Séance du jeudi 18 mai 2006 à 17h
56e législature - 1re année - 8e session - 35e séance

M 1677
Proposition de motion de Mmes et MM. Beatriz de Candolle, Claude Aubert, Christiane Favre, Sophie Fischer, Fabienne Gautier, Janine Hagmann, Francis Walpen, Marcel Borloz, David Amsler, Pierre Weiss pour la prévention des délits des jeunes par l'information

Débat

Mme Beatriz de Candolle (L). Il n'y a pas d'exploration des limites de soi sans une définition de la norme. C'est ce que nous enseigne «La Guerre des Etoiles», la trilogie mythique de George Lucas. Apprivoiser la peur, la colère, le côté obscur de soi n'est possible que parce qu'un maître nous indique la norme. Ce maître peut être les parents, l'école, l'institution, bref, tout ce qui rend licite l'exploration. Or, comment respecter la norme alors que ses contours sont flous, souvent faussement interprétés, ou simplement inconnus.

A la même question sur les dispositions légales en vigueur, chaque personne dans cette enceinte donnera une autre réponse. Pour être clair, il faut être juriste ou se pencher sérieusement sur la question. L'invite de la motion 1667 est simple. Cette motion se borne à demander au Conseil d'Etat d'offrir aux parents des enfants et adolescents de 10 à 18 ans un document rappelant les autorisations et les interdictions de notre législation, les droits et les devoirs des jeunes ainsi que les sanctions prévues en cas de violation du droit.

Les recettes qui ont été mises au point ailleurs peuvent aussi être appliquées à Genève. Il ne sert à rien de vouloir inventer la poudre. Le canton de Fribourg a édité un mémento en cinq langues au début 2005. Il l'a même accompagné d'un cahier de pistes pédagogiques qui incitent l'adolescent à réfléchir aux conséquences de ses actes. Ce cahier est utilisé aussi bien par les enseignants que par les travailleurs sociaux et les associations s'occupant de jeunes. Les autorités fribourgeoises estiment que l'impact de cette publication a été très positif. D'autres cantons, comme celui du Jura par exemple, s'en sont aussi inspirés.

Son coût est d'environ 15 000 F; on peut donc s'attendre à un excellent retour sur investissement. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, renvoyons cette motion au Conseil d'Etat. Je suis convaincue qu'il pourra y répondre dans des délais brefs, peut-être même pour la prochaine rentrée scolaire.

Le président. Je salue la présence à la tribune de notre ancien collègue M. Hubert Dethurens. (Applaudissements.)

M. Eric Bertinat (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai le plaisir de vous annoncer que le groupe UDC soutiendra cette motion.

Des voix. Ah ! (Rires.)

M. Eric Bertinat. C'est pour cela que j'ai plaisir à vous l'annoncer ! Cette motion est bienvenue, d'autant plus que les statistiques que l'on trouve en page 4 du projet démontrent que la tranche d'âge 7-14 ans est particulièrement concernée par le vandalisme et autres actes de violence. En effet, de 1994 à 2004, soit en dix ans, le nombre total des procédures engagées devant le Tribunal de la jeunesse a passé de 14 à 149 poursuites. La motion vise donc juste en demandant que le dépliant soit distribué aux parents d'adolescents de 10 à 18 ans.

Cette motion a une certaine filiation avec la motion précédente. C'est en bonne partie parce que les parents travaillent et que l'enfant, puis l'adolescent, est livré à lui-même qu'il se commet autant de délits. Mais il est indéniable qu'une majorité d'actes de vandalisme est l'oeuvre de jeunes immigrés et qu'il est temps de rappeler la responsabilité directe qui est celle des parents. C'est pourquoi cette information doit être aussi complète que possible, en insistant sur les sanctions qu'encourent les parents d'enfants mineurs. La justice, semble-t-il, n'a plus les moyens de traiter autant d'actes de violence. De plus, la motion qui nous est proposée est un moyen facile à mettre en oeuvre. Un autre serait de médiatiser quelques cas dans lesquels les sanctions prononcées donneront à réfléchir à ceux qui se moquent trop souvent de la loi en Suisse.

M. Henry Rappaz (MCG). Le MCG soutiendra toujours et inconditionnellement tout projet ou idée qui prône la prévention de la délinquance sous quelque forme que ce soit. Toutefois, il tient à dire qu'il existe de bien meilleures voies pour sensibiliser les adolescents que de les noyer sous des flots d'imprimés de toutes sortes. Le MCG tenait à le dire, même s'il soutiendra toutefois cette motion, qui part d'une intention généreuse, mais semble peu productive.

M. Christian Bavarel (Ve). Les Verts ne sont pas persuadés qu'une solution aussi simple soit efficace, dans le sens où l'on voit déjà énormément de choses se faire dans ce canton. Enormément de choses se passent au niveau des centres de loisir, ou autour des écoles. On nous propose là une dépense de 15 000 F en croyant que c'est elle qui va résoudre le problème de la violence chez les jeunes. Nous sommes extrêmement sceptiques face à ce type de démarche. C'est simplement ce que nous voulions vous dire.

Mme Véronique Schmied (PDC). Les délits commis par les jeunes nous préoccupent beaucoup. En effet, nous constatons que les délinquants sont toujours plus jeunes et les délits, toujours plus graves. Nous constatons notamment dans les lieux de détention ici à Genève et ailleurs, où sont détenus des délinquants mineurs genevois, que les délits sexuels sont de plus en plus nombreux, pratiqués en bande dès l'âge de douze ou treize ans, ce qui est fortement inquiétant.

L'intégration volontaire des parents dans cette motion est intéressante, parce que nous mettons déjà en place énormément de moyens préventifs: nous avons, comme l'a dit M. Bavarel, des centres de loisirs, nous avons des travailleurs sociaux hors murs; les enseignants dans les écoles se mobilisent avec l'aide du Point par exemple, enfin beaucoup d'infrastructures de prévention sont déjà en place. Mais les parents sont parfois laissés à la marge de cette réflexion. Pourquoi cela ? Parce que, de fait, dans notre société, ils sont à la marge, parce qu'ils ne sont pas en connexion avec la vie sociale telle que l'entend notre société genevoise et suisse - c'est un problème je crois beaucoup plus général que simplement celui de Genève - parce qu'ils ne parlent pas toujours notre langue, qu'ils ne sont pas intégrés dans le monde du travail. Nous voyons les enfants échapper à l'éducation de ces parents.

Réintégrer les parents dans l'éducation, c'est une excellente idée. Toutefois, on ne peut pas imaginer que de simples dépliants vont faire l'affaire. Comme vous le savez, si cette motion va en commission, la commission va devoir réfléchir au moyen adéquat à utiliser. Il faudra sans doute autre chose que de l'écrit. Je ne suis pas sûre que les familles que nous allons essayer de toucher soient sensibles à un message écrit. Les messages écrits passent généralement à la poubelle parce qu'ils ne sont tout simplement pas compris. Si on compte sur les enfants pour les expliquer, c'est un peu le serpent qui se mord la queue. Néanmoins, la démarche est extrêmement intéressante et réhabiliter la responsabilité parentale ne peut que nous convenir. C'est pourquoi nous soutiendrons le renvoi en commission de cette motion.

M. François Thion (S). Je ne vais pas ajouter beaucoup de choses. Je suis d'accord avec ce qui a été dit jusqu'à présent: c'est une bonne motion, il faut faire de la prévention avant la répression, de l'éducation avant les punitions. Il est tout à fait adéquat de préparer un document multilingue.

Simplement, je crois qu'il ne faut pas se contenter de rappeler les dispositions légales. J'ai ici un document qui a été distribué en ville de Lausanne aux jeunes de 10 à 18 ans, dans lequel on rappelle un certain nombre de règlements, de lois. Par exemple, que la loi interdit la production, la remise, la vente, l'achat et la consommation de toutes les drogues. Je crois que c'est bien de rappeler ces choses-là. En dessous, il y a aussi un numéro de téléphone où les jeunes peuvent avoir des informations à ce sujet. De même, on peut faire de la prévention sur les victimes de rackets ou d'agressions sexuelles avec, là aussi, un numéro de téléphone auquel les jeunes peuvent s'adresser.

Je crois que, pour les parents, c'est important d'avoir ce document, parce que, quand un enfant peut sortir le soir et qu'on doit lui fixer une heure de rentrée, je ne sais pas si vous avez déjà fait cela, mais c'est un véritable problème. Il faut parlementer. Quand on a le papier en main, on peut dire: à tel âge, tu dois rentrer à telle heure et je crois que cela pourrait aider les parents. Je pense qu'il faut faire bon accueil à cette motion et on l'étudiera en commission.

Le président. Madame la députée Schmied, vous dites que vous soutenez le renvoi en commission. Est-ce que vous le demandez, ou est-ce que quelqu'un d'autre l'a demandé ? Je n'ai entendu que des prises de position, de soutien ou d'abstention à la motion. (Mme Schmied répond hors micro.) Quelle commission ?

Mme Véronique Schmied (PDC). La commission de l'enseignement.

M. Gilbert Catelain (UDC). Effectivement, le groupe UDC va soutenir l'idée de cette motion. Je dis l'idée car il a aussi quelques réserves par rapport à la conception de la motion. Je crois que ce qui a été dit par Mme Schmied tout à l'heure est tout à fait exact: si l'on veut faire passer un message sous une forme écrite, c'est une possibilité, mais il y en a d'autres, notamment la voie visuelle. On peut utiliser d'autres supports. On pourrait même imaginer une extension de la motion pour rappeler aux professeurs d'université que les délits fiscaux sont encore punis dans notre canton, par exemple...

A part cela, on pourrait aussi imaginer qu'il y ait moins de délits si on adopte la motion de tout à l'heure, puisque les gamins seront pris en charge entre 7h du matin et 18h. S'ils respectent les heures de rentrée, en principe, il ne devrait plus y avoir de possibilités de commettre des délits dans ce canton... (L'orateur est interpellé.) Oui à davantage d'information, mais nous sommes plutôt réservés quant à la forme et pour ce motif, nous soutenons le renvoi en commission, mais plutôt à la commission judiciaire, étant donné qu'il s'agit essentiellement d'infractions à des normes pénales.

Le président. Je donne encore la parole à M. le conseiller d'Etat, puis nous voterons sur le renvoi en commission et, le cas échéant, sur la motion.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. J'aimerais d'abord dire que le département salue l'idée de la motion, puisqu'elle correspond à un prolongement d'une réflexion qui s'est ouverte dans d'autres cantons, ainsi qu'à Genève, notamment en collaboration avec la commune d'Onex qui nous a demandé il y a plus d'une année à participer à l'élaboration d'un tel document avec - à l'époque - le département de justice, police et sécurité et le département de l'instruction publique. L'étude d'un tel document est donc en route. Nous en sommes au stade du projet.

Il convient d'informer les enfants, d'informer les jeunes et leurs familles; il convient d'informer les enseignants sur l'obligation de dénoncer, sur l'obligation des sanctions. Il convient également d'une manière générale d'informer les victimes de leurs droits, qu'elles soient des jeunes gens, des jeunes filles ou des enseignants. Tout cela est en voie de réalisation dans le cadre de la politique du département de l'instruction publique.

J'aimerais ajouter à cela le fait que, comme vous le savez, nous avons développé le logiciel de l'Education nationale française Signa qui permet de répertorier les faits de violence dans les établissements. J'aimerais également ajouter que nous avons développé des programmes de médiation, de prévention et de partenariat pratiquement dans l'ensemble des établissements scolaires, en même temps que rappeler l'ensemble de la politique de sanctions. J'aimerais dire aujourd'hui que nous avons une politique qui est cohérente et qui se doit d'avoir un certain nombre de supports. Celui que vous appelez de vos voeux fait justement partie de ce que nous avons aujourd'hui proposé en termes de possibilités d'intervention.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, vous allez soit étudier le sujet en commission soit nous renvoyer directement la motion. Je l'accueille favorablement puisqu'elle correspond au travail engagé et répond à une nécessité.

Toutefois, si vous me le permettez, j'aimerais terminer en disant ma colère à entendre certains propos ici. Nous avons pris la peine, Mesdames et Messieurs les députés, au sujet de l'Université, de dire que nous entendions cadrer un travail sur un plan institutionnel pour éviter des écarts de langage. Malheureusement, certains députés n'ont pas cru bon de respecter un minimum de discipline que, par ailleurs, ils ne cessent d'appeler de leurs voeux. De plus, ce qui a tendance à me fâcher encore davantage, c'est ce que vous avez dit tout à l'heure, Monsieur Bertinat, en ce qui concerne les faits de violence. Vous les avez attribués aux immigrés et ceci est inacceptable dans un tel parlement. C'est un mensonge et c'est une insulte aux faits, aux chiffres, à la réflexion et à la dignité ! Veuillez cesser de tenir ce genre de propos dans cette enceinte ! (Vifs applaudissements.)

Le président. Je mets aux voix le renvoi de la motion à la commission judiciaire... (L'orateur est interpellé.) Si c'est refusé, on votera la motion en elle-même.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1677 à la commission judiciaire est rejeté par 73 non contre 5 oui et 1 abstention.

Mise aux voix, la motion 1677 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 67 oui et 12 abstentions.

Motion 1677