Séance du
vendredi 4 novembre 2005 à
20h30
56e
législature -
1re
année -
1re
session -
3e
séance
M 1614
Débat
M. Gabriel Barrillier (R). Tout d'abord, je profite de l'occasion... (Bruit de larsen provenant du micro de l'orateur.) ... pour remercier le chef du département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures de son engagement pendant huit ans au service de la région. Vous aurez tous compris que cette motion n'est pas une critique ou un constat d'une quelconque insuffisance de son travail ni de celui du Conseil d'Etat... (Bruit de larsen.) Mais - et peut-être pourra-t-il le confirmer - la région a bougé, et il faut donner un coup d'accélérateur dans l'organisation de cette région de bientôt un million d'habitants... (Bruit de larsen.)
Le président. Puis-je prier vos voisins, Monsieur l'orateur, de cesser de jouer avec le natel qui vous dérange !
M. Gabriel Barrillier. Je ne vois pas de natel ici !
Le président. Vous n'y êtes pour rien, c'est derrière vous !
M. Gabriel Barrillier. Voilà, Monsieur le président, j'ai mis de l'ordre !
Le président. Mais la preuve est faite que le groupe radical est extrêmement sensible aux ondes malfaisantes... (Rires.) Vous avez la parole, Monsieur l'orateur !
M. Gabriel Barrillier. L'autre jour, vous avez assisté aussi, Monsieur le président, à une séance - pas la dernière, je l'espère - de l'Association genevoise... (Le micro de l'orateur émet un nouveau sifflement qui déclenche les rires de l'assemblée.) Alors là, c'est fort !
Une voix. Eteignez-les !
Une voix. Ils sont éteints !
M. Gabriel Barrillier. Alors, je vais poursuivre avec un autre micro ! Donc, il s'agissait d'une séance de l'Association genevoise pour l'encouragement des relations interrégionales. C'est un constat d'échec, mais cela montre que la situation a évolué et que les institutions doivent s'adapter. Du travail a déjà été effectué, mais nous pensons qu'il faut mener une réflexion à ce sujet.
Alors, au lieu de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, je suggère à l'assemblée de la renvoyer à la commission des affaires communales, régionales et internationales.
Mme Morgane Gauthier (Ve). Les Verts soutiendront la proposition du groupe radical d'étudier cette motion en commission.
En effet, le sujet traité est très important. On ne peut plus raisonner qu'au niveau du canton et des frontières cantonales: il est nécessaire d'avoir des discussions avec nos voisins français et les autres cantons !
Les invites de cette motion soulèvent des problématiques réelles, auxquelles le canton est confronté, que ce soit au niveau des déplacements individuels motorisés ou de l'aménagement du territoire. Cependant, les considérants ne reflètent pas tout à fait la réalité, puisqu'il existe déjà des GLCT - Groupement Local de Coopération Transfrontalière - qui ont été mis en place depuis la signature de l'Accord de Karlsruhe. Il y en a déjà dans notre canton, par exemple pour le traitement de certaines eaux usées ou encore pour des projets qui, heureusement, ont été abandonnés entre-temps, comme le Rectangle d'or... Et puis, d'autres acteurs collaborent de manière transfrontalière: des associations, qui mènent des actions conjointes d'un côté et de l'autre de la frontière - je pense au WWF, par exemple, ou au parti des Verts, qui a tout de même fondé le premier parti européen. Donc, les coopérations transfrontalières existent.
Par contre, les invites nous semblent quelque peu difficiles à mettre en oeuvre, du fait qu'elles demandent la mise en place d'un conseil interrégional avec pouvoir décisionnel... Cela nous paraît un tant soit peu compliqué et peu envisageable avec deux entités nationales - la Confédération suisse et l'Etat français.
Malgré cela, les Verts vous proposent d'étudier cette motion en commission pour favoriser des coopérations transfrontalières actives. Nous soutenons donc, Monsieur le président, son renvoi en commission.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, je vous rappelle que lorsque nous traitons d'un renvoi en commission, on ne devrait en principe s'exprimer que sur le renvoi en commission. C'est particulièrement utile si vous avez l'impression que le renvoi en commission a une chance d'être accepté. Naturellement, vous prenez la parole, une personne par groupe, sur le renvoi en commission, et je donne la parole à M. Christian Brunier.
M. Christian Brunier (S). Merci, Monsieur le président. Avant d'annoncer que le groupe socialiste soutiendra, bien entendu, le renvoi en commission, je voudrais tout de même en expliquer la raison.
On l'a constaté ce soir - malheureusement - on l'a vu ces dernières semaines dans la vie politique genevoise: des gens rêvent - qu'ils soient de droite, de gauche, ou ni de l'un ni de l'autre, d'ailleurs - de construire un mur autour de Genève... Ils pensent qu'il est possible de vivre isolés, repliés sur nous-mêmes - ce sont peut-être des adeptes de l'Albanie ou de pays de ce type... Ce n'est pas une bonne solution.
Eh bien, quoi qu'il en soit, la population genevoise vit depuis plusieurs années de manière transfrontalière: les gens ont indifféremment leurs loisirs en ville de Genève, en Haute-Savoie ou dans le pays de l'Ain; certaines personnes travaillent à Genève, mais logent de l'autre côté de la frontière et l'inverse. Il y a un peu tous les cas de figure.
Certains attaquent les frontaliers, mais il est très difficile de savoir qui est qui aujourd'hui, puisque beaucoup de Genevois et de Genevoises sont établis de l'autre côté de la frontière et que des Français sont établis à Genève. C'est donc de plus en plus compliqué, parce que les gens profitent - et c'est salutaire pour notre avenir - des possibilités régionales. Il n'y a pas d'avenir pour Genève et la région sans passer par une vraie réflexion régionale !
Donc, les institutions et le monde politique ont toujours un peu de retard sur la façon dont les gens vivent. Nous sommes encore très cloisonnés au niveau des politiques. Néanmoins, une forte évolution a eu lieu ces quatre dernières années, et je tiens, sur ce point, à saluer l'effort du gouvernement. Cela fait huit ans que je suis parlementaire... Il y a huit ans, les relations entre la France voisine et la Suisse, Genève en particulier, étaient relativement rares - les gens se croisaient dans les cocktails, mais ils se connaissaient très peu. Depuis quelques années, des dynamiques se sont créées. Elles sont certainement insuffisantes, mais c'est un bon début. En matière d'environnement - des exemples ont été donnés tout à l'heure - des vrais projets communs ont vu le jour. En matière de transports aussi, avec le CEVA pour lequel les barrières cantonales tombent. Mais les barrière politiques tombent aussi, puisque ce projet est quasiment unanimement soutenu par ce parlement, et cela depuis plusieurs années. On voit également qu'en matière d'aménagement des projets commencent à être réfléchis ensemble. Alors, bien sûr, c'est insuffisant ! Bien sûr qu'ils n'entrent pas suffisamment dans une dynamique de développement durable, néanmoins une réflexion s'engage. Et dernièrement, au niveau de la formation professionnelle, de vrais projets sur Annemasse ont été mis sur pied. Donc, tous ces efforts sont salutaires et indispensables !
Mais il faut aller plus loin ! Peut-être le parti radical rêve-t-il un peu... Les Verts disaient à l'instant que les invites étaient difficiles à mettre en application... Toutefois, je pense que c'est la bonne direction. Il faut parfois être un peu utopistes pour réussir de grandes choses !
En tout cas, les socialistes seront ravis de travailler sur ces projets en commission, pour entrer à moyen ou à long terme dans cette dynamique et y contribuer.
M. Eric Stauffer (MCG). Le Mouvement citoyens genevois est favorable au renvoi en commission de cette motion. Toutefois, j'aimerais quand même savoir si certains d'entre nous sont là pour défendre les intérêts des frontaliers ou ceux des résidents genevois... En effet, à tellement défendre les frontaliers, Monsieur...
M. Christian Brunier. La région !
M. Eric Stauffer. La région... Oui ! Alors, il fallait vous présenter comme député dans l'Ain, Monsieur ! Ici, nous sommes à Genève pour défendre les Genevois... (Brouhaha.) Et tous les résidents genevois ! Nous soutiendrons donc le renvoi en commission de cette motion ! Je vous remercie.
M. François Gillet (PDC). Le groupe démocrate-chrétien se réjouit de pouvoir discuter de ce sujet important en commission.
M. Pierre Weiss (L). Nous sommes, au groupe libéral, également favorables au renvoi en commission de cette motion, notamment pour la raison évoquée par notre collègue Gauthier, du groupe des Verts.
J'aimerais ajouter aussi que la question du financement d'un fonds de formation professionnelle de base méritera d'être étudiée attentivement par la commission des affaires communales.
Je terminerai en demandant que l'approche des problèmes en matière de relations régionales se fasse sans haine.
M. Gilbert Catelain (UDC). Nous vivons effectivement dans un bassin économique qui dépasse largement nos frontières, et l'activité économique de ce canton, depuis des lustres, va bien au-delà de la frontière politique de 1815, qu'on le veuille ou non. Indépendamment du débat des frontaliers, qui n'est pas l'objet de cette motion, nous proposons le renvoi de cette dernière en commission.
Nous sommes simplement sceptiques sur l'invite demandant la création d'un organisme décisionnel au niveau de la région, sachant que la France, de par son centralisme parisien, est de toute manière très réticente à aller dans ce sens. Nous avons pu constater, par exemple dans le cadre de l'accord de coopération policière et douanière, lors de patrouilles mixtes, que la France ne peut pas - en se fondant sur les Accords bilatéraux II signés à Berne - permettre, dans l'attente de l'intervention d'organes étrangers, l'interpellation d'une personne qui serait poursuivie. La France devrait modifier sa Constitution pour cela. Cette invite serait donc vite confrontée à de gros obstacles juridictionnels.
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Je salue cet intérêt pour la région. Il ne s'agit pas que du problème du chômage, Monsieur Stauffer ! Il s'agit d'une région qu'il faut développer dans l'intérêt de tout le monde, pour créer des emplois, des relations nouvelles, car nous vivons tous ensemble ! Il n'est pas question de générer du chômage à Genève: il faut séparer les deux choses !
Quoi qu'il en soit, cette proposition vient à point, pour appuyer les démarches que nous entreprenons depuis plus de trois ans pour revoir la situation, à la lumière de l'actualité et des problèmes consécutifs aux accords bilatéraux, car, dans notre développement économique, nous avons rencontré - c'est vrai - beaucoup de difficultés par rapport à nos partenaires français.
Rappelez-vous: lorsque, le 3 février dernier, les Assises transfrontalières se sont tenues, une proposition a été faite de créer un grand gouvernement régional. Eh bien, le préfet de région, M. Lacroix, préfet de la région Rhône-Alpes, a tout simplement qualifié cette idée «d'utopique»... Mais les utopies d'aujourd'hui seront peut-être les réalités de demain !
La création d'un tel conseil signifierait la mise en place d'une instance supranationale, à laquelle l'Etat français et la Confédération abandonneraient une partie de leur souveraineté; une instance à laquelle vous-mêmes, Mesdames et Messieurs les députés, vous déléguerez peut-être une bonne partie de vos compétences. Par rapport au droit international et européen actuel les choses semblent effectivement quelque peu utopiques.
J'ajouterai, sans entrer dans les détails - et cela a été souligné par Mme la députée Morgane Gauthier - que les nouveaux outils à notre disposition actuellement, à travers l'élargissement de l'Accord de Karlsruhe, nous permettent de réaliser des groupements locaux de coopération transfrontalières et de mettre en route un certain nombre de projets pour aller de l'avant ensemble. Mais il est vrai que nous devons anticiper l'avenir, et il est important d'aborder ce problème au début de cette législature parce que le temps passe vite.
Un plan d'agglomération est actuellement en cours, qui va sans doute nous obliger les uns et les autres à penser différemment à la gouvernance transfrontalière. Et je dois dire que c'est très volontiers que le Conseil d'Etat poursuivra ses efforts pour faire évoluer les instances transfrontalières et leur fonctionnement dans le sens que vous proposez.
Il faut simplement savoir, Mesdames et Messieurs les députés, que cela risque de prendre du temps et de l'énergie, car Genève ne peut pas décréter unilatéralement la création d'un nouvel organisme transfrontalier. Nous devons pour cela recueillir l'adhésion de la Confédération et des collectivités de l'Etat français, sans lequel, au-delà de la décentralisation, rien ne peut véritablement avancer. Il me semble que la situation n'est pas encore tout à fait mûre pour cela, mais qu'il est important de commencer à mener une réflexion pour, ensuite, agir.
En conclusion, je vous remercie d'avoir déposé ce projet de motion. Je crois qu'il faut la renvoyer en commission et lui porter toute l'attention qu'elle mérite.
Le président. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets donc le renvoi de cette proposition de motion à la commission des affaires communales. Ceux qui y sont favorables voudront bien appuyer sur le bouton vert; ceux qui, par hypothèse, ne le seraient pas, appuieront sur le bouton rouge ou sur le blanc...
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1614 à la commission des affaires communales, régionales et internationales, est adopté par 64 oui (unanimité des votants).
Le président. Nous prenons le point 44 de notre ordre du jour, puisque nous avons déjà traité ensemble les points 43 et 38.