Séance du jeudi 6 octobre 2005 à 17h
55e législature - 4e année - 12e session - 68e séance

M 1631
Proposition de motion de Mmes et MM. Christian Brunier, Pierre Guérini, Roger Deneys, Ariane Wisard-Blum, Loly Bolay, Jean Rossiaud, Martin-Paul Broennimann, Jacques-Eric Richard, Sami Kanaan, David Hiler, Françoise Schenk-Gottret, Salika Wenger, Laurence Fehlmann Rielle pour une rue du Rhône conviviale consacrée aux piétons, aux transports publics, aux activités commerciales et aux loisirs

Débat

Le président. Nous sommes au point 24 bis de l'ordre du jour... (Exclamations.)Monsieur Grobet, si vous ne vous taisez pas et si vous ne vous rasseyez pas, je vais devoir passer à l'étape suivante... (Exclamations. M. Grobet poursuit son intervention hors micro.)Monsieur le député, vous n'avez plus la parole ! Je vous ai rappelé à l'ordre, conformément à l'article 90 de notre règlement: «Le président rappelle à l'ordre le député qui, en séance, trouble la délibération ou viole le règlement.»

Monsieur Grobet, si vous ne vous taisez pas et si vous continuez à usurper un point de l'ordre du jour pour vos manifestations de mauvaise humeur, vous allez me contraindre non seulement à vous rappeler à l'ordre, mais à procéder selon l'article 91 ! Je rappelle à cette assemblée qu'un point de l'ordre du jour est un point spécifique et que la prise en otage d'un point de l'ordre du jour pour un autre n'est tout simplement pas acceptable, car elle viole le règlement. Je vous ai donc rappelé à l'ordre, Monsieur le député ! Vous voudrez bien faire lecture, à votre propre usage, de l'article 91 en vertu duquel, si quelqu'un qui est rappelé à l'ordre ne s'y conforme pas, d'autres sanctions pourraient être prises.

Nous sommes donc au point 24 bis de notre ordre du jour et je donne la parole à M. Brunier.

M. Christian Brunier (S). En 1993, le Conseil d'Etat avait décidé de transformer une partie de la rue du Rhône et la rue de la Corraterie pour leur donner un statut un peu bizarre de rue marchande. Quelques années plus tard, il faut reconnaître que personne n'y a véritablement gagné. Ce n'est pas une zone piétonne, puisque les piétons ne peuvent pas vraiment déambuler dans cette rue, qui est fermée de temps en temps à la circulation pour certains usages, mais où des voitures stationnent ou passent toujours et où des transports publics sont très souvent bloqués.

Il y a deux ans, les chauffeurs TPG s'étaient mis en grève, entre autres pour réclamer une meilleure fluidité des transports publics dans ces rues. Même si le gouvernement - sous l'impulsion de Robert Cramer - a pris un certain nombre de dispositions, notamment pour restreindre les places de parking, il y a toujours ces points de blocage. (Brouhaha.)

A travers cette motion, nous voulons proposer une solution pour trancher et pour que quelqu'un y gagne. Nous pensons que l'hypercentre de la ville doit être piétonnier, comme dans la plupart des villes d'Europe. En Europe, il n'y a quasiment plus aucune ville de la taille de Genève, ou même de villes plus importantes, qui... (Brouhaha.)Monsieur le vice-président, ce serait bien de débattre dans un climat d'écoute...

Le président. Monsieur le député, je regrette comme vous ce climat ! Je suis personnellement attentif à vos propos et vous laisse le soin de développer. (Rires.)

M. Christian Brunier. Toutes les villes de Suisse ont développé des hypercentres fermés à la circulation pour permettre aux gens de se promener et aux commerces de bien fonctionner. Une étude de l'Université de Genève démontre que les gens consomment davantage dans les rues piétonnes que dans celles coincées par la circulation. Et il faut permettre aux transports publics de gagner du temps ! Régulièrement, à cause d'une voiture mal garée, à cause d'une personne qui se comporte mal, des dizaines de personnes sont bloquées dans le bus, et ce sont des conditions inacceptables pour les chauffeurs.

Nous proposons que les tronçons de la Corraterie et d'une partie de la rue du Rhône - de la place du Rhône à la place Bel-Air - soient fermés à la circulation, à titre d'essai - à titre d'essai, oui, Monsieur Froidevaux ! - pour que chacun puisse voir les avantages d'une telle disposition.

En parallèle, il ne faut pas simplement fermer les rues sans créer un espace de convivialité au niveau des constructions, des aménagements et de l'animation - dans les villes d'Europe, où les rues piétonnes sont des rues d'animation, on trouve du monde et des activités s'y déroulent - et nous pensons qu'il est bien pour les piétons, pour la qualité de vie au centre-ville et pour l'animation de cette ville, de passer par là.

Nous proposons de discuter de cette motion en commission, nous n'allons pas faire le forcing pour la voter ce soir. Genève attend depuis suffisamment de temps, on peut bien attendre encore quelques semaines, mais nous pensons que cela vaut la peine d'avoir ce débat en commission des transports.

Nous vous recommandons donc de renvoyer ce projet à la commission des transports pour y être étudié en toute sérénité par l'ensemble des parties prenantes de ce parlement, mais aussi par la population, car les commerçants ont un mot à dire, la population et les associations de quartier également. Et je pense que l'on peut trouver un accord qui dépasse largement les conflits habituels de ce parlement pour améliorer la convivialité du centre-ville.

Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Je ne peux m'empêcher de faire un parallèle entre cette motion et une pétition émanant de commerçants de la rue du Rhône qui s'offusquent de certaines animations bruyantes sur la place du Rhône, été comme hiver. Ces commerçants souhaiteraient - et on les comprend - une rue et une place du Rhône aménagées avec goût, où il ferait bon se promener et consommer. A notre avis, la rue du Rhône ne pourrait s'enorgueillir du statut de rue conviviale et agréable uniquement si elle est exempte de circulation. Aujourd'hui, cette circulation est insupportable, le stationnement est sauvage et - comme le disait mon préopinant - les bus sont souvent bloqués, ce qui engendre des retards coûteux pour les TPG et génère énervement et exaspération chez les usagers et les conducteurs.

La grande majorité des villes européennes et suisses ont bien compris l'intérêt économique de vraies zones piétonnes. Pour les Verts, au-delà des avantages économiques évidents, il en va de la qualité de vie de notre centre-ville. En redonnant un statut clair à la rue du Rhône et à certaines autres rues, on pourra enfin développer les zones de convivialité que les commerçants et les habitants réclament. Pour ces raisons, les Verts vous encouragent à renvoyer cette motion à la commission des transports.

M. Alain Meylan (L). Le groupe libéral ne s'opposera pas à ce que cette motion soit discutée en commission, pour y dire tout le mal qu'on en pense. Cette motion ne répond pas aux attentes des commerçants. Avant de vouloir faire leur bien sans les entendre, il faudrait écouter ce qu'ils ont à dire sur la manière de gérer un centre-ville, car ils ont l'habitude, dans les différentes réunions, de concerter leurs voisins, européens et au niveau mondial. On aura tout à apprendre de leur philosophie et de leurs études puisque nombre de ces dernières démontrent qu'un centre-ville est accueillant pour les visiteurs et qu'ils consomment plus quand ils peuvent y venir - si ce n'est pas dans le centre-ville mais en tous les cas à ses abords - de manière efficace et rapide. Et tel n'est pas le cas en l'espèce.

Je remarque que les mêmes qui demandent une zone piétonne au centre-ville sont ceux qui l'ont rejetée il y a quelques années en refusant le parking de la place Neuve. Si ce parking avait été accepté, la rue de la Corraterie - notamment - serait en zone piétonne. Alors, soyez un peu cohérents !

On a prouvé à l'époque que, si des parkings sont à disposition en suffisance près de ces zones, on est prêt à entrer en matière sur la création de zones piétonnes. Mais alors, des zones piétonnes ! Car j'ai entendu: «Enfin, les villes d'Europe ont des vraies zones piétonnes.» Oui, elles ont de vraies zones piétonnes. Par exemple, à Hambourg, il n'y a pas un vélo ni un transport public. Ce sont des zones conviviales avec des parkings et des accès aux transports publics. C'est cela une vraie zone piétonne ! On peut entrer en matière, mais avec des infrastructures, et, en l'état, elles n'existent pas à Genève. Créons-les ensemble !

En termes de complémentarité tram-parking sur la place Neuve, j'étais de ceux qui disaient de faire le tram, et l'on fera le parking avec les zones piétonnes - et on sait ce qu'il en est advenu.

Il n'y a pas de complémentarité dans les propositions de cette motion, et on le dira. Et l'on sait aussi que la diminution du nombre de visiteurs en ville fait que beaucoup de petits commerçants ne peuvent plus vivre. Arrêtez de vouloir tirer à boulets rouges sur ceux qui créent de l'emploi, Mesdames et Messieurs de la gauche ! Créer de l'emploi est aussi notre but, mais ce n'est pas par ces mesures anti-économiques et anti-emplois que l'on y arrivera.

Mme Nelly Guichard (PDC). Le groupe démocrate-chrétien enverra volontiers cette motion à la commission des transports, de manière à entendre à la fois les habitants, les TPG et, bien entendu, les commerçants de la rue du Rhône, afin de trouver une solution certes agréable, conviviale, mais aussi viable pour le commerce. Ces différents points de vue ne sont pas antinomiques et il sera utile d'entendre ces différentes entités. Je ne partage pas le pessimisme du propos de mon collègue libéral, mais il faut tenir compte de tous les éléments et de tout le contexte, et nous le ferons à la commission des transports.

M. Michel Ducret (R). Voilà une proposition qui va faire beaucoup de bruit pour rien et faire perdre beaucoup de temps en commission pour n'arriver à aucun résultat. Tout à l'heure, Mme Leuenberger nous a parlé d'une rue du Rhône fermée au trafic dans son ensemble, mais c'est loin d'être la proposition qui figure dans la motion. Il faudrait que les proposants relisent leurs propositions. Quand on lit: «entre la place Bel-Air et la plage du Rhône», on voit qu'il y a eu quelque précipitation dans la rédaction de ce texte qui, finalement, ne propose strictement rien d'autre que ce qui existe déjà.

Le trafic motorisé individuel est d'ores et déjà interdit pendant la journée dans les tronçons décrits. Et - à propos de place disponible - à part une voie de circulation pour les bus et une voie pour les livraisons - et parfois pour le stationnement de ces livraisons - il n'y a rien d'autre que deux trottoirs. Où voulez-vous encore prévoir des animations, des terrasses et tout ce qui nous est décrit de manière idyllique dans la proposition ? Nous voulons bien examiner cela, mais si c'est pour aboutir au constat que ce qu'il y a actuellement ne sera pas changé par une telle proposition, on se demande vraiment si cela vaut la peine d'insister, car cela n'amène strictement rien ! Il n'y aura rien de différent après l'éventuelle acceptation de cette motion par rapport à ce que est ce soir en vigueur, pour peu que les règlements soient respectés. Parce que le véritable problème est là, Mesdames et Messieurs ! C'est le respect - ou le manque de respect - des règlements de circulation sur les trois tronçons qui avaient été baptisés «rues marchandes».

La Ville de Genève a fait de gros efforts pour que des agents municipaux pénalisent les automobilistes qui empruntent ces axes aux heures où cela n'est pas permis. Mais cet effort doit être poursuivi, car cela n'a pas encore eu suffisamment d'effet et les gens empruntent encore beaucoup trop ces tronçons où ils ne devraient tout simplement pas passer ! Il faut encourager la Ville et notre département de justice et police à poursuivre un effort de répression contre l'usage abusif de nos chaussées. Cela suffira largement à remplir les conditions de cette motion.

Enfin, il est vrai que les remarques de M. Meylan sont exactes. N'oubliez pas que notre hypercentre est coincé entre une colline et le Rhône. Partout ailleurs, les rues piétonnes idylliques ne sont pas traversées par les transports publics, il n'y a pas de livraisons en dehors de certaines heures et très généralement, il s'agit de villes où les livraisons et les autres déplacements - l'accessibilité - se font par des chaussées parallèles que nous n'avons pas parce que notre situation géographique est particulière.

Il faut donc s'accommoder de nos réalités le mieux possible. Si l'on fait déjà respecter le règlement existant, cette motion est superfétatoire et l'on pourrait gagner beaucoup de temps en ne la traitant pas.

M. Roger Deneys (S). Les socialistes - comme l'a dit mon collègue - sont en faveur du renvoi en commission des transports pour une raison très simple: la situation actuelle n'est pas satisfaisante - on est tous là pour le constater - tant pour les transports publics que pour les automobilistes et les piétons. On ne peut que souhaiter une meilleure solution. Alors, on propose de renvoyer cet objet en commission pour discuter d'une solution qui, si possible, dans un état d'esprit que l'on aimerait bien voir un peu plus souvent dans ce Grand Conseil, permettrait de concilier les points de vue des uns et des autres.

Quand on entend le discours de M. Meylan, c'est un peu déplorable... Parce que vous avez l'a priori de dire que cela ne sert à rien, que c'est contre les commerçants - on dirait que vous n'avez même pas lu les propositions contenues dans ce texte. C'est bien cela que je déplorerais en priorité. En effet, on renvoie un texte en commission pour l'étudier et essayer d'améliorer une situation - et, Monsieur Ducret, vous n'avez pas, non plus, l'air d'avoir lu le texte jusqu'au bout. L'avant-dernière invite, par exemple, propose de développer des navettes de transports publics entre les parkings principaux et les principaux arrêts TPG: ce sont des propositions, et elles peuvent être développées. C'est peut-être trop cher et inadéquat, mais nous pouvons étudier cela froidement, sans a priori. Et l'on peut fermer une rue sans provoquer sa mort économique, c'est une question de proportion des mesures à prendre, que nous invitons à étudier sérieusement en commission.

Mme Caroline Bartl (UDC). Le 26 septembre, nous avons traité en commission des pétitions la P 1548, intitulée: «La place du Rhône n'est pas la plaine de Plainpalais», qui a été signée par plusieurs commerçants, notamment par la directrice de Piaget et par le représentant de Chaumet.

Une chose me choque dans cette proposition de motion, c'est que vous voulez introduire «un programme de loisirs et de divertissements afin de rendre cette rue vivante et la transformer en un espace d'animation»... Mais on n'est pas à la rue des Pâquis: il s'agit d'une rue chic, avec des boutiques chic, et nombre de commerçants travaillant dans cette rue se plaignent du caractère que certains veulent lui donner, notamment par l'implantation inappropriée de certaines activités à l'année. A mon avis, les installations ne correspondent pas à l'image que la population se fait de cette rue. Certains commerçants se posent aussi des questions quant à l'implantation d'autres sociétés dans cette rue et certaines personnes refuseront à l'avenir d'y investir.

Le groupe UDC ne soutiendra donc pas cette motion et ne la renverra même pas en commission.

Mis aux voix, le renvoi de cette proposition de motion à la commission des transports est adopté par 28 oui contre 25 non et 2 abstentions.