Séance du vendredi 24 juin 2005 à 8h
55e législature - 4e année - 10e session - 56e séance

La séance est ouverte à 8h, sous la présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, présidente.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Carlo Lamprecht, Laurent Moutinot, Robert Cramer, Micheline Spoerri, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Luc Barthassat, Martin-Paul Broennimann, Thierry Charollais, Gilles Desplanches, Pierre Froidevaux, Morgane Gauthier, Mariane Grobet-Wellner, Antonio Hodgers, Christian Luscher, Claude Marcet, Véronique Pürro, Pierre Schifferli, Ivan Slatkine, François Sottas, François Thion et Marie-Louise Thorel, députés.

Communication de la présidence

La présidente. Je vous informe que la direction générale de l'administration des finances de l'Etat nous présente la comptabilité financière intégrée (CFI) durant cette journée dans la salle des Pas-Perdus. Je vous invite à aller leur rendre visite.

Annonces et dépôts

Néant.

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour. Notre procédure se trouve dans un feuillet jaune que vous avez sur vos tables. Nous allons commencer par le PL 9518-A. J'appelle à la table des rapporteurs MM. Guy Mettan et Souhail Mouhanna.

Je rappelle l'annonce que j'ai faite hier: à titre exceptionnel et compte tenu de la température qui nous attend pour la journée, les messieurs sont autorisés à retirer leur veste pour travailler dans de meilleures conditions.

PL 9518-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le compte administratif de l'Etat et de la gestion du Conseil d'Etat pour l'exercice 2004
Rapport de majorité de M. Guy Mettan (PDC)
Rapport de minorité de M. Souhail Mouhanna (AdG)
PL 9519-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant au Conseil d'Etat divers crédits supplémentaires et complémentaires pour l'exercice 2004
Rapport de M. Guy Mettan (PDC)
PL 9520-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat concernant le bouclement de diverses lois d'investissements (Crédits informatiques)
Rapport de M. Guy Mettan (PDC)

Premier débat

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la Présidente. Contrairement à ce que vous pouvez pensez, je n'ai pas grand-chose à ajouter à mon rapport, car on aura l'occasion d'y revenir dans le courant de la journée - à moins que M. Mouhanna n'en décide autrement.

Peut-être juste quelques remarques, tout d'abord pour signaler qu'au fond les discussions en commission se sont bien déroulées, contrairement à celles sur les comptes de l'année 2003 et sur le budget de l'année 2004, que nous avions examinés dans un climat de tension extrême. L'examen des comptes 2004 s'est fait dans une atmosphère que je qualifierai de constructive. La preuve, c'est que la plupart des votes n'ont pas posé de problème puisqu'il y a eu une large majorité pour approuver les comptes des départements et les projets de lois, malgré de nombreuses abstentions sur les bancs de l'Alternative. Le seul problème est venu de l'Alliance de gauche, et l'on se fera un réel plaisir d'écouter M. Mouhanna - d'autant plus que, si son rapport de minorité comporte des remarques intéressantes, il n'est pas non plus extrêmement convaincant.

Quant aux comptes eux-mêmes, ils se terminent sur un déficit de 323 millions de francs, ce que l'on ne peut pas qualifier de bon. A mon sens, l'élément le plus important est que nous avons pu observer pendant l'année 2004, grâce à l'action du Conseil d'Etat et de ce Grand Conseil - ou, en tout cas, de la majorité de ce Grand Conseil - un renversement de tendance, puisque nous avons réussi à freiner la croissance des dépenses, à freiner la croissance de l'endettement. C'est évidemment une bonne nouvelle dans cette ambiance générale plutôt attristante.

A la lumière de ces comptes, j'ai personnellement tendance à considérer que le problème majeur que nous devrons traiter dans les années à venir est celui de la dette et de l'endettement car je pense que, du point de vue du fonctionnement de l'Etat, nous sommes sur la bonne pente. Il faudra évidemment poursuivre l'effort, mais on a pris la bonne direction. En revanche, la croissance de la dette n'apparaît encore pas du tout maîtrisée.

Voilà pour les quelques remarques générales. Je ne peux que vous inviter à ne pas vous perdre dans des manoeuvres de résistance ou des manoeuvres politiciennes dont on ne voit pas où elles pourraient mener. Je vous invite donc cordialement à approuver ces comptes ainsi que la gestion du Conseil d'Etat.

Voilà pour cette petite introduction, Madame la présidente.

M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. M. Mettan a commencé par déclarer qu'il n'avait pas grand-chose à dire. Il s'attendait à ce que j'intervienne et il a fini par aligner quelques propos provocants. Bien sûr, je ne tarderai pas à répliquer à M. Mettan.

Je commencerai par vous donner une information que certains connaissent peut-être. En Amazonie, il y a une tribu primitive qui, pour faire ses comptes, connaît trois nombres: 1, 2 et beaucoup. Manifestement, vous ne pouvez pas aller au-delà de ce beaucoup. Tout ce que vous ne parvenez pas à comprendre, vous le qualifiez de beaucoup.

Au fil des discussions, nous allons montrer que vous êtes incapables de faire des comptes corrects et que, ce que vous avez approuvé, ce ne sont que des comptes déficitaires. Cela m'amène à me demander ce que vous auriez dit si, au temps de Mme Micheline Calmy-Rey, le Conseil d'Etat avait présenté des comptes avec un déficit de 322 millions - un déficit théorique, bien sûr, parce que, s'agissant des chiffres qui sont donnés, c'est véritablement n'importe quoi.

Un premier point nous annonce que les recettes comptabilisées ne seraient pas les bonnes. L'ICF le signale dans son rapport et relève des problèmes à plusieurs endroits. On trouve, par exemple, un compte provisoire portant un montant de 183 millions -183 millions dont on ne connaît pas la provenance. On est en train de chercher. On a mis ces 183 millions sur un compte provisoire et il semblerait, selon l'ICF, que ce montant pourrait modifier les chiffres du déficit. Il y a un autre montant de plus de 100 millions qui se balade au niveau de l'impôt fédéral direct. Là encore, on ne sait pas ce qu'il en est et les chiffres pourraient être complètement différents.

Quand on regarde les chiffres donnés dans les rapports de gestion ces dernières années, lorsque l'on examine la répartition des recettes par catégories de contribuables, on constate, par exemple, qu'au niveau des millionnaires, on passe, en revenu imposable, de plus de 330 millions à environ 160 millions sans que l'on nous dise ce qu'il en est. On nous dit que ce sont des chiffres arrêtés au 31 janvier de chaque année. Or, en comparant les 31 janvier de chaque année, on constate qu'il y a des différences énormes. Alors, soit on n'a pas comptabilisé ce qu'il fallait comptabiliser, soit les millionnaires ont fui le canton - contrairement à ce que l'on nous a raconté, à savoir que la baisse de 12% ferait courir les millionnaires pour s'installer dans notre canton.

Je prends encore les chiffres du budget. Si je les compare avec les chiffres des comptes 2004, il y a d'énormes différences: c'est, par exemple, plus de 160 millions pour les personnes physiques. Pour les personnes morales, il y a 130 ou 140 millions d'écart. Pour les impôts sur les successions, il y a 110 ou 115 millions d'écart. J'arrive à plus de 400 millions d'écart en valeur absolue, et l'on nous parle de comptes qu'il faudrait approuver ?! Mais approuver quoi ? Faut-il certifier que les chiffres qui nous sont donnés sont les bons ? Certifier que le déficit se monte à 322 millions et quelques ? Monsieur Mettan, vous allez voter n'importe quoi, parce que vous savez parfaitement que rien n'est juste là-dedans ! Tout est faux - et l'ICF le dit, en ajoutant qu'il faut quand même approuver les comptes. A tel point que j'ai demandé en commission ce qu'il fallait pour refuser les comptes. La réponse était très ambiguë: on dit ce qui ne va pas et, s'ils le font intentionnellement et qu'ils traficotent les comptes, on dira qu'il faut les refuser.

Les chiffres ne correspondent pas. Les recettes d'une année sont ventilées sur d'autres années et ainsi de suite. Il n'y a absolument rien de juste dans ces comptes ! Il n'est donc pas question pour nous de certifier que ces chiffres sont corrects. Je n'accuse nullement le département des finances et sa présidente de manipulation et de malversation. Ce n'est pas mon intention. Mais on nous demande à nous, députés, d'approuver les comptes, c'est-à-dire de certifier qu'ils sont corrects. Eh bien, je certifie, je déclare et je confirme... (L'orateur est interpellé par M. Gautier.)

Monsieur Gautier, comme tout député, vous avez le droit de prendre la parole et de dire ce que vous avez à dire. Cela viendra. (L'orateur est interpellé.)Vous faites peur, hein... Je n'arrive plus à parler, de crainte de ce que vous aller dire... Je reprends. Ce que je peux affirmer, c'est que ces comptes ne sont pas corrects: ils sont faux. Il est donc hors de question de les approuver. C'est la première chose.

Le deuxième point concerne le rapport de gestion du Conseil d'Etat. Mais quelle gestion du Conseil d'Etat ?! Regardez ce qui se passe: le chômage n'a jamais été aussi élevé; la dette n'a jamais été aussi élevée; les déficits sont ceux que vous connaissez. A cela s'ajoute la situation sociale... Vous avez vu l'explosion de la précarité et de la pauvreté. Vous avez vu le mépris que le Conseil d'Etat affiche à l'encontre de citoyennes et de citoyens comme les handicapés ou les retraités. Vous avez vu les mesures qui ont été prises et qui ont abouti à ce camouflet infligé par les citoyennes et les citoyens au Conseil d'Etat et à la droite lors des votations du 24 avril dernier. Et l'on vient nous dire que le Conseil d'Etat a fait preuve d'une bonne gestion ?! Eh bien, c'est la pire des gestions ! Il n'y avait que le monocolore qui l'avait dépassée ! Un Conseil d'Etat qui amène Genève à la situation actuelle mérite un désaveu complet - et non l'approbation d'une gestion aussi désastreuse que celle que nous connaissons aujourd'hui !

M. Robert Iselin (UDC). La tâche que s'est imposée notre collègue et ami Guy Mettan en acceptant de présenter le rapport de majorité n'est guère enviable. Appartenant à un parti qui a deux représentants au Conseil d'Etat, il ne pouvait que chercher à ménager la chèvre et le chou - ce qu'il parvient à faire avec une certaine habileté.

En simplifiant un peu, il est possible de prétendre que de bons comptes sont ceux qui ne s'éloignent pas trop du budget. C'est le cas des comptes 2004 puisque l'excédent des charges courantes s'élève à 322,6 millions alors qu'il était budgété à 327,3 et que l'insuffisance de financement des investissements nets atteint 385,8 millions alors qu'elle était budgétée à 414 millions. Tout ceci est bel et bon... mais c'est oublier un peu vite que l'équilibre apparent des charges courantes n'est atteint que parce que, un contribuable bien intentionné ayant eu l'idée providentielle de «shooter le baquet» comme disent les Anglais, c'est-à-dire de «casser sa pipe», l'impôt sur les successions a rapporté près de 116 millions supplémentaires. Le hasard fait partie intégrante de la vie publique, explique le rapporteur. C'est vrai, mais lorsqu'on analyse des comptes, c'est prendre les choses à la légère que d'attribuer 100 millions à un hasard statistique.

Pour un analyste rompu aux questions financières, l'excédent des charges courantes de l'Etat de Genève pour 2004 s'élève donc à 442 millions. C'est ce que fait apparaître un examen calme et perspicace. Ce n'est déjà pas très encourageant.

Entre-temps, les membres de la commission des finances ont été mis en possession du rapport sur le compte d'Etat de l'Inspection cantonale des finances. Il faut louer le sérieux et la perspicacité, mais aussi l'humanité - on a presque envie de dire la charité - avec lesquels cet organe présente ses remarques à l'Etat. Pour ne traiter que de l'aspect purement financier de cette analyse, il sied de relever que ce rapport fait apparaître, mon collègue Mouhanna vient de le dire et je le répète, des lacunes importantes, soit: une différence inexpliquée de 43 millions entre les comptes de l'administration fiscale cantonale et ceux de la comptabilité de l'Etat, un montant débiteur de 183 millions concernant l'impôt cantonal et communal et un montant créditeur, en principe, de 166 millions concernant l'impôt fédéral direct. Cela crée une incertitude de 391 millions - ce qui, vous l'avouerez, est substantiel.

Deux autres différences inexpliquées existent entre les données sources - les comptes individuels des contribuables - et leur comptabilisation dans la comptabilité de l'Etat, pour un montant de 93 millions. Des points d'interrogation doivent par conséquent être mis en regard de montants s'élevant à 484 millions, sans compter nombre d'autres imprécisions, erreurs de comptabilité et fausses attributions que je n'ai pas additionnées, mais qui doivent s'élever à des montants non négligeables. Le résultat de tout ceci est que l'Inspection cantonale des finances émet des réserves expresses sur l'exactitude des comptes de bilan de l'administration fiscale cantonale.

Ce qui est plus inquiétant, c'est le nombre d'observations contenues dans le rapport. Elles sont souvent graves. Sur 61 observations, 5 sont faites, il est vrai, pour la première fois et 4 concernent des problèmes existant antérieurement, mais qui n'avaient pas été relevés. Il reste que 56 observations - et beaucoup d'entre elles sont graves - remontent à une ou plusieurs années, relèvent de problèmes déjà notés antérieurement et dont le traitement est en cours, comme dit le rapport - à la lecture duquel on ne compte plus les passages du style «nous avions relevé ce défaut, mais rien n'a été fait». L'Inspection cantonale des finances mentionne, il est vrai, que 124 observations formulées lors des comptes d'Etat 2003 ont été réglées - et l'on ne peut que s'en réjouir - mais on doit se demander s'il ne s'agit pas d'observations mineures, car les 56 qui subsistent sont de taille et ne pourraient jamais être acceptées dans le secteur privé. Un directeur général qui ne serait l'objet que de 20% d'entre elles serait à la porte dans la demi-heure.

Le plus grave dans ce rapport, c'est qu'à travers les aspects comptables, il dresse le portrait d'une organisation marquée par le désordre - et, j'ai une furieuse envie de dire, par l'incompétence, pas de tous, mais de certains. Cette situation ne saurait durer. Il ne peut y avoir de doute, même pour quelqu'un de moyennement clairvoyant, sur là où elle nous conduira. Elle vient d'être illustrée par deux publications récentes, l'une de la Chambre de commerce et l'autre patronnée par le parti libéral. L'une comme l'autre relèvent à juste titre que la situation résulte, non d'une crise des recettes, mais simplement d'une crise des dépenses, à laquelle il convient de mettre fin au plus vite. C'est la tâche de notre gouvernement de s'atteler à une vraie réforme - gouvernement dont l'UDC ne pourra approuver ni les comptes ni la gestion, et ce pour les défauts et erreurs que je viens de relever.

La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont inscrits Mmes et MM. Gautier, Spielmann, Glatz, Hiler, Odier, Fehlmann Rielle, Weiss, Kunz et Schenk-Gottret ainsi que Mme la conseillère d'Etat Brunschwig Graf.

M. Renaud Gautier (L). Il est temps de dire ici que, lorsque l'incompétence se conjugue à la mauvaise foi, pour ne pas dire à la malhonnêteté intellectuelle, il y a du souci à se faire. (Commentaire de M. Pagani.)Très curieusement, M. Pagani réagit. Se sentait-il par hasard visé? (Rires.)Il a effectivement des raisons de se sentir visé... (L'orateur est interpellé.)Oh, on a osé attaquer M. Mouhanna... Mais ce n'est pas gentil, ça, alors... C'est vrai que dans votre bouche...

La présidente. (La présidente agite la cloche.)Le sujet, Monsieur Gautier !

M. Renaud Gautier. Madame la Présidente, faites respecter le règlement: si je m'exprime, veuillez faire taire le banc d'en face !

La présidente. Je vais demander à M. Pagani de se taire.

M. Renaud Gautier. Je continue donc sur la mauvaise foi, voire la malhonnêteté qu'il y a, par exemple, dans l'entier de... Enfin, si l'on peut appeler ça un rapport de minorité, puisqu'il ne s'agit jamais que d'un catalogue de propositions dont quasiment aucune n'est fondée et - pour relever juste une erreur - dont aucune ne fait preuve de la moindre compétence. On arrive à écrire - sans pour autant que ce soit corrigé - que la modification des réserves ou des provisions peut créer un déficit. Mesdames et Messieurs, j'imagine qu'un seul semestre de comptabilité démontrera aisément que cette proposition est erronée. Dans la mesure où j'ai du respect pour l'intelligence du rapporteur de minorité, je ne peux qu'en déduire qu'il y a là une volonté manifeste de nuire - volonté qui a, ces derniers temps, très largement été répercutée par les accusations qui ont été faites contre la ministre des finances en oubliant que celle-ci n'est là que depuis deux ans et que, contrairement à ce qui est dit ici, sa «prédécesserice» n'a certainement rien fait pour améliorer les comptes de la République.

Mesdames et Messieurs, nous avons un déficit sur lequel nous devrons nous prononcer et un rapport de gestion du Conseil d'Etat que nous devrons adopter tout à l'heure. La question qui se pose - et, bien évidemment, les donneurs de leçon sont très à l'aise dans cet exercice - consiste à savoir dans quelle mesure le législatif n'a pas sa part de responsabilité dans le déficit. Lorsque l'on voit l'aisance avec laquelle certains adoptent des crédits d'investissement pour des montants souvent curieux, sans réfléchir à l'impact qu'ils peuvent avoir dans le temps, lorsque l'on voit que les mêmes sont systématiquement prêts à pousser à la roue de façon que l'Etat n'arrive pas à gérer ses recettes par rapport à ses dépenses, on peut en effet penser qu'il y a là, non seulement de l'inconscience, mais également de la malhonnêteté intellectuelle.

Grâce doit être rendue ici au rapporteur de majorité qui, dans un temps relativement bref, a su tenir compte dans son rapport des différents avis qui avaient été exprimés à la commission des finances et qui, à mon sens, offrent une image - du moins, une photographie - de l'ensemble des propositions et des discussions qui ont eu lieu dans le cadre de cette commission.

Nous devons à terme nous inquiéter des déficits et de leur hausse, car ils ne seront bientôt plus supportables par l'entier de la population. A terme, il faudra que le Conseil d'Etat arrive, avec l'aide de ce Grand Conseil, à obtenir des budgets qui soient non seulement équilibrés, mais qui permettent de dégager des montants de façon à pouvoir diminuer la dette que nous imposons actuellement à l'ensemble des contribuables genevois.

Il m'apparaît donc logique de soutenir le rapport de majorité. Pour une fois, je vous demande de ne pas entrer en matière sur un discours qui - je le répète - est pour le moins étrange, s'il n'est pas volontairement offensant.

M. Jean Spielmann (AdG). Je vais reprendre tous les propos de M. Gautier au sujet du débat mensonger. Je l'ai d'ailleurs déjà dit hier soir: c'est vous qui tenez ce discours - vous et le parti libéral, qui venez de distribuer à la population un document présentant la situation financière du canton de Genève. Ce document réalisé par un institut indépendant, qui a analysé la situation et présenté un rapport sur cette situation, contient des chiffres et des tableaux plus mensongers les uns que les autres. Je vous mets au défi de prouver ces chiffres ici. Je vous mets également au défi de dire combien cela a coûté d'envoyer ce document à tout le monde en cachant votre identité et en parlant d'indépendance. A la fin du document, on trouve l'adresse d'un site internet intéressant sur lequel on peut voir qui prépare ces documents et quelle est la philosophie qui préside à votre politique.

C'est peut-être pour cela que vous ne voulez pas vous exprimer ici et que vous parlez de mensonge. Je vais vous parler de vos mensonges. La personne qui a établi ce document a accordé une interview intéressante à l'AGEFI, interview dans laquelle elle expliquait qu'il ne fallait pas entrer dans l'arène politique, mais qu'il fallait rester au-dessus. Ce rapport qui lui a été commandé par le parti libéral, elle l'a fait en toute indépendance et en toute neutralité, mais elle va quand même apporter une petite contribution au débat en se présentant comme candidate libérale cet automne... Pas mal comme indépendance... (L'orateur est interpellé.)C'est ce qu'elle déclare dans l'AGEFI ! J'ai le document ici, vous pouvez le lire. Si c'est un mensonge, ce n'en est qu'un de plus.

Le problème qui est posé ici, c'est que vous présentez à la population une situation comptable et politique en parlant d'un Etat gaspilleur, d'un Etat excessif, en parlant d'entreprises et de citoyens surtaxés, de l'impasse du social et des dépenses par canton. Mais vous oubliez de dire une chose: vous oubliez de dire que cet Etat, c'est le vôtre ! Vous oubliez de dire que vous êtes aux affaires depuis des années et des années, que les responsabilités des chiffres qui sont ici sont les vôtres !

Celui qui vous parle a toujours été dans la minorité et a toujours tenté de s'opposer à votre politique. Sauf... (L'orateur est interpellé.)Oui, vous faites bien d'en parler ! Sauf pendant quatre ans au Grand Conseil. C'est vrai, et cela laisse quelques traces, Monsieur Gautier ! Ces quatre années sont les seules dans l'histoire de ces trente dernières années où l'on a commencé à rembourser la dette et à équilibrer les comptes de la République au lieu de raconter des mensonges et de reporter la faute sur les autres alors que vous êtes les principaux responsables de cette situation. J'y viendrai tout à l'heure. C'est là toute la différence ! C'est là le gros mensonge !

Lorsque vous présentez des tableaux de dépenses par habitant et par canton, le canton de Genève a évidemment des dépenses plus importantes que tous les autres. Mais vous omettez volontairement de dire à la population que les autres cantons fonctionnent selon d'autres types d'organisation politique et que, dans le canton de Zurich par exemple, les écoles ainsi qu'une bonne partie du social comptent parmi les dépenses communales ! Vous venez ici avec des dépenses cantonales en disant que Genève dépense le double. Mais vous oubliez de dire la vérité aux gens ! Vous dénoncez le puits sans fond et les problèmes de la société en déclarant qu'il ne faut pas que la politique se mêle de l'économique, qu'il faut séparer les choses et bâillonner le politique pour qu'il cesse de nuire.

Bâillonner l'Etat à coup de centaines de milliers de francs en racontant des mensonges à la population, c'est peut-être une formule, mais je ne suis pas sûr que cela marchera bien car, en analysant bien le document que vous avez préparé, vous démontrez votre politique, qui est celle du mensonge ! Vous parlez de mensonges, mais faites une fois votre autocritique ! Vous parlez de menteurs: regardez-vous dans un miroir !

Mesdames et Messieurs du parti libéral et vos amis qui vous cirent les bottes, qu'avez-vous fait pour la population genevoise et pour la situation économique du canton ? Vous n'avez fait que répéter à la population qu'il fallait baisser les impôts car nous relancerions ainsi l'économie et Genève se porterait mieux. Résultat des courses, vous avez baissé les impôts - une partie seulement, parce que les personnes âgées et les petits revenus savent ce que représentent vos prétendues baisses d'impôts. Par contre, vos amis politiques que vous défendez si bien dans ce document vous sont redevables, et ils vont certainement vous verser énormément d'argent pour les analyses «neutres» auxquelles vous vous livrez.

Le fond du problème, c'est que cette politique a échoué. Jamais la dette n'a été aussi élevée. Simplement en changeant de majorité, on est passé de 500 millions de boni à 500 millions de déficit. On accumule les déficits et la dette comme jamais encore dans l'histoire de cette République. Durant toute cette période, c'est vous qui êtes aux finances, c'est vous qui êtes responsables: c'est vous qui détenez la majorité politique au Grand Conseil et au Conseil d'Etat. Partant de là, c'est un peu fort de venir critiquer cet Etat qui est le vôtre ! Faites convenablement votre autocritique et dites aux gens: «Nous nous sommes trompés, nous avons baissé les impôts en pensant que cette mesure relancerait l'économie et l'emploi. C'est le contraire qui s'est produit.» Il n'y a jamais eu autant de chômage dans ce canton, il n'y a jamais eu autant de déficit et il n'y a jamais eu autant de problèmes de logement et de problèmes à l'école - sans parler des problèmes de sécurité.

Le problème de fond qui existe dans ce canton, le mal principal dont il souffre - et je le dis ici sans être neutre, sans me cacher derrière des instituts bidons que vous avez construits avec des financements pour le moins discutables, mais qui montrent bien quelle est votre orientation... (Brouhaha.)Parce que votre document réalisé par l'Institut Hayek montre que vous êtes liés avec tous ceux qui mènent la politique la pire dans le monde, que ce soit Hoover aux Etats-Unis ou ceux qui ont mis en place la politique «thatcheriste»...

La présidente. Monsieur Spielmann, il faudra bientôt terminer !

M. Jean Spielmann. Je vais terminer pour reprendre tout à l'heure. En passant par ceux qui ont fait la politique «thatcheriste» en Angleterre. Vous êtes en train de mettre en place une société à deux vitesses dont la population commence à comprendre les tenants et les aboutissants. Je reviendrai tout à l'heure sur les conséquences directes pour la population de la politique que vous conduisez. Alors, quand vous parlez de menteurs, Mesdames et Messieurs les libéraux, n'oubliez pas que c'est vous qui distribuez ça ! Les menteurs, c'est vous ! Les responsables de la situation économique, c'est vous ! Pour changer de politique, il faudrait que les gens vous changent vous et mettent à votre place des individus moins menteurs et moins liés aux milieux économiques !

M. Philippe Glatz (PDC). J'ai écouté attentivement le discours de M. Spielmann, et je dois dire qu'il est illustratif des problèmes dont nous souffrons dans ce parlement pour résoudre les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. J'ai entendu M. Spielmann dire à M. Gautier: «Vous oubliez que cet Etat est le vôtre.» Non, Monsieur Spielmann: cet Etat est le nôtre, mais il est aussi le vôtre, et j'ai bien peur que vous n'en ayez pas conscience et que vous vous livriez dans ce parlement à une guerre de tranchées bien inutile alors que nous sommes confrontés à des problèmes majeurs.

Je suis heureux que beaucoup puissent entendre ce que vous dites, parce que vous employez l'invective plutôt que l'argumentation. Je vous ai entendu dire que certains ciraient les bottes d'autres, que les uns et les autres étaient des menteurs. Je ne pense pas que c'est ainsi que nous arriverons à résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Car il y a un certain nombre de problèmes, Mesdames et Messieurs, et la clarté du rapport de M. Mettan nous permet d'en prendre conscience. Je souhaiterais que ce rapport puisse être largement diffusé puisqu'il est aujourd'hui accessible au grand public. Il contient même des tableaux très explicites qui permettent d'identifier cette réalité.

Un des gros problèmes dont nous parlons ici est dû au fait que l'Etat vit au-dessus de ses moyens. Il creuse un déficit important de 300 millions sur une année - soit près de 1 million par jour - sans compter le fait que nous devons aussi consacrer à la charge des intérêts de cette dette plus d'un million de francs par jour. Je l'ai rappelé il y a quelque temps: chacun d'entre nous à Genève a 40 000 francs de dette, que nous soyons bébé ou vieillard. Chaque citoyen porte sur ses épaules 40 000 francs de dette environ. Alors, la dernière fois que j'en ai parlé, on m'a répondu qu'il existait une solution simple: il suffit de déménager. Bel exemple de civisme... «Il suffit de déménager, vous serez plus riche.» Voilà ce que l'on m'a répondu lorsque j'ai fait état de cette situation. Mais ce n'est pas ainsi que l'on résout les problèmes. Ce n'est pas en se disant: «Tiens, une fois que la situation sera tellement grave, je vais m'en aller déménager dans un canton qui a réussi à maîtriser ses dépenses et sa dette.»

Nous avons beaucoup parlé de la dimension technique de cette dette. J'aimerais dire un mot de sa dimension politique. Avoir une dette, c'est être débiteur. C'est devoir quelque chose à quelqu'un d'autre. C'est donc se trouver en situation de dépendance. Aujourd'hui, l'Etat de Genève est dépendant de ses créanciers. Il joue sur sa bonne mine pour essayer d'obtenir les moyens de continuer à vivre sur un grand pied. En conséquence, cette dépendance est - de mon point de vue - contraire à l'esprit et à la nature de notre mission. Nous avons tous été élus ici pour rendre à l'Etat de Genève plus d'indépendance. Nous avons même, je crois, prêté serment à ce titre. Or, avec les années, nous sommes en train d'aggraver la dépendance de l'Etat de Genève. Nous n'avons pas de quoi être fiers. C'est pourquoi je demande une prise de conscience plus large au-delà des invectives, au-delà des campagnes électorales qui sont déjà annoncées sur les bancs de l'Alliance de Gauche, au-delà des mensonges et des slogans, pour qu'une réflexion puisse être entreprise.

Nous vous avons proposé il y a de cela quelque temps des mesures visant à freiner la croissance des dépenses - non pas à combattre la dette, mais simplement à freiner la croissance des dépenses. J'ai vu sur les bancs de gauche des résistances incompréhensibles face à cette simple demi-mesure. Il s'agit aujourd'hui de resserrer les rangs et de faire en sorte qu'ensemble nous puissions trouver les moyens de réduire cette dette, de réduire le déficit de l'Etat afin de donner plus d'indépendance à la République et canton de Genève.

M. David Hiler (Ve). A l'heure d'étudier ces comptes, nous sommes quand même obligés de nous rappeler dans quel contexte le budget a été adopté. Je vous rappelle donc que c'était le budget numéro deux et qu'au terme d'harassants travaux de commission marqués par une série d'amendements proposés par l'Entente et l'UDC - pour la plupart refusés - nous avions abouti à un budget qui comportait déjà quelques mensonges éhontés. Je vous rappelle, par exemple, les 23 millions des emplois temporaires. Le département avait commis une erreur d'estimation. Il l'avait corrigée devant la commission des finances. Cela n'a pas empêché ce parlement de voter un budget sous-estimant, par rapport à la réalité de ce que l'on connaissait à l'époque, de 23 millions le coût des occupations temporaires. La facture a fini par se monter à 28 millions.

De la même façon, 2004 a été l'année où l'on s'est finalement décidé à cesser le jeu qui durait depuis très longtemps concernant l'Hospice Général. Parce que, Mesdames et Messieurs, cela fait un certain temps que je siège à la commission des finances. Eh bien, j'ai toujours vu que les comptes étaient systématiquement plus élevés que le budget pour l'Hospice Général. Non pas parce que l'Hospice fait toutes sortes de bêtises, mais parce qu'au moment des arbitrages budgétaires, sachant que la facture de l'Hospice doit de toute façon être payée de par la constitution, on préférait généralement la sous-estimer. Je précise que cette critique ne s'adresse pas à M. Unger. C'est bien son prédécesseur qui était passé maître dans cet exercice. Une première leçon que nous en tirons est qu'il ne sert à rien de nier la réalité de la crise sociale en n'inscrivant pas les chiffres corrects dans le budget, comme cela a été fait.

Par ailleurs, face à une avalanche d'amendements qui n'avaient aucun sens sinon pour accroître l'écart entre le budget et les comptes - nous nous en rappelons aussi et nous l'en remercions - le Conseil d'Etat s'était battu en juin 2004 avec un certain courage contre sa propre majorité pour que l'on en reste à quelque chose de crédible. Sur ce point, on peut lui rendre hommage et reconnaître qu'il a effectivement limité les dégâts par rapport à des pratiques détestables consistant à couper à peu près au hasard - pratiques qui, opportunément, ne sont pas revenues pour le budget 2005.

Concernant l'exactitude des comptes, l'honnêteté veut que l'on reconnaisse que la question de chiffres flottants à l'administration fiscale dure depuis un certain temps. Il faut que des leçons soient tirées sur l'imprécision et sur la nécessité de réconcilier les chiffres. Je comprends assez bien la prudence du Conseil d'Etat, qui consiste à ne pas prendre le chiffre le plus élevé. En revanche, je dois avouer que je suis plus dubitatif en ce qui concerne la provision. Cette provision - pour que tout le monde comprenne bien - est notée par l'Inspection cantonale des finances au vu des résultats sur le premier paquet de ventes de la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale. Il eût fallu intégrer dans les comptes - et surtout pas dans un budget, soyons clairs - une recette de 200 à 500 millions représentant la dissolution d'une provision excessive. Le Conseil d'Etat ne l'a pas fait alors que l'ICF estimait qu'il aurait dû le faire.

On aurait pu souhaiter - et on le souhaite pour les prochaines années - que ce type de débat puisse être résolu avec l'audit avant le dépôt plutôt qu'après, puisque c'est une question d'évaluation. Pour notre part, compte tenu du fait qu'une partie a déjà été réalisée, il nous semble que l'on aurait dû diminuer la provision sur cette part - donc la faire passer de 500 millions à 200 millions.

Je dois aussi dire que, du temps de Mme Calmy-Rey, j'ai tenu ici un discours favorable à des mesures précautionneuses - on appelait cela les «noisettes» à l'époque - Mme Calmy-Rey ayant bel et bien, il faut le dire, fait quelques réserves sous le nom de provisions. J'ai défendu cette pratique en déclarant qu'elle pouvait aider à lisser les courbes, ce qui n'était pas plus mal. Maintenant, ce qui me préoccupe, c'est qu'il faudrait sortir d'un système qui nous demande de nous prononcer. Parce que, finalement, la décision de diminuer ou non cette provision, donc, d'encaisser ou non la recette, doit être prise par un comptable. Autrement, on ne se trouve pas dans un système d'échéance - et c'est ça, le problème que nous constatons. Nous estimons donc que le Conseil d'Etat aurait dû s'en tenir au bas de la fourchette proposée par l'Inspection cantonale des finances, mais nous appelons surtout à ce que le système fonctionne désormais avec un arbitrage, une discussion entre l'ICF et le Conseil d'Etat au moment de l'établissement des comptes. Parce que, fondamentalement, le but de l'ICF n'est pas d'être un censeur de la République, mais bien de faire en sorte que les procédures, les comptes et tout ce qui entoure le processus budgétaire et d'établissement des comptes soient améliorés d'année en année.

Pour que ce soit clair, je m'empresse de dire que le fait de passer ces 200 millions dans les comptes n'aurait strictement rien changé au déficit structurel d'environ 350 millions que nous connaissons. Nous estimons que, puisqu'il existe des normes comptables, il faut les appliquer et, si possible, les préciser, de sorte qu'il n'y ait plus guère qu'à choisir entre la fourchette inférieure et la fourchette supérieure. Les 300 millions de déficit posent un vrai problème; il ne s'agit pas de le nier. Nous constatons simplement qu'avec la recette extraordinaire - qu'il eût selon nous fallu passer en 2004 - de 200 millions, la recette extraordinaire de 500 millions qui sera passée en 2005 (il s'agit de l'or de la BNS) la politique que nous avons toujours préconisée, soit la réduction de la progression des dépenses sur le long terme, était plus lente mais aussi plus saine et aurait permis d'éviter beaucoup de référendums, beaucoup de bagarres et beaucoup d'immobilisme. Plus que jamais, ces comptes nous rappellent que l'important est de réduire le déficit structurel, pas à pas, en jouant à la fois sur les recettes et sur une réduction raisonnable de la croissance des dépenses - et non des dépenses elles-mêmes.

M. Jean-Marc Odier (R). Tout d'abord, j'aimerais dire que, même si nous sommes de part et d'autre dans l'adversité, à peine nous commençons les débats dans cette enceinte, nous constatons un manque de respect des députés entre eux. C'est dommage. Si l'on peut concevoir qu'il y ait des dérapages le soir à 23 h, j'appelle cette assemblée à faire preuve ce matin d'un peu plus de retenue et d'un peu plus de respect.

Je remercie M. le rapporteur Guy Mettan d'avoir élaboré en peu de temps un rapport adéquat. Le groupe radical acceptera ces comptes, même si nous avons quelques réserves et réflexions à leur sujet. Notre première réflexion concerne les recettes des personnes physiques, qui sont en diminution malgré une augmentation de la population. Nous attirons l'attention de cette assemblée sur la nécessité de disposer d'un contrôle sur la qualité des contribuables - et notamment des nouveaux arrivants à Genève. Nous avions abordé cette question lors de la présentation des comptes, mais il est vrai que nous n'avons pas mené une grande réflexion à ce sujet lors des travaux de la commission des finances.

Les impôts sur les personnes morales augmentent, avec également une réévaluation des actions de la Banque. Nous pensons que cela est tout de même bon signe au niveau des entreprises. Du côté des recettes, nous constatons que, si nous ne bénéficiions pas d'une entrée exceptionnelle en matière d'impôt sur les successions, nous nous trouverions en dessous des prévisions 2004.

Quant aux charges - qui dépassent le budget d'un peu plus de 150 millions - il faut constater qu'elles sont particulièrement liées au domaine social. Alors certes, on peut entendre les remarques faites par M. Hiler s'agissant de l'évaluation des charges sociales au moment du budget, mais ce n'est pas un fait nouveau - et il faut bien constater, sans le critiquer pour autant, que les charges sociales sont en constante évolution. L'Hospice, le chômage, l'OCPA, le logement, l'AVS et l'assurance-maladie sont responsables de 115 millions sur les 157 millions du dépassement total par rapport au budget. Nos préoccupations principales concernent donc ce domaine.

En ce qui concerne la dette, elle augmente de près d'un milliard pour atteindre bientôt les 12 milliards. Si l'on ne fait rien, on va voir Genève s'enfoncer inexorablement. J'aimerais donc bien que l'on parle des risques incontrôlables, puisque ces risques sont les premiers à devoir être contrecarrés. Je pense notamment aux risques liés au domaine social, dont les prestations répondent à des lois fédérales et cantonales. Un deuxième risque incontournable et non maîtrisable est l'intérêt sur la dette, un troisième, les transferts de nouvelles charges de la Confédération aux cantons.

Face à cette situation, je constate que Genève s'endort. Il y a une certaine torpeur, et nous n'assistons pas à de grandes réactions de la part du Conseil d'Etat, qui n'a pas pris l'initiative de mesures structurelles. Si des mesures structurelles sont proposées, elles viennent premièrement du Grand Conseil. Cela ne me paraît pas normal, notamment pour un instrument sur lequel nous fondons pas mal d'espoir: le frein à l'endettement... (L'orateur est interpellé.)Oui, c'est un projet du Conseil d'Etat, mais je vous signale qu'avant le projet du Conseil d'Etat, il y a eu quatre ou cinq projets de partis différents qui demandaient un frein aux dépenses et une réduction de l'endettement. Même si les instruments proposés n'étaient pas forcément les mieux adaptés, il y a une volonté de la part du Grand Conseil de mettre un frein aux dépenses - et ce frein aux dépenses me semble tout à fait nécessaire. Cet instrument permettra de proposer à la population une autre solution que l'augmentation des revenus ou les baisses de prestations - car proposer en votation des diminutions de prestations d'un côté, des augmentations de revenus de l'autre provoque chaque fois une réponse négative de la part du souverain, ce qui est normal si l'on se met à la place des individus. Cependant, nous avons la responsabilité de l'Etat et nous devons trouver des solutions pour l'Etat.

Si les défis de demain sont nombreux - je pense notamment au développement durable, mais je pourrais en citer bien d'autres - le défi actuel consiste à éviter que Genève ne sombre. Il nous faut absolument revitaliser Genève. Hier soir, vous avez entendu notre collègue René Koechlin quitter ce parlement après vingt ans. L'un de ses messages était qu'il n'y a pas d'Etat social sans prospérité. Je crois que tout le monde peut être d'accord sur ce point. Nous avons donc besoin à Genève d'une croissance - une croissance raisonnable - et non de l'immobilisme que nous connaissons actuellement. Nous avons besoin d'un chef du département de l'aménagement qui trouve des solutions, qui montre une réelle volonté sans se réfugier derrière un carcan législatif qui, certes, existe, mais qui, nous semble-t-il, l'arrange bien.

Le second point qu'il faudrait revoir, ce sont les institutions. Je pense en premier lieu à notre fonctionnement et à celui du Conseil d'Etat, dont le système collégial n'est plus adéquat. Nous avons besoin d'un exécutif dans lequel une personne serait dotée de plus de pouvoir pour aller de l'avant. Que ce soit dans un sens ou dans un autre, la population jugera, mais nous devons aller de l'avant, et non plus avoir sept chefs de département qui travaillent davantage pour leur département qu'à trouver des solutions rapides pour éviter que Genève ne sombre. Si nous voulons éviter de provoquer à très court terme une crise entre contribuables et contribués, Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, vous devez trouvez rapidement des mesures structurelles qui permettent d'éviter que Genève ne sombre !

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Il y a une année, le Grand Conseil s'est livré à une bataille rangée concernant le budget 2004. Elle a duré 30 heures et a abouti à ce budget d'austérité censé entrer dans le carcan du plan financier quadriennal. A cette époque, les socialistes avaient dénoncé, et ils continuent de le faire, les coupes qui ont notamment été effectuées dans les soins à domicile, dans les dépenses sociales, dans la solidarité internationale et même dans le développement durable dont vient de se prévaloir M. Odier. Que constatons-nous une année plus tard et après l'adoption du budget 2005 qui est de la même veine ? Eh bien, nous constatons que les prévisions ne correspondaient pas à la réalité que notre canton vit et que, en votant le budget 2004, on a volontairement fait l'impasse sur les besoins de la population, car les dépassements constatés étaient tout à fait prévisibles.

S'agissant de l'Hospice Général, cela a déjà été cité tout à l'heure, mais il faut le rappeler, car le rapporteur de majorité lui-même le reconnaît: le dépassement de 45 millions a notamment pour cause une augmentation des dossiers d'assistance. Le rapporteur reconnaît aussi que le nombre des dossiers d'assistance n'a fait qu'augmenter depuis les années 2000. Cela n'a pas empêché les partis de l'Entente, qui se veulent tellement responsables, et l'UDC de renoncer à prévoir une enveloppe plus importante pour l'Hospice Général. Ils l'ont laissé plonger dans les chiffres rouges en l'accusant ensuite de mauvaise gestion. Cela ne les a pas empêchés non plus de vouloir raccourcir la durée des emplois temporaires - tentative qui a heureusement échoué devant le peuple.

C'est cette politique irresponsable qui revient à négliger le niveau de chômage que connaît notre canton et qui refuse de reconnaître qu'une partie des travailleurs et travailleuses de ce canton n'arrivent plus à boucler leur budget et doivent faire appel à l'aide sociale ou à des subsides catégoriels comme l'allocation logement ou à des subsides à l'assurance-maladie. Il ne sert à rien de verser des larmes de crocodile tout en refusant de prendre la mesure des vrais problèmes économiques et sociaux que doit affronter notre canton et de ne proposer comme remède contre le déficit et la dette du canton que les mêmes incantations et des coupes sociales.

Il faut rappeler une fois de plus que la population de notre canton a augmenté d'environ 15% en dix ans et que cela a des conséquences en terme de dépenses publiques. Cela signifie aussi que notre canton - quoi qu'on en dise - reste attractif et que la question de la fiscalité n'a pas grand-chose à voir là-dedans. C'est en maintenant une bonne qualité de vie, un bon niveau d'instruction et une certaine sécurité que l'on pourra maintenir cette attractivité. C'est la gauche qui défend ces éléments contre le démantèlement voulu par la droite.

A partir de 2002, le canton a connu une baisse de la conjoncture qui s'est effectivement répercutée négativement au niveau des recettes. Cela est couplé, il faut le rappeler encore une fois, aux baisses d'impôts voulues par les libéraux. Ces mêmes libéraux - M. Spielmann l'a dit - continuent... (L'oratrice est interpellée.)Oui, mais proposées par les libéraux de façon totalement populiste et démagogique ! Et les libéraux, qui n'ont pas réussi à faire venir de nouvelles entreprises et à doper l'économie grâce à ces baisses d'impôts, continuent, dans une sorte de volonté monomaniaque, de vouloir faire baisser les impôts ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)C'est marqué noir sur blanc dans votre «magnifique» tout-ménage qui a coûté... (Commentaires.)«Magnifique», j'espère que vous en voyez l'ironie...

Une voix. Non...

Mme Laurence Fehlmann Rielle. Non ? Eh bien voilà, vous êtes encore un peu plus aveugles. Ma foi, je laisse ça à votre responsabilité. Vous continuez à promouvoir de façon irresponsable des baisses d'impôts. Vous avez vu que ça ne fonctionnait pas, mais vous continuez et on va dans le mur. En résumé, on ne peut pas avoir des finances saines quand on diminue les recettes et que, parallèlement, la conjoncture dicte des augmentations de charges.

Concernant les comptes, je trouve cocasse de voir que la droite a décidé d'accepter les comptes 2004 alors que l'année dernière, elle avait utilisé un certain nombre d'arguments pour refuser les comptes 2003. Le groupe radical notamment - puisque M. Odier vient de s'exprimer - avait justifié son refus par le manque de crédibilité des prévisions, puisqu'il avait relevé un écart de 500 millions entre les résultats des comptes 2003 et les prévisions budgétaires. Or, que constate-t-on aujourd'hui ? Avec les comptes 2004, il y a un écart encore plus grand, puisqu'il y a à peu près 652 millions d'écart concernant le compte administratif. On estimait à l'époque que c'était inadmissible et, tout à coup, on trouve cela tout à fait acceptable. Et pourquoi ? Tout simplement parce qu'à l'approche des élections, on veut essayer de montrer que l'on gère la crise. Vous êtes majoritaires au Grand Conseil et au Conseil d'Etat et, tout d'un coup, vous avez une interprétation opportuniste des finances publiques.

Pour notre part, nous reconnaissons qu'il n'y a pas d'irrégularité dans ces comptes, mais le faible degré de fiabilité entre les prévisions et la réalité des chiffres conduit le groupe socialiste à s'abstenir sur ces comptes.

M. Pierre Weiss (L). Dans cette séance qui, pendant de longues heures, va nous amener à faire le point sur les comptes, qu'il me soit tout d'abord permis de dire qu'en réalité et en résumé de mon intervention, les morts ont permis à Genève d'être réanimée. En effet, si les comptes se trouvent aujourd'hui dans la fourchette voulue par le plan financier quadriennal, c'est grâce à des impôts successoraux providentiels - si l'on peut parler de providence lorsqu'il s'agit de mort.

J'aimerais tout d'abord remercier M. Mettan pour son excellent rapport. Un rapport qui nous montre un côté peut-être un peu rose de la réalité. Il est vrai que la croissance des dépenses a été freinée. Il est vrai qu'il y a eu de bonnes surprises du côté des recettes. Il est vrai que la croissance de la dette a été freinée. Cependant, les dépenses ont continué à croître, les recettes sont pour partie providentielles et l'insuffisance de financement est de plus de 800 millions. Plus que le déficit, voilà un chiffre qui doit nous inquiéter aujourd'hui.

Je tiens aussi à remercier M. Mouhanna pour son rapport. Ce rapport est un hommage rendu à la vertu: à la vertu du retour à des finances publiques saines. Un hommage rendu, aussi, à l'action du Conseil d'Etat car, lorsqu'il dit noir, il faut voir blanc. En ce sens, l'action menée par un Conseil d'Etat critiqué est précisément l'action que la majorité de ce Parlement a souhaitée. Le Conseil d'Etat a mené cette action à l'issue - M. Hiler l'a rappelé - de débats qui ont été très difficiles, conflictuels, mais où une majorité claire s'est dégagée dans l'adoption du budget 2004. Les citoyens, je crois, s'en souviendront.

On peut évidemment se livrer à un certain nombre de commentaires sur ces comptes. D'abord le fait que, s'il n'y avait pas eu ce retour à davantage de sagesse vers moins de différence entre les recettes et les dépenses, le risque d'une mise sous tutelle de notre Etat aurait pu devenir réalité. C'est une chose dont, non pas nos parents, mais nos grands-parents ont eu l'expérience avant la guerre lorsque l'Etat de Genève a été mis sous tutelle. C'est quelque chose que nous devons éviter car, lorsque la courbe des taux d'intérêt repartira à la hausse, on se rendra bien compte des coupes à effectuer - des coupes bien plus sévères que celles que nous avons timidement tenté d'adopter. Ce jour-là, il faudra venir expliquer à la population les résultats de notre imprévoyance - et je me réjouis d'entendre ceux qui aujourd'hui nous critiquent expliquer de quelle façon ils ont, au contraire, été les fossoyeurs de notre République.

On peut aussi regretter - petite remarque critique - qu'en dépit de la date tardive à laquelle le budget a été adopté, il y ait eu pour 150 millions de variation par rapport aux données du budget du côté des dépenses et 160 millions du côté des recettes. Cependant, si l'on met ces variations en regard de l'importance du budget - à savoir, plus de 6,5 milliards - on se rend compte qu'il s'agit là de montants relativement réduits. En résumé, sur cette partie de mon intervention, je dirai tout simplement qu'il y a une maîtrise partiellement retrouvée, mais qu'il faudra poursuivre nos efforts. Je crois savoir que le budget 2006 représentera un gros effort puisque nous l'avons décidé - ou, plus précisément, le peuple genevois l'a décidé. A l'issue de l'exercice 2005, le déficit sera supérieur de plus de 100 millions à ce que nous avions adopté ici - c'est-à-dire qu'au lieu d'avoir environ 290 millions de déficit, nous dépasserons les 400 millions.

Je passe maintenant à quelques remarques sur les propos de certains de mes collègues. D'abord, bien entendu, des remerciements à M. Spielmann, qui a fait une publicité tout à fait méritée pour le parti libéral. Ce qu'il a vu dans le rapport que le parti libéral a diffusé à l'ensemble de la population est tout à fait exact. Il y a, en effet, un Etat excessif. Il y a, en effet, une impasse dans le domaine du social. Il y a, en effet, une pénurie de logements. Il y a, en effet, une croissance en berne. Il y a donc effectivement une dégradation de notre situation, et je ne partagerai pas l'optimisme de Mme Fehlmann Rielle sur la négligence que l'on pourrait avoir vis-à-vis de la fiscalité. La fiscalité est l'une des conditions-cadre qui conduit certaines entreprises à venir s'établir ici, qui retient certains contribuables de faire ce pas, qui en amène d'autres à partir. Mais, Madame Fehlmann Rielle, avouez au moins une chose: en matière d'impôts, vous et moi partageons la même manie. Vous nous avez accusés d'être monomaniaques. Vous aussi vous l'êtes puisque, luttant contre la consommation d'alcool, vous voulez, au fond, assécher les caisses de l'Etat.

En ce qui concerne les propos de mon collègue M. Glatz, j'aimerais pouvoir être d'accord avec lui. J'aimerais croire que l'on pourra trouver à la fin du jour cet accord qu'il appelle de ses voeux, mais il y a deux visions de la société qui sont présentes ici: la vision de ceux qui entendent faire augmenter les dépenses de façon irresponsable et la vision de ceux qui entendent, au contraire, retrouver la maîtrise de nos recettes et de nos dépenses. Le parti libéral se situe résolument de ce côté et il adoptera résolument, et les comptes, et le rapport de gestion.

M. Pierre Kunz (R). Mesdames et Messieurs les députés, vous savez combien j'ai depuis toujours été critique à l'encontre des pratiques comptables douteuses en vogue à l'Etat de Genève depuis des décennies. Aujourd'hui, je me plais à dire que, si tout n'est pas encore pour le mieux dans le meilleur des mondes comptables possibles, les choses sont en très nette amélioration, surtout grâce au travail remarquable de l'ICF. La comptabilité publique est de mieux en mieux tenue. Elle est de plus en plus juste et honnête - et ce sont ceux qui, comme le rapporteur de minorité, prétendent que les chiffres sont faux, que la comptabilité est tenue d'une manière vicieuse et orientée qui ne sont pas honnêtes. Cette attitude est rationnellement incompréhensible, sauf à conclure que ceux-là ne pensent qu'à masquer aux Genevois le fait que Genève dépense trop, le fait que nous vivons au-dessus de nos moyens et que nous courons tout droit à la catastrophe financière et aux drames sociaux.

Mesdames et Messieurs, mon collègue Jean-Marc Odier vous a fait part du sentiment général du groupe radical au sujet des comptes 2004. Ils voudraient, ces radicaux, attirer votre attention sur deux points qui doivent retenir plus particulièrement l'attention du parlement: tout d'abord, le malaise de la fonction publique et ensuite - il faut bien y revenir - la dette publique brute. Suite à plusieurs interpellations et interventions de députés - notamment de votre serviteur, il y a quelques mois - le Conseil d'Etat s'est préoccupé de l'absentéisme au sein de l'administration cantonale. Il a fourni à la commission des finances quelques chiffres qui, s'ils doivent encore être analysés et expliqués - et le Conseil d'Etat s'y emploie - illustrent ce que nous disions, à savoir que le taux d'absence des employés de l'Etat de Genève est nettement supérieur à celui du secteur privé et très probablement nettement plus élevé que le taux des autres cantons. Hors DIP, le taux genevois moyen d'absentéisme est de 6,35%, avec des pointes à 7,19% ou 6,77% pour certains départements. Celui du DIP se situe, lui, à 5,52%. Je ne veux pas vous abreuver de chiffres, mais il est bon de savoir que le taux d'absentéisme du primaire, où il y a beaucoup de problèmes, est de 6,2%.

Mesdames et Messieurs, ces chiffres sont très préoccupants, d'abord en termes financiers, bien sûr, puisque qu'un pourcent d'absentéisme de plus ou de moins représente 40 millions de francs de plus ou de moins pour les contribuables. Ensuite et surtout parce que le taux d'absentéisme met en évidence, plus que bien d'autres indicateurs, le fait que la gestion des ressources humaines de l'Etat est inadéquate et que le statut actuel de la fonction publique est bien plus destructeur que protecteur. Il est donc urgent de le moderniser afin qu'il réponde mieux aux aspirations des collaborateurs de l'Etat.

En second lieu, Mesdames et Messieurs, vous ne serez pas surpris que nous insistions une nouvelle fois sur l'énormité de la dette publique qui, en 2004, a fait un nouveau bond de 900 millions pour atteindre officiellement 12,4 milliards et plus de 18 milliards si l'on prend en compte les engagements hors bilan. Certains - ils sont nombreux surtout sur les bancs d'en face - continuent à nier les conséquences de cette situation. Je pense que ça vient du fait qu'ils sont tout simplement incapables de visualiser ce que signifient ces sommes astronomiques. Alors, qu'ils me permettent de leur proposer un petit exercice - qui sera d'ailleurs très utile pour l'ensemble de la population genevoise.

Mesdames et Messieurs, qu'est-ce qu'un million ? Un million, ce n'est rien du tout, contrairement à ce que vous prétendez. Ce n'est rien d'autre qu'un paquet de 14 centimètres de billets de 1 000 francs, quand ils sont neufs. Ce n'est rien du tout. Qu'est-ce qu'un milliard ? Cela représente 140 mètres. Cela représente un jet d'eau en billets de 1 000 francs. Mesdames et Messieurs, la dette publique genevoise est équivalente à 12,4 jets d'eau en billet de 1 000 francs ! (Applaudissements.)J'espère que, maintenant, vous comprenez mieux ce que cela signifie. (L'orateur est interpellé.)Avant que cette réalité ne nous douche, n'est-il pas temps que nous fermions quelques robinets ? N'est-il pas temps que nous fermions ces robinets que vous persistez à vouloir laisser couler à flots ? (Applaudissements.)

Présidence de M. Michel Halpérin, premier vice-président

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Le Conseil d'Etat se réjouit d'être dans la cible par rapport aux objectifs qu'il s'était fixés dans le cadre du plan financier quadriennal qui vise l'équilibre financier pour le budget 2007. En effet, au lieu des 392,6 millions de francs attendus, les comptes 2004 affichent 322,6 millions de déficit de fonctionnement. Mais les raisons de cette amélioration relèvent globalement, soit de facteurs non prévus ou non maîtrisés, soit d'économies réalisées sur les prestations et les conditions de travail du personnel. La publication des comptes 2004 illustre les effets sur la situation sociale et économique du canton et de ses habitantes et habitants d'une politique génératrice d'inégalités.

Les dépenses supplémentaires étaient-elles vraiment inattendues ? Premier constat, les dépenses sociales sont largement supérieures à ce que la majorité parlementaire et le Conseil d'Etat avaient budgété. L'Hospice Général: plus 46 millions; l'office cantonal des personnes âgées: plus 11,7 millions; les allocations logement: plus 6,6 millions; les provisions pour les subventions assurance-maladie: plus 4,1 millions; et pour l'office cantonal de l'emploi: plus 14 millions.

Malgré les blocages d'effectifs et les atteintes aux mécanismes salariaux, les charges de personnel ont également été supérieures aux prévisions, essentiellement du fait de l'explosion du nombre d'emplois temporaires, donc des personnes en fin de droit du chômage employées par les services publics ou parapublics.

Autrement dit, entre l'augmentation des besoins sociaux en terme de prestations financières - Hospice, chômage, prestations complémentaires OCPA AI - ou en terme de services à la population, les objectifs du plan financier quadriennal n'ont pas été atteints. Le développement de la précarité a généré des besoins auxquels les services publics ont dû répondre. Ce n'est donc pas au chapitre des charges qu'il faut chercher les raisons de l'embellie.

Le déficit moindre est-il à chercher du côté des recettes ? Oui, mais la nouvelle n'est pas si bonne que cela. Le revenu de l'impôt sur les personnes physiques est en chute libre par rapport à ce que prévoyait le budget. Cette différence s'explique par la baisse de revenu que connaît la majorité des habitants du canton. La bonne surprise vient de l'impôt sur les entreprises, qui rapporte plus que ce qui avait été budgété.

Le chapitre des recettes des comptes 2004 n'est donc pas une source de réjouissance. Il révèle l'appauvrissement d'une majorité de la population malgré l'enrichissement des entreprises, voire d'une minorité de particuliers qui bénéficient de manière exagérée des baisses d'impôts.

Quelles sont les conséquences pour l'avenir des finances ? Cette rapide analyse démontre que l'amélioration des finances cantonales ne peut, aux yeux de la gauche et des syndicats qui sont au front pour défendre les travailleuses et les travailleurs ainsi que les plus défavorisés, constituer une fin en soi.

En effet, le déficit moindre ne doit pas dissimuler le fait que les dépenses sociales continuent à exploser et que les nouvelles recettes ne sont pas liées à l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés, mais à des entreprises qui non seulement accroissent leurs bénéfices, mais exercent un chantage parfois grossier en menaçant de délocaliser leur production ou leur raison sociale pour payer moins d'impôts.

Les dépassements, tant sur les dépenses que sur les recettes par rapport au budget 2004, démontrent que le plan financier quadriennal est un leurre socialement dangereux et budgétairement intenable.

M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. J'ai été pris à partie à plusieurs reprises, notamment par M. Gautier. Je me rends compte que, comme un vilain garçon, il frappe dans le dos avant de s'enfuir... J'aurais aimé qu'il soit là, parce que... (L'orateur est interpellé.)Monsieur Weiss, vous êtes un spécialiste des vilenies et vous n'avez qu'à aller chercher votre collègue M. Gautier pour que je puisse lui répondre de vive voix. Je commence par M. Gautier, mais vous allez passer à tour de rôle, Monsieur Weiss, rassurez-vous... (L'orateur est interpellé.)

M. Gautier déclare que les éléments se trouvant dans le rapport de minorité sont faux. Il n'a pas donné un seul exemple de quelque chose qui soit faux. Il est simplement passé comme chat sur braise sur cet élément. Il déclare que j'aurais tenu des propos complètement faux concernant les provisions. Il n'a certainement pas lu mon rapport, car je cite Mme Brunschwig Graf lors de la présentation des comptes 2002. Mme Brunschwig Graf avait dit à peu près ceci - ce n'est peut-être pas à la lettre près: elle avait déclaré qu'elle aurait pu présenter un résultat avec un déficit de plus de 100 millions alors que l'exercice en question était censé présenter un boni. Je rappelle également que, à l'époque du monocolore, les provisions étaient de l'ordre de 100 millions en tout. Avec Mme Micheline Calmy-Rey, on est passé à environ un milliard de provision. Eh bien, s'il n'y avait pas ce milliard de provision ou, plutôt, si on avait fait des provisions à cette hauteur à l'époque du monocolore, les déficits auraient été non pas de 500 millions en moyenne, mais de 700 à 800 millions.

Je vous rappelle simplement que c'est vous qui êtes aux affaires depuis très longtemps - alors que, à vous entendre, on dirait que c'est nous, les quelques députés de gauche, qui sommes au pouvoir. Parlons du chômage, Mesdames et Messieurs: le chômage genevois est actuellement le plus élevé de Suisse. Mais qui est le responsable du département de l'économie ? C'est M. Lamprecht, un PDC. Pendant les années 90, Genève avait également le chômage le plus élevé en Suisse. Or, qui était le responsable du département de l'économie ? C'était M. Maitre, un PDC. Quand on parle de déficit et de dette, qui était ministre des finances pendant les années 90 ? Eh bien, c'était M. Vodoz, un libéral, et c'est maintenant Mme Brunschwig Graf, une libérale. Quant à M. Kunz, il nous parle de ses positions par rapport aux comptes. Mais je vous rappelle que M. Robert Ducret, conseiller d'Etat issu du parti radical, a les réserves les plus grandes et les critiques les plus sévères à l'encontre, précisément, de ses collègues radicaux. M. Kunz sait ce que M. Ducret pense de lui quand il s'agit de parler des finances et du fonctionnement de l'Etat.

Les gens qui ont fait quelque chose de tout à fait correct ne sont pas cités pour leurs compétences ou quelque chose de ce genre. En revanche, plus le déficit est gros, plus la dette est grosse, plus on soutient l'approbation des comptes et les résultats en question. Le déficit ? Mais c'est vous, le déficit ! La dette, c'est vous ! Le déficit social, c'est vous ! Le déficit démocratique, c'est vous ! (L'orateur est interpellé.)L'Etat social ? Monsieur Weiss, voilà ce que dit le document ignoble de vos sous-marins pour les élections: «Clairement, l'Etat social actuel n'est ni moral, ni durable.» Pour vous, l'Etat social n'est pas moral. Par contre, ce qui est moral selon vous, c'est que des gens puissent gagner des millions et des millions en supprimant des milliers d'emplois !

Monsieur Weiss, vous avez parlé de ce plan financier quadriennal qui, d'après vous, est dans la cible grâce aux morts. De deux choses l'une, Monsieur Weiss: ou bien vous considérez - comme moi d'ailleurs, sur ce plan-là peut-être est-on d'accord - que la disparition de certains multimillionnaires peut rapporter gros à l'Etat - peut-être souhaitez-vous que l'on aille de plus en plus dans cette direction, peut-être que l'Etat sera renfloué - ou bien vous considérez que le plan financier quadriennal est une mascarade parce qu'il ne tient pas la route. Pourquoi ne tient-il pas la route ? Parce que vous avez tout fait pour qu'il n'y ait pas de redressement des finances de la République. Vous avez creusé des trous énormes dans les recettes. Avec les 12%, c'est plus de 400 millions de recettes en moins. C'est plus que le déficit ! Vous prétendez que vous avez freiné la dette, mais vous avez tout fait pour qu'il n'y ait pas de baisse de la dette. Vous prétendez avoir freiné le déficit ? Eh bien, regardons ! On nous dit que le déficit est de 322 millions alors que ce n'est pas le cas - c'est peut-être plus. Mais, Messieurs...

Une voix. Et l'insuffisance de financement ?

M. Souhail Mouhanna. L'insuffisance de financement ? Mais c'est vous qui avez créé tout ça ! Eh bien, je vais vous dire, Mesdames et Messieurs de la droite, qu'en ce qui concerne les comptes de l'Etat, quand je dis que rien n'est juste et que vous prétendez que je dis n'importe quoi... Je vous mets au défi de rendre publics les rapports de l'ICF et je revendique cette demande... Je demande que soient rendus publics les rapports de l'ICF pour que l'on voie si les chiffres que je donne sont corrects. De toute façon, les chiffres qui se trouvent dans mon rapport sont extraits des comptes de l'Etat et du rapport de gestion de l'Etat. Tout le monde peut le vérifier.

Le président. Monsieur le rapporteur, il faudra bientôt conclure !

M. Souhail Mouhanna. Je vais conclure. Par conséquent, vous alignez des mensonges chaque fois qu'il s'agit de discuter de vos méfaits. Vous n'avez aucune preuve que vos propos soient autre chose que des mensonges. (Brouhaha.)En revanche, s'agissant des preuves que nous vous donnons, eh bien, là, vous faites semblant de ne rien voir et de ne rien entendre. En tout cas, vous ne comprenez rien à rien !

Le président. Monsieur le rapporteur, votre temps de parole est épuisé.

M. Souhail Mouhanna. J'en finis avec cela, Monsieur le président. Vous, eh bien, vous savez tout sur rien et vous ne savez rien sur tout !

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de majorité. Je m'étais promis de rester zen et de ne pas m'agacer. J'ai réussi à le faire pendant les premières interventions, mais, là, je sens que je m'agace un tout petit peu à écouter les propos tenus jusqu'ici par certains. Je ne vais pas, comme M. Spielmann, invoquer M. Bush et les Etats-Unis, ni même MM. Staline et Mao pour examiner les comptes. (L'orateur est interpellé.)Vous avez parlé des Etats-Unis tout à l'heure, je ne vois pas ce qu'ils viennent faire là-dedans. Moi, je m'intéresse uniquement à ce qui se passe dans les comptes du canton de Genève. J'aimerais notamment répondre à M. Mouhanna, qui semble faire grand cas du rapport de l'Inspection cantonale des finances. Ce rapport a effectivement relevé un problème de réconciliation des comptes à propos de l'exercice 2002-2003, mais M. Mouhanna oublie totalement - et c'est là l'exemple même des manipulations auxquelles ont peut assister - de citer la page 6 du rapport détaillé de l'ICF, qui dit ceci...

M. Souhail Mouhanna. Je l'ai signalé au tout début !

M. Guy Mettan. ...qui dit donc ceci: «Nous notons également, dans le cadre des rapports départementaux sur le compte d'Etat 2004, que 124 observations formulées lors du compte d'Etat 2003 ont été réglées via la mise en oeuvre de nos recommandations.» Premier point. «Tout en formulant les réserves et remarques mentionnées dans le chapitre du présent rapport, nous recommandons au Grand Conseil l'approbation des comptes annuels et du bilan de l'Etat de Genève arrêtés au 31 décembre 2004.» Monsieur Mouhanna, si vous faites si grand cas du rapport de l'ICF, votez les comptes comme cela est recommandé et lisez tout ! Lisez aussi la page 16, qui est très instructive, puisque l'Inspection cantonale des finances y constate que l'article 7 de la loi générale sur l'administration des finances possède une lacune et que cette lacune doit être complétée par l'adoption d'un frein aux dépenses. Il est explicitement inscrit qu'il faut «prévoir des mesures en cas de non-respect des objectifs fixés. Ces mesures peuvent prendre la forme de réduction des dépenses, d'augmentation des revenus, voire d'une prorogation des délais pour atteindre l'équilibre si la situation économique l'exige. Or nous relevions qu'un tel dispositif n'existe pas.» - et c'est ça qui est important: «Finalement, en complément à notre observation, il sied de souligner que le dispositif visant au respect de l'article 7 de la LGAF pourrait être complété d'un dispositif visant spécifiquement le maintien de la dette à un montant considéré comme souhaitable.» Monsieur Mouhanna, je vous remercie d'ores et déjà de voter le frein au déficit lors de notre session de septembre !

J'aimerais aussi faire une remarque à l'extrême gauche, qui ne cesse de se féliciter des bons résultats des années 1998 à 2001 pendant lesquelles elle était majoritaire: je tiens quand même à souligner que ces bons résultats ne doivent strictement rien à la prétendue bonne gestion de la gauche, mais doivent tout aux entreprises privées, au secteur privé qui, grâce à son travail, a pu payer des impôts que la gauche a engrangés. C'est grâce à la gestion - vous y avez fait référence - de MM. Maitre et Lamprecht, ministres de l'économie, qu'un milliard de francs supplémentaires de recettes fiscales a pu être engrangé pendant cette période. Les 300 millions que vous ne cessez de nous rabâcher sur les 12% pèsent, vous en conviendrez, très peu face à ce milliard qui a pu être engrangé grâce à notre travail.

J'aimerais aussi revenir sur l'année 2003. On parle sans arrêt de cette année 2003 en disant n'importe quoi. Je tiens à vous rappeler que, ce budget 2003, c'est vous qui l'avez voté - et ce budget prévoyait un boni de 30 millions. Et que s'est-il passé avec ce budget 2003 présenté par Mme Calmy-Rey et voté par vous ? Il s'est soldé par un déficit de 431 millions de francs et par un accroissement de la dette de 1,5 milliards. C'est une catastrophe absolue qui s'est produite grâce au budget que vous avez voté. Alors, dans ces conditions, nous préférons que vous ne votiez pas les budgets, car ça se termine en catastrophe ! (Rires et applaudissements.)

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, présidente

M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Ce que je trouve inadmissible, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que M. Mettan lise quelques paragraphes du rapport de l'ICF...

M. Guy Mettan. On avait dit qu'on ne le faisait pas, mais je l'ai fait.

M. Souhail Mouhanna. Monsieur Mettan, pour être honnête, il faut accepter - je l'ai demandé - que ces documents soient transmis aux médias et que la population puisse en prendre connaissance. C'est comme toujours quand on prend un texte: on extrait un ou deux paragraphes et on peut complètement modifier le sens. Eh bien, la meilleure chose à faire, c'est tout simplement de rendre publics les rapports de l'Inspection cantonale des finances. Voilà: il faut absolument tout rendre public - et je l'ai toujours demandé. On verra ainsi ce que ces documents comportent, quels sont les éléments véritablement importants et quels sont ceux qui ne le sont pas. Quand on parle des éléments décrits dans ce rapport, certains chiffres sont extrêmement clairs. Vous parlez de déficit mais, quand on parle de 183 millions que l'on ne sait pas où mettre, je suis désolé de vous dire qu'approuver les comptes, c'est certifier que ces chiffres sont corrects. Eh bien non, on ne peut pas accepter ces comptes quand des centaines de millions sont ventilés sur des exercices qui ne sont pas les bons et quand on nous certifie que les recettes correspondent justement à ces exercices. Eh bien non, on ne peut pas dire cela ! On ne peut pas accepter ce genre de certification pour des comptes qui sont faux - comme le souligne d'ailleurs l'Inspection cantonale des finances. (L'orateur est interpellé par Mme Brunschwig Graf.)Ils sont faux, Madame, et vous le savez ! J'ai précisé tout à l'heure que vous n'étiez pas mise en cause en tant que chef de département. Les chiffres ne sont pas ceux qui correspondent aux exercices de référence, un point c'est tout. L'Inspection cantonale des finances le dit, et je demande que son rapport soit rendu public. J'aurai l'occasion de revenir à la charge.

Pour terminer, Monsieur Mettan, quand vous dites que vous commencez à bouillonner parce que maintenant ça suffit, eh bien, le charlatanisme politique a atteint avec vous un tel degré... (Brouhaha.)Un tel degré que vous seriez capable d'essayer de vendre un caillou sur une plage pleine de cailloux !

La présidente. S'il vous plaît, nous parlons des comptes, Monsieur Mouhanna !

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Quelle étrange discussion. A la commission des finances, au moment du débat et de l'adoption des comptes, cette question a été évoquée par l'ensemble des députés. Une discussion ouverte a eu lieu avec l'Inspection cantonale des finances sur le statut du rapport de l'Inspection cantonale des finances et sur la façon dont ce rapport pouvait être traité ou non dans un débat public.

Premièrement, l'ensemble des députés présents à la commission ont constaté que le rapport recommandait d'approuver les comptes. M. Bordogna, directeur de l'Inspection cantonale des finances, a répété à deux reprises qu'il confirmait cette opinion, de la même façon qu'il a tenu à souligner - ce qui figure d'ailleurs dans le rapport - que la présentation des comptes et leur mise en conformité s'amélioraient de façon constante depuis plusieurs années. S'agissant des problématiques qui ont été soulevées, notamment celle de la comptabilisation des impôts, elles relèvent d'un problème qui a été évoqué dans les comptes de l'Etat et dont l'Inspection cantonale des finances a fait mention à plusieurs reprises, y compris en 2000, 2001 et 2002. J'ai d'ailleurs fait une présentation à ce sujet aux deux députés qui ont visité mon département l'année dernière, et ce problème a également été évoqué à la commission des finances.

Cette problématique n'a rien à voir avec de l'incompétence ni avec quoi que ce soit d'autre. Elle a affaire avec un système de réconciliation qui doit retrouver un certain nombre d'éléments, tout simplement parce que nous devons faire cohabiter sur le plan informatique un ancien et un nouveau système de récolte des informations. Au lieu de passer dans les comptes un certain nombre de montants sans les contrôler plus avant - ce que nous aurions pu faire de façon inopinée - nous avons estimé utile de les mettre sur un compte d'attente - non pas que cela change d'ailleurs en quoi que ce soit le résultat de cette année par rapport à une autre.

Le jour même où l'on articulait les montants en question, j'ai eu l'occasion de dire que les travaux de réconciliation qui se poursuivaient avaient déjà fait diminuer le montant de 183 millions à 35 millions. Si nous ne l'avons pas mis dans le compte au moment du bouclement des comptes 2004, c'est que j'avais pris l'option d'arriver à boucler la totalité des éléments de réconciliation pour pouvoir les donner de façon claire dans les comptes 2005. Ce n'est pas un problème nouveau. C'est si peu un problème nouveau, Mesdames et Messieurs les députés, que vous avez, avec les comptes 2000, pendant la législature précédente et en vous satisfaisant des boni dont certains se vantent dans cette enceinte, enregistré 107 millions pour la régularisation des personnes physiques - 107 millions de recettes inscrites qui étaient dues à un élément de réconciliation des comptes en 2000.

On peut dès lors gloser pendant dix ans pour savoir si c'est une incompatibilité ou une incompétence en matière de gestion. Nous avons très soigneusement expliqué ce qu'il en était, et tous ceux qui ont compris ont aussi saisi que la seule façon de parvenir au bout de ce problème était d'arriver au bout de l'explication de l'ensemble et de passer les écritures. Nous nous y sommes engagés et, dans les comptes 2005, vous pourrez examiner ces écritures de façon totalement transparente. Le débat n'a pas porté sur le fait que des montants mystérieux arrangeraient ou non les comptes: le débat a porté sur la nécessité d'arriver au bout d'une opération qui dure depuis plusieurs années.

Deuxièmement, toujours s'agissant de la problématique de l'Inspection cantonale des finances et des exercices, nous sommes en système postnumerando. On peut l'aimer ou le regretter. Cela implique de boucler des comptes sans avoir envoyé la première facture de la charge fiscale concernant l'année que nous bouclons. Cela nous conduit forcément, ne connaissant ni la première facture envoyée, ni les résultats qui peuvent en découler, à devoir passer l'année suivante des écritures correctives si un différentiel est constaté. C'est ce qui s'est produit. Lors de la précédente législature, lorsque vous avez accepté les comptes 2001, il n'y avait aucune production pour des raisons tout à fait évidentes, puisqu'on allait envoyer les factures en 2003.

Si vous regardez honnêtement l'exposé des motifs, vous verrez l'explication de la reprise en 2004 des charges des années précédentes. Ceux qui sont honnêtes verront aussi que, chaque année, on leur fournit les documents des années fiscales restituées pour qu'ils puissent suivre de façon régulière l'évolution des recettes fiscales annuelles.

Vous pouvez polémiquer pendant des heures sur le rapport de l'Inspection cantonale des finances. Pourquoi est-il remis à tous en commission des finances et pourquoi n'est-il pas publié ? Parce que les explications ne peuvent pas être traitées à l'emporte-pièce dans un parlement. On vous l'a expliqué la dernière fois. Cela n'est pas un objet de débat politique. Le jour où vous entamez un débat politique sur cette question, vous conduisez l'Inspection cantonale des finances à formuler ce rapport, qu'elle pensera devenir public, de telle façon qu'il ne constituera plus un outil. Ce rapport est utile, il permet de progresser, mais il n'a pas pour objectif de permettre de se lancer des horions à la figure: il a pour objectif d'aider l'Etat à faire encore mieux. Cela a été constaté ces dernières années. Des progrès constants sont relevés. Nous entendons bien les poursuivre. Cependant, si vous commencez à vous saisir en séance publique des propos tenus dans ce rapport en jetant des paragraphes qui en sont extraits, vous ne rendez pas service à la République - même pas à vos intérêts électoraux. En tout cas, vous faites du mal à l'administration - à laquelle j'aimerais rendre hommage. Le rapport sur les comptes, c'est aussi le moment de dire, quelles que soient les opinions politiques, qu'il y a - et beaucoup sont présents ici - au département des finances et, plus largement, au sein de l'administration dans son ensemble des collaboratrices et des collaborateurs qui travaillent. Le moment des comptes devrait aussi être le moment pour chacun d'entre nous de les remercier de cet engagement et de reconnaître que, quels que soient les résultats financiers, le service public a été conduit, maintenu et amélioré parfois. Ceci mérite aussi d'être relevé. Les gens qui servent l'Etat le font pour le bien de la population. (Applaudissements.)

Maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, et pour aborder rapidement un certain nombre d'éléments qui ont été évoqués, je ne vais pas faire la plaisanterie... Mais si, je vais la faire quand même, après tout: le discours sur «les acquis sociaux, c'est nous et les déficits sociaux, c'est vous» n'a pas la moindre importance. Il y a une réalité qui est présente dans les comptes, réalité que chacun doit prendre en considération. Il y a des difficultés de nature sociale et il y a des lois sociales qui produisent, lorsqu'on les applique, des effets qu'il faut prendre en compte dans les comptes - et ceci a été fait.

Cela n'a pas de sens de critiquer les recettes uniques. Il est vrai, Mesdames et Messieurs les députés, que nous avons eu une succession de 100 millions cette année, mais ceux qui ont voté les comptes 99 n'étaient pas tout à fait fâchés du fait qu'il y en ait eu une de 200 millions qui a permis, cette année-là, d'arriver à un boni d'une dizaine de millions. Je peux continuer longtemps l'exercice qui consiste à montrer que, lorsque l'on rembourse pour 1,5 milliard d'impôt en 2003 et 2004 sur les exercices 2001 et 2002, ce n'est pas la faute de ceux qui doivent enregistrer la dette ensuite. Je dis cela parce que, si on les répercute sur les bonnes années, ce n'est pas une diminution de 500 millions de dette que l'on aurait enregistrée en 2001: c'est une augmentation de 200 millions de la dette. Cela n'a pas de sens de tenir des discours sans regarder dans la continuité. Les lois qui sont votées au début des années 90 portent des effets dans les années 2000 et suivantes. Les lois que vous avez votées pendant la législature 1997-2001 - pour le bien public, certainement - portent aussi des effets dans les comptes et dans les budgets des années suivantes. Cela ne sert donc à rien de refuser de réfléchir aux mécanismes sur lesquels il faudra agir dans le futur.

Les comptes 2004 n'offrent pas de quoi pavoiser. Ils sont le reflet, vous l'avez dit les uns et les autres chacun à votre manière, d'un certain nombre d'éléments et d'événements. Je n'ai pas plus à regretter - et je me garderai bien de le faire - l'augmentation des recettes de l'impôt sur les personnes morales en terme de recettes que celui sur les personnes physiques, qui est aussi le fruit d'ajustements des années antérieures. Mais je tiens à dire que ce n'est pas un enrichissement des personnes morales que l'on doit souligner: c'est le fait qu'il y a, Dieu merci, des entreprises qui dégagent des revenus nous permettant de bénéficier de recettes fiscales. Je vous l'ai dit: 120 entreprises fournissent les trois quarts de l'impôt sur les personnes morales. Remercions ces entreprises et veillons à ce qu'elles puissent le faire demain ! Je vous l'ai dit: 5% des contribuables fournissent la moitié de l'impôt sur les personnes physiques. Sachons les conserver aussi car, en comparaison intercantonale, la charge fiscale actuelle est peu favorable pour les hauts revenus. Elle l'est beaucoup plus - et Genève est en tête - pour les petits, voire pour les moyens revenus. C'est la réalité de notre fiscalité et, si nous voulons réduire nos déficits, si nous voulons assainir les finances de l'Etat, il faudra tenir compte de ces paramètres parce que, sinon, nous allons nous enfoncer. Le Conseil d'Etat et le parlement ont exprimé la volonté de mettre en place l'opération GE-Pilote. Cette opération doit être menée à bien. L'Etat doit devenir encore plus performant. Il doit analyser ses prestations. Mais tout ne se résoudra pas comme cela, et nous aurons encore l'occasion d'en discuter.

Pour terminer, j'aurais voulu faire plaisir à M. Hiler et lui dire que 500 millions de provisions enregistrées comme revenu dans les comptes de l'Etat auraient pu faire bien dans le paysage. Cependant, Mesdames et Messieurs les députés - toujours pour ceux qui ont voté avec enthousiasme les comptes 2000, et j'ai cru entendre d'un côté de ce parlement que l'on avait estimé avoir connu des bonis durant la législature - je n'ai entendu personne sur ces bancs enregistrer un déficit de 2,7 milliards de francs pour l'année 2000. Par conséquent, la provision relative à la Banque cantonale n'a pas été passée dans les comptes ordinaires de l'Etat; nous ne l'avons pas passée dans les comptes ordinaires. Vous comprendrez donc bien que des variations ou des ajustements de provision ne peuvent pas passer non plus dans les comptes ordinaires. Regardez la présentation des comptes de ces années-là: vous verrez qu'il y avait ce qui a été pudiquement appelé un compte numéro deux et que ce qui a été enregistré en terme de provision l'a été dans ce compte et n'a aucun impact sur le compte de fonctionnement de l'Etat. Vous comprendrez donc qu'une provision qui n'a aucun impact sur les comptes ne peut pas non plus, au titre de sa dissolution même provisoire, faciliter la présentation des comptes de l'Etat. Il n'est donc pas possible d'entrer dans cette démarche-là.

La raison pour laquelle nous n'avons pas voulu ajuster la provision - vous avez raison de le préciser - est que, lorsque nous lui avons posé la question au moment de la clôture des comptes, l'ICF nous a répondu: «Nous n'en savons rien.» Et nous n'en savons rien, ont-ils dit, puisque nous n'avons pas encore examiné les comptes. La boucle est donc bouclée, là aussi. Vous aurez à discuter du niveau de la provision avec les comptes 2005, mais ne croyez pas qu'elle améliorera en quoi que ce soit la situation du résultat des comptes 2005.

Je termine en vous disant qu'il y a mieux à faire que de se disputer. On peut critiquer le plan financier quadriennal. On peut lui trouver des défauts - et il en a certainement - mais le fait de s'être donné un plan financier quadriennal nous oblige à définir des objectifs et à faire des efforts. On peut discuter du rythme du plan financier quadriennal, mais plus on discute du rythme et plus on perd du temps, plus on ajoute des années à l'endettement - et c'est bien là notre problème. Deux cents à trois cents millions d'endettement annuel sont provoqués par la Fondation de valorisation, le reste par l'insuffisance de financement que nous entraînons chaque année lorsque nous n'avons pas assez de liquidités - ou, plutôt, de recettes - pour couvrir nos dépenses. Voilà ce qui nous guide. Ce n'est pas le montant de l'endettement: c'est le fait qu'à un moment donné, il réduit la marge de manoeuvre. Ce que personne n'a dit, c'est que la dette a été gérée au plus près, permettant encore des économies là où c'était possible. Le coût de la dette de Genève est le plus bas de Suisse; on ne peut pas faire mieux à l'heure actuelle. Un problème va cependant apparaître si les taux d'intérêt se retournent, parce que les dépenses de l'Etat vont augmenter de 100 millions d'un coup. Cent millions, ça fait mal lorsqu'on ne peut pas les utiliser pour des dépenses nécessaires - et, finalement, c'est cela qui doit nous réunir. Il n'y a pas de dogme aux finances publiques: il n'y a que des réalités et, lorsqu'on a les mains liées et qu'on ne peut plus faire face parce qu'il faut payer les intérêts en priorité, c'est le moment de sonner le tocsin. C'est pour ça que nous avons sonné le tocsin en demandant que l'on trouve, si possible, des accords au-delà des divergences politiques pour mettre fin à ce qui, finalement, n'est pas excusable - car l'économie genevoise ne va pas si mal dans certains secteurs et c'est bien plus difficile ailleurs. Il n'y a aucune raison pour que nous n'arrivions pas à retrouver l'équilibre des dépenses publiques si nous nous en donnons la peine. (Applaudissements.)

La présidente. Nous allons procéder au vote de prise en considération des trois projets de lois. Nous commençons par le projet de loi 9518-A.

Mis aux voix, le projet de loi 9518-A est adopté en premier débat par 39 oui contre 17 non et 21 abstentions.

La présidente. Nous passons au projet de loi 9519-A.

Mis aux voix, le projet de loi 9519-A est adopté en premier débat par 39 oui contre 17 non et 21 abstentions.

La présidente. Nous passons au projet de loi 9520-A.

Mis aux voix, le projet de loi 9520-A est adopté en premier débat par 39 oui contre 17 non et 21 abstentions.

Deuxième débat

Le projet de loi 9519-A est adopté article par article en deuxième débat.

Le projet de loi 9520-A est adopté article par article en deuxième débat.

La présidente. Nous faisons une pause d'un quart d'heure, après quoi nous reprendrons avec le livre jaune. Bonne pause.

Suite du débat sur les comptes 2004: Session 10 (juin 2005) - Séance 57 du 24.06.2005

La séance est levée à 9h50.