Séance du vendredi 16 décembre 2005 à 17h
56e législature - 1re année - 3e session - 14e séance

P 1493-A
Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier la pétition concernant la décision de la Direction générale de l'enseignement postobligatoire (DGPO) d'autoriser un élève à se présenter aux examens de maturité malgré un travail de maturité entaché de fraude
Rapport de M. Blaise Bourrit (L)

Débat

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse ad interim. Je voudrais remercier M. Bourrit, même s'il n'est plus dans cette enceinte... En effet, malgré un sujet très médiatisé, dont chacun a entendu parler, il a réussi à faire un rapport très factuel et très neutre.

Un plagiat dans un travail de maturité est un acte grave. L'élève mérite une sanction adéquate, à condition qu'un règlement idoine s'y référant existe.

Je suis persuadée que le respect de l'égalité des droits constitue un point de sensibilité particulière auprès des jeunes et de leurs parents. La confiance dans l'institution scolaire est le fondement de son bon fonctionnement. Nous attendons tous de l'école qu'elle transmette et défende des valeurs éthiques au nombre desquelles l'honnêteté intellectuelle prend une place toute particulière.

Nous vivons dans un Etat de droit - nous le savons tous - mais on peut se demander si le droit prévaut sur la morale... En l'occurrence, il manquait des repères clairs basés sur des règlements précis.

La commission s'est penchée avec intérêt sur ce dossier qui a donné lieu à des discussions très animées, comme le montrent les votes très serrés.

Pour terminer, la majorité de la commission vous recommande le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, car les commissaires ont été satisfaits du règlement qui leur a été présenté et qui les invite à comprendre que la réalité maintenant est différente. Elle estime donc que cette pétition est devenue irrelevante.

M. Jacques Follonier (R). Je ne vais pas revenir sur cette affaire... La page est tournée ! J'aimerais néanmoins aborder le sujet sur la forme et sur le fond.

Sur la forme, le travail de maturité peut se décomposer en deux points importants. Tout d'abord, le choix du travail de maturité est trop vaste à Genève. C'est une volonté genevoise, mais il y aurait lieu de restreindre ce choix ou, en tout cas, de mieux cibler ce choix pour que ce travail de maturité puisse être utile. D'autre part, ce travail de maturité n'est pas noté et sert simplement de porte d'entrée à la maturité. Il faudra peut-être réfléchir à son utilité. En effet, il n'est pas très motivant: les jeunes passent six mois à une année sur ce travail de maturité simplement pour savoir s'ils pourront ou non se présenter à la maturité. Ce n'est pas satisfaisant.

Après la forme, j'en viens maintenant au fond. Je suis désolé, mais des enseignants ont déclaré qu'il y avait eu tricherie. Des élèves ont déclaré qu'il y avait eu tricherie. Dans ces conditions, je suis opposé au dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je pense qu'il faut la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Beer nous a précisé tout à l'heure qu'il avait mandaté une personne pour mettre en place un règlement qui serait bientôt prêt. J'imagine d'ailleurs qu'il va nous en parler tout à l'heure. Du reste, peut-être est-il déjà prêt: je ne le sais pas... J'attends qu'il nous en dise plus.

Mais si ce règlement n'est pas encore en vigueur, j'aimerais effectivement que cette pétition soit renvoyée au Conseil d'Etat pour qu'une telle situation ne puisse plus se reproduire.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. A à juste titre, vous n'avez pas souhaité revenir sur le déroulement d'une affaire très médiatisée - trop médiatisée, si vous me permettez de le dire. Cette affaire montre bien la difficulté de l'époque que nous traversons en termes d'autorité.

Laissez-moi vous dire que la tricherie n'est pas quelque chose de nouveau. Pour m'être intéressé de près à cette question, j'ai retrouvé, dans les dossiers du département de l'instruction publique, des cas graves de tricherie pratiquement chaque année ou, en tout cas, tous les deux ou trois ans. Chaque fois, la sanction a été la même.

A l'époque d'André Chavanne, un illustre prédécesseur, la direction avait été cambriolée. Les élèves ayant eu ainsi accès aux questions ont réussi leurs examens de façon frauduleuse. Ils se sont fait attraper et ont été punis. Mais ils ont été autorisés, comme cela a été le cas de l'élève plagiaire en question, à se représenter au mois de septembre de l'année suivante. André Chavanne, justifiait cette décision en utilisant cette expression: «Tout bien considéré, je vous autorise à...». Tout bien considéré, je vous autorise à... !

Aujourd'hui, en termes positifs ou négatifs - et les possibilités de tricherie ont augmenté avec l'Internet - une telle décision n'est plus possible ! On ne l'admet plus du politique, et on ne l'admet plus sous cette forme. Juridiquement, une décision doit être fondée et, moralement, elle doit être intégrée et jugée comme efficace. Et, surtout, elle doit passer le filtre des «juges» qui - avant toute cour de justice - prennent volontiers position sur ce type d'affaires - les faits divers, en particulier - je veux parler des médias.

Dès lors, nous avons opéré deux changements importants par rapport au travail de maturité, après une vaste consultation des élèves mais également des maîtres, notamment ceux qui suivent ce travail de maturité.

Nous avons d'abord décidé que le travail de maturité ne serait plus éliminatoire. Jusqu'à présent, en effet, si son travail de maturité à Genève n'était pas réussi, un élève ne pouvait pas se présenter aux examens de maturité, quels que soient ses autres résultats. C'est le premier correctif que nous avons apporté, à l'instar de ce qui se pratique dans d'autres cantons. Ce travail sera noté - j'espère que celles et ceux qui apprécient les notes apprécieront cette décision - et, si la note est insuffisante, elle comptera parmi celles auxquelles un élève a droit pour obtenir le titre de maturité.

Deuxième chose: le règlement sur les sanctions. Les sanctions doivent pouvoir être prises sans le chef du département. Il conviendra donc de donner à quelques juges entourés d'enseignants la compétence de juger, car je constate que l'autorité politique n'est pas forcément au fait pour prendre une telle décision. Alors qu'elles auraient pu donner lieu à des commentaires bien plus virulents, je remarque que certaines décisions de l'Université qui ont fait l'objet de recours n'ont jamais été sujettes au moindre commentaire, probablement parce qu'elles ont été rendues par, entre guillemets, un «tribunal» qualifié à cet effet et intégrant des professeurs d'université et des juristes professionnels.

Par conséquent, rendons la justice comme on le souhaite aujourd'hui, avec des juges et des pairs qui connaissent la matière. Cela évitera également aux politiques de prendre une éventuelle mauvaise décision, parce qu'on sait bien que l'aspect passionnel d'une affaire ne peut que troubler l'objectivité d'une décision.

Autre point: la date. En cas de tricherie, l'examen de maturité ne pourra plus être repassé au mois de septembre. Je vous rappelle que la demande avait été à l'origine le redoublement. Comme si un redoublement pouvait sanctionner une tricherie, alors qu'il doit servir à résoudre une difficulté pédagogique ! Il a donc été décidé que l'élève pourrait se représenter au mois de janvier, ce que tout le monde a souhaité. Mais j'attire tout de même votre attention sur le fait que des élèves risquent d'être «désinsérés» pendant un certain nombre de mois. J'ai donc demandé, de manière que la décision ait une portée éducative, que l'office pour l'orientation, la formation professionnelle et continue soit à disposition pour permettre à ces élèves soit d'accéder à un travail soit à une formation complémentaire pour occuper leur temps, de manière que ces périodes «d'inactivité forcée» ne ressemblent pas à de l'oisiveté - qui est mère de tous les vices comme tout le monde le sait !

Avec des sanctions plus dures, avec une mécanique de gestion des recours plus rigoureuse et avec un travail de maturité mieux positionné, j'estime avoir répondu à l'ensemble des problèmes soulevés par cette pétition.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Non, Monsieur Follonier, on ne prend plus la parole après le conseiller d'Etat ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la proposition de la commission, soit le dépôt sur le bureau du Grand Conseil. Celles et ceux qui la soutiennent voteront oui, les autres voteront non. Si le non l'emporte cela signifiera que la pétition sera renvoyée au Conseil d'Etat.

Mises aux voix, les conclusions de la commission de l'enseignement et de l'éducation (dépôt de la pétition 1493 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 68 oui contre 4 non et 4 abstentions.