Séance du
jeudi 28 avril 2005 à
10h10
55e
législature -
4e
année -
7e
session -
40e
séance
PL 8858-A
Deuxième débat
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que nous avons commencé à traiter ce projet de loi dans la précédente séance et que vous en avez accepté la prise en considération. Monsieur le rapporteur de minorité, vous voulez ajouter quelque chose ?
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Oui, merci, Madame la présidente. Nous avons discuté avec mon collègue Christian Grobet de l'amendement que j'ai présenté, dont le but était simplement de rétablir la situation antepour protéger le département de toute procédure qui viserait à légaliser les plans d'affectation adoptés avant le 15 novembre 1999. Mais on s'est aperçu que la loi telle que libellée aujourd'hui n'était pas claire. C'est pourquoi je retire le premier amendement que j'ai présenté, en faveur d'un nouvel amendement visant à clarifier cette notion, pour éviter que des recours ne soient interjetés - comme je viens de le dire. C'est en effet un débat extrêmement technique.
Mon amendement consiste simplement à ajouter une deuxième phrase à l'article 11, alinéa 2, lettre c). En voici la teneur: «La dérogation ne peut pas être accordée pour les alignements fixés dans les plans d'affectation du sol adoptés avant le 15 novembre 1999, si les alignements dérogent à la loi.»
La présidente. Je reformule vos propos. Vous voulez supprimer le premier amendement concernant l'article 11, alinéa 2, première phrase: on l'oublie. Et vous nous proposez un nouvel amendement, que je n'ai pas encore en main. Il va être distribué et, pendant ce temps, je donne la parole à M. Christian Grobet.
M. Christian Grobet (AdG). Il y a un principe qui est toujours délicat à interpréter, à savoir déterminer à quel moment on peut appliquer des dérogations et dans quelles conditions.
La loi sur les forêts fixe un certain nombre de règles en ce qui concerne les distances à respecter par rapport à la forêt. Par le biais de l'article 11, on souhaite introduire des possibilités de dérogations par rapport à la loi actuelle. On peut, par une loi spéciale ou par une décision spéciale, déroger à une loi si c'est prévu expressément. Cela ne me pose pas de problème que l'on puisse accorder une dérogation en adoptant un plan localisé de quartier, ou un plan de zone, ou un plan d'alignement.
Par contre, cela pose problème pour les plans d'affectation du sol qui sont antérieurs à la loi sur les forêts qui est entrée en vigueur le 15 novembre 1999. Je m'explique: si l'on traite d'un plan localisé de quartier ou d'un plan de zone qui remonte aux années 1970 et qui prévoit une distance de 15 mètres de la forêt alors que, normalement, elle doit être de 30 mètres, je considère qu'un tel plan ne devrait pas pouvoir déroger à la loi entrée en vigueur le 15 novembre 1999. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)
En d'autres termes, les plans d'affectation du sol antérieurs à la date du 15 novembre 1999 ne devraient pas pouvoir appliquer des dérogations. Il faudrait à ce moment-là adopter un nouveau plan d'alignement, ce qui n'est pas compliqué. Mais, je le répète, il serait tout de même assez choquant que des plans d'affectation du sol relativement anciens puissent déroger à une loi votée postérieurement. J'estime que ce serait violer le principe selon lequel c'est la dernière loi adoptée qui fixe la règle. Et les dispositions antérieures à la loi ne devraient pas pouvoir être appliquées sans que de tels plans ne soient modifiés ou qu'un plan d'alignement ne le soit. Et l'introduction du plan d'alignement dans l'article 11 permet, précisément, d'accorder une dérogation si cela se justifie.
On sait que, normalement, les plans d'affectation du sol devraient être réexaminés tous les cinq ans. C'est évidemment quelque chose d'impossible à faire... C'est pour cette raison - parce que les plans d'affectation du sol ne sont pas mis à jour régulièrement - que certains plans comportent des dispositions qui sont devenues obsolètes.
Je soutiens par conséquent l'amendement de M. Pagani.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Je dois vous prier, Madame la présidente, de m'excuser... En fait, je vous ai demandé de supprimer le premier amendement sur l'article 11, alinéa 2, première phrase, mais, en réalité, le débat que nous menons maintenant porte sur l'article 11, alinéa 2, lettre c). Je m'excuse platement et je vous prie de revenir sur ce que je vous ai dit tout à l'heure. Je vous demande donc de bien vouloir prendre en considération le premier amendement que j'ai déposé au sujet du «préavis favorable» et de revenir ensuite sur ce dont nous venons de discuter et que vient d'évoquer M. Grobet.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Vous ne me simplifiez pas la vie... Monsieur le député, René Koechlin, je vous donne la parole.
M. René Koechlin (L). Merci, Madame la présidente. A propos de ce débat, je voulais tout de même relever que les circonstances changent et que les motivations s'inversent au fil du temps, des années. Et l'on peut vraiment se poser des questions concernant les règles de distance à respecter par rapport aux forêts.
Je vous rappelle en effet, Mesdames et Messieurs, qu'à l'origine la Confédération - à la demande des CFF - a voulu que soit respectée une certaine distance par rapport aux forêts, notamment lors de la construction de voies ferrées, pour protéger précisément les voies ferrées contre des chutes intempestives d'arbres ou de branches. Puis, cette règle a été étendue aux constructions pour protéger les constructions - les constructions ! - contre d'éventuelles chutes d'arbres ou de branches, lors de certains phénomènes naturels, comme le cyclone qui a frappé notre pays il y a quelques années.
Et puis, maintenant, la motivation de cette règle est inversée et on dit qu'il faut respecter cette distance non plus pour protéger les constructions mais pour protéger ces «chères forêts»... Mesdames et Messieurs, on ne sait plus très bien de quoi on parle ! Je trouve ce débat ridicule ! Je vous assure qu'on peut construire à 10 mètres d'une lisière de forêt sans porter du tout atteinte à la forêt en question. Par contre - et c'est ce qui me paraît extrêmement important - si les arbres atteignent 15 ou 20 mètres, une construction peut en effet être en danger si elle n'est pas éloignée d'autant. C'est cette motivation de sécurité qui est essentielle et à laquelle, à mon avis, nous devons rester attachés. Il est par conséquent possible de déroger à la règle des 30 mètres en fonction de la hauteur des arbres en lisière d'une forêt et du caractère de la construction, en considérant les risques que celle-ci pourrait courir en étant placée à moins de 30 mètres de la lisière en question.
Mesdames et Messieurs, je vous demande de revenir à la raison et de tenir compte des circonstances qui ont motivé ces règles d'alignement et de distance par rapport aux lisières des forêts et de ne pas inverser ces motivations. Pour moi, c'est un faux débat, et on se trompe d'objectif !
Cela dit, je ne peux pas soutenir l'amendement de M. Pagani, parce que je pense qu'il faut pouvoir déroger à la loi s'il y a une bonne raison de le faire. Par contre, en cas de risque réel, il faut rester prudent et ne pas octroyer de dérogation. Il me semble, pour ma part, qu'il appartient à l'exécutif, et en particulier au département responsable de ces questions, d'être très attentifs aux risques encourus en approchant trop une construction d'une lisière de forêt. C'est une appréciation qui doit être faite de cas en cas, et il ne faut pas généraliser et fixer cette limite dans une loi.
M. Christian Grobet (AdG). Je voudrais vous répondre, Monsieur Koechlin... Je dois dire que je suis quelque peu étonné des propos que vous venez de tenir.
Il est certainement vrai qu'au départ - je ne mets pas en doute votre affirmation - c'est pour des questions de sécurité qu'une distance minimum par rapport aux chemins de fer a été fixée. Mais, entre-temps, Monsieur Koechlin, que vous adhériez ou non à cet objectif, la loi sur les forêts - déjà sur le plan cantonal - en portant la distance de construction à 30 mètres par rapport à la lisière de la forêt, a voulu précisément tenir compte de considérations environnementales et de protection de la nature.
Depuis lors - j'attire votre attention sur ce point, Monsieur Koechlin - la loi fédérale sur les forêts a été adoptée, et cette loi-là est extrêmement stricte, puisqu'elle prévoit que les peuplements boisés sont d'une surface relativement modeste, et que, sur le plan fédéral, on considère que la distance minimale de construction est de 25 mètres. Donc, nous sommes de toute façon liés par le droit fédéral. Que ce droit fédéral vous plaise ou pas, il en est ainsi ! C'est vrai qu'à Genève cette limite minimale de 25 mètres a été portée à 30 mètres, mais il faut, quoi qu'il en soit, respecter l'exigence du droit fédéral.
Vous n'étiez peut-être pas là tout à l'heure, lorsque nous avons discuté d'un amendement proposé par M. Pagani à l'article 11: j'ai dit que j'estimais normale la suppression de la référence à des lois en force; par contre, et je persiste à le dire, ce que je trouve anormal, c'est que des dispositions qui ne respectent pas le droit fédéral et la loi cantonale puissent être applicables, je dirai, à titre rétroactif.
Il me semble que cette question doit être clarifiée, d'où le nouvel amendement de M. Rémy Pagani, qui renonce, par contre, à modifier le début de la lettre c) de l'alinéa 2 de l'article 11.
M. Mark Muller (L), rapporteur de majorité ad interim. Je regrette un peu la tournure de ce débat. Ces aspects techniques auraient en effet dû être examinés en commission, d'autant plus que les travaux de commission ont été assez longs et que le libellé de ces dispositions a été très détaillé. Je le répète, je regrette que ce débat se fasse maintenant.
Cela étant, les amendements, notamment ceux présentés par M. Pagani, m'inspirent les remarques suivantes.
Dans son premier amendement, M. Pagani demande de lier l'octroi d'une dérogation au préavis favorable de la commune concernée... Vous le savez, la pratique en usage dans le canton consiste à consulter les communes. Elles peuvent donner un préavis positif ou négatif, mais cela reste un préavis. S'il faut que le préavis de la commune soit positif, cela revient à donner un droit de veto à la commune, ce qui ne se justifie pas - dans ce domaine plus encore que dans d'autres. Je propose, pour conserver une certaine unité de notre système, d'en rester à la pratique habituelle, c'est-à-dire que la commune est consultée et le département décide, en tenant compte du préavis de la commune quel qu'il soit.
Je propose également le rejet du deuxième amendement proposé par M. Pagani. Et cela, pour deux raisons: tout d'abord, à mon sens, il n'apporte pas grand-chose, puisque ce que nous voulons, c'est pouvoir déroger par le biais d'un plan qui doit suivre une procédure assez lourde sur le plan administratif. Il n'y a donc pas de danger que l'on remette en cause des droits acquis. Le libellé issu des travaux de commission me paraît un garde-fou suffisant. D'autre part, je dois avouer que je ne comprends pas très bien le sens de l'amendement de M. Pagani. Si le département devait l'appliquer ou, encore pire, si des tribunaux devaient être appelés à trancher des litiges relatifs à l'application de cet amendement, je craindrais fort que ne règne une très grande incertitude. Dès lors que cet amendement n'apporte à mon sens rien sur le fond, je propose de ne pas le retenir et de le refuser.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Monsieur le rapporteur, le premier amendement demande un préavis favorable non seulement de la commune, mais, aussi, de la commission consultative de la diversité biologique, de la commission des monuments, de la nature et des sites et du département de l'intérieur, pour que ce dernier puisse accorder une dérogation... Je suis catégoriquement et définitivement opposé à cette proposition: une telle exigence nous ligoterait complètement ! Autant remplacer mon département par un petit ordinateur et saisir les préavis ! La responsabilité politique ne pèserait plus sur les décisions prises. Je ne pense pas que vous puissiez vouloir une chose pareille ! Je vous demande donc avec force de rejeter ce premier amendement.
Le deuxième amendement concerne la validité des plans antérieurs à 1999. Cela pose à juste titre une question de sécurité du droit, car on ne peut pas retirer, par exemple, des droits à bâtir sur des plans sans faire en sorte que des situations antérieures - dont on ne veut plus qu'elles se produisent et qui ont motivé une nouvelle loi - puissent tout de même se produire.
A partir de là, je ne suis pas sûr que cet amendement résolve ce problème, parce que, de toute façon, en matière de plans d'affectation - et cela nous complique bien la tâche - les tribunaux exigent qu'ils soient relativement récents pour être valables. D'ailleurs, la validité même de tous ceux qui ont été adoptés sans la procédure prévue par la LAT et par la LaLAT est discutable. Il me semble donc qu'il faudrait éviter d'être trop catégorique dans un sens ou dans un autre, et, pour ce faire, il ne faut pas accepter cet amendement. Car ce qui va se produire, Monsieur Pagani, c'est qu'en cas de doute on va forcément passer par un nouveau plan d'alignement pour éviter l'incertitude juridique de la validité du plan précédent.
Nous sommes fondamentalement d'accord sur le fait que, dans un système dérogatoire, il convient d'être strict dans les cas de dérogations. Et, dans un tel cas, il faut un instrument de planification soumis à la procédure démocratique d'adoption d'un plan d'affectation.
Dès lors, je propose de ne pas résoudre la question de la date de validité des plans, comme vous le faites. Je propose de conserver le texte initial issu des travaux de la commission.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement proposé par M. Pagani à l'article 11, alinéa 2, première phrase. Cette première phrase ne figure pas dans le projet de loi tel qu'issu des travaux de la commission, mais vous pouvez la trouver au verso de la feuille d'amendement qui vous a été distribuée. Cet amendement consiste à remplacer «après consultation» par «sur préavis favorable». Il se lit ainsi: «Le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement peut, sur préavis favorable du département, de la commune, de la commission des monuments, de la nature et des sites et de la commission consultative de la diversité biologique, accorder des dérogations pour: ...». Je vous soumets cet amendement au moyen du vote électronique.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 60 non contre 3 oui et 4 abstentions.
La présidente. Nous passons au deuxième amendement déposé par M. Pagani à l'article 11, alinéa 2, lettre c), nouvelle teneur. Monsieur le rapporteur de minorité, je vous donne la parole.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. On se trouve dans une situation paradoxale, puisque j'étais l'un des artisans du compromis que nous avons trouvé en commission - il fallait bien sortir d'une situation difficile... Je le rappelle, il était question au départ de «s'accaparer», entre guillemets, les droits à bâtir hypothétiques de la forêt pour augmenter les droits à bâtir des terrains vierges. J'ai pris note de la déclaration de M. Moutinot selon laquelle, lorsqu'il y aura litige sur des dérogations antérieures à 1999 - si j'ai bien compris - une procédure pour un nouveau plan d'affectation sera engagée. J'espère que les juges qui devront trancher sur une question de cet ordre reliront le Mémorial et respecteront la volonté de notre parlement, telle qu'elle a été exprimée par le département. Par conséquent, je retire mes amendements.
La présidente. Vous retirez également le deuxième amendement... (M. Rémy Pagani acquiesce.)Parfait !
Mis aux voix, l'article 11, alinéa 2, lettre c) (nouvelle teneur) est adopté.
La présidente. L'article 11... (M. Grobet interpelle la présidente.)Monsieur le député, votre amendement vient ensuite... Ce n'est pas très simple, mais je crois que c'est juste.
Nous sommes saisis à l'article 11, alinéa 4 (nouveau), d'un amendement de M. Christian Grobet. Ce texte vous a été distribué, il consiste à ajouter «du taux», ce qui donne: «Les surfaces sur lesquelles il n'est pas possible d'implanter des constructions, en vertu de l'alinéa 1, entrent dans le calcul du taux de l'utilisation du sol...». Monsieur Christian Grobet, je vous donne la parole.
M. Christian Grobet (AdG). Excusez-moi, Madame la présidente, mais, malheureusement, j'ai noté «alinéa 4» par erreur... Ah, non, il s'agit bien de l'alinéa 4 !
Cet amendement est tout à fait cosmétique. En effet, il est écrit que les surfaces entrent dans le calcul de l'utilisation du sol, alors qu'on parle d'habitude «du taux d'utilisation du sol».
Par ailleurs, en général on ne parle pas de «plans qui se superposent»... Il s'agit simplement d'indiquer qu'un terrain se trouve à l'intérieur d'une zone à bâtir.
Je voulais apporter ces deux précisions pour nous en tenir aux termes généralement utilisés en la matière. Je crois que M. Muller pourra le confirmer.
La présidente. Je vous remercie. Monsieur le député, René Koechlin, je vous donne la parole, mais uniquement sur cet amendement.
M. René Koechlin (L). Oui, Madame la présidente, j'interviens uniquement sur cet amendement.
J'approuve la remarque de M. Grobet: il faut voter cet amendement. Toutefois, la terminologie qui figure dans la loi n'est plus «le taux» mais «l'indice». Alors, si vous êtes d'accord, il faudrait remplacer «taux» par «indice».
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. J'accepte cet amendement sous la forme «d'indice d'utilisation du sol». C'est effectivement plus cohérent.
La présidente. Dans un premier temps, je vous soumets l'amendement proposé par M. Grobet à l'article 11, alinéa 4 (nouveau). Il consiste à remplacer les mots «de l'utilisation» par «de l'indice», ce qui donne: «Les surfaces sur lesquelles il n'est pas possible d'implanter des constructions, en vertu de l'alinéa 1, entrent dans le calcul de l'indice de l'utilisation du sol...».
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 67 oui (unanimité des votants).
La présidente. Je vous soumets le deuxième amendement qui porte sur la fin de la même phrase du même article. Le voici: «...pour autant qu'elles soient situées dans une zone à bâtir adoptée conformément aux buts...».
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 64 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 11, alinéa 4 (nouveau), ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 8858 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 8858 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 47 oui contre 10 non et 13 abstentions.