Séance du jeudi 9 juin 2005 à 17h
55e législature - 4e année - 9e session - 48e séance

PL 9177-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Rémy Pagani, Christian Grobet, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Anita Cuénod, Jeannine De Haller, Jacques François, René Ecuyer, Jocelyne Haller, Jean Spielmann, Salika Wenger, Nicole Lavanchy établissant le budget administratif de l'Etat de Genève pour l'exercice 2004 (D 3 70)
Rapport de majorité de M. Pierre Weiss (L)
Rapport de minorité de M. Souhail Mouhanna (AdG)

Premier débat

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Mon rapport était particulièrement court. Je crois que je serai encore plus bref que mon rapport en disant qu'il s'agit d'un projet de loi qui concerne l'exercice 2004 et que, sauf erreur, nous sommes en 2005. Nous allons bientôt nous occuper de l'exercice 2006 et je crois que le plus raisonnable serait de couper court à cette discussion qui fait perdre du temps à ce parlement. Mais, si jamais il devait y avoir discussion, je me permettrai d'y revenir.

M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. M. Weiss voudrait qu'il n'y ait pas de débat, il voulait être court sur la question du traitement d'un projet de budget par le Grand Conseil. Je tiens à lui rappeler qu'il s'agit d'un projet de budget déposé par le Conseil d'Etat en septembre 2003, projet dont le Grand Conseil, par sa majorité de droite, a refusé l'entrée en matière. M. Weiss, rapporteur de majorité, qui veut être très court dans son rapport et souhaite réduire le débat que nous entamons sur cet objet, a écrit dans son rapport: «Quant au Grand Conseil, son rôle est en l'espèce de voter le budget, en l'acceptant tel quel ou en l'amendant...» Eh bien, ce qu'il s'est passé en septembre 2003, c'est justement que la majorité de droite du Grand Conseil n'a pas voulu que ce dernier assume ses responsabilités en matière de traitement des budgets ! Comme vous le savez, le traitement d'un budget de l'Etat est l'une des activités essentielles du Grand Conseil. Lors des discussions en question, il a été décidé que le Conseil d'Etat devrait revoir son projet de budget. Le projet de loi que nous avions déposé au début de l'année 2004 reprenait le projet de budget du Conseil d'Etat, dans le but de redonner au Grand Conseil ses prérogatives en matière de traitement du budget de l'Etat. Et nous sommes aujourd'hui - c'est le seul point sur lequel je suis d'accord avec M. Weiss - en juin 2005, et je constate que, au niveau du bureau du Grand Conseil et de la commission des finances, il y a une volonté de freiner tout ce qui gêne une partie de ce Grand Conseil. Je tenais à le souligner.

De quoi s'agit-il ? Il faut rappeler que le projet de budget 2004 a été redéposé par le Conseil d'Etat à la suite du diktat de la majorité de droite qui lui a demandé d'effectuer des coupes budgétaires et lui a imposé un déficit plafonné à 250 millions par un accord entre les trois partis. Le Conseil d'Etat a ensuite présenté un nouveau projet de budget, le 2004 bis, qui a été déposé au mois d'avril 2004 et a été voté au mois de juin 2004, après six mois de douzièmes provisoires. Le projet de budget du Conseil d'Etat n'a pas respecté le plafonnement du déficit à 250 millions. Les partis de droite se sont activés pour ajouter des coupes à celles effectuées par le Conseil d'Etat qui a décidé, pour répondre aux exigences de la droite, de couper dans un certain nombre de prestations et de s'attaquer à nouveau aux conditions de travail et au salaire du personnel de la fonction publique. Mais la droite a jugé que ces mesures n'étaient pas suffisantes et qu'il fallait en ajouter. C'est ce qui a été réalisé par un certain nombre d'amendements déposés par les partis de l'Entente et soutenus par l'UDC. Ces amendements prévoyaient des coupes un peu partout, par exemple à l'Hospice général - 4,5 millions - à l'Hôpital - 20 millions... On a eu l'occasion d'en voir les résultats. On coupe dans des choses en sachant que cela ne sert à rien, puisque des lois obligent le canton à assurer certaines prestations. Par contre, tout ce qui était défavorable au personnel a été appliqué, notamment les 20 millions de l'Hôpital - la droite avait indiqué qu'il s'agissait de rendre caduc l'accord signé par la direction de l'Hôpital et les syndicats.

Pour le reste, la droite cherchait à rendre crédible son approbation d'un projet de budget qui ne respectait pas son exigence de plafonner le déficit à 250 millions. D'ailleurs, dans les chiffres qui nous ont été présentés concernant le budget 2004, on voit que les prétentions de la droite étaient de la pure tartufferie, puisque la droite savait très bien que les mesures ne pourraient pas être prises sur le plan légal. Par conséquent, le déficit actuel dépasse à nouveau très largement les 320 millions.

En tout cas, je tiens à relever que, lorsqu'il s'agit d'utiliser les déficits pour renforcer la politique de démantèlement social et d'attaque contre les prestations et contre le personnel, les déficits ont une valeur absolue.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Tout d'abord, je remercie mon honorable interlocuteur de m'avoir cité. Il aurait pu ajouter que la compétence de déposer le budget appartient au Conseil d'Etat, ce qui figure également dans mon rapport.

Par ailleurs, nous ne devons pas confondre la discussion sur le budget 2004, pour autant qu'elle ait un sens, avec une discussion sur les comptes 2004, a fortiori avec une discussion plus générale sur le fonctionnement de l'Etat et sur son évolution.

J'aimerais simplement vous dire, Madame la Présidente, qu'il y a beaucoup d'occasions où j'aurai plaisir à discuter encore, y compris à ce banc, avec M. Mouhanna, mais je crois qu'en l'espèce nous tombons dans l'académisme. Je ne suis pas certain que nous rendions service à notre ordre du jour et à la République.

M. Alberto Velasco (S). Je comprends ce que M. Weiss vient de dire: effectivement, ce budget a été voté et le rapport fait référence à une date qui est déjà passée. Néanmoins, nous devrons tout à l'heure prendre position, et le groupe socialiste votera pour le rapport de minorité. Nous devrons expliquer pourquoi. Si nous ne pouvons pas voter le rapport quant à la forme, nous pouvons nous exprimer quant à son fond. Comme l'a dit M. Mouhanna, le contexte dans lequel le budget a été voté était particulier, Monsieur Weiss ! Et nous ne pouvons pas adhérer à ce contexte. Une majorité élue au Grand Conseil n'a pas suivi sa majorité élue au Conseil d'Etat lors de la présentation du budget. Nous avons trouvé cela incroyable. Ce qui est tout aussi incroyable, c'est que cette attitude a été maintenue tout au long de l'année suivante. Et l'esprit de ce fameux mois de juin 2004 persiste, nous l'avons vu à l'occasion du dernier budget.

M. Mouhanna a raison puisque, effectivement, si l'on prend pour exemple la coupe de l'Hospice général, vous savez très bien, Monsieur Weiss, qu'il a fallu ajouter presque 40 millions supplémentaires à l'Hospice alors que le budget avait été diminué de 5 millions. Telle est l'irrationalité du travail fait à l'époque: refuser de travailler sur le budget du mois de décembre, obliger le Conseil d'Etat à présenter un nouveau budget six mois plus tard et refuser ce budget en faisant des coupes supplémentaires. Coupes inutiles, puisqu'il a fallu modifier le budget et venir plus tard avec des rallonges. A cause de cette manière de décider de l'emploi des deniers de la République, le groupe socialiste votera le rapport de minorité. Il nous semble important de dire à M. Weiss et au groupe Libéral que nous souhaitons exprimer par ce vote notre refus de la politique menée depuis lors. Nous aurons l'occasion de nous exprimer encore à ce sujet lors du traitement du projet de loi sur le frein aux dépenses.

M. David Hiler (Ve). Des exposés excellents et fournis des uns, et très brefs des autres, il apparaît deux erreurs. La première, c'est qu'à l'évidence ce rapport aurait dû être voté en même temps que le budget 2004. La deuxième, c'est que, dès lors qu'il n'a pas été voté et qu'il a perdu tout objet - excusez-moi de vous le dire, puisqu'on a déjà un budget 2004 et que la prochaine discussion aura lieu au sujet des comptes - il aurait dû être retiré. Mais je pense que c'est la première erreur qui est déterminante. Rappelons ce qui s'est passé: une partie de la commission, l'Alternative, dont Les Verts, souhaitait partir du premier projet de budget du Conseil d'Etat. La majorité souhaitait partir du second. Nous sommes en démocratie et la majorité l'a emporté. On aurait donc dû revenir avec les deux rapports et clore cet objet. Les Verts n'interviendront pas sur le fond puisque, sauf erreur, nous avons encore à traiter le frein à l'endettement, la Cour des comptes, et, dans deux semaines, les comptes 2004.

Nous nous contenterons de prendre la position qu'il sied lorsqu'on nous pose une question idiote: c'est-à-dire que nous nous abstiendrons !

M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Si nous discutons aujourd'hui de ce rapport et de ce projet de loi, ce n'est pas de notre fait, je l'ai dit au début: notre projet de loi avait été déposé au mois d'avril 2004, avant l'adoption du projet de budget du Conseil d'Etat en juin 2004 et même avant le dépôt du second projet de budget du Conseil d'Etat. Par conséquent, ce n'est pas de la faute des auteurs du projet de loi si le rapport n'est traité qu'aujourd'hui. D'ailleurs, je vous signale que le rapport avait été déposé le 12 juin 2004 - il y a une année, à deux jours près. Cela étant dit, je relève que je lis dans le rapport de majorité de M. Weiss, sous «Le vote de la commission», quelque chose qui me surprend: «L'acceptation, chronologiquement antérieure, par l'unanimité de la commission des finances du projet de loi 9264 du Conseil d'Etat (projet de budget 2004 bis) rendit encore plus vain le maintien du projet de loi 9177...» Je m'étonne que M. Weiss parle d'unanimité ! Je n'ai jamais voté le projet de budget du Conseil d'Etat 9264. Comment pouvez-vous écrire ce genre de choses, Monsieur Weiss ? (Remarque de M. Pierre Weiss.)J'espère que vous allez le dire dans le micro, car il est important que cela soit su !

Monsieur Weiss, vous avez dit que je confondais le budget et les comptes... Non, Monsieur ! Simplement, quand je regarde le budget 2004 que vous avez voté - et que nous n'avons pas voté - je vois que, dans les chiffres officiels de l'Etat, le déficit est de 329,7 millions et des poussières - si l'on peut dire «poussières» quand il s'agit de centaines de milliers de francs... Eh bien, je constate que la droite, qui prétendait ne jamais voter un budget dont le déficit dépasserait les 250 millions, a voté, justement, un budget dont le déficit le dépasse de presque 80 millions ! Il y aurait beaucoup à dire là-dessus. Je rappelle également que c'est la droite qui a voté les budgets les plus déficitaires de l'histoire de Genève ! (Commentaires.)Mais justement, c'était la droite qui gérait. Alors, il ne faut pas reprocher aux autres d'être responsables ! C'était la droite qui était majoritaire au Grand Conseil, au Conseil d'Etat, et même dite «monocolore» au Conseil d'Etat pendant la législature de 1993 à 1997. Je ne sais pas ce qu'il vous faut !

Je vous donne quelques chiffres: en 1993, presque 500 millions; en 1994, plus de 400 millions; en 1995, près de 400 millions; en 1996, plus de 450 millions... (Brouhaha.)En 1997, pratiquement 600 millions; en 1998, le déficit a commencé à baisser: 360 millions, etc. (Remarques. Brouhaha.)Et, avec votre actuelle majorité, vous reprenez la course vers les déficits ! En 2003: 459 millions; en 2004: 322 millions, avec la dette qui s'envole. Voilà votre oeuvre !

Concernant l'actuel projet de loi, bien sûr, il est sans objet, mais il ne nous appartenait pas de le retirer, puisque le rapport avait été déposé. La responsabilité incombe donc à celles et ceux qui ont fait qu'un projet de loi déposé il y a plus d'un an ne paraisse que maintenant devant le Grand Conseil. Je suis tout de même satisfait que cette occasion de plus de nous permettre de dénoncer la politique hégémonique et antisociale de la droite qui essaie par tous les moyens de bâillonner l'opposition. (Remarques. Brouhaha.)Voilà une occasion de transgresser les consignes et les exigences de la droite !

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Pendant que mes collègues rejoignent leur banc pour s'exprimer sur cet important objet, je voulais simplement me permettre de dire que, lorsque j'ai écrit que le projet de loi 9264 avait été adopté à l'unanimité, j'aurais dû ajouter «des présents». Il y avait sans doute des absents, ce qui expliquerait qu'il n'y a pas eu d'opposition. Il conviendrait donc de vérifier la façon dont la séance s'est tenue.

Pour le reste, je crois que nous avons débattu intensément de cette question et que nous allons en décider maintenant. Simplement, en ce qui concerne le groupe libéral, cela se passera différemment: nous portons la même appréciation que mon collègue David Hiler, du groupe Les Verts, mais, au lieu de répondre par l'abstention, nous répondrons par l'opposition.

Je m'étonne de ce que vient dire M. Weiss. Il vient de me dire hors micro que c'est effectivement une erreur, et j'ai demandé qu'il le dise au micro. Maintenant, il dit qu'il faut vérifier... Je m'étonne qu'un rapporteur de majorité ne vérifie pas ce qui s'est passé dans une commission quand il rédige son rapport. Je tenais à le préciser.

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous allons procéder au vote d'entrée en matière du projet de loi 9177.

Mis aux voix, ce projet de loi est rejeté en premier débat par 43 non contre 28 oui et 9 abstentions.