Séance du
jeudi 21 avril 2005 à
20h30
55e
législature -
4e
année -
7e
session -
35e
séance
M 1597
Débat
M. Olivier Vaucher (L). La commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) a étudié cette proposition, suite à différents entretiens qu'elle a eus avec le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme à Genève, tout d'abord avec le prédécesseur de M. Sergio Vieira de Mello et ensuite avec M. Sergio Vieira de Mello lui-même. Ce dernier reconnaissait la très grande utilité, dans un canton comme Genève, siège de multiples organisations internationales et, de surcroît, siège du Haut Commissariat aux Droits de l'Homme des Nations Unies, d'un enseignement des Droits de l'Homme dans nos écoles. Pourquoi ?
Aujourd'hui, la jeunesse, nous l'avons évoqué en début de soirée par les différentes motions que nous avons traitées, connaît des regains de violence. Nous pensons qu'il est nécessaire que l'on inculque, auprès des jeunes, ce que sont les Droits de l'Homme. Ces derniers se divisent d'ailleurs en trois chapitres: les droits de l'enfant, les Droits de l'Homme et leur application.
Tout d'abord, en commission, j'avais proposé qu'il y ait un cours à chaque niveau de l'enseignement. Au primaire, les droits de l'enfant; au secondaire, les Droits de l'Homme; au supérieur, l'application de ceux-là.
Je regrette que le président du département concerné ne soit pas là ce soir pour parler de cette motion. Nous devons relever qu'il y a, aujourd'hui déjà, de nombreuses écoles ou de nombreuses commissions scolaires ou groupes de professeurs qui ont fait des séminaires, des cours, mais à titre individuel et non pas à titre collectif. Beaucoup de choses se font donc à Genève mais il serait souhaitable que cela soit institutionnalisé, cela, je le répète, car Genève est la «capitale» des Droits de l'Homme. Genève, ville internationale; Genève, ville du respect des Droits de l'Homme. C'est pour cela que la commission a travaillé sur cette motion, comme je l'ai dit au départ, en collaboration avec le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme.
Bien entendu, à mes yeux, je dois vous le dire, Madame la présidente, et à regret, nous n'avons pas retenu ce que j'avais souhaité au départ, c'est-à-dire l'enseignement des trois parties à chaque niveau scolaire.
Nous avons déposé une motion de l'ensemble de la commission qui demande d'envisager cet enseignement dans nos écoles genevoises. Je n'allongerai pas plus longtemps. Je pense que cet enseignement est indispensable et j'espère... (Le député regarde en direction des conseillers d'Etat.)Y a-t-il un conseiller ? Ah oui, il y a une conseillère d'Etat ! J'espère que le renvoi au Conseil d'Etat de cette motion permettra aux conseillers d'Etat concernés de donner une suite favorable et constructive à celle-là. En effet, nous le répétons: il est indispensable, tant au regard de la violence que nous trouvons dans nos écoles qu'au regard de l'application des Droits de l'Homme en général - nous parlions encore tout à l'heure du respect. Je crois qu'il est important que nous puissions aller de l'avant avec une motion qui permettra de généraliser et d'institutionnaliser l'enseignement de ces Droits de l'Homme dans les écoles genevoises.
Au niveau des organisations internationales qui siègent à Genève, il sera notoirement reconnu de savoir que l'Etat de Genève se préoccupe d'enseigner ces droits dans les écoles.
C'est pour cela, Mesdames et Messieurs les députés, que l'ensemble de la commission vous demande de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, de manière qu'il y donne une suite nécessaire et favorable. (Applaudissements nourris.)
La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants.
M. Georges Letellier (HP). J'ai déposé un amendement sur cette proposition de motion, je pense que cela a été signalé. Après les débats, nourris mais malheureusement stériles, sur la violence à l'école, j'enchaîne avec l'enseignement des devoirs à l'école, qui est une des réponses au problème posé et qui fait l'objet de mon amendement.
«Vis en fonction de ta conscience car à la fin, c'est elle qui te juge !» Pour celui qui a toujours pratiqué cette maxime au plus près de sa conscience, s'entendre dire que les devoirs sont compris dans les droits est durement ressenti comme une atteinte à la liberté d'expression, surtout lorsque l'on constate que, malgré les droits toujours plus réducteurs des libertés, les incivilités, qui continuent d'augmenter, sont médiatiquement banalisées voire institutionnalisées pour les besoins d'une mondialisation réalisée au pas de charge, sous la férule des Droits de l'Homme. Il est donc nécessaire et prioritaire, pour le respect de l'Homme et des citoyens, d'introduire et de maintenir un équilibre entre ses droits et ses devoirs, pour le bien de la justice et le maintien de la démocratie.
En clair, il nous faut reprendre l'enseignement des devoirs civiques et moraux à l'école et ne pas laisser porter cette énorme responsabilité aux seuls parents, pour des raisons pratiques et doctrinaires. La France, berceau des Droits de l'Homme, l'a très bien compris et vient de réintroduire les devoirs dans son programme scolaire d'éducation, admettant du même coup que l'enseignement des droits sans son corollaire, les devoirs, c'était la porte ouverte à l'intolérance, à l'irrespect d'autrui et aux incivilités.
Le Mahatma Gandhi l'a d'ailleurs déclaré: «Il n'y a pas de droits sans devoirs et pas de devoirs sans droits.» Ce grand humaniste savait sans doute que la distinction et l'équilibre entre les droits et les devoirs était la condition sine qua non à la réalisation et au maintien de la démocratie. Vouloir étouffer les devoirs dans le carcan des Droits pour des raisons idéologiques est largement ressenti, par le citoyen, comme une tentative d'asphyxie de la conscience conduisant inévitablement à la pensée unique totalitaire. Ayons la sagesse de suivre la France, berceau des Droits de l'Homme, qui n'a pas hésité à réhabiliter sa conscience en réintroduisant l'enseignement des devoirs à l'école.
Au nom des devoirs et afin qu'ils retrouvent leur place dans l'enseignement scolaire, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre l'exemple de nos voisins en soutenant cet amendement.
Je sais que cela ne fait pas plaisir mais il y a des choses qui doivent être dites. (Manifestation dans la salle.)Les devoirs doivent être respectés. Il n'y a pas seulement des droits. Il faut défendre les devoirs et vous verrez que les choses iront beaucoup mieux.
Mme Nelly Guichard (PDC). Nous n'avons évidemment rien contre la proposition de développer ou de renforcer l'éducation aux Droits de l'Homme dans les écoles genevoises, sur un plan général. Pour ce qui est des devoirs, je ne me prononcerai pas.
L'idée de mettre en place des formations adéquates pour les enseignants ne peut être que soutenue. Cependant, il faudra trouver, dans le concret, une approche qui ne consiste pas simplement à rajouter une matière à un programme que l'on dit déjà surchargé. A notre avis, il paraît opportun de regrouper cette sensibilisation avec l'éducation citoyenne. Nous en profitons pour rappeler que le support, dans ce domaine, existe, mais qu'il est insuffisamment utilisé. Plus précisément, il est utilisé à bien plaire, à peu de choses près.
Tout comme nous ne demandons pas un cours particulier sur le fait religieux, nous ne demandons pas la mise sur pied d'un programme particulier au sujet des Droits de l'Homme. Nous laisserons à la commission de l'enseignement, le soin de trouver le moyen d'intégrer cette motion dans le cursus scolaire et dans le programme existant.
M. Jean Rossiaud (Ve). La commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) a signé, à l'unanimité, cette motion. Par conséquent, j'y adhère pleinement.
Une voix. Presque à l'unanimité !
M. Jean Rossiaud. Presque à l'unanimité. Cependant, je suis de ceux qui pensent que la mission primordiale de l'école est d'enseigner à bien lire, écrire et compter.
Quelques voix. Ah ! Bravo !
M. Jean Rossiaud. En effet, comment défendre la démocratie et les Droits de l'Homme eux-mêmes, si chaque citoyen ne possède pas cette instruction de base ? Comment faire de chacun un citoyen capable de comprendre les enjeux démocratiques et d'exercer un esprit critique ?
Mais cette base-là ne suffit pas toujours. C'est pourquoi, les enseignants le savent d'ailleurs parfaitement, il faut enseigner les bases des Droits et des devoirs du citoyen dans un cadre démocratique, et tout d'abord les droits de l'enfant.
Cette motion s'intitule «Pour le développement de la promotion des Droits de l'Homme dans les écoles de Genève», et c'est bien que les députés sont conscients du fait qu'il se fait déjà beaucoup de choses en la matière et que les enseignants mettent déjà énormément de choses en oeuvre dans ce sens. Il faut aujourd'hui systématiser cela. Il faut également systématiser la formation des enseignants en la matière. Il s'agit bien de mettre en évidence ce qui relève des droits et ce qui relève des devoirs de chacun, de la responsabilité civique telle qu'elle est donnée dans les révolutions américaine et française. Il s'agit également de mettre en évidence l'histoire des Droits de l'Homme au fil des siècles. Parce que ces Droits de l'Homme ont au fond évolué et sont le fruit à la fois des révolutions libérales et radicales... (Manifestation dans la salle.)... à la fois du mouvement ouvrier, du mouvement socialiste et des droits économiques, sociaux et culturels. Il faut englober, dans la notion des Droits de l'Homme, non seulement les droits économiques, sociaux et culturels mais aussi les droits de la troisième génération, ceux qui sont aujourd'hui défendus par les Verts, notamment le droit des générations futures à un environnement sain. (L'orateur est interpellé.)Non, Monsieur Weiss, pas le droit des souris. Le droit des générations futures.
Enfin, il faut surtout enseigner que le droit est avant tout la force du faible et qu'il est du devoir de chacun de rester attentif à ce que les droits soient préservés, défendus et élargis vers davantage de liberté, d'égalité et de solidarité.
M. François Thion (S). Le parti socialiste est tout à fait d'accord avec cette motion. Nous sommes tout à fait enchantés par cette motion visant à renforcer l'éducation des Droits de l'Homme et de l'enfant. C'est vrai qu'il se fait déjà un certain nombre de choses, à l'école primaire, au cycle d'orientation et au collège, mais c'est insuffisant. Par cette motion, on pourra développer un peu cet enseignement.
Cela n'était pas très clair dans la motion, c'est pour cela que j'aimerais que l'on parle aussi que de l'enseignement des Droits de l'Homme et de l'enfant chez les apprentis. Il ne faut pas s'arrêter au cycle d'orientation, ainsi qu'au collège et à certains cours de l'école de culture générale. Les apprentis ont aussi besoin de cet enseignement.
Au niveau de l'école primaire, pour avoir déjà beaucoup discuté avec des collègues, je sais que les choses se font. Cela démarre dès l'école enfantine; c'est repris ensuite un peu plus tard, au cycle d'orientation - dans des cours d'histoire et de géographie et d'éducation citoyenne. Il existe un matériel, la brochure «Pratiques citoyennes». Le chapitre 7, par exemple, consacre une partie aux Droits de l'Homme, aux droits de l'enfant... (L'orateur est interpellé.)Non, ce n'est pas aussi petit que cela, c'est assez important, Monsieur Vaucher. Il existe aussi du matériel au sein de l'ONU. Il existe aussi du matériel à Lausanne, dans une fondation qui s'appelle «Fondation Education et Développement»; c'est un centre de documentation qui travaille pour les écoles romandes et qui fait un très bon boulot. Les élèves peuvent directement téléphoner et recevoir le matériel. Il y a donc un certain nombre de choses qui existent déjà.
Je trouve également que l'idée de la formation des enseignants est intéressante. Avec la Déclaration de Bologne, il ne faudra pas trop de cinq ans pour former comme il faut ces enseignants si l'on veut aussi les former aux Droits de l'Homme.
Pour terminer, j'aimerais aussi insister sur la visibilité. Monsieur le conseiller d'Etat, il ne suffit pas de vouloir enseigner les Droits de l'Homme et l'éducation citoyenne. A un moment donné, il ne faut pas que ce ne soient que quelques maîtres ou maîtresses militants qui donnent ces cours; il serait bien que l'on puisse le voir dans toutes les écoles. Je pense que c'est votre travail d'organiser cette visibilité de l'enseignement des Droits de l'Homme et des droits de l'enfant à travers l'école.
M. Thomas Büchi (R). S'il est vrai que cette motion est le fruit d'un travail unanime de la commission des Droits de l'Homme, je voudrais tout d'abord rendre hommage à Sergio Vieira de Mello qui a été le véritable initiateur de cette motion. Nous avons eu le privilège de le recevoir, peu avant son assassinat en Irak, à la salle de l'Alabama, et c'est lui qui a évoqué, devant notre commission, les pistes avec lesquelles notre commission devait continuer à travailler.
La piste de l'enseignement a été très clairement proposée par M. de Mello. C'est donc suite à cette proposition que notre commission a décidé de travailler sur cette motion. Il a fallu du temps pour arriver au consensus - cela n'a pas été simple, parce qu'il y a beaucoup d'avis, tout le monde a une notion quant à ce que sont les Droits de l'Homme.
Ce qui nous a surpris dans ce travail c'est tout d'abord que nous pensions, même s'il y a des intentions louables au niveau du département, qu'il y avait déjà une forme d'enseignement systématique sur la question des Droits de l'Homme. En fait, pas du tout; il y a plutôt beaucoup de bonne volonté mais aussi beaucoup de dispersion. En cela, cette motion est vraiment salutaire et le conseiller d'Etat M. Beer y a adhéré dès le départ.
Je ne peux néanmoins m'empêcher de m'étonner de l'attitude un peu particulière de l'UDC ce soir puisque, Monsieur Letellier, vous êtes intervenu - mais, il est vrai, vous n'êtes plus membre de l'UDC depuis peu, mais enfin vous l'étiez, et M. Catelain est inscrit. Pendant trois ans, on n'a jamais vu un seul membre de l'UDC dans notre commission. (Rires.)Depuis peu, Mme Bartl y siège; mais vous ne vous êtes jamais intéressés aux questions des Droits de l'Homme, et tout à coup, ce soir, vous vous réveillez. Cela est quand même surprenant. Je tenais à le relever.
Pour le reste, je pense que, contrairement à ce que vous avez dit, Madame Guichard, il nous a fallu presque une année pour mettre cette motion en place. Je suggère de ne pas la renvoyer encore à la commission de l'enseignement et, ainsi, de ne pas passer encore des semaines en palabres. Cette motion doit aller au Conseil d'Etat et c'est à lui de nous faire des propositions concrètes pour que l'enseignement sur les notions des Droits de l'Homme soit introduit dans l'école genevoise.
Je tiens encore à dire que nous avons bénéficié d'un matériel très important mis à disposition par le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme qui s'est déjà abondamment penché sur la question. Ce matériel nous a été très utile pour préparer ce document. Surtout, le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme souhaite vraiment que Genève montre l'exemple et serve de pilote afin que cette expérience puisse être reconduite dans d'autres endroits du globe, pour que la promotion des Droits de l'Homme soit poursuivie. (Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). Evidemment, les questions des Droits de l'Homme à l'école sont importantes. L'amendement de l'UDC nous pose problème parce que, certes il y a des devoirs, mais, en ce qui nous concerne, nous sommes plutôt pour les devoirs à la maison, dans le cadre de l'école.
En ce qui concerne ce que nous avons eu l'occasion d'entendre en commission, j'aimerais dire que beaucoup de projets se font maintenant et qu'il y a énormément d'enthousiasme. Mais la commission a surtout relevé un manque de cohérence globale. Ce n'est pas dans l'idée de changer les programmes scolaires que notre motion a été déposée - j'espère que je ne trahis pas vos idées, Monsieur Vaucher - mais plutôt dans l'idée d'avoir une meilleure visibilité et une plus grande cohérence globale de cet enseignement des Droits de l'Homme à l'école.
Pour revenir sur l'amendement UDC, les devoirs des uns sont les droits des autres et parler des Droits de l'Homme consiste essentiellement à parler du devoir de respect des autres. Les droits des minorités, les droits des plus faibles sont essentiellement dus au respect que les plus forts donnent à ces plus faibles. C'est pour cela que la notion de Droits de l'Homme inclut la responsabilité et les devoirs de toute la collectivité.
M. Michel Halpérin (L). Je suis heureux que l'ancien président de la commission des Droits de l'Homme, M. Büchi, ait évoqué la mémoire de Sergio Vieira de Mello, parce que c'est effectivement dans le contexte des contacts qui ont été créés entre notre commission parlementaire des Droits de l'Homme et le Haut Commissariat des Nations Unies, qu'il dirigeait alors, que cette idée est née, comme l'a aussi rappelé mon collègue M. Vaucher. Je voudrais rapidement apporter un apaisement aux inquiétudes que j'ai senties s'exprimer ici et là.
D'abord, Monsieur Thion, le but de cette motion est de couvrir tous les stades de l'enseignement quels qu'en soient les destinataires et par conséquent il va de soi que les apprentis n'en sont pas exclus.
Deuxièmement, par rapport à d'autres remarques, comme celle qu'a faite Mme Guichard, nous savons que les programmes scolaires sont chargés. Cela nous a très bien été expliqué en commission et nous avons pris le plus grand soin pour libeller cette motion de manière qu'elle atteigne deux objectifs. Le premier est de faire savoir aux membres du corps enseignant que le parlement a conscience du travail tout à fait considérable qu'ils ont déjà fait - seuls, spontanément et avec l'appui du département - que le parlement en a conscience, qu'il leur en est reconnaissant, qu'il salue ce travail et qu'il les encourage pour la suite.
La deuxième piste que nous avons voulu formuler - et nous avons, là aussi, voulu faire un choix de termes relativement attentif - c'est qu'il n'est pas nécessaire d'instaurer, à ce niveau, des programmes spécifiques. Nous savons que les programmes sont chargés et nous pensons que c'est à l'école, au sens le plus large, de voir de quelle manière ces programmes peuvent être mis en place. Vous l'aurez sans doute observé, nous avons d'ailleurs mis l'accent - c'est la deuxième invite - sur le fait d'«encourager la création de programmes permettant la mise en oeuvre active, par les élèves eux-mêmes [...]». Il ne s'agit donc non pas simplement d'un enseignement ex cathedra mais plutôt de faire en sorte que, dans une approche construite de la relation que les élèves entretiennent les uns avec les autres et avec leurs enseignants, ils puissent mettre en pratique - et pas seulement en théorie - les concepts que nous nous efforçons de rappeler ou de promouvoir et qui sont, en définitive, ceux que l'on regroupe sous le terme de Droits de l'Homme.
Il n'est pas nécessaire que j'insiste longtemps ici sur le fait qu'en matière de Droits de l'Homme, que l'on soit protagoniste, adversaire ou partisan des première, deuxième et troisième générations est un débat secondaire. Globalement, les Droits de l'Homme, c'est le respect de la dignité des humains. Ce respect doit s'exprimer dans la quotidienneté de nos relations les uns avec les autres. En ce sens, je peux comprendre la proposition de M. Letellier qui consiste à dire: «Aujourd'hui, tout le monde prétend avoir des droits et personne ne veut assumer les devoirs qui vont avec.» C'est un constat pessimiste et désabusé sur la condition humaine. Il n'est pas forcément faux; mais ce n'est pas parce qu'il n'est pas forcément faux qu'il faut suivre la proposition d'amendement qui vous est soumise, pour deux raisons.
La première est que, comme nous avons pris la peine de rappeler que le respect des droits de chacun d'entre nous prime sur tout - parce que nous sommes des humains - cela signifie que nous avons le devoir, chacun, individuellement et collectivement de respecter ces droits. Cela signifie aussi, Monsieur Letellier - je le rappelle parce que c'est un débat récurrent depuis la création de cette commission et je regrette que vous viviez cela comme une atteinte à votre liberté d'expression, qui est aussi un Droit de l'Homme et vous voyez que, de temps en temps, vous revendiquez aussi vos droits - je dis que le terme des Droits de l'Homme est un nom propre qui comporte les droits et les devoirs, et réaffirmer les uns, c'est nécessairement réaffirmer les autres, même s'il arrive à quelques-uns, ici ou ailleurs, de l'oublier. (Applaudissements.)
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Pour le département de l'instruction publique, cette motion est une occasion à ne pas manquer. J'aimerais chaleureusement remercier les motionnaires de leur interpellation. En effet, si, en commission, vous avez pu relever l'actuel travail de qualité au département, en faveur d'un enseignement des Droits de l'Homme, vous aurez en même temps constaté que, comme dans d'autres domaines du reste - on l'a vu tout à l'heure avec la prévention - tout n'est pas systématisé. J'allais même dire qu'au contraire beaucoup de choses relèvent de l'initiative personnelle ou de l'initiative d'établissements, même si ces dernières sont largement soutenues par le département. Il nous revient donc de systématiser une intervention en faveur des Droits de l'Homme.
L'enseignement des Droits de l'Homme est aussi difficile à assurer que tout enseignement transversal, comme la transmission du fait religieux, de l'égalité ou du développement durable. Il s'agit, sans revoir les programmes, d'intervenir pour systématiser des transmissions de savoirs mais également de valeurs, à travers la transmission de connaissances plus traditionnelles, telles qu'elles découlent des plans d'études.
Je vous remercie d'avoir résisté à la tentation de demander une heure dévolue à l'enseignement des Droits de l'Homme parce que, vous l'avez relevé à juste titre, l'enseignement est déjà largement chargé et que, parallèlement, les enseignantes et les enseignants tiennent malgré tout à une certaine liberté d'action et d'appréciation, tout en respectant la transmission aux élèves qu'ils se doivent d'assurer.
Nous avons donc l'occasion, à travers une réponse que je m'engage à vous rendre très rapidement, de dire tout ce qui est fait, tout ce qui sera entrepris demain, dans la formation continue et dans les plans d'études, de manière à s'assurer que cette motion ne soit pas un voeu pieux mais qu'elle puisse entrer dans les faits. En effet, la transmission des valeurs et le «vivre ensemble» en dépendent, ce que vous n'avez pas manqué de relever tout à l'heure, d'où le lien avec la motion traitant de la violence scolaire.
La pensée de Sergio Vieira de Mello est non seulement le coeur de cette motion mais elle nous permettra également, au niveau du département de l'instruction publique - cela vous sera communiqué par le biais de la réponse à la motion - d'utiliser sa pensée et son action en faveur d'actions du département pour promouvoir l'enseignement des Droits de l'Homme et, plus généralement, sa pensée et les valeurs qui sous-tendaient son action.
Tout ce que nous avons évoqué tout à l'heure avec le «vivre ensemble» a mis en évidence, notamment à travers une politique équilibrée entre sanction et prévention, qu'il y avait une nécessité de transmettre partout le sens de l'autorité - dans le bon sens du terme - qui allie droit et devoir. Est-ce que pour cela s'agit-il pour autant de revoir complètement l'utilisation des mots, des valeurs telles que nous pouvons y adhérer ? Je pense qu'il y a une erreur à ne pas commettre, Monsieur Letellier. On ne dit pas un «Etat de droit et de devoirs», on parle des droits des citoyens, on parle des droits démocratiques. On ne parle pas des droits et des devoirs démocratiques. Il faut différencier le contenu d'une action de l'intitulé permettant de transmettre notre Etat de droit.
J'espère pouvoir vous répondre au cours des tous prochains mois sur cette motion qui me paraît importante pour l'avenir de l'enseignement pour nos enfants.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis d'un amendement, présenté par M. Georges Letellier, qui consiste à rajouter, après «Droits», «devoirs», dans la première phrase introduisant les invites et dans la première invite.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 8 oui.
Mise aux voix, la motion 1597 est adoptée par 69 oui (unanimité des votants).