Séance du vendredi 21 janvier 2005 à 17h
55e législature - 4e année - 4e session - 22e séance

P 1356-A
Rapport de la commission de contrôle de gestion chargée d'étudier la pétition pour une demande d'ouverture d'enquête parlementaire à l'Office cantonal de la statistique (OCSTAT)
Rapport de majorité de M. Pascal Pétroz (PDC)
Rapport de minorité de Mme Anne Mahrer (Ve)

Débat

La présidente. Monsieur le rapporteur de majorité, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ?

M. Pascal Pétroz (PDC), rapporteur de majorité. Oui, Madame la présidente. Je vous remercie de me donner la parole. J'attire l'attention de votre Conseil sur une coquille en page 6 de mon rapport. Le nombre de députés qui ont voté non au dépôt de cette pétition à titre de renseignement sur le Bureau du Grand Conseil est de 7 et non pas de 4, comme indiqué par erreur dans le rapport. En effet, si l'on additionne les votes: 2 Verts, 3 socialistes et 2 AdG, cela ne fait pas 4 mais 7.

Cela étant, je vais résumer très brièvement le fond du problème. Tout d'abord, de manière très consensuelle, puis, selon le déroulement du débat - s'il devient plus tendu - je me réserve d'ores et déjà le droit de reprendre la parole. Mais pas tout à la fin de la liste des intervenants, si vous êtes d'accord, Madame la présidente. Je vais donc commencer «gentiment», si j'ose dire.

Cette pétition a été déposée sur le bureau du Grand Conseil parce qu'une enquête interne a été diligentée contre le directeur de l'Office cantonal de la statistique. Cette enquête administrative l'a blanchi de toutes les accusations formulées à son encontre. Par conséquent, la majorité de la commission est arrivée à la conclusion que cette pétition n'avait plus de sens.

Elle pose néanmoins une question de principe assez intéressante - et je crois que nous serons d'accord avec Mme la rapporteure de minorité - c'est, du reste, une des questions que la commission de contrôle de gestion a eu l'occasion d'examiner, à savoir: une procédure diligentée par un collaborateur de la fonction publique pour harcèlement psychologique ou sexuel peut-elle être bloquée par une enquête administrative ordonnées par le Conseil d'Etat ? Nous avons vu et nous avons unanimement salué la modification de la LPAC - la loi sur le personnel de l'administration cantonale - qui indique désormais, en son article 3, sauf erreur de ma part, qu'une procédure pour harcèlement psychologique ou sexuel doit être menée à terme et ne peut plus être interrompue pour quelque motif que ce soit. A notre sens, la réponse aux interrogations de certains commissaires au sujet du cadre légal est donc satisfaisante.

Pourquoi avoir déposé cette pétition sur le bureau du Grand Conseil ? Parce que cette pétition contenait des reproches assez virulents à l'encontre du directeur de l'OCSTAT; il a été blanchi par l'enquête administrative diligentée contre lui; nous avons par conséquent estimé qu'il n'y avait pas lieu d'aller plus loin dans l'investigation de cette affaire.

Je vous remercie de votre attention, et je me réserve, comme je l'ai déjà dit, le droit de reprendre la parole plus tard.

Mme Anne Mahrer (Ve), rapporteuse de minorité. Le traitement de cette pétition - presque quatre ans après son dépôt et deux ans après son inscription à notre ordre du jour - ajoute au sentiment qu'il n'a pas été fait grand cas du devenir des personnes victimes des dysfonctionnements en matière de gestion du personnel dans ce service. Et c'est bien ce qui a motivé le présent rapport de minorité, qui a effectivement été voté par sept personnes, comme l'a rappelé M. Pétroz.

Dans ce service, on a observé des transferts de personnel, des congés maladie de longue durée, des départs à la retraite anticipée, qui auraient dû être autant de signes alertant les responsables des ressources humaines, et qui, évidemment, ne constituent pas une solution adéquate pour résoudre des dysfonctionnements et rétablir un climat de travail serein. La politique ou, plutôt, l'absence de politique des ressources humaine au sein de l'Etat sera d'ailleurs traitée avec une attention toute particulière par la commission de contrôle de gestion dans le cadre du projet GE-Pilote.

Pour la pétition qui nous occupe aujourd'hui, nous demandons au Conseil d'Etat que le tort causé au personnel par les dysfonctionnements au sein de ce service, s'il ne peut être réparé, soit pour le moins reconnu, et nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Rémy Pagani (AdG). Je ferai tout d'abord quelques remarques d'ordre général, puis j'aborderai le fond de cette pétition.

Je suis relativement bien placé pour le savoir: il y a un certain nombre de dysfonctionnements dans l'administration qui sont certainement dus à des erreurs ou des maladresses dans la gestion du personnel et dont les signes avant-coureurs peuvent être clairement établis. C'est d'ailleurs étonnant: à un certain moment, les responsables de ces administrations - le chef du département ou les responsables du personnel - se rendent bien compte que la situation dans certains secteurs - pas tous, heureusement - n'est pas bonne, qu'il y a des signes avant-coureurs évidents de dysfonctionnements - comme on a pu le constater à l'office cantonal du logement ou à l'office des poursuites - mais, malheureusement, cela ne change rien. En effet, les responsables, que ce soient le chef du département ou les secrétaires généraux ne se rendent pas compte de la situation parce qu'ils délèguent ces basses besognes - si j'ose dire - à d'autres qui les délèguent à d'autres, ou, alors, ils s'en rendent peut-être compte, mais ils ne veulent rien faire... C'est ainsi que les problèmes perdurent, s'enkystent et débouchent parfois sur des drames, comme c'est le cas en l'occurrence.

Il est fait référence ici à des harcèlements psychologiques qui conduisent certains employés de notre administration à l'AI, parce que les problèmes ne sont pas traités rapidement et de manière responsable. Cela veut dire que des personnes engagées pour encadrer du personnel peuvent très bien faire leur travail, mais être tout à fait inaptes à gérer du personnel, à le motiver pour une meilleure efficacité, pour remplir au mieux les tâches qui leur sont confiées. Et c'est extrêmement grave.

Dans le cas qui nous occupe, des signes avant-coureurs avaient été établis depuis des mois, mais, malheureusement, rien n'a été fait. Des enquêtes administratives ont alors été ouvertes, mais - et c'est dommage - une enquête administrative a été diligentée contre le directeur, ce qui a empêché toutes les autres procédures de suivre leur cours normalement. Comme le rapporteur de majorité l'a dit, il y a eu un effet suspensif, ce qui ne serait plus possible aujourd'hui, et heureusement !

Mais ce qui est certain, malheureusement - et j'ai eu l'occasion de constater des cas de mobbingavérés, des cas de harcèlement psychologique avérés, où les directeurs ont dû partir, car on a estimé qu'ils étaient responsables - c'est qu'on ne présente jamais d'excuses aux employés qui subissent pendant des années de tels dysfonctionnements. C'est un des problèmes soulevés par cette pétition, même si aujourd'hui le problème est relativement résolu dans cette affaire suite au départ des uns dans d'autres secteurs de l'administration - et du principal intéressé notamment - et suite à la mise en retraite anticipée de certains. Mais, je le répète, jamais on ne s'excuse dans cette administration d'avoir laissé perdurer une situation extrêmement difficile à vivre ! Il est normal, sur 25 000 employés de notre administration, que ce genre de dysfonctionnements, de dérapages, surviennent dans un secteur ou dans un autre. Il serait tout aussi normal que le Conseil d'Etat ou que le conseiller d'Etat en charge du département concerné présente ses excuses au nom de l'administration ! Bien sûr, nous ne sommes pas des robots, et il peut arriver à tout le monde de faire des erreurs, mais il serait normal de s'en excuser. Car non seulement les procédures ne sont pas activées en temps voulu, lorsque les signaux d'alerte clignotent, mais, en plus, quand les faits sont établis, personne ne s'excuse, ce qui regrettable, parce que les problèmes psychologiques de ces personnes ne peuvent se résorber si les «misères» - entre guillemets - qu'elles ont subies ne sont pas reconnues. Je trouve cela regrettable.

Et j'espère que cette pétition, si elle est renvoyée au Conseil d'Etat comme je le souhaite, permettra au moins à celui-ci de réfléchir à cette question des excuses qui devraient être adressées à ces personnes, bien évidemment quand les faits sont établis, quand les responsables ont été déplacés. Je pense à des secteurs tout particuliers, mais je ne vais vous en faire une liste exhaustive parce qu'elle serait fastidieuse. Toujours est-il que, lorsque les faits sont établis, il serait bon que le gouvernement envisage de présenter des excuses personnalisées aux personnes qui ont été les victimes dans ces affaires.

M. Pascal Pétroz (PDC), rapporteur de majorité. Comme je vous l'ai indiqué d'emblée, ma première intervention se voulait relativement consensuelle, mais je me doutais que le débat prendrait cette tournure désagréable. Il m'appartient donc, avant d'intervenir sur le fond, de répondre à certaines remarques qui viennent d'être faites.

Quand on fait de la politique, il faut toujours avoir en tête que nous vivons dans un Etat de droit, un Etat qui respecte la séparation des pouvoirs et qui prévoit, dans ce cadre, un certain nombre de procédures judiciaires. Et l'on voit souvent - cela mérite d'être souligné - des gens ne pas être contents d'avoir perdu des procédures judiciaires. Ils vont alors frapper à d'autres portes et utilisent divers moyens pour essayer de changer le cours des choses. L'erreur judiciaire existe - je le constate souvent dans l'exercice de mon métier, car les juges ne sont pas infaillibles - mais, lorsqu'une procédure arrive à son terme - c'est la règle de notre fonctionnement démocratique - on doit respecter, même si l'on n'est pas content du verdict, la décision prise soit par les tribunaux lorsqu'il y a eu une procédure judiciaire, soit par une autorité administrative si aucun recours n'a été formé.

J'ai entendu qu'il y avait eu harcèlement psychologique avéré au sein de l'OCSTAT... Je ne peux pas laisser dire une chose pareille ! Je vous prie de vous référer au point 11, à la page 4 de mon rapport, où il est écrit ceci: « Le 2 août 2001, le magistrat enquêteur a déposé son rapport, après avoir entendu 41 témoins, parmi lesquels 20 collaborateurs de l'OCSTAT, 15 anciens collaborateurs et 6 personnes extérieures à l'office.» Je cite encore : « Les conclusions de l'ancien magistrat sont claires: il "n'a pas décelé de harcèlement psychologique au sein de l'OCSTAT". En outre, le directeur de l'office n'avait pas manqué à ses devoirs de service.» Un peu plus loin, il est dit: « Par arrêté du 26 septembre 2001, le Conseil d'Etat a pris acte du rapport du 2 août 2001.» Cet arrêté blanchit donc le directeur de l'OCSTAT. Il est enfin écrit: « Aucun recours n'a été formé à son encontre, de sorte qu'il est entré en force.»

Les choses sont simples, un rapport diligenté par un enquêteur nommé par le Conseil d'Etat blanchit le directeur de l'OCSTAT. Le Conseil d'Etat prend acte. Aucun recours n'est formé contre la décision du Conseil d'Etat: cette décision est définitive et exécutoire. Il n'y a pas eu de harcèlement, c'est tout ! C'est le simple respect de nos institutions démocratiques !

Et l'on voudrait maintenant nous faire croire le contraire, en ne respectant pas des décisions définitives et exécutoires ! Sans compter que, dans cette affaire, des procédures judiciaires sont allées jusqu'au Tribunal fédéral, où le plaignant - un des pétitionnaires - a perdu. Et vous le savez très bien ! Il perd dans le cadre de l'enquête administrative; il perd au Tribunal fédéral; et que fait-il ? ll vient se plaindre de harcèlement psychologique au sein de l'OCSTAT !

Mesdames et Messieurs les députés, tout cela n'est pas sérieux ! Respectons les décisions judiciaires ! Respectons la décision du Tribunal fédéral ! Respectons une décision définitive et exécutoire du Conseil d'Etat ! Déposons cette pétition sur le bureau du Grand Conseil et passons au point suivant de notre ordre du jour !

M. Gabriel Barrillier (R). Par rapport à la façon de travailler de notre parlement, il me semble que le cheminement de cette pétition illustre la paralysie des travaux du Grand Conseil...

Je rappelle quand même que les faits remontent à mai 2000 - c'est-à-dire il y a cinq ans - et que la pétition munie de dix signatures a nécessité huit séances d'une commission de quinze membres. Entre-temps - cela a été rappelé par le rapporteur de majorité - la pétition a conduit à introduire un article 2B, alinéa 4, de la loi sur le personnel de l'administration cantonale, garantissant qu'une enquête administrative puisse être poursuivie jusqu'à son terme, même si une autre procédure, quelle qu'elle soit, a été ouverte parallèlement. (Brouhaha.)Les droits des plaignants sont ainsi garantis.

Quant au fond, Mesdames et Messieurs les députés, l'enquête administrative, le Conseil d'Etat, les arrêts du Tribunal administratif, du Tribunal fédéral, montrent qu'il n'y a eu ni harcèlement ni mobbing.

Alors que cherche-t-on ? Voilà un office performant, qui maîtrise parfaitement les nouveaux champs statistiques issus de la régionalisation, de la libre circulation. Cet office est devenu une référence en Suisse et en France, et il donne pleine satisfaction aux utilisateurs, dont les partenaires sociaux. Cela a été reconnu, notamment dans le cadre de nos discussions, dans différents organes. Je le demande: que veut-on de plus ? Par hasard - je pose cette question comme cela, ingénument - ne voudrait-on pas la peau de son responsable, qui est exigeant - c'est vrai - mais qui est efficace ?

Moi, Mesdames et Messieurs les députés, je suggère deux choses à ce Grand Conseil. La première, c'est qu'on révise très rapidement le statut de la fonction publique, comme on le fait actuellement, et qu'on trouve des solutions pour permettre aux cadres comme aux employés de travailler dans de meilleures conditions. La deuxième suggestion que je vous fais, c'est de passer à autre chose ! Ne vous laissez pas entraîner dans une politique de dénigrement des cadres motivés ! Je vous invite à suivre le rapport de majorité. (Applaudissements.)

M. Renaud Gautier (L). Je suis interpellé par les propos de mon vis-à-vis, que j'écoute toujours avec beaucoup d'attention. Il est vrai que je ne connais pas particulièrement le dossier, sinon par le rapport que nous avons reçu, mais je n'ai aucune raison de penser qu'il n'est pas exact.

Je suis toutefois interpellé par le fait qu'une procédure qui a suivi - comme l'ont dit les préopinants tout à l'heure - toutes les voies possibles, politique ou judiciaire, et qui débouche sur une conclusion, puisse être remise en cause. Une fois que les voies de recours, qui sont offertes à chacun d'entre nous et qui permettent de s'opposer ou de contester d'une manière on ne peut plus démocratique, sont épuisées, je me demande quel est le sens de venir dire ici que ce qui devait être fait sur le fond ne l'a pas été... Parce que, mon cher vis-à-vis - qui ne m'écoutez pas... - si l'ensemble des voies démocratiques, comme vous plaisez souvent à le rappeler, ont été épuisées et arrivent à des conclusions similaires - que ce soit par la voie judiciaire ou la voie politique - et que vous venez dire au parlement que, somme toute, ce qui devait être fait ne l'a pas été, deux questions se posent. Ou bien, effectivement - mais j'ai peine à penser que ce soit votre cas - il s'agit d'une volonté particulière de mettre en avant ou de dénoncer quelqu'un en particulier, ou bien il y a abus de nos institutions. Il m'apparaît que les lois qui gouvernent les possibilités de recours dans ces cas là sont bonnes tant sur le plan judiciaire que sur le plan politique.

Sur la base de l'exposé qui a été fait, je trouve que nous n'avons pas d'autre choix que de suivre le rapport de la majorité de la commission si nous ne voulons pas, de fait, mettre en cause le pouvoir judiciaire ou le pouvoir exécutif.

Présidence de M. Michel Halpérin, premier vice-président

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Permettez-moi tout de même de répondre aux questions qui ont été posées à propos du directeur de l'office cantonal de la statistique, aux accusations dont il a fait l'objet et aux doutes que certains essaient encore de faire peser sur lui ! Monsieur Barrillier, vous l'avez bien dit, nous constatons chaque jour, chaque semaine, le travail efficace qui est fait dans ce département, aux niveaux genevois et transfrontalier.

Je ne suis pas d'accord avec ce que vient de dire M. Pagani. Il prétend le Conseil d'Etat laisse faire, que certaines personnes sont mobbéeset que rien n'est fait pour elles... Je rappelle que, lorsque ces faits se sont produits - en 1999 ou début 2001 - j'ai moi-même ouvert une enquête administrative, non pas pour mettre un frein à une procédure quelconque, mais pour faire preuve d'autorité et permettre aux employés de s'exprimer. Et ce n'est pas parce qu'un employé ou deux décident tout à coup que leur chef les mobbeque c'est forcément la vérité. Cela peut arriver, mais pourquoi devrait-on estimer qu'ils sont de bonne foi et que le directeur ne l'est pas ? (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)J'en veux pour preuve que depuis que les deux personnes en question, qui n'étaient pas satisfaites et que l'on a aidées à se replacer, ont quitté l'OCSTAT, ce service fonctionne très bien et qu'il n'y a plus de problèmes !

Et nous devrions, nous, nous excuser auprès de ces personnes ? Ne pourrait-on pas imaginer que ce sont elles qui devraient s'excuser pour le tort moral qu'a subi le directeur du service, dont la photo a paru dans la presse, qui a été traité de mobbeur, etc. ? Croyez-vous que les choses ont été faciles à vivre pour sa famille ? Comme vous l'avez dit, Monsieur le rapporteur de majorité - 41 témoins ont été entendus à ce sujet, et il a été estimé qu'il n'y avait pas eu de mobbing. Alors, quatre ans après, pourquoi ressortir cette vieille histoire dans un service qui fonctionne bien ? C'est inadmissible !

Nous avons aussi le droit de défendre nos cadres quand ils travaillent bien, quand ils font leur boulot, et nous avons le droit de demander une enquête quand les choses ne vont pas. Nous l'avons fait: nous avons pris l'initiative d'ouvrir cette enquête. Et le résultat, c'est qu'il n'y a pas eu de mobbing. Le directeur de l'OCSTAT a été blanchi, et j'en suis très heureux, parce qu'à l'heure actuelle ce service est exemplaire, il n'y a aucune histoire et le personnel s'y trouve bien. Vous pouvez aller le constater par vous-même si vous le voulez.

Je m'oppose véritablement à ce qu'on recommence un procès qui a déjà duré cinq ans, tout cela parce que quelques personnes, bien connues dans la République, ont prétendu qu'elles étaient mobbées ! Vous êtes-vous préoccupés de la qualité du travail fourni par ces personnes ? Savez-vous si ces personnes faisaient leur travail dans les délais, si elles répondaient à leur cahier des charges ? Mais personne ne se soucie de cet aspect des choses ! Par contre, le patron, lui, fait l'objet de toutes sortes d'attaques et on veut encore le salir !

En ce qui me concerne, je suis très satisfait de ce service. Vous pouvez questionner les personnes qui y travaillent quand vous voulez. Je pense qu'il n'y a rien d'autre à faire que d'approuver le rapport de majorité et de clore cette affaire qui, à mon sens, a assez duré. (Applaudissements.)

M. Rémy Pagani (AdG). Tout d'abord, je trouve la situation dans laquelle nous nous trouvons quelque peu paradoxale... On nous dit en résumé: «Circulez, il n'y a rien à voir, car la loi a été changée entre-temps !»... Mais si cette loi a été changée, c'est justement grâce à cette pétition !

En fait, la réalité est toute autre: la procédure qu'avaient engagée - et je suis bien placé pour le savoir, puisque j'accompagne souvent de telles procédures administrative - les employés qui se prétendaient mobbés, à tort ou à raison, et qui faisaient simplement valoir leur droit de se plaindre, a été suspendue parce qu'une enquête administrative a été ouverte - à la demande du directeur, d'ailleurs - selon l'ancienne législation en vigueur. Mais notre groupe a déposé un projet de loi pour faire en sorte qu'une procédure engagée administrativement contre un directeur ne suspende pas les procédures diligentées par les employés. Maintenant, une telle aberration n'est plus possible. Et c'est bien grâce à la pétition que la loi a été modifiée. Je le répète, je trouve cette situation un peu paradoxale.

Il y a un deuxième paradoxe. En cas de dysfonctionnement - à dessein, je ne parle pas de ce cas en particulier, j'en connais d'autres - une procédure administrative est engagée contre le directeur. Celui-ci peut se justifier - bien évidemment - et selon les arguments qu'il avance, on peut arriver à la conclusion qu'il fonctionne tout à fait bien, même si ce n'est pas le cas. Je pense à une autre procédure de ce genre, où les problèmes subsistent. (Commentaires.)Peut-être pas à l'OCSTAT, je vous en donne acte, Monsieur le Conseil d'Etat, mais dans d'autres services ! Je parle en général, exprès, pour ne pas entrer dans les détails, ce serait fastidieux. On enclenche des procédures administratives dans le but de protéger les cadres - ce qui est bien normal de la part de l'administration - mais sans voir les véritables problèmes qui perdurent et conduisent à des situations inextricables. Je pense à l'office cantonal de l'assurance-invalidité où il a fallu faire grève, il y a de cela six ans, pour dénoncer un problème flagrant avec un directeur qui est finalement parti de lui-même quelques mois après.

Je dis simplement qu'on ne peut pas nier les problèmes quand il y en a - il est normal qu'il y en ait parfois entre les cadres et leurs employés, car nous sommes des êtres humains, Sous prétexte d'efficacité, c'est en réalité un véritable abus de pouvoir et, ce faisant, on laisse les problèmes dégénérer. Quand c'est le cas, il est ensuite bien plus difficile de les résoudre. De plus, quand les faits sont établis, personne ne veut s'excuser. C'est de ce point de vue que je trouve qu'il est important que l'administration reconnaisse ses torts.

Etant donné la modification législative intervenue suite à l'affaire de l'OCSTAT, je trouverais de bon aloi que cette pétition soit renvoyée au Conseil d'Etat. Je ne parle pas du cas précis de ce directeur, car, effectivement, d'un point de vue légal - et M. Pétroz l'a dit - les choses sont claires et établies. Et nous nous inclinons devant le fait que la loi en vigueur à ce moment-là n'ait pas permis aux employés de faire valoir leurs droits.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants que voici: M. Pagan, M. Mouhanna, M. Catelain, M Weiss, Mme Mahrer, M. Barrillier et M. Pétroz. Je vois que M. Pagan renonce. Monsieur Mouhanna, vous avez donc la parole.

M. Souhail Mouhanna (AdG). L'affaire en question ne concerne pas une seule personne mais plusieurs. Et il aurait vraiment été utile que la commission de contrôle de gestion procède à l'audition des personnes concernées. C'est dommage que cela ne se soit pas fait, parce que c'est l'une des prérogatives du Grand Conseil. Surtout à l'heure où il parle de réforme de l'Etat, le Grand Conseil aurait au moins dû essayer d'en savoir davantage pour faire en sorte que cette réforme, préconisée par certains ici, soit fondée sur un certain nombre d'éléments objectifs. Je le regrette !

Cela étant dit, je voudrais faire la remarque suivante: deux plus trois plus deux, si je sais faire une addition, cela fait sept, Monsieur Pétroz... (L'orateur est interpellé par M. Pétroz.)D'accord, puisque cela a été rectifié, je n'ai plus rien à dire !

M. Gilbert Catelain (UDC). Nous sommes saisis d'une pétition qui date effectivement d'un certain temps. En la lisant, on s'aperçoit qu'elle est relativement objective: il s'agit de demander une procédure qui assure des qualités de transparence, d'équité et d'exhaustivité. Et ça s'arrête là.

Par contre, le titre de cette pétition est beaucoup plus tendancieux, puisqu'on demande tout de suite l'ouverture d'une enquête parlementaire, comme si l'enjeu était fondamental pour cette République. J'ai comme le sentiment qu'à travers cette pétition, qui paraît au fond bénigne, on veut faire le procès du Conseil d'Etat, respectivement du chef du département, et qu'on utilise un conflit de personnes - pour autant qu'il ait existé - pour en faire un débat politique. Si la même situation était arrivée dans un autre département, peut-être n'aurait-on pas incité les employés à déposer cette pétition.

Je connais par contre des cas dans le secteur privé - dans une organisation internationale - pour lesquels les mêmes syndicats n'ont pas du tout soutenu les personnes en question. Parce que, là, il n'y a pas d'enjeu, n'est-ce pas ? Je pense, par exemple, à une femme qui a perdu 20 kilo dans le cas d'un harcèlement sexuel et qui n'a pas du tout obtenu le soutien des syndicats, bien qu'elle se soit adressée aux mêmes que ceux évoqués dans la pétition.

Pour ce motif-là, je trouve scandaleux qu'une personne ayant été blanchie au niveau juridique fasse les frais d'une telle manoeuvre politique et qu'on passe encore autant de temps à en parler ce soir. A mon avis, cette pétition ne mérite que le dépôt sur le bureau du Grand Conseil et rien de plus.

M. Pierre Weiss (L). J'aimerais intervenir uniquement sur deux points. Le premier concerne le cas individuel, le deuxième concerne un paragraphe du rapport de minorité.

A propos du cas individuel, on a parlé de M. Spagnoli, mais on a insuffisamment parlé du directeur de l'OCSTAT. Je peux témoigner, compte tenu de ma présence dans une commission cantonale de la statistique, de la très grande qualité du travail fourni par M. Frei, directeur de l'office cantonal de la statistique, et non seulement de sa qualité scientifique, mais aussi de ses qualités humaines. Et les soupçons que l'on a laissés planer sur cette personne sont à la limite de l'acceptable !

De ce point de vue, je ne peux que m'associer aux propos très fermes qui ont été tenus par le conseiller d'Etat, chef du département de l'économie. Il s'agit à un certain moment de dire halte, de rendre hommage à certaines personnes et de s'interroger sur les conséquences destructrices que peuvent avoir des accusations mensongères, non seulement sur la personne mais aussi sur son entourage. M. le président du Conseil d'Etat l'a fait, et je me permets de lui en rendre grâce.

Le deuxième point est plus général. Il s'agit du paragraphe du rapport de minorité où l'on ironise sur le taux d'encadrement excessif qu'il y aurait à l'office cantonal de la statistique... Dans le rapport de majorité, il est répondu que tel n'est pas le cas. Mais il faut toutefois se demander quelles sont les intentions qui se cachent derrière l'évocation du taux d'encadrement excessif. Est-ce pour parler réellement d'un dysfonctionnement qui régnerait dans ce service ou est-ce, plus largement, pour disqualifier la hiérarchie aux yeux du personnel qu'elle est censée encadrer ? Et je me demande s'il n'y pas un petit peu - et même beaucoup - de cette dernière intention... A cet égard, j'aimerais également rendre hommage à la hiérarchie et aux cadres de l'Etat pour le travail qu'ils accomplissent malgré les accusations, malgré les opérations de sape, dont ils sont les victimes. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à Madame le rapporteur Anne Mahrer.

Mme Anne Mahrer (Ve), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le vice-président. Monsieur Weiss, vous me prêtez des intentions que je n'ai pas... Mon rapport de minorité ne fait ni le procès de l'OCSTAT ni le procès de son directeur: il rapporte des faits !

A l'époque, effectivement, le changement de loi n'avait pas encore eu lieu et, de fait, les personnes concernées n'ont pas été entendues comme elles auraient dû l'être. Elles ont souvent été entendues en présence du directeur et de son avocat; elles n'ont pas du tout eu le sentiment de pouvoir s'exprimer librement comme elles le souhaitaient.

Les propos que vous avez tenus, selon lesquels ce rapport de minorité ferait le procès et de l'OCSTAT et de sa hiérarchie, sont à mon avis tout à fait déplacés.

M. Gabriel Barrillier (R). Je ne veux pas mettre d'huile sur le feu, cela ne sert à rien. Je constate une nouvelle fois que cette pauvre République va se noyer dans un dé à coudre... Effectivement, à l'occasion d'une affaire qui est réglée, qui a été jugée, qui a été examinée dans le détail, on sent une envie de règlement de comptes. Je veux rester modéré, mais, pour ceux qui connaissent un peu cette affaire, il est évident que le plaignant joue un rôle important en matière de défense professionnelle et syndicale, et, donc tous les ingrédients étaient là pour essayer de faire monter la mayonnaise. Et je regrette, pour ma part, que Mme Mahrer se soit prêtée à faire un rapport de minorité - mais je ne lui fais pas un procès d'intention - car cela a donné l'occasion de faire traîner en longueur ce débat !

Je crois qu'il faut passer l'éponge et voter le rapport de majorité. Je vous en remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Pour terminer, la parole est à M. le député Pascal Pétroz, rapporteur de majorité.

M. Pascal Pétroz (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Des arguments polémiques ont été avancés dans cette salle. Je vais essayer de répondre très calmement et sur le plan des principes aux accusations qui ont été lancées au cours de ce débat. Il me semble qu'il n'est pas inutile de parler de principes dans ce parlement et de répondre par les principes fondateurs de notre Etat de droit à certaines remarques assez pernicieuses qui jettent le doute ou le discrédit.

J'ai entendu tout à l'heure - et cela figure aussi dans le rapport de minorité - que certaines garanties procédurales n'auraient pas été respectées. Mme la députée Mahrer, rapporteure de minorité, nous dit en effet que les collaborateurs de l'OCSTAT se seraient plaints d'avoir été entendus en présence du directeur de l'OCSTAT et de son avocat... Mais, Madame Mahrer, cela se passe comme cela dans n'importe quelle procédure ! Si par impossible une procédure pénale était diligentée demain à votre encontre - je ne le souhaite pas et je sais que cela ne sera pas le cas parce que vous êtes quelqu'un de bien - vous seriez, lors des auditions de témoins, présente avec votre avocat, et la personne plaignante aussi ! Ça se passerait exactement de la même manière ! Une personne mise en cause, dans quelque procédure que ce soit, a toujours le droit d'être présente et d'être assistée de son avocat, sinon cela ressemblerait fort aux méthodes utilisées dans les républiques bananières ! Notre système ne peut pas fonctionner comme cela ! C'est la même chose dans n'importe quel domaine: administratif, pénal, civil. Et je ne comprends pas pourquoi on se plaint, dans le cadre de cette affaire, d'avoir fait ce qui se pratique habituellement dans tous les domaines du droit ! Mettez-vous un peu à la place du directeur de l'OCSTAT: imaginez que l'on vous accuse de choses que vous n'avez pas faites et que vous n'ayez pas le droit, ni votre avocat, d'assister aux auditions de témoins ! Cela serait proprement scandaleux ! Si cela vous arrivait, à vous les députés des bancs d'en face, vous hurleriez au loup et vous auriez raison ! Le droit de la défense c'est le droit de pouvoir assister à toutes les audiences, de savoir ce qu'on nous reproche, d'avoir accès à son dossier et d'être assisté d'un avocat. Dans ce cadre-là, les procédures habituelles ont été respectées, et je n'apprécie pas que l'on prétende qu'il y a eu de la discrimination dans cette affaire et que les procédures n'ont pas été respectées !

M. Rémy Pagani. C'est complètement faux !

M. Pascal Pétroz. Les principes fondateurs d'un Etat de droit ont été respectés ! (Exclamations. La présidente agite la cloche.)

Maintenant, s'agissant d'une enquête administrative qui pourrait être diligentée pour bloquer une procédure pour harcèlement, je pense honnêtement que la modification législative intervenue est pertinente dans la mesure où elle permet de clarifier les règles. Nous savons maintenant qu'une procédure pour harcèlement ira à son terme.

Mais il faut tout de même rappeler qu'une procédure administrative diligentée contre une personne vise surtout à savoir si elle est coupable ou non, si elle a commis une faute ou pas ! Ce n'est quand même pas quelque chose d'anodin ! On n'ouvre pas une enquête administrative pour blanchir une personne, mais pour savoir si elle est coupable des faits dont on l'accuse. En ce qui me concerne, je ne vois pas où est le problème d'ouvrir une enquête administrative visant à faire toute la lumière sur les faits qui sont reprochés à quelqu'un.

En l'occurrence, Mesdames et Messieurs les députés, cette enquête administrative a été menée à son terme, après l'audition de 41 témoins, et l'enquêteur - indépendant et impartial - est arrivé à la conclusion que le directeur de l'OCSTAT était blanc comme neige dans cette affaire. C'est la raison pour laquelle je vous remercie de soutenir les conclusions du rapport de majorité.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, présidente

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons au vote: celles et ceux qui sont d'accord avec le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil voteront oui; celles et ceux qui veulent la renvoyer au Conseil d'Etat voteront non.

Mises aux voix, les conclusions de la commission de contrôle de gestion (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 39 oui contre 28 non et 5 abstentions.