Séance du
vendredi 25 mai 2007 à
20h30
56e
législature -
2e
année -
8e
session -
40e
séance
M 1726
Débat
M. Eric Leyvraz (UDC). Ayant découvert au cours d'une lecture l'aide apportée par l'école du Jura à ses élèves au moyen d'un site internet, j'ai trouvé l'idée séduisante. Un contact avec M. Jean Bourquin, l'initiateur de ce concept, renforce ma conviction qu'il s'agit là d'un moyen qui plaît aux jeunes et correspond à leurs attentes.
Il faut relever que les élèves se sentent à l'aise sur la toile et posent des questions éludées en classe par la peur de paraître trop nuls. Le site leur permet de présenter leurs interrogations et d'obtenir immédiatement des réponses. Dans le Jura, trois professeurs sont à disposition trois fois par semaine - entre 18h30 et 19h30. Ils soulignent le contact facile qui s'installe et le fait que la discussion se déplace souvent vers un autre thème. Les étudiants sont reconnaissants de cette aide et le disent à leur prof. C'est un moyen supplémentaire d'aide - à domicile, en plus - accessible aujourd'hui au plus grand nombre.
Face à des enseignants déjà surchargés, pourquoi ne pas se servir des grandes compétences de profs à la retraite qui seraient heureux de se rendre utiles, sans déplacements superflus pour eux et pour des gosses qui parfois habitent loin de leur école ou de leur cycle, et avec des dépenses réduites pour un bon résultat ?
En plus, c'est un site sécurisé, les parents savent que leur enfant «chattent» avec une personne reconnue par le département. Le journal de l'une de nos deux grosses chaînes de distribution a écrit récemment un article à ce sujet qui a suscité un intérêt certain.
Il vaut la peine d'aborder le concept internet pour nos écoliers et le groupe UDC vous propose de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement.
Mme Catherine Baud (Ve). L'idée d'utiliser internet pour les élèves peut être intéressante, mais les termes de cette motion ne nous séduisent pas vraiment chez les Verts, parce que nous pensons qu'organiser un «chat» pour répondre à des questions ne résoudra pas le problème - comme vous le citez si bien dans cette motion - de l'isolement scolaire et de la solitude relationnelle.
Un enfant qui est seul chez lui derrière un ordinateur sera toujours aussi seul, même s'il peut de temps en temps contacter un enseignant. Rien ne remplace le contact personnel, et à cet égard, nous privilégions davantage le contact avec de vrais enseignants et des appuis scolaires lors de travaux surveillés le soir.
L'utilisation d'internet peut se discuter et nous sommes d'accord pour renvoyer cette motion en commission. Ce genre de site internet devrait contenir des informations et des exercices pour les élèves. Il pourrait servir d'outil pour accéder à des compléments de textes ou des compléments de programmes, par exemple, mais en tout cas pas pour que les élèves soient seuls dans leur coin, face à cet écran qui leur permettrait de faire leurs devoirs... Je crois que c'est un leurre. Nous soutiendrons donc le renvoi en commission, mais avec cette réserve.
M. Henry Rappaz (MCG). Un bref rappel pour signaler que des sites réputés proposent déjà depuis un certain temps ce genre de services. Cet appui scolaire par internet reste cependant indispensable pour plusieurs catégories d'élèves, les plus «lents» - entre guillemets - au niveau de la compréhension et les timides qui n'osent pas poser des questions en classe, de peur de paraître ridicules.
Ce forum d'appui a l'avantage d'être anonyme et les élèves peuvent appeler à l'aide plus aisément. Le Mouvement Citoyen Genevois cliquera deux fois sur la souris du PC pour soutenir cette motion qui semble aller dans le bon sens.
La présidente. Je passe la parole à M. Roger Deneys pour le groupe socialiste.
M. Roger Deneys (S). Merci, Madame l'excellente présidente, que je salue à la tribune...
Des voix. Flatteur ! (Remarques.)
M. Roger Deneys. Absolument exceptionnelle, cette présidente. (Exclamations.)
Pour revenir à la proposition de motion qui nous intéresse, les socialistes partagent les réserves exprimées par les Verts. Le rapport personnel, mais surtout ce que j'appellerais le rapport humain, semble primordial dans les questions d'éducation. Le face à face pédagogique devrait être suivi par un face à face humain, et ce n'est pas par internet - je parle en connaissance de cause, puisque je suis dans l'informatique tout la journée - que l'on peut résoudre tous les problèmes d'éducation.
Certes, cela vient s'ajouter à d'autres possibilités - et pourquoi ne pas en tenir en compte - mais j'aimerais quand même attirer l'attention de M. Leyvraz sur le fait que le canton du Jura est un canton rural avec des petits villages et que Genève est un canton - vous l'avez remarqué sans doute - urbain, dans lequel il est peut-être plus facile de regrouper des élèves à certains endroits, et peut-être même à moindre coût qu'avec une solution informatique qui demande des capacités non négligeables: il faut savoir lire, il faut savoir utiliser un ordinateur... Ce n'est pas difficile de cliquer, mais savoir lire et écrire est un minimum, ce qui n'est pas toujours évident dans les apprentissages de base.
On soutiendra le renvoi en commission.
M. Mario Cavaleri (PDC). Si je devais utiliser le langage «viti-vinicole» de notre cher collègue, je me permettrai de dire que cette motion n'est pas un grand cru, mais qu'elle est d'un certain intérêt... Ce n'est pas une tête de cuvée, mais on soutiendra le renvoi en commission, bien entendu.
Ce qui nous intéresse par rapport aux expériences menées dans le Jura, c'est de savoir dans quelle mesure elles pourraient être transposables dans le contexte genevois. Il n'est peut-être pas identique au contexte jurassien, mais justement, une étude en commission serait l'occasion d'en discuter et de voir dans le détail ce qui peut être imaginé.
Comme cela a déjà été dit, un soutien internet ne remplacera jamais les pédagogues qui accompagnent le travail des jeunes en formation, mais je pense que cela peut en effet constituer un éventuel complément, pour autant qu'il y ait une structure d'accompagnement appropriée.
Pour ces raisons, le groupe démocrate-chrétien soutiendra le renvoi en commission, de manière que l'on puisse discuter de cet objet.
M. Claude Aubert (L). J'imagine qu'il y a plusieurs siècles, voire quelques millénaires, ici même - pas dans ce bâtiment qui n'existait pas encore, mais peut-être sur les berges du lac - on a décidé d'introduire à l'école le papier et le crayon, alors que jusque là on avait utilisé la pierre. Il y a probablement eu énormément de discussions pour dire que le papier et le crayon n'étaient pas utilisables, mais l'histoire a montré que c'est cette direction que l'on a prise.
Internet, c'est l'avenir, et par conséquent, même si plusieurs choses dans les invites sont à discuter, les libéraux sont d'accord de parier sur l'avenir.
M. Gilbert Catelain (UDC). Ce qui est valable pour le canton du Jura l'est aussi pour le secteur professionnel. Dans l'industrie automobile par exemple, la formation des apprentis mécaniciens de Mercedes se fait en partie sur internet, les apprentis utilisant cet outil pour se perfectionner et remplir leurs objectifs d'apprentissage.
L'administration fédérale utilise aussi internet. Dans un centre national où les étudiants ou apprentis sont décentralisés, le suivi de la formation se fait par ce moyen, avec des professeurs ou des instructeurs professionnels qui sont les coachs de ces élèves, qui corrigent les devoirs et leur apporte du soutien. Certains professeurs n'hésitent pas à mettre à disposition leur adresse e-mail pour offrir un soutien aux élèves.
Je rappelle que ce Grand Conseil a voté des crédits importants pour équiper les établissements scolaires d'outils informatiques. Les élèves ont maintenant des adresses e-mail dans le cadre de leur établissement scolaire. Cette motion permet aussi de dynamiser et d'optimiser les infrastructures informatiques votées par ce Grand Conseil.
Je suis heureux du soutien qui est apporté en faveur d'un renvoi en commission de cette motion; on peut être sceptique sur certaines invites et être favorable à d'autres, et je crois que le débat mérite d'être mené en commission. D'autant plus que, dans le cadre du contre-projet relatif aux initiatives sur le cycle d'orientation, on va parler de l'échec scolaire, et la piste internet est un outil à part entière qui mérite d'être essayé comme remède pour certains élèves dans cette situation.
Il ne faut pas oublier non plus qu'aux Etats-Unis les militantes féministes condamnent la mixité dans les classes, parce qu'elles révèlent, à tort ou à raison, que les filles ont beaucoup de mal à y poser des questions à cause des reproches que leur adressent les élèves masculins. Et le fait de ne pas pouvoir poser des questions en classe - et c'est reconnu - peut être compensé par un soutien internet ou une relation directe avec le professeur ou l'instituteur.
Pour ces motifs, je propose de soutenir le renvoi en commission.
La présidente. Je vous remercie, Monsieur le député, et je repasse la parole à M. Eric Leyvraz, à qui il reste une minute et quarante-deux secondes.
M. Eric Leyvraz. Je vous remercie, Madame la présidente, mais je renonce.
M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Très brièvement, je prendrai la parole pour vous dire que, bien entendu, on ne s'oppose pas à l'étude d'un tel projet en commission. J'aimerais cependant relever que, si l'expérience jurassienne est ici montrée en exemple, il faut au moins ajouter les chiffres... Dans le canton du Jura, huit élèves se connectent par jour, ce qui montre un certain nombre de difficultés liées à l'expérience. Voilà pour le premier point.
Le deuxième point qu'il convient de constater, c'est que, en réalité, encourager les élèves à aller seuls sur internet n'est pas véritablement ce que nous préconisons au département de l'instruction publique. Nous avons pris la peine, institutionnellement, d'équiper tous les postes et sorties informatiques d'un filtre qui empêche l'accès aux sites violents, pornographiques ou autres sites non fréquentables, alors que la plupart des ménages privés laissent libre accès à tous les genres de sites.
Troisième point. J'ai dit en préambule qu'il y avait un intérêt à étudier toute proposition. J'aimerais relever dire que si l'expérience du Jura peut avoir de l'intérêt pour les autres cantons, il faut néanmoins faire en sorte de ne pas seulement dupliquer un système dans le canton de Genève, mais bien d'investir, comme nous le faisons actuellement dans l'harmonisation scolaire notamment, parce que c'est un point qui pourrait être repris sous l'égide de la CIIP.
Vous savez que nous travaillons en ce moment sur un plan d'étude commun à l'ensemble de la Suisse romande au niveau de la CIIP - un plan d'étude unique ! - et il conviendrait donc de ne pas investir maintenant dans des éléments qui permettraient de préparer les devoirs genevois à la maison, mais bien d'adapter directement les outils de demain aux exigences en matière d'harmonisation.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1726 à la commission de l'enseignement et de l'éducation est adopté par 51 oui et 4 abstentions.