Séance du
jeudi 20 janvier 2005 à
20h30
55e
législature -
4e
année -
4e
session -
20e
séance
R 491
Débat
M. François Thion (S). J'aimerais d'abord... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)J'aimerais d'abord rappeler l'origine historique de cette construction qu'on appelle un mur, une barrière ou une clôture selon les endroits. Le gouvernement israélien a décidé de cette construction en avril 2002. Pour les autorités israéliennes, le mur ou barrière constitue «une mesure défensive conçue pour empêcher l'entrée de terroristes, d'armes et d'explosifs dans l'Etat d'Israël.»
Cette résolution ne remet bien entendu pas en question le droit légitime d'Israël d'assurer la sécurité de ses frontières et d'empêcher l'accès à son territoire de personnes susceptibles de constituer une menace. Pourtant, la protection de l'Etat d'Israël ne justifie pas la construction de cette clôture à l'intérieur des territoires occupés, c'est-à-dire en Cisjordanie. Savez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, que la plus grande partie du mur-barrière n'est pas construite sur la ligne verte, c'est-à-dire la frontière internationale entre ce qui était autrefois la Jordanie qu'on appelle maintenant la Cisjordanie et qui est devenu, depuis les Accords d'Oslo le territoire palestinien et Israël ? Cette clôture est édifiée à près de 90% sur le territoire palestinien, à l'intérieur de la Cisjordanie. Elle isole plusieurs villes et villages palestiniens, séparant des familles, coupant des habitants de leur terre, de leur travail, de l'école, de l'hôpital et d'autres services essentiels.
Précisons que la population palestinienne qui vit sous l'occupation israélienne en Cisjordanie ne retire aucun avantage de ce mur-barrière construit pour sa plus grande partie dans ses territoires occupés. Au contraire, cette construction a des conséquences désastreuses pour des milliers de Palestiniens. Le mur entraîne des restrictions incroyables, démesurées, à leurs déplacements dans les territoires occupés, ainsi que des violations de leurs droits fondamentaux comme le droit au travail, le droit à l'alimentation, le droit aux soins médicaux, le droit à l'éducation et le droit à un niveau de vie décent.
Le mur-barrière entoure plus de 50 implantations civiles israéliennes, autrement dit des colonies, qui abritent la majorité des colons israéliens dans les territoires occupés. Ces implantations sont illégales selon le droit international. On peut ici se référer à la résolution 242 des Nations Unies. De plus, cette colonisation se renforce. En août 2004 par exemple, le gouvernement israélien a approuvé la construction de 200 logements supplémentaires dans la colonie d'Ariel située en plein coeur de la Cisjordanie. Durant ce même mois, d'août 2004, le feu vert a été donné pour la construction de 600 nouvelles habitations à Ma'aleh Adumim, la plus grande colonie de Cisjordanie, à l'est de Jérusalem.
On sait les motivations des gens qui vont habiter dans ces colonies. En fait, on leur propose des logements à bon marché, soit en location, soit grâce à des prix du terrain extrêmement bon marché à l'achat. On leur assure également des équipements collectifs, des écoles, des hôpitaux, etc..
Nous estimons donc que ce mur à l'intérieur des territoires occupés - les 17% de la Cisjordanie seraient ainsi annexés - est contraire au droit international et entraîne des violations graves des droits humains. Des mesures de sécurité, y compris la construction de ce genre de clôture, peuvent être prises du côté israélien, cela ne nous pose pas de problème: si Israël veut se défendre, il peut très bien construire un mur, mais à l'intérieur des frontières israéliennes et non pas à l'extérieur.
Je tiens à préciser aussi que la Cour internationale de justice, mandatée par l'Assemblée générale des Nations Unies a réclamé le démantèlement de cet ouvrage. De plus, les autorités suisses ont réagi avec satisfaction à l'avis de la Cour internationale de justice. Le porte-parole du département fédéral des affaires étrangères a précisé à l'ATS - je tiens l'information du journal «Le Courrier» du 10 juillet 2004 - que «le jugement de la Cour confirme la position du département des affaires étrangères selon laquelle la construction de la barrière de séparation enfreint le droit international humanitaire. Le gouvernement suisse est convaincu qu'une paix juste et durable ne peut être atteinte que par la reconnaissance du droit international et la prise en compte des intérêts des deux parties.»
Comme nous le disons dans l'exposé des motifs, nous pensons que la pression internationale peut être un moyen efficace pour pousser les autorités israéliennes à cesser ce chantier. Nous pensons également que Genève n'est pas une ville ou un canton comme les autres et qu'une résolution prise par notre parlement peut certainement appuyer tous ceux qui, en Israël, en Palestine, mais aussi en Suisse et dans le monde entier, oeuvrent pour une paix juste et durable au Proche-Orient. C'est pourquoi nous vous invitons à soutenir cette résolution. (Applaudissements.)
Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Les autorités israéliennes ont effectivement entrepris la construction d'un mur fait de béton, de clôtures électriques, de checkpoints et d'installations militaires séparant Israël de la Cisjordanie. Ce mur de séparation érigé pour des raisons prétendument sécuritaires sert avant tout des intérêts stratégiques et politiques. Il encercle et isole des dizaines, des centaines de milliers de Palestiniennes et de Palestiniens; il les prive de leur liberté de déplacement, d'accès à l'éducation et aux soins, mais il les dépossède également de terres fertiles et de réserves d'eau.
Les organisations de défense des droits de l'homme qui ont enquêté sur le sujet, que ce soit Amnesty International ou des associations israéliennes, soulignent toutes, comme les Nations Unies, à travers divers rapports, que les terres saisies sont le plus souvent des terres cultivées comprenant des sources d'accès à l'eau potable ou à l'eau d'irrigation des champs. De plus, la ligne physique ainsi érigée sépare le paysan de son champ, l'écolier de son école et le travailleur de son travail.
Ce mur bafoue également la Convention de Genève. Genève ne peut dès lors pas rester muette face au viol des droits fondamentaux de personnes civiles. Nous ne pouvons pas rester insensibles aux cris de désespoir et aux appels à l'aide du peuple palestinien et aussi de bien des Israéliens impuissants devant cette politique agressive synonyme de poursuite de la guerre. Cette construction n'est en tous cas pas un signe de passivité.
Cette résolution est peut-être un acte mineur dans un conflit qui nous dépasse, mais devons-nous rester muets et nous résigner à l'impuissance ? Nous pouvons, de temps en temps, arrêter nos discussions égocentriques de pays riches et gâtés pour nous tourner vers ceux qui vivent des situations insupportables qui déboucheront certainement sur un embrasement général si rien n'est entrepris à temps.
Pour soutenir notre conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey dans sa politique favorisant la paix au Proche-Orient, mais surtout par solidarité avec les Palestiniens et les Israéliens qui militent inlassablement pour la paix et se mobilisent contre l'édification de ce mur, nous devons tous accepter cette résolution.
Les Verts vous prient donc d'accepter cette résolution qui va dans le même sens pacifiste et rassembleur que l'initiative de Genève.
La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants: MM. Spielmann, Brunier, Mettan, Letellier, Muller.
M. Jean Spielmann (AdG). Ce n'est pas la première fois que nous débattons de la situation dramatique de cette région du Proche-Orient et de la situation du peuple palestinien, mais il y a vraiment des limites à ce qui est acceptable. La réalité que vit aujourd'hui une bonne partie de la population de cette région n'est justement pas acceptable.
Depuis la fin de la première Intifada, qui avait comme caractéristique une ampleur et une participation absolument extraordinaire de la population - participation qui démontrait la réalité de la pression subie par la population en situation d'occupation - nous sommes intervenus à plusieurs reprises ici, puisque Genève est la dépositaire des accords qui portent son nom. Nous avons par conséquent une responsabilité toute particulière pour faire respecter les Accords de Genève et les peuples soumis à l'occupation. Nous devions donc dénoncer les dispositions répressives mises en place aujourd'hui par l'Etat d'Israël.
Il faut bien savoir que la construction de ce mur viole - évidemment - des lois internationales, mais aussi presque toutes les résolutions de l'ONU relatives à ce secteur, qui n'ont jamais été appliquées et respectées. On assiste continuellement à des violations du droit international, à des violations des devoirs et des droits de ceux qui occupent un autre pays. Dans le cas particulier, la question de l'eau est centrale, de même que la question du travail, de la nourriture, de l'éducation et des soins. En plus de cela, l'Etat terroriste d'Israël conduit des activités totalement inacceptables pour des gens civilisés: comme les punitions collectives, la destruction de maisons qui appartiennent à des familles ou à des gens présumés avoir participé à des mouvements de résistance. Ce sont là des activités qui violent continuellement le droit international sans que la communauté internationale se donne le droit d'intervenir ! Cette communauté internationale est intervenue et a bombardé des peuples entiers pour bien moins que les principes des résolutions internationales qui sont violés ici ! Alors, qu'attend la communauté internationale, qu'attend notre pays pour prendre des mesures, pour exiger l'arrêt de la construction de ce mur, sa destruction et le respect des conventions internationales et des Conventions de Genève en faveur des peuples emprisonnés?
J'ajoute que plus de 7500 Palestiniens sont aujourd'hui emprisonnés de manière totalement arbitraire, sans aucun jugement, sans aucune possibilité d'intervention, sans droit de visite. Ces gens sont déplacés d'un coin à l'autre, du désert du Néguev jusque dans les autres régions de la Palestine occupée, sans aucune possibilité d'intervention. Il y a aussi des responsables qui sont emprisonnés; je pense à Marwan Barghouti qui a été condamné plus de cinq fois à la prison à vie, sans aucun argument, sans aucune justice et sans aucune possibilité de défense...
Il y a une réalité : un Etat se conduit dans les territoires occupés sans respecter aucune loi et aucune règle internationale ! Et nous, dépositaires des Conventions de Genève, nous resterions sans rien dire ?! C'est tout simplement inacceptable. Je pense qu'il est temps qu'on parle et qu'on le dise haut et fort : les droits humains, les droits de la personne et le droit à la dignité doivent être respectés dans les territoires palestiniens. (Applaudissements.)
M. Christian Brunier (S). Je pensais que sur un débat qui concerne les droits de l'homme, de la personne humaine, le parlement serait suffisamment sage et serein pour discuter de manière convenable. Je vois qu'il y a malheureusement une sorte de manipulation, puisque, quand les gens se sont inscrits pour ce débat, il y avait des gens de droite et de gauche. Maintenant, il y a un certain nombre de députés de droite qui ont retiré leur inscription pour être sûrs d'avoir le dernier mot. Je trouve dommage qu'on ne puisse pas discuter sereinement sur un sujet aussi grave.
A droite - du moins ceux qui se sont exprimés en coulisses, puisqu'on n'a encore entendu personne dans ce débat - on pense que ce n'est pas le rôle d'un parlement cantonal de débattre d'un tel sujet. D'ailleurs, à chaque fois qu'on ouvre un débat sur les droits de la personne, il y a toujours des gens qui, plutôt que de combattre pour la cause, trouvent des prétextes pour éviter le débat. Je rappelle tout de même à la droite que lorsque nous avons combattu la dictature birmane, nous avons presque à l'unanimité voté ici une résolution. Là, personne ne s'est posé la question de savoir si c'était le rôle ou non du parlement... D'ailleurs, avec M. Koechlin, nous étions allés à Berne, devant une commission du Conseil des Etats, pour défendre les droits de la personne en Birmanie. C'est donc aussi le rôle de ce parlement de parler de temps en temps des droits de l'Homme dans le monde. Nous sommes la cité des droits de l'Homme, la cité de la paix, nous sommes la ville détentrice des Conventions de Genève; nous ne pouvons donc pas crier sans cesse que nous avons un rôle international à assumer et, en même temps, ne pas vouloir débattre de sujets aussi graves que le mur, la prison, qui est en train de se construire en Palestine !
D'autres députés nous ont dit que cette résolution était un acte dérisoire et que la gauche se donnait bonne conscience. Oui, c'est un acte dérisoire... Je vous rappelle pourtant que le membre d'Amnesty International qui écrit tout seul chez lui - ou chez elle - une lettre pour réagir à l'enfermement d'un prisonnier ou d'une prisonnière politique effectue aussi un «acte dérisoire» ! La personne qui déclenche une grève de la faim dans le monde pour lutter contre une injustice ou une privation de liberté fait aussi un «acte dérisoire» ! Mais c'est grâce à des actes dérisoire de personnes, de parlements, de groupements et d'associations qu'on arrive à faire bouger les choses et qu'on arrive, heureusement de temps en temps, à infléchir les dictatures ! Oui, aujourd'hui nous vous demandons de faire un «acte dérisoire», mais c'est un acte important !
J'ajoute qu'il n'y a pas d'acte politique majeur là-derrière. Et politiser ce débat, le réduire à un débat gauche-droite, c'est une erreur grave de ce parlement ! (L'orateur est interpellé.)Ce que nous demandons avec cette résolution, c'est que ce parlement adopte la position prise par la Confédération helvétique: la position prise par la Cour internationale de justice. Est-ce que ce parlement est prêt à être plus minimaliste que le Conseil fédéral ou que la Cour internationale de justice par rapport à un drame humain considérable ? Aujourd'hui, une population - le peuple palestinien qui a déjà tant souffert - se fait enfermer dans un mur de béton: nous ne pouvons pas nous taire à propos d'un scandale de ce genre !
Nous nous sommes tous réjouis - ou presque tous - lorsque le mur de Berlin tombait. Alors, on ne peut pas à la fois se réjouir quand le mur de Berlin tombe et ne pas protester contre la construction d'un mur autour d'une population qui a déjà tant souffert !
Je vous demande simplement de voter une résolution qui appuiera les positions de notre pays et qui ancrera encore plus notre vocation à la défense des droits de l'Homme à Genève. (Applaudissements.)
M. Guy Mettan (PDC). Pour ma part, je ne suis pas d'accord avec M. Brunier parce que je ne considère pas du tout qu'il s'agit d'une motion dérisoire ou d'un sujet dérisoire. Au contraire, je trouve que c'est un sujet important. Je suis tout à fait d'accord d'entrer en matière puisque vous avez pu voir l'amendement que j'ai déposé sur vos bancs.
On ne peut pas faire, comme vous l'avez dit, M. Brunier, une opposition gauche-droite puisque nous, le parti démocrate-chrétien, nous sommes d'accord d'entrer en matière sur cette résolution, pour autant naturellement que vous acceptiez notre amendement.
J'aimerais maintenant entrer dans le fond du sujet. Cette proposition rappelle effectivement une réalité dramatique qu'on ne peut pas nier et avec laquelle nous sommes d'accord. Là où le bât blesse, c'est que, si cette résolution est juste dans son principe elle est malheureusement tout à fait tendancieuse dans ses intentions et ses propositions. Pourquoi ? Parce qu'elle stigmatise un seul côté, un seul camp, et ne tient compte que d'un aspect de la réalité. On aurait pu, à la limite accepter cette résolution telle quelle si elle avait été assortie d'une autre résolution équivalente condamnant avec la même virulence les attentats terroristes commis par le côté palestinien.
A vous entendre, on dirait qu'il n'y a qu'une sorte de victime. (L'orateur est interpellé.)On y viendra à l'invite trois... Que dites-vous aux parents israéliens dont les enfants se font exploser à la sortie des écoles par des bombes humaines palestiniennes ? (Exclamations.)Ces victimes-là ne méritent-elles pas à vos yeux autant de considération que les victimes palestiniennes du mur israélien ? Nous refusons d'accepter une motion qui établit une discrimination entre victimes, qui distingue entre «bonnes» et «mauvaises» victimes, surtout dans un conflit complexe qui empêche toute solution et tout jugement simplistes. Voilà pour l'aspect humain.
J'en viens maintenant à d'autres considérations. Si Henry Dunant avait fondé la Croix-Rouge en établissant des catégories entre bons et mauvais blessés de guerre, s'il avait dit que les blessés français de Solférino devaient être secourus avant les Autrichiens sous prétexte qu'ils étaient dans le bon camp, eh bien, nous n'aurions jamais eu de Croix-Rouge ! (Applaudissements sur les bancs de l'Entente.)C'est de cela qu'il faut prendre conscience ce soir.
Notre rôle n'est pas d'établir des différences entre bonnes et mauvaises victimes. Nous devons garder une nécessaire neutralité. C'est un aspect important pour Genève qui se dit «Ville de paix» et qui est la ville dépositaire, comme l'a rappelé M. Spielmann, des fameuses Conventions de Genève. C'est une responsabilité particulière que nous devons assumer en faisant attention à ne pas jeter de l'huile sur le feu, en prenant parti pour un camp contre un autre, dans un conflit dont les dimensions et les enjeux nous échappent totalement.
Nous avons donc l'obligation de ne pas prendre parti de façon exclusive en jouant un camp contre l'autre. Notre rôle n'est pas de diviser, mais de favoriser les conditions de la paix. Je rappelle à ce sujet l'Initiative de Genève qui a été lancée dans notre ville. Cette initiative doit être soutenue, et non pas torpillée par des résolutions qui accusent un camp au détriment de l'autre. C'est pourtant ce que vous êtes en train de faire avec vos invites ! (Protestations.)Malheureusement, malheureusement ! Mais c'est exactement cela que vous êtes en train de proposer ! Comment pourrions-nous, en tant que ville de Genève, asseoir notre crédit dans ce conflit si nous prenons parti uniquement en faveur d'un camp contre l'autre ? Je rappelle aussi que si nous voulons que l'initiative de Genève marche... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)... alors même qu'en ce moment des ouvertures existent suite au décès de M. Arafat et à l'élection de M. Abou Mazen, nous devons tout faire pour conforter ce dialogue. Pour cela, nous devons éviter de stigmatiser, dans le cas présent, Israël sans faire mention du côté palestinien. Je crois que c'est une dimension extrêmement importante, nous ne devons pas galvauder les chances de paix.
Je rappelle aussi que Genève a déjà raté les négociations d'Oslo en 1991, parce que les Norvégiens avaient su conserver une neutralité qui était apparue bonne et crédible aux deux camps. C'est pourquoi ils avaient accepté d'aller négocier à Oslo et non pas à Genève. Quand on a la chance d'avoir une Initiative de Genève qui porte le nom de notre ville, nous devons tout faire pour la conserver et éviter de la torpiller de la façon dont vous le faites, Mesdames et Messieurs !
C'est pourquoi je vous propose d'accepter nos amendements qui vont dans ce sens. Ils reconnaissent que ce mur est condamnable, mais ils préservent toutes les chances pour l'avenir et nous permettent d'éviter de stigmatiser un seul camp au détriment de l'autre.
M. Georges Letellier (UDC). Je vais essayer de voir le problème par l'autre bout de la lorgnette. Malgré la condamnation du mur de la honte par la plupart des Etats à l'exception des Etats-Unis et de leurs alliés stratégiques, le mur a été érigé au mépris du droit international. Plus grave: les Etats-Unis ont inventé le terrorisme afin de pouvoir user du droit de légitime défense avec leurs alliés, droit largement utilisé pour justifier la construction du mur de la honte et l'invasion de l'Irak au motif de la présence d'ADM qu'il n'avait pas.
Comme la loi du plus fort est toujours la meilleure, la loi du talion s'applique en toute impunité sous le couvert du droit à la légitime défense. Nous sommes impuissants devant le diktat américain, malheureusement.
Ce ne sont pas nos vociférations qui changeront les choses en Palestine ! Il faut laisser les deux parties s'entendre, en implorant Dieu qu'il fasse un miracle. Il y a, je ne sais pas... Trente ans que ça dure. La solution ne se trouvera pas par des négociations ou par des pressions. La paix est souhaitable, mais elle est seulement négociable entre Israël et les Palestiniens.
Je pense, pour ce qui me concerne, que je soutiendrai la résolution de la gauche.
M. Mark Muller (L). Le groupe libéral n'entrera pas en matière sur cette résolution et ne soutiendra donc pas non plus l'amendement présenté par le PDC. Nous considérons - et c'est de pratique constante depuis des années et des années - qu'il n'est pas de la compétence de notre parlement de se prononcer sur ce type d'affaires. Cela n'est tout simplement pas de notre ressort.
Il est vrai que dans certains cas, où nous sommes tous d'accord, où il se trouve un consensus général, nous sommes prêts à nous associer à de telles démarches. Nous l'avons fait par exemple pour nos opposer à la lapidation de femmes nigérianes; nous l'avons fait ce soir encore en votant un crédit pour venir en aide aux victimes du raz-de-marée en Asie du Sud-Est; nous l'avons fait chaque fois qu'il y avait un consensus et que nous pouvions voter presque sans débat.
Ici, nous aboutirions, au mieux, à une résolution partisane votée après un débat relativement conflictuel. Par exemple, nous avons entendu le représentant du parti du travail, parti qui à l'époque avait applaudi à la construction du mur de Berlin, nous dire combien la construction de la barrière de sécurité était inadmissible. Cela nous ne le voulons pas. (Rumeur. Applaudissements sur les bancs de l'Entente.)
Les partis de gauche nous disent que Genève, de par son statut de dépositaire des Conventions de Genève, de siège de nombreuses ONG et organisations internationales, se doit de se prononcer dans ce type de conflits.
De notre point de vue, c'est exactement l'inverse. A notre avis, Genève doit être et rester un lieu de promotion de la paix. Cette ville doit être un lieu où les parties en conflit peuvent venir discuter. Elle peut, à cette fin, proposer ses bons offices et ses infrastructures. Comment voulez-vous, après que Genève eut montré du doigt l'un ou l'autre des protagonistes à un conflit, que ce protagoniste vienne ici en confiance pour trouver une solution à l'amiable ? Nous ne pensons pas que cela soit possible. Votre intervention a pour effet d'affaiblir le rôle de la Genève internationale qui est l'un des piliers de notre économie.
Le dernier motif de notre groupe pour s'opposer à cette résolution, c'est qu'aujourd'hui, dans le conflit israélo-palestinien, il y a de l'espoir. Trois motifs d'espérer : Tout d'abord le chef de l'autorité palestinienne a changé. Il s'agit d'une personne qui, semble-t-il, est ouverte au consensus. Nous espérons que cela pourra aboutir à l'ouverture d'un vrai dialogue. Ensuite, le gouvernement israélien a annoncé récemment - dans des conditions difficiles et il a fallu un certain courage à ce gouvernement pour le faire - son retrait unilatéral de la bande de Gaza. Enfin, le troisième motif, c'est l'initiative de Genève. Peut-être n'ai-je pas été suffisamment attentif, mais il ne me semble pas avoir entendu grand monde rappeler ce soir l'existence de cette initiative. Ce processus a été initié ici et il est soutenu par notre Conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey, votre conseillère fédérale... (Brouhaha.)Elle le soutient de façon admirable, je le reconnais. Ce processus a pour but d'amener les interlocuteurs, la société civile directement concernée, à se mettre autour d'une table, à essayer d'avancer pas à pas vers une solution négociée. Je rejoins là tout à fait M. Mettan: ce n'est pas en jetant l'anathème sur l'une des parties au conflit que vous aidez les efforts actuellement entrepris par Mme Calmy-Rey pour aboutir à une solution de paix.
C'est pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, que nous rejetterons cette résolution. (Applaudissements.)
La présidente. Monsieur Spielmann, la liste est close. (Exclamations.)Vous avez été mis en cause ? A quel titre ? Je n'ai pas entendu votre nom, Monsieur le député. (Protestations.)Je n'ai pas entendu votre nom, mais je vous laisse une seconde. (Brouhaha.)
M. Jean Spielmann (AdG). Monsieur Muller a dit textuellement que le représentant du parti du travail avait applaudi à la construction du mur. (Commentaires.)C'est faux ! (Brouhaha.)J'ai toujours été... Monsieur Koechlin, un peu de calme ! Messieurs les libéraux, sur vos bancs, quand siégeaient les chemises noires qui défendaient le fascisme, vous aviez d'autres attitudes et un autre nom. Vous avez pris le nom de «libéral» seulement un peu après. Je peux rappeler les mots qui ont été prononcés sur vos bancs.
Et je ne peux pas accepter qu'on dise ici que nous avons applaudi la construction du mur ! Toute ma vie et dans tout mon engagement, je me suis battu contre les murs et contre l'oppression, y compris contre le mur de Berlin. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Mesdames et Messieurs les députés, la population genevoise verra qui se bat contre la construction des murs et qui les soutient et les applaudit ! (Applaudissements sur les bancs de l'Alternative. Brouhaha. Sifflets.)
La présidente. Nous allons maintenant procéder au vote des invites proposées par M. Guy Mettan. Vous tous les avez reçues. Le premier amendement vise à remplacer le texte actuel de la troisième invite par cette mention: «condamner tout acte terroriste».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 42 non contre 30 oui et 2 abstentions.
La présidente. Monsieur Brunier, nous sommes en procédure de vote.
M. Christian Brunier. J'aimerais parler de l'amendement !
La présidente. Puisque cela concerne l'amendement suivant, je vous donne la parole pour la quatrième invite.
M. Christian Brunier (S). Très rapidement. M. Mettan nous a accusés, de manière assez scandaleuse, d'être partisans. Je signale que la résolution est très claire: chaque fois que l'on condamne un acte terroriste du côté israélien, on condamne un acte terroriste du côté palestinien. C'est précisé très clairement dans le texte. (L'orateur est interpellé.)
Dans l'amendement que vous présentez, vous enlevez toute allusion à la condamnation de la construction du mur. C'est l'enjeu de cette résolution ! Nous ne voulons pas de ce mur qui enferme un peuple dans une prison. (L'orateur est interpellé.)Qui dit qu'il ne l'enferme pas ? Allez vivre en Cisjordanie et on verra !
Nous condamnons fermement la construction de ce mur. Shooter cette invite pour la remplacer par votre amendement, c'est vider cette résolution de son sens ! Nous voterons donc contre cet amendement.
Mme Michèle Künzler (Ve). Je pense que le dialogue ne peut s'établir que dans la vérité. Le premier amendement que vous avez déposé n'invite pas à la vérité. quand on dit que l'on condamne que les actes terroristes, on sait très bien que cela signifie que l'on ne condamne que les Palestiniens parce que l'armée israélienne est une armée régulière.
Par ailleurs, vos amendements ne condamnent pas le mur. Or, la construction de ce mur est illégale; elle a été désignée comme telle par des tribunaux, même israéliens ! Les Israéliens eux-mêmes combattent ce mur, qui coûte une fortune, qui empêche les activités sociales en Israël. C'est cela qui est grave !
En plus, vous ne devriez pas défendre ce mur, parce que l'économie israélienne et l'économie palestinienne sont détériorées par ce mur qui est un scandale.
Enfin, votre dernier amendement vise à empêcher de faire connaître cette résolution. C'est peut-être l'amendement le plus simple et mesquin. Pour ceux qui ont quelques notions bibliques, je dirai que cette résolution, qui n'est qu'un petit coup de trompette, peut faire tomber un mur... Il a suffi dans la Bible de sept trompettes pour abattre les murs de Jéricho. Cette résolution y suffira peut-être aussi !
La présidente. Merci, Madame, pour cette belle citation. La parole est à M. Mettan. Mais sur la quatrième ou la cinquième invite uniquement !
M. Guy Mettan (PDC). J'aimerais seulement rappeler aux auteurs le titre de la résolution qui est très clair : «Proposition de résolution condamnant l'édification d'une barrière de sécurité en Cisjordanie.» (Brouhaha.)Personne n'a remis en question le titre ! Donc, si on adopte la résolution avec les amendements, le principe reste. Simplement, les invites deviennent beaucoup plus raisonnables... (Brouhaha.)
M. Sami Kanaan. C'est minable ! (Remarques.)
M. Guy Mettan. Ce qui vous intéresse, c'est jeter l'anathème sur une partie. (Exclamations.)Ce qui m'intéresse moi, c'est de créer les conditions pour construire la paix. Et ce ne sont pas à des tiers extérieurs au conflit d'intervenir. Le rôle des tiers, au contraire, c'est de tout faire pour créer ces conditions en soutenant des initiatives concrètes. La semaine dernière, l'Organisation mondiale des enfants a mis sur pied au Conseil oecuménique des Eglises, avec toutes les Eglises - bouddhiste, protestantes, catholique, etc. - une rencontre avec un curé arabe palestinien. Il organise des rencontres concrètes, des échanges de classes d'élèves israéliens et d'élèves arabes. Voilà une petite oeuvre concrète ! Aucun de vous n'était là, aucun de vous ne s'intéresse à cela... (Exclamations.)Parce que ce qui vous intéresse, c'est condamner, c'est distribuer des bons et des mauvais points, et non pas promouvoir la paix ! La preuve est là: vous refusez de soutenir cette invite qui propose d'appuyer concrètement les initiatives en faveur du dialogue et de la paix ! Voilà la réalité. Vous voulez absolument dire: «Voilà les méchants !» et vous voulez condamner. Condamnez, Mesdames et Messieurs les députés, vous n'aurez jamais la paix dans ces conditions ! (Applaudissements sur les bancs de l'Entente.)
La présidente. La parole est à M. Glatz. Toujours sur la quatrième ou la cinquième invite uniquement.
M. Philippe Glatz (PDC). Je m'exprime en effet sur cet amendement dont j'aimerais souligner l'importance. J'aimerais qu'on y prête un peu d'attention plus sereinement.
J'aimerais vous signaler aussi une initiative extrêmement importante qui a eu lieu début janvier de cette année à Bruxelles: le premier congrès mondial «Cent imams et rabbins pour la paix». Ce congrès était placé sous le haut patronage de sa majesté le roi Mohammed VI et de sa majesté le roi Albert II de Belgique. L'ambition de ce congrès est d'établir un dialogue judéo-musulman à l'échelle mondiale. Devinez, Mesdames et Messieurs les députés, qui a été à l'initiative de cette rencontre... Eh bien, c'est la fondation suisse «Hommes de parole». Cette rencontre a réuni une centaine d'imams et de rabbins qui ont abordé, quatre jours durant, tous les sujets ayant trait à la coexistence de l'islam et du judaïsme dans le monde. Pour les organisateurs, ce premier congrès des imams et rabbins pour la paix ambitionne de contribuer à des solutions pacifiques pour sortir des conflits dans lesquels les deux religions ont une influence. Ils visent également à favoriser la mise en place d'actions concrètes sur le terrain.
C'est exactement ce que vous demande cet amendement à la quatrième invite. Je vous engage, Mesdames et Messieurs les députés, dans un esprit de sérénité à la voter. Elle est constructive et positive, elle va dans le sens de rencontres interconfessionnelles de manière à pouvoir créer les conditions nécessaires à la paix. D'autres l'ont compris avant nous. Soyons fiers de suivre cette voie.
La présidente. Oui, Monsieur Jean Spielmann, veuillez vous exprimerez sur la quatrième ou la cinquième invite.
M. Jean Spielmann (AdG). Je m'exprime sur la quatrième invite, Madame la présidente.
Il faut tout de même savoir ce que l'on dit dans cette salle... Vous dites, Monsieur Glatz, que vous voulez favoriser les rencontres interconfessionnelles. Pour cela, vous voulez remplacer la quatrième invite qui demande de supprimer le mur. Ce mur, ce n'est pas seulement des rencontres interconfessionnelles qu'il empêche, c'est la réunion des familles, c'est le travail, ce sont les relations humaines ! Ce mur coupe tout cela en deux, en faisant régner l'arbitraire. Ce mur ne respecte pas les conventions.
Quand vous parlez, Monsieur Mettan, de deux camps égaux, permettez-moi quand même de dire qu'il y a un Etat qui occupe et qui se rend coupable de terrorisme d'Etat en bombardant et en mutilant des villages entiers, en démolissant des maisons à titre de punition collective, en ne respectant pas les Conventions de Genève et en enfermant depuis des années des gens dans des camps !
L'initiative de Genève et les propositions de paix, Monsieur, ne prévoient pas le retour des populations déplacées dans leurs villages ! Elle n'offre pas d'espoir à ces gens. Depuis quarante ans, ces gens sont confinés dans des camps; ils n'ont aucun autre espoir, aucune illusion de trouver un travail !
On construit un mur, et vous, vous voulez remplacer la demande d'arrêt de la construction de ce mur par le soutien à des rencontres entre les religions... Permettez-moi de dire que, pour que ces gens puissent se rencontrer, il est important qu'on abatte d'abord le mur et qu'on dise que c'est un mur de la honte, contraire au droit international ! Il faut qu'on essaie enfin de faire respecter les devoirs qui sont ceux d'un pays occupant et qui sont précisés dans les Conventions de Genève dont nous sommes les dépositaires. Nous voulons d'abord démolir ce mur pour qu'on puisse ensuite, effectivement, commencer à se rencontrer et à discuter.
Mesdames et Messieurs les députés, il faut parler un langage clair ! On ne peut pas remplacer la demande de l'arrêt de la construction d'un mur par des voeux pieux et des échanges confessionnels, alors qu'on ne peut même pas circuler librement dans les régions dont nous parlons actuellement. (Applaudissements sur les bancs de l'Alternative.)
La présidente. Je mets aux voix le deuxième amendement de M. Mettan qui vise à remplacer la quatrième invite par la mention suivante : «Encourager, par tous les moyens à sa disposition, les initiatives concrètes en faveur du dialogue entre les différents peuples et religions de la région».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 51 non contre 17 oui et 4 abstentions.
La présidente. Je mets aux voix le troisième amendement de M. Mettan qui vise à supprimer la cinquième invite.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 61 non contre 11 oui.
M. Christian Brunier. Je demande le vote par appel nominal pour savoir qui soutient et qui s'oppose à ce mur. (Appuyé.)
Mise aux voix, la résolution 491 est adoptée par 37 oui contre 33 non et 2 abstentions. Elle est renvoyée au Conseil d'Etat. (Applaudissements sur les bancs de l'Alternative à l'annonce du résultat.)