Séance du vendredi 25 mai 2007 à 17h
56e législature - 2e année - 8e session - 39e séance

M 1716
Proposition de motion de Mmes et MM. Gabriel Barrillier, Michel Ducret, Jacques Follonier, Frédéric Hohl, Hugues Hiltpold, Jacques Jeannerat, Pierre Kunz, Patricia Läser, Jean-Marc Odier, Louis Serex, Marie-Françoise de Tassigny pour que la formation des enseignants de l'école enfantine et primaire soit effectuée en HES

Débat

M. Jacques Follonier (R). Vous savez tous que le système de Bologne exige maintenant cinq ans d'études pour obtenir le master ès sciences de l'éducation permettant d'enseigner. Vous savez aussi qu'une part peu importante est allouée à la formation pratique et que nous sommes actuellement devant un choix de société, à savoir quelle formation nous voulons donner aux enseignants de l'école enfantine et de l'école primaire.

Et nous, au parti radical, nous voulons - c'est l'un de nos souhaits - harmoniser le plus possible la formation des enseignants, pour le moins au niveau romand. HarmoS va bientôt entrer en ligne de compte. La Convention romande prévoit déjà que la formation continue des enseignants se fasse au niveau romand. Il nous a donc paru judicieux que ces formations soient elles aussi harmonisées, pour pouvoir faire comme nos autres cousins cantonaux, c'est-à-dire former nos enseignants de la même manière, soit sur trois ans et dans une HES. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'une formation plus courte peut se révéler beaucoup plus attractive, ce qui veut dire que plus de personnes embrasseront cette profession. Et puis, vous le savez comme moi, nous avons un immense besoin d'enseignants.

Par ailleurs, cette harmonisation permettra aussi une meilleure mobilité. Nous avons besoin de certains enseignants et il ne serait pas judicieux que nous ne puissions pas engager des enseignants d'autres cantons, tout cela parce qu'ils n'auraient pas la même qualité de formation que celle que nous exigeons à Genève - et c'est nous que nous pénaliserions en formant nos futurs enseignants de cette manière.

Pour toutes ces raisons, je vous demande de bien vouloir renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement supérieur.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Le sujet est d'actualité, puisque mercredi M. Beer a présenté son projet pour l'école primaire, dans lequel figurait un point sur la révision de la formation du primaire. D'autre part, il existe un projet de loi libéral sur la réforme de la formation des enseignants du primaire, projet qui est pendant à la commission de l'université et qui avait été gelé dans l'attente d'un rapport du Conseil d'Etat. Ce sujet est donc tout à fait d'actualité.

Mais les Verts n'ont pas encore de religion à propos de l'aspect exact que devrait revêtir la formation des enseignants, si ce n'est que nous pensons que le volet concernant les stages pratiques devrait être renforcé. Par ailleurs, d'autres questions se posent: le nombre d'années d'études, le type d'école - université, HES, HEP, institut - la possibilité de masters pour des spécialisations, par exemple. A notre avis, tout cela mérite un débat en profondeur et nous pensons que ce n'est pas par la voie de cette motion - proposant déjà une solution, demandant un projet de loi et n'évoquant que les HES - que nous allons résoudre l'ensemble de cette problématique.

Le département va certainement présenter des projets sous peu et nous préférons attendre ce moment-là pour nous déterminer. Nous nous opposerons donc à cette motion.

M. Henry Rappaz (MCG). Il est une vérité incontournable: nous manquons cruellement d'enseignants. Et nous le savons. Aussi, la proposition de créer une Haute école pédagogique genevoise est une excellente idée. En effet, cela permettrait d'obtenir un bachelor en enseignement au bout de trois années seulement, au lieu des cinq années d'études prévues par le système de Bologne pour obtenir un master en enseignement. Sans aucun doute, il faut accepter cette proposition !

Par conséquent, le Mouvement Citoyens Genevois est favorable à cette motion et propose de la renvoyer à la commission de l'enseignement supérieur.

Mme Janine Hagmann (L). Mardi dernier, le dernier débat des rendez-vous de l'instruction publique, auquel Mme Pürro et moi-même avons participé, a été très intéressant. Il a débuté par la question suivante: qu'est-ce qu'un bon enseignant ? Et, pendant deux heures, les gens se sont affrontés et ne sont pas parvenus à trouver une formule définissant ce qu'était un bon enseignant. Par contre, tous les débatteurs dans la salle ont reconnu que pour être un bon enseignant - à part certains qui naissent avec une étiquette «enseignant» sur leur berceau - il fallait une bonne formation. Et aujourd'hui, nous parlons de formation.

Comment les choses se passent-elles actuellement ? Les enseignants font une licence en quatre ans. Mais je rappelle que Genève a une spécificité: notre République forme partiellement ses enseignants du primaire à l'université, depuis 1929. Certains se souviennent peut-être de l'Institut Rousseau, dirigé par Piaget et Rossello, où les étudiants passaient leur certificat propédeutique pour pouvoir enseigner au primaire.

Puis, en 1995, une loi a été votée à l'unanimité dans cette enceinte pour que les futurs enseignants du primaire puissent recevoir une formation universitaire à la FPSE en partenariat avec le DIP, afin d'y suivre des cours et des stages.

Actuellement, des modifications sont en cours. C'est vrai, certaines personnes ont contesté la FPSE. Et l'on peut tout de même constater une chose négative: c'est que la FPSE compte beaucoup de sociologues et bientôt plus de pédagogues. Et il est certainement dommage que les futurs enseignants soient davantage formés par des sociologues que par des pédagogues. C'était juste une parenthèse que je tenais à faire.

M. Follonier nous fait part de sa volonté d'harmoniser la formation... Bien sûr, nous la voulons tous ! Mais, Mesdames et Messieurs, il ne faut pas l'oublier: qui peut le plus peut le moins ! Et, puisque nous avons la chance que la formation des enseignants se fasse à l'université, ne serait-il pas dommage de la sacrifier au profit d'une formation en HES ? Cette question sera posée à la commission.

A mon avis, pour qu'une formation soit vraiment valable, elle doit être conçue pour favoriser l'articulation entre les savoirs théoriques et les savoirs d'action, entre les pratiques professionnelles effectivement mises en oeuvre et l'analyse de leur pertinence du point de vue des enseignants apprenants, et puis, également, elle doit dispenser les notions de l'enseignement qu'il faudra apprendre aux élèves.

Pour finir, il faut se demander ce qui est le plus important...

La présidente. Il va falloir conclure, Madame la députée !

Mme Janine Hagmann. ... est-ce la structure que l'on va mettre en place ou son contenu ? C'est dommage qu'il faille conclure, car c'est un sujet vraiment intéressant ! M. le président Charles Beer nous a proposé, à la commission de l'enseignement, mercredi...

La présidente. Il faut conclure !

Mme Janine Hagmann. ... de nouvelles possibilités de formation dans un institut qui verra le jour en 2008.

Je vais conclure - puisque j'ai malheureusement épuisé mon temps de parole - en vous disant ceci: il ne faut surtout pas raccourcir le temps de formation pédagogique des futurs enseignants: ils en ont trop besoin ! Mais soyons raisonnables: nous savons qu'une formation sur quatre ans est suffisante !

La présidente. Merci, Madame la députée. Monsieur Weiss, il ne vous reste plus de temps de parole, Mme Hagmann l'ayant épuisé. Je donne la parole à Mme Virginie Keller Lopez.

Mme Virginie Keller Lopez (S). Tout comme Mme Hagmann, le groupe socialiste ne souhaite pas aujourd'hui brader une formation qui, somme toute, fait la fierté de Genève depuis un siècle.

Il semble que la proposition qui nous est faite aujourd'hui n'a pas vraiment pour objectif de discuter du contenu de ce que doit être une formation d'enseignant, elle s'attache uniquement au coût de cette formation. Et, en ce qui me concerne, je trouve un peu dommage d'aborder cette question de la formation, essentielle aujourd'hui, uniquement sous cet angle.

Le parti radical nous parle d'harmonisation... C'est évident, le parti socialiste souhaite également l'harmonisation des formations, pour que nos enseignants puissent enseigner ailleurs et pour que nous puissions accueillir d'autres enseignants lorsque nous en avons besoin ! Mais M. Follonier nous propose d'harmoniser la formation dispensée à Genève avec les autres cantons romands... Nous, ce que nous vous proposons, c'est que cette harmonisation s'effectue avec le reste de l'Europe, avec le reste du monde - où la plupart des formations d'enseignants ont lieu dans le cadre universitaire ! On le sait, dans les autres cantons suisses, la tendance est plutôt d'aller de l'avant et de dispenser ces formations à l'université - pourquoi pas ? - plutôt que de reculer. En cherchant aujourd'hui à harmoniser notre système de formation en fonction de ceux qui sont, précisément, en train de discuter d'un éventuel changement, je pense que nous faisons là un bien mauvais calcul !

Et notre faculté - Mme Hagmann l'a rappelé, et je crois que l'histoire a son importance - a une réputation mondiale, Piaget aussi, et nous devons absolument la conforter. Nous devons plus que jamais donner des moyens pour que cette formation soit de qualité et, peut-être, pour l'adapter en fonction des critiques qu'elle a reçues. On sait en effet que la question des stages est fortement discutée et je pense que c'est essentiel dans la formation des enseignants.

Aujourd'hui, nous voulons bien, nous les socialistes, ouvrir le débat sur ce sujet - nous sommes d'accord - mais nous refuserons cette motion, parce qu'elle propose une solution que nous n'approuvons pas. Nous savons très bien que le débat est déjà ouvert au sein du département, d'ailleurs un projet de loi est actuellement pendant à la commission de l'enseignement supérieur et la discussion sera ouverte à son sujet lorsque nous le souhaiterons.

Par conséquent, Mesdames et Messieurs, nous n'avons pas besoin de cette motion - qui représente un retour en arrière de la formation des enseignants aujourd'hui - pour avoir un débat que nous savons indispensable !

M. Eric Bertinat (UDC). Permettez-moi de poser deux questions suite au dépôt de cette motion. La motion du groupe radical tombe-t-elle à côté ou, même, fait-elle double emploi ? Ce sont les questions que l'on peut se poser, puisque ce même groupe a déposé le projet de loi 9500 en 2005, demandant que l'on offre à Genève une formation d'enseignement primaire avec un baccalauréat universitaire !

Une telle possibilité aurait déjà bien des similitudes avec la formation en HEP. Ce projet de loi est en attente devant la commission de l'enseignement supérieur et nous savons que le DIP étudie une proposition de bachelor pour cet enseignement.

Est-ce la réponse du Conseil d'Etat qui figure dans le rapport divers 585 qui pousse les radicaux à relancer ce débat ? Sans doute ! Parce que le Conseil d'Etat nous laissait entendre que la formation telle que dispensée à Genève était du même niveau que les nouvelles HEP. En conclusion, le Conseil d'Etat se prononçait contre la création d'une Haute école de pédagogie et mettait en avant l'existence d'infrastructures à l'université et les coûts importants que cela impliquerait. Il jugeait donc cette idée inutile.

Mais la question reste ouverte, et elle est importante parce que, soit nous allons choisir de maintenir la formation à l'université, soit elle s'effecturera en HES, comme proposé ici.

Il convient donc d'étudier cette motion en commission de l'enseignement supérieur, en la joignant bien évidemment au projet de loi 9500 qui est en attente.

M. François Gillet (PDC). C'est vrai, la question de la formation des enseignants est centrale pour notre instruction publique. Et il est évident - M. Follonier l'a rappelé - que, dans le cadre de l'harmonisation scolaire romande, la question de l'harmonisation de la formation des enseignants est également importante.

Faut-il pour autant harmoniser les structures de formation ? Faut-il pour autant que les établissements de formation soient les mêmes partout ? Nous n'en sommes pas convaincus, en tout cas pas à ce stade de la réflexion !

Nous pensons qu'il est nécessaire d'étudier cet objet en commission. Nous pensons qu'il est nécessaire de comparer cette variante à d'autres propositions qui pourraient être faites, mais nous ne sommes pas convaincus pour l'instant que la HES soit forcément la structure adéquate pour la formation de nos enseignants à Genève.

Par ailleurs, nous attirons votre attention sur le fait que notre groupe a déposé une motion - qui sera peut-être étudiée tout à l'heure, si nous en avons le temps - qui traite de l'amélioration de la formation des enseignants en matière de langues. Sur ce point, nous préconisons plutôt une collaboration avec la FPSE. Et il est possible que cette question puisse orienter notre position dans un sens ou dans un autre.

M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. J'aimerais juste ajouter quelques mots à ce débat, puisque cet objet sera certainement renvoyé en commission. Du reste, il y rejoindra le projet de loi 9500, comme cela a été évoqué, et il sera également rejoint, comme vous le savez, par le projet de loi du Conseil d'Etat.

Aujourd'hui, nous travaillons à la structuration de la formation des enseignants, dans l'optique que celle-ci permettre aux futurs enseignants d'acquérir dans le même type de lieux un certain nombre de compétences et de connaissances. Je pense évidemment au niveau universitaire, à un centre interfacultaire prenant la forme d'un institut universitaire de formation des enseignants, où les futurs enseignants du primaire et du secondaire - au niveau de la maîtrise - pourraient être formés. Cela viendrait probablement compléter une démarche déjà effectuée pour les enseignants du primaire au niveau du baccalauréat.

Mesdames et Messieurs les députés, sans vouloir trancher d'ores et déjà cette question importante, j'aimerais dire que, si l'on conçoit la formation initiale des enseignants comme étant quelque chose de très important, celle-ci doit forcément être élargie - au moment où la formation continue pour tous, tout au long de la vie, est chose normale - par la formation continue et, également, par le perfectionnement professionnel permettant notamment d'assurer la formation des cadres et des directions scolaires. A cet égard, nous travaillons à un projet d'envergure complet, qui donnera la possibilité, en particulier au niveau du perfectionnement professionnel, d'y associer un certain nombre de partenaires romands, dont l'IDEAP que vous connaissez tous et qui est basé dans le canton de Vaud.

Mesdames et Messieurs les députés, le débat pour savoir si la formation des enseignants doit se faire à l'université ou en HEP est, à certains égards - permettez-moi de le dire - extrêmement réducteur ! J'en veux pour preuve que la HEP du canton de Zurich est reliée à l'université. Il s'agit donc pratiquement d'un institut universitaire, ce qui ressemble finalement, sous certains aspects, à ce qui est prévu aujourd'hui par le Conseil d'Etat.

Mesdames et Messieurs les députés, attention aux «fausses bonnes idées» ! Renoncer aujourd'hui à une formation universitaire et créer une HEP de toute pièce serait, à mon avis, tout simplement revenir à une notion particulièrement désastreuse pour le canton de Genève: il faudrait dépenser beaucoup plus pour faire un peu moins bien !

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1716 à la commission de l'enseignement supérieur est adopté par 40 oui contre 29 non et 1 abstention.