Séance du
vendredi 25 mai 2007 à
20h30
56e
législature -
2e
année -
8e
session -
40e
séance
La présidente. La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Anne Mahrer, présidente.
Assistent à la séance: MM. Charles Beer, président du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, Robert Cramer, Pierre-François Unger et François Longchamp, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. David Hiler et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. David Amsler, Guillaume Barazzone, Marcel Borloz, Beatriz de Candolle, Claude Marcet, Pascal Pétroz et René Stalder, députés.
Annonces et dépôts
La présidente. La commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer la pétition suivante à la commission des pétitions:
Pétition pour une subvention cantonale 2008 qui compense pleinement la réduction des subventions fédérales pour des prestations de qualité aux jeunes avec un encadrement suffisant (P-1628)
Débat
La présidente. Les auteurs de cette motion étant pour le moins absents,... (Remarques.) ...je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Charles Beer. (Exclamations. Applaudissements.)
M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. J'aimerais dire très brièvement que nous avons évoqué cette motion mercredi en commission, parce que nous nous apprêtons à discuter de la politique des langues en général - on l'a vu tout à l'heure par rapport aux élèves des classes d'accueil du Cycle d'orientation.
Nous avons convenu unanimement en commission de renvoyer cette motion - sans autre forme de procédure et sans débat - à la commission. Je me fais donc l'interprète de cette dernière en vous demandant d'approuver ce renvoi.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1718 à la commission de l'enseignement et de l'éducation est adopté par 18 oui contre 16 non et 1 abstention.
Présidence de Mme Loly Bolay, première vice-présidente
Débat
M. Eric Leyvraz (UDC). Ayant découvert au cours d'une lecture l'aide apportée par l'école du Jura à ses élèves au moyen d'un site internet, j'ai trouvé l'idée séduisante. Un contact avec M. Jean Bourquin, l'initiateur de ce concept, renforce ma conviction qu'il s'agit là d'un moyen qui plaît aux jeunes et correspond à leurs attentes.
Il faut relever que les élèves se sentent à l'aise sur la toile et posent des questions éludées en classe par la peur de paraître trop nuls. Le site leur permet de présenter leurs interrogations et d'obtenir immédiatement des réponses. Dans le Jura, trois professeurs sont à disposition trois fois par semaine - entre 18h30 et 19h30. Ils soulignent le contact facile qui s'installe et le fait que la discussion se déplace souvent vers un autre thème. Les étudiants sont reconnaissants de cette aide et le disent à leur prof. C'est un moyen supplémentaire d'aide - à domicile, en plus - accessible aujourd'hui au plus grand nombre.
Face à des enseignants déjà surchargés, pourquoi ne pas se servir des grandes compétences de profs à la retraite qui seraient heureux de se rendre utiles, sans déplacements superflus pour eux et pour des gosses qui parfois habitent loin de leur école ou de leur cycle, et avec des dépenses réduites pour un bon résultat ?
En plus, c'est un site sécurisé, les parents savent que leur enfant «chattent» avec une personne reconnue par le département. Le journal de l'une de nos deux grosses chaînes de distribution a écrit récemment un article à ce sujet qui a suscité un intérêt certain.
Il vaut la peine d'aborder le concept internet pour nos écoliers et le groupe UDC vous propose de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement.
Mme Catherine Baud (Ve). L'idée d'utiliser internet pour les élèves peut être intéressante, mais les termes de cette motion ne nous séduisent pas vraiment chez les Verts, parce que nous pensons qu'organiser un «chat» pour répondre à des questions ne résoudra pas le problème - comme vous le citez si bien dans cette motion - de l'isolement scolaire et de la solitude relationnelle.
Un enfant qui est seul chez lui derrière un ordinateur sera toujours aussi seul, même s'il peut de temps en temps contacter un enseignant. Rien ne remplace le contact personnel, et à cet égard, nous privilégions davantage le contact avec de vrais enseignants et des appuis scolaires lors de travaux surveillés le soir.
L'utilisation d'internet peut se discuter et nous sommes d'accord pour renvoyer cette motion en commission. Ce genre de site internet devrait contenir des informations et des exercices pour les élèves. Il pourrait servir d'outil pour accéder à des compléments de textes ou des compléments de programmes, par exemple, mais en tout cas pas pour que les élèves soient seuls dans leur coin, face à cet écran qui leur permettrait de faire leurs devoirs... Je crois que c'est un leurre. Nous soutiendrons donc le renvoi en commission, mais avec cette réserve.
M. Henry Rappaz (MCG). Un bref rappel pour signaler que des sites réputés proposent déjà depuis un certain temps ce genre de services. Cet appui scolaire par internet reste cependant indispensable pour plusieurs catégories d'élèves, les plus «lents» - entre guillemets - au niveau de la compréhension et les timides qui n'osent pas poser des questions en classe, de peur de paraître ridicules.
Ce forum d'appui a l'avantage d'être anonyme et les élèves peuvent appeler à l'aide plus aisément. Le Mouvement Citoyen Genevois cliquera deux fois sur la souris du PC pour soutenir cette motion qui semble aller dans le bon sens.
La présidente. Je passe la parole à M. Roger Deneys pour le groupe socialiste.
M. Roger Deneys (S). Merci, Madame l'excellente présidente, que je salue à la tribune...
Des voix. Flatteur ! (Remarques.)
M. Roger Deneys. Absolument exceptionnelle, cette présidente. (Exclamations.)
Pour revenir à la proposition de motion qui nous intéresse, les socialistes partagent les réserves exprimées par les Verts. Le rapport personnel, mais surtout ce que j'appellerais le rapport humain, semble primordial dans les questions d'éducation. Le face à face pédagogique devrait être suivi par un face à face humain, et ce n'est pas par internet - je parle en connaissance de cause, puisque je suis dans l'informatique tout la journée - que l'on peut résoudre tous les problèmes d'éducation.
Certes, cela vient s'ajouter à d'autres possibilités - et pourquoi ne pas en tenir en compte - mais j'aimerais quand même attirer l'attention de M. Leyvraz sur le fait que le canton du Jura est un canton rural avec des petits villages et que Genève est un canton - vous l'avez remarqué sans doute - urbain, dans lequel il est peut-être plus facile de regrouper des élèves à certains endroits, et peut-être même à moindre coût qu'avec une solution informatique qui demande des capacités non négligeables: il faut savoir lire, il faut savoir utiliser un ordinateur... Ce n'est pas difficile de cliquer, mais savoir lire et écrire est un minimum, ce qui n'est pas toujours évident dans les apprentissages de base.
On soutiendra le renvoi en commission.
M. Mario Cavaleri (PDC). Si je devais utiliser le langage «viti-vinicole» de notre cher collègue, je me permettrai de dire que cette motion n'est pas un grand cru, mais qu'elle est d'un certain intérêt... Ce n'est pas une tête de cuvée, mais on soutiendra le renvoi en commission, bien entendu.
Ce qui nous intéresse par rapport aux expériences menées dans le Jura, c'est de savoir dans quelle mesure elles pourraient être transposables dans le contexte genevois. Il n'est peut-être pas identique au contexte jurassien, mais justement, une étude en commission serait l'occasion d'en discuter et de voir dans le détail ce qui peut être imaginé.
Comme cela a déjà été dit, un soutien internet ne remplacera jamais les pédagogues qui accompagnent le travail des jeunes en formation, mais je pense que cela peut en effet constituer un éventuel complément, pour autant qu'il y ait une structure d'accompagnement appropriée.
Pour ces raisons, le groupe démocrate-chrétien soutiendra le renvoi en commission, de manière que l'on puisse discuter de cet objet.
M. Claude Aubert (L). J'imagine qu'il y a plusieurs siècles, voire quelques millénaires, ici même - pas dans ce bâtiment qui n'existait pas encore, mais peut-être sur les berges du lac - on a décidé d'introduire à l'école le papier et le crayon, alors que jusque là on avait utilisé la pierre. Il y a probablement eu énormément de discussions pour dire que le papier et le crayon n'étaient pas utilisables, mais l'histoire a montré que c'est cette direction que l'on a prise.
Internet, c'est l'avenir, et par conséquent, même si plusieurs choses dans les invites sont à discuter, les libéraux sont d'accord de parier sur l'avenir.
M. Gilbert Catelain (UDC). Ce qui est valable pour le canton du Jura l'est aussi pour le secteur professionnel. Dans l'industrie automobile par exemple, la formation des apprentis mécaniciens de Mercedes se fait en partie sur internet, les apprentis utilisant cet outil pour se perfectionner et remplir leurs objectifs d'apprentissage.
L'administration fédérale utilise aussi internet. Dans un centre national où les étudiants ou apprentis sont décentralisés, le suivi de la formation se fait par ce moyen, avec des professeurs ou des instructeurs professionnels qui sont les coachs de ces élèves, qui corrigent les devoirs et leur apporte du soutien. Certains professeurs n'hésitent pas à mettre à disposition leur adresse e-mail pour offrir un soutien aux élèves.
Je rappelle que ce Grand Conseil a voté des crédits importants pour équiper les établissements scolaires d'outils informatiques. Les élèves ont maintenant des adresses e-mail dans le cadre de leur établissement scolaire. Cette motion permet aussi de dynamiser et d'optimiser les infrastructures informatiques votées par ce Grand Conseil.
Je suis heureux du soutien qui est apporté en faveur d'un renvoi en commission de cette motion; on peut être sceptique sur certaines invites et être favorable à d'autres, et je crois que le débat mérite d'être mené en commission. D'autant plus que, dans le cadre du contre-projet relatif aux initiatives sur le cycle d'orientation, on va parler de l'échec scolaire, et la piste internet est un outil à part entière qui mérite d'être essayé comme remède pour certains élèves dans cette situation.
Il ne faut pas oublier non plus qu'aux Etats-Unis les militantes féministes condamnent la mixité dans les classes, parce qu'elles révèlent, à tort ou à raison, que les filles ont beaucoup de mal à y poser des questions à cause des reproches que leur adressent les élèves masculins. Et le fait de ne pas pouvoir poser des questions en classe - et c'est reconnu - peut être compensé par un soutien internet ou une relation directe avec le professeur ou l'instituteur.
Pour ces motifs, je propose de soutenir le renvoi en commission.
La présidente. Je vous remercie, Monsieur le député, et je repasse la parole à M. Eric Leyvraz, à qui il reste une minute et quarante-deux secondes.
M. Eric Leyvraz. Je vous remercie, Madame la présidente, mais je renonce.
M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Très brièvement, je prendrai la parole pour vous dire que, bien entendu, on ne s'oppose pas à l'étude d'un tel projet en commission. J'aimerais cependant relever que, si l'expérience jurassienne est ici montrée en exemple, il faut au moins ajouter les chiffres... Dans le canton du Jura, huit élèves se connectent par jour, ce qui montre un certain nombre de difficultés liées à l'expérience. Voilà pour le premier point.
Le deuxième point qu'il convient de constater, c'est que, en réalité, encourager les élèves à aller seuls sur internet n'est pas véritablement ce que nous préconisons au département de l'instruction publique. Nous avons pris la peine, institutionnellement, d'équiper tous les postes et sorties informatiques d'un filtre qui empêche l'accès aux sites violents, pornographiques ou autres sites non fréquentables, alors que la plupart des ménages privés laissent libre accès à tous les genres de sites.
Troisième point. J'ai dit en préambule qu'il y avait un intérêt à étudier toute proposition. J'aimerais relever dire que si l'expérience du Jura peut avoir de l'intérêt pour les autres cantons, il faut néanmoins faire en sorte de ne pas seulement dupliquer un système dans le canton de Genève, mais bien d'investir, comme nous le faisons actuellement dans l'harmonisation scolaire notamment, parce que c'est un point qui pourrait être repris sous l'égide de la CIIP.
Vous savez que nous travaillons en ce moment sur un plan d'étude commun à l'ensemble de la Suisse romande au niveau de la CIIP - un plan d'étude unique ! - et il conviendrait donc de ne pas investir maintenant dans des éléments qui permettraient de préparer les devoirs genevois à la maison, mais bien d'adapter directement les outils de demain aux exigences en matière d'harmonisation.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1726 à la commission de l'enseignement et de l'éducation est adopté par 51 oui et 4 abstentions.
Débat
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Pour le parti démocrate-chrétien, nous tenons à exprimer notre satisfaction sur cette résolution, pour au moins trois raisons.
Ce projet d'agrandissement correspond à ce que nous appelons de nos voeux dans bien des domaines, Madame la présidente; premièrement, la responsabilité et le financement par le canton, la Ville de Genève et les communes genevoises; deuxièmement, une attention toute particulière portée au partenariat public-privé; troisièmement, un point important, ce respect de l'ancien, de l'original, qui est incarné par le bâtiment actuel - il n'est peut-être pas fantastique, mais il appartient au patrimoine genevois.
C'eût été une faute, une erreur, une incongruité, une absurdité, voire un non-sens, que d'imaginer détruire ce bâtiment actuel porteur de l'histoire d'un quartier. A la page 6 de la proposition de résolution, on peut lire une critique sur le fait de «[...] conserver un édifice ancien, significatif pour le quartier mais dont l'intérêt patrimonial reste limité et local, [...]». Eh bien, nous avons été particulièrement sensibles à cela, Madame la présidente, car au parti démocrate-chrétien, entendre parler d'un intérêt patrimonial «limité et local» nous a fait immédiatement tracer un parallèle avec les objets présentés au Musée d'ethnographie et qui ont pu, en leur temps, apparaître d'un intérêt «limité et local»...
Nous nous réjouissons que, symboliquement, le Musée d'ethnographie, qui pourra bénéficier d'un agrandissement dans les meilleurs conditions, soit un écrin, un bâtiment qui reflète l'histoire de Genève, et c'est pour cela que nous voterons cette résolution avec enthousiasme.
M. Henry Rappaz (MCG). Le Mouvement Citoyen Genevois soutiendra le projet d'agrandissement du Musée d'ethnographie en souhaitant qu'un groupe plus opérationnel et efficace soit créé, pour enfin nous proposer un avant-projet réaliste dont les plans - espérons-le - ne finiront pas lamentablement et comme les précédents dans les archives du même musée.
M. Christophe Aumeunier (L). Depuis cent six ans, le Musée d'ethnographie est l'un des fleurons de Genève. Deuxième de Suisse, connu internationalement par ses publications, ce musée est aussi le gardien de l'histoire de l'Homme et des civilisations traditionnelles des cinq continents, le décrypteur des sociétés et le trait d'union des communautés présentes dans notre canton.
Le 21 mars dernier, le Conseil municipal de la Ville de Genève adoptait à l'unanimité la résolution 513 relative au projet d'agrandissement et de rénovation du Musée d'ethnographie. Cette unanimité efface la déception du 2 décembre 2001 et redonne espoir à tous ceux qui appellent de leurs voeux l'aboutissement d'un projet offrant au musée un nouvel avenir.
Aujourd'hui, c'est à notre tour d'approuver une résolution forte pour affirmer notre volonté de soutenir l'agrandissement du musée sur son site actuel. Ce site de Carl-Vogt trouve un consensus aussi bien dans les milieux politiques que dans les milieux associatifs d'habitants et de sauvegarde du patrimoine. Ce choix permet également à la Ville de Genève d'utiliser le legs Lancoux pour financer les premières étapes du projet.
Notre groupe soutient donc le vote de cette motion.
La présidente. C'est une résolution, Monsieur le député.
M. Roger Deneys (S). Sans refaire l'histoire du musée aussi bien que M. Aumeunier, les socialistes soutiennent bien entendu cette proposition de résolution, essentiellement parce que c'est le moyen, impératif, pour relancer un projet d'extension du Musée d'ethnographie. Dans le musée actuel, il n'y pas assez de place pour de nombreuses pièces et il est nécessaire de mettre en valeur ce patrimoine historique et culturel.
Il est important d'aller de l'avant et de trouver un accord entre la Ville et le canton, car c'est uniquement si notre Grand Conseil accepte cette résolution que la Ville de Genève pourra organiser le concours.
Nous vous invitons à voter massivement cette résolution, et cela ne préjuge en rien des choix qui seront faits au moment où le résultat du concours sera connu, puisque nous devrons voter sur une enveloppe budgétaire pour un nouveau bâtiment - ce vote se fera plus tard.
Aujourd'hui, il s'agit de donner un signal fort. Il faut développer ce musée et nous encourageons à voter cette résolution.
M. Frédéric Hohl (R). Le groupe radical a lu avec beaucoup d'attention le projet. Nous sommes conscients que c'est un travail considérable qui a été effectué... Des années de travail: en 1980, environ quatorze sites ont été envisagés pour un éventuel déplacement ou une reconstruction; en 2002, constitution d'un groupe de travail Ville-Etat-commune... Il faut saluer également le legs de 9 millions de Mme Lancoux. Nous avons bien évidemment le sentiment que le travail a été bien fait, et le groupe radical soutient la résolution.
M. Eric Ischi (UDC). Nous aussi, groupe UDC, sommes très satisfaits de cette résolution. Il faut relever enfin ce consensus qui apparaît entre le canton, la Ville et les communes.
J'aimerais vous rappeler que le Musée d'ethnographie a été un serpent de mer digne de la traversée de la rade, et je n'exagère pas. Rappelez-vous les débats qui ont eu lieu à la Ville de Genève sur le projet à la place Sturm, pour finir par le «rayer de la carte».
Aujourd'hui, cette résolution nous convient parfaitement. J'aimerais encore souligner que si elle est présentée de cette manière, c'est aussi sous la «pression», si je puis dire, du nouveau directeur du Musée d'ethnographie, M. Hainard, qui, peu après son arrivée, a défendu le maintien et le développement du Musée d'ethnographie dans le quartier où il se trouve.
Donc, nous soutenons cette résolution.
La présidente. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Gilbert Catelain - il ne lui reste plus qu'une minute et trente-sept secondes pour s'exprimer.
M. Gilbert Catelain (UDC). La résolution qui nous est proposée ne demande finalement pas grand-chose, puisqu'elle invite simplement la Ville de Genève à lancer un concours d'architecture aussitôt que le Conseil municipal de la Ville de Genève en aura décidé ainsi. On ne s'engage donc trop et force est de constater que les habitants de la ville de Genève ont bien fait de refuser le crédit d'environ 100 millions, puisque le projet actuel tourne autour des 30 millions. C'est donc une économie de près de 70 millions pour les citoyens de la ville de Genève.
Sur cette base-là, on a un consensus qui devrait permettre d'aboutir à la rénovation d'un musée d'ethnographie qui réaffirme le rôle de Genève dans ce secteur. Et là, je rejoins mon collègue: on peut soutenir cette résolution.
M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Je serai extrêmement bref. Je salue la qualité du projet et le fait que les énergies politiques, les collectivités publiques et les partis semblent se rassembler autour d'un projet nouveau et redimensionné qui a l'avantage de ne pas réinventer la roue en restant dans le lieu d'origine du Musée d'ethnographie.
Mesdames et Messieurs les députés, c'est un objet majeur. Genève a besoin d'un musée d'ethnographie qui puisse montrer ses collections, actuellement en grande partie indisponibles pour le public, ce qui est un manque évident.
J'aimerais bien entendu saluer la qualité du directeur actuel, M. Jacques Hainard, qui a su, par sa sagesse, contribuer à rassembler l'ensemble des forces politiques, des collectivités publiques et partis. Mais, parce que j'ai suivi depuis quelques années ce projet, je tiens également à saluer la contribution du prédécesseur de M. Hainard, M. Ninian Hubert van Blyenburgh, qui mérite aussi d'être reconnu dans ce projet culturel digne de Genève.
Mise aux voix, la résolution 515 est adoptée et renvoyée à la Ville de Genève par 56 oui et 2 abstentions.
Débat
M. Michel Forni (PDC), rapporteur. Je voudrais rappeler deux éléments. Le premier texte, rapport de la commission de la santé, découle d'une pétition qui émane de quatre syndicats. Plus de 1000 membres des commissions de la santé qui travaillent sur le terrain tous les jours ont signé cette pétition.
Cette pétition comporte deux requêtes. La première est une revalorisation du statut des aides-soignants et la deuxième est un plaidoyer en faveur d'une formation professionnelle. Cette pétition veut introduire des mécanismes pour soutenir ces deux éléments, elle traite donc de la formation, de l'emploi et, surtout, de la validation des titres.
Il faut savoir que parmi les 3000 aides-soignants qui travaillent dans les établissements publics et privés de Genève, 1500 sont malheureusement des aides-soignants non qualifiés. C'est là un des problèmes essentiels qui est traité par cette pétition. Il faut faire en sorte que les problèmes générés par ce manque de qualification soient rapidement résolus.
D'autre part, il faut signaler l'apparition et le développement d'un titre intermédiaire, d'«assistant en soins et en santé communautaire», qui intervient entre le titre d'infirmière et le titre d'aide-soignant. On attend une ordonnance fédérale qui devrait légaliser ce statut.
Il faut aussi signaler une intrication avec des mécanismes de transformation des CAS - les centres d'action sociale - qui sont actuellement en restructuration. Et il y a peut-être aussi un oubli de certains pétitionnaires concernant des moyens de recours en termes de politique salariale.
C'est la raison pour laquelle la commission de la santé recommande de donner la priorité à l'aspect de la formation professionnelle et insiste pour que les centres de formation qui existent à Genève soient reconduits et poursuivent leur mission. Elle insiste aussi sur la nécessité de former un nombre suffisant d'aides-soignants pour couvrir les besoins privés et publics et sur la nécessité d'encourager les dispositifs de formation supplémentaire et complémentaire qui doivent, par des systèmes de passerelles, aboutir à des CFC. Cela contribuera à la formation continue et permettra d'optimiser la relève de ces aides-soignants.
C'est la raison pour laquelle la commission de la santé vous propose de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat et de voter le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil.
M. Alain Charbonnier (S). Le rapporteur vient de dire que la commission de la santé recommande de déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil, mais ce n'est pas tout à fait exact. Ce n'est que la majorité de la commission de la santé qui fait cette recommandation: sans le parti socialiste, sans les Verts et le MCG qui se sont opposés en commission au classement de cette pétition.
Il s'agit donc d'une pétition à deux volets, comme l'a expliqué le rapporteur, un volet sur la revalorisation des salaires et un autre sur la formation.
Les aides-soignants sont des personnes qui travaillent en bas de l'échelle des soins, que ce soit aux HUG, en EMS ou à la Fondation des soins et aide à domicile. Ils sont en classe 5 de l'échelle des traitements de l'Etat de Genève et leurs salaires sont vraiment bas. Ils font un travail essentiel. D'ailleurs il n'y a pas si longtemps, M. le conseiller d'Etat Unger, en charge du département de la santé, nous disait à quel point, en tant qu'ancien professeur des urgences, il plaçait toute sa confiance en ces personnes lorsqu'il avait une question à poser sur la marche du service. Il disait s'adresser aux aides-soignants avant la hiérarchie - donc au-dessus - parce qu'il pensait que ces personnes étaient les plus proches des patients et le mieux au courant de ce qui se passait dans les services.
Les aides-soignants sont donc d'une importance primordiale, mais leurs difficultés de travail ont augmenté. Par exemple, le souci d'économies aux HUG fait que les gens y sont soignés beaucoup moins longtemps - on les renvoie rapidement à la maison - et c'est pourquoi la majorité des patients, qui sont des personnes venant d'arriver, demandent beaucoup de soins et que, du coup, le travail des aides-soignants augmente... Au sein des EMS, on sait aussi ce qu'il se passe... D'ailleurs, la population vient de voter en faveur d'une initiative pour accorder davantage de moyens au personnel soignant parce qu'on a bien constaté que les économies ont entraîné une situation limite des soins aux personnes âgées.
Tous ces éléments font donc que la profession d'aide-soignant a vraiment besoin d'être valorisée. Or il se trouve que, précisément, les aides-soignants non qualifiés - puisque c'est d'eux qu'il s'agit dans cette pétition - sont les premiers à se retrouver au chômage: les importantes mesures d'économie demandées aux EMS ont fait que les premiers licenciés étaient des aides-soignants non qualifiés, lesquels ont été petit à petit remplacés par des aides-soignants qualifiés, mais introuvables sur le marché genevois puisque leur formation a été suspendue pendant quelque temps et qu'elle peine à reprendre. Et aujourd'hui, les aides-soignants qualifiés doivent être cherchés loin à la ronde par les nouveaux EMS ou par les HUG ! Il nous paraît donc clair qu'il faut valoriser davantage cette profession, entre autres par la hausse du revenu.
Normalement, aux alentours de 2011, une attestation fédérale attribuera une qualification aux aides-soignants non qualifiés. Dans l'intervalle, l'Etat de Genève assurait la prise en charge de cette formation, qui a malheureusement été suspendue. La FEGEMS - pour les autres employeurs - sous l'égide d'un groupe de travail, a pu trouver un financement grâce au Fonds pour la formation et le perfectionnement professionnel - dont M. Barrillier est très proche - et grâce auquel, entre autres, la formation d'aide-soignant a pu subsister.
Au moins de juin de cette année, soit dans quelques jours, une nouvelle formation devrait démarrer, mais il manque encore une somme - que le DES a promise et dont on n'a malheureusement pas encore vu la couleur ou, en tout cas, pour laquelle on n'a pas reçu les garanties par écrit.
Quant à la suite, c'est-à-dire 2008-2009, 2009-2010, 2010-2011, on n'a toujours pas la certitude que le financement sera assuré par l'Etat de Genève, ce qui est réellement préjudiciable pour les aides-soignants non qualifiés et pour le marché du travail genevois en général.
Par cette motion, nous demandons donc que cette formation soit garantie. Je tiens à préciser encore qu'il n'y a qu'un seul lieu de formation à Genève pour les aides-soignants non qualifiés, soit le CEFOPS, avec un financement assuré par les employeurs réunis que sont les HUG, l'INSOS - prochainement - et la FEGEMS.
Nous sommes donc pour le renvoi de la pétition au Conseil d'Etat et pour le vote de la motion.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Le métier d'aide-soignant n'est pas forcément aussi simple qu'on le pense et il est indispensable au bon fonctionnement des EMS et des hôpitaux. Parce qu'il est si indispensable, les hôpitaux en particulier n'engagent actuellement que des aides-hospitaliers formés. (Brouhaha.) Se pose donc la question de la formation des aides-soignants qui travaillent depuis années dans les EMS et qui n'ont pas pu, pour des raisons X ou Y, bénéficier d'une formation.
Cette formation est actuellement mise entre parenthèses, comme il vous l'a été expliqué. (Brouhaha.) Cette pétition a donc tout son sens et, plutôt que de la déposer sur le bureau du Grand Conseil, nous proposons, comme les socialistes, de la renvoyer au Conseil d'Etat, et avec la motion 1735 qui demande une formation pour les aides-soignants, tout de suite et sans délai.
M. Claude Aubert (L). Je remercie mes préopinants d'avoir laissé au problème toute sa complexité. Il m'est difficile d'ajouter des notions, étant donné que, pour faire son rapport, notre rapporteur a laissé toute sa science. Par conséquent, je laisserai là le débat.
Les libéraux soutiennent le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil et l'adoption de la motion. Vous l'avez compris, c'est un sujet tellement vaste et compliqué que l'on ne peut pas le résumer en quelques mots.
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC soutiendra le renvoi en commission de cette motion.
On a parlé de la classe 5 pour les aides-soignants... En classe 5, ce ne sont pas des working-poors, comme voudrait nous le faire croire le parti socialiste. Bon nombre de collaboratrices et de collaborateurs de l'économie privée aimeraient avoir un salaire en classe 5, puisque d'après la loi B 5 15 sur le traitement et les diverses prestations allouées aux membres du personnel de l'Etat et des établissements hospitaliers, la classe 5 en position 15 représente quand même 65 800 F annuels... (Commentaires.) Soit 5 000 F par mois. Et vous savez très bien, Monsieur Brunier, que vous n'allez pas rester une éternité en classe 1... Vous savez aussi très bien quels sont les mécanismes de la fonction publique. C'est donc un maximum de 65 000 F pour une fonction peu qualifiée; et à cela s'ajoutent l'indemnité de vie chère et les indemnités d'heures de nuit et du dimanche, ce qui fait un salaire tout à fait convenable.
M. Forni décrit très bien dans son rapport le risque d'embaucher des frontaliers et je suis persuadé que, à ces tarifs, «il n'y pas photo», comme on dit. Une infirmière frontalière a meilleur temps de venir travailler comme aide-soignante à l'Hôpital cantonal que d'être infirmière à l'Hôpital de Saint-Julien. Et nous, nous avons tout intérêt, dans ce canton, à favoriser la remise sur le marché de chômeurs ou de chômeuses en leur offrant une formation - même si elle est lourde - puisqu'on en a besoin.
Je vous invite donc à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Je m'étonne d'ailleurs que le MCG ne soit pas encore venu s'exprimer sur cet objet.
La présidente. Je passe la parole à M. Christian Brunier. Il lui reste une minute.
M. Christian Brunier (S). Je trouve assez lamentable que, sur un tel objet, nous n'ayons que quatre minutes pour aborder deux sujets d'importance. On parle rarement du personnel qui s'occupe de l'humanisation des soins aux HUG et je pense que cela mérite mieux que cela ! C'est une remarque sur le règlement du parlement. Cela pose vraiment un problème, autant les gens discutaient auparavant, pour ne rien dire, autant aujourd'hui on n'a plus le temps de débattre.
Bref, je vais utiliser cette minute pour dire que, chaque fois que l'on aborde la problématique des petits salaires ou des gens qui ont des gros problèmes sociaux, il y a toujours des personnes ayant une bonne situation qui nous expliquent que l'on vit très bien à Genève avec un petit salaire ! Alors, je souhaiterais seulement un peu de décence dans ce parlement. Quand on gagne bien sa vie,... (Commentaires.) ...c'est très facile d'aller expliquer à des gens qui ont des petits salaires et qui font des métiers excessivement difficiles qu'il est très facile de vivre avec leurs salaires !
Deuxième chose... (L'orateur est interpellé. Brouhaha.) Monsieur Catelain, s'il vous plaît, je n'ai qu'une minute, si vous pouviez m'écouter... Deuxième chose: il y a un problème d'équité au sein même des petites fonctions de l'hôpital. En effet, les aides-soignants sans formation gagnent moins que les gens sans formation qui font du nettoyage. Il y a des iniquités à l'intérieur des HUG et nous avons déjà demandé que cette pétition soit adressée au Conseil d'Etat pour régler ces problèmes entre fonctions dans le même établissement. C'est la moindre des choses.
Et c'est pour cela que nous recommandons le renvoi de cette pétition - signée par plus de 1000 personnes ! - au Conseil d'Etat.
M. Eric Stauffer (MCG). Comme vous le savez, le Mouvement Citoyens Genevois que j'ai l'honneur de représenter s'est battu et continuera à se battre pour améliorer la formation dans cette catégorie de professions.
Lorsque nous avons traité ce sujet en commission, nous avons constaté qu'il y avait 280 aides-soignants au bénéfice des allocations chômage. Alors, Mesdames et Messieurs, puisqu'on sait que l'on a un déficit d'aides-soignants et d'infirmières, il faut mettre ces personnes à niveau ! C'est aussi notre responsabilité - de même que la responsabilité de ceux qui nous ont précédés - de ne pas avoir anticipé la formation, avec pour corollaire le fait que les professions de la santé sont allées chercher ces aides-soignants diplômés sur le marché français. Evidemment, je préfère revaloriser les aides-soignants - et résidents - genevois, et les payer davantage ! Pour le simple motif, qui découle du bon sens, que l'argent qu'ils gagneront, ils le dépenseront ici ! Et là, il en va de notre responsabilité à tous, Mesdames et Messieurs les députés.
Nous ne voulons pas fustiger les frontaliers, puisqu'on sait que Genève en a besoin d'un certain nombre... (Exclamations.) Mais l'exagération qui en est faite... II faut que vous sachiez que plus d'un milliard de francs qui est payé, par mois, pour les travailleurs frontaliers est dépensé dans les régions de France voisine ! Alors, je vous pose la question encore une fois: ne vaut-il pas mieux augmenter ces petits salaires genevois ? Ne vaut-il pas mieux former ces personnes et qu'elles obtiennent les diplômes nécessaires pour gagner dignement leur salaire, plutôt que de les fustiger et dire : «Oui, mais on a la facilité d'aller les chercher ailleurs» ?!
Nous sommes députés de la République et canton de Genève, et nous, groupe MCG, entendons défendre tous les résidents genevois, d'où qu'ils viennent, qu'ils soient suisses, étrangers, européens, asiatiques ou américains: la résidence est notre critère de protection.
M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Très rapidement, je tiens à vous dire que le sujet est effectivement d'importance, dans la mesure où il touche à la fois à la qualité des soins, à la qualité des conditions de travail et, bien entendu, à la qualité de la formation des personnes directement concernées.
Considérant cette importance pour Genève, et à partir du moment où nous avons un centre hospitalier qui recourt très largement aux services de ces personnes, il est important de noter que la formation d'aide-soignant s'arrêtera, du point de vue de sa reconnaissance, en 2011. Nous sommes en train de prévoir jusqu'à 2011 le financement de ces formations faisant l'objet d'une attestation cantonale et qui vont permettre, dans le sillage, d'épouser la nouvelle formation directement mise sur pied et reconnue par la nouvelle loi sur la formation professionnelle. (Brouhaha.)
Mesdames et Messieurs les députés, sachez que jusqu'à maintenant ce sont essentiellement les HUG qui prennent en charge la formation, notamment à travers le FFPP - Fonds pour l'amélioration de la formation et du perfectionnement professionnel. C'est un élément important du dispositif et le DIP continuera à former des personnes, bien entendu dans l'optique où la qualité de la formation renforce leur parcours et améliore leur statut. (Brouhaha. La présidente sonne la cloche.)
Le Conseil d'Etat s'empressera de faire bon accueil à cette motion qui touche un point essentiel. Les départements concernés - le département de l'économie et de la santé, le département de la solidarité et de l'emploi et le département de l'instruction publique - se sont d'ores et déjà mis au travail, notamment pour dégager et à mettre sur pied une obligation de former pour les employeurs qui consomment en grand nombre ces formations indispensables au bon équilibre et à la qualité des soins.
Donc, merci de voter ce renvoi ! Nous avons déjà mis la main à l'ouvrage et nous nous réjouissons de présenter un premier projet de loi.
Mises aux voix, les conclusions de la commission de la santé (dépôt de la pétition 1577 sur le bureau du Grand Conseil) sont adoptées par 53 oui contre 30 non.
Mise aux voix, la motion 1735 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 80 oui (unanimité des votants).
La présidente. Nous avons terminé le chapitre du département de l'instruction publique et pouvons passer, avec le point 30 de l'ordre du jour, au département des institutions.
Premier débat
M. Georges Letellier (Ind.). J'espère que tous mes collègues parlementaires auront eu le temps de cogiter sur ce projet de loi que je juge capital pour nos institutions. (Brouhaha.) Je sais qu'il ne fait pas l'unanimité, parce qu'il touche directement ou indirectement la plupart des partis de gauche comme de droite. J'en suis navré, mais il faut quelquefois dire la vérité. Ce n'est pas mauvais de la dire de temps en temps... (Brouhaha.)
La présidente. Un peu de silence, Mesdames et Messieurs les députés !
M. Georges Letellier. Je sais qu'il ne fait pas l'unanimité - je recommence - parce qu'il touche directement ou indirectement la plupart des partis ici présents. J'en suis navré, mais j'avais envie de dire la vérité, car tout le monde le pense mais personne n'ose parler. Cette fois, j'ai pris la parole et j'ai pondu ce projet de loi.
J'en appelle donc à votre âme et conscience pour que chacun puisse décider de l'avenir de l'éthique parlementaire et de nos institutions. Parce qu'on en est là ! Tout dépend donc de vous.
Nous sommes tous d'accord sur l'essentiel, à savoir que, par respect de l'électorat et de l'éthique, un élu doit être au-dessus de tout soupçon et doit incarner les valeurs qu'il prétend défendre.
En clair, un parlementaire doit donner l'exemple. Mais, pour donner l'exemple, il doit être lui-même exemplaire. Pour l'éthique, et pour éviter que notre parlement ne devienne un Club Med pour les marginaux alimentaires qui donnent bien souvent le mauvais exemple... (Brouhaha.) ...je vous propose donc de modifier l'article 72 de la loi A 200 comme suit: «Eligibilité (nouvelle teneur). Sont éligibles tous les citoyens laïques jouissant de leurs droits électoraux, n'ayant pas fait l'objet de poursuites pour dettes d'impôt, ne détenant pas d'actes de défaut de biens et dont la moralité est attestée par un certificat de bonne vie et moeurs.»
En clair, pour préserver l'éthique, la qualité et la sérénité des débats parlementaires, pour le bien des institutions, un élu doit être crédible non seulement pour le parlement, mais aussi pour son électorat. Il ne peut par conséquent être à la fois juge et partie. J'espère qu'en votre âme et conscience vous réserverez un bon accueil à ce projet de loi. (Applaudissements.)
La présidente. Je remercie Monsieur le député pour cette présentation. Ont demandé la parole: M. Leyvraz, Mme Borgeaud, MM. Bavarel et Weiss, Mme Ducret, MM. Gillet et Brunier.
M. Eric Leyvraz (UDC). Ce projet de loi doit certainement surprendre les citoyens qui nous écoutent. Quoi, des députés du Grand Conseil élus par le peuple et ayant le privilège de légiférer, de participer aux hautes décisions de l'Etat - notamment pour les finances où l'on parle en centaines de millions de francs - peuvent donner des conseils pour diriger un Etat, alors qu'eux-mêmes ne sont pas capables de donner un exemple de gestion simple dans leur vie privée, en étant poursuivis pour dettes à l'égard de ce même Etat ?! On nage en pleine contradiction.
Il est à souligner que plusieurs partis - mais visiblement pas tous - demandent à chaque candidat, avant de l'accepter, un certificat de non-poursuite et un extrait du casier judiciaire qui doit être vierge. Cette motion devrait demander cela plutôt qu'un certificat de bonne vie et moeurs qui est une spécificité genevoise.
Nous proposons dans ce sens un amendement à l'article 72 du projet de loi. Je vous en rappelle la formulation: «Sont éligibles tous les citoyens laïques jouissant de leurs droits électoraux, n'étant pas l'objet d'actes de défaut de biens, en particulier pour des créances fiscales, et n'ayant pas fait l'objet de condamnation pénale pour des crimes ou des délits infamants.»
Il serait vraiment extraordinaire que la situation actuelle perdure. Le Grand Conseil doit pouvoir compter sur des représentants des citoyens, capables de donner le bon exemple et non pas de faire la une des rubriques judiciaires.
Plusieurs activités exigent un casier judiciaire vierge. Savez-vous que pour un acte aussi simple que de vendre ses produits de la terre sur un marché - comme je le faisais sur le marché de Carouge - on vous demande un extrait du casier judiciaire ? Si on le demande pour un simple paysan qui vend ses légumes et son vin, on peut aussi l'exiger pour des députés, c'est une simple question de logique. Les députés, comme les paysans et leurs produits, doivent montrer traçabilité, transparence, conformité à des règles de base et qualités officielles.
Le groupe UDC soutient ce projet de loi et vous demande son renvoi à la commission des droits politiques.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Je soutiens ce projet de loi et son renvoi en commission des droits politiques, je soutiens aussi l'amendement présenté par l'UDC. (Brouhaha.)
Que les choses soient claires: nous ne sommes pas là pour attaquer qui que ce soit. Quand on veut prétendre à un mandat de député - nous avons le pouvoir de faire des lois, de les abroger ou de les modifier - il serait de bon ton de donner le bon exemple aux citoyens et citoyennes de ce canton... (Brouhaha.) S'il vous plaît !
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il y a vraiment trop de bruit, je vous prie de bien vouloir cesser vos conversations personnelles et d'écouter l'oratrice. (Remarques.)
Mme Sandra Borgeaud. Merci, Madame la présidente. Il est clair qu'une personne, ou un parti, ou qui que ce soit d'autre, se permettant de faire la morale et d'expliquer à l'Etat comment il doit fonctionner, devrait, au moins par politesse, régler ses affaires personnelles et ne pas les étaler en permanence dans les journaux.
Une voix. Bravo !
Mme Sandra Borgeaud. Utiliser les gens pour satisfaire son ego n'est pas une bonne solution et n'est pas un exemple à montrer. Je vous rappelle que nous sommes les cent premiers citoyens de ce canton, nous devons respecter les gens si nous voulons qu'ils nous respectent...
La présidente. Madame la députée, je vous rappelle qu'un député a demandé le renvoi en commission, vous devez donc vous exprimer à ce propos. C'est donc trois minutes par groupe et uniquement sur le renvoi en commission.
Mme Sandra Borgeaud. J'ai aussi demandé le renvoi. Pour conclure, je demande à la commission des droits politiques d'être vigilante sur ce projet de loi et de trouver les meilleures solutions, de façon que nous ne soyons plus confrontés à ce genre de problèmes et que nous puissions enfin attendre des députés qu'ils soient corrects et respectueux envers les citoyens.
La présidente. Sur le renvoi en commission, je passe la parole à M. Bavarel - il dispose de trois minutes.
M. Christian Bavarel (Ve). Pour vous donner ma position sur le renvoi en commission, je vais vous expliquer un peu le cadre général. Vous savez tous que j'ai fait de la prison et que j'ai aussi fait faillite. Je suis objecteur de conscience - crime abominable - mais c'est une position défendue par les Verts. Ce qui compte pour nous, c'est la transparence. Lorsque je me suis présenté la première fois au Grand Conseil, ces faits étaient connus et inscrits sur le dépliant des Verts. J'assume parfaitement ma position d'objecteur de conscience et d'avoir été en prison. De plus, avoir fait faillite une fois dans ma vie, ce que vous savez aussi, me donne une certaine sensibilité par rapport au monde entrepreneurial et à ses risques.
Alors, je suis quelque peu surpris que, dans ce pays - où l'on n'a déjà pas suffisamment le sens de l'entreprise - on ne permette pas à quelqu'un, qui a eu une fois un accident avec une entreprise, de s'en relever, de pouvoir être ici devant vous et de continuer à créer.
Ainsi, pour ces raisons-là, pour autant que cela soit transparent et pour autant que les faits soient connus et annoncés, je ne vois pas d'objection. C'est pourquoi les Verts vous proposent de ne pas renvoyer ce projet en commission, mais de le refuser purement et simplement ! (Applaudissements.)
M. Pierre Weiss (L). Lorsque des excès existent, comme ils existent au sein de ce parlement, il est logique que des propositions, peut-être excessives, soient aussi présentées.
Un député parmi nous - et c'est de notoriété publique - donne des conseils de bonne gestion et des conseils de moralité alors qu'il est lui-même perclus de dettes. Il est actuellement candidat dans une commune, c'est un plagiaire... (Exclamations.)
La présidente. Monsieur le député... (Brouhaha.)
M. Pierre Weiss. C'est un plagiaire ! Ce monsieur est un plagiaire et se présente en parangon de vertu. Néanmoins...
La présidente. Monsieur le député, pas d'attaque personnelle, je vous en prie !
M. Pierre Weiss. Non, bien entendu. Mais, Madame la présidente, il faut situer les choses dans leur contexte. A un certain moment, il faut cesser de pratiquer la langue de bois ! En même temps, on ne fait pas de bonnes lois sur un cas personnel: les lois doivent être faites de façon générale et elles le doivent pour être appliquées.
La proposition du groupe UDC... Pardon, la proposition de M. Letellier, assortie d'un amendement UDC, mérite d'être étudiée. Et cela non seulement en comparaison avec d'autres corps élus, par exemple les juges, ou d'autres professions, par exemple les avocats, mais elle mérite aussi d'être étudiée avec d'autres élus parlementaires dans d'autres cantons, afin de voir quelles sont les solutions proposées en Suisse.
Nous ne pouvons pas, dans ce parlement, créer une «Lex Staufferia». Ce n'est pas possible ! (Remarques. Brouhaha.) Ce ne serait pas digne de ce parlement ! Néanmoins, pour ces raisons, il convient de renvoyer ce projet de loi à la commission des droits politiques afin d'examiner une possible solution, une solution qui soit mesurée et qui évite les déviations personnelles, mais une solution qui donne aux élus de notre Grand Conseil la dignité dont ils ont besoin afin que, lorsqu'ils se prononcent sur la gestion de l'Etat, toute crédibilité soit apportée à leurs propos. Je vous remercie, Madame la présidente. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je vous rappelle que l'article 90 interdit toute atteinte à une personne. Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais un peu plus de dignité dans les débats, sans attaques personnelles... (La présidente est interpellée.) Monsieur Stauffer, vous avez demandé la parole: je vous la donnerai quand cela sera votre tour. Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît !
Mme Michèle Ducret (R). Le groupe radical acceptera le renvoi en commission et il est très à l'aise pour parler de ce genre de problèmes, puisque tous les députés élus dans ce parlement et tous les candidats des listes - et cela fait de nombreuses années que cela se passe comme cela dans le parti radical - doivent donner un acte de défaut de... (Remarques.) Un acte d'absence de poursuites et un acte... (L'oratrice est interpellée.) Qu'est-ce que j'ai dit... (Brouhaha.)
La présidente. Laissez l'oratrice s'exprimer ! Veuillez poursuivre, Madame la députée.
Mme Michèle Ducret. ...et tous les documents demandés dans ce projet. Nous accueillons donc avec faveur et intérêt ce projet de loi, tout en saluant la déclaration de M. Bavarel, que j'ai trouvée courageuse et en même temps bien réaliste. Je suis enchantée, Monsieur Bavarel, de vous avoir entendu parler aussi bien.
M. François Gillet (PDC). Personne n'est dupe du fait que le projet de M. Letellier vise l'un d'entre nous en particulier. Il est vrai qu'un certain nombre de règles doivent être fixées par rapport à la possibilité de siéger dans un parlement tel que le nôtre. De nombreux partis fixent ces règles à l'interne, c'est le cas du parti démocrate-chrétien qui exige également des garanties de non-poursuites.
Cela dit, la question se pose de savoir si ces règles doivent être généralisées dans le cadre d'une loi. Notre groupe pense qu'il peut être pertinent d'en discuter en commission des droits politiques, notamment pour éclaircir la question des poursuites pour dettes d'impôts. Pour cette raison, nous accepterons le renvoi du projet de loi en commission des droits politiques.
M. Christian Brunier (S). On est d'accord sur un point, les députés devraient être le plus exemplaire possible. Néanmoins, la première exemplarité est de défendre les fondements de notre démocratie, et un de ces fondements - en tout cas un de ceux que le PS défend - c'est l'indissociabilité du droit de vote et du droit d'éligibilité. Et si quelqu'un a le droit de vote, il nous paraît normal qu'il ait le droit d'être élu.
Une deuxième chose est vraiment à la base de notre démocratie: ce n'est pas à ce parlement de décider si tel ou tel député a le droit de siéger ou pas, seule la justice attribue des droits civiques ou les retire, et ce n'est pas à la tête du client que l'on accorde les droits civiques.
Une troisième chose, importante, c'est le droit à l'erreur. Vous êtes en train d'attaquer des gens qui ont des dettes... Cela peut arriver à tout le monde. Et vous excluriez une grande partie de la population en vous attaquant aux gens qui ont des dettes et en leur interdisant le droit de siéger au parlement. Alors, attention à ne pas cibler un député pour instaurer une mesure qui se révélerait discriminatoire pour une grande partie de la population.
M. Letellier a déposé un projet de loi pour attaquer M. Stauffer, il faut le dire. (Exclamations.) Il faut le dire !
M. Georges Letellier. Non ! (Brouhaha.)
Une voix. Mais oui! (Remarques.)
M. Christian Brunier. Toute loi... (Brouhaha.) Toute loi... (M. Christian Brunier est interpellé.) Monsieur Letellier, laissez-moi parler !
La présidente. S'il vous plaît, Monsieur Letellier, nous écoutons l'orateur !
M. Christian Brunier. Un des principes, aussi, est d'écouter ses adversaires politiques ! Je pense que cela ne serait pas mal au niveau de l'exemplarité.
Toute loi élaborée pour lutter contre une personne est assurément une mauvaise loi. Je rappelle aussi, Monsieur Letellier, que vous êtes allé chercher vous-même M. Stauffer pour emmener votre liste lorsque vous avez créé votre parti. Et tout le monde savait que M. Stauffer avait des dettes, puisque la presse l'a publié tout de suite ! (Exclamations.) Et aujourd'hui, vous discriminez... (Brouhaha.) Je pense que cela n'est pas sérieux... (Brouhaha.)
La présidente. Monsieur le député...
M. Christian Brunier. Je n'ai pas fini...
La présidente. Sur le renvoi en commission, Monsieur le député !
M. Christian Brunier. Tout à fait ! Le groupe radical nous dit être exemplaire et demander si les candidats au parlement ont des dettes ou pas: je suis étonné, car je vous rappelle que M. Segond avait avoué publiquement avoir beaucoup de dettes. Cela veut dire que si vous appliquiez les critères que vous prétendez, M. Segond n'aurait jamais été conseiller d'Etat. Et il me semble qu'il n'a pas été le plus mauvais conseiller d'Etat radical en poste ! (Brouhaha.)
Nous sommes totalement contre l'étude de ce projet de loi en commission: il est démagogique et ce parlement a du travail plus sérieux à faire ! Nous sommes pour le refus de ce projet de loi. (Brouhaha.)
Quant à l'amendement de l'UDC qui veut interdire de siéger à toute personne qui aurait eu à subir une condamnation, je rappelle que le droit du pardon est aussi une base de la démocratie. Les gens qui paient leur dette après avoir commis une erreur doivent pouvoir recouvrer tous leurs droits et aussi celui de siéger dans ce parlement. (Applaudissements.)
La présidente. La parole est à M. Stauffer. Monsieur le député, vous avez trois minutes, uniquement sur le renvoi en commission.
M. Eric Stauffer (MCG). Madame la présidente, j'ai été mis en cause, soyez gentille de ne pas décompter ces trois minutes. C'était pour répondre à M. Weiss, qui m'a mis en cause personnellement, que je souhaitais intervenir juste après lui.
Premièrement, puisque certains députés ont atteint aujourd'hui le niveau du caniveau, eh bien, nous allons dire les choses telles qu'elles sont ! Le montant des «casseroles» - que l'on me reproche systématiquement dans la presse - était, dans «Le Matin» d'il y a un mois et demi, de 340... Puis, dans «La Tribune», de 259... En attendant encore un peu, je vais finir par être créancier. Bon, allumons la lumière ! Le montant de mes dettes n'est même pas le prix du véhicule de M. Weiss. (Rires.) Il s'agit de quelques dizaines de milliers de francs. Voilà pour la première chose. (Brouhaha.)
Deuxième chose: Monsieur Weiss, pour quelqu'un qui veut donner des leçons de morale, vous feriez mieux, comme dit l'adage, de balayer devant votre porte ! Car je vous rappelle que le parti libéral a abrité dans une commune rurale un magistrat condamné pour pédophilie...
La présidente. Monsieur Stauffer, je vous ai dit que vous disposiez de trois minutes de parole, mais sur le renvoi en commission !
M. Eric Stauffer. J'y arrive, Madame la présidente.
La présidente. Vous avez peut-être été mis en cause, mais vous vous êtes largement exprimé à ce propos. Maintenant, je vous prie de vous exprimer uniquement sur le renvoi en commission, sinon je coupe votre micro.
M. Eric Stauffer. Vous pouvez le couper, la population saura que l'on m'empêche de parler ! (Exclamations.) Une grande partie de ce parlement est simplement jalouse des scores du MCG. Je vous rappelle, Monsieur Weiss, que j'ai obtenu - sans alliance - 30% des voix à Onex. Et vous, le parti libéral, vous n'êtes plus capables de réaliser un tel score. C'est une réalité ! Pourquoi ? Parce que nous nous sommes engagés...
La présidente. Monsieur le député, sur le renvoi en commission !
M. Eric Stauffer. Parce que nous nous sommes engagés à défendre les plus faibles de cette société. Et plutôt que de demander des actes de non-poursuites, vous feriez mieux d'engager des candidats qui ont des poursuites ! Parce qu'ils sont peut-être plus proches des citoyens que certains millionnaires de ce parlement !
La présidente. Vous devez conclure, Monsieur le député. Maintenant !
M. Eric Stauffer. Je conclus en rappelant au groupe PDC que certains de leurs conseillers d'Etat se sont trouvés dans des tourmentes financières...
De toute façon, on va s'opposer au renvoi en commission. Ce projet de loi n'a pour but qu'une vengeance personnelle de la part de quelqu'un qui s'est vanté d'avoir commis des massacres en Afrique du Nord, raison pour laquelle il a été exclu du MCG... (Exclamations.)
La présidente. Cela suffit, Monsieur le député ! Je demande que l'on coupe le micro de M. Stauffer. (Brouhaha.)
M. Eric Stauffer. Exclu ! Exclu du MCG... (Le micro de l'orateur est coupé.)
La présidente. Merci ! (M. Eric Stauffer s'exprime hors micro.) Monsieur le député, je vous rappelle à l'ordre. Si vous continuez, je vous fais sortir de la salle. (M. Georges Letellier prend la parole hors micro.) Après le vote sur le renvoi en commission, Monsieur Letellier ! Je vous passerai la parole après M. Moutinot. Pour l'instant, asseyez-vous !
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous êtes saisis d'un projet de loi constitutionnelle. Autrement dit, le débat est de savoir qui, dans les règles constitutionnelles, a le droit de siéger parmi vous. L'article actuel de la constitution genevoise dit simplement: «Sont éligibles tous les citoyens laïques jouissants de leurs droits électoraux.»
Dans le projet qui vous est soumis, on ajoute à ce principe fondamental toute une série d'exceptions: les dettes, les dettes d'impôt, les actes de défaut biens, un certificat de bonne vie et moeurs. En d'autres termes, l'auteur du projet entend que la qualité d'élu du peuple dépende d'une décision d'un officier de police, car je vous rappelle que les certificats de bonne vie et moeurs sont délivrés par des officiers de police. J'ai pour eux le plus grand respect, ce sont mes collaborateurs, mais je ne pense pas que cela soit leur rôle de délivrer des certificats d'éligibilité.
Dans les propositions qui nous sont faites, il y a - il faut le reconnaître, Monsieur Letellier - le bon sens qui voudrait que les élus du peuple aient une conduite peut-être pas irréprochable, mais en tout cas la meilleure possible, et il faut effectivement veiller à ce que le Grand Conseil soit composé d'hommes et de femmes que l'on ne puisse pas accuser de mille et une dérives et qui fassent preuve de certaines qualités.
Mais si vous commencez à mettre des barrières constitutionnelles à l'accessibilité à ce Grand Conseil, les uns et les autres, pour une raison ou l'autre, vous allez venir prétendre que telle ou telle qualité ou que tel ou tel défaut ne permet pas de siéger dans ce Grand Conseil ! Je vous rappelle qu'en 1789 la principale conquête de la Révolution française a été de permettre à tous, sans censure censitaire et sans censure d'Etat, de siéger dans un parlement. Avec un tel projet de loi, vous êtes en train de prendre le chemin inverse, consistant à réduire l'accessibilité de la population au parlement.
Un nombre considérable de nos concitoyens ont des actes de défaut de biens; certains parce qu'ils sont de fieffés coquins, d'autres parce que la conjoncture ne leur a pas été favorable. Il y a parmi nos concitoyens des gens qui ont un casier judiciaire, comme M. Bavarel et moi, et il y en a d'autres qui ont fait des choses plus graves - pour vous rassurer, M. Bavarel et moi avons fait la même chose, il y a un certain nombre d'années...
Une voix. Ensemble ?
M. Laurent Moutinot. Non, pas ensemble. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, vous êtes en train de glisser vers une sélection - hors de tout contrôle populaire ! - sur l'accession à votre Grand Conseil. Ce qu'il serait juste de faire, mais qu'il n'est pas nécessaire d'effectuer au niveau constitutionnel, serait d'inscrire dans la loi sur les droits politiques le devoir d'annoncer ses condamnations pénales, ses dettes, civiles ou administratives, et, le cas échéant, produire d'autres éléments qui paraîtraient pertinents. Oui, c'est logique ! Oui, on peut le faire. Et sans modifier la constitution ! Mais il est inadmissible - inadmissible ! - dans la tradition démocratique genevoise, de prévoir dans la constitution des obstacles à l'accession à votre parlement.
C'est la raison pour laquelle je vous demande de refuser le renvoi en commission et de refuser ce projet de loi. (Vifs applaudissements.)
La présidente. Monsieur Letellier, vous avez été mis en cause, je vous ai promis de vous donner la parole. Je vous l'accorde, mais très brièvement.
M. Georges Letellier (Ind.). Aucun problème, Madame la présidente. Je m'élève contre ce qu'a dit M. Stauffer, il est un menteur professionnel... (L'orateur est interpellé.) Ecoutez, il a menti, et je ne suis pas un assassin !
La présidente. Ne mettez pas en cause quelqu'un d'autre, Monsieur Letellier, s'il vous plaît !
M. Georges Letellier. En Algérie, j'ai fait la guerre et j'ai accompli mon devoir de Français et d'homme. Je me suis trouvé dans certaines situations où celui qui tire le premier a raison. Et quand on défend sa peau, Madame, on ne peut pas faire du sentiment. Voilà pour mon passé. Mais quant à ce que dit cet individu...
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Georges Letellier. Trois minutes... Quant à cet individu, qui dit des mensonges sur ce que j'ai fait... Non !
La présidente. Monsieur le député, je vous ai donné la parole, mais brièvement. Je vous demande de conclure. (Brouhaha.)
M. Georges Letellier. J'aimerais répondre à M. Brunier. (Remarques. Brouhaha.) Monsieur Brunier, excusez-moi, mais vous n'avez pas de morale... (Brouhaha.) Et c'est pour la morale que j'ai fait ça...
La présidente. Veuillez couper le micro de M. Letellier. Merci !
M. Georges Letellier. Et ça, je vous le jure sur la tête... (Le micro de M. Georges Letellier est coupé).
La présidente. Monsieur Letellier, je vous prie de bien vouloir vous asseoir, vous n'avez plus la parole.
Mesdames et Messieurs les députés, nous allons nous exprimer sur le renvoi en commission... (Remarque.) Oui, Monsieur Leyvraz ?
M. Eric Leyvraz. Il y a une demande d'amendement.
La présidente. Monsieur le député, je dois d'abord mettre aux voix le renvoi en commission. (Brouhaha.) Je vous demande un peu silence, Mesdames et Messieurs !
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 9986 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté par 63 non contre 11 oui et 9 abstentions.
La présidente. Etant donné ce refus, nous poursuivons notre débat.
M. Yves Nidegger (UDC). J'aimerais juste dire deux mots sur l'amendement qui sera mis aux voix, puisque la discussion est immédiate. Il est vrai que la formulation proposée... (L'orateur est interpellé.) Evidemment, il faudra un vote d'entrée en matière.
J'aurais voulu rassurer un certain nombre d'entre vous qui émettiez des restrictions. M. Weiss, qui avait peur... (Commentaires.)
La présidente. S'il vous plaît, un peu de silence !
M. Yves Nidegger. M. Weiss, qui émettait des craintes sur cette loi spéciale qui tournerait autour d'une seule personne... Mais j'aimerais rappeler que l'amendement proposé veut précisément rendre praticable cette loi, générale abstraite. M. Bavarel craignait que l'objection de conscience le prive de parlement... Mais cet amendement, qui fait état de condamnations pénales pour des crimes ou délits infamants, est évidemment là pour pondérer cela.
D'une manière générale, il ne revient pas - contrairement à ce que croit M. Brunier qui a un train de retard - aux juges de dire qui est éligible ou pas. Ces choses figurent dans la constitution.
Lorsque l'entrée en matière sera votée sur ce projet - qui, dans l'esprit, est un bon projet; il devrait être modifié dans sa forme - je souhaiterais un débat. Car si la plupart des partis dans cette enceinte pratiquent eux-mêmes une sélection fondée sur les critères que M. Letellier a suggérés, certains ne le font manifestement pas et il est donc nécessaire que cela entre dans la loi.
M. Roger Golay (MCG). J'avais demandé, lors de la séance des chefs de groupe et du bureau du Grand du Conseil, d'avoir une certaine retenue pour ce débat, je constate que je n'ai pas été écouté. Le dérapage l'a emporté, je le déplore et en toute sincérité, je suis navré de la démonstration que l'on a donnée ce soir auprès des téléspectateurs de Léman Bleu. (Applaudissements.)
Mis aux voix, le projet de loi 9986 est rejeté en premier débat par 68 non contre 10 oui et 5 abstentions.
Premier débat
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité ad interim. Ce projet de loi, comme vous le savez, est devenu obsolète. (Brouhaha.) Je suis désolé, je n'ai passé personne à la gégène, ce que je dis n'est donc pas très intéressant, mais... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)
La présidente. On ne s'entend plus dans cette salle ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie d'écouter l'orateur. Je demande aux personnes qui ont beaucoup de choses intéressantes à se dire de le faire à la buvette ou à la salle des Pas-Perdus. Monsieur le député, je vous repasse la parole.
M. Olivier Jornot. Merci, Madame la présidente. Ce projet de loi travaillé dans ce parlement est devenu obsolète. Il avait été ajourné en plénière et, à la demande de la commission des droits politiques, il est revenu à notre ordre du jour pour que nous puissions - contrairement à la conclusion du rapport de majorité - le rejeter. Pourquoi ? Parce que, dans l'intervalle, nous avons voté la réforme de notre fonctionnement, avec l'introduction du système des catégories de débats.
Par conséquent, il s'agit ce soir - et encore une fois, contrairement à ce que suggérait le rapport de majorité - de voter non à ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 9165 est rejeté en premier débat par 60 non et 2 abstentions.
Premier débat
Mme Béatrice Hirsch-Aellen (PDC), rapporteuse de majorité. Pourquoi ce projet de loi ? La plupart du temps, les invites du Conseil d'Etat et du Grand Conseil concernant les votations convergent et le commentaire des autorités correspond au point de vue de l'un comme de l'autre. Mais quand les avis divergent, cela devient compliqué. Les derniers exemples en date - le retour des notes à l'école, le frein au déficit - peuvent en témoigner.
Revenons sur le point principal. Le but de la brochure explicative est d'informer les citoyens pour leur permettre de mieux comprendre l'objet soumis au vote et, surtout, de connaître le point de vue des tenants et des opposants. Par conséquent, ces explications doivent exprimer les avis de ceux qui ont fait la loi ou l'initiative et les avis de ceux qui s'y opposent.
Jusque là, pas trop de difficultés. C'est surtout au sujet des recommandations de vote que les choses se compliquent. Rappelons qu'aux niveaux communal ou fédéral, les prises de position des autorités, figurant dans la brochure explicative, sont celles du Conseil municipal ou de l'Assemblée fédérale. Pourquoi en serait-il autrement sur le plan cantonal ? Si l'on prend l'exemple d'un référendum, il serait logique que l'autorité ayant voté la loi ait la possibilité de donner ses recommandations de vote. Dans le cas contraire, cela équivaudrait très clairement à léser le Grand Conseil du droit de défendre le résultat de ses délibérations. (Brouhaha.)
Encore un mot concernant l'amendement proposé: il ne fait que corriger une erreur de retranscription. En commission, nous avons voté le texte tel que proposé par l'amendement. C'est un oubli que je n'ai pas vu arriver sur le triptyque, où il manque les mots: «ou de l'initiative». Il s'agit donc de reprendre le texte tel qu'il a été voté en commission.
C'est pour ces raisons que la majorité de la commission des droits politiques vous recommande d'accepter ce projet de loi, avec l'amendement proposé.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse de minorité. Quelques mots pour rappeler la raison du refus de ce projet de loi. Il a été déposé pour remédier à deux cas où le Grand Conseil et le Conseil d'Etat avaient une position divergente, et il y avait aussi eu un petit couac dans la rédaction de la brochure explicative.
A partir de là, il nous semblait plutôt futile de légiférer sur des cas particuliers qui n'avaient pas créé de problèmes jusqu'à présent. Par ailleurs, pour des raisons de transparence, il est important que les électeurs et les électrices puissent connaître la position des autorités, même quand elle est divergente; c'est aussi leur faire injure que de penser qu'ils ne vont pas faire les distinctions et qu'ils ne pourront pas se forger une opinion si, par hasard, le Conseil d'Etat et le Grand Conseil ont une position différente.
Les citoyens et les citoyennes de ce canton sont tout à fait capables de se forger une opinion et, par conséquent, nous pensons qu'il est inutile de légiférer sur ce cas, même si le projet de la commission est un peu atténué par rapport au projet initial. Nous proposons le refus de ce projet de loi.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Ce que je trouve merveilleux, Mesdames et Messieurs les députés, c'est la cohérence, parfois, de la majorité parlementaire. Tout à l'heure, M. Weiss nous a dit très justement que l'on ne faisait pas de loi pour un cas particulier... Eh bien ici, ce que le parti libéral nous propose, c'est une loi pour deux cas particuliers !
Dans le point suivant à l'ordre du jour, il s'agira de diminuer le travail du parlement. Or dans le cas présent, on vous propose un projet de loi qui ne sert en fin de compte qu'à encombrer notre travail. Donc, je vous demande, Mesdames et Messieurs, où est la cohérence ?
Plus sérieusement, pour revenir sur le fond de ce projet. Je lis un commentaire de la rapporteure de majorité qui dit ceci: «Les votants sont dans une position inconfortable lorsqu'on leur demande de choisir entre deux instances politiques présentant à première vue une légitimité égale.» Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, pour qui prenez-vous nos concitoyennes et nous concitoyens ?
Au groupe socialiste, nous les prenons pour des adultes et nous estimons qu'ils sont suffisamment grands pour trancher face à deux avis différents. C'est d'ailleurs ce qui fait la force des démocraties. En conséquence, nous vous invitons à refuser ce projet de loi.
M. Olivier Jornot (L). Au commencement il y a une loi, la loi sur les droits politiques qui stipule que la brochure explicative contient un commentaire des autorités.
Lorsqu'il a fallu appliquer ce principe aux communes, le Conseil d'Etat a édicté un règlement dans lequel il a décidé que le commentaire des autorités serait rédigé par l'exécutif communal et qu'il exprimerait de manière objective les débats devant le Conseil municipal, notamment en relatant les positions des minorités. Constatant que le Conseil d'Etat n'avait finalement pas réglé sa propre procédure pour le niveau cantonal, le service des votations et élections en a inventé une semblable - dans une directive interne qu'il a pris la peine de faire approuver par le Conseil d'Etat - où il était préconisé que le Conseil d'Etat rédige une prise de position reflétant de manière équitable les avis exprimés au Grand Conseil, etc. Rien, ni dans le règlement, ni dans cette directive, ne porte sur les recommandations de vote qui sont l'un des points essentiels de ce projet de loi.
Dans la pratique, on n'a rien fait de ce qui se trouvait dans ces différents textes. De cas particulier en cas particulier, on a essayé de trouver des solutions. Parfois cela a marché, parfois non. Souvenez-vous du vote sur les transports publics genevois du 24 mai 2005: des députés avaient dû rédiger en catastrophe un texte qui n'avait même pas été inclus dans la brochure mais ajouté sous forme de feuille volante. Voilà «un cas particulier», pour reprendre l'expression.
Souvenez-vous du vote du 11 mai 2006, c'est celui qui a provoqué le dépôt de ce projet de loi. Sur une question fondamentale comme celle du frein à l'endettement, nos concitoyens se sont trouvés, tout adultes qu'ils soient et parfaitement capables de comprendre les enjeux - tellement capables qu'ils ont approuvé le projet de loi - eh bien, nos concitoyens se sont trouvés face à des autorités qui leur expliquaient en deux pages qu'il fallait dire oui, et en deux pages qu'il fallait dire non. C'est à ce moment-là que le projet de loi a été déposé.
Et, comme pour conforter les auteurs dans la justesse de leur choix, est survenu le troisième cas particulier de la votation sur les notes - l'IN 121 et son contre-projet - en septembre 2006. Vous voyez, trois cas particuliers en deux ans, cela commence à faire beaucoup par rapport au nombre de votations populaires ! Cette fois-ci, le Conseil d'Etat et le Bureau du Grand Conseil ont entamé un bras de fer pour savoir qui allait rédiger le texte, et on s'est retrouvé avec un texte totalement bancal dans lequel le Conseil d'Etat, après avoir expliqué ce qu'il y avait de bien dans le contre-projet, concluait en disant que ce dernier n'était pas bien du tout, et que, par conséquent, les autorités proposaient de voter oui... et de voter non. D'un point de vue démocratique, c'est totalement absurde et inacceptable, parce que si notre rôle est celui du législateur, le rôle de l'exécutif n'est pas de venir ensuite auprès de la population dire que le législateur a tort ou qu'il s'est trompé.
Partout ailleurs, et notamment sur le plan fédéral, voici comment cela fonctionne: quand vous recevez la brochure des autorités fédérales, on vous donne la position du Conseil fédéral et du parlement qui vous proposent de voter oui ou non. Cette prise de position est celle des votes qui ont eu lieu aux Chambres fédérales, indépendamment de ce que le Conseil fédéral en pense.
Toujours sur le plan fédéral, vous avez vu qu'un grand débat a eu lieu cette année pour savoir s'il fallait encore renforcer cette règle et faire en sorte que pendant la campagne les conseillers fédéraux n'aient pas le droit de dire le contraire de ce qui figure dans la brochure. C'est vous dire qu'avec ce projet de loi nous sommes extrêmement respectueux de la liberté de parole des uns et des autres. Et la seule chose que nous demandons, c'est que les autorités fassent preuve de cohérence et de respect du législateur.
La solution retenue ne vise ni plus ni moins qu'à appliquer aux autorités cantonales ce que les autorités cantonales appliquent aux autorités municipales dans notre canton, à savoir des explications rédigées par l'exécutif, qui tient compte des minorités du parlement, dans lesquelles l'exécutif a même le droit - c'est inscrit noir sur blanc dans la loi - de faire part de sa propre appréciation, soit de dire dans les explications s'il n'est pas d'accord, explications doivent obtenir l'aval du Bureau du Grand Conseil. Et au final - c'est sans doute là le point le plus important - les recommandations, comme les recommandations fédérales, doivent refléter la prise de position de celui qui a voté le texte, c'est-à-dire du parlement.
J'ai omis de vous dire que le troisième cas particulier du contre-projet sur les notes était encore pire à cet égard, puisqu'après avoir expliqué au milieu de la brochure qu'il fallait voter oui-non, le Conseil d'Etat a, comme par hasard, omis de rappeler la position du Grand Conseil et a écrit en gros - une fois qu'on a parcouru toute la brochure, c'est écrit en très gros - qu'il fallait voter non, oubliant ainsi la prise de position de ce parlement.
Ce projet de loi est parfaitement raisonnable, il nous mettra dans la norme des autres collectivités de ce pays et ne musellera pas le Conseil d'Etat, il nous permettra au contraire d'agir avec cohérence auprès de nos concitoyens. Je vous recommande de l'approuver.
Mme Catherine Baud (Ve). Pour les raisons suivantes, les Verts sont clairement contre ce projet de loi 9868.
D'abord, les citoyens qui votent sont des adultes responsables et ne doivent pas être infantilisés. L'idée même de ne proposer qu'un seul point de vue est une atteinte au libre choix, donc au principe même de démocratie.
Que les textes des brochures soient parfois complexes à lire, c'est sûr. Mais ce n'est pas en occultant une position que les brochures seront rendues plus compréhensibles. C'est au contraire en formant les citoyens - dès l'école - à l'existence d'opinions différentes, à la richesse des discussions, qu'ils seront capables de se faire une opinion personnelle.
Selon les termes de la jurisprudence du Tribunal fédéral, la brochure doit être un instrument d'information objective et non de propagande. Elle ne peut pas occulter l'avis d'autorités ou de minorités importantes.
Les cas de divergences flagrantes qui nous ont été rapportés restent rares vu le nombre d'objets mis en votation. Mais lorsque ces divergences existent, elles doivent être connues des citoyens. Les positions des partis politiques ou des groupements sont aussi là pour aider à la décision.
Les pouvoirs exécutifs et législatifs sont séparés et ce principe de base de la démocratie se trouve remis en cause par ce projet de loi, car, selon le texte, le Grand Conseil doit primer et le Bureau du Grand Conseil a un droit de regard sur le commentaire du Conseil d'Etat.
Ce projet de loi est totalement superflu par rapport à ce qui existe actuellement, tant en regard de la jurisprudence du Tribunal fédéral que devant les principes de démocratie. Voilà les raisons pour lesquelles nous le rejetons.
Mme Michèle Ducret (R). Il n'y a pas lieu d'entamer ici une guerre des tranchées sur ce sujet, qui n'est quand même pas le plus important que nous aurons traité ce soir. Ce projet de loi se borne à demander que l'on inscrive l'avis du Grand Conseil dans la brochure explicative: je ne crois pas qu'il y ait là de quoi faire vaciller notre démocratie. Nous nous devons, envers nos électeurs et les personnes qui votent, de les informer le plus correctement possible. C'est la raison pour laquelle nous allons accepter ce projet de loi tel que la majorité l'a voté.
M. Gilbert Catelain (UDC). Ce projet de loi est indispensable pour le bon déroulement des débats démocratiques dans notre République. Certains d'entre nous ont parlé d'un projet de loi superflu; je rappelle qu'en commission des députés demandent régulièrement à réinscrire dans des lois des données déjà prévues dans d'autres lois et que dans ce cas cela ne leur paraît pas superflu. Si, parce que ce serait superflu, il y aurait là un motif pour refuser ce projet de loi, il me semble que ce serait un non-sens ou, en tout cas, un faux prétexte.
La politique du Conseil d'Etat dans les cas exposés par le député libéral Jornot est effectivement le reflet du Sonderfall Genf qui aime se distinguer des autres cantons et de la Berne fédérale.
Ce projet de loi vise tout d'abord à défendre des valeurs démocratiques auxquelles tous les groupes devraient être attachés. Il vise à défendre le respect de la liberté d'opinion, et le reflet de cette dernière sont les débats. Et ce Grand Conseil n'a pas à défendre la position du Conseil d'Etat. En effet, ce n'est pas parce que l'un ou l'autre groupe a un magistrat qu'il doit forcément défendre la position du Conseil d'Etat: il doit d'abord défendre le rôle et les prérogatives de ce parlement, indépendamment de tout clivage politique.
Ce projet de loi n'est finalement rien d'autre qu'un arrimage à la démocratie, c'est une sorte d'oeuvre de salut public, et je vous convie à lui apporter tout votre soutien.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Si Mme la députée Ducret avait raison, il n'y aurait pas de problème. Vous avez dit, Madame la députée, que ce projet de loi ne visait qu'à faire en sorte que l'avis du Grand Conseil soit exprimé auprès des électeurs et électrices. Jusque là, je vous suis. L'ennui, c'est que ce projet de loi ne vise pas cela, il veut que le Conseil d'Etat ne puisse plus dire le sien, et là réside une véritable difficulté.
Monsieur Catelain, le Conseil d'Etat est aussi élu, il a la même légitimité démocratique que vous et il est normal qu'il puisse pleinement s'exprimer lors de votations.
La difficulté, rappelée à juste titre par M. le député Jornot, est aussi que l'on a eu toutes sortes de cas bizarres où - mea culpa - le Conseil d'Etat n'a pas fait ce qu'il aurait dû faire ou, aussi, où il a fait davantage que ce qu'il aurait dû.
Je vous rappelle que lors du vote sur la traversée de la rade, il n'était pas prévu à l'époque que les importantes minorités puissent s'exprimer. Comme cela n'était ni une initiative ni un référendum, la brochure officielle n'aurait dû contenir que les excellents arguments des partisans de la traversée de la Rade. Mais le gouvernement d'alors - monocolore, dit-on - avait eu la sagesse de penser que cette explication n'était pas très objective et il avait alors eu l'idée, à juste titre et avec raison, de donner la parole à cette importante minorité qui s'y opposait. Une discussion avait alors eu lieu et il avait été convenu que les rapporteurs de minorité rédigeraient un petit texte. A partir de là, on est entré dans une logique qui me semble juste, c'est-à-dire que les informations doivent être objectives et refléter les avis de la majorité - en priorité, bien entendu - et, cas échéant, des minorités.
Mais alors, Mesdames et Messieurs les députés, comment peut-on imaginer que donner l'avis de la majorité et de la minorité est normal et concevable, mais pas l'avis du Conseil d'Etat démocratiquement élu ?! Il y a un véritable problème institutionnel ! Selon une lecture que l'on pourrait en faire, les recommandations du Grand Conseil et du Conseil municipal nous priveraient du droit de nous exprimer. Si telle n'est pas la lecture qu'il faut faire, alors pouvons-nous nous rassurer, Monsieur le député Luscher ?
Un deuxième défaut technique dans ce projet de loi pourrait avoir des conséquences pratiques graves. Ce projet de loi veut que le Conseil d'Etat rédige - ce que nous savons faire à quatorze mains, non sans quelques difficultés quelquefois. Mais ensuite, nous dit-on, le Conseil d'Etat doit soumettre le texte au Bureau du Grand Conseil - jusque là nous sommes toujours d'accord - qui doit donner son aval ! Autrement dit, vous nous demandez de rédiger à vingt-hui mains ! Cela devient très notablement compliqué.
Je déposerai donc, au nom du Conseil d'Etat, un amendement, parce que nous sommes, bien entendu, disposés à soumettre le texte de la brochure au Bureau du Grand Conseil. Mais on ne peut pas imaginer que la publication de ladite brochure dépende de l'accord du Grand Conseil. (Remarques.) Parce qu'un délai légal nous oblige à envoyer la brochure aux électeurs ! Et s'il y a un désaccord persistant entre le Conseil d'Etat - rédacteur, selon votre loi - et le Bureau du Grand Conseil, qui a un droit de censure, le processus électoral sera bloqué et je ne peux imaginer une seconde que c'est ce qu'auraient pu vouloir les auteurs du projet de loi.
Cela dit, on est un peu en train de compliquer la manoeuvre. Dans la droite ligne du discours de St-Pierre, pour la simplification des procédures et l'allégement de la législation, il aurait certainement mieux valu ne pas légiférer en la matière. Si vous entendez néanmoins légiférer sur cette question, qui ne règle de loin pas tous les problèmes, alors je reviendrai en deuxième débat avec l'amendement annoncé.
Mis aux voix, le projet de loi 9868 est adopté en premier débat par 46 oui contre 28 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 53, alinéa 1, 2e phrase, 3e tiret (nouvelle teneur). Je donne la parole à son auteure.
Mme Béatrice Hirsch-Aellen (PDC), rapporteuse de majorité. C'est un amendement formel qui veut rétablir les mots «ou de l'initiative», cela avait été oublié dans la retranscription. Le texte de l'amendement correspond donc au texte voté en commission.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Juste pour vous dire que, bien entendu, l'amendement proposé par la rapporteuse doit être accepté, c'est une erreur de plume et il est normal de la corriger.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 74 oui et 1 abstention.
La présidente. Le deuxième amendement est présenté par le Conseil d'Etat. Il s'agit du même article 53, alinéa 2 et alinéa 3. Monsieur le conseiller d'Etat, souhaitez-vous prendre la parole ? (Remarques.)
Des voix. Il faut le lire ! (Brouhaha.)
La présidente. Puisque vous n'avez pas reçu cet amendement, le voici: «Le Conseil d'Etat soumet son projet de commentaire au Bureau du Grand Conseil.» Ainsi, la suite de la phrase «...dont il doit obtenir l'accord» est supprimée.
M. Michel Halpérin (L). Comme le savent probablement la plupart des membres de cette assemblée, lorsque ce projet de loi a été déposé, c'est parce que le Bureau avait épuisé ses aptitudes à convaincre le Conseil d'Etat de modifier le texte d'un préavis dans le sens qui paraissait nécessaire au Bureau.
Alors, la question s'est naturellement posée. Puisque nous ne pouvons pas nous mettre d'accord avec le Conseil d'Etat, il y a deux solutions: soit le parlement cède, et le Conseil d'Etat a le dernier mot sur le texte, soit le Grand Conseil ne cède pas, et c'est lui qui a le dernier mot sur le texte.
A l'évidence, Mesdames et Messieurs les députés, le dernier mot appartient au législatif, et c'est la raison pour laquelle l'amendement proposé ne peut être que rejeté.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 48 non contre 32 oui et 1 abstention.
La présidente. L'amendement suivant, également présenté par le Conseil d'Etat, est identique au précédent et concerne l'alinéa 3 de l'article 53. Il s'agit également de biffer les mots: «dont il doit obtenir l'accord.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 47 non contre 34 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'article 53, al. 1, 2e phrase (nouvelle teneur) et al. 2 et 3 (nouveaux, les al. 2 et 3 anciens devenant les al. 4 et 5) ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Le projet de loi 9868 est donc adopté avec amendement en deux débats.
La présidente. Le troisième débat est-il demandé ? Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat a fort bien compris que vous souhaitez avoir la certitude que la position défendue dans la brochure adressée aux électeurs et aux électrices réponde bien à vos voeux. Sauf qu'il est tout de même relativement difficile de faire cet exercice - et nous nous en sommes rendu compte, Monsieur le député Halpérin, à plusieurs reprises.
Par conséquent, dans le but de respecter ce que vous avez voté en refusant l'amendement du Conseil d'Etat, mais dans l'idée de parvenir à une procédure qui ne nous place pas dans la situation de devoir annuler une votation convoquée faute d'accord entre les deux pouvoirs, je ne demande pas le troisième débat. (Applaudissements. Exclamations et huées.)
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous lis l'article 134 sur le troisième débat, alinéa 3: «Toutefois, à la demande du Conseil d'Etat, du Bureau unanime ou d'une commission unanime, il est passé immédiatement au troisième débat, sauf décision contraire de l'assemblée.» Cela veut dire que je vais vous faire voter sur le troisième débat... (Exclamations.) Excusez, que l'on soit clair sur le principe du troisième débat... (Brouhaha. La présidente est interpellée.) Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau va se concerter. Nous suspendons la séance.
La séance est suspendue à 22h28.
La séance est reprise à 22h33.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir reprendre place, nous poursuivons. Le Bureau du Grand Conseil n'étant pas unanime, nous ne demandons pas le troisième débat.
Par conséquent, et puisque nous sommes à la veille du long week-end de Pentecôte, nous arrêtons là nos débats. Bonne soirée !
La séance est levée à 22h35.