne mette pas en pratique une loi que vous votez, quelle qu'elle soit. En revanche, ce que j'ai affirmé - et dont il faudra peut-être que vous débattiez - c'est qu'il convient de savoir où placer les priorités. En effet, M. le rapporteur de majorité a bien indiqué qu'en matière de sécurité, s'agissant des mendiants, il fallait mettre une priorité ! M. Nidegger, plus subtil sur ce point-là, dit quant à lui qu'il faudra que nous appliquions cette loi en tenant compte également de la lutte contre les stupéfiants et des cambrioleurs. Moi j'ajoute qu'il faut aussi prendre en considération les agressions, parce que cela me paraît le plus grave.
Je prends donc l'engagement - mais je l'ai déjà pris à la cathédrale Saint-Pierre - d'appliquer les lois que vous votez, mais j'établirai une certaine proportionnalité ! En effet, si les mendiants constituent le seul problème de sécurité que nous connaissons à Genève, réjouissons-nous, tout va bien !
Mesdames et Messieurs les députés, vous allez aussi devoir vous prononcer sur les propositions de motion et de résolution socialistes, qui ont à mon avis ceci de juste qu'elles attaquent le mal à la racine. La proposition de motion ne pose rigoureusement aucun problème, et par conséquent le Conseil d'Etat l'accepte.
En revanche, la proposition de résolution, qui me paraît juste, comporte un petit problème technique. En effet, la DDC n'est pas forcément l'organe compétent mais, peu importe, c'est un geste que vous entendez manifester et je souhaite qu'il soit extrêmement clair.
D'autre part, l'un d'entre vous m'a fait part de sa préoccupation du crime organisé et du fait que, si je n'étais pas capable de lutter contre les mendiants, il y avait peu de chance que je puisse le faire contre ce type de pratique. Dont acte. Le seul problème, c'est que le crime organisé est de compétence fédérale; le député UDC qui m'a fait cette remarque est donc prié de bien vouloir s'adresser à qui de droit, afin que ce type d'agissements soit sévèrement pris en main ! (Rires. Applaudissements.)
Mesdames et Messieurs les députés, cette problématique des mendiants a quelque chose de détestable, parce qu'elle nous renvoie une image de l'humanité que l'on n'a pas envie de voir. De ce point de vue-là, il peut être légitime, comme l'a rappelé M. le député Gautier, de ne pas l'infliger à des personnes qui n'ont pas de raison de la voir, mais nous, en tant que responsables politiques, nous ne pouvons pas fermer les yeux. C'est une réalité qui existe, que nous devons gérer dignement, et je pense une fois encore que le plan que nous avons mis en place y répond. Je regrette d'ailleurs que vous vouliez l'assortir d'un volet pénal, mais comme vous allez le faire et que vous m'avez dit que cela résoudrait le problème, il n'y aura donc pas un mendiant le printemps prochain ! C'est une bonne nouvelle, et je m'en réjouis !
Mesdames et Messieurs les députés, nous allons donc pouvoir prendre l'argent dans les gobelets des mendiants, car c'est ce que vous nous demandez de faire. Or le contenu de ces derniers est le fruit de la générosité de la population genevoise. En d'autres termes, vous nous demandez donc de prendre l'effort de compassion et de générosité du peuple genevois pour le mettre dans les caisses de l'Etat... Cela ne me paraît pas aller vers une diminution d'impôts ! (Applaudissements.)
Mis aux voix, le projet de loi 10106 est adopté en premier débat par 53 oui contre 30 non et 3 abstentions.
Deuxième débat
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement technique concernant le titre.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Il s'agit non seulement d'un amendement technique, mais également rectificatif, puisque la commission avait elle-même changé le titre de la loi pour le rendre plus clair. Il s'agit donc de remplacer «incivilités» par «mendicité».
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 55 oui contre 4 non et 25 abstentions.
Mis aux voix, le titre ainsi amendé est adopté, de même que le préambule et les articles 1A (nouveau) et 11A (nouveau).
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
Mme Virginie Keller Lopez (S). J'aimerais juste demander le vote nominal sur ce projet de loi. (Appuyé.)
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. Je serai bref, car je voudrais juste faire quelques rectificatifs. Nous avons beaucoup parlé des Roms et, tout à l'heure, j'étais avec quelqu'un qui m'a corrigé en disant qu'on stigmatisait cette population, alors que tous les mendiants ne sont pas des Roms. En réalité, c'est une population de mendiants roumains qui vient chez nous. Voilà la vérité. Et parmi les Roms en Roumanie, il y a des cadres, des gens bien placés, c'est donc une population qui a différentes couches sociales, comme nous, et il s'agit de rectifier cela.
J'aimerais également relever un deuxième point. Monsieur Catelain, ce que vous avez dit tout à l'heure n'est pas correct. En effet, toute personne qui transite à Genève et qui est dans le besoin est certes prise en compte par la république en vingt-quatre heures, mais en quarante-huit heures elle doit quitter notre territoire.
Enfin, il y a ceux qui peuvent se rendre chez nous chercher un travail, parce que les lois les y autorisent, et ceux auxquels les lois ne permettent pas de venir ici trouver un emploi et, par conséquent, la seule possibilité qu'ils ont de gagner un peu d'argent est de mendier. Voilà la triste réalité. Et tant qu'il y aura cette différence entre riches et pauvres dans le monde, il y aura des gens qui viendront chez nous mendier.
Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, je suis convaincu que ce projet de loi n'arrangera rien du tout à la question, parce qu'elle est beaucoup trop complexe, et je vous demande donc de ne pas le voter en troisième débat.
M. Roger Deneys (S). Avec l'adoption de ce projet de loi, je ne peux m'empêcher de me dire que ce parlement me fait penser à un très mauvais médecin. En effet, c'est bien connu, lorsqu'un patient a de la fièvre et qu'on n'est pas médecin, que fait-on ? On casse le thermomètre. Or c'est exactement ce que vous faites ici ! Car vous ne vous attaquez pas aux causes de la mendicité, mais prenez une mesure qui consiste à déplacer les mendiants, à les renvoyer chez eux, à les éloigner ! En réalité, vous ne résolvez aucun problème et agissez simplement comme un mauvais médecin, en cassant le thermomètre. On ne le verra plus ici, mais le problème existera toujours.
Plus fondamentalement, Monsieur Gautier, vous avez évoqué tout à l'heure la vision globale, mais cette vision globale, c'est la misère du monde ! Celle qui vient jusqu'ici, à Genève, dans notre pays de nantis et de privilégiés ! Car même s'il existe des gens pauvres en Suisse, on sait très bien qu'il y a aussi de très grandes fortunes, et cela, je pense qu'il faut le rappeler.
Les causes de la misère du monde sont le libéralisme, les privatisations, les délocalisations et, plus fondamentalement, en Suisse, la politique que vous défendez, Mesdames et Messieurs de la droite ! C'est-à-dire la spéculation sur les matières premières exonérées au niveau fiscal et le soutien à l'évasion fiscale, qui touchent tous les pays de la planète et génèrent la misère du monde. Et cela, il faut le dénoncer ! Alors, s'il y a une chose qu'il faudrait interdire, c'est le libéralisme, pas la mendicité ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Esther Alder (Ve). Au terme de ce débat, j'aimerais quand même souligner que l'acceptation de ce projet de loi est totalement choquante et que, personnellement, elle me fait honte.
Je trouve qu'on stigmatise des gens dont le seul tort est d'être pauvres, et aujourd'hui j'ai honte, honte de ce parlement. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Je comprends la compassion qui peut animer notre collègue Verte. C'est vrai que, sur le fond, vous avez raison - je ne peux pas vous donner tort. Mais je crois, et avec tout le respect humaniste qui peut nous caractériser, qu'il faut remettre les choses là où elles doivent être.
Bien sûr qu'il y a énormément de misère dans le monde. J'ai eu la chance de voyager et de voir beaucoup de pays, de cultures, mais de voir aussi de la pauvreté. Et si nous devions accueillir à Genève toute la pauvreté du monde, c'est sûr que notre république n'aurait pas le même visage et que l'économie ne pourrait pas fonctionner !
Maintenant, ce qui nous dérange fondamentalement dans le fait que ces gens viennent mendier à Genève - et c'est ce sur quoi nos opinions divergent - c'est que, malheureusement, ceux qui le font ne sont pas des mendiants comme on pourrait les définir, de manière compatissante et avec une image sur laquelle je suis d'accord avec vous. Non, malheureusement, les mendiants qui viennent de Roumanie font partie de réseaux mafieux qui exploitent les enfants. (Protestations.) Et, à ce titre, nous n'avons pas le droit de cautionner cela, parce que c'est comme l'histoire - excusez-moi ce parallèle - des pédophiles: plus il y a de demandeurs, plus il y a de fournisseurs ! Et si nous, aujourd'hui, acceptons ce système, il va y en avoir toujours davantage, parce que ces réseaux mafieux les exploitent très bien.
Le MCG, je tiens à le dire en conclusion, a été un des premiers mouvements de ce parlement à déposer un texte sur ce sujet, par le biais de M. le député Brunny. Nous nous opposerons donc idéologiquement à vos thèses, même si sur le fond vous avez raison. Je termine en disant que la Genève internationale, et la Confédération suisse plus spécifiquement, apportent beaucoup d'aide à ces pays en voie de développement, où règne malheureusement une corruption absolument énorme et scandaleuse. Je vous rappelle d'ailleurs que la Suisse a versé un milliard de francs pour les accords bilatéraux II, qui ont été votés par le peuple. Donc, ce n'est pas que nous abandonnons ces populations, Madame la députée - et, encore une fois, idéologiquement je vous comprends - mais il faut qu'il y ait certaines règles, et qu'elles soient respectées de part et d'autre.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je vous informe que le Bureau a décidé de clore la liste des demandes de parole.
M. Yves Nidegger (UDC). Merci, Madame la présidente, de clore cette liste, j'allais justement vous le suggérer !
Ce débat larmoyant commence à être sérieusement indigne, mes chers collègues des bancs d'en face... (Protestations.) ...qui passez votre temps à déclarer qu'il est choquant que la majorité de ce parlement décide en majorité. Mais de qui se moque-t-on ? (Protestations.) Et vous dites ensuite que, parce qu'on restaure l'efficacité d'un règlement que le gouvernement a lui-même édicté en son temps et qu'il refuse aujourd'hui d'appliquer pour des raisons juridiques douteuses, on fustige la pauvreté et qu'on reproche aux gens d'être pauvres ! Mais évidemment le débat ne se situe pas là, on le sait tous, et ce genre d'accusation morale est tout à fait déplacée.
En effet, il ne s'agit pas de la pauvreté, mais peut-être de la manière d'y réagir. Il existe certains peuples pauvres qui envoient leurs enfants à l'école et insistent pour qu'ils obtiennent de bons résultats et acquièrent le maximum de formation, afin que la prochaine génération s'en sorte mieux. Vous savez quels sont ces peuples, ils sont connus pour cela. D'autres en revanche retirent leurs enfants de l'école afin de les envoyer mendier. Nous disons donc simplement que la seconde méthode est mauvaise, alors que la première serait bonne !
Quant à l'attitude de M. Moutinot, elle me fait sérieusement penser aux premières tentatives de chasser les fumeurs des locaux publics. Je me rappelle que nous disions que nous voulions une université sans fumée, mais pas une université sans fumeurs. M. Moutinot veut donc une Ville de Genève sans mendicité, mais pas sans mendiants ! Tout cela est absurde, votons cette loi !
Mme Gabrielle Falquet (S). Je n'avais pas l'intention de prendre la parole, mais je trouve scandaleux les propos de certains. Je voudrais d'abord m'associer aux remarques de Mme Adler, que j'approuve totalement, parce que je pense qu'il est effectivement choquant qu'on ose accuser des gens en disant qu'ils viennent essentiellement pour profiter de ce qui se trouve chez nous, et qu'ils retirent leurs enfants de l'école afin qu'ils mendient et osent nous voler quelques pièces.
Il y a quelques années - je n'ai plus en tête la date exacte - a été lancée toute une action en faveur de villages roumains, parce qu'un certain nombre d'entre eux avaient été noyés suite aux grands travaux qu'avait décidé de réaliser le dictateur qui dirigeait à l'époque la Roumanie, M. Ceausescu. L'ensemble des communes européennes se sont associées à cette action et un grand nombre d'entre elles - notamment la majorité des communes genevoises, et même certains membres de ce parlement qui les présidaient - ont parrainé ces villages et se sont rendus sur place, munis de nombreux colis, de meubles pour les écoles, etc. Dans ma commune également, nous y sommes allés. A cette époque, le maire était M. Chillier, radical, qui est parti avec un nombre considérable de tonnes de marchandises. Lorsqu'il est arrivé dans le village que nous parrainions, le maire lui a textuellement dit: «Les Roms n'auront droit à rien.» Ils n'avaient effectivement droit ni à la nourriture que nous avions apportée, ni aux médicaments. M. Chillier lui a alors répondu que, s'il en était ainsi, il reprenait ses affaires et rentrait à la maison.
Mesdames et Messieurs les députés, les Roms ont toujours été exclus de notre société. Mais je ne veux pas entrer dans les détails de l'Histoire. Si ces personnes viennent ici aujourd'hui, ce n'est pas simplement pour prendre votre pain quotidien. Et même si vous donnez 100 F par jour à une famille, même si vous osez en accueillir une chez vous, parce que vous avez tellement honte que ces gens vivent sous les ponts et qu'ils dorment dehors, parce que vous trouvez cela tellement scandaleux... Mais ouvrez-leur réellement votre maison et vos écoles ! Donnez-leur la possibilité de venir dans ma classe ! Moi je les instruirai, ces enfants, je n'ai aucun problème ! Mais vous ne voulez pas cela, Mesdames et Messieurs ! Vous avez tellement peur qu'on vous prenne un tout petit privilège ! Pourtant, la misère du monde ne fait que s'accroître et nous n'aurons pas uniquement à subir la misère économique: songez, Mesdames et Messieurs, à l'ensemble de l'immigration découlant des conséquences écologiques ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Je ne pense pas que nous allons ce soir réconcilier les deux camps qui s'opposent et dont la sensibilité diffère au sujet de ce projet de loi. Cependant, il y a lieu de garder une certaine dignité dans les propos qui sont tenus, et je suis profondément outré d'entendre M. Stauffer faire des amalgames avec les réseaux mafieux et pédophiles. Car je ne vois pas quel est le rapport avec le projet de loi qui va être voté ce soir ! C'est donc totalement indigne d'un député. (Applaudissements.)
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Je dois rectifier un point d'importance. Nous avons pris du temps avant d'élaborer ce plan, parce que nous voulions savoir à qui nous avions affaire, qui étaient réellement les personnes qui mendiaient à Genève. En effet, une éventuelle délinquance aurait évidemment nécessité d'autres mesures. Donc, lorsque M. Stauffer dit que ce sont des réseaux mafieux, il se trompe ! Je précise cela, car il ne faut pas inquiéter notre population par de fausses informations ! Il existe des liens familiaux importants, mais les enquêtes de police n'ont pas - n'ont pas ! - mis en évidence le moindre réseau de type mafieux ou d'exploitation. Il faut le dire ! Et si c'est le cas, il ne s'agit pas du problème de la mendicité mais de la traite des êtres humains, et cela ne se règle pas par des contraventions ou des méthodes de ce genre. (Applaudissements.)
La loi 10106 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 10106 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 52 oui contre 30 non et 5 abstentions.
La présidente. Nous nous prononçons à présent sur le renvoi de la proposition de motion 1793 au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, la proposition de motion 1793 est rejetée par 46 non contre 29 oui et 7 abstentions.
La présidente. Nous passons maintenant à la proposition de résolution 548.
M. Jean-Michel Gros (L). Comme je l'ai dit lors du premier débat sur le projet de loi, je vous recommande d'adopter cette proposition de résolution, même si M. le conseiller d'Etat a dit qu'il y avait peut-être une petite erreur d'adresse concernant la DDC. En effet, je pense que, comme le peuple suisse doit prochainement se prononcer sur le nouveau fonds de cohésion en faveur de la Bulgarie et de la Roumanie, il serait bon d'attirer l'attention de la Confédération sur le problème qui existe en matière de discrimination des Roms dans ce pays. Je ne peux pas me prononcer sur la Bulgarie, mais je sais que ce problème existe en Roumanie. Il est donc souhaitable de tenir compte de cela dans l'attribution de ces fonds, raison pour laquelle je vous prie de voter oui à cette résolution. (Applaudissements.)
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Le groupe démocrate-chrétien vous invite à voter cette proposition de résolution. M. le conseiller d'Etat Moutinot a déclaré tout à l'heure qu'il fallait gérer cette affaire dignement, et je pense que c'est effectivement important, quand bien même il y a des sensibilités différentes.
Par ailleurs, M. Deneys nous a parlé plus tôt du fait qu'on renvoyait ces Roms chez eux. J'aimerais relever que la Croix-Rouge, qui a fait un travail de substitution en accord avec le département, a très bien géré cette affaire de regroupement familial en vue d'un retour dans leur pays.
Je trouve que ce texte met clairement le doigt là où il faut. Parce que, bien évidemment, lorsqu'il y a un mal à la racine, un mal de vivre dans un pays, c'est là qu'il faut agir. En ce sens, je vous invite à voter, sans contre-indication, la proposition de résolution qui nous est soumise.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je voudrais simplement souligner la logique et la cohérence des bancs d'en face... C'est facile de réexpédier les mendiants chez eux ou de renvoyer le problème à la Confédération, mais c'est beaucoup plus difficile d'impliquer notre canton et d'accepter une proposition de motion qui lui demande d'assumer ses responsabilités. (Applaudissements.)
Mise aux voix, la résolution 548 est adoptée et renvoyée aux autorités fédérales et au Conseil d'Etat par 79 oui contre 2 non et 9 abstentions.
Débat
La présidente. Je vous rappelle que cette proposition de motion est traitée en catégorie II, c'est-à-dire trois minutes par groupe, sans compter le temps dévolu au premier signataire de ce texte.
M. Christophe Aumeunier (L). En préambule, j'aimerais dire au sujet de cette proposition de motion qu'il ne s'agit pas d'une attaque personnelle. En effet, M. Cramer, reprenant une déclaration faite à l'époque par M. Laurent Moutinot, a récemment indiqué à la presse que les attaques personnelles sont le fait de ceux qui, en politique, n'ont rien à dire. Or, vous le savez, les libéraux ont beaucoup à dire en politique. Dès lors, je suis d'accord avec cette déclaration et je précise que notre proposition de motion s'adresse au Conseil d'Etat en tant qu'institution.
Si nous avons bien entendu le discours de Saint-Pierre, le gouvernement s'est fixé trois priorités pour cette législature: l'emploi, les finances publiques et le logement. S'agissant de l'emploi, le travail accompli est constant, et nous serons d'ailleurs amenés à voter le 16 décembre un projet de loi visant à favoriser le retour à l'emploi.
Concernant les finances publiques, cela va mieux, même beaucoup mieux et, grâce aux travaux que nous effectuons, nous, députés de droite, en commission, nous vous présenterons un budget qui sera bien meilleur qu'escompté.
Le domaine du logement, en revanche, constitue un peu le point noir des trois priorités du Conseil d'Etat. Il est d'ailleurs en lien direct avec le thème précédent, puisque Genève perd de 300 à 400 millions de fiscalité par le fait qu'il ne loge pas ses actifs. En termes de logement, Mark Muller a tout de même rempli la moitié du contrat, puisqu'il a réussi à promouvoir un accord sur le logement devant permettre la réalisation d'immeubles. Mais, pour ce faire, il faut des terrains libres à la construction. En cette matière, les objectifs que s'est fixés le Conseil d'Etat ne sont pas atteints. En effet, on nous promettait des grues aux Vergers en 2007, à La Chapelle-Les Sciers en 2008, et aux Communaux d'Ambilly en 2009. Or ces délais sont largement dépassés et les terrains ne sont actuellement pas disponibles à la construction.
Le Conseil d'Etat nous dira probablement, dans sa réponse de tout à l'heure, qu'il y a légion de motifs pour lesquels les objectifs ne sont pas atteints. Certaines de ces raisons sont bonnes, mais d'autres ne le sont pas du tout. On invoquera l'opposition des communes, des milieux agricoles et des propriétaires voisins. Du reste, à cet égard, laissez-moi sourire, car les propriétaires à Genève ne représentent que 17% de la population, alors nous faire croire que ce faible pourcentage bloque toute construction est un peu risible. En réalité, vous le savez, le travail est important. Il doit perdurer, être constant, et est essentiel en matière de négociations, de discussions et pour convaincre l'opinion publique des bienfaits de la construction.
Certes, tout cela n'est pas l'objet de cette proposition de motion, ni les objectifs que le Conseil d'Etat aurait dû se fixer. Les propositions de déclassement de zones impropres à l'agriculture et proches des zones urbaines, la révision du plan directeur cantonal, non, ce n'est pas le propos de la présente proposition de motion: l'objet de notre demande au Conseil d'Etat est de poursuivre sa réflexion sur l'organisation du travail et de continuer à faire en sorte que les départements soient redécoupés.
Par ailleurs, le communiqué de presse que nous a transmis le Conseil d'Etat la semaine passée est particulièrement inquiétant, s'agissant de l'aménagement ! En effet, on nous dit qu'une gestion est faite par projet. Mais qu'est-ce que cela signifie, concrètement ? Est-ce un conseiller d'Etat qui donne des instructions à des collaborateurs rattachés à un autre département ? Est-ce cela, la gestion par projet ? Et comment s'y retrouvent les collaborateurs ? Qui sont les chefs ? Le Conseil d'Etat devra nous l'expliquer.
Je tiens aussi à dire ici que les associations professionnelles que sont la Fédération des architectes et des ingénieurs, la Fédération des métiers du bâtiment et l'Association des promoteurs-constructeurs genevois ont toutes indiqué qu'il fallait réunir l'aménagement et le logement. Le Rassemblement pour une politique sociale du logement a exprimé le même désir dans un courrier adressé au Conseil d'Etat s'agissant de la Praille-Acacias, et je rappelle ici que font partie de ce Rassemblement l'Asloca, le parti socialiste et notamment les Verts.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous recommande donc de renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
M. Gabriel Barrillier (R). La constitution prévoit que la répartition des départements incombe au Conseil d'Etat. C'est à lui de s'organiser. Toutefois, il appartient au Grand Conseil de veiller à ce que les politiques publiques soient conduites correctement et, surtout, que les intérêts supérieurs du canton soient sauvegardés.
L'élection de M. Cramer au Conseil des Etats pose un problème nouveau à résoudre. En effet, Robert Cramer est à la tête d'un département énorme, pour des raisons décidées par le Conseil d'Etat il y a deux ans. Il a la haute main sur un certain nombre de dossiers très importants - cela a été dit tout à l'heure - comme l'aménagement du territoire, essentiellement, et la mobilité.
Dans ces deux domaines, nous avions l'impression, il est vrai, qu'il avait bien démarré. En effet, il était allé dans les communes et, à la suite du travail préparatoire de M. Moutinot en matière d'aménagement - il faut quand même le dire - il avait débloqué un certain nombre de dossiers. Cette impression favorable prévalait d'ailleurs aussi dans les domaines de la mobilité et des transports.
Malheureusement, depuis quelques mois, nous avons le net sentiment que les choses se sont figées dans ces deux dossiers importants. Bien sûr, il n'est pas le seul aux commandes, mais il n'en reste pas moins que, dans le domaine des transports, nous avons la sensation que la paix n'est pas encore obtenue. Il y a une tentative de pacification en matière de logement, de chômage et sur le marché de l'emploi, notamment, mais, s'agissant des transports, malheureusement - et je le regrette personnellement - on est encore dans une situation très mouvante.
En ce qui concerne les déclassements, c'est-à-dire l'aménagement du territoire, c'est vrai qu'il y a eu des démarrages mais, depuis une année, M. Cramer nous promet des grues dans les périmètres qui ont été déclassés - les Vergers, La Chapelle-Les Sciers - et, malheureusement, en dépit des efforts accomplis par lui-même et le Conseil d'Etat, on ne voit rien venir pour l'instant.
Alors le problème du double mandat se pose, parce que ce sont des dossiers majeurs pour l'avenir de la République. M. Cramer n'en est d'ailleurs pas le seul responsable. Evidemment, c'est une responsabilité collégiale et, dès lors, nous souhaiterions que le Conseil d'Etat, en tant que collège, prenne les choses en main pour que la situation s'améliore.
Le double mandat est-il possible ? Nous avons pris connaissance d'une déclaration de Mme Maury Pasquier, qui a clairement indiqué que son mandat au Conseil des Etats lui prendrait 100% de son temps. Par conséquent, il faut opérer une redistribution des départements, et nous demandons donc au Conseil d'Etat de prendre en compte cette problématique et de nous faire des propositions pour qu'il fonctionne avec efficacité et que les objectifs de la législature soient atteints.
M. Christian Bavarel (Ve). Permettez-moi d'être un peu amusé ! En effet, nous avons parlé hier de gouvernance, de séparation des pouvoirs, et du fait qu'il ne fallait pas tout mélanger. Et que voyons-nous aujourd'hui ? Un parlement qui piétine et qui veut prendre des décisions à la place du Conseil d'Etat. Or le gouvernement gouverne, il s'occupe de ses propres responsabilités d'une manière collégiale, et obtient très clairement des résultats, avec notre soutien, bien évidemment, grâce au travail que nous effectuons collectivement, gauche et droite ensemble, pour sortir Genève de l'ornière. Mais ce gouvernement gouverne, et fait bien son travail.
Par ailleurs, je ne vous ai jamais entendus dire que le directeur de l'UBS ou de Nestlé avait un département trop grand ! Ou vous demander s'il fallait qu'il renonce éventuellement à quelques pays, à une partie de l'Afrique, ou qu'il évite par exemple une acquisition supplémentaire. Soyez sérieux ! Certes, le Conseil d'Etat va devoir s'organiser et agir, mais il nous a déjà annoncé des mesures, il est assez grand et n'a pas besoin de nous pour s'occuper de ce genre de problèmes.
J'ai vraiment confiance en la collégialité gouvernementale, car nous voyons que les conseillers d'Etat sont ensemble responsables des différents projets. Ils se sont certes séparé les départements, mais la responsabilité est assumée par sept personnes qui, aujourd'hui, ont décidé de travailler ensemble. Peut-être cela nous change-t-il un peu trop, ou n'avons-nous pas encore l'habitude de voir sept personnes de bords différents mener ensemble des projets ? C'est ce qu'il sont en train de faire, et j'aimerais par conséquent que l'on juge sur les résultats et non pas que, par frustration, on se mette à piétiner et à déposer des propositions de motions pour dire qu'on sait mieux qu'eux et qu'on aimerait qu'ils agissent de telle ou telle manière.
En réalité, ce que vous demandez est déjà réalisé par le gouvernement, puisqu'il a décidé qui porterait quel projet. Je pense donc que cette proposition de motion est simplement nulle et non avenue.
M. Guy Mettan (PDC). Le parti démocrate-chrétien soutiendra cette proposition de motion, et je suis désolé pour mon ami Christian Bavarel, mais je suis obligé de le contredire, parce que si le PDC soutient cet objet, c'est d'abord par souci de cohérence.
En effet, nous avons toujours affirmé que nous considérions que les charges de conseiller d'Etat et de conseiller aux Etats étaient incompatibles. Et nous l'avons même dit quand la presse a avancé le nom de M. Pierre-François Unger comme candidat possible de notre parti au Conseil des Etats. Nous avions annoncé, en tant que parti, que nous sommes opposés à la double fonction et avons donc pris ce risque vis-à-vis de notre propre magistrat.
Quant à vous, Mesdames et Messieurs des Verts, vous nous avez toujours expliqué que vous étiez également contre les doubles mandats et favorables à la séparation des fonctions, et maintenant que votre magistrat se trouve tout d'un coup avoir une double charge, vous renoncez à vos valeurs ou du moins à ce que vous avez toujours déclaré. En conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, appliquez notre formule et allez jusqu'au bout de vos convictions !
Par ailleurs, je tiens à remercier le Conseil d'Etat, parce qu'au lendemain même du dépôt de cette proposition de motion, ce dernier nous a avertis qu'il allait procéder - il l'a d'ailleurs fait - à une répartition des tâches pour décharger M. Cramer de certaines de ses fonctions, afin d'alléger son travail et de favoriser l'action du gouvernement, que je salue au passage - et là, nous sommes d'accord, Monsieur Bavarel ! Je tiens donc à remercier le gouvernement d'avoir saisi l'occasion que cette proposition de motion lui offrait pour anticiper ces résultats.
Ensuite se pose la question du long terme. Je pense effectivement qu'à un moment donné - et M. Aumeunier l'a souligné - il serait bien que l'aménagement rejoigne les travaux publics, et je crois que cette proposition de motion tend à rappeler que ces deux services essentiels de l'Etat doivent travailler de façon plus rapprochée que ce n'est le cas actuellement. Cela constitue d'ailleurs une troisième raison d'adopter cette proposition de motion le coeur léger.
M. Eric Stauffer (MCG). Ce n'est pas le lieu ici de faire des attaques personnelles, nous ne parlerons donc pas des SIG, des TPG et autres, mais je tiens à dire ceci: vous avez fait une promesse en 2005, lors du discours de Saint-Pierre, et nous entendons veiller à ce qu'elle soit respectée, pour le bien de la population qui nous a portés au pouvoir, respectivement nous, au pouvoir législatif et vous, au pouvoir exécutif. Nous sommes là pour légiférer, et vous pour gouverner et appliquer les décisions que cet honorable parlement vous communique.
Néanmoins, j'ai récemment lu un reportage sur notre honorable conseiller d'Etat Pierre-François Unger, qui a eu la bonne idée d'accueillir une journaliste chargée de le suivre pendant une journée ou une semaine, je ne me souviens plus exactement. Et je me rappelle avoir lu que les journées de notre conseiller d'Etat commençaient très tôt le matin pour finir très tard le soir, et ce, six jours par semaine, à tout le moins.
Par conséquent, on peut légitimement se poser la question de savoir s'il est vraiment raisonnable qu'un auguste membre de ce gouvernement s'absente six mois par année pour aller vaquer à des occupations fédérales. Cette question est tellement vraie que nous nous sommes enquis du nombre de fonctionnaires dépendant du département du conseiller d'Etat ayant remporté ce succès lors des dernières élections. Nous sommes arrivés à la conclusion, sans avoir de chiffre exact, qu'il s'agit de plusieurs milliers de personnes.
Alors est-il prévu dans la législation ou la constitution qu'un conseiller d'Etat puisse opérer à 50% ? La réponse est évidemment négative. Du reste, la constitution genevoise indique, à la différence de nous autres députés, au pouvoir législatif, qui sommes des parlementaires de milice, qu'un conseiller d'Etat touche une rémunération et non des jetons de présence. Et cette rémunération - nous le savons, les chiffres sont publics - est de l'ordre de 240 000 F par année.
C'est dire que la constitution a prévu qu'un conseiller d'Etat élu doit renoncer à toute autre activité lucrative. Cela étant, et pour gouverner d'une manière responsable et efficace, il aurait été...
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Eh bien, comme le temps passe vite, Madame la présidente !
La présidente. Eh oui, trois minutes !
M. Eric Stauffer. Alors je conclus en disant qu'il eût été très respectueux, à l'image du membre des Verts Antonio Hodgers, qui a été acclamé par ce parlement, de renoncer à un des deux mandats. Mais force est de constater que les divergences d'opinions au sein du parti des Verts ont fait que le conseiller d'Etat est resté en poste.
Par conséquent, il apparaît normal de demander un redécoupage des départements, car il faut absolument décharger celui de M. le conseiller d'Etat, et conseiller aux Etats, afin de respecter, Messieurs du gouvernement, la promesse que vous avez faite lors du discours de Saint-Pierre.
Je vous enjoins donc, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir la présente proposition de motion et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat, qui saura affronter ses responsabilités.
Mme Véronique Pürro (S). Tout d'abord un mot sur la question de la double fonction. Je crois me rappeler qu'un des partis siégeant dans cette enceinte a déposé un projet de loi visant à interdire le double mandat. Nous aurons donc l'occasion d'y revenir, mais j'aimerais tout de même apporter un correctif à ce que vient de dire M. Stauffer.
J'avais moi-même déposé une interpellation sur ce sujet il y a quelques mois, parce que, voyant circuler plusieurs noms de conseillers d'Etat intéressés par un siège au Conseil national ou au Conseil des Etats, je m'inquiétais de savoir s'il était possible de remplir une double charge. On m'avait répondu que, formellement, rien ne l'interdisait, et qu'un règlement du Conseil d'Etat autorisait même deux de ses membres à siéger aux Chambres fédérales. Donc, formellement, c'est possible. Maintenant, est-ce que dans la pratique cela va être facile ? Je ne le pense pas, mais je fais confiance à M. Cramer pour s'organiser de sorte que, durant les dix-huit mois qui lui restent - et même moins - il puisse représenter Genève à la Chambre des cantons, puisque c'est bien là qu'il a été élu.
Mais, pour revenir à la proposition de motion et aux invites des motionnaires, la pénurie persistante de logement est-elle vraiment liée au découpage des départements, comme le laissent entendre les invites ? La nécessité impérative de voir s'ouvrir rapidement des chantiers de construction de logements est-elle réellement en relation avec ce découpage ? Le manque de terrains constructibles en est-il véritablement une conséquence ? Honnêtement, ce n'est pas sérieux ! On ne peut pas laisser entendre que, en redécoupant les départements, on va tout à coup par miracle construire des milliers de logements, débloquer des chantiers et trouver les terrains qu'on n'a pas été en mesure de dénicher depuis des décennies - pour des raisons que je n'indiquerai d'ailleurs pas, parce qu'il me reste peu de temps et que j'ai d'autres choses à dire !
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion n'est pas sérieuse et, de plus, comme l'ont dit certains membres de cette enceinte, l'organisation des départements et de l'administration est de la stricte compétence du Conseil d'Etat.
En outre, à la commission de contrôle de gestion, je crois que nous sommes tous très à cheval sur les compétences des uns et des autres, et j'aimerais donc rappeler que les compétences du Conseil d'Etat doivent rester entre ses mains et que nous n'avons pas à interférer dans ces dernières.
Pour finir, comme l'a dit très justement M. Mettan - mais je crains qu'il n'en tire pas les bonnes conclusions - le Conseil d'Etat a pris, depuis le dépôt de ce texte, toute une série de mesures - j'imagine que M. Moutinot va nous les détailler lorsqu'il prendra la parole, en tout cas on a pu les lire dans la presse - mesures qui prennent en compte la situation du double mandat de M. Cramer et qui permettent à l'administration et aux départements de continuer à fonctionner de façon satisfaisante.
La présidente. La parole est à M. Pierre Weiss, à qui il reste une minute et trente-cinq secondes.
M. Pierre Weiss (L). Il y a deux raisons au dépôt de cette proposition de motion. L'une est apparente, évidente et factuelle, c'est la nécessité que ressentent les motionnaires de voir le travail du Conseil d'Etat être organisé au mieux et, de cela, nul ne disconviendra. La deuxième raison est cachée, elle est affective, et M. Cramer nous pardonnera de vouloir qu'il soit davantage présent parmi nous. En effet, depuis des mois, il se trouve que nous ne l'apercevons que de temps en temps, nous ne l'entendons pas et nous le voyons encore moins agir. (Protestations.) En réalité, ce que nous voudrions tellement, c'est qu'il continue à déployer l'énergie dont il a fait preuve lorsqu'il s'agissait, il y a une année ou deux, de promouvoir par exemple le CEVA ou d'autres projets, et qu'il poursuive sur la même lancée, mais cela semble difficile actuellement et nous le regrettons.
Il devrait comprendre ce cri du coeur de la part des motionnaires, il devrait peut-être entendre le projet radical qui voulait que, face au temps que demande un mandat à Berne, un conseiller d'Etat délègue au moins le 50% de ses tâches, de façon à être mieux au service de son canton. Il devrait aussi comprendre Mme Savary, conseillère aux Etats vaudoise, qui déclare être à 80% occupée par la préparation de ses dossiers et la présence dans les commissions fédérales.
En réalité, nous sommes convaincus que, par son intelligence, M. Cramer déléguera encore plus et renoncera davantage à ses tâches dès qu'il sera nommé, parce qu'il se rendra compte qu'il ne peut être au four et au moulin, à Genève et à Berne en même temps. Qu'il soit à Berne, c'est très bien, qu'il ne soit plus à Genève, on apprendra à s'en contenter, mais que d'autres fassent son travail, ce sera encore mieux !
M. Yves Nidegger (UDC). En soutenant cette proposition de motion, nous démontrerons qu'un ensemble large de partis est d'accord avec le Conseil d'Etat sur certaines des priorités qui ont été énoncées lors du discours de Saint-Pierre, et qu'il y a un réel consensus autour de quelques objectifs que la population toute entière attend que la classe politique, exécutif et législatif, prenne à coeur.
Ce qui implique une obligation de la part du Conseil d'Etat de s'organiser de manière optimale afin de se laisser une chance d'atteindre l'objectif fixé. C'est une responsabilité politique que cette proposition de motion enverra dans le camp du Conseil d'Etat, qui pourra ou non la suivre, mais qui sera jugé ensuite sur ses résultats, à l'aune d'un désir très clairement exprimé par ce parlement.
C'est la raison pour laquelle je vous invite à être nombreux à soutenir cette proposition de motion et à la renvoyer directement au Conseil d'Etat, un passage en commission n'étant pas nécessaire.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. C'est en tant que vice-président du Conseil d'Etat que je vous fais part de la position de notre gouvernement. J'aimerais tout d'abord vous dire combien nous sommes touchés de votre sollicitude... (Rires.) ...et de vos conseils en vue de nous aider à mieux fonctionner. Il est vrai que le double mandat pose un problème, nous en avons donc débattu et avons convenu de certaines dispositions.
Tout d'abord, à un moment où l'on dit partout - et à juste titre - que les décisions les plus importantes pour Genève se prennent à Berne, mon collègue Robert Cramer l'a dit et répété, il sera certes à Berne le représentant de son parti mais, dès lors qu'il a été élu à la Chambre des cantons, il sera surtout celui du canton. Et qui représente ce dernier ? Le Conseil d'Etat. Donc, dans une situation qui, il est vrai, pose quelques problèmes, nous avons convenu d'en tirer les avantages et de renforcer nos liens avec Berne par la présence de notre collègue. D'ailleurs, la constitution, très sage en la matière, autorise un conseiller d'Etat à être conseiller national ou aux Etats, mais limite à deux d'entre eux cette possibilité. En effet, dans l'idée du constituant, il était bon qu'il y ait quelques liens, mais il ne fallait quand même pas que tout le monde soit à Berne. Nous aurons donc un collègue à Berne et nous en réjouissons.
Maintenant, pourquoi n'allons-nous pas procéder à un redécoupage ? Mesdames et Messieurs les députés, nous avons opéré une répartition attentive, issue de longs travaux, et nous avons voulu mettre l'aménagement avec l'environnement et la mobilité, parce que, à l'époque où j'étais responsable de l'aménagement, et qu'il se trouvait dans la composition que vous semblez souhaiter, nous avions constaté que ce domaine n'évoluait pas, faute d'être en lien direct avec la mobilité et l'environnement. Or, ce qui était vrai comme analyse il y a deux ans n'est pas devenu faux aujourd'hui !
Le Conseil d'Etat considère surtout, Mesdames et Messieurs les députés, que les réformes qu'il engage, et que vous soutenez de manière générale, nécessitent une stabilité qui n'est pas compatible avec un redécoupage à mi-législature. La fonction publique a besoin de constance, du budget que nous vous avons présenté et de vos encouragements, et non pas d'un découpage qui fait perdre du temps et des énergies, complique la manoeuvre et coûte de l'argent.
Nous avons néanmoins pris quelques mesures non négligeables: M. Pierre-François Unger va assumer la présidence de la Fondation des terrains industriels, M. Mark Muller prendre en charge le développement du projet Praille-Acacias et, quant à moi, je représenterai désormais le canton à la Conférence des gouvernements cantonaux. Voilà quelques-unes des décharges que nous consentons collégialement à notre collègue Robert Cramer, dans l'idée de garantir les engagements que nous avons pris dans le discours de Saint-Pierre.
Alors je vous remercie encore une fois, Mesdames et Messieurs les députés, pour votre sollicitude et vos conseils, mais nous agirons en tant que gouvernement responsable de la manière que je viens de vous indiquer. (Applaudissements.)
Mise aux voix, la motion 1798 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 59 oui contre 30 non.
Débat
La présidente. Je passe la parole à M. Thion pour la présentation de cette proposition de motion.
M. François Thion (S). En réalité, je remplace M. Brunier qui est en déplacement pour son travail.
Ce texte présente dix-sept mesures concrètes pour que l'Etat, les entreprises publiques, les institutions subventionnées et les communes adoptent rapidement des modèles de mobilité plus responsable et plus durable. Cette proposition de motion est aussi à mettre dans le cadre de la lutte contre les émissions de CO2.
Rappelez-vous, on a décerné il n'y a pas si longtemps le prix Nobel de la paix à M. Al Gore et au groupement intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat. Si tout le monde connaît le premier, on n'a en revanche moins entendu parler de ce groupement intergouvernemental. Ce dernier est composé de gens extrêmement sérieux qui ont rendu en janvier un rapport disant que la concentration de gaz à effet de serre ne cesse de croître et que la responsabilité de l'homme est désormais reconnue unanimement.
De plus, les experts nous indiquent que, d'ici 2100, la température moyenne sur terre va augmenter de 1,8 à 4 degrés. Les conséquences, rien que pour la Suisse, sont connues, et nous sommes directement touchés. Le réchauffement du climat entraîne la fonte des glaciers, des canicules, des inondations, des éboulements dramatiques, comme on en a déjà souvent connu, avec toutes les répercussions que cela peut avoir pour l'économie suisse, et en particulier pour le tourisme.
A l'échelle planétaire, j'attire votre attention sur le fait qu'en raison du réchauffement climatique, d'après ces experts, on pourrait devoir envisager un déplacement forcé de peut-être 200 millions d'individus, c'est-à-dire que, dans les prochaines années, on va avoir ce qu'on appelle des «réfugiés de l'environnement».
Sachant que l'une des principales causes de rejet de CO2 provient des déplacements automobiles - 40% - et aériens, la proposition de motion demande concrètement à l'Etat d'agir. On sait que quelques-unes de ces dix-sept mesures ont déjà été étudiées au niveau de l'Etat, mais je pense qu'il en reste d'autres encore qu'il faudra examiner.
M. Pierre Kunz (R). Comme nous l'avons annoncé, les radicaux tiennent désormais à apporter une contribution active dans le débat relatif au réchauffement climatique et à la protection de l'environnement. (Applaudissements. Commentaires.)
Nous n'avons pourtant pas l'intention de participer aux chorales du catastrophisme, ni aux choeurs culpabilisants. Ni davantage avons-nous l'intention de nous associer aux faiseurs de ce que les socialistes appellent avec raison «les belles promesses», ni, enfin, de nous contenter de ces grands programmes, utopiques, genre société à 2000 watts. Ce sont de belles promesses, Mesdames et Messieurs, et de grands programmes qui visent surtout, nous le savons tous, à donner bonne conscience à certains politiciens et à trouver des électeurs pour d'autres partis.
Nous, les radicaux, nous voulons et allons essayer d'être concrets et pratiques en cette matière, comme nous souhaitons l'être dans les autres domaines, et c'est pourquoi nous soutenons dans son principe la démarche de nos collègues socialistes. Il y a certes, comme on dit au Café du Commerce, «à boire et à manger» dans la liste des mesures proposées par la motion 1764, certaines propositions sont d'ailleurs illusoires, et d'autres franchement inacceptables, mais il n'empêche que c'est bien dans la direction indiquée par ce texte, à savoir celle du concret et du pratique, que nous devons aller.
Pour toutes ces raisons, les radicaux soutiendront son renvoi en commission...
Mme Anne-Marie von Arx Vernon. Eh bien il va neiger...
M. Pierre Kunz. ...où effectivement nous regarderons tomber la neige avec Mme von Arx... (Rires.) ...et où nous proposerons des amendements et des compléments.
La présidente. Monsieur le député, à quelle commission voulez-vous renvoyer cette proposition de motion ?
Des voix. Aux transports !
M. Pierre Kunz. A l'environnement !
La présidente. C'est noté.
Mme Elisabeth Chatelain (S). Il ne s'agit pas, dans cette énumération d'actions, de belles promesses ! Non, nous souhaitons du concret ! Nous savons que plusieurs de ces propositions sont déjà appliquées dans certaines parties du grand Etat, mais elles ne le sont pas tout à fait suffisamment à notre goût et, surtout, il manque une vision d'ensemble.
Parmi ces dix-sept propositions d'actions, nous en voyons plusieurs qui sont très concrètes, Monsieur Kunz, et que nous pouvons appliquer d'une façon très simple, avec des moyens techniques même limités. Nous disposons de ces ressources, il nous faut donc simplement déployer un peu d'énergie et de courage pour les mettre en place. Mais nous pouvons le faire !
En commission de l'environnement, j'ai entendu récemment, dans le cadre d'une discussion sur les mesures de compensation pour les vols en avion, le conseiller d'Etat Cramer dire qu'un plan de mobilité existait pour le petit Etat. Il a ajouté qu'il nous le présenterait volontiers, mais qu'il pensait que c'était plutôt à la commission des transports d'étudier ce genre de possibilités, puisque cela touche davantage au domaine technique des transports.
Pour cette raison, Madame la présidente, je vous demande le renvoi de cette proposition de motion à la commission des transports.
Mme Fabienne Gautier (L). Le groupe libéral salue également l'initiative des motionnaires de s'inquiéter de la mobilité douce dans le cas des institutions subventionnées, des communes et des établissements publics autonomes. Je m'étonne toutefois de l'esprit de contradiction dont ces mêmes milieux font preuve en lançant des actions, voire des pétitions, contre les plans de mobilité douce mis en place par certains établissements publics autonomes. J'en veux pour preuve notre Aéroport international, qui a instauré un plan de mobilité très élaboré, il l'a même distribué en commission des pétitions. J'encourage du reste la commission des transports à en auditionner des représentants, parce que ce plan de mobilité est extrêmement bien fait et répond pratiquement à toutes les invites présentées dans cette proposition de motion. Et pourtant, ce plan de mobilité a été contesté par voie de pétition, issue des syndicats des services publics !
Je citerai encore l'exemple de l'Hôpital, dont le directeur, M. Gruson, a dû également faire face à de fortes réactions de la part des employés lorsqu'il a instauré des mesures de mobilité. Je souligne au passage que les HUG offrent à leur personnel plusieurs solutions de mobilité douce, notamment en prenant en charge une partie des abonnements TPG ou en lui mettant à disposition des vélos électriques.
Le groupe libéral suggère le renvoi de cette proposition de motion à la commission des transports, car si beaucoup de ses invites sont déjà appliquées, d'autres ne sont pas réalisables, et c'est la raison pour laquelle il faudra vraiment l'étudier. Nous soutiendrons donc son renvoi à la commission des transports.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Bravo, Monsieur Kunz, bravo ! Bravo de soutenir et de voter le renvoi de cette proposition de motion en commission, parce que vous vous étiez effectivement engagé, à la commission de l'énergie, à prendre des mesures concrètes et, là, vous le faites en votant ce texte.
Bien sûr, cette proposition de motion est excellente et il n'y a rien d'autre à ajouter. Il est également souhaitable de la renvoyer en commission car, ainsi, on verra que certaines invites sont déjà mises en place - telle la technique de conduite Eco-Drive, qui avait d'ailleurs fait l'objet de la proposition de motion 1460. Mais il reste encore des personnes à l'Etat qui n'en ont pas connaissance, comme le chauffeur de M. Muller, par exemple, qui ne doit pas du tout connaître cette méthode de conduite douce, puisqu'il laisse tourner son moteur dans la rue ! (Exclamations.)
Il reste donc effectivement encore de nombreuses actions à entreprendre ! Cela signifie également que les gens ont encore des choses à apprendre, et c'est toujours bien de s'instruire ! On s'en réjouit donc et on soutiendra bien entendu le renvoi de ce texte en commission des transports.
M. Gilbert Catelain (UDC). La proposition de motion qui nous est soumise ce soir concerne une partie de la société, à savoir l'Etat et les établissements publics autonomes. Elle a le mérite d'exister et, bien qu'elle ne s'adresse pas à l'ensemble de la société de ce canton, nous devons reconnaître qu'il nous faudra la renvoyer en commission. Et ce ne sera pas à contre-coeur, parce que si certaines propositions sont effectivement intéressantes, d'autres sont plutôt du réchauffé, et j'en citerai quelques-unes. Ce parlement a déjà longuement débattu des filtres à particules pour les véhicules diesel et a même, sauf erreur, voté une motion à ce sujet. Il s'est également déjà prononcé sur les véhicules à gaz et hybrides. Concernant ces derniers, s'ils sont très performants quant à leur utilisation, le bilan écologique de leur recyclage est en revanche négatif, et ce sujet mérite donc un débat en commission. Pour ce qui est des vélos électriques, ils nécessiteront à terme un accroissement de l'offre d'électricité, et il s'agira alors de se déterminer sur la façon dont cette offre électrique sera fournie: par des énergies fossiles ou nucléaires ? Concernant les biocarburants, nous savons tous que certains présentent un bilan écologique peu favorable à l'environnement. Quant aux véhicules polluants et à la technique de conduite Eco-Drive, ce parlement s'est déjà prononcé sur une motion écologique, c'est donc que le débat a eu lieu.
Au niveau des parkings professionnels, je rappelle que la population de ce canton a déjà voté sur la liberté des modes de déplacement, et nous devrons en tenir compte. Pour ce qui est de l'interdiction du parking aux personnes habitant à proximité de leur lieu de travail, elle me semble une évidence, qui peut d'ailleurs, de mon point de vue, être mise en oeuvre sans proposition de motion.
Concernant la promotion de l'utilisation des transports publics et la participation financière, cette dernière existe déjà au niveau de l'Etat, puisque celui-ci offre à son personnel 50% du prix de l'abonnement de bus annuel.
S'agissant des voyages en train qu'il faut favoriser, il s'agira pour nos conseillers nationaux de militer en faveur de la troisième voie CFF, puisque des adeptes du mode de transport ferroviaire sont actuellement en passe de l'abandonner faute de dessertes suffisantes sur la ligne Nyon-Genève ou Lausanne-Genève.
D'autre part, ce qui m'étonne dans cette proposition de motion, c'est qu'il n'est pas fait mention des modes de transport lacustres, notamment des navibus, qui constituent pourtant une alternative intéressante au manque d'offres sur le réseau ferroviaire.
Pour finir, au sujet du système de mesures visant à connaître les effets positifs de ces dispositions sur la diminution de la charge de CO2, je rappelle que le groupe UDC a également déposé une motion adoptée par ce Grand Conseil concernant des peintures capables d'absorber le CO2.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons le renvoi de cette proposition de motion à la commission des transports.
Mme Béatrice Hirsch-Aellen (PDC). Pour une fois, il semble que tout le monde soit d'accord: on ne peut que soutenir l'étude de cette proposition de motion. Les problèmes environnementaux sont réels, les solutions à trouver multiples, et se pencher sur des modèles de mobilité responsable et durable permettra d'avoir un plan et une vision à long terme.
Par ailleurs, il est vrai que certaines invites sont plus intéressantes que d'autres, d'où l'intérêt d'un travail en commission. A ce propos, le groupe démocrate-chrétien pense que la commission des transports est plus à même d'étudier ce plan de mobilité, et nous vous recommandons donc un renvoi à cette commission des transports.
La présidente. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Letellier, qui dispose d'une minute et demie.
M. Georges Letellier (Ind.). Merci, Madame la présidente, de me rappeler chaque fois le temps qui m'est imparti ! Je sais que je suis un député entre parenthèses, mais de là à me faire chaque fois cette réflexion... Ça commence à être lassant !
La présidente. Je suis obligée de vous le dire, Monsieur le député !
M. Georges Letellier. Etant donné les problèmes écologiques et climatiques auxquels nous sommes confrontés, il serait peut-être bon de fonder une commission écologique, chargée d'étudier précisément tous ces problèmes énergétiques et climatiques. Nous sommes tenus de passer de la théorie à la pratique et je propose donc, si vous le voulez bien, Madame la présidente, que nous votions sur ce principe, à savoir si nous voulons créer une commission écologique. (Commentaires.) J'ai de l'expérience dans ce domaine et puis vous assurer que la situation devient dramatique ! Je le dirai d'ailleurs dans ma prochaine proposition de motion.
Aujourd'hui, on doit saisir ces problématiques à bras-le-corps, on ne peut plus se permettre de parler... (Cri d'une députée. Rires. Chahut.)
La présidente. Mesdames et Messieurs, soyez un peu plus calmes ! Monsieur le député, je crois que votre voisine a reçu un verre d'eau. (Remarque de M. Georges Letellier.) Calmez-vous, Monsieur le député, ce n'est pas bon pour votre coeur.
M. Georges Letellier. Excusez-moi ! Mais je prends mes collègues à témoin, aujourd'hui on a fini de rire sur ce sujet: l'écologie est un problème extrêmement important pour nos enfants, pour ceux qui vont nous succéder...
La présidente. Adressez-vous à la présidence, Monsieur Letellier !
M. Georges Letellier. Il faut fournir des efforts maintenant et cesser de faire de la théorie !
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. J'aimerais tout d'abord remercier les auteurs de cette proposition de motion, ainsi que toutes celles et ceux qui sont intervenus pour demander que ce texte soit renvoyé en commission.
Ce remerciement peut sembler paradoxal, parce qu'on pourrait s'attendre à ce que le Conseil d'Etat perçoive dans cette proposition de motion une forme de critique, voire de reproche quant au fait qu'un grand plan de mobilité d'entreprise pour l'Etat n'ait pas encore été mis sur pied, et ceci de façon généralisée.
Eh bien, ce reproche est fondé, Mesdames et Messieurs les députés ! En effet, il est beaucoup plus compliqué d'appliquer un plan de mobilité d'entreprise à l'Etat de Genève, de par ses diverses sensibilités et ses différents métiers, qu'à une entreprise privée. Et je ne cacherai pas que je suis souvent admiratif et envieux, quand je vois de grandes entreprises de ce canton - qu'elles agissent dans le domaine financier, bancaire ou industriel - développer des plans de mobilité ambitieux, souvent d'ailleurs avec l'appui technique des services de l'Etat, alors que nous avons nous-mêmes des difficultés à mettre pareils plans sur pied pour nos propres collaborateurs.
C'est donc avec une certaine humilité - étant donné que je dirige un département qui sert d'expert et offre des conseils à celles et ceux qui s'intéressent à ces questions - que je viendrai devant la commission des transports, d'abord pour vous dire ce que nous avons tout de même imaginé et réussi à réaliser et, ensuite, pour vous faire part des difficultés auxquelles le Conseil d'Etat, de façon collégiale, est confronté. Sachez en effet que ces préoccupations ne sont pas celles d'un département mais d'un collège.
J'espère vivement que, avec votre appui, nous arriverons à aller un peu plus loin, parce qu'il est désolant que l'Etat de Genève, qui se veut porteur d'un projet de développement durable, soit tellement peu efficace à le faire progresser au sein de sa propre administration en ce qui concerne la mobilité. Nous en débattrons donc en commission.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1764 à la commission des transports est adopté par 73 oui contre 1 non et 3 abstentions.
Débat
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Cette proposition de motion demande d'élaborer un plan lumière cantonal, respectueux de l'environnement, qui englobe également l'éclairage public des communes. Il existe une ONG, appelée Dark-Sky - voir www.darksky.org - qui s'occupe de cette forme de pollution et dont le site contient de nombreuses informations très instructives. Le WWF également a publié tout un magazine sur ce sujet.
Je voudrais le dire d'emblée, il ne s'agit pas de mettre ni la Ville ni le canton dans l'obscurité, mais de mieux analyser les nécessités et usages de chaque endroit afin de l'éclairer en conséquence. Dans certains lieux, la luminosité est très mal adaptée, car trop forte; d'autres sont sous-éclairés et la sécurité n'est donc pas assurée. En outre, les réverbères sont très souvent si hauts qu'ils éclairent dans les chambres à coucher et au-dessus des arbres, mais plus du tout les trottoirs.
Il y a également toute la politique d'éclairage des bâtiments. Certains méritent ce type de dispositifs, alors que, pour d'autres, ce ne sont que des effets de mode ayant des conséquences perverses: cela incommode le voisinage, gaspille les deniers publics et dérange la faune.
La Ville a déjà réfléchi à ce problème, ainsi que certaines communes. Les SIG n'y sont pas non plus insensibles, mais il reste encore des grands principes à mettre sur pied. Les radicaux - plus particulièrement M. Kunz - ont également demandé, lors d'une séance de la commission de l'énergie, que des amendements soient déposés en vue de parvenir à un éclairage public plus rationnel.
Cette proposition de motion demande donc surtout de se pencher sur un éclairage public plus optimal, plus rationnel et plus respectueux de l'environnement. Nous pouvons soit la renvoyer au Conseil d'Etat, soit à la commission de l'environnement et de l'agriculture, afin d'obtenir des informations, voire de l'amender.
M. Sébastien Brunny (MCG). La proposition de motion 1765 met en évidence le fait que les éclairages nocturnes urbains sont parfois mal situés. De ce fait, au lieu d'éclairer de façon judicieuse les trottoirs et la voie publique, lesdits éclairages illuminent par exemple des façades d'immeubles ainsi que l'intérieur d'appartements.
De plus, on constate dans certains quartiers une façon anarchique d'optimiser l'éclairage qui, comme on le sait tous, est dépendant de l'électricité, source précieuse et malheureusement pas intarissable.
La proposition de motion des Verts demande à juste titre d'élaborer un plan lumière cantonal, respectueux de l'environnement, qui englobe également l'éclairage public des communes et, au vu des éléments énumérés ci-dessus, le groupe MCG soutiendra cette proposition, qui peut s'apparenter à notre devise «Post tenebras lux». (Exclamations.)
Des voix. Bravo !
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je prie les personnes qui se tiennent devant la porte donnant accès à la buvette de bien vouloir continuer leurs conversations ailleurs ! Merci à Messieurs Muller, Weiss, Ducrot, Meylan... Merci beaucoup !
M. Eric Leyvraz (UDC). On se rend rapidement compte, en se baladant le soir, que l'éclairage public ou privé est souvent peu efficace ou, au contraire, exagéré. Or les effets indésirables d'une lumière mal conçue sont multiples.
L'affirmation selon laquelle la lumière équivaut à la sécurité est à nuancer, nous disent les spécialistes. Lorsqu'un lampadaire éblouit, l'oeil s'adapte et l'environnement immédiat devient tout d'un coup plus sombre, donc moins apparent, d'où une baisse paradoxale de la sécurité. On constate que l'éclairage nocturne, en augmentant la visibilité sur les routes, favorise les excès de vitesse, et si les accidents sont peut-être moins nombreux, ils sont en revanche plus graves. La vitesse accrue augmente le bruit et on a observé aux ronds-points éclairés qu'il n'y avait pas vraiment de baisse des accidents.
L'éclairage peut également provoquer de grandes perturbations pour les animaux nocturnes, notamment les oiseaux migrateurs. Les insectes sont attirés sur plus de 500 mètres, et l'on a constaté que la reproduction de certaines variétés de coléoptères était mise en danger parce qu'elles se font dévorer en grande quantité par les prédateurs.
On observe aussi que le cycle des plantes est perturbé: elles bourgeonnent plus tôt et, sous nos climats, même avec le réchauffement climatique, les risques de gel sont plus élevés. Même chez l'homme, nous disent les médecins, cette perturbation du cycle jour/nuit joue sur les hormones et peut provoquer des déséquilibres.
Il nous faut donc absolument analyser ces sources de lumière dans nos villes, utiliser des minuteries avec détecteur de mouvements, revoir notre façon d'éclairer, adapter les intensités lumineuses en fonction des besoins, repenser l'utilisation des panneaux de réclame - c'est important - et mettre en pratique les technologies utilisées depuis l'arrivée des nouvelles générations de lampes. Et il est possible, avec un confort même supérieur, de diminuer une consommation excessive et inutile.
Dans le fond, ce qu'il nous faudrait, c'est une charte de l'éclairage et une check-list nous permettant de déterminer où les abus sont trop importants. Tout cela doit être discuté en commission, et je pense que c'est à celle de l'environnement que cela doit se faire. L'UDC soutiendra donc le renvoi de cette proposition de motion, que je juge bonne, en commission de l'environnement et de l'agriculture.
Mme Janine Hagmann (L). Je suis satisfaite de voir que tous les groupes semblent vraiment avoir une conception de l'environnement qui change, et que tout le monde s'intéresse à ce domaine. Ce n'est donc plus que l'apanage des Verts, Mesdames et Messieurs ! Vous devez du reste savoir que les libéraux ont indiqué dans leur programme qu'ils s'occuperaient d'environnement, et la preuve est là, nous sommes sensibilisés par cette proposition de motion et remercions les Verts de l'avoir rédigée.
Si nous sommes sensibles au problème soulevé par ce texte, c'est parce que nous savons très bien qu'il existe actuellement des solutions pour limiter les émissions lumineuses et qu'elles sont simples à mettre en oeuvre. Il faudra donc renvoyer ce texte en commission, afin de pouvoir étudier toutes les possibilités.
Les Genevois ne seront d'ailleurs pas les premiers à essayer d'optimiser l'éclairage public, car Zurich et Bâle l'ont déjà fait. Je voudrais aussi dire que plusieurs communes se sont déjà préoccupées de ce problème et ont fait procéder à des audits énergétiques - les SIG sont spécialistes dans ce domaine - afin de savoir comment optimiser leurs éclairages.
Dans le journal «Terre et Nature», qui, certains s'en souviennent, s'appelait dans le temps « Le Sillon romand» - il s'agit d'une revue qu'on ne peut pas accuser d'être inféodée à un parti politique - est parue l'étude d'un jeune ingénieur de l'EPFL, qui tente de sensibiliser les pouvoirs publics aux effets des lumières artificielles. Il préconise de réagir plutôt que de poursuivre de façon effrénée la course aux lumières tous azimuts. Mais, c'est évident, il ne faut pas tomber de Charybde en Sylla, et entre le droit à la sécurité et celui à la nuit il faut trouver, comme toujours, le juste milieu.
Je ne vais pas prolonger mon intervention, puisque nous avons déjà été passablement éclairés ce soir sur de nombreux sujets, et je propose que nous essayions de nous éclairer de façon très éclairée ! Alors renvoyons cette proposition de motion en commission.
M. Didier Bonny (PDC). Je ne vous apprendrai rien en vous disant que la politique énergétique constitue un enjeu majeur. D'ailleurs, dans son communiqué de presse du 10 octobre dernier, le Conseil d'Etat a publié pas moins de trois informations à ce sujet: l'une sur la priorité à la maîtrise de la demande d'électricité et à la fiabilité du réseau électrique, une autre sur la société à 2000 watts et, enfin, il a félicité la Ville de Genève pour sa politique en matière d'énergie.
La proposition de motion 1765 s'inscrit donc dans cette ligne, que le PDC soutient. Eclairer le ciel pendant la nuit n'est effectivement pas la meilleure des idées, or c'est malheureusement ce que font les pays développés; il suffit de regarder des images par satellite pour s'en convaincre. J'ai eu l'occasion d'en voir, c'est assez effarant !
Toutefois, le PDC tient à mettre en avant le fait qu'un meilleur éclairage n'est pas synonyme d'obscurité. En effet, améliorer l'éclairage ne signifie pas sacrifier la sécurité. D'ailleurs, depuis qu'il y a davantage de lumière sur le quai des Eaux-Vives, suite à deux pétitions lancées par des habitants, la sécurité a été renforcée sur le quai. Il faut donc savoir raison garder.
Le PDC souscrit à la partie de l'invite qui demande au Conseil d'Etat d'englober également l'éclairage public des communes, et j'ajouterai même qu'il faut qu'il agisse en collaboration avec elles, car la Ville de Genève, par exemple, est à bout touchant en ce qui concerne son propre plan lumière; il serait donc dommage de ne pas inclure ce qui se fait déjà au niveau des communes.
Pour toutes ces raisons, le PDC entrera en matière sur cette proposition de motion et la renverra à la commission de l'environnement et de l'agriculture.
M. Michel Ducret (R). Certains vont prétendre ce soir que les radicaux cherchent à saboter la Course de l'Escalade de demain en la couvrant de neige fraîche, mais, conformément à la politique décidée par notre assemblée déléguée, nous allons soutenir cette proposition de motion en la renvoyant à la commission de l'environnement, essentiellement pour examiner les termes de l'articulation qui peut se faire entre les responsabilités du canton et des communes, qui sont les premières concernées en matière d'éclairage public. En ce sens-là, il nous paraît important de rediscuter de la teneur de l'invite, afin de voir ce que l'Etat et les communes peuvent mettre en place de manière intelligente et, surtout, en évitant les doublons. En effet, comme M. Bonny vient de le rappeler, la Ville de Genève est presque à bout touchant en ce qui concerne son propre plan lumière, qui va exactement dans le sens décrit ici.
Mesdames et Messieurs, on peut aujourd'hui diminuer très considérablement la consommation d'énergie et le gaspillage à la fois en lux et en kilowatts/heure, tout en maintenant un niveau d'éclairement suffisamment élevé pour garantir, sinon la sécurité réelle, en tout cas la sensation de sécurité pour nos concitoyens. Il est également tout à fait possible de conserver des éclairages de type ornemental - car c'est aussi ce qui fait la beauté et l'agrément d'une ville la nuit, il n'y a pas que le côté sécuritaire - et cela à moindre coût.
Ce sera un travail de très longue haleine, car il faut savoir, par exemple, que certaines installations ne sont pas si vieilles que cela et qu'on ne peut donc pas tout changer d'un coup. Cela prendra du temps à être mis en oeuvre, mais cette proposition de motion constitue indéniablement un bon pas en direction d'une meilleure gestion de notre éclairage public.
M. Alain Etienne (S). L'éclairage public constitue effectivement une problématique importante à laquelle il faut réfléchir, d'une part pour des raisons de sécurité et d'économies d'énergie et, d'autre part, de mise en valeur de notre patrimoine. Il convient également de se pencher sur ce problème en raison de la faune, ainsi que des gens qui veulent encore profiter de zones d'ombre pour observer le ciel.
Il est donc important que cette réflexion soit menée, ce qui est du reste déjà largement le cas au niveau des communes. La Confédération présente des recommandations et il convient que le canton se soucie de mener une réflexion globale à ce sujet. Cela passe aussi par une mise en application de projets, car il ne suffit pas de réfléchir ! Une fois que l'on a identifié les problèmes ou que l'on a élaboré, comme le demande l'invite, un plan lumière, il s'agit ensuite de le concrétiser par des projets, comme celui de la vallée du Flon à Lausanne, cité en exemple dans l'exposé des motifs.
Toute cette régulation de lumière passe donc par des projets, ce qui demande des financements, et je me réjouis que le parti libéral appuie aussi la mise en oeuvre de ces plans lumière !
Mon préopinant a rappelé la devise de notre canton, qui est «Post tenebras lux», j'en fais donc la traduction pour notre camarade Alberto Velasco: «Après les ténèbres, la lumière» !
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Gilbert Catelain, à qui il reste cinquante-cinq secondes.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je relève que ce Grand Conseil est unanime à renvoyer cette proposition de motion en commission. Elle traite d'un problème qui va concerner essentiellement les communes, qui ont d'ailleurs déjà été sensibilisées aux questions des coûts.
Je citerai simplement un cas pratique: hier, l'école de l'avenue Dumas à Champel est restée allumée toute la nuit. Des mesures simples ne nécessitent donc pas forcément de proposition de motion, il s'agit simplement d'appuyer sur le bouton pour éteindre la lumière !
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Bien sûr que le Conseil d'Etat ne s'opposera pas au renvoi de cette proposition de motion en commission, car ce sera peut-être l'occasion de vous dire, de façon un peu plus complète que je ne saurai le faire maintenant, quelles actions ont déjà été entreprises.
En effet, la problématique de l'éclairage public est typiquement un des domaines où nous ne sommes pas restés inactifs, parce qu'il y a réellement une grosse consommation d'énergie électrique à Genève que nous avons l'ambition de maîtriser. En lien avec ce problème de consommation liée à l'éclairage public, on trouve au premier plan les communes - comme l'a relevé M. Catelain - ainsi que les Services industriels, puisque ce sont eux qui gèrent cette problématique de l'éclairage. Toutefois, on a quand même pu promouvoir à travers les services de l'Etat un certain nombre de mesures d'économie. D'ailleurs, celles qui ont été prises depuis 1998 - j'ai ici quelques chiffres - ont permis de réduire globalement la consommation d'électricité d'environ 2 200 000 kilowatts/heure, et également de diminuer le nombre de points lumineux de 9650 à 8600 durant cette même période.
Mais, au-delà de cette diminution et des nouveaux dispositifs techniques que l'on est en train d'introduire en matière d'éclairage public - à savoir, notamment, des procédés permettant de réguler de façon beaucoup plus précise l'éclairage et donc de maîtriser la consommation d'énergie - se pose un problème éminemment politique dans ce débat: c'est le sentiment de sécurité, versus consommation d'énergie. Et, sur ce point, il est extrêmement utile que le parlement se prononce. Que souhaitez-vous, Mesdames et Messieurs les députés ? Etes-vous prêts à accepter, comme cela se fait en Suisse alémanique, que, à partir d'une certaine heure, la nuit soit noire et qu'il n'y ait plus d'éclairage public ? (Commentaires.) Ou bien considérez-vous qu'une telle perspective est inadmissible, parce que nous voulons assurer un sentiment de sécurité à la population par l'éclairage ? Et, si oui, où doit être assuré ce sentiment de sécurité ?
Il vaut donc la peine qu'on se pose ce genre de questions en commission, parce que, au-delà des dispositifs techniques qui existent et qu'on est en train de développer, il subsiste des questions, notamment le choix politique de savoir jusqu'où l'on va et ce que l'on fait, et de cela je me réjouis de discuter avec vous en commission.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1765 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est adopté par 72 oui (unanimité des votants).
Débat
M. Gabriel Barrillier (R). Chers collègues, je suis bien conscient que cette problématique paraît un peu téméraire, voire prospective, un vendredi à 22h30, mais j'aimerais quand même attirer votre attention sur le fait que notre texte propose de constituer, en collaboration avec les autorités du canton de Vaud et des départements de l'Ain et de la Haute-Savoie, une institution démocratique, un Haut-Conseil du Genevois. Il s'agirait d'une institution transfrontalière élue par les habitants de ces trois entités, qui aurait pour mandat d'étudier, de préaviser et de proposer toutes mesures visant à faciliter et encourager les relations interrégionales. Ce n'est ni une lubie, ni une chimère, mais une vision prospective.
Pourquoi faisons-nous cette proposition ? Plusieurs d'entre nous, ici, dans cette enceinte, participent depuis des années aux réunions de commissions régionales, soit dans le cadre du Conseil du Léman, soit du CRFG, et nous constatons que, bien que nous essayions de nous concerter pour résoudre les problèmes urgents qui se posent à notre région - et je crois qu'à chaque session nous abordons les problématiques de la mobilité, des communes, des frontières que l'on traverse, de la concurrence entre entreprises, etc. - ce développement explosif n'est plus vraiment maîtrisé. Ce n'est pas une critique du travail de concertation qui a été fait depuis une trentaine d'années, c'est clair, des solutions ont été étudiées, mais ce que nous observons, c'est que, particulièrement en matière de mobilité, nous sommes en train de perdre le contrôle de la situation. Et cette perte de contrôle n'est pas vraiment due au fait que nos techniciens ou nos magistrats ne font rien, mais bien au fait, j'en ai la conviction, que les intentions et les décisions prises - dans le cadre, notamment, du CRFG - ne sont ni connues ni comprises par les populations et les habitants. Il y a donc un déficit démocratique et pédagogique qui fait que, finalement, les gens ne savent pas ce que l'on prépare en vue d'améliorer la situation. Et ce déficit démocratique entrave la réalisation des infrastructures indispensables particulièrement, je l'ai dit mais je le répète, en matière de mobilité.
Ce n'est pas un miracle que l'on va réaliser immédiatement avec cette proposition de motion, mais il me semble que le canton de Genève, qui est au centre du dispositif, devrait prendre des initiatives pour créer une institution permanente, élue selon des critères à déterminer, mais qui soit responsable. En somme, elle devrait être le pouvoir législatif en face du pouvoir exécutif qu'est le CRFG. Il faut un supplément de démocratie, sinon cette région ne se fera pas et nous reconstruirons les murailles que nous connaissions au XVIe siècle, ce qui à mon avis, dans une société mondialisée, serait vraiment une régression.
Ainsi, le groupe radical vous demande de faire bon accueil à cette proposition, un peu téméraire et prospective, je le répète, mais enfin, nous pouvons quand même un peu rêver !
La présidente. Merci, Monsieur le député. Désirez-vous que cette proposition de motion soit renvoyée au Conseil d'Etat ou en commission ?
M. Gabriel Barrillier. Je pense que, finalement, il serait bien de la renvoyer à la commission des affaires communales, régionales et internationales, pour discuter et procéder à des auditions.
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Le groupe démocrate-chrétien salue la vision politique des radicaux qui ont déposé cette proposition de motion. D'aucuns diront que l'histoire se répète. Eh oui, elle se répète, n'en déplaise à M. Stauffer ! Il n'y a qu'à regarder ce qui s'est passé depuis le rattachement de Genève à la Confédération avec le Congrès de Vienne en 1815: Genève ne peut pas vivre sans ses voisins immédiats, qui sont tant le Pays Gessien que la Haute-Savoie. C'est une réalité ! Car nous sommes le centre d'une région, un centre dynamique qui ne peut que se développer. Or, comme l'a dit M. Barrillier, il y a un déficit démocratique dans ce développement, que l'on veut pourtant harmonieux, quand bien même des travaux importants ont été réalisés dans le cadre du groupement du Comité régional franco-valdôtain, avec notamment le Groupement local de coopération transfrontalière - GLCT.
Dès lors, sous quelque forme que ce soit, c'est l'étude en commission qui permettra, grâce à des discussions, d'entrevoir quelle est la meilleure manière d'instituer une autorité qui donne une visibilité à cette région. Aussi, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien est favorable à cette proposition de motion et la renverra à la commission des affaires communales.
Mme Christiane Favre (L). Cette région, que l'on désigne du qualificatif un peu barbare de franco-valdo-genevoise, est devenue, comme on vient de le dire, un territoire où les enjeux sont interdépendants et où les problèmes et les solutions ont changé d'échelle, dépassant très largement celle du canton.
Si cette réalité est plus palpable aujourd'hui, en raison du fort développement de ce territoire, elle ne date pourtant pas d'hier, puisqu'on a déjà trouvé des moyens et des structures de collaboration interrégionale ou transfrontalière, et que le CRFG, par exemple, a déjà trente ans. Mais ces structures, qui doivent convenir non seulement à des cantons différents mais encore à deux nations, où les compétences territoriales se répartissent à des niveaux différents, sont obligatoirement compliquées. Les résultats ne sont pas toujours à la hauteur de l'énergie dépensée et il faut bien dire que la lenteur avec laquelle évoluent les projets est assez frustrante pour les parlementaires engagés de part et d'autre comme force de réflexion et de concertation.
Il est donc certain que l'on ne pourra pas faire l'économie d'une réflexion sur l'adéquation de ces structures avec ce territoire en pleine évolution et ce qu'on attend aujourd'hui au niveau de nos institutions, de l'efficacité, de la légitimité et de la participation démocratique.
Le thème de la coopération transfrontalière figure d'ailleurs dans ce qui pourrait être les dix grands chantiers de la Constituante. Et c'est sans doute avec ces travaux que les invites de cette proposition de motion devraient être mises en perspective. Dans tous les cas, c'est une réflexion intéressante pour ce Grand Conseil et pour la commission des affaires communales, à laquelle nous vous proposons de renvoyer ce texte.
M. Eric Bertinat (UDC). Il est vrai que tant le Comité régional franco-valdo-genevois que le Conseil du Léman ne nous donnent pas entière satisfaction, et là je parle en tant que simple parlementaire. Même si l'on s'intéresse vivement à cette problématique et qu'on participe aux travaux qui, généralement, ont lieu en pleine journée - ce qui les rend assez difficiles à suivre pour les miliciens - on ne trouve pas de passerelle parlementaire entre ce qui se décide parmi nos voisins français, nos voisins vaudois et nous-mêmes. Il faut donc bien avouer que, en tant qu'élus, nous courons en ce moment après les informations pour pouvoir suivre ce qui se passe et comprendre ce qui se décide.
En revanche, là où nous sommes tous d'accord, je suppose, c'est sur le fait que cette région se dessine, se construit, et qu'il va être très difficile de rester dans son coin. Il n'en demeure pas moins que, avant de mettre sur pied une espèce de quatrième ou cinquième pouvoir, il va nous être particulièrement recommandé d'être prudents.
Vous me permettrez de vous raconter que, depuis deux ans et demi, j'habite à Annemasse et que je suis vraiment sidéré par le dynamisme de cette région, notamment parce qu'une bonne partie de l'argent gagné à Genève y est redistribuée. Il s'y construit quantité d'immeubles, les routes sont refaites, de même que les ronds-points, l'éclairage, etc.
Les milliers de logements en construction seront rapidement mis sur le marché. Il est certain que cela va attirer bon nombre de Genevois qui souffrent ici de la crise du logement et qu'il va y avoir un redéploiement du poids démographique qui va se reporter, principalement dans la région savoyarde et en partie dans celle de l'Ain.
Par conséquent, il me semble qu'il est nécessaire de se reposer de nombreuses questions quant au fait que le Grand Conseil garde la main sur ce qui se passe, et le groupe UDC sera donc tout à fait favorable à rediscuter de ce projet en commission, tel que cela a été demandé par le député Barrillier.
M. Alain Etienne (S). Que ferions-nous sans le parti radical ? Car, à vous entendre, le parti radical a tout fait et continue à agir !
Nous avons lu avec attention votre proposition de motion, effectivement la région se construit, c'est une évidence; elle s'est formée petit à petit et, au départ, il a bien fallu mettre les gens en contact. On nous a dit que c'étaient d'abord les maires qui s'étaient rencontrés, mais la région s'est aussi construite parce que les gens ont appris à se côtoyer, à s'échanger des informations et à voir comment ils pouvaient agir ensemble.
Puis, on a créé le CRFG. Vous parlez à ce propos d'«institutions balbutiantes», mais je voudrais rendre hommage ici à tout ce qui s'est fait dans le passé, en particulier à Michel Baettig qui, à l'époque où j'ai commencé à participer aux travaux de la commission des affaires communales, régionales et internationales, avait lui-même proposé que des députés de cette commission puissent aller siéger au sein du Conseil du Léman et du CRFG.
Bien évidemment, on peut dire aujourd'hui qu'il y a un déficit démocratique, certes, on peut trouver mieux, mais en 1997 c'était une idée géniale que de pouvoir assister à ces réunions. Même s'il est vrai qu'en arrivant à ces séances on ne disposait pas de toutes les informations et qu'on prenait souvent les décisions sur le siège - on est désigné par notre commission. Au Conseil du Léman, toutefois, il n'y a qu'un représentant. Que défend-on alors ? Quelle position ? La sienne ? On voit donc que cela pose quelques soucis, mais je voulais quand même saluer toutes ces personnes et associations qui ont fait la région jour après jour et sur le terrain - notamment, l'Agedri, mentionnée dans l'exposé des motifs. Je sais d'ailleurs que M. Milleret est souvent cité comme une personne ayant beaucoup oeuvré pour la région, et je pense qu'il est important de souligner le travail effectué.
Le parti socialiste soutient cette proposition de motion et il est favorable à son renvoi en commission: afin d'étudier ce que l'on peut faire, afin de trouver d'autres moyens d'intervenir, afin de savoir quelle nouvelle instance il faut créer et, le cas échéant, quel support juridique lui apporter. Mais il faudra voir si c'est compatible avec les règlements français et suisses selon la base légale de notre Confédération et quel coût cela va entraîner.
Mme Emilie Flamand (Ve). Comme il l'a été relevé à plusieurs reprises, on ne parle plus d'agglomération genevoise, mais franco-valdo-genevoise. Notre région s'étend, elle ne connaît pas de frontière démographique ou géographique, mais une frontière politique et administrative qui pose certains problèmes. La solution très précise qui est proposée par ce texte nous paraît difficilement applicable telle quelle, mais il est certain que le développement actuel de la région se fait de manière assez peu démocratique et nous pensons que le problème vaut la peine d'être étudié.
Pour cette raison, nous soutiendrons le renvoi de cette proposition de motion à la commission des affaires communales, régionales et internationales.
M. Eric Stauffer (MCG). N'en déplaise au député Ducrot, ce dernier m'a posé une question qui m'a donné à réfléchir... (Exclamations. Commentaires.) Je suis donc allé chercher la constitution genevoise... (Brouhaha.) Mais oui, Mesdames et Messieurs, nous sommes régis par des lois et une constitution, et je lis dans celle-ci certaines choses très intéressantes.
Vous parlez d'une région franco-valdo-genevoise, eh bien figurez-vous que, dans le Traité de Turin, à l'article V, il est dit: «Les marchandises et denrées qui, en venant des Etats de Sa Majesté et du Port Franc de Gênes, traverseront la route dite du Simplon [...]» sont exemptes de taxes. On voit donc que, si l'on appliquait la constitution genevoise et le Traité de Turin entre Sa Majesté le roi de Sardaigne, la Confédération suisse et le canton de Genève, c'est que la région existe déjà depuis au moins deux siècles, et c'est bien la preuve qu'il n'y a aucune volonté de la part de nos amis français de respecter les traités jadis signés par la royauté française.
Si l'on va plus loin, on voit que, dans le traité ancien du nord de Genève - et c'est dans la constitution actuelle, ce n'est donc pas de l'histoire - il est écrit dans le Traité entre Sa Majesté Très Chrétienne et la République de Genève, à l'article 3: «Réciproquement Sa Majesté cède pour Elle et ses successeurs, à la République de Genève tous ses droits sur les terres de la directe de la Baronnie de Gex situées dans l'étendue du Mandement de Peney [...]». Pourquoi est-ce que je vous explique tout cela ? Parce que j'en arrive à la conclusion qu'il faut vraiment changer cette constitution qui est tombée en désuétude ! En effet, il y est inscrit, par exemple, que les terrains situés dans l'étendue du Mandement et appartenant à des catholiques ne peuvent être cédés qu'à des catholiques et exploités que par ces derniers ! (Exclamations.) Ce qui, vous en conviendrez, n'est absolument plus d'actualité ! Par conséquent, nous devons déjà modifier notre constitution genevoise, pour ensuite laisser nos autorités fédérales négocier avec la capitale française, parce que, comme vous le savez, tout est décidé à Paris, et que les élus de la région frontalière voisine de Genève n'ont malheureusement aucun pouvoir. Nous l'avons vu notamment avec les problèmes que les PME rencontrent pour aller travailler sur le territoire français, alors que, lorsque c'est l'inverse, on leur déroule le tapis rouge.
Le groupe MCG s'opposera donc à cette proposition de motion, car, bien qu'elle parte d'un bon principe, elle est prématurée ! Changeons d'abord notre constitution, laissons négocier les autorités fédérales avec le gouvernement français - qui n'est plus une royauté, comme vous le savez - et nous verrons à ce moment-là s'il y a une volonté commune d'agir. J'en ai terminé, Madame la présidente, et nous nous opposerons donc à cette proposition de motion.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Tout d'abord, je tiens à rassurer le groupe radical, auteur de cette proposition de motion. Un certain nombre de citations qui viennent d'être faites ont été attribuées à la constitution cantonale; or elles n'ont strictement rien à voir avec celle-ci, mais avec des traités conclus à une certaine époque entre différents Etats. Bien sûr, ces derniers portaient d'autres noms que ceux sous lesquels on les connaît aujourd'hui, mais ces traités continuent à avoir une certaine validité, notamment lorsqu'il s'agit de changer des frontières. En effet, ce n'est pas parce que la royauté est devenue une république que la frontière fluctue. Les Etats sont donc successeurs des accords passés par les gouvernements précédents.
Ce n'était pas pour faire du droit public que j'entendais prendre la parole, mais pour me prononcer sur le fond de la proposition de motion. Et cela m'amène tout d'abord, Mesdames et Messieurs les députés, à vous donner une double bonne nouvelle. J'aurais souhaité vous la communiquer dans le cadre de nos débats par une intervention du Conseil d'Etat en début de séance du Grand Conseil, mais ni la journée d'hier ni celle d'aujourd'hui ne s'y prêtaient véritablement, alors je profite du fait que l'on parle de région pour vous dire ceci.
La région Rhône-Alpes a délibéré hier sur deux questions importantes concernant Genève. Pour situer ce qu'est la région Rhône-Alpes, je précise qu'il s'agit d'un territoire de 42 000 kilomètres carrés - c'est-à-dire un peu plus grand que la Confédération suisse qui, comme vous le savez, compte 41 000 kilomètres carrés - et qui est peuplé par près de 6 millions de personnes, ce qui représente un peu moins que la population de la Confédération.
Les autorités de ce territoire important ont donc pris deux décisions. La première, prise à l'unanimité - et vous savez à quel point les confrontations politiques peuvent être vives chez nos voisins français, de même que dans l'enceinte de ce parlement - est d'adhérer au projet d'agglomération franco-valdo-genevoise. Je tiens à le souligner, parce qu'il est véritablement remarquable qu'on se préoccupe à Lyon de cette partie du territoire de la région Rhône-Alpes et qu'on en vienne à considérer - comme le dit souvent le président de cette région, M. Queyranne - que, après Lyon, la deuxième grande agglomération de Rhône-Alpes est Genève.
La deuxième décision formelle, qui nous concerne tout aussi directement, est de financer, pour la part qui incombe à la région Rhône-Alpes, la portion française du projet CEVA. Aujourd'hui, ce financement est ainsi formalisé au niveau de la région. Cette décision a également été prise à l'unanimité, toutes tendances confondues, et l'on doit s'en féliciter.
C'est vous dire que, réellement, cette région est en marche. Mais quelles institutions doit-elle se donner ? Sur ce point, nous nous devons d'être prudents et oscillons entre deux pôles. Le premier, c'est bien sûr la volonté de se doter d'institutions les plus démocratiques possibles, d'avoir des organes de gouvernance qui soient représentatifs, c'est-à-dire qu'il ne s'agisse pas uniquement, comme nous avons pu le pratiquer, d'assemblées où viennent ceux qui le souhaitent pour représenter la société civile ou les élus, mais réellement d'assemblées représentatives et, qui sait, peut-être un jour, délibératives.
Le deuxième pôle vise à respecter l'autorité des Etats. Il faut le savoir, nos voisins français sont particulièrement sensibles sur ce point, et je ne vous cacherai pas que, actuellement, je perçois même du côté des nouvelles autorités préfectorales françaises une sensibilité accrue quant à la question de savoir si l'on respecte de façon suffisamment rigoureuse les règles républicaines, ou si l'on s'en écarte. Il faut être extrêmement attentif, afin d'éviter que, par notre volonté de développer des institutions qui soient plus démocratiques, on en arrive à des malentendus et des crispations qui, finalement, remettent en question ce que nous sommes en train de construire patiemment jour après jour sur le terrain.
C'est la raison pour laquelle, tout en applaudissant aux intentions des auteurs de cette proposition de motion, il me semble extrêmement adéquat que nous puissions en débattre en commission. Cela nous permettra d'abord de discuter davantage que nous ne pouvons le faire dans le cadre d'une séance du Grand Conseil, où tous les députés sont assemblés, et peut-être aussi de trouver de façon plus fine un certain nombre de propositions qui nous permettent tout à la fois de progresser vers plus de transparence et de représentativité, et de nous assurer que nous le faisons strictement dans le cadre des compétences des Etats nationaux. En ce sens, le Conseil d'Etat appuie le renvoi de cette proposition de motion en commission.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1767 à la commission des affaires communales, régionales et internationales est adopté par 63 oui contre 6 non et 2 abstentions.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose d'arrêter là nos travaux. (Applaudissements.) Nous nous retrouvons le jeudi 13 décembre prochain. Merci à tous et à toutes. Bonne nuit !
La séance est levée à 22h55.