Séance du
vendredi 23 mars 2007 à
17h
56e
législature -
2e
année -
6e
session -
29e
séance
PL 9937-A
Premier débat
La présidente. Nous abordons le point voté en urgence, le point 97 de notre ordre du jour: projet de loi 9937. Le rapporteur de majorité est M. Claude Aubert, le rapporteur de minorité M. Jean Rossiaud. Cet objet sera traité en catégorie II, en quarante minutes, ce qui veut dire quatre minutes par groupe.
M. Claude Aubert (L), rapporteur de majorité. Ce projet de loi, émanant du Conseil d'Etat sur proposition du rectorat, institue un nouveau type de professeurs d'université. Les maîtres d'enseignement et recherche - MER - qui ne font pas partie du corps professoral, interviennent et demandent que soit voté un amendement en leur faveur. La majorité refuse de confondre les deux problèmes et se détermine pour un travail en deux temps: au parlement de débattre du projet de loi, à l'université de reprendre la question des MER, en urgence, car l'affaire a trop duré. Le rapporteur de minorité trouve nos raisons obscures. Essayons d'être clairs : nous tenons à éviter que le Grand Conseil rende l'université ingouvernable. La nomination de professeurs assistants avec prétitularisation conditionnelle n'est pas contestée par le rapporteur de minorité. Elle n'est pas contestée par les MER eux-mêmes. En entrant directement en matière avec la revendication de ces derniers, notre parlement enverrait à la communauté universitaire le message suivant : «Si vous êtes mécontents d'un projet du rectorat ou du département de l'instruction publique, pas de panique, adressez-vous directement au Grand Conseil, qui arrangera vos affaires. Les rouages prévus par la loi, aux oubliettes !» Nous nous situons dans un ménage à trois: le Grand Conseil, le département de l'instruction publique et les organes de la gouvernance universitaire. Il est essentiel de respecter les règles qui organisent les rapports dans ce triangle, afin de ne pas tomber dans ce que les spécialistes nomment «un triangle pervers». Nous rendrions l'université ingouvernable en mettant sa gouvernance dans l'incapacité d'exercer les prérogatives que nous lui conférons; en intervenant directement, sans concertation, par exemple en utilisant un projet de loi pour modifier au passage, mine de rien, la loi sur l'université. Nous refusons de glisser dans cette dérive. Bien évidemment, nous devons écouter les doléances et déceler les dysfonctionnements, en l'occurrence, la lenteur de l'alma mater à repenser le statut des MER. Mais notre Grand Conseil ne doit pas devenir le saint-bernard des universitaires en souffrance.
Monsieur le rapporteur de minorité, pourquoi refuser ce travail en deux temps, respectueux de notre environnement légal ? Pourquoi vouloir jeter l'enfant avec l'eau du bain ? Pourquoi bloquer sine die ce moyen reconnu comme essentiel d'assurer le développement durable de notre université, en recrutant des jeunes talents ? Je vous demande de lever votre opposition. Vous êtes connu comme un spécialiste du développement durable, je serais désolé qu'en matière universitaire vous assistiez sans réagir au début d'un développement minable.
M. Jean Rossiaud (Ve), rapporteur de minorité. Effectivement, c'est en pensant au développement durable de l'université que nous pensons qu'il faut remettre ce projet. Dans son audition du 11 janvier, en présentant le projet de loi aux députés, le conseiller d'Etat Charles Beer a insisté sur le fait que ce dossier était particulièrement urgent et pouvait être consensuel. Il restait cependant que s'il n'y avait pas de consensus, il serait préférable de reprendre le projet ultérieurement, dans une révision plus large de la loi sur l'université.
Quant à l'urgence, Mesdames et Messieurs les députés, le DIP avait plaidé avec succès devant le Grand Conseil pour qu'aucun acte législatif concernant l'université ne soit voté avant la prise en considération des rapports Béguin et des travaux de la commission Dreifuss qui est encore en train de faire son travail. Il a lui-même décidé de déroger à sa propre décision en proposant ce projet de loi. Comme motif, il a invoqué l'urgence. J'aimerais rappeler ici que ce projet de loi fait suite au lancement, par la Confédération, de programmes de relève en 1996... L'Université de Genève est la dernière de Suisse à ne pas avoir introduit ce statut, alors qu'elle en avait la possibilité dès 1996. Demander aujourd'hui l'urgence, alors qu'il a fallu plus de dix ans pour ne pas avoir réussi à proposer une solution, qui à la fois satisfasse aux exigences académiques contemporaines et qui préserve l'égalité de traitement au sein de l'université - alors que cela a pu se faire sans problème partout ailleurs en Suisse - démontre un certain problème de gouvernance. Et c'est cette question-là, celle de la durabilité de l'université, sur laquelle il faudrait réfléchir. Ce sont précisément ces problèmes de gouvernance que nous devons régler tranquillement, en tenant compte des rapports Béguin et Dreifuss, au moment où nous allons refondre la loi sur l'université et peut-être lui donner plus d'autonomie.
Maintenant, la question du consensus. On a pu penser qu'il y aurait un consensus réclamé par M. Beer. Nous y avions cru et nous y avions travaillé. Car, comme l'a dit le rapporteur de majorité, tous les commissaires - et moi aussi - à l'unanimité, ont compris l'importance pour l'Université de Genève de se doter de la fonction de professeur assistant avec prétitularisation conditionnelle. Mais les problèmes de gouvernance à l'université touchent notamment aux questions relevant des relations de pouvoir et d'autorité, entre autres entre le corps professoral, le corps intermédiaire et le personnel administratif et technique. Un député libéral a fait justement remarquer en commission que, tout en étant favorable à ce projet de loi, il trouvait regrettable qu'il ne soit pas inclus dans le cadre d'une simplification globale du corps enseignant, qui comporte actuellement - attention, Mesdames et Messieurs - douze échelons ! Douze échelons, ce qui fait de l'Université de Genève une rareté dans le domaine.
Ce projet de loi, en proposant une fonction académique nouvelle et supplémentaire, sans proposer de réorganisation globale des autres fonctions, touche à l'équilibre fragile des fonctions existantes et instaure de surcroît de nouvelles iniquités. Ceci est précisément inacceptable et non durable. S'il est judicieux de vouloir ouvrir des carrières académiques à des jeunes chercheurs prometteurs, de moins de trente ans pour la plupart, afin de les retenir à Genève, il n'est cependant pas correct de les favoriser au détriment de chercheurs souvent plus confirmés, aujourd'hui maîtres d'enseignement ou chargés de cours, professeurs titulaires ayant à leur bénéfice davantage d'expérience d'enseignement, davantage de publications scientifiques et ayant géré le plus souvent des équipes de recherche plus importantes. Ceux-ci partiraient du simple fait que, au moment de leur engagement, ils n'ont pas eu la chance de pouvoir bénéficier des facilités du système dit «de prétitularisation».
Inscrire dans la loi la fonction de professeur assistant sans permettre aux MER ou aux professeurs titulaires de bénéficier des mêmes conditions de promotion est une injustice flagrante qui ne pourra que susciter, au mieux de l'animosité, au pire des conflits ouverts dans les départements concernés, à chaque nouvelle nomination !
C'est la raison pour laquelle nous avons proposé en commission un amendement qui, tout en permettant l'engagement de professeurs assistants, réduirait cette inégalité de traitement dont seraient victimes les MER et professeurs titulaires, si le projet de loi était adopté tel quel. Cet amendement, Mesdames et Messieurs les députés, a été refusé par huit voix contre cinq. Les trois abstentions socialistes ne constituent pas un appui inconditionnel au projet du DIP ! Nous n'avons donc pas abouti au consensus réclamé par M. Beer en commission, et il paraît donc sage de renvoyer ce projet en commission et de reprendre son étude au moment de la refonte totale de la loi sur l'université, qui devrait avoir lieu dans quelques semaines - on n'est pas dans une histoire de trois ans ! Si ce renvoi devait être refusé, je proposerais au deuxième débat l'amendement dont nous avons déjà discuté en commission et qui avait été présenté tel quel - je l'ai repris tel quel - par le parti démocrate-chrétien.
La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le rapporteur.
M. Jean Rossiaud. Je conclus, c'est ma dernière phrase. Donc, l'amendement que nous avons déposé en commission permet de créer les nouveaux postes réclamés par l'université, et sans créer d'injustices nouvelles.
Pour conclure, je pense que certaines réformettes ne permettent pas forcément d'aller de l'avant dans le sens de ce qui est nécessaire, dans le sens de la modernisation et de la démocratisation de l'appareil universitaire, qui restent les deux problèmes essentiels qui touchent la gouvernance...
La présidente. Monsieur le rapporteur...
M. Jean Rossiaud. ...et la durabilité de l'université. Un bon projet de loi ne crée pas davantage de problèmes qu'il n'en résout.
Mme Virginie Keller Lopez (S). Lors des débats en commission, le parti socialiste a été très sensible à la question soulevée par le statut des MER et nous avons soutenu le fait que nous puissions résoudre finalement deux problèmes en un - ce qui nous aurait permis d'avancer un peu plus vite que d'habitude sur ces dossiers de l'université. Malheureusement - mais nous y reviendrons, je pense, lorsque nous débattrons de l'amendement - la commission n'a pas voulu profiter de ce projet de loi pour régler la question du statut des MER. Aussi nous sommes-nous abstenus lors du vote final, cela pour souligner que rajouter aujourd'hui un treizième statut au sein de l'université demeure pour nous un problème, alors même les travaux pour éclaircir le paysage n'ont pas commencé.
En ce qui concerne le consensus, je ne serai pas tout à fait d'accord avec mon collègue rapporteur Vert. En effet, il dit lui-même dans son rapport, et je le cite : «Sur le fond, tous les commissaires - et l'auteur de ce rapport de minorité y compris - ont compris l'importance pour l'Université de Genève de se doter de la fonction de professeur assistant avec prétitularisation.» Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ne voudront pas aujourd'hui conditionner un bon projet - sur lequel il y a un consensus et avec lequel tout le monde est d'accord - à une question qui mérite évidemment d'être réglée, et très prochainement. C'est pourquoi nous avons décidé en commission d'adresser un courrier au rectorat actuel pour lui préciser que cette dernière ne souhaitait pas évacuer le débat sur les MER, que ce débat nous semblait urgent et que, malheureusement, cela faisait des années qu'il aurait dû avoir lieu au sein de l'université, de même que des solutions auraient dû être trouvées.
Il nous semble donc que, sans avoir obtenu l'engagement ferme qu'on prendra en compte la question des MER, nous ne pouvons pas voter tranquillement le projet qui nous est présenté ce soir.
Il est vrai que nous avons donné un délai à l'université; le rectorat nous a lui-même, dans une lettre adressée le 29 janvier à la commission, promis de soumettre la question au sein de l'université dans les semaines à venir. Nous avons donc donné à l'université jusqu'au 31 mai pour nous soumettre une proposition, un projet de loi visant à éclaircir ces différents statuts et à permettre aux MER d'être reconnus dans leur excellent travail. Ainsi, nous attendons ce projet de loi le 31 mai. A défaut, je pense que le Grand Conseil devra prendre ses responsabilités et soumettre des propositions à ces personnes qui attendent depuis beaucoup trop longtemps.
Le groupe socialiste reviendra par la suite sur la question de l'amendement, mais évidement qu'il entre en matière sur le projet de loi.
M. Jacques Follonier (R). Nul n'est besoin de rappeler les remous qui ont secoué l'université, mais peut-être est-il bon de rappeler les raisons de ces remous. Nous en sommes parfois responsables par rapport à nos lois. Vous savez comme moi que nous avons voté certaines lois, parfois en urgence, parfois malvenues, parfois mal préparées, et cela a causé quelque souci à l'université. Nous avons dû, dans le cadre de la commission de contrôle de gestion, nous occuper du problème de l'université - c'est encore un sujet qui nous occupe aujourd'hui, un sujet grave, difficile, et long à traiter.
Ce qu'on peut dire, c'est qu'il est illusoire et peut-être même malsain de vouloir rédiger un projet de loi vite fait pour traiter un petit problème, alors qu'on s'aperçoit clairement qu'il y a lieu aujourd'hui de préparer une loi générale sur l'université, loi qui, prétendument, devrait être bientôt prête et examinée par la commission de l'enseignement supérieur. Cette loi, selon ce que nous savons, a déjà été présentée à la majorité des commissaires, ou en tout cas des partis politiques, par Mme Dreifuss. Mais je suis quand même très surpris qu'on veuille instaurer une loi pour un nombre de gens qui, selon ce qu'on nous dit, représenteraient à peine dix personnes ou dix postes ! Vous avez remarqué, lors des interventions des rapporteurs de majorité et de minorité, qu'il y avait déjà un amendement qui pose un grave problème, celui de remettre en question ces postes, finalement, parce qu'il y a des tiraillements entre les treize postes existants. Pour l'instant, il y en a entre deux, les MER et ces nouveaux postes que nous allons créer, mais il y en aura aussi entre les autres, si cela continue comme ça. Je pense qu'on ne peut pas régler un problème à la sauvette et qu'il vaudrait mieux renvoyer ce projet de loi en commission, de manière qu'il soit traité en même temps que la loi sur l'université. Puisque cette loi doit gérer l'autonomie de l'université, cela nous permettra de voir comment cette dernière voudra ajuster son organigramme et, dès, lors de lui laisser, à elle, prendre les décisions qui lui incombent. Car ce n'est pas à nous, députés aujourd'hui, de mettre, comme ça, un ordre rapide.
Pour conclure, je vous rappellerai que nous avions voté une loi sur les gains accessoires de l'université, et nous l'avons votée aussi relativement rapidement. Or nous nous sommes complètement trompés quand nous l'avons votée ! On s'aperçoit aujourd'hui qu'elle est non seulement inutilisable, mais aussi malsaine. C'est d'ailleurs un des points qui a posé problème à l'université pendant longtemps. La raison qui nous avait été donnée à l'époque, c'était de garder des cerveaux, parce qu'il fallait absolument que l'Université de Genève le puisse, faute de quoi elle perdrait sa crédibilité. Je vous signale que c'est exactement le même cas qu'on nous présente aujourd'hui.
Je pense qu'il faut être prudent et renvoyer ce projet de loi en commission.
Mme Catherine Baud (Ve). Les Verts se sont montrés tout à fait perplexes devant ce projet de loi qui propose d'instituer le plus vite possible un statut de professeur assistant avec prétitularisation conditionnelle dans le corps des enseignants de l'université. En effet, comme il l'a été dit dans l'excellent rapport de minorité, cette modification aurait pu être faite il y a dix ans déjà et l'on comprend mal pour quelle raison elle devrait l'être maintenant, dans l'urgence, alors que tous les projets de lois concernant l'université se trouvent actuellement gelés, en attendant que la gouvernance de cette dernière soit reconçue. Compte tenu des tensions de personnel qui existent actuellement et des manifestations d'inquiétude des maîtres d'enseignement et de recherche - les MER - il paraît peu opportun de modifier quoi que ce soit dans le statut du personnel. Le moment est vraiment mal choisi ! L'existence des MER doit être prise en compte, ce système genevois permet à des enseignants d'avoir un poste stable mais les perspectives d'avancement sont beaucoup plus limitées. L'apparition du nouveau statut des professeurs avec prétitularisation mettrait les MER sur une voie de garage pour la plupart.
Finalement, il suffisait d'inclure un amendement, tel qu'il avait été proposé pendant les travaux de la commission, pour analyser le cas de ces MER et leur permettre d'être traités correctement, dignement, en même temps que ce nouveau corps d'enseignants assistants.
Il est évident que nous sommes en faveur d'un renvoi de ce projet de loi en commission, parce que nous estimons qu'il n'est pas normal de travailler dans l'urgence afin de créer un nouveau statut pour quelques personnes et, finalement, laisser dans une situation plutôt pénible et incertaine des gens qui sont déjà actuellement en train de travailler, et de faire de l'excellent travail, au sein de l'université.
Donc, dans ces conditions, le projet de loi aurait pu effectivement être consensuel. Tel qu'il est, il ne l'est pas. Aussi proposons-nous de le réétudier en commission.
Mme Janine Hagmann (L). Je crois qu'il ne faut pas qu'on se trompe de débat. Il ne s'agit absolument pas des turbulences de l'université, comme M. Follonier l'a évoqué tout à l'heure. Ce soir, nous sommes confrontés à un projet de loi présenté par le Conseil d'Etat, en accord avec le rectorat, pour demander de régler un petit problème. Il s'agit de créer un nouveau titre, afin de protéger et de garder des cerveaux de jeunes personnes qui sont tentées de partir ailleurs, parce que ce titre n'existe pas à Genève. Ça ne va pas plus loin ! Et j'imagine un peu la perplexité de certains députés de ce Grand Conseil qui ne sont pas à la commission, parce que c'est vrai que le problème est difficile à comprendre. Il serait légitime qu'ils se disent : «Mais voyons, on nous dit qu'il y a un consensus et, ensuite, on nous parle de deux nominations différentes !» Alors que c'est une chose toute simple ! Ce projet de loi propose de ratifier une nomination, de créer un nouveau titre pour une dizaine de personnes. On ne va pas, pour cela, attendre le projet de loi dit «Dreifuss» qui, lui, réglera tous les autres problèmes de gouvernance et de l'université. Et l'on ne sait pas quand ! Je vous rappelle que nous avons mis près de trois ans à la commission de l'enseignement supérieur pour arriver à la loi précédente... Dieu sait combien de temps on mettra pour que celle-là soit vraiment satisfaisante !
J'ai un peu peur aujourd'hui que, pardon du terme, l'on soit en train d'être un peu tatillon, qu'on chipote un peu... Il faut maintenant qu'on y aille, qu'on nomme ces dix personnes, qu'elles aient le titre ! Quant aux MER, il n'y a pas de favoritisme, Mesdames et Messieurs les députés ! Nous devons ici absolument avoir de la rigueur législative, et, si on veut une véritable rigueur législative, vous savez très bien qu'on ne peut pas mettre dans le même sac la titularisation des professeurs que nous voulons maintenant et les MER qui, eux, sont déjà des professeurs à l'université. On ne va jamais les laisser tomber, vous le savez bien ! On a été convaincu par leur audition, mais ce soir il s'agit d'une chose très simple: il s'agit d'accepter ce projet de loi tel qu'il est proposé par le rapporteur de majorité, sans aller plus loin. Nous attendons avec impatience le rapport de Mme Dreifuss, après quoi, s'il ne contient pas l'avantage qu'ont demandé les MER, nous ferons nous-mêmes un projet de loi, mais ce n'est pas le cas ce soir. Soyons rigoristes avec notre législation.
Une voix. Rigoureux !
Mme Janine Hagmann. «Rigoureux», merci!
M. Eric Bertinat (UDC). Je m'inscris, et l'UDC, par ma bouche, s'inscrit tout à fait dans ce qui vient d'être dit par Mme la députée Hagmann. Le sujet qui nous concerne, c'est donc l'introduction de ces fameux professeurs assistants à prétitularisation conditionnelle. Le débat a porté là-dessus, et les maîtres d'enseignement et de recherche se sont en quelque sorte superposés à ce débat. On a compris leur revendication, on a aussi compris qu'ils bénéficient d'un statut très particulier qui pose des problèmes, et tout cela va être revu lorsqu'on aura devant les yeux la nouvelle loi sur l'université.
Reste que la demande faite par le rectorat est urgente et tient compte d'un problème qui existe parmi les douze échelons, comme l'a rappelé M. Rossiaud, du corps professoral. Et il y a ce que l'on appelle «des cerveaux» qui risquent de partir à l'étranger, cerveaux que l'université souhaite garder, et nous avons un peu de peine à comprendre le chipotage que l'on entend actuellement au sein de ce parlement.
Donc, l'UDC soutiendra le rapport de la commission pour modifier la loi sur l'université.
M. Michel Forni (PDC). Le PDC soutient la teneur du PL 9937, qui doit permettre à l'Université de Genève d'incorporer au sein de son corps professoral des nouveaux professeurs portant le titre de professeur assistant avec prétitularisation. Les travaux qui ont été menés depuis ce début d'année, tant par le rectorat que par le département de l'instruction publique, ont permis une analyse cohérente dans le but de renforcer ce corps professoral et d'éviter ce qui a été dit, et qui est vrai, c'est-à-dire une hémorragie de jeunes cerveaux, et dans le but, surtout, de permettre à l'université d'affronter, en matière de recherche et d'innovation, sa concurrence, qu'elle soit suisse ou étrangère, et des comparaisons internationales. Mais, d'autre part, nous ne sommes pas insensibles à des formes d'inégalité de traitement, voire d'injustice, à l'égard de certains groupes d'enseignants qui ont été appelés «les MER» et les professeurs titulaires, car les conditions qui sont réservées à ce groupe - et ce n'est pas une dizaine de personnes mais, en fait, une quarantaine... Ce sont des collaborateurs actuellement intégrés non pas au corps professoral, mais au groupe chargé de l'enseignement et de la recherche. Il faut bien distinguer les deux éléments, ce n'est pas tout à fait la même chose.
Notre position est toutefois claire: nous soutenons ce PL 9937, mais nous le dissocions cependant du problème des MER et des professeurs titulaires. Nous suivons avec intérêt et avec beaucoup d'attention les échanges de courriers allant du rectorat à la commission de l'enseignement supérieur et nous espérons qu'une solution rapide va intervenir. Cependant, nous vous confirmons que nous disposons d'un projet de loi - que nous avons actuellement gelé - qui devrait permettre à ces MER et à ces professeurs titulaires d'obtenir ce qui leur est dû et aussi - dans un programme, non pas technocratique mais servant de levier - d'agir dans le cadre d'une réforme universitaire et de lui offrir des moyens d'influence qui pérennisent le niveau d'excellence de notre université.
M. Henry Rappaz (MCG). Le Mouvement Citoyens Genevois propose également de renvoyer ce projet de loi en commission et d'attendre que la nouvelle loi sur l'université prenne corps afin de reprendre correctement les débats.
La présidente. La parole est à M. François Thion, à qui il reste une minute et deux secondes.
M. François Thion (S). Je suis étonné de la position du parti radical, qui n'est pas tout à fait la même que celle qui avait été exprimée en commission, mais, visiblement, ce ne sont pas non plus les mêmes qui prennent la parole. Nous, socialistes, sommes contre le renvoi en commission, parce que c'est un projet de loi qui est important pour l'Université de Genève, important pour les jeunes chercheurs qui travaillent à l'Université de Genève, et renvoyer ce projet de loi en commission revient à l'enterrer pour plusieurs mois.
Cela dit, nous ne sommes pas insensibles au problème des maîtres d'enseignement et de recherche et, dès la fin mai, début juin, nous ferons - avec d'autres, j'espère - soit un projet de loi, soit une motion, on verra, mais on va activer les choses pour qu'ils puissent aussi participer à cette recherche à l'université.
M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Très rapidement, vous me permettrez de commencer cette intervention en remerciant la commission de l'enseignement supérieur et en remerciant également le Grand Conseil d'admettre dans ce dossier universitaire les propositions que fait le Conseil d'Etat de manière à trouver la voie pour sortir de la crise. En d'autres termes, le Conseil d'Etat vous a suggéré, il y a de cela quelques mois, de ne pas trancher un certain nombre de projets de lois qui étaient pendants par-devant vous, dans la mesure où leur traitement était de nature à compromettre l'orientation que pourrait donner par la suite le travail d'une commission externe de l'université, présidée par Mme Ruth Dreifuss. Je remercie encore le Grand Conseil et la commission de l'enseignement supérieur d'avoir donné une suite favorable à cette demande.
Le deuxième élément, c'est qu'avant d'introduire le projet de loi que nous traitons ce soir, j'ai très expressément demandé au rectorat de savoir à quel point la proposition contenue dans le projet de loi était indispensable à l'université, à partir du moment où j'avais pris un plusieurs engagements devant vous, et tout particulièrement celui de geler l'examen de projets de lois qui pourraient entraver la révision en profondeur de la loi sur l'université. Le rectorat a été catégorique - mais je reviendrai sur ce point.
Dès lors, je me suis effectivement retrouvé devant la commission de l'enseignement supérieur, après le passage devant le Grand Conseil, pour défendre le principe que le Conseil d'Etat souhaitait un traitement consensuel, et je tiens à mettre en évidence la qualité du travail de la commission, sa rapidité, sa rigueur et, en même temps, son sens consensuel. J'en veux pour preuve que ce projet de loi rassemble tout le monde dans l'objectif de créer une nouvelle fonction de professeurs assistants avec prétitularisation conditionnelle - cela, l'ensemble de la commission le partage - et que, sur le traitement différencié des MER, il y a effectivement distinction, voire opposition, et qu'en fonction de cela le projet de loi a finalement été accepté par 5 voix - je crois - contre 1 refus et 3 abstentions. Si ce n'est pas un consensus, on en est proche, et je remercie encore une fois la commission d'avoir suivi le Conseil d'Etat sur ce point.
Par rapport au fond du projet de loi, c'est-à-dire la création d'une nouvelle fonction - les professeurs assistants à prétitularisation conditionnelle - il convient de mettre en évidence le caractère d'urgence: le caractère d'urgence qui a animé le rectorat, le caractère d'urgence qui a motivé le Conseil d'Etat et le caractère d'urgence que vous avez pris en compte au niveau de la commission de l'enseignement supérieur. Pour remarquer qu'aujourd'hui des jeunes chercheurs et des jeunes chercheuses, de talent, sont en train de nous échapper parce que nous n'avons pas inscrit en temps voulu cette fonction dans la loi sur l'université. Alors, il faut agir rapidement pour éviter que de jeunes chercheurs, de jeunes talents, précisément au moment où on se les dispute, ne quittent l'université de Genève. Voilà très exactement le fond et la motivation de l'urgence.
J'ajoute à cela une motivation de fond, que certains et certaines - particulièrement certaines - devraient entendre. En effet, il est notable que le rectorat a présenté, il y a de cela une année et demie - c'était le précédent rectorat - un plan sur l'égalité, visant à réduire l'écart entre hommes et femmes, c'est-à-dire de manière à permettre de dépasser les 14 ou 15% de femmes à l'intérieur du corps professoral de l'Université de Genève. Cette mesure, la création de cette fonction de professeur assistant, a été très exactement mentionnée et a été l'objet d'une large approbation, puisque ce point, cette priorité, était de nature à réduire l'écart et puisqu'on pouvait ainsi dessiner, d'emblée, diverses carrières de chercheurs et de chercheuses.
Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous demande de traiter ce projet de loi, de l'accueillir favorablement et de ne pas confondre deux choses essentielles: la première, qui est l'adaptation avec l'ouverture à de jeunes chercheurs et chercheuses - sous réserve d'un certaines conditions de réussite - d'une carrière à l'Université de Genève, avec la seconde, à savoir l'ensemble des problématiques dont souffre aujourd'hui la loi actuelle, dont les points que vous avez relevés au cours de ces discussions. Car, pour cela, nous attendons la révision en profondeur de la loi sur l'université, et ce qui, pour certains, est aujourd'hui une proposition pourrait s'inscrire tout simplement comme un empêchement par rapport à l'adaptation de l'université, étant donné que celle-ci, outre une révision de fond de sa loi, a besoin impérativement de s'adapter et de permettre à de jeunes chercheurs de trouver leur place à l'Université de Genève.
Enfin, par rapport à la question des MER, deux précisions importantes. La première, toujours issue de la qualité des travaux de la commission de l'enseignement supérieur: le rectorat vous a écrit pour dire qu'il partageait votre souci et que cette création d'une fonction de MER, spécifiquement genevoise, nous permet de constater aujourd'hui que pratiquement 30% des MER deviennent des professeurs ordinaires, qu'un grand nombre deviennent aujourd'hui des professeurs titularisés à l'Université de Genève et qu'ils ne sont pas forcément une catégorie aussi précaire que vous le dites. Un deuxième élément important, et je vous demande de prendre cela en compte dans la réflexion, c'est que le statut de MER permet à des personnes qui enseignent, qui ont des qualités, de pouvoir rester à l'Université de Genève, alors que la fonction de professeur ordinaire doit être réservée aux meilleurs, indépendamment du système de l'ancienneté. J'aimerais que l'on puisse prendre cela en compte dans une réflexion plus large; et elle interviendra à l'occasion du rapport que nous transmettra Mme Dreifuss et qui prendra forme d'un projet de loi du Conseil d'Etat après examen de celui-ci. Merci de votre attention et de votre entrée en matière.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9937 à la commission de l'enseignement supérieur est rejeté par 62 non contre 20 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, le projet de loi 9937 est adopté en premier débat par 79 oui contre 2 non et 3 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 24, al. 2, lettre g (nouvelle, les lettres g et h devenant h et i) à 52A.
La présidente. A l'article 57E bis, Promotion (nouveau), nous sommes saisis d'un amendement présenté par M. Rossiaud, à qui je donne la parole.
M. Jean Rossiaud (Ve), rapporteur de minorité. Comme je vous l'ai dit en premier débat, nous avons repris exactement la proposition du parti démocrate-chrétien, qui reprenait elle-même celle du rectorat, il y a dix-huit mois, pour faire d'une pierre deux coups, en créant - car on ne s'y est jamais opposé - le titre de professeur assistant avec prétitularisation et en instituant en même temps qu'une nouvelle charge une égalité de traitement pour tous les MER et les professeurs titulaires qui seraient dans l'impossibilité d'être aussi admis au titre de professeur ordinaire. C'est vrai que je n'ai pas voulu reprendre dans le détail la lettre qu'on a reçue du rectorat, car elle ne permet pas, malheureusement, de comprendre exactement quelle est la part de MER qui passent comme professeurs ordinaires. Les chiffres qu'on nous donne ne fournissent pas suffisamment de détails... Donc, on ne comprend jamais s'il s'agit de MER exclusivement ou également de MER suppléants; on ne comprend jamais si ce sont des MER qui ont postulé à un poste nouveau de professeur; si ce sont des MER à qui l'on a demandé de remettre leur propre fonction en jeu, c'est-à-dire de perdre leur emploi pour postuler un poste qui serait remis internationalement au concours; si ce sont des MER qui sont partis à l'étranger quelques années et sont revenus en Suisse pour prétendre à un poste de professeur... Bref, on ne sait pas de quoi on parle ! A partir de là, il est difficile de faire des statistiques.
Ce que je vous suggère, c'est de rétablir cette égalité de traitement en votant cet amendement qui tombe sous le coup du bon sens.
M. Claude Aubert (L), rapporteur de majorité. J'aimerais vous parler d'un raisonnement écologique; je ne parle pas d'un raisonnement Vert, mais d'un raisonnement écologique. Les écologistes, au sens des scientifiques, ont introduit ou développé une notion très importante qui s'appelle l'étude d'impact: quand on change quelque chose dans un système complexe, il faut étudier les impacts. En ce qui concerne le corps professoral, l'étude d'impact a été faite, le projet aussi; par conséquent, on est exactement dans le noeud du problème dont on parlait tout à l'heure et le Grand Conseil va trancher.
Nous estimons, nous, la majorité, qu'il faut faire une étude d'impact pour savoir quelles seront les modifications et quel est l'impact de ces modifications du statut de MER. Est-ce que ce statut doit survivre ? Ne pas survivre ? Est-ce que ce sont, en fonction des facultés, des conditions différentes ? Et dans ce sens-là, la sagesse voudrait qu'on dissocie les deux problèmes : les MER, maîtres d'enseignement et de recherche, qui ne font pas partie du corps professoral, sont, pour l'instant, les seuls à dire qu'ils sont prétérités par le projet de loi, mais vous avez d'autres catégories à l'université qui pourraient aussi estimer qu'elles sont prétéritées par les modifications faites aux MER, parce que ce ne sont pas uniquement ces derniers qui sont concernés, et l'on est dans une réaction en chaîne.
Par conséquent, la majorité souhaite qu'on ait une réflexion écologique, dans le sens d'une étude d'impact, et c'est pour cela que nous pensons qu'on ne doit pas mélanger les deux problèmes, les MER sont un autre problème. Restons concentrés sur le sujet qui nous occupe, et l'on vous propose de ne pas entrer en matière avec des amendements en forme de cataracte.
M. Michel Forni (PDC). Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, le PDC a une idée claire, et nous ne voterons pas cet amendement dont le fond et la forme restent, comme cela a été dit, superposables à notre projet de loi. En revanche, le PDC vous confirme que cette étude d'impact, dont a parlé le député Aubert, l'intéresse et l'interroge au plus haut point, et que ceci est à la base de sa réflexion et surtout du projet de loi que nous allons probablement déposer le plus vite possible.
Il me paraît cependant important de rappeler que titulariser des enseignants de haut niveau va également renverser une forme d'immobilisme universitaire et permettre aussi une fusion peut-être plus rapide entre enseignants. Cela va surtout donner à l'Université de Genève la possibilité de continuer à jouer son rôle. Son rôle dans le concert international d'une compétition universitaire ! Et ce n'est pas un professeur qui peut le faire, c'est une assemblée de professeurs, soit un groupe professoral, et il est important que nous ayons les moyens en hommes et en experts. Dans ce sens-là, nous opérons donc une distinction dans le projet de loi de ce soir, que nous votons, et nous confirmons que nous déposerons ultérieurement, concernant les MER, un projet de loi qui reviendra sur ce problème.
Mme Virginie Keller Lopez (S). Comme je l'ai signalé tout à l'heure, le groupe socialiste soutiendra l'amendement proposé par le groupe des Verts, comme nous l'avons d'ailleurs fait en commission. Pourquoi allons-nous le soutenir ? Eh bien, simplement parce que je crois qu'il est un peu exagéré de dire qu'il faudrait faire une étude d'impact pour pouvoir résoudre un problème reconnu par tout le monde et dont on a entendu, aussi bien de la bouche des MER, en commission, que de celle du rectorat, que, finalement, cela ne concernera en tout et pour tout qu'une trentaine de personnes. Donc, l'étude d'impact nous paraît totalement exagérée dans ce cas, on a aujourd'hui la solution pour donner une réponse à ces personnes. Il ne faut pas oublier que l'amendement présenté n'engendre en rien un mécanisme automatique de poste de professeur pour ces MER: il propose simplement que, pendant deux ans, les personnes qui souhaiteraient postuler puissent le faire. Il n'y aurait donc aucune obligation pour l'université de les nommer professeurs. Cet amendement offre simplement une mesure transitoire pour les personnes qui désireraient sortir de ce statut de MER.
Alors, on se demande évidemment pourquoi l'ensemble de la commission n'a pas voulu régler le problème, puisque cela paraissait si simple... Il y a certainement des questions financières là-derrière. Mais ces dernières ont également été abordées en commission et on s'est assez vite rendu compte que ces trente personnes n'allaient, de loin, pas faire déborder le budget de l'université et que, en tout cas pour les premières années, il fallait une augmentation du budget d'environ 90 000 ou 100 000 F pour pouvoir reconnaître ces personnes et leur donner un statut qu'elles méritent.
J'ajouterai encore un mot pour dire qu'il y a plus de 20% de femmes parmi les MER et que ce serait l'occasion aussi pour ces personnes, qui ne sont pas forcément toujours très bien représentées dans le corps professoral, de postuler et d'être reconnues dans leur carrière universitaire.
Les socialistes pensent qu'on aurait tout à fait pu régler cette problématique aujourd'hui. Nous n'attendrons d'ailleurs pas les conclusions du rapport Dreifuss, Mesdames et Messieurs les députés, pour revenir à la charge sur cette question, car ce dernier ne proposera certainement pas une solution pour les MER; il va peut-être se contenter d'indiquer qu'effectivement les catégories actuelles des postes à l'université sont bien trop complexes et qu'il faudra clarifier cela au plus vite. Mais nous n'attendrons pas deux ou trois ans que les projets de lois à ce sujet émanent du Conseil d'Etat, pour proposer des solutions. Nous attendons avec intérêt la proposition du groupe démocrate-chrétien sur cette question et, nous l'avons dit, dès le 31 mai, sauf nouvelles du rectorat et sauf proposition de l'université, nous nous chargerons nous-mêmes de déposer un projet de loi concernant le statut des MER.
M. Pierre Weiss (L). Dans l'approche de ce projet de loi, le Conseil d'Etat a d'emblée indiqué qu'il entendait qu'une exception soit accordée par la commission de l'enseignement supérieur, dans la situation actuelle, par rapport au traitement gelé d'autres projets de lois que nous avions acceptés. Il s'agissait donc de n'entrer en matière que sur un projet extrêmement limité pour répondre à un besoin extrêmement précis. Si l'on en reste à ces considérations de méthode du gouvernement, alors il faut que les partenaires des deux côtés soient fiables. En ce qui nous concerne, la fiabilité consiste à respecter l'accord qui a été donné lorsque nous sommes entrés en matière en commission sur la proposition de M. Beer, sans aller au-delà de cette dernière. Précisément parce que, si l'on allait au-delà sur ce point, on pourrait aussi vouloir aller au-delà sur d'autres ! Par exemple, dégeler des projets qui le sont actuellement - je pense en particulier au projet de loi qui concerne les activités accessoires.
C'est un jeu dangereux que de vouloir aujourd'hui, sur cet amendement, entrer en matière, parce que cela peut amener certains d'entre nous à vouloir demain revenir sur l'accord - informel, bien entendu, mais entre partenaires de bonne foi - accord passé avec le conseiller d'Etat chargé du département de l'instruction publique et qui consiste à vouloir attendre que la commission Dreifuss ait fini ses travaux d'avant-projet de loi sur l'université.
J'aurais de la peine à imaginer que, parmi nous, sur cette question du traitement de l'université, certains aient une conception à géométrie variable de la bonne foi et je demande que soit reconsidérée par ceux qui viennent de s'exprimer leur position sur cet amendement, non pas en raison du fond mais en raison de la méthode et des conditions dans lesquelles nous sommes entrés dans ce débat. Sinon cela peut signifier qu'en d'autres temps nous ne nous fierions plus ni aux propositions du Conseil d'Etat ni à celles qui sont adoptées par certains des groupes dans les commissions.
Mme Catherine Baud (Ve). Il n'est pas question de revenir sur le gel des projets de lois, ni de faire des modifications... (Remarque.) Non, je n'ai jamais dit ça ! Il est simplement question de voter un amendement offrant une possibilité transitoire qui va concerner une trentaine de personnes. On ne demande pas quelque chose d'extraordinaire, mais simplement qu'à l'occasion de ce projet de loi, qui a tout à fait son utilité, il y ait un traitement égalitaire pour des personnes qui auraient éventuellement la possibilité de s'inscrire dans cette filière. Ce n'est pas quelque chose de dramatique, cela ne remet pas en question nos accords tacites: il s'agit tout simplement de prendre une trentaine de personnes en considération, et je crois qu'amendement suffit tout à fait pour tenir compte de ces cas particuliers.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Je crois qu'il est illusoire d'attendre cette magnifique loi que nous appelons de nos voeux, loi conçue par le groupe que préside Mme Dreifuss, parce qu'il est certain que ce sera une loi-cadre, qui ne va en tout cas pas entrer dans les détails de la gestion de l'université car elle correspond à l'attente de tout le monde: une loi qui donne plus d'autonomie à l'université. Donc, elle ne va pas s'occuper de l'organigramme du corps professoral, cela me paraît évident. Il est certain qu'à Genève nous sommes les champions des échelons multiples de la hiérarchie menant au corps professoral, ce qui est quand même assez déplorable.
Nous regrettons vivement que n'ait pas encore été traité le problème des MER, qui sont pour la plupart depuis de nombreuses années l'espoir de l'université par les fonds qu'ils apportent et par la qualité de leurs recherches. Ils méritent donc mieux ! Nous ne soutiendrons donc pas l'amendement, mais, par ailleurs, nous nous associerons au projet de loi qui va être déposé par le PDC, car nous pensons que les MER méritent vraiment qu'on se penche sur leur sort. Dans ce sens-là nous soutiendrons le futur projet de loi, mais pas cet amendement.
M. Eric Bertinat (UDC). Sans vouloir répéter ce qui vient d'être dit, c'est vrai que le cas des MER est bien particulier, à la genevoise, et nous avons parfaitement conscience de faire une exception. Dans ce cadre-là, nous savons également que le projet que va nous proposer la commission Dreifuss sera un projet-cadre, mais nous avons écouté et réfléchi à tout ce que nous ont dit les MER et je suppose que nous nous pencherons sur leur cas une fois que nous serons confrontés à cette nouvelle loi.
Le problème qui nous concerne aujourd'hui, c'est cette exception, et qui a un caractère d'urgence. Si nous reportons ce projet, si nous le renvoyons en commission ou si nous nous retrouvons dans la même problématique que nous avons connue avec les autres projets, c'est-à-dire qu'on les gèle, il va se passer de nombreux mois avant que la nouvelle loi sur l'université soit acceptée. Or ce n'est pas dans ce délai, si j'ai bien compris le département, qu'ils ont besoin de pouvoir nommer ces fameux professeurs assistants à prétitularisation conditionnelle. C'est la raison pour laquelle le groupe UDC ne votera pas cet amendement.
La présidente. La parole est à Mme la députée Virginie Keller Lopez, à qui il reste une minute.
Mme Virginie Keller Lopez (S). Je voudrais répondre à M. Weiss et lui dire que, nous les socialistes, on ne pense pas que le chantage soit une bonne méthode en politique. Nous avons voté cet amendement en commission, parce que nous pensions qu'il était juste ! Juste, pour répondre à une problématique que tout le monde a reconnue en commission. Je crois que ce n'était pas là une position minoritaire de gens qui, tout à coup, viennent au dernier moment amener quelque chose... Cet amendement a été discuté, nous l'avons voté en commission, et vous saviez que nous le soutenions; donc, je ne vois pas pourquoi vous essayez aujourd'hui de nous faire peur avec vos menaces sur je ne sais quel autre projet ! (Remarques.) Je crois que l'ensemble de la commission a reconnu qu'il était important d'apporter une réponse et le groupe socialiste se réjouit, avec les libéraux, les radicaux, les PDC, les Verts et tous les autres, de proposer rapidement une solution pour ces personnes. Et nous espérons bien que le groupe libéral pourra signer également ce projet.
La présidente. La parole est à M. le rapporteur de minorité Jean Rossiaud, à qui il reste deux minutes et quatorze secondes.
M. Jean Rossiaud (Ve), rapporteur de minorité. Première chose: les Verts accueillent avec satisfaction la décision du PDC de reprendre l'amendement qu'ils avaient d'abord déposé - puis retiré, pour refaire un projet de loi, avant ou après le rapport Dreifuss - ainsi que le fait que les radicaux refusent ce projet - mais s'y rallieront plus tard, si jamais celui-ci est refusé - et que les socialistes également l'appuient. Cela prouve au moins qu'il contient une bonne idée, et tout le monde va se pencher sur le problème.
Effectivement, ces questions universitaires sont complexes. Et pour avoir travaillé à l'université durant plus de dix ans - ça fait à peu près une année que je n'y travaille plus - je sais que ces questions ne sont pas compréhensibles par tout le monde. Et quand le rapporteur de majorité demande quel est l'impact de la loi sur les MER, il pourrait s'occuper aussi de l'impact de la loi sur les professeurs assistants avec prétitularisation ! Parce que quand il nous dit... J'ai relevé trois erreurs dans le rapport de majorité, qui proviennent simplement d'une mauvaise compréhension de la situation. (Protestations.) Et trois également dans la lettre... Je n'ai plus beaucoup de temps, je ne vous en cite qu'une, concernant l'impact budgétaire: «...la requête des MER aurait un impact budgétaire non négligeable alors que la demande d'ouverture de postes de professeurs assistants n'en aura pas.» C'est à la page 4, fin du premier paragraphe.
Dans un premier cas de figure, le poste est ouvert avec un financement offert par la Confédération pendant une période d'une ou deux fois trois ans. Effectivement, à très court terme, cela ne coûte rien ! Si l'on prend pour acquis que ces professeurs vont se contenter de travailler sans assistant et sans personnel administratif et technique - ce qui les met dans une situation bien défavorable par rapport à leurs collègues. Mais dans un second temps, après trois ou six ans, ce sera bien à l'Université de Genève, donc au DIP, de prendre ce budget à charge, ou j'ai mal compris ?! Ou alors sur un poste de professeur qui partirait à la retraite ? Ce qui veut dire qu'après quelques années, la relève, c'est terminé ! On n'aura plus que des professeurs assistants qui auront été engagés sans concours. Et toute la question relative au concours organisé à l'Université de Genève pour que cette dernière soit la meilleure n'aurait plus aucun rapport... Donc, effectivement, ça ne va pas bien ! C'est pour cela que j'avais demandé le rapport en commission: pour qu'on puisse étudier l'impact sur les uns et les autres. Mais, comme vous ne m'avez pas suivi, je crois que... Est-ce qu'on peut demander un renvoi en commission au deuxième débat? (Commentaires.) Alors, je terminerai par un renvoi en commission.
La présidente. Le renvoi en commission est de toute façon demandé dans le rapport. La parole est M. le député Guy Mettan, à qui il reste deux minutes et quarante-quatre secondes.
M. Guy Mettan (PDC). Simplement, en bref, M. Rossiaud ayant eu l'amabilité de citer notre projet de loi, je tiens juste à rappeler à cette assemblée qu'en séance de commission notre parti a toujours dit qu'il fallait dissocier - M. Aubert l'a rappelé - les deux choses: d'abord, accepter ce projet de loi pour la création de postes de professeurs assistants, parce que c'est une affaire urgente, une affaire importante, qui permet à notre université d'éviter la fuite des cerveaux.
D'autre part, pendant les travaux de la commission, nous avons découvert le problème des MER. Nous les avons auditionnés et je crois que toute la commission, comme il a été dit, a pris conscience de ce problème. C'est pourquoi je pense qu'il est judicieux ce soir de refuser l'amendement, mais, dès lundi, de déposer ce projet de loi sur les MER, qu'on pourra étudier calmement en commission pour résoudre ce problème spécifique qui est important, même s'il ne concerne que trente à quarante personnes. Ainsi, nous aurons procédé par étape, de façon logique, et c'est cela, je crois, qui est important.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le rapporteur de majorité, à qui il reste une minute et quatre secondes.
M. Claude Aubert (L), rapporteur de majorité. Merci de me donner la parole pour quelques secondes. Je voudrais tout simplement dire qu'il s'agit de voter non à cet amendement. Je vous rappelle une chose: nous sommes exactement dans le débat central de la commission, et je me réjouis de voir comment le Grand Conseil va trancher. Car il y a ceux qui veulent dissocier et ceux qui veulent mélanger ces deux sujets.
M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Très rapidement: je vous demanderai de rejeter cet amendement. Je vous le demande dans la mesure où, si je comprends bien la motivation de celles et ceux qui le déposent et le défendent, il s'agit d'améliorer les conditions des MER. Mais il n'est pas raisonnable d'étendre un projet de loi, qui a une vocation bien définie, à une fonction de rattrapage d'un autre élément qui, par ailleurs, fait figure de dimensions qui n'ont pas été traitées à l'intérieur des travaux de la commission et au sein de la commission de l'enseignement supérieur. Mesdames et Messieurs, j'en conviens avec vous, les différents statuts du corps intermédiaire méritent qu'il y ait incontestablement clarification, simplification et amélioration des conditions et des statuts. Toutefois, je me permettrai de reprendre un élément que j'ai évoqué tout à l'heure: si les conditions d'ancienneté font partie de l'examen au moment où il s'agit de prendre une décision de titularisation, transformer l'université en lieu de débouché automatique sous l'angle d'un poste de professeur ordinaire pour pratiquement tout membre devenu MER ou même professeur assistant à titularisation conditionnelle, c'est enterrer l'université.
Une voix. Bravo !
M. Charles Beer. C'est enterrer l'université, et le Conseil d'Etat ne peut pas entrer dans cette perspective et cette logique. En outre, puisque le rapporteur de minorité a évoqué le manque de clarté de l'université sur les chiffres, permettez-moi de les rappeler très rapidement: aujourd'hui, il y a 125 MER à l'Université de Genève et l'ensemble des commissaires bénéficient de cette information. Au cours des dix dernières années, nous avons eu, sur 378 nominations de professeurs et de directeurs, toutes catégories confondues, 129 personnes qui avaient été auparavant MER. Donc, faire aujourd'hui des MER une espèce de statut ou une caste sans avenir est injuste, réducteur, et ne permet pas de traiter correctement de votre amendement.
Mesdames et Messieurs les députés, je terminerai en disant que, par rapport à votre enthousiasme à régler les conditions du corps intermédiaire, je vous invite, puisque telle semble être votre orientation, si vous déposez un projet de loi, à ne pas prendre en compte uniquement les MER ou telle ou telle catégorie, mais l'ensemble. Ce qui revient à dire: «Amenez une contribution à la discussion générale sur l'université, qui ne manquera pas de s'ouvrir à l'occasion du dépôt du projet de loi du Conseil d'Etat basé sur les travaux de la commission externe de Mme Dreifuss.» Merci de votre attention et de refuser cet amendement.
La présidente. Puisqu'en cours de délibération il est possible de proposer un renvoi en commission, nous allons d'abord nous prononcer à ce sujet.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9937 à la commission de l'enseignement supérieur est rejeté par 62 non contre 13 oui et 7 abstentions.
La présidente. Je soumets à vos suffrages l'amendement proposé par M. Rossiaud.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 47 non contre 28 oui et 6 abstentions.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que les articles 2 et 3 (soulignés).
Troisième débat
La loi 9937 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9937 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 69 oui et 14 abstentions.