Séance du
vendredi 16 septembre 2005 à
14h
55e
législature -
4e
année -
11e
session -
65e
séance
M 1555-A
Débat
M. Rémy Pagani (AdG). En préambule, je dirai que je regrette l'absence de la présidente, Mme Brunschwig Graf. Sa présence me semblait en effet importante, dans la mesure où la politique menée par le gouvernement au sujet des sans-papiers l'a été par le gouvernement dans son ensemble. Enfin, on se contentera des conseillers d'Etat ici présents... (Rires et commentaires.)Evidemment ! Le contraire aussi !
Cela étant, cette motion donne l'occasion à ce parlement de faire une sorte de bilan de la politique assez innovatrice menée par le gouvernement genevois en la matière. Il faut d'ailleurs le saluer, car il a essayé de faire régulariser le statut de plus de 15 000 personnes qui vivent dans notre République: les sans-papiers ! (L'orateur est interpellé.)Oui ! Dont 9000 environ travaillent dans l'économie domestique et dont on sait, du reste, à peu près ce qu'ils font ! Pour ce qui est des autres sans-papiers, il va sans dire qu'ils se cachent...
Nous - les députés de l'Alliance de gauche - nous avions dit que nous trouvions très compliqué - nous ne l'avions d'ailleurs pas accepté - le fait de régulariser les sans-papiers individuellement, parce que nous savions à quel point il serait difficile pour le gouvernement de trouver une mesure adaptée à chacun. Nous avions estimé - et les faits nous ont donné raison - qu'il fallait d'abord poser le principe d'une régularisation collective et, ensuite, que chaque demande soit enregistrée individuellement.
Ce principe n'a pas été admis par le gouvernement fédéral, puisque M. Blocher a tout de suite sauté sur l'occasion pour dire qu'il «entrait en matière» entre guillemets - puis avec plusieurs guillemets ! - mais que toute régularisation, si l'on entrait en matière sur ce principe, devrait évidemment passer par les cautèles d'une régularisation individuelle. Sans se prononcer sur le principe, il est tout de suite venu s'engouffrer dans la brèche ouverte par le gouvernement sur la régularisation au cas par cas, dossier par dossier. Ce qui fait que cela échappe à la problématique posée à juste titre par le gouvernement, de régulariser l'ensemble des sans-papiers. Parce qu'ils effectuent un travail considérable dans notre République, et notre société doit cesser d'adopter cette attitude qui consiste à reconnaître le travail fourni par cette population et, en même temps, à nier l'ensemble de ses droits.
Le premier volet de cette affaire reste aujourd'hui dans les limbes, puisque, comme vous le savez les uns et les autres, le gouvernement fédéral - M. Blocher en particulier - a tout fait pour noyer le poisson et pour qu'aucune décision ne soit prise.
Deuxième volet, et il est beaucoup plus intéressant... Que pouvons-nous faire, à notre niveau, pour la régularisation des sans-papiers ? Certaines mesures ont été prises, notamment de rendre obligatoire - le gouvernement, du reste, a soutenu cette mesure - le contrat type de l'économie domestique. Je vous le rappelle, jusqu'en mars de cette année et malgré l'existence de ce contrat type, des employeurs pouvaient mettre des petites annonces dans un journal et établir des contrats à des salaires de misère - et ils ne se gênaient pas pour le faire ! - alors même que ce contrat type stipule que, pour quarante-huit heures de travail, tout employé dans ce secteur doit recevoir un salaire de 3400 F.
Depuis mars de cette année, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil de surveillance du marché de l'emploi a décidé de faire en sorte que ces conditions de salaire soient respectées. Mais on peut encore trouver dans la presse - cela a été le cas pas plus tard que la semaine dernière - l'annonce d'une personne, avec son numéro de téléphone portable, offrant un salaire de 600 F par mois pour quarante-huit heures de travail hebdomadaire... (Commentaire de M. Catelain.)Nets... Vous rigolez, Monsieur Catelain, mais si vous étiez contraint de travailler pour un salaire de 600 F, vous rigoleriez moins ! Il est plutôt indécent, Monsieur Catelain, de faire de l'ironie sur un tel sujet ! D'autres que moi vous remettraient en place plus vertement !
Cela étant, Mesdames et Messieurs les députés, je trouve pour le moins scandaleux que l'on continue, encore actuellement - ça s'est calmé cette semaine, suite à la parution d'un article à ce sujet - à trouver dans le GHI des offres de ce type, offres faites par des personnes qui ne sont pas sanctionnées et qui pensent pouvoir se soustraire aux exigences légales en la matière ! On ne peut plus déroger aux contrats types de l'économie domestique, notamment aux conditions de salaire horaire !
Il faut se demander - et j'aurais bien voulu poser la question à Mme Brunschwig Graf - ce que fait le gouvernement pour mettre un terme à ces pratiques. Maintenant que la loi est entrée en vigueur et que, normalement, plus personne ne peut déroger à ces contrats types de l'économie domestique et aux conditions salariales qui en découlent, pourquoi des employeurs peuvent-ils encore, en toute impunité, se soustraire à la loi ?
Le minimum, même si je reconnais que le gouvernement a tenté des actions importantes - et je l'en félicite - serait de poursuivre les employeurs qui continuent à déroger à la loi en vigueur !
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés ! Messieurs du gouvernement, j'espère obtenir des renseignements précis à ce sujet et que des mesures spécifiques soient prises pour lutter contre ces situations intolérables !
Le président. Merci, Monsieur le député. Sont inscrits: M. Bavarel, Mme von Arx-Vernon, M. Pétroz, M. Catelain, M. Brunier, M. Weiss. Le Bureau vous propose de clôturer cette liste. Monsieur le député Bavarel, je vous donne la parole.
M. Christian Bavarel (Ve). Merci, Monsieur le président. Les Verts sont satisfaits du rapport fait par le gouvernement, qu'ils remercient de son engagement envers les personnes travaillant sans statut légal. Il faut aussi reconnaître le travail des partenaires sociaux de notre canton, les syndicats patronaux et les syndicats ouvriers, qui ont également oeuvré pour améliorer la situation de ces personnes.
Certes, la situation n'est pas satisfaisante aujourd'hui, mais j'ai vraiment l'impression que cela dépend davantage de la Confédération que du Canton. L'effort pour résoudre les problèmes a été fourni sur le plan cantonal, et les Verts en sont satisfaits pour l'essentiel, tout en sachant qu'il reste énormément à entreprendre pour améliorer le sort de ces personnes, qui se trouvent dans des situations souvent dramatiques.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Le parti démocrate-chrétien prend acte avec satisfaction de ce rapport, qui permet, bien sûr, de mettre en lumière les problèmes des sans-papiers à Genève, mais, surtout, de chercher des propositions concrètes. Il est temps de lever le voile sur l'hypocrisie qui règne dans ce domaine et qui entache l'image de Genève: je veux parler du travail clandestin, de cet esclavagisme implicitement toléré, qui est toujours d'actualité ! Il permet d'économiser des centaines de millions de francs - cela évite de subventionner des crèches, des EMS, des hôpitaux - car la plupart des personnes qui travaillent clandestinement effectuent des tâches domestiques liées à la famille: garde d'enfants, de personnes âgées, de malades. Et cela représente aussi un manque à gagner pour notre canton d'environ 38 millions de francs: fisc, assurances sociales, etc., qui, évidemment, ne sont pas reconnus.
Je tiens à rendre tout particulièrement hommage à ma collègue, Stéphanie Ruegsegger, qui a été le fer de lance de la motion 1555. Je lui rends hommage avec d'autant plus de plaisir que, si elle est connue pour sa fine connaissance du secteur économique, elle a su tenir compte de la sensibilité sociale qui l'anime - en bonne PDC. Les travaux se sont déroulés de façon constructive en commission, comme les échanges qui ont eu lieu dans les coulisses entre personnes de bonne volonté, que ce soit à gauche, au centre ou à droite.
Je tiens également à rendre hommage, au nom du parti démocrate-chrétien, au Conseil d'Etat qui a rapidement créé une commission d'experts chargés de se confronter à la réalité des sans-papiers - en fait, ce terme de «sans-papiers» est inexact, et il me choque beaucoup: il faudrait plutôt parler de travailleurs «sans statut légal». Les partenaires du monde économique ont admis l'importance du travail clandestin à Genève, notamment dans le domaine de l'économie domestique; les partenaires sociaux ont été reconnus dans leur lutte pour des conditions de travail dignes et dans leur travail de médiation sur des dossiers sensibles; alors, quand les gens de bonne volonté savent bien travailler ensemble, il est important de le dire.
Le PDC tient également à rendre hommage à la commission d'experts, dite «la commission des sages», qui a travaillé dans un contexte complexe, en tenant compte, bien sûr, de la dignité et des intérêts des personnes concernées et des besoins économiques du canton de Genève. Je rappelle à cet égard que le chèque-emploi, qui a été mis en oeuvre par le département de l'économie et par le département de l'action sociale, a été une première réponse à cette indignité qu'est le travail au noir.
J'ai entendu parler de régularisation collective... C'est le meilleur moyen pour que les choses n'aboutissent jamais, Mesdames et Messieurs les députés ! Et une régularisation au cas par cas, même s'il y a 5800 cas, est une manière de travailler en respectant les gens dans leur spécificité et en respectant les besoins du canton de Genève.
Il apparaît clairement que le Conseil d'Etat a fourni un travail exemplaire, également en réunissant les principaux départements concernés: le département de l'économie, le département de justice et police, le département de l'action sociale et le département des finances. Nous pouvons nous en féliciter, Mesdames et Messieurs les députés: c'est ce que nous souhaiterions pour bon nombre de dossiers à traiter ! Et en se rendant à Berne, face à un conseiller fédéral qui n'a pas de vision politique pour la Suisse ni de respect pour la dignité des travailleuses et des travailleurs sans statut légal, le Conseil d'Etat a fait preuve d'un vrai courage politique, faisant de Genève, encore une fois, une pionnière en matière de justice, de dignité et de reconnaissance envers celles et ceux qui contribuent à notre économie et à notre confort ! (Applaudissements.)
M. Pascal Pétroz (PDC). Je m'associe aux propos tenus par ma collègue Anne-Marie von Arx-Vernon et je remercie également le Conseil d'Etat pour son excellent travail.
Je n'aimerais toutefois pas que l'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui se limite à de l'autocongratulation, parce que la situation actuelle en matière de régularisation des sans-papiers ou des travailleurs sans statut légal est extrêmement grave. En effet, comme vous le savez, une demande de régularisation collective a été déposée par le canton de Genève. Mais des centaines et des centaines de personnes sans statut légal ont également déposé des demandes individuelles auprès de l'office cantonal de la population, lequel a adressé les dossiers à l'Office des migrations à Berne, munis d'un préavis favorable, en le priant de bien vouloir régulariser le statut de ces personnes. Je voudrais à cet égard tirer la sonnette d'alarme, parce que je suis extrêmement préoccupé par la tournure que prennent les événements.
Deux exemples. En janvier 2005, une personne de nationalité péruvienne, résidant en Suisse depuis treize ans, autonome financièrement, n'ayant pas de dettes, n'ayant commis aucune infraction et n'ayant donc jamais été condamnée pénalement a été régularisée par l'Office des migrations. Cinq mois plus tard, soit au mois de juin, une autre personne, de même nationalité, répondant aux mêmes critères, avec une même durée de séjour, avec un travail stable, n'ayant fait l'objet d'aucune condamnation pénale, sans dettes, n'a, elle, pas obtenu la régularisation de son statut par le même office !
Alors, j'aimerais bien qu'on m'explique sur quels critères l'administration de Berne se fonde pour régulariser le statut des personnes qui en font la demande ! L'Office des migrations à Berne, sous la houlette de son ministre, semble avoir décidé de refuser toute demande de régularisation... Qu'on m'explique donc quelle est la logique suivie et pourquoi, étant donné que le ministre est en place depuis presque deux ans maintenant, cet office accepte de régulariser une personne en janvier, puis refuse en juin, dès lors que la situation de ces deux personnes est tout à fait similaire ! De deux choses l'une: soit le Conseil fédéral estimait en janvier que les clandestins devaient être régularisés, et en juin il pensait le contraire - auquel cas ses volte-faces sont assez incohérentes politiquement parlant - soit il ne connaît pas bien ses dossiers et il ne gère pas bien son département, ce qui est aussi relativement inquiétant...
Quoi qu'il en soit, il me semble que le Conseil d'Etat - et ce sera le sens de ma demande dans le cadre de mon intervention - doit absolument continuer dans la même voie et demander à Berne de régulariser le statut de ces personnes, qui, il faut le rappeler, ne sont pas des vendeurs de drogue et ne sont pas à la charge de l'assistance publique. Ces personnes travaillent, comme vous et moi, depuis des années, n'ont pas de dettes, n'ont jamais fait l'objet de condamnation pénale et ne sont pas à la charge de la société. Au contraire, elles apportent une véritable valeur ajoutée à notre économie.
Mesdames et Messieurs les députés, il faut voir les choses en face: si l'on pouvait se priver de travailleurs étrangers dans le cadre de l'économie domestique, nous le ferions ! Mais la réalité est toute autre ! Comment faire, à l'heure actuelle, pour faire garder les enfants, alors qu'il n'y a pas assez de crèches ? Nous nous battons, nous, le parti de la famille, le PDC, pour que le nombre de places de crèche augmente, mais cela ne se fait pas du jour au lendemain ! Aujourd'hui, la population résidente à Genève ne nous permet pas de faire face à la demande. Nous avons besoin de ces personnes, et elles doivent être respectées et régularisées ! (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC). Je tiens à rappeler en préambule que le groupe UDC, via André Reymond, a signé cette motion, dont le but était de régulariser au cas par cas le statut des personnes qui vivent à Genève clandestinement. On peut voir que le «cas par cas» s'est transformé en 5000 cas... Ce n'est plus du tout pareil, puisqu'une solution collective est préconisée ! Le travail au noir est un élément important de l'économie, qui ne se limite pas à l'économie domestique, comme a voulu nous le faire croire M. Pétroz, puisque cette dernière représente environ les deux tiers. Il reste donc encore un tiers ! Grosso modo, 9000 à 10 000 personnes travaillent dans l'économie domestique, c'est vrai, mais 5000, voire plus, travaillent dans d'autres secteurs de l'économie. Il en résulte une distorsion du marché de l'emploi, une aggravation de la crise du logement et du chômage, une distorsion de la concurrence ainsi qu'une certaine lassitude sociale.
Bien sûr, on peut toujours jeter la pierre à l'Office des migrations, mais ce n'est pas d'aujourd'hui qu'il prend des décisions anachroniques et que, d'un jour à l'autre, il accepte ou non de régulariser un dossier pour un cas similaire. Cela perdurera même après l'ère Blocher, il ne faut pas en douter !
Par contre, ce qui est sûr, c'est que la Suisse calque sa politique d'immigration sur celle de l'Union européenne, c'est-à-dire que les conditions de régularisation pour les personnes en provenance d'Amérique du Sud sont tout aussi strictes voire plus sévères qu'en Suisse. Et je vous rappelle qu'en 2002, suite à la crise survenue en Argentine, pas moins de 500 000 ressortissants sud-américains ont pénétré dans l'espace Schengen et qu'une partie d'entre eux s'est retrouvée en Suisse !
Nous assistons à un deuxième problème. En France, beaucoup de Polonais travaillent dans l'économie domestique et pas seulement des Sud-Américains. Avec les accords bilatéraux, il faut s'attendre à ce que des ressortissants polonais - et autres - qui parlent très bien le français, viennent occuper légalement des emplois dans l'économie domestique - et il ne sera, à ce moment-là, plus nécessaire de les régulariser. D'ailleurs, il est très intéressant de se demander ce qui incite autant de personnes à traverser l'Atlantique pour venir travailler pour un salaire de 600 ou 800 F par mois. C'est la vraie question qu'il faut se poser ! Certains travaillent effectivement pour 600 ou 800 F; d'autres travaillent - cela figure dans le rapport - pour 1500 F, voire plus, puisque certains gagnent plus de 20 F de l'heure, soit plus de 3000 F par mois, illégalement et sans payer d'impôts.
Quelqu'un m'a reproché tout à l'heure de ricaner... Je n'ai pas ricané: j'ai lancé une boutade ! Je vous signale quand même que, dans ce canton, il y a des personnes qui travaillent légalement - des Suisses ou des ressortissants de nationalité européenne - et gagnent 4500 ou 5000 F bruts par mois. Elles ont des enfants, elles sont mariées, et avec ce salaire elles doivent payer leur loyer, les impôts, les assurances maladie, etc. Je pense - j'en suis même sûr - qu'il reste zéro franc dans leur porte-monnaie à la fin du mois ! OK ? Il est donc manifestement intéressant d'exercer à Genève une activité illégale, et je ne crois pas qu'une régularisation collective résoudrait le problème. Je crois simplement que le contrat type est une grande hypocrisie... Un salaire minimum tout à fait convenable a été fixé dans ce contrat, mais il ne correspond pas au marché ! Et tant que le salaire prévu dans ce contrat type ne correspondra pas au marché, cela générera une économie clandestine.
Il faut également savoir que la France développe, en raison d'un chômage structurel qui atteint les 10%, la création d'emplois dans le secteur de l'économie domestique. Notre société, vieillissante, nécessite de plus en plus de personnel domestique à domicile, et la France soutient la création de ce type d'emplois, mais pas au niveau du salaire qui est fixé dans le contrat type: au niveau du SMIC français, c'est-à-dire, grosso modo, à 7 euros de l'heure. Il y a donc, de l'autre côté de la frontière, du personnel formé, qui est tout à fait prêt à travailler à des salaires inférieurs à celui fixé dans le contrat type. L'activité illégale ne concernera donc pas simplement les ressortissants d'Amérique du Sud, qui ne sont pas les seuls à travailler dans le secteur de l'économie domestique.
Je vous citerai aussi un cas évoqué par la «Tribune de Genève» au mois d'août... Ces personnes sont appelées des «sans-papiers», mais, en réalité, la plupart d'entre elles ont des papiers ! Le cas retracé dans ce journal était révélateur: la personne en question était sud-américaine, elle avait deux enfants, elle avait un permis de séjour, valable, mais pour résider en Espagne... C'est quand même le comble ! On nous demande de régulariser des personnes qui sont «régularisées» et qui vivent officiellement et légalement dans l'espace Schengen, dans un pays de la Communauté européenne ! C'est complètement aberrant ! Et ces personnes font partie d'un collectif de sans-papiers, alors que, je le répète, elles ont des papiers et qu'elles sont en situation légale dans un pays de l'espace Schengen ! Seulement, elles ne veulent pas respecter des décisions administratives: elles préfèrent travailler en Suisse, parce qu'il est effectivement beaucoup plus intéressant de travailler illégalement pour 2000 F par mois en Suisse que de travailler légalement en Espagne, où le salaire moyen est de 800 à 900 euros par mois ! Le calcul est vite fait ! Vous pouvez donc régulariser tant que vous voulez: tant que le marché de l'offre et de la demande sera ce qu'il est, il y aura des personnes qui seront incitées à venir travailler en Suisse pour un salaire inférieur à celui prévu dans le contrat type.
Peut-être pouvons-nous envisager d'autres solutions que la régularisation pour résoudre ce problème ? Le PDC en fait l'étalage ces temps-ci, pas sur les culs de bus mais sur les flancs de bus, avec un spermatozoïde qui, je l'espère, sera fertile... (Exclamations.)
Le président. Monsieur Catelain, il va vous falloir conclure !
M. Gilbert Catelain. Je vais terminer ! Le revenu parental: si l'on offrait le choix aux parents en leur versant un revenu parental, je suis persuadé que beaucoup d'hommes ou de femmes seraient prêts à s'occuper de l'éducation de leurs enfants ! Tout le monde sait que la majorité des personnes qui ont un emploi à la Migros ou à la Coop se retrouvent, en fin de mois, avec un montant net de 500 F et non de 800 !! Et puis...
Le président. Voilà, Monsieur Catelain, votre temps est épuisé !
M. Gilbert Catelain. Je termine donc ! Il faudra adapter le contrat type au marché et non pas l'inverse !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Christian Brunier.
M. Christian Brunier (S). Merci, Monsieur le président. Je ne comprends vraiment pas les incohérences de l'UDC ! (Remarques.)Elle a signé la motion sur la régularisation des sans-papiers, et on vient d'entendre pendant sept minutes son représentant laminer complètement la motion qui a été élaborée par l'ensemble des partis représentés au Grand Conseil ! Ensuite, il nous a fait tout un laïus sur la réglementation du marché du travail, alors que l'UDC s'oppose à toute réglementation du marché du travail que nous proposons ! A chaque fois que nous proposons un projet contre le dumping social, l'UDC vote contre ! Elle est contre les salaires minimaux ! Bref, c'est l'incohérence totale !
Ce qu'il faut dire - et je crois que cela a été fait de part et d'autre de ce parlement - c'est que l'hypocrisie est totale en la matière. Notre société fonctionne avec 10 000 ou 15 000 personnes qui n'ont actuellement pas de statut légal, et sans eux le fonctionnement de notre société et de notre économie serait en danger. Laisser ces personnes sans papiers, sans statut légal, c'est les retrancher dans des situations extrêmes de désarroi: désarroi social, désarroi professionnel. Je veux parler de leurs conditions de travail, puisque quelques patrons peu scrupuleux - heureusement, ils sont peu nombreux - les exploitent, profitent de leur illégalité pour faire du dumping social. C'est contre cela que nous devons lutter !
Nous avons déposé une motion, et celle-ci n'est pas parfaite - Monsieur Pagani, je vous le concède. Le programme du parti socialiste est clair: nous sommes favorables à la régularisation des 10 000 ou 15 000 personnes intégrées depuis plusieurs années à Genève et ayant une activité professionnelle. Nous avons néanmoins soutenu cette motion, parce qu'elle permettait à l'ensemble des partis de ce parlement de s'unir derrière un projet - certes, minimaliste - et c'est ce qui représente une des forces de ce projet.
Nous arriverons à régulariser le statut des personnes qui n'en ont pas que si nous restons unis et grâce à une politique des petits pas. On peut le déplorer, mais c'est mieux que de vouloir avancer à grands pas et de reculer ! Il vaut mieux avancer à petits pas, avec le plus grand nombre de parlementaires et le soutien du Conseil d'Etat qui était unanime sur la question et qui a créé une première brèche à Berne. Et si, aujourd'hui, on arrive à régulariser quelques cas et à infléchir la politique xénophobe menée par le ministre Blocher, c'est bien grâce à cette unité.
Alors, en ce qui me concerne, je revendique de rester unis, pour permettre au plus grand nombre de ces personnes d'obtenir un statut qui leur permette enfin de vivre décemment !
M. Pierre Weiss (L). Je ferai juste deux remarques à l'attention de mes collègues. Effectivement, le fait d'avoir demandé la régularisation au cas par cas procède de la sagesse, et il faut bien veiller à ce que cette régularisation au cas par cas ne se transforme pas en une régularisation collective.
Mon autre remarque est, très collégialement, un rappel adressé à notre collègue Pagani des compétences et des possibilités d'action qui sont les siennes au sein du Conseil de surveillance du marché de l'emploi, dont il doit se souvenir qu'il en est membre... Il peut très bien demander d'investiguer sur ces offres d'emplois à 600 ou 800 F par mois. Il demande ce que fait le Conseil d'Etat... Nous pouvons nous demander ce que font les membres du Conseil de surveillance du marché de l'emploi: ils doivent agir là où ils sont compétents ! (L'orateur est interpellé.)C'est une suggestion ! C'est une suggestion pour utiliser ses compétences et non pas du tout une mise en cause de l'inaction de M. Pagani, à qui je ne saurais faire un procès d'intention - matière dans laquelle il excelle !
J'ajoute à cela, Monsieur le président, que cela permettrait certainement - et je suis convaincu que M. Pagani va reprendre ma suggestion au vol - de savoir si l'offre d'emploi en question est une véritable offre d'emploi ou s'il ne s'agit pas tout simplement d'une provocation ! (M. Pagani interpelle le président.)
Le président. Monsieur le député, selon moi, compte tenu de nos profils politiques, aux uns et aux autres, il ne suffit pas que nous soyons nommés pour être mis en cause ! Je donne la parole à M. le conseiller d'Etat Unger.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Je ne sais pas si le Conseil d'Etat, lui, résistera à la mise en cause d'une personne qui commence son intervention en méprisant les trois conseillers d'Etat présents. Vous dites, Monsieur Pagani, qu'ils ne vous conviennent pas... Il vous faut Mme Brunschwig Graf ! Mais elle est retenue à d'autres tâches... Nous pouvons néanmoins répondre, car c'est à sept que nous travaillons sur ce genre de dossiers, comme c'est tout ce parlement, unanime, qui a signé cette motion ! Votre comportement est inacceptable ! Comme toujours, vous voulez éclairer d'une prétendue dignité le parcours de personnes sans statut légal avec des feux d'artifice qui n'illuminent que vous ! (Exclamations et vifs applaudissements.)
Le rapport qui vous est présenté est le fruit d'un énorme travail. Travail d'un groupe, mandaté par le Conseil d'Etat, qui a oeuvré avec beaucoup de sérénité et beaucoup d'intelligence sur un sujet particulièrement difficile. Bien sûr, les uns et les autres pourraient vouloir un peu plus ou un peu moins. Mais - cela a été dit par plusieurs d'entre vous et, en particulier, par M. le député Brunier - ce n'est qu'en restant unis, et avec une unité sans faille, qu'un dossier aussi complexe sera susceptible d'avancer !
Nous-mêmes avons dû faire un certain nombre de compromis pour engager, dans un premier temps, le dialogue avec la Confédération, en faisant plusieurs choses. Nous avons tout d'abord accepté l'existence de ce problème, et vous savez à quel point d'autres cantons continuent à le nier. Ce n'est pas la vérité, ce problème existe, il est réel !
Deuxième chose: nous avons considéré que ce problème est avant tout économique, puisque des personnes, dont notre économie a besoin, travaillent dans des conditions inacceptables à l'heure actuelle. C'est la raison pour laquelle, le contrat type de travail dans l'économie domestique a été accepté il y a quelques mois, ce qui représente la première étape dans l'acquisition de la dignité pour les personnes sans statut légal qui exercent une activité dans ce domaine.
Troisièmement, et j'en conviens, rien n'est parfait ! Des problèmes de cette ampleur et de cette durée ne se règlent pas par le seul biais d'un contrat type et en trois mois d'exercice de l'autorité. Mais, jour après jour, heure après heure, le Conseil d'Etat travaille pour exercer les contrôles qui s'imposent. Et, jour après jour, heure après heure - ce sont des syndicats qui nous le confirment - le nombre des cas de personnes qui se trouvent dans une situation désastreuse diminue, sans pour autant disparaître, ce qui est une motivation supplémentaire pour le Conseil d'Etat de poursuivre les négociations avec l'autorité fédérale. Ces négociations ne sont pas simples: vous connaissez le droit fédéral, vous connaissez ses limites et vous connaissez également la réticence à la fois du Parlement et du Conseil fédéral pour modifier une loi, voire une ordonnance - même temporairement - ce qui permettrait, comme vous l'avez souhaité, de régulariser, au cas par cas, le statut des personnes qui ne posent aucun problème.
Par ailleurs, le Conseil d'Etat a d'ores et déjà annoncé que, si la manoeuvre réussissait, des mesures seraient prises pour prévenir un nouvel appel d'air: mesures quant à la capacité de telle ou telle personne de changer d'emploi, pendant un laps de temps, et des mesures, bien sûr, concernant le contrat type, son application et le contrôle de son application.
Bref, vous le voyez, un cortège de mesures est en cours, de nombreuses discussions ont lieu, et ce n'est qu'avec votre soutien total et répété que cette porte, aussi étroite soit-elle, a des chances d'être franchie ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.