Séance du vendredi 16 septembre 2005 à 20h30
55e législature - 4e année - 11e session - 67e séance

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, présidente.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Carlo Lamprecht, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Laurent Moutinot, Robert Cramer et Charles Beer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Esther Alder, Jacques Baudit, Martin Paul Broennimann, Gilles Desplanches, David Hiler, Jean Rossiaud et Pierre Schifferli, députés.

Correspondance

La présidente. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.

Courrier de la présidence du Grand Conseil au Maire de la Ville de Genève, M. TORNARE Manuel, pour le remercier des belles décorations de verdures exposées dans la cour de l'Hôtel de Ville et mises en place par le service des espaces verts et de l'environnement de la Ville de Genève (SEVE) ( C-2078)

Annonces et dépôts

Néant.

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour.

PL 9452-A
Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur les violences domestiques (F 1 30)
Rapport de M. Christian Luscher (L) et de Mme Salika Wenger (AdG)

Premier débat

M. Christian Luscher (L), rapporteur. Mme Wenger me donne la parole pour montrer qu'il s'agit d'une loi qui ne vise pas seulement à protéger les femmes, mais aussi les hommes. Nous reviendrons sur ce sujet de manière plus détaillée si nécessaire. Je dis «si nécessaire» parce qu'en dépit de nos appartenances politiques respectives, il s'agit d'un rapport commun faisant suite à un vote unanime, et non d'un rapport de majorité versusun rapport de minorité.

Nous avons obtenu une belle unanimité en commission parce que, de part et d'autre, chacun a fait valoir ses opinions, chacun a fait des concessions qui ont permis d'arriver à une loi qui, je pense pouvoir le dire, est une bonne loi.

La loi sur les violences domestiques, Mesdames et Messieurs, ne vise pas à punir, mais plutôt à protéger. Elle vise à protéger, je le répète, autant les hommes que les femmes, autant les victimes d'infractions que les auteurs. Il s'agit de protéger les victimes des auteurs ou auteures des infractions et des violences dont elles sont l'objet et de protéger les auteurEs en leur proposant des solutions qui leur permettent d'éviter à l'avenir ces violences.

Je précise qu'il ne s'agit pas d'une loi de droit pénal, mais d'une loi de droit administratif; c'est ce qui a été voulu par la commission pour écarter des débats la question de la punition, puisqu'il ne s'agit pas de punir. Cette loi s'inspire néanmoins du droit pénal. Ceux qui ont pris le temps et le soin de lire le rapport auront constaté que les mesures d'éloignement s'inspirent, dans le contrôle de leur légalité à tout le moins, du droit pénal.

En effet, il est prévu, dans le respect du principe de proportionnalité, que lorsque quelqu'un se fait l'auteur de violences, il peut être éloigné par un officier de police du lieu où les violences ont été commises durant une période de 96 heures. Après cette période, la justice doit intervenir pour contrôler la légalité de la mesure prise par l'officier de police. D'une part, cela rassure l'officier de police qui doit prendre une décision, parce qu'il s'agit d'une mesure extrêmement grave, extrêmement lourde; d'autre part, cela assure un contrôle judiciaire de cette mesure. Ce contrôle intervient après 48 heures de mesure d'éloignement, pour autant que la personne le demande, et il intervient automatiquement si la mesure préconisée par l'officier de police dépasse la durée de huit jours. Au delà de cette durée, c'est le juge qui doit statuer quoi qu'il en soit, même s'il n'y a pas eu d'opposition de la part de la personne qui s'est faite l'auteure de l'infraction lui valant la mesure d'éloignement.

L'idée étant une fois encore que la justice soit mêlée de près à ce qui constitue une mesure extrêmement grave touchant à la liberté de tout un chacun. Cette mesure est prévue pour une durée de trente jours au maximum parce que, là encore, la commission a voulu que soit respecté dans toute son étendue le principe de la proportionnalité. Si le problème devait durer plus de trente jours, il ne relèverait plus du droit administratif genevois, mais du code pénal et d'autres mesures seraient envisageables.

Il ne s'agit pas du tout de priver le juge pénal de ses prérogatives: s'il y a des violences qui relèvent du droit pénal, le juge d'instruction s'en saisit et peut faire valoir toute l'étendue des normes du droit pénal. Il s'agit en revanche, et je crois que c'est très important de le dire, de permettre que, lorsque des violences sont constatées, une mesure d'éloignement soit prévue, qui protège autant l'auteur de ces violences que la victime.

Cette loi est extrêmement facile à lire. Dans ce domaine-là, c'est important, car son application sera quotidienne. Il faut que les policiers la comprennent; il faut que les juges la comprennent, c'est pour eux que ce sera le plus facile ! Mais il faut aussi que les auteurs et les victimes puissent comprendre exactement quel est le traitement qui leur est réservé.

Il s'agit d'une bonne loi, Mesdames et Messieurs les députés, et, à l'instar de la commission judiciaire qui l'a adoptée de manière unanime, je vous invite à lui réserver un accueil favorable.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Salika Wenger (AdG), rapporteuse. En préambule, j'aimerais présenter des excuses à tous les commissaires avec lesquels j'ai eu le plaisir de travailler dans cette commission pour n'avoir pas présenté un rapport digne de ce nom. J'ai été victime d'un accident informatique. Vous comprendrez donc la raison de la forme du rapport qui vous a été présenté.

Les chiffres que je vais vous citer commencent heureusement à être connus, mais il n'est pas inutile de les rappeler pour prouver à quel point ce projet de loi est légitime. En Suisse, on sait qu'une femme sur cinq (soit 20% des femmes) a subi des violences physiques ou sexuelles dans sa vie de couple. Environ 40% souffre de violences verbales ou psychologiques. On estime également, et c'est vrai pour toute l'Europe, que, pour les femmes entre quinze et quarante-quatre ans, la violence familiale est la première cause de décès et d'invalidité avant le cancer, les accidents de la route ou les conflits.

Cette violence entraîne un certain coût, que ce soit au niveau des services médicaux, de la santé, de l'emploi, de la justice ou de la police. Savez-vous qu'en Europe, chaque semaine, une femme est tuée par son conjoint ?

Une voix. Vraiment ?

Mme Salika Wenger. 25% des crimes commis par des hommes sont des agressions vis-à-vis de leur conjointe. Seulement un cas sur vingt est signalé à la police.

Depuis longtemps, les femmes de notre canton réclamaient une loi qui les protège des pratiques violentes au sein du foyer. Aujourd'hui, c'est avec une certaine satisfaction que je rapporte enfin sur un projet de loi qui traite de ce problème. Il faut préciser que la violence domestique concerne toutes les classes de notre société sans exception, ce qui pourrait laisser à penser qu'elle est peut-être plus profondément ancrée qu'aucune autre. Il existe déjà, dans notre arsenal juridique, des lois qui traitent des violences infligées aux autres.

Dans ce sens, la loi fédérale votée en octobre 2003 est un outil intelligent, indispensable puisqu'il permet de poursuivre d'office une personne auteure de violences domestiques. Toutes ces dispositions pourraient paraître suffisantes et elles le seront probablement avec le projet de loi que nous allons voter. Mais celui-ci a une particularité et un avantage: à l'article 3, il institue une collaboration effective entre tous les intervenants en charge de cette problématique: la police, les associations, les travailleurs sociaux, l'Etat, etc. Ceci permettra un travail plus cohérent dans la perspective de la prévention.

Il va de soi, et je pense que nous en sommes tous conscients, qu'une loi n'est pas suffisante pour éradiquer la violence, où qu'elle se produise d'ailleurs, et qu'il faudra du temps pour faire enfin entendre que la violence n'est pas admissible et qu'au sein de la famille, elle est non seulement odieuse, mais d'une rare lâcheté. En faisant sortir les pratiques violentes du cadre privé, cette loi rappelle à toutes et à tous le respect que chacun doit à l'autre et qui est indispensable pour une meilleure entente et une résolution des problèmes qui peuvent surgir au sein d'un couple par exemple.

Ce projet de loi a une autre qualité importante qu'il faut souligner: en instituant l'éloignement de l'auteur présumé des actes, elle soulage pour un temps la souffrance de la victime et oblige la personne éloignée à réfléchir. On peut espérer que cette réflexion pourra empêcher une récidive systématique. (Commentaires.)Je suis certaine que cette mesure paraîtra choquante à bien des hommes (Commentaires.)et j'ai envie de dire que c'est bon signe parce que ces hommes-là ne savent pas qu'il n'est pas rare de voir arriver dans les centres d'accueil des femmes blessées aussi bien physiquement que psychologiquement, sans argent, sans appartement, parfois accompagnées de leurs enfants, qui se demandent ce qu'elles vont devenir. Cette errance est une souffrance supplémentaire inutile et injuste. Dans ce sens, l'éloignement du domicile de l'auteur de violences est indispensable.

Tout est parfait, me direz-vous. Eh bien oui, mais j'ai quand même un petit regret dont je vous ferai part: c'est celui de n'avoir pas su convaincre que la problématique traitée était suffisamment importante pour justifier qu'un bureau soit créé pour prendre en charge la coordination indispensable que nécessitera probablement l'application de cette loi. Je vous demande néanmoins, Mesdames et Messieurs, de voter ce projet tel qu'il est sorti des travaux de la commission.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il faut se mêler de ce qui ne nous regarde pas. Oui: trop longtemps, la loi n'a pas permis d'enrayer la toute-puissance de la violence faite aux femmes dans la confidentialité de la sphère privée - au prix de souffrances et de violences allant parfois jusqu'à entraîner la mort. Mais cela ne nous regardait pas.

Heureusement qu'aujourd'hui, nous sommes tous choqués lorsque la violence envahit la société. Or, souvent, elle commence au sein de la famille. Par cette loi courageuse, pionnière, le Conseil d'Etat va dans le sens d'offrir aux victimes une meilleure gestion des dispositifs coordonnant les aides auxquelles elles ont droit et d'offrir aux auteurs de violences un éloignement leur évitant de commettre un acte irréparable qu'ils regrettent tous toujours.

Nous savons que, dans la grande majorité des violences domestiques, ce sont les femmes qui quittent leur domicile avec les enfants dans des conditions de stress maximum et qui vont se faire héberger dans des lieux d'accueil. Je connais bien ce problème: je travaille dans des lieux d'accueil pour les femmes et les enfants depuis des années et, tous les jours, des femmes demandent à être accueillies avec leurs enfants alors leur mari reste seul dans l'appartement. Cela peut paraître très injuste.

C'est pourquoi je tiens à féliciter Mme Spoerri pour son courage politique face à un sujet aussi délicat. Je félicite également les collaborateurs et les collaboratrices de son département pour la qualité de leurs travaux et leur disponibilité. Vous les remercierez, Madame; j'ai été impressionnée par leur compétence pour expliquer aux membres de la commission le bien-fondé de ce projet de loi. Pour le PDC, ce projet de loi est essentiel face au fléau qu'est la violence.

Il n'y a peut-être pas plus de victimes aujourd'hui qu'autrefois, mais heureusement, aujourd'hui, on ose en parler; aujourd'hui, aussi bien les victimes que les hommes auteurs de violences osent demander de l'aide. Cela est très important. Les professionnels du groupe de travail «Prévention et maîtrise de la violence conjugale», tous des experts du terrain, ont remarquablement démontré l'importance d'une telle loi pour continuer à développer des outils de prévention, des outils d'action et des outils de protection offrant des conditions maximum de sécurité et de respect pour les victimes, et des alternatives heureusement efficaces aux auteurs de violences pour éviter la récidive.

Tous les exemples actuellement en Europe, dans le nord de la France ou à St-Gall, ont montré que des lieux d'accueil pour les hommes auteurs de violences avaient permis de faire baisser la récidive de manière notoire - et, cela, c'est important. C'est pourquoi le PDC, comme l'unanimité de la commission, soutiendra bien entendu ce projet de loi. (Applaudissements.)

Mme Loly Bolay (S). Il était temps de se doter d'une loi qui protège les personnes victimes de violences dans le cadre familial. Mesdames et Messieurs les députés, la violence domestique n'a pas de frontières. Elle sévit partout, sournoisement, lâchement. C'est un fléau, une gangrène. Elle est lâche parce qu'elle s'attaque souvent à des êtres plus faibles. C'est un délit invisible, comme le disent la presse espagnole et l'exposé des motifs de la loi espagnole que nous avons étudiée en commission.

Ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, c'est surtout une reconnaissance pour les victimes, elles qui souvent se taisent par crainte de représailles. Cette loi, Mesdames et Messieurs les députés, répond à une nécessité, à un besoin. La violence domestique est devenue un vrai problème de santé publique.

A Genève, dans la plupart des cas, les victimes doivent soit partir, soit vivre avec leur bourreau. En 2003, la police genevoise est intervenue à 1339 reprises pour des violences domestiques, dont 780 concernaient des violences entre époux ou concubins. L'OMS, dans son rapport de 2002 sur la violence domestique, préconise diverses mesures à prendre: prévention primaire, prévention secondaire - soit mettant l'accent sur une réponse immédiate - et prévention tertiaire (réinsertion et rééducation). Le projet de loi qui nous est soumis répond surtout à la deuxième proposition, c'est-à-dire les mesures secondaires.

Le parlement européen a lancé un programme d'action communautaire pour prévenir et combattre la violence exercée sur les enfants, les jeunes ou les femmes et protéger ces populations. L'Espagne, qui connaît un problème énorme de violence à l'encontre des femmes, vit un véritable cauchemar. Elle s'est dotée tout dernièrement d'une loi sur la violence domestique, mais la loi espagnole met surtout l'accent sur la prévention. Elle renforce les mesures de sensibilisation citoyenne en dotant le pouvoir public d'instruments efficaces dans les domaines éducatif, social, sanitaire et publicitaire.

Mesdames et Messieurs les députés, M. Luscher l'a dit tout à l'heure, la commission judiciaire s'est, dans le cadre de ses débats, longuement penchée sur les mesures d'éloignement. Cet article a été soigneusement étudié; le pouvoir judiciaire a d'ailleurs été entendu, car il est vrai qu'il est difficile d'articuler à la fois une décision d'éloignement et une éventuelle réconciliation et que le choix de l'autorité pouvant prononcer une mesure d'éloignement était délicat.

Nous avons entendu aussi le président du Tribunal tutélaire et justice de paix qui nous a informé que, selon son expérience, les mesures d'éloignement étaient en général très dissuasives. C'est la raison pour laquelle l'article 8, alinéa 9 dit expressément que la personne faisant l'objet d'une mesure d'éloignement peut demander en tout temps que la légalité et la proportionnalité de cette mesure soit examinée par un juge de paix en formulant une opposition. L'officier de police informe par écrit l'intéressé de cette possibilité, de la procédure et de l'ensemble de ses droits.

Mesdames et Messieurs les députés, cette loi est nécessaire. Elle a été étudiée par la commission judiciaire avec énormément de sérieux. Je vous demande, comme mes préopinants, de la voter telle qu'elle ressort de nos travaux.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Nicole Lavanchy (AdG). L'ADG souscrit bien évidemment entièrement à ce projet de loi, le salue comme l'ont fait mes préopinants. Il était vraiment important qu'au niveau du gouvernement et du parlement, on puisse envoyer ce signe clair à la population que l'on reconnaît ce problème et que l'on tente d'y faire face et de faire en sorte que des souffrances familiales, parce qu'il s'agit de souffrances de femmes, d'enfants et d'hommes aussi, soient reconnues et que l'on aide des familles à éviter les violences (rôle préventif) voire à se soigner (rôle curatif).

Ce qu'il me semblait important de souligner à nouveau par rapport à ce projet de loi - et je l'ai lu dans le rapport de M. Luscher et de Mme Wenger - c'est qu'un groupe de travail d'une vingtaine de professionnels s'est formé. Tous ces professionnels sont préoccupés par les problématiques féminines ou familiales et ont réussi à faire un travail en commun...

Une voix. Les hommes !

Mme Nicole Lavanchy. ...les hommes, la police, le pouvoir judiciaire, les travailleurs sociaux. L'existence d'une telle synergie au niveau des structures d'Etat ou associatives est assez remarquable.

Malgré les différences de sensibilité mentionnées dans le rapport, les partenaires ont réussi à s'entendre et à construire quelque chose de solide et qui a vraiment du sens. Cela se retrouve dans le travail de la commission, qui est unanime pour saluer et soutenir ce projet de loi. Un travail très sérieux a été réalisé par des gens de terrain, et je trouve important de relever que l'énergie investie dans l'élaboration de ce projet de loi ne va pas se perdre puisque ce dernier prévoit un bureau avec un ou une déléguée - peut-être une - qui poursuivra ce rôle de coordination entre le monde associatif et le monde institutionnel pour faire valoir ce projet de loi et, peut-être, suivant le souhait de Mme Loly Bolay, faire une campagne de prévention.

Le travail va donc continuer et je salue vraiment l'esprit de cette loi qui induit la construction de quelque chose de plus large. Ce projet de loi permettra d'informer et de prévenir. Il constitue un premier pas vers une réelle prévention des violences conjugales. L'ADG, c'est sûr, soutient entièrement ce projet de loi et salue les travaux réalisés par la commission et le groupe de travail.

La présidente. Je vous signale que le deuxième amendement qui vous a été distribué, présenté entre autres par Mme Jocelyne Haller, ne porte pas sur l'article 9, mais sur l'article 6. J'aime autant que vous preniez tout de suite connaissance de cette rectification.

M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC remercie le Conseil d'Etat d'avoir élaboré ce projet de loi. Il partage entièrement ses craintes quant à la situation en matière de violence conjugale. ( Chahut.) Si le rapporteur pouvait se taire, ce serait sympathique de sa part. Dans une ville comme Genève, qui, comme d'autres grandes métropoles, vit une situation particulière ( Chahut.), la «multiculturalité» est un facteur aggravant dans le domaine de la violence conjugale.

Mme Salika Wenger. C'est inadmissible, cela n'a rien à voir !

M. Gilbert Catelain. On sait qu'à Paris, par exemple, le 80% des interventions a lieu dans ce domaine-là.

Le projet de loi est d'autant plus d'actualité qu'à La Chaux-de-Fonds, un père a tué ses deux enfants dans l'appartement familial. On s'aperçoit effectivement qu'au fil des ans, la violence est de plus en plus importante et grave et que les drames de ce type sont d'autant plus fréquents. Je regrette pour ma part que, dans les exposés qui ont été faits, notamment par deux, voire trois interlocutrices, on se soit limité à la violence des hommes sur les femmes. Cette dernière existe bien, puisque les statistiques démontrent que 80% à 85% de la violence est d'origine masculine - c'est un fait - mais 15% de la violence est d'origine féminine et les hommes sont aussi concernés par cette violence-là. De par ces faits, le projet de loi a toute sa valeur.

Au-delà des relations homme-femme, le projet de loi a l'avantage de faire porter le débat à l'ensemble des personnes vivant sous le même toit. C'est pourquoi, afin de mieux cadrer l'objectif de ce projet de loi, le groupe UDC vous propose une formulation un peu plus restreinte et plus précise qui permette d'assurer juridiquement une certaine sécurité en définissant clairement l'ensemble des personnes couvertes par ce projet de loi et, surtout, la notion de violence afin que cette dernière ne puisse être l'objet d'aucune discussion. Cette formulation devrait faciliter l'application de cette loi, notamment pour les commissaires de police auxquels, je le rappelle, on confie beaucoup de compétences.

Tout à l'heure, nous avons parlé du projet de loi modifiant la loi sur la police et de la déontologie, à savoir que le commissaire va contrôler chaque mesure de contrainte prise par un collaborateur de la police. Les mesures prévues dans ce projet de loi sont nécessaires. Elles sont assimilables à des mesures de contrainte puisque l'on empêche une personne d'accéder à son logement pour autant qu'elle soit en situation légale, ce qui est encore autre chose. Par conséquent, il faut absolument, dès lors que les recours sont restreints, garantir cette sécurité du droit. Nous aurons l'occasion d'en reparler au cours du deuxième débat.

Encore une chose: ce projet de loi ne va pas tout résoudre. Il constitue une nouvelle pierre à l'édifice et permet de compléter ce que les chambres fédérales ont convenu dans le cadre de la réforme du droit pénal. Je rappelle qu'il existe une autre forme de violence qui est toute simple - elle est connue des associations qui travaillent en la matière: c'est la violence téléphonique. Une fois qu'une personne est écartée de son domicile, elle peut avoir recours à un harcèlement psychologique. Le projet de loi ne permet pas de répondre à ce type de violence.

Nous regrettons les précisions à mon sens exagérées qui figurent à l'article 8. Je pense que l'on aurait pu laisser un peu plus de latitude au niveau du règlement puisque l'on pourra s'apercevoir dans la pratique qu'une formulation trop précise de l'article 8 pourrait engendrer des effets contraires à ceux qui sont visés.

M. Christian Brunier (S). Je crois qu'il y a des drames de la société qui méritent que nous gommions nos différences idéologiques et que nous menions dans ce Grand Conseil des débats sereins et de qualité. Je crois que c'est le cas jusqu'à présent - excepté quand même, Monsieur Catelain, pour votre amendement. Cet amendement n'est pas anodin. Face à ce drame que beaucoup de femmes et quelques hommes subissent, il y avait unanimité en commission, et ce en l'absence de l'UDC qui vient aujourd'hui donner des leçons alors qu'elle n'était pas en commission pour travailler.

Une voix. On n'était plus que quatre ! ( Chahut. L'orateur est interpellé.)

M. Christian Brunier. Non, non, ce n'est pas polémique ! Je fais simplement remarquer que l'amendement de M. Catelain n'est pas anodin.

Monsieur Catelain, vous dites vouloir plus de clarté. Plus de clarté, pour vous, c'est limiter la violence aux violences physiques et sexuelles. Vous excluez de la loi toute la violence économique et psychologique. De plus, vous limitez la violence à celle commise entre des personnes vivant en ménage commun. Vous savez pourtant que le projet de loi est adapté à la réalité des vies d'aujourd'hui et s'appliquerait non seulement aux personnes vivant en ménage commun, mais aussi aux personnes vivant séparément ou en partenariat.

La violence dans les vies de couple au sens large du mot revêt actuellement plusieurs visages. ( Chahut.) Cet amendement n'est donc pas acceptable. Je pense qu'il faut continuer le débat - et vous avez raison, Monsieur Luscher: il faut continuer avec sérénité un débat qui doit rester en dehors de tout clivage idéologique et souligner que ce projet de loi, qui est essentiel pour notre canton, pour les victimes de ces violences, n'est qu'un début.

Il y a des éléments très importants dans ce projet de loi et je tiens à féliciter l'ensemble des parties qui y ont contribué ainsi que le DJPS, qui s'est activé. A ce propos, je vous rappelle que certains députés avaient déposé une motion pour pousser le département à aller plus vite. Le département ayant fait son travail, nous allons retirer cette proposition de motion 1576. Le travail a été fait, et bien fait.

Je le redis: ce projet de loi est un bon projet de loi. C'est un début; je crois que de nombreuses expériences à travers le monde montrent que l'on peut être encore plus offensif, plus efficace par rapport à la violence domestique. Citons notamment l'exemple de Toulouse, qui a créé une brigade spécialisée dans le domaine. Est-ce une bonne chose ou non ? Cela mérite d'être étudié. Le Québec aussi a entrepris des mesures pour combattre la violence conjugale. Il y a peut-être là aussi de bonnes pratiques que nous pourrions reprendre à Genève.

Une vraie dynamique a été lancée aujourd'hui - une dynamique interparti qui gomme les idéologies - et je souhaite vraiment que le débat se déroule dans un climat de sérénité et d'unanimité.

Une voix. Bravo !

La présidente. Nous avons pris note que la proposition de motion suivante est retirée par ses auteurs:

Proposition de motion de Mmes et MM. Christian Brunier, Laurence Fehlmann Rielle, Thierry Charollais, Loly Bolay, Alain Charbonnier, Jacqueline Pla, Salika Wenger, Roger Deneys, Anne-Marie Von Arx-Vernon, Françoise Schenk-Gottret, Christian Grobet, Jocelyne Haller, Pierre-Louis Portier, Nelly Guichard, Ariane Wisard-Blum, Alain Etienne, Anne Mahrer, Jeannine De Haller, Jean Rossiaud, Patrick Schmied pour des mesures énergiques et concrètes contre la violence conjugale ( M-1576)

Le Grand Conseil prend acte de ce retrait.

Mme Janine Hagmann (L). Mesdames et Messieurs les députés, je suis spécialement fière et heureuse ce soir de pouvoir avec vous avaliser un projet de loi qui a été présenté avec un gouvernement qui, sur sept membres, compte deux femmes (et ce n'est vraiment qu'un début). Quelle satisfaction que ces deux femmes soient libérales ! Quel bel exemple donne justement Mme Spoerri, qui a la chance de mettre cette loi à son bilan de législature. Légiférer sur les violences domestiques manquait jusqu'à maintenant.

Cela a été dit: cette loi est un symbole très fort que notre gouvernement veut donner pour lutter contre toute forme de violence. Ce n'est pas une loi homme-femme ou femme-homme. Pas du tout. Cette loi montre que personne ne peut accepter la violence, quelle qu'elle soit. Cette loi, théoriquement, sera parfaite. En application, il faudra faire très attention à ce que les groupes marginaux en bénéficient aussi. Souvent, les gens qui subissent des violences ne savent pas forcément se faire défendre par les lois. Il faudra prendre garde à ce que tous les aspects de cette loi soient mis en application.

M. Luscher a rédigé un excellent rapport. Il n'y a rien à y ajouter. Nous n'avons pas l'habitude, dans notre groupe, de redire tout ce qui a été dit. Je pense que c'est très important que nous n'allions pas, ce soir, plus loin que ce que la commission a voté à l'unanimité. Il faut rester dans un contexte général. Le signe donné par le vote de cette loi est très important. C'est pourquoi le groupe libéral vous recommande de voter la loi telle qu'elle est sortie de commission.

M. Antonio Hodgers (Ve). Vous le savez, les statistiques le montrent: la famille, structure fondamentale de notre société, est pourtant l'un des lieux les plus violents et meurtriers, notamment pour les femmes et les enfants. Ce constat fait froid dans le dos. La semaine passée, nous lisions encore dans les journaux qu'un père avait tué ses trois enfants. Cela fait partie d'une réalité qui jusqu'à peu était taboue et contre laquelle des associations, notamment des associations féminines, luttent depuis plusieurs années déjà.

La violence dans la sphère privée, qui était intouchable par l'Etat, est heureusement aujourd'hui la préoccupation de la collectivité. Une violence quelle qu'elle soit, même si elle se produit dans le cercle familial, concerne la collectivité, concerne l'Etat. Ce projet de loi vient à point nommé pour renforcer notre dispositif légal afin de lutter contre ce fléau qui, comme cela a été dit, concerne toutes les couches de la population.

Les Verts se réjouissent beaucoup du vote de ce projet de loi. Ils se réjouissent aussi qu'il ait été lancé et mené par des associations qui sont sur le terrain. On assiste ici à un bel exemple de subsidiarité entre l'activité associative et l'activité de l'Etat, où l'Etat vient conforter la première et légiférer à son sujet. Cela est tout à fait positif. Je remercie le département ainsi que l'ensemble des parties d'avoir su le faire avec diligence. Ce projet de loi est un instrument permettant de coordonner la société civile qui travaille sur le terrain, mais il a aussi besoin d'une orientation stratégique cantonale. Il s'agit aussi d'un instrument préventif.

J'en viens à l'amendement de l'UDC, qui n'est pas du tout anodin: si aujourd'hui le code pénal prévoit déjà la punition des actes de violence physique, ce projet de loi vise justement la prévention de ces derniers. C'est bien de cela qu'il s'agit, Monsieur Catelain. C'est bien joli d'avoir mis en prison le père de famille qui a tué ses trois enfants ou condamné tel autre qui battait sa femme régulièrement, mais le mal est déjà fait et, ce qui importe aujourd'hui, c'est de le prévenir. Par conséquent, le fait d'intégrer les dimensions psychique et économique dans la définition de la violence est primordial pour l'action de prévention qui, on le verra à l'usage, peut paraître délicate, mais qui, d'après nos auditions et d'après les expériences d'autres cantons, est tout à fait envisageable.

Je propose donc au parlement de refuser cet amendement, qui est le véritable danger dans ce débat. Nous accepterons l'amendement pour la féminisation des termes, bien qu'il vienne un peu tardivement en plénière - mais cela peut arriver. Dans tous les cas, nous voterons ce projet de loi.

M. Christian Luscher (L), rapporteur. Tout à l'heure, j'ai oublié de remercier le département pour son travail exemplaire qui a permis aux commissaires d'aboutir à un résultat extrêmement équilibré - raison pour laquelle je demande solennellement à ce parlement de voter la loi telle qu'elle est issue des travaux de commission.

On y reviendra peut-être tout à l'heure, l'amendement de l'UDC me paraît totalement inopportun; j'expliquerai pourquoi si nécessaire. Je pense qu'il ne faudra pas s'attarder sur ce point.

Quant à l'amendement signé par un certain nombre de députées, il me semble lui aussi inopportun pour une raison simple: nous avons essayé en commission, dans le cadre des travaux d'équilibrage de la loi, de bien démontrer qu'il ne s'agissait pas d'une loi qui protégeait les femmes contre les hommes. Il s'agit d'une loi sur les violences domestiques, quelle que soit la personne à l'origine de ces violences.

Je pense qu'il est particulièrement mal placé de venir changer la moitié des termes pour rendre cette loi épicène alors qu'elle l'est déjà. Toutes les lois sont épicènes. Ce n'est pas parce que l'on utilise un terme masculin que, forcément, il ne s'applique pas au féminin. On aurait, dans ce cas, 3 000 ou 4 000 lois à changer.

S'il vous plaît, je vous en conjure, tous les commissaires siégeant à la commission judiciaire ont pu s'exprimer, chacun a pu faire valoir son point de vue, chaque parti a été représenté et nous avons tous oeuvré pour présenter un travail équilibré, d'où cette unanimité. Je vous en prie, ne rompez pas cette unanimité et, comme le disait Mme Hagmann tout à l'heure, votons cette loi telle qu'elle est issue des travaux de commission.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Salika Wenger (AdG), rapporteuse. Pour une fois, je suis entièrement d'accord avec M. Luscher - du moins, en ce qui concerne les travaux de la commission et l'atmosphère qui y a présidé.

Quant à l'amendement de M. Catelain, je n'ai même pas envie de le commenter. ( Chahut.) J'ai juste envie de vous poser quelques questions. D'abord, une remarque: il ne s'agit pas de la protection de la personnalité, mais de la protection de la personne très spécifiquement. La protection de la personnalité est un autre problème. Par ailleurs, ce n'est ni la «multiculturalité» ni la marginalité qui induisent la violence domestique: elle est transversale et touche toute notre société.

Je reviendrai plus tard sur cet amendement si besoin était, mais je recommande aussi à tous les députés ici présents de voter cette loi telle qu'elle est ressortie de nos travaux.

Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. J'aimerais juste compléter le débat que vous venez d'avoir pour aller évidemment dans le sens de la conclusion essentielle. Il est vrai que le travail de la commission a été formidable, que chacun a mis de côté ses convictions politiques politiciennes - si vous me permettez l'expression - parce que la cause est si importante que chacun a su faire le chemin qu'il fallait.

J'aimerais aussi saluer le travail extraordinaire accompli par les expertes et les experts du terrain depuis de très nombreuses années. Aujourd'hui, c'est un aboutissement. Beaucoup d'entre eux sont présents à la tribune, mais pas tous.

Ce projet est aussi l'aboutissement d'un travail mené par le département de justice et police avant mon arrivée et je vous demande instamment, comme l'ont fait certains députés, de ne pas vouloir outrepasser l'ambition qui a été communément consolidée dans la commission.

La violence, on le voit, n'a pas de frontières; elle est dans la rue, elle est dans les écoles, elle est dans les entreprises, elle est au domicile familial. Si difficile soit-il d'aborder la violence dans la sphère privée, nous devons solennellement prendre ensemble la responsabilité de le faire, car beaucoup trop de victimes en subissent les lourdes conséquences. Parmi elles, couples, couples mariés, couples en union libre, personnes âgées - dont on a peu parlé jusqu'à maintenant - et enfants.

Merci de voter cette loi telle qu'elle est sortie des travaux de la commission ! (Applaudissements.)

Mme Michèle Künzler (Ve). Je suis désolée d'intervenir maintenant, mais à aucun moment la loi telle que l'on va la voter n'a été publiée dans son entier. Il n'y a que le projet de loi, mais les amendements n'y ont pas été reportés. (L'oratrice est interpellée.)On vient de vérifier sur plusieurs points. Il faudrait donc que l'on établisse une vérification.

M. Christian Luscher (L), rapporteur. Sauf erreur de ma part - mais nul n'est infaillible - le projet de loi que vous trouverez en page 23 et suivantes est celui qui est issu des travaux de la commission après adoption par l'unanimité des commissaires des amendements en commission.

Une voix. C'est juste !

La présidente. Nous allons donc procéder au vote d'entrée en matière sur le PL 9452-A.

M. Thierry Charollais (S). Je demande le vote nominal. ( Chahut.)

La présidente. Êtes-vous soutenu? (Réactions de l'assistance.)Vous l'êtes. Il en sera donc fait ainsi. Nous allons donc voter l'entrée en matière.

Mis aux voix à l'appel nominal, ce projet de loi est adopté en premier débat par 78 oui et 1 abstention.

Appel nominal

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 1.

M. Gilbert Catelain (UDC). Je vais en quelques mots expliquer la motivation de l'amendement. Je pense que l'exposé des motifs de cet amendement est complet et relativement long. Il s'agit de remplacer «des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques» par «des violences physiques ou sexuelles». Le but de cette loi est tout à fait honorable et nous la soutenons. Nous ne voulons simplement pas que le mieux soit l'ennemi du bien.

Cette loi prévoit d'éloigner des personnes de leur domicile. Si elles sont dans le même domicile, c'est qu'elles sont a priori sous le même toit, donc elles vivent ensemble, donc elles ne sont pas séparées; elles ne sont pas à deux cents kilomètres l'une de l'autre. Effectivement, on donne quand même beaucoup de compétences à l'officier de police.

Il peut, c'est prévu à l'article 8, alinéa 4, «après avoir, dans la mesure du possible, entendu les personnes directement concernées par les violences, donne[r] connaissance à l'auteur présumé de violences domestiques de la proposition de mesure d'éloignement le concernant.» L'officier de police peut donc très bien décider d'une mesure d'éloignement sans forcément informer les personnes concernées, dont on suppose qu'elles ont commis ou potentiellement pourraient commettre une violence.

En effet, comme l'a dit le député Hodgers, le but de cette loi est la prévention. Elle vise à anticiper les drames, c'est ce qui est prévu à l'article 8, alinéa 1: «Lorsque la commission d'actes de violences domestiques apparaît vraisemblable, s'il est nécessaire d'agir sans délai pour l'empêcher, et si aucune autre mesure plus légère n'est propre à écarter le danger, un officier de police peut prononcer une mesure d'éloignement immédiat à l'encontre de l'auteur présumé de ces actes».

Ces actes n'ont pas été commis puisque tout l'objet de la loi est de permettre d'éloigner une personne dont on suppose qu'elle va commettre un acte de violence, donc il n'y a pas encore eu acte de violence; c'est là tout l'esprit de la loi. C'est exactement cela.

L'officier de police sera parfois dans une situation inconfortable puisqu'il devra prendre une décision et, en cas de doute, il éloignera la personne. On sera donc confronté dans la pratique à des cas de rigueur où la personne éloignée aura peut-être été victime d'un faux témoignage, ce qu'il sera difficile de prouver, et les possibilités de recours de la personne éloignée seront relativement limitées; beaucoup plus limitées que celles d'un dealer dont on a restreint la liberté de circulation.

Ce que nous voulons simplement, c'est que l'on définisse clairement la notion de violence. Pour le simple péquin qui lit cette loi, qu'est-ce que la violence économique ? Le projet de loi ne le dit pas. C'est quoi, la violence économique ? C'est donner 500 F par mois à son conjoint au lieu de 1 000 F ? C'est quoi la violence psychologique ? C'est la mère qui exige tous les jours que son enfant lui rapporte un bulletin avec une note de 5 ? Je ne sais pas. Vous savez très bien que ces notions-là ne sont pas clairement définies. (L'orateur est interpellé.)

Non ! Mais c'est exactement cela ! Ces notions ne sont pas définies juridiquement, ce qui ouvre la porte à des abus qui mettront en difficulté les professionnels - comme on les appelle dans cette loi - qui devront appliquer cette dernière. C'est relativement discutable.

Il serait préférable d'en rester à une définition qui ne pose aucune équivoque, une définition qui soit compréhensible par toutes les personnes concernées, par toute la population. Tout le monde sait ce qu'est une violence physique ou une violence sexuelle. Il serait difficile de définir où commence une violence psychologique, d'autant plus que l'article 8 parle d'actes qui apparaîtraient vraisemblables, donc ne sont pas encore commis. Nous sommes d'avis que la formulation actuelle posera beaucoup plus de problèmes qu'une formulation restreinte.

En conséquence, nous vous proposons d'accepter cet amendement, pour que cette loi soit applicable sans grande difficulté. Sinon, nous risquons de voir les professionnels chargés de l'application de cette loi crouler sous les recours.

Mme Nicole Lavanchy (AdG). Je ne voudrais pas m'adresser uniquement à M. Catelain, mais vous avez eu l'occasion de débattre - votre groupe était représenté à la commission - de ce qu'est une violence domestique. Il se trouve qu'il existe une littérature abondante sur le sujet. Des recherches ont été menées depuis longtemps. Je pourrais vous donner une bibliographie fournie.

Il existe des définitions claires de ce qu'est une violence domestique, conjugale, de ce qu'est la maltraitance de l'enfant. On peut très bien nommer ces choses-là. Les professionnels ne seront pas chargés de définir ces notions. Un travail de fond a été mené par des chercheurs: des sociologues, des pédopsychiatres, des psychiatres, des médecins, etc. On sait de quoi on parle aujourd'hui à ce sujet. On ne laisse ni la justice ni les professionnels dans un no man's land.

Par ailleurs, la plupart des professionnels qui s'occupent de cette problématique sont formés, en tout cas les travailleurs sociaux, pour comprendre ce que sont ces violences. Des cours leur sont donnés. Ce ne sont pas des experts, mais ils sont sensibilisés. Au niveau de la police, un effort a également été fait pour que ce corps de métier comprenne ce qu'est cette violence. On n'est donc pas dans le flou.

Les propos que vous tenez, Monsieur Catelain, visent simplement à réduire la portée de cette loi, et je vous promets que - et c'est aussi démontré par des professionnels - la violence conjugale ne démarre pas tout de suite avec des coups. Elle commence par des pressions psychologiques faites aux conjointes, ou au conjoint, mais en général ce sont plutôt des femmes qui les subissent. Ces pressions psychologiques font baisser la personne dans son estime d'elle-même; on lui dit constamment des choses comme: «Ton gâteau, il pourrait être mieux!» ou «Pourquoi tu n'as pas acheté du lait ?» Tout le monde connaît cela.

Il s'agit de petites brimades quotidiennes qui contribuent à isoler la personne et, si elle ne travaille pas, on lui fait ensuite subir des violences économiques. La violence économique, Monsieur Catelain, c'est simple: une personne reste à la maison pour élever des enfants, on lui donne cinquante francs et on lui demande de rendre des comptes sur cette somme. Dans la loi sur le divorce, dans la loi sur la famille, vous verrez que les conjoints doivent avoir un accès égal aux biens. Ce n'est pas parce qu'un des deux conjoints ne travaille pas qu'il ne peut pas avoir la même qualité de vie que son conjoint. Vous tenez des propos très réactionnaires à ce sujet.

On en arrive ensuite à la violence physique, simplement parce que ce système est une spirale. Quand on tape, cela signifie qu'il y a eu déjà beaucoup de brimades, et que l'on a déjà cassé la personne.

Si vous ne savez pas ce qu'est la violence psychologique, ou la violence économique, je vous renvoie à une littérature abondante, je vous donne volontiers une bibliographie intéressante et vous suggère de lire, avant de dire des choses incohérentes et très sexistes. (Applaudissements.)

Mme Loly Bolay (S). Premièrement, par rapport à l'amendement de M. Catelain: Monsieur Catelain, mon collègue l'a dit tout à l'heure, nous ne voterons pas cet amendement. Tout d'abord parce qu'il restreint le champ d'action. Et surtout, Monsieur Catelain, je suis désolée, mais votre délégué à la commission judiciaire, M. Schifferli, on ne l'a pas vu. Vous me direz qu'il ne nous a pas beaucoup manqué, il n'empêche qu'il n'était pas là pour faire son travail !

Une voix. Bravo !

Mme Loly Bolay. Maintenant, vous venez avec un amendement alors qu'il y a eu un consensus en commission, c'est un peu fort de café. D'ailleurs, cet amendement fait beaucoup de tort à l'article en question.

Deuxièmement, à propos de la remarque de Mme Künzler: il est vrai, Monsieur le rapporteur, qu'il y a des contradictions entre les amendements que nous avons votés et la loi qui figure à partir de la page 23 du rapport. Monsieur le rapporteur, je ne sais pas si vous m'écoutez. ( Chahut.) Monsieur le rapporteur, Mme Künzler a fait une remarque pertinente puisque certains amendements qui se trouvent aux pages 10 et suivantes, que nous avons votés, ne sont pas retranscrits dans le projet de loi figurant à partir de la page 23. J'imagine que c'est le projet de loi se trouvant à partir de la page 23 qui est faux et non les amendements. Je vous demande de nous répondre sur ce point. Je suppose qu'il y a eu là des coquilles ou vraiment des erreurs.

M. Pierre Froidevaux (R). Le représentant de l'UDC propose un amendement qui compromet fondamentalement l'enjeu de cette loi. Monsieur Catelain, avec cette loi, nous avons défini de nouvelles priorités dans la compréhension de ce qu'est la liberté individuelle.

Nous avons décidé par cette loi que l'autonomie individuelle méritait une protection encore plus importante et que la sphère domestique, pourtant si privée, avait besoin d'une surveillance de l'Etat. Il s'agit effectivement d'une percée extrêmement sensible, Monsieur Catelain, et c'est là toute la force de ce projet de loi: comprendre ce que signifie la violence domestique en termes de perte d'autonomie de l'individu.

Je n'aimerais pas reprendre les exemples qui ont été donnés par mes préopinants, mais rappeler simplement que la violence domestique fait que, perdant progressivement nos liens avec la société, nous ne sommes plus aussi libres, Monsieur Catelain.

Nous demandons que l'Etat puisse mettre en place une structure judiciaire qui améliore cette autonomie en évitant des blessures, même intra-familiales.

Je vous comprends, Monsieur Catelain, vous êtes surpris de la mission extrêmement difficile qui est donnée à l'autorité de police. Et, lorsque vous voulez supprimer le terme «psychologique», je comprends bien à quel point vous voulez décharger une autorité qui n'est pas vraiment compétente d'une mission dont nous allons dès ce soir la charger.

Cependant, c'est cela qui constitue l'avancée de la loi; c'est cette évolution-là que nous devons voter aujourd'hui. Nous avons pris quelques précautions, Monsieur Catelain, pour que cette mission existe vraiment et que l'autorité de police puisse travailler réellement. Nous avons désigné un délégué aux violences domestiques pour que chaque officier de police qui devra prononcer une mesure d'expulsion ait un repère, qui est somme toute un repère politique. Afin qu'il puisse discuter avec l'autorité politique, avec le conseiller d'Etat pour que sa mission soit correcte.

Je comprends votre sensibilité, Monsieur Catelain, mais je recommanderai aux députés de cette enceinte de ne même pas entrer en matière sur votre amendement, qui viderait complètement ce projet de loi de son sens et empêcherait une avancée en matière d'éthique et de déontologie. Il s'agit sans doute, l'histoire le dira, du projet de cette législature le plus performant en la matière. (Applaudissements.)

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Bien évidemment, le parti démocrate-chrétien ne pourra pas entrer en matière sur cette demande d'amendement de l'UDC. Que l'UDC ne sache pas que la violence économique instaure une terreur et que l'argent peut être un moyen d'écraser son conjoint et de l'asservir ne m'étonne pas. Que l'UDC ne sache pas que la violence psychologique instaure une terreur à force d'intimidations et d'humiliations ne m'étonne pas non plus. A mon avis, bien souvent, eux-mêmes sont dans cette situation-là. Il est évident que nous ne pourrons pas soutenir cet amendement.

M. Gilbert Catelain (UDC). Comme l'a dit notre collègue Froidevaux, on assiste avec cette loi à un changement fondamental de paradigme au sein d'une société qui jusqu'à présent préservait la cellule familiale, dans laquelle l'Etat n'intervenait quasiment pas. On a ouvert une brèche avec la révision du code pénal. On en ouvre une deuxième, dans le bon sens, avec ce projet de loi.

Je rappelle simplement que le mieux est parfois l'ennemi du bien. Entre la définition que je viens d'entendre et l'exemple qui a été cité par l'Alliance de gauche, il y a un hiatus assez important. Cet exemple ne relevait pas de la terreur économique et de toute manière cette notion de violence économique n'est pas définie en droit.

Sur le fond, il y aura un gros problème d'«acceptance» et de compréhension puisque l'on touche à un domaine culturel et émotionnel. Beaucoup de personnes, dans certaines cultures, ne vont pas considérer que l'exemple donné par l'Alliance de gauche sort de la normalité. On prône une certaine tolérance, une certaine «acceptance», mais, par rapport à cet exemple, il y aura un problème de compréhension et vous allez crouler sous les recours.

Ce projet de loi pourrait aussi avoir l'effet inverse d'inciter les gens à demander... ( Chahut.) ...l'intervention d'un officier de police pour exercer une pression psychologique et obtenir un avantage économique dans le sens inverse, qu'il soit pécuniaire ou de logement. On peut tout imaginer. On sait très bien quelles sont les bagarres lors de procédures de divorce pour essayer d'éloigner l'un ou l'autre des conjoints.

Je dis simplement que, dans le domaine psychologique, on est dans un terrain mouvant, que peut-être que l'officier de police qui devra prendre la décision aura un soutien du département, mais il sera difficile pour lui de demander ce soutien à 4 ou 5h du matin. D'ailleurs, il est clairement dit dans le projet de loi que la formation laisse à désirer. ( Chahut.) On sera confronté à des difficultés.

Moi, je suis plutôt pour une pratique des petits pas. Soyons pragmatiques. Il faudra que les nouvelles dispositions soient acceptées par tous. Ne l'oublions pas, je crois que M. Froidevaux l'a justement dit: tout le monde aura du mal à accepter que l'Etat intervienne de manière aussi importante sur la base de la présomption d'une commission de violence.

Je pense qu'il faut commencer par la violence physique et sexuelle dont la définition est claire pour tout le monde et revenir plus tard sur la violence psychologique. Une jurisprudence se fera peut-être. Dans le domaine pénal, par exemple, la lésion corporelle inclut aussi bien les lésions psychologiques que les lésions physiques.

Je prends note que, dans cette enceinte, on ne voudra pas entrer en matière sur cet amendement. C'est dommage: on aurait pu à mon avis obtenir sur la base d'un dénominateur commun une unanimité qui aurait donné une force beaucoup plus importante à cette loi. Ce ne sera probablement pas le cas. Il y aura liberté de vote au sein du groupe UDC.

M. Christian Luscher (L), rapporteur. J'aimerais d'abord faire une clarification pour ceux qui s'étonnent, d'ailleurs à juste titre, que le texte qui vous est soumis ne correspond pas exactement au texte qui est issu de nos travaux de commission.

Cela résulte du fait que nous avons tous jugé important que cette loi puisse être votée au mois de septembre. Comme nous avons terminé nos travaux à la fin du mois de juin, nous avons voté le projet, mais nous avons encore présenté au mois de juin des remarques et nous avons donc demandé au département de procéder à un dernier toilettage de la loi, qui soit conforme aux dernières observations que nous avions formulées en commission.

J'ai pu vérifier de manière tout à fait objective que c'était bien le cas. Il y a un exemple à l'article 8, alinéa 9: on voit que l'officier de police informe par écrit l'intéressé de la possibilité qui lui est offerte de faire opposition. Le «par écrit» n'avait pas été voté dans le dernier amendement présenté par le département, mais, à l'occasion de la dernière séance du mois de juin, sauf erreur, M. Grobet, peut-être moi aussi, avait demandé que l'information soit faite par écrit. Le département a fidèlement repris l'ensemble des remarques que nous avions faites lors de cette séance. ( Chahut.) Visiblement, M. Brunier ne s'intéresse absolument pas à cette loi. (L'orateur est interpellé.)D'accord !

En ce qui concerne l'amendement de M. Catelain, j'aimerais dire deux choses. Premièrement, ce n'est pas parce qu'un amendement émane de l'UDC qu'il est forcément mauvais. Deuxièmement, cet amendement me semble en l'occurrence totalement hors de propos, pour diverses raisons.

D'abord parce que vous avez tout à l'heure, Monsieur Catelain, voulu limiter l'application de cette loi aux gens faisant ménage commun. Je pense qu'un conjoint ou une conjointe qui prend un coup de poing dans la figure le ressent aussi mal que son domicile soit séparé ou non de celui de la personne dont il ou elle le reçoit.

Je pense que vous avez tort de vouloir écarter les violences psychologiques; je vous rappelle que la plupart des violences psychologiques relèvent déjà du code pénal. Je pense aux menaces ou aux insultes. Il serait tout de même incroyable que notre loi genevoise ne prononce pas une mesure d'éloignement à l'encontre d'une personne qui commet une infraction pénale au sens du code pénal suisse. Voilà pour la violence psychologique.

Pour la violence économique, un certain nombre d'exemples pourraient être donnés mais je crois qu'il règne une telle unanimité dans ce parlement, Monsieur Catelain, je vous le dis en toute amitié, à l'encontre de votre amendement, que je ne vais pas prolonger sur ce point puisque je m'exprimerai encore tout à l'heure sur un autre amendement. Je vous propose donc de rejeter l'amendement de M. Catelain.

La présidente. Nous allons donc voter sur cet amendement, que vous avez sur vos tables.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 63 non contre 5 oui.

Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que les articles 3 à 5.

La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 6, alinéa 1.

Mme Jocelyne Haller (AdG). Je crois qu'il faut être clair: en aucun cas l'amendement qui est proposé n'a pour ambition de remettre quoi que ce soit en question dans le contenu de cette loi. Parce que, comme cela a été dit jusqu'à maintenant, nous en apprécions non seulement le contenu, mais aussi l'esprit qui a présidé à son élaboration et, plus encore, l'unanimité dont il a fait l'objet au sein de la commission. Simplement, s'agissant du délégué aux violences domestiques, il nous semblait qu'en l'occurrence l'application du langage épicène n'était pas un luxe et il n'y a aucune chausse-trappe là-dessous, Monsieur Luscher. Je suis juste un peu étonnée du remous que provoque cet amendement alors qu'un autre amendement, qui visait à en réduire considérablement la portée, n'a pas provoqué votre ire. ( Chahut.) (L'oratrice est interpellée.)Votre ire ! (Mme Haller insiste sur ce mot.)Un peu de vocabulaire, Monsieur Luscher !

Je propose simplement la modification que vous avez reçue, en vous priant de m'excuser d'avoir inversé le 6 et le 9. Je propose non pas le remplacement de «un délégué» par «une déléguée», Monsieur Luscher, mais de faire figurer dans le texte que ce soit un ou une délégué(e) et d'uniformiser le texte de la loi.

La présidente. Je vous rappelle que, dans le règlement du Grand Conseil, il est inscrit en préambule que toute désignation de personne, de statut ou de fonction vise indifféremment homme ou femme.

M. Pascal Pétroz (PDC). Je partage la position des rapporteurs de majorité selon laquelle les amendements sont particulièrement malvenus puisque les députés de la commission judiciaire ont fait un gros effort pour se mettre d'accord, pour être raisonnables et oeuvrer pour le bien commun. Par les temps qui courent, où les combats politiques de bonne ou de mauvaise foi sont la règle, cela fait plaisir d'arriver à un consensus.

Ce consensus était d'autant plus important que le domaine était sensible. Nous avons voulu éviter que le débat ne tourne autour du sexe des conjoints, pour rester loin du cliché selon lequel le sexe masculin serait le mauvais. Nous sommes partis du principe qu'indépendamment de toute considération de sexe il y avait des victimes, des personnes qui souffraient, que ces personnes - et je dis bien ces personnes - devaient être protégées et que l'auteur de violence devait donc être éloigné. Je me réjouis que nous soyons parvenus à éviter cet écueil.

Les amendements annoncés sont extrêmement dangereux, car ils rompent le consensus, ce qui risque de nous mener à des discussions peu constructives, raison pour laquelle je vous propose de rejeter l'amendement dit épicène qui vient de vous être proposé par Mme Haller.

Si, par impossible, cet amendement devait rencontrer un certain écho, nous proposerons, certains collègues et moi-même, un amendement à la loi portant règlement du Grand Conseil... (L'orateur est interpellé.) Une petite précision: si l'amendement épicène est rejeté, il n'y aura pas d'amendement de notre part. Mais si, par impossible, cet amendement épicène devait être adopté, nous proposerons à l'article 13 du projet de loi un amendement tendant à la modification de la loi portant règlement du Grand Conseil qui, vous l'avez rappelé, Madame la présidente, dit actuellement «toute désignation de personne, de statut ou de fonction dans la présente loi vise indifféremment l'homme ou la femme». Nous proposerons dans l'amendement de remplacer dans la loi portant règlement du Grand Conseil l'expression «dans la présente loi» par «dans la législation genevoise» et d'intervertir «l'homme» et «la femme», pour placer «la femme» d'abord, ce qui n'est que justice.

M. Christian Luscher (L), rapporteur. J'aimerais faire trois brèves remarques: le première pour dire que chaque fois que M. Pétroz intervient, il n'arrive pas à faire autre chose que parler de sexe ! Mais c'est une remarque anecdotique. (Chahut.)

La deuxième remarque est que le langage épicène s'applique évidemment à toutes les lois et que l'on ne peut pas entrer dans le jeu qui consiste à vouloir modifier chaque alinéa, chaque entête ou chaque note marginale d'une loi.

La troisième remarque est que, Mesdames, il fallait aller beaucoup plus loin: à l'article 8, alinéa 1, on parle d'un «officier de police». Il faudrait dire une «officière de police». On parle d'un «auteur présumé» pourquoi pas une «autrice présumée». Si l'on rentrait dans ce jeu, on devrait toiletter toutes les lois.

Je vous en conjure, retirez votre amendement. Nous ferons en sorte qu'il soit rejeté aussi sèchement que l'amendement de l'UDC.

Une voix. Bravo! (Applaudissements.)

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Je demande à mon tour le retrait de l'amendement. Je trouve que ce combat n'a strictement aucun sens. Il a été rappelé tout à l'heure quels étaient les principes de rédaction des lois. On peut en discuter. Il m'arrive au Conseil d'Etat de faire remarquer que certains textes sont désagréables à lire du point de vue des genres, parce qu'ils sont isolés.

Nous avons adopté une fois pour toutes une systématique. Cette systématique a ses avantages et ses inconvénients. Le jour où l'on décidera de récrire toutes les lois, ce sera une autre affaire. Mais je trouve - je vais vous le dire - regrettable que justement, à cause de cette loi, on fasse un dernier forcing pour cela. Cela signifie quelque chose qui n'a finalement pas de sens.

Vous avez réussi, à part un amendement que je ne vais pas trop qualifier, à vous mettre d'accord sur la qualité d'une loi, sur ce que vous voulez que l'on en fasse, sur sa portée. C'est probablement une des lois les plus importantes pour la protection de toutes celles et ceux qui sont victimes de violences. Vous n'allez quand même pas céder à la dernière minute à la tentation d'un débat stupide. Soyez raisonnables: ce ne serait pas une victoire que d'obtenir cette modification, ce serait simplement diviser ce parlement tout en ne donnant à la loi aucune autre systématique que celle rappelée par M. Luscher. Effectivement, l'article 8 est rempli d'autres éléments de nature non épicène. Vous en trouverez dans beaucoup de lois auxquelles vous êtes attachés.

Le mieux est de retirer cet amendement. Cela fera preuve de maturité, ce ne sera une honte pour personne. Soyez assurés que chacun derrière ces mots comprendra qu'un délégué peut être une femme et qu'un policier peut être une policière.

Une voix. Retirez ce machin !

Mme Jocelyne Haller (AdG). Excusez-moi, mais il ne s'agissait pas d'un mauvais combat, il s'agissait simplement de l'intention d'apprécier le travail qui a été fait et d'y ajouter une touche supplémentaire. ( Chahut.) En aucun cas... (L'oratrice est interpellée.)...Attendez, laissez-moi terminer, Monsieur Luscher, s'il vous plaît, je vous ai écouté avec suffisamment de patience. Il s'agissait d'ajouter une touche supplémentaire qui permette, effectivement, s'agissant du délégué, d'admettre qu'il pouvait s'agir d'un ou d'une déléguéE.

Une voix. Mais oui !

Mme Jocelyne Haller. En l'occurrence, excusez-moi, je ne vois pas au nom de quoi le fait de se prononcer... (L'oratrice est interpellée.)Attendez, c'est peut-être ridicule, mais ce qui le devient, excusez-moi, c'est de mettre en question tout le travail qui a été fait simplement sur cette question-là. Si vous n'êtes pas d'accord, refusez cet amendement, c'est aussi simple que cela. Mais je ne vois pas au nom de quoi cet ajout devrait mettre en question la qualité du travail qui a été fait jusqu'à maintenant. ( Chahut.)

A aucun moment - s'il vous plaît, Messieurs - à aucun moment, nous n'avons eu en proposant cet amendement l'intention de remettre en question ni la qualité des travaux de la commission ni le contenu de cette loi. Si vous ne voulez pas de cet amendement, refusez-le, c'est tout !

Une voix. Il faut le retirer!

La présidente. Je passe la parole à Mme von Arx-Vernon. Puis nous voterons, parce que nous pourrions débattre toute la nuit sur ce sujet.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Lorsque j'ai voté cet amendement, ce n'était justement pas pour faire un débat politique, puisqu'il était signé par des représentantes et des représentants de tous les partis. L'intention était à mes yeux d'ajouter juste une virgule et une lettre qui auraient pu manquer.

Si j'avais pu penser un seul instant que cela pourrait dénaturer non pas les travaux de la commission, non pas la qualité de la loi, non pas le travail important qui a été fourni, mais laisser s'effilocher la qualité du débat, je ne l'aurais pas signé. Parce que l'effet qui est produit maintenant... ( Chahut.) ...c'est que cela effiloche la qualité du débat.

Nous étions dans une unanimité, et, je vous en prie, nous devons la conserver. Nous faisons maintenant de la cuisine. Le dictionnaire épicène, je l'ai voté avec vous, donc je suis à l'aise pour le dire. Ce dictionnaire est garanti, et, pour moi, il ne s'agit pas de faire des effets de manche autour de cela, je vous en prie, gardons notre unanimité, nous pouvons être assez fiers de l'avoir eue en commission.

Mme Salika Wenger (AdG), rapporteuse. Juste deux mots pour dire qu'il y avait dans cette commission des femmes que l'on peut considérer comme des femmes qui s'engagent pour les femmes. Présenter cet amendement-là, c'est imaginer que les femmes qui étaient présentes lors des travaux n'auraient pas été capables de l'envisager. Je trouve cela un peu surréaliste et extrêmement insultant pour les commissaires... ( Chahut.) ...qui ont participé aux travaux. C'est pourquoi je voterai non.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

La présidente. Nous allons maintenant voter sur cet article 6, alinéa 1, que vous avez tous en main. Je ne vais pas vous le relire.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 44 non contre 25 oui et 6 abstentions.

Mis aux voix, l'article 6 est adopté, de même que les articles 7 à 11.

Mis aux voix, l'article 12 (souligné) est adopté, de même que l'article 13 (souligné).

Troisième débat

La loi 9452 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9452 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 74 oui et 4 abstentions.

Loi 9452

M 1648
Proposition de motion de Mme et MM. Hugues Hiltpold, Jean-Marc Odier, Pierre Kunz, Thomas Büchi, Louis Serex, Jacques Jeannerat, Jacques Follonier, Marie-Françoise De Tassigny, Pierre Froidevaux, Ernest Greiner, Gabriel Barrillier, Michel Ducret demandant au Conseil d'Etat de présenter son projet de budget 2006 dans les délais prévus par la loi

Débat

M. Hugues Hiltpold (R). Les radicaux ont constaté que le projet de budget 2006 n'a pas été déposé dans les délais légaux fixés par la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat qui prévoit que le projet de budget doit être déposé avant le 15 septembre. Fort de ce constat, on peut déduire que le Conseil d'Etat n'est pas en mesure de proposer...

La présidente. Monsieur le député, je vous propose d'attendre deux minutes, on ne vous entend pas du tout car tout le monde parle.

M. Hugues Hiltpold. Mesdames et Messieurs les députés, je disais simplement dans le brouhaha général qui caractérise souvent cette enceinte, que, fort de ce constat, on peut relever que le Conseil d'Etat n'est pas en mesure de présenter un projet de budget dans les délais. Ce qui est un fait assez grave, car nous relevons également que le Conseil d'Etat a la volonté de le déposer un mois plus tard, donc au mois d'octobre, après les élections. La conséquence est simple: le travail parlementaire ne pourra pas être effectué normalement. La commission des finances ne pourra pas travailler sur le projet de budget et le risque, c'est que le Grand Conseil ne soit pas en mesure de voter un projet de budget en décembre prochain pour que l'Etat puisse fonctionner correctement en 2006.

Le risque, si nous ne pouvons pas voter le projet de budget en décembre 2005, est que nous fonctionnions avec des douzièmes provisoires. Nous en connaissons les conséquences, car nous avons déjà fonctionné selon ce mode. Personne ne veut de ces douzièmes provisoires, en tout cas pas les radicaux. C'est la raison pour laquelle ils veulent un budget, ils veulent que le débat sur la question budgétaire soit...

Une voix. On n'entend rien !

La présidente. Monsieur le député, il faut que vous vous approchiez du micro.

M. Hugues Hiltpold. Je disais simplement que nous voulons que le projet de budget soit déposé rapidement pour que nous ayons un débat sur la question budgétaire dans ce parlement. Je voudrais rappeler que les parlements - historiquement - ont été créés dans le simple but de doter les Etats d'un budget, pour qu'ils puissent fonctionner correctement. C'est le message que je voulais adresser ce soir au Conseil d'Etat: transmettez-nous rapidement votre projet de budget pour que le parlement puisse le voter sans tarder et que l'Etat ait un budget dès 2006.

M. Christian Bavarel (Ve). Les Verts constatent aujourd'hui que les radicaux ont enfin une bonne idée. Nous sommes d'accord avec eux... (Exclamations. La présidente agite la cloche.)Cela me fait plaisir. La surprise est telle que nous entendons quelques exclamations et des cris un peu surprenants dans cette enceinte...

Il s'agit simplement d'essayer de respecter la loi et d'avoir un budget dans les temps, afin que ce Grand Conseil puisse le traiter. Si ce budget arrive trop tard, on ne pourra pas le voter en décembre et on repartira dans le système des douzièmes provisoires, ce qui n'est pas souhaitable pour cette république. Les Verts soutiendront le projet de motion des radicaux.

M. Patrick Schmied (PDC). Cette motion gesticulatoire a certainement fait un grand bien à ceux qui l'ont écrite. Ils se sont fait plaisir. Et cette motion justifie a posteriori la décision du Conseil d'Etat, car elle prouve précisément que l'on ne peut pas discuter sérieusement d'un budget en pleine période électorale. C'est clair comme de l'eau de roche ! Absolument.

Mieux vaut un budget discuté en toute sérénité un mois plus tard que des gesticulations qui ne servent absolument à rien. À ceux qui n'ont pas de représentants au Conseil d'Etat, cette motion a effectivement fait beaucoup de bien. Quant à ceux qui ont des représentants au Conseil d'Etat et qui - une fois de plus - les renient, je leur conseille tout simplement de retirer leurs candidats au Conseil d'Etat.

M. Renaud Gautier (L). Lorsque le vice se pare des habits de la vertu, ou lorsque l'on assiste au mariage de la carpe et du lapin... (Applaudissements.)On peut en effet - car il ne faut pas trop s'éloigner de cette ménagerie que nous gouvernons avec tant de difficultés - se faire du souci. Je rappelle ce que mes amis radicaux, tout à coup un peu loin de certains bancs en face d'eux, savent très bien: à l'alinéa 1 de l'article 66 de la loi portant règlement du Grand Conseil, il est écrit: «Chaque année, le projet de budget pour l'année suivante est déposé au mois d'octobre, au plus tard.» Nous ne sommes pas encore au mois d'octobre, en ce qui nous concerne, et encore plus loin de la fin du mois d'octobre.

Donc, ces gesticulations, comme le disait mon préopinant, ne traduisent pas un souci du bien de la République, mais consistent plutôt - entre la carpe et le lapin - à s'inquiéter, à hululer, repris en coeur par ceux qui, assis dans ma diagonale, viendront dire qu'une fois de plus on fait des cadeaux aux plus riches et que c'est le démantèlement social.

Il ne m'apparaît donc pas forcément nécessaire d'entamer ce genre de litanie, je pense plutôt qu'il faudrait laisser au Conseil d'Etat le temps nécessaire - du moins jusqu'à ce que l'horloge sonne - pour qu'il arrive à nous présenter un budget qui corresponde à ce que nous attendons, plutôt que de le forcer à rendre un budget qui ne sera pas accepté dans cette assemblée. Raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, si les radicaux n'ont pas envie de retirer cette motion. Nous allons lui donner le traitement qu'elle mérite, à savoir celui du papier récupéré.

La présidente. Je passe la parole à M. Droin, et puis le Bureau vous propose de clore la liste. Sont encore inscrits MM. Catelain, Iselin, Mouhanna, Kunz, Pétroz, Bavarel et Mme la conseillère d'Etat Brunschwig Graf.

M. Antoine Droin (S). Je m'adresse aussi au parti radical. Pour une fois dans cette législature, le parti socialiste sera d'accord avec vous. (Exclamations.)J'aimerais m'adresser également au Conseil d'Etat pour lui signifier que le fait de ne pas présenter le budget 2006 avant le délai du 15 septembre est un acte irresponsable. Je m'adresse aux partis libéral et démocrate-chrétien qui ont refusé l'entrée en matière et qui refuseront probablement la discussion immédiate tout à l'heure, pour relever cette même irresponsabilité.

J'aimerais rappeler que le budget est un acte législatif primordial. C'est peut-être même le plus important, car il permet au législatif de déterminer ses priorités, ses choix politiques, son choix de société. Pour ce faire, il est indispensable que la majorité du Conseil d'Etat dépose ce budget. Sans cela, naturellement, il ne peut être étudié.

Pourquoi la majorité du Conseil d'Etat ne dépose-t-elle pas le budget, alors qu'il s'agit d'un acte fondamental ? Cet état de fait laisse la porte ouverte aux spéculations. Est-ce une incapacité à fonctionner collégialement de la part du Conseil d'Etat ? Est-ce un budget si mauvais pour la droite super économe ? Est-ce un budget antisocial pour la gauche ? Est-ce le reflet de la réalité, c'est-à-dire d'une incapacité flagrante à respecter un plan quadriennal irréaliste et inapplicable ? Est-ce l'incapacité du gouvernement législatif et exécutif à réduire la fracture sociale qui se concrétise notamment au travers de l'Hospice général, du chômage, des actions sociales, etc. ?

En tout état de cause, le non respect des lois votées par notre parlement devient inacceptable. Cela aboutit à un fonctionnement anarchique, à un Etat de droit sans droit. Il est donc primordial que notre parlement soit saisi du budget 2006 et que le débat démocratique puisse avoir lieu conformément à notre législation, dans le respect que notre Etat doit aux citoyens genevois. Notre groupe votera donc favorablement à cette motion.

M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC comprend les préoccupations du groupe radical. Il relève que deux lois gèrent la présentation du budget. Notre règlement du Grand Conseil, à l'article 66, prévoit un délai au mois d'octobre au plus tard pour la présentation au Grand Conseil. La loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat prévoit quant à elle trois délais: un premier délai pour les départements, qui doivent présenter leur prochain exercice au département des finances au plus tard le 31 mars; un délai au 30 juin pour le département des finances, pour présenter un avant-projet; et un délai au 15 septembre pour la transmission du projet de budget au Grand Conseil.

On peut donc blâmer le Conseil d'Etat. J'ai eu l'occasion de dire que si les raisons sont techniques, on peut le comprendre. Mais s'il s'agit de raisons politiques, c'est gênant. J'ai cru comprendre que, dans les années précédentes, ce projet de budget n'a jamais été présenté dans le délai du 15 septembre; notamment quand Mme Calmy-Rey, socialiste, était à la tête de ce département, et il est venu à l'esprit du parti socialiste de soutenir une motion qu'ils n'auraient pas soutenue en d'autres temps.

En ce qui nous concerne, ce n'est pas le motif principal qui nous pousse à rejeter la motion. Mais simplement, cette motion est un coup d'épée dans l'eau. Le Conseil d'Etat a tout loisir d'y répondre dans un délai relativement long et il eût été - de mon point de vue - beaucoup plus efficace de rédiger une interpellation urgente, avec une seule question, pour déterminer quel est le déficit budgétaire pour l'année 2006. On aurait au moins eu un chiffre sur lequel on aurait pu discuter, sachant que, de toute manière, ce projet de budget sera discuté par la prochaine assemblée élue le 9 octobre prochain. Pour ces motifs, le groupe UDC ne soutiendra pas cette motion, bien qu'il partage les préoccupations de ses auteurs.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Nous sommes d'accord avec les radicaux sur la motion, mais nous serons dans des camps fortement opposés quand il s'agira d'examiner le contenu du projet de budget. Nous n'avons pas trouvé d'autres explications au retard du Conseil d'Etat que celles que nous suggère l'expérience. C'est-à-dire que le Conseil d'Etat nous a habitués, depuis quelque temps, avec vos encouragements, à introduire dans le budget un certain nombre de mesures antisociales que nous connaissons. Vous avez vu le projet de budget 2005 avec toutes les mesures qui l'accompagnaient, et comment le peuple en a rejeté quelques-unes.

Nous pensons - et nous aurions aimé que le Conseil d'Etat nous donne des éléments qui nous permettent de ne pas le penser - qu'il doit y avoir là-dedans un certain nombre de mesures très décevantes pour de grandes catégories de la population. Des mesures antisociales, bien sûr. Et on ne voudrait pas que les gens l'apprennent avant les élections. C'est une volonté qui n'est pas très démocratique, c'est une dissimulation qui va à l'encontre de l'exigence de transparence.

On a parlé des lois, et, malheureusement, elles sont manifestement contradictoires. La LGAF, qui est la plus récente, devrait s'appliquer, et elle parle du 15 septembre. On aurait dû mettre dans la LGAF que cette clause ait pour conséquence l'abrogation des autres articles traitant des dates de dépôt des projets de budget.

Je voudrais dire à M. Schmied que l'argument qu'il a avancé - qu'il vaudrait mieux que le projet de budget soit rendu après les élections, pour la sérénité - confirme les soupçons que nous avons par rapport aux motifs du Conseil d'Etat. Mais il fallait aller plus loin dans votre logique. Pourquoi ne pas proposer d'attendre après les élections du Conseil d'Etat ? Pourquoi pas après le vote de la loi que vous avez adoptée tout à l'heure sur le frein à l'endettement ? Et pourquoi pas après les élections fédérales ? Vous êtes vraiment en train de jouer avec les arguments et les lois. Vous êtes à géométrie variable. Et cela a été résumé tout à l'heure par ce que j'ai dit. Parmi tous les habitants du parc zoologique, vous êtes les caméléons.

M. Pierre Kunz (R). Ne trouvez-vous pas, Mesdames et Messieurs, qu'il est touchant de voir un député libéral et un député PDC se lever pour défendre publiquement un Conseil d'Etat qu'ils dénigrent si bien en privé ? Ces deux autruches ont perdu une bonne occasion de se taire, et je vais vous dire pourquoi.

Le Conseil d'Etat a décidé de reporter à la mi-octobre la présentation aux Genevois du budget 2006, se mettant ainsi en contradiction avec la loi. En voilà une nouveauté ! C'est bien la première fois que le Conseil d'Etat décide lui-même de mettre le canton au régime des douzièmes provisoires - car c'est une des conséquences qui nous attend, c'est sûr. Si nous, en tant que parlement, nous acceptons cette manière de fonctionner et nous reconnaissons qu'elle peut être utile - notamment pour rejeter un budget qui ne nous convient pas - avouons que c'est un dramatique constat d'échec pour le gouvernement.

La gauche reproche souvent à la majorité sa mauvaise gestion de l'Etat. Sur le fond, il faut bien lui donner raison. Depuis trente ans, en effet, au Grand Conseil et au Conseil d'Etat, nous nous sommes révélés incapables de résister à la vague démagogique que cette gauche a enclenchée et qu'elle entretient depuis. Mais là, franchement, en renonçant à présenter selon les exigences légales le budget 2006, le Conseil d'Etat donne un signal négatif d'une ampleur encore jamais vue à Genève. Pour la première fois probablement depuis la naissance de la Genève moderne, le gouvernement reconnaît publiquement son incapacité à gouverner ce canton. En quatre ans, il a été incapable de développer une politique, une stratégie économique, sociale et financière. Et il admet par la même occasion, mais cela n'a pas l'air de choquer nos deux collègues, que son plan financier quadriennal - dont il faisait si grand cas voici quelques mois - n'est rien d'autre qu'un ensemble de voeux pieux, comme nous le relevions lors de son annonce. Des voeux pieux sans définition d'une politique à mettre en oeuvre ni des moyens à engager pour atteindre les objectifs. Autrement, il aurait un budget !

Nos conseillers d'Etat ont certes une excuse. C'est l'institution qui est devenue inefficace dans son essence constitutionnelle, anachronique, paralysante. D'accord. Mais cette excuse l'accable en même temps. Car, si le Conseil d'Etat se sentait véritablement paralysé, cela se saurait depuis quelque temps. Et en quatre ans, il aurait dû se donner la peine de reconnaître cet état de fait et entreprendre de réformer l'institution. Si on gouverne, on gouverne aussi pour cela. Mais il ne l'a pas fait, préférant expédier les affaires courantes.

En conclusion, nous réclamons du Conseil d'Etat qu'il dépose sans délai le budget dont Genève a besoin. Comme l'a dit mon collègue Hugues Hiltpold, nous vous invitons très rapidement à traiter le projet de loi que nous avons déposé récemment et qui est en commission. Il vise la réforme du Conseil d'Etat, de la manière dont il est élu et de la manière dont il fonctionne. Car si nous ne le faisons pas nous-mêmes, il est évident que personne ne le fera, en tout cas pas le Conseil d'Etat.

M. Pascal Pétroz (PDC). Que voilà un étrange débat ! Il faut rendre hommage au parti radical, car c'est lui qui a créé la Genève moderne. Il a eu des personnalités d'exception, il y a très longtemps, et il serait peut-être bon que ce parti sache parfois se pencher sur son histoire, pour savoir d'où il vient et se rappeler sa grandeur intellectuelle. Actuellement, il est plutôt en train de tomber dans le caniveau de la politique politicienne. Et je précise que le «castorama» d'hier était de M. Mouhanna et pas de moi. Bref, cela est également assez «castoramesque».

Plus sérieusement, Mesdames et Messieurs les députés, je sais bien que nous sommes en période électorale, je sais bien que tous les partis essaient d'abattre leurs cartes pour gagner des voix, pour séduire, surtout quand ils n'ont plus de conseiller d'Etat. Alors, évidemment, il faut gesticuler, il faut vociférer, il faut essayer de se montrer, et on ne le fait pas toujours à bon escient. Mais, chers amis radicaux - vous savez que, fondamentalement, vous êtes mes amis - permettez-moi de vous dire que nous sommes ici pour régler notre ordre du jour. Il comportait en début de session 176 points et vous avez fait inscrire et voter en urgence un acte qui n'aura de toute façon aucune valeur contraignante pour le gouvernement. Il peut en faire ce qu'il veut, le mettre à la poubelle, l'utiliser ou pas. Vous nous faites perdre du temps alors que l'on a 176 points à régler. Cela devrait clore les débats. Votons là-dessus et réglons les vrais problèmes des Genevoises et des Genevois. (Brouhaha.)

M. Christian Bavarel (Ve). Je vais attendre qu'il y ait un peu plus de silence dans cette salle... Les Verts sont attachés au fait que le budget soit déposé pour une raison très simple, c'est que dans notre débat électoral, les finances de cette république intéressent la population et font clairement partie du débat électoral et de ce qui va se passer autour de ces élections.

Y aura-t-il un déficit, de quelle ampleur sera-t-il, comment sera-t-il, vers où allons-nous ? Voilà les sujets dont nous devrions débattre aujourd'hui. Vous savez que les Verts ont toujours dit que le rythme du retour à l'équilibre était trop rapide. Les Verts veulent un retour à l'équilibre, ils sont préoccupés par l'état des finances publiques, et les difficultés du gouvernement à atteindre les objectifs qu'il s'est lui-même fixés prouvent qu'ils ont raison.

Mais nous souhaitons avoir des chiffres, pour savoir où nous allons. L'état des finances publiques fait réellement partie des soucis de notre population, des soucis principaux de notre canton. C'est pour cela que nous souhaitons avoir de la part du gouvernement des informations beaucoup plus précises, de manière que ce débat - le débat essentiel autour de ces élections - puisse avoir lieu.

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Si je choisissais la voie de la facilité, je répondrais que le Conseil d'Etat accepte cette motion et s'engage à répondre dans les délais prévus pour toute motion, à savoir dans les six mois. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai quelques petits problèmes avec cette discussion. (Brouhaha.)Est-ce que je peux demander aux députés qui tiennent des conversations... (Un instant.)Merci. Vous êtes si intéressés par les déclarations à propos du budget, que j'ai pensé qu'un peu de silence permettrait de les mieux entendre.

Si le Conseil d'Etat présente un budget au mois d'octobre, il s'engage aussi - je l'ai communiqué à la presse et vous le communique aussi - à donner des informations intermédiaires. Il n'est nullement question - il n'a jamais été question - d'attendre le 11 octobre pour donner la moindre information sur le budget. Ce que j'ai eu l'occasion de dire - je vous l'aurais rappelé si j'avais eu le temps d'attendre lundi et le dispositif prévu - c'est que, pour toutes sortes de raisons, le calendrier a commencé à «déraper» au mois de juin. On prend un certain temps pour arriver au bout de l'élaboration du budget. Il est donc dans la nature des choses d'accorder des délais. Je trouve que certains partis sont particulièrement malvenus à faire certaines interventions sur ce sujet, car, lorsque l'on prend du retard, c'est en général parce qu'il faut mener des travaux complémentaires. Ces travaux ne sont pas nécessairement de nature gouvernementale, mais peuvent être de nature départementale.

Deuxièmement, il est très malvenu de la part de ce parlement de reprocher au Conseil d'Etat de prendre du temps pour élaborer un budget demandant de la réflexion et du travail. Bien sûr, on peut déposer un budget au mois de juin, juillet, août ou début septembre. Mais je note au passage que les délais n'ont pas nécessairement été respectés par ceux qui ont été à cette place avant moi. Si l'on s'en tient à la LGAF, il est malhonnête de prétendre que depuis que la Genève moderne existe, c'est la première fois que l'on ne dépose pas un budget au 15 septembre.

Troisièmement, vous avez vous-mêmes modifié le règlement du Grand Conseil qui vous empêche d'avoir un débat budgétaire préliminaire. Car supprimer le débat de préconsultation implique que le budget retourne en commission. (Exclamations.)Quel que soit le délai respecté... Je parle au parlement, je ne parle pas à quelqu'un en particulier, et comme vous avez fait des alliances objectives autour de ce sujet, je pense que vous pouvez vous sentir concernés par l'ensemble de ce que je dis.

Aujourd'hui, je peux déposer ce budget, et vous n'aurez de toute façon pas de débat dans ce parlement avant que la commission des finances ne l'ait traité. C'est la règle, elle implique que vous ayez à vous en saisir, à faire un rapport et à revenir dans une session de ce Grand Conseil. Mais on peut toujours être coupable, Mesdames et Messieurs les députés, et on peut toujours se poser des questions.

Je me suis donc intéressée à savoir comment on avait procédé avant, en année électorale. En sachant que le prochain Grand Conseil prend ses quartiers les 2 et 3 novembre, que la commission des finances va siéger seulement trois fois au mois d'octobre, et qu'en plus il y a les vacances scolaires, je me suis demandé, coupable comme je suis, qu'avaient fait de mieux les autres responsables des finances avant moi, il y a quatre ans ? Très intéressant.

Le budget a été présenté et le débat de préconsultation a eu lieu le 20 septembre. Et que s'est-il passé ensuite ? C'est passionnant, Mesdames et Messieurs les députés. Avant les élections, là, vous articulez quelque chose...

Vous vous en fichez complètement du budget, ce qui vous intéresse c'est de vous en saisir, Monsieur Pagani, pour pouvoir en faire un objet, un argument, comme vous l'avez fait tout à l'heure avec le projet de loi sur la banque cantonale qui n'avait rien à faire avec le sujet de la conversation. Ce ne sont pas les finances de l'Etat qui vous préoccupent, c'est de savoir comment vous allez ronger l'os que l'on vous fournit. (Applaudissements.)Et je vous dis que l'on va vous donner les informations et que ce n'est pas un os. C'est ridicule.

Mais, chers amis radicaux à qui je m'adresse avec douceur, j'en reviens à mon histoire. J'ai lu le Mémorial et je vais vous citer - je suis navrée. Nous étions en décembre, le budget avait été déposé dans les délais, ou presque. Le parlement s'en était saisi le 20 septembre et avait fait quelques belles envolées avant les élections. La gauche avait démontré combien elle avait bien géré les finances, combien ce budget 2002 allait permettre 500 millions d'économies sur la dette - réduction de la dette et tout le descriptif qui allait avec. La droite avait exprimé son souci par rapport à l'accélération des dépenses. Et entre deux, les élections.

La commission des finances avait fait un tour d'horizon avant les élections. La commission suivante s'était donc saisie du budget et, de travail en travail, était arrivée à ce fameux mois de décembre. M. Hausser, qui n'est plus dans nos rangs, était rapporteur. Comment ? Les délais étaient respectés mais il y avait tout de même un rapport oral, donc pas de rapport écrit pour le budget de l'Etat. Pourquoi ? Parce que le Grand Conseil, ayant constaté qu'il y avait un nouveau parlement qui devait quand même étudier le budget et que la commission des finances n'acceptait simplement pas de s'en remettre à ses anciens collègues, a recommencé le travail.

Une fois le travail effectué, il a bien fallu en débattre. Et voilà que tous les groupes se sont exprimés, y compris le groupe radical. Or, qu'a demandé le groupe radical à cette occasion ? Le groupe radical a dit non à la précipitation, il a suggéré de refuser ce budget... (Applaudissements.)...de voter des douzièmes et de remettre le débat du budget en janvier. Pourquoi l'a-t-il fait ? Pour deux raisons. Il a d'abord pris le risque de proposer les douzièmes et il ne les a pas trouvés inappropriés. Il a simplement constaté que le débat se faisait toujours avec la commission des finances nouvellement élue. Mesdames et Messieurs les députés, on perd parfois du temps à effectuer les travaux en commission. Cela a été le cas cette fois, parce que des passes d'armes ont eu lieu et les travaux n'ont pas avancé et qu'en définitive les radicaux n'étaient pas satisfaits. D'autres l'ont d'ailleurs exprimé au moment du vote du budget.

Je vous dis très simplement les choses et je vous répète quel est le dispositif prévu: le Conseil d'Etat donnera une information intermédiaire. Pourquoi est-ce choquant ? De nombreux cantons le font et annoncent à un moment donné l'état des travaux. Il n'y aura donc pas de frustration par rapport à la connaissance des faits. Cela a été décidé depuis belle lurette. Le Conseil d'Etat ne présentera le budget que lorsqu'il sera terminé, et même si c'est après les élections du Grand Conseil, il ne frustrera ni les députés actuels qui recevront une information intermédiaire, ni les députés futurs qui seront saisis du budget une fois qu'ils auront été élus et nommés. Et je le rappelle, cela n'aura pas lieu avant les 2 et 3 novembre.

Ce n'est pas moi qui établis le calendrier du Grand Conseil, ni celui des élections, ni celui de la prestation de serment. Mais la réalité m'oblige à dire que, par respect pour le parlement nouvellement élu, je n'imagine même pas que le débat ne recommence pas à la commission des finances avec le nouveau parlement. Vous pouvez faire tous les moulinets que vous voulez ! Je n'ai pas eu le temps de remonter dans les Mémoriaux de chaque législature, mais je peux dire que cela n'a rien de scandaleux ni de choquant.

La Genève moderne à laquelle vous vous référez a adopté le règlement du Grand Conseil que vous n'avez jamais éprouvé le besoin de changer - jamais - et c'est votre règlement qui accepte depuis des décennies que le budget puisse être présenté en octobre au plus tard. La loi sur la gestion administrative et financière nous donne un autre délai et je reconnais que nous ne le respectons pas, mais comme dans bien d'autres cas que vous n'avez pas eu l'occasion de souligner, ni à gauche ni à droite, cela signifie simplement que le Conseil d'Etat n'a pas l'intention de vous tromper. Il n'a pas l'intention de cacher la vérité. Plus le budget est difficile, plus il prend du temps à être discuté.

Pour ma part, je vous le dis franchement, je m'en vais et je pourrais penser ceci: «Déposons ce budget, ce n'est pas moi qui aurai à le défendre au mois de décembre. C'est une autre affaire et les autres assumeront leurs responsabilités, et arrêtons là ces discussions.» Je passerais quelques semaines bien plus tranquilles que celles que je passe actuellement, mais je pense qu'il n'est pas digne d'un gouvernement de ne pas se donner le temps ni les moyens de travailler jusqu'au bout. Et c'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, j'estime que vous n'avez pas à être frustrés, si vous recevez l'information nécessaire. Quant à débattre dans ce parlement, quel que soit le dispositif, vous ne débattrez qu'au mois de décembre. C'est tout à fait clair, quel que soit le moment du dépôt du budget. A partir de là, si vous votez cette motion, le Conseil d'Etat respectera le délai pour les motions et vous répondra dans les six mois, et probablement même avant.

M. Rémy Pagani (AdG). Pour une fois, nous sommes à l'aise dans ce débat, car la minorité se retrouve «majoritaire» en mettant le doigt sur une irresponsabilité du Conseil d'Etat. Madame Brunschwig Graf, je vous ai bien entendue. La loi est de donner mandat - et c'est la principale action du gouvernement - au Conseil d'Etat de préparer le budget de la République en des temps voulus. La loi est précise: fin septembre, voire octobre. Mais le Conseil d'Etat doit prendre ses responsabilités et cette responsabilité-là est essentielle. Je rejoins en cela M. Kunz qui, pour une fois, a tout à fait raison. Nous sommes d'accord l'un avec l'autre et il faut le souligner. (Exclamations. Rires.)C'est la troisième fois de la législature ! En quatre ans, c'est donc quand même possible.

C'est donc un acte de responsabilité, mais que constatons-nous aujourd'hui ? Ces deux dernières années, le gouvernement a été maltraité par sa propre majorité lors du dépôt du budget. Il y a deux ans, le premier budget a été renvoyé à l'expéditeur. Nous, Alliance de gauche, nous l'avons repris - regardez comme nous sommes aimables - et nous l'avons redéposé pour qu'il soit renvoyé directement en commission. Vous pourriez nous en remercier! Enfin bref, c'était entre parenthèses.

La deuxième année - c'est-à-dire l'année passée - vous vous faites retoquer une deuxième fois, car au moment du vote, le budget a été aggravé et le corps électoral l'a refusé. La responsabilité que vous deviez prendre consistait à dire: «Nous, gouvernement, même si nous avons été bafoués par deux fois et que des élections sont à venir, nous prenons nos responsabilités et nous déposons un budget.» Comme vous l'avez dit très justement, Madame la présidente, le parlement va changer. On ne sait pas dans quelles proportions et j'espère que la majorité va changer, mais toujours est-il que là n'est pas la question.

Comme le gouvernement va changer, vous auriez dû prendre cette responsabilité. Mais vous ne l'avez pas fait et c'est bien de cela dont il est question. Madame la présidente, déposer un budget avant les élections est un acte de responsabilité et un acte politique qui définit des... (L'orateur est interpellé.)Ce n'est pas mon problème, c'est le vôtre. Notre responsabilité de députés est de travailler sur un budget et de discuter avec vous pour dire si nous sommes d'accord. La vôtre est de déposer un budget. Vous ne l'avez pas fait, et je le regrette. Je trouve qu'en ce sens nos collègues radicaux ont tout à fait raison. Historiquement, c'est votre rôle de déposer un budget.

Je parle de responsabilité gouvernementale. On peut faire la démonstration - puisque vous me prenez au mot - inverse. On peut dire que vous avez vu l'échéance électorale et que vous avez refusé, pour des calculs bassement électoraux, de présenter votre budget comme la loi le demande. On pourrait faire la démonstration que vous venez de nous faire à l'inverse, de manière tout à fait intellectuelle, mais je ne vais pas m'abaisser à faire ce genre de démonstration car nous ne sommes pas là pour ça.

Nous proposons un amendement, car il faut encore, Mesdames et Messieurs les radicaux, discuter de quel budget nous voulons. Nous estimons que c'est un budget social qu'il nous faut, et pas un budget de rigueur. On sait très bien que la rigueur ne sera pas la rigueur pour les riches et les très riches de notre société, mais pour les très pauvres et les gens qui sont dans la misère. On l'a déjà vu le 24 avril, les handicapés passaient à la casserole - si j'ose dire - et puis les communes, et toute une série de catégories, les chômeurs, etc. Nous estimons que Genève a besoin d'un budget social et je vous remercie de voter l'amendement que je viens de présenter.

La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste. Sont encore inscrits MM. Hiltpold et Mouhanna, ainsi que Mme Brunschwig Graf.

M. Hugues Hiltpold (R). Nous prenons note de la proposition d'amendement déposée par M. Pagani. Cette proposition vise à ajouter la notion de social dans la proposition d'invite que nous faisons. Avec cela, nous rentrons déjà dans le fond.

Notre proposition portait seulement sur la forme. Nous voulons un projet de budget, et nous aurons tout loisir de discuter du fond après coup. C'est la raison pour laquelle nous ne soutiendrons pas votre amendement. Nous demandons simplement que le projet de budget soit déposé. (Exclamations.)

M. Souhail Mouhanna (AdG). Mme la cheffe du département des finances... (La présidente agite la cloche.) ...a fait un discours dans lequel elle a admonesté le Grand Conseil et elle s'est fait applaudir par les bancs d'en face. Le Grand Conseil demande au Conseil d'Etat de respecter la loi, c'est son rôle. Je trouve que vous avez un respect très mitigé pour ce parlement et vous avez été applaudie pour des propos que j'ai trouvé méprisants. Eh bien, cela situe un peu les personnes qui vous ont applaudies quand vous avez prononcé ces mots méprisants.

Je voudrais maintenant en venir au fond du discours de Mme Brunschwig Graf. Elle a confirmé que c'était effectivement en raison des élections...

La présidente. Monsieur Mouhanna, il faut vous exprimer sur l'amendement, s'il vous plaît.

M. Souhail Mouhanna. Je reviens sur l'amendement. A aucun moment, Mme Brunschwig Graf n'a parlé de problèmes techniques et précis. C'était essentiellement au sujet des élections. Ce qui a été surprenant à entendre, c'est qu'il faut que ce soit la nouvelle commission qui examine le budget. Mais Madame, il ne vous appartient pas de décider de la fin des compétences et des prérogatives des députés. Ils sont en place jusqu'à la fin de la législature et les commissions continuent de siéger jusqu'à la fin de la législature. Il ne vous appartient pas de déposséder les députés de leurs prérogatives.

Si vous étiez conséquente, vous tireriez la conclusion suivante: puisque vous ne serez plus conseillère d'Etat responsable des finances et que vous n'allez plus défendre le budget, il ne vous appartiendrait donc pas de faire un projet de budget et de le déposer au Grand Conseil. Attendez que votre successeur soit en place et qu'il le dépose. C'est la logique qui accompagne ce que vous avez dit. Je trouve vos arguments spécieux et inacceptables.

Sur la première partie, nous sommes d'accord avec le parti radical sur la nécessité de déposer un projet de budget, que le Conseil d'Etat réponde dans les six mois ou pas. Il lui appartient de prendre cette responsabilité, mais nous savons pourquoi le Conseil d'Etat veut dissimuler à la population les mesures antisociales qu'il s'apprête à prendre. Il veut éviter à ceux qui le soutiennent dans ces mesures antisociales de subir une déconvenue lors des élections. C'est la vérité. En tout cas, nous verrons bien comment les choses se passeront. Vous avez transgressé la loi, et vous avez véritablement porté atteinte aux compétences et aux prérogatives de ce Grand Conseil.

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Tout d'abord, il ne faut pas me faire dire ce que je n'ai pas dit. Si le Conseil d'Etat ne dépose pas le budget le 15 septembre, cela n'est pas en raison des travaux du Grand Conseil. J'ai dit tout à l'heure que les travaux du Conseil d'Etat n'étaient pas terminés et le retard a été pris probablement en juin déjà, car certains départements avaient de la difficulté à cause des travaux qu'ils menaient pour livrer les informations nécessaires. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Arrêtons de dire ces choses.

Maintenant, puisque vous me demandez des arguments techniques, il y en a un qui est tout à fait clair et vous devriez vous y intéresser, mais, apparemment, comme vous n'y avez pas réfléchi et que cela ne vous intéresse pas le moins de monde... Le système postnumerando, qui nous contraint à estimer les recettes fiscales et à connaître la conjoncture 2005 au plus près pour faire la prévision 2006, est un élément qui n'existait pas lorsque la LGAF a été votée et modifiée. Je fais le pari que mes successeurs demanderont probablement une modification de la loi, car en définitive il est pratiquement impossible d'arriver à des prévisions correctes avant la fin septembre. Car, pour pouvoir déposer le budget avant le 15 septembre, il faut boucler le projet de loi au début septembre. A ce moment-là, nous n'avons même pas la connaissance de certains éléments conjoncturels de 2005. Et d'ailleurs, tout récemment... (La présidente agite la cloche.)Nous avons reçu des informations... Madame la présidente, je vais arrêter de donner des explications techniques, cela ne sert à rien et n'intéresse strictement personne.

La présidente. J'ai beau faire sonner ma cloche, tout le monde est très dissipé.

Mme Martine Brunschwig Graf. Il y a des raisons tout à fait objectives au fait que ces travaux ne sont pas terminés. Il y a au moins une raison qui pourrait être intéressante pour vous, c'est que tant que le Conseil d'Etat travaille sur un budget, qu'il en débat, c'est plutôt bon signe, plutôt que d'expédier n'importe quel budget devant le Grand Conseil et de le laisser arbitrer les divisions d'un Conseil d'Etat qui ne parviendrait pas à se mettre d'accord. Pour moi, le gouvernement est un collège dans lequel on discute, dans lequel on cherche des solutions. Et lorsque le temps est nécessaire pour en trouver, on prend ce temps. Et si le Grand Conseil s'est donné un règlement qui prévoit le dépôt du budget jusqu'en octobre je ne crois pas que l'on offusque les députés en déposant le budget en octobre. Tout cela est une comédie. Nous nous sommes engagés à donner des informations intermédiaires et cela devrait vous satisfaire. Et au-delà de cela, je le dis, nous sommes pratiquement le seul canton dans lequel on fait coïncider les élections et le dépôt du budget. Cela n'a strictement aucun sens. On continue, parce que le parlement n'a jamais accepté de changer la date des élections. Le projet a été déposé en commission, puis rejeté par les députés.

Aujourd'hui, on assume, on gère cette situation. Je peux vous dire sans état d'âme que les travaux ne sont pas terminés. Il est vrai que nous sommes en retard, mais j'aime mieux que l'on fasse les travaux comme il faut plutôt que de déposer un budget bâclé. C'est le choix que nous avons fait.

La présidente. Monsieur Muller, vous avez un amendement à présenter.

M. Mark Muller (L). Mon collègue Renaud Gautier a dit tout à l'heure ce que le groupe libéral pensait de cette regrettable motion. Regrettable à plusieurs titres et le dépôt de l'amendement de M. Pagani confirme que mettre ce soir le débat budgétaire au centre du débat politique n'est pas une bonne idée, car, dès lors que vous demandez que le Conseil d'Etat dépose un budget, il devient très difficile de s'épargner la discussion sur le fond. Immanquablement, on débat du fond.

M. Hiltpold, la bouche en coeur, nous dit: «Ce soir, nous ne voulons pas parler du fond. Nous demandons seulement que l'on dépose un projet de budget, mais nous ne voulons surtout pas parler du fond.» Eh bien, dès le moment où le débat est lancé, il faut aller jusqu'au bout. Bien sûr que nous souhaitons que ce budget soit social. Qui ne voudrait pas qu'un budget soit social ? Mais ce que nous voulons surtout, c'est que le budget respecte le plan financier quadriennal. Alors, nous déposons un amendement demandant que le projet de budget du Conseil d'Etat respecte le plan financier quadriennal, quel que soit le moment où ce budget est déposé, car je partage entièrement la position défendue par Mme Brunschwig Graf quant à l'importance de négocier tranquillement un projet de budget qui tienne la route.

La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste. Sont encore inscrits MM. Catelain et Pétroz.

M. Gilbert Catelain (UDC). Très brièvement, pour me prononcer sur les deux amendements qui nous sont soumis concernant cette motion. D'une part, l'amendement de l'Alliance de gauche est une sorte de pléonasme, car à Genève, un budget est de toute façon social. Je n'ai jamais vu un budget qui soit différent.

Par contre, nous trouvons que l'amendement déposé par l'Entente est d'une pertinence implacable et nous sommes dans l'obligation de le soutenir. Nous voterons cet amendement pour forcer le Conseil d'Etat à atteindre les objectifs du plan quadriennal.

La présidente. Nous allons voter sur l'amendement de M. Pagani.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 47 non contre 25 oui et 3 abstentions.

La présidente. Nous allons voter sur l'amendement de MM. Pétroz, Schmied, Weiss et Muller.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 45 non contre 25 oui et 5 abstentions.

La présidente. Je mets maintenant au vote la motion 1648. L'appel nominal est demandé. Etes-vous soutenus ? C'est le cas.

Mise aux voix à l'appel nominal, la motion 1648 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 46 oui contre 24 non et 6 abstentions.

Motion 1648 Appel nominal

La présidente. Je clos la séance et vous souhaite une bonne nuit.

La séance est levée à 22h45.