Séance du jeudi 20 janvier 2005 à 20h30
55e législature - 4e année - 4e session - 20e séance

R 467-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de résolution de Mmes et MM. Sami Kanaan, Sylvia Leuenberger, Ariane Wisard-Blum, Anne Mahrer, Dominique Hausser, Christian Brunier, Alberto Velasco, Carlo Sommaruga pour plus de transparence dans les négociations de l'Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) menées dans le cadre de l'OMC (initiative cantonale)
Rapport de majorité de M. Jean-Michel Gros (L)
Rapport de première minorité de M. Alberto Velasco (S)
Rapport de deuxième minorité de Mme Nicole Lavanchy (AdG)

Débat

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. Mon vis-à-vis dit qu'il était sûr que j'aurais quelque chose à ajouter à mon rapport. Il a raison !

J'aimerais retracer un peu l'histoire de cette résolution: elle a été déposée il y a environ deux ans et il est regrettable que nous ne l'ayons pas traitée plus tôt. Pourtant le sujet est toujours d'actualité, nous pourrons donc en débattre.

L'objectif de cette résolution est de faire prendre conscience à notre parlement des accords AGCS et de ce qu'ils impliquent, notamment pour notre canton et nos communes. Et puis, parmi les différentes invites, il y en a une qui demande au SECO et à la Confédération de respecter certains articles de la Constitution et de tenir compte des avis de nos parlements, notamment des parlements municipaux.

En effet, ces accords concernent à plus d'un titre les lois votées par ces différents parlements. Je m'explique.

Il y a dans cet accord général sur le commerce et les services l'obligation pour les différents pays de se mettre en accord avec les règles adoptées au sein de l'OMC. Les différentes constitutions et les différentes lois doivent donc être changées. C'est un peu paradoxal, parce que, voyez-vous Mesdames et Messieurs les députés, cela signifie que les lois que nous votons ici doivent être en cohérence avec les règles adoptées au sein de cette institution. Pourtant, les séances de l'OMC se déroulent la plupart du temps entre fonctionnaires, c'est-à-dire que ces séances ne sont même pas de niveau ministériel. Il y a là un paradoxe.

J'ajoute que cette éminente institution ne fait même pas partie des Nations Unies. Elle est un appendice à côté, et elle est soustraite à tout contrôle du parlement que seraient les Nations Unies.

Nous voici donc, à plus d'un titre, soumis à une institution qui adopte des règlements sur le commerce international et sa libéralisation sans avoir pourtant une légitimité institutionnelle, puisque les gens qui y siègent sont délégués et non pas élus. En dépit de ce manque de légitimité, les règlements que ces gens adoptent nous sont contraignants. Par conséquent, j'estime que cette résolution est très importante pour nous. Je tiens à ajouter qu'aujourd'hui il y a en France cent communes et villes qui ont rejeté ces accords AGCS. La Ville de Genève en a fait autant, de même que quatre villes en Suisse. Il y en a d'autres ailleurs dans le monde, par exemple Montréal.

Lors de nos travaux en commission M. Pauletto nous a dit que les ONG avaient été sollicitées et tenues au courant des négociations de l'accord. En fait - je tiens à le dire - ce n'est pas le cas ! Le sigle ONG, je l'ai appris, recouvre un spectre assez large d'organisations. Sont en effet invités à ces réunions la Société suisse des banques, «economiesuisse», les représentants des grandes industries pharmaceutiques... Que ces groupes soient considérés comme des ONG, je dois dire que c'est un peu dur à avaler ! Les séances auxquelles ces personnes sont invitées ne durent pas plus que vingt minutes et elles consistent à informer ces différentes entités... Voilà ce que l'on appelle se concerter avec les ONG pour des décisions aussi importantes ! Donc, les informations qui nous ont été données lors des travaux de la commission étaient partielles.

Par ailleurs, je trouve dommage que nous n'ayons pas entendu des personnes qui sont contre ces accords, les connaissent, les ont étudiés, et qui auraient pu nous apporter des éclaircissements. Alors, je regrette que la majorité de la commission n'ait pas accepté d'entendre certaines personnes comme nous l'avions proposé.

Je m'arrête là, Madame la présidente. Je reprendrai la parole au cours du débat.

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse de deuxième minorité. Je tiens, au nom de l'AdG, à m'offusquer du peu de cas que la droite a fait de cette résolution. La question de l'AGCS touche la population suisse en général, celle de ce canton, mais également les élus communaux et cantonaux. Malgré cela, vous avez simplement refusé, Mesdames et Messieurs, d'entrer en matière et d'entendre des personnes qui puissent avoir un point de vue contraire aux deux seules personnes auditionnées. Ce que j'en conclus, Mesdames et Messieurs de la droite, c'est que, pour vous, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ! Le Conseil fédéral maîtrise le dossier, les Chambres aussi, les cantons ont été consultés... Bref, pas de souci, tout va bien !

Le problème, qui n'a pas été traité en commission et saute aux yeux dans le rapport de M. Gros, c'est que personne ne sait ce que recouvre le terme «service public». Ni le Conseil fédéral, ni les Chambres, ni les cantons, ni les communes !

Je cite quelques passages du rapport de M. Gros. En page 4, il cite à son tour M. Pauletto, chef du secteur «politique et commerce des services» au SECO - une personne habilitée à négocier dans le cadre de l'AGCS - qui dit ceci : «En ce qui concerne la définition du service public, la notion étant difficile à cerner, il appartient à chaque Etat de prendre ses propres précautions.» M. Pauletto est au coeur de la négociation AGCS pour la Suisse et il n'a pas su donner une définition des services publics à la commission de l'économie ! M. Pauletto et ses collaborateurs entrent en négociations au nom de la Suisse sans cadre précis pour négocier. A ce grand jeu du Monopoly mondial ?! On donne au SECO tout pouvoir et c'est proprement révoltant !

En page 5, M. Gros écrit que Mme la conseillère d'Etat Brunschwig Graf insiste sur le fait que tout ce qui est important, c'est que la Suisse définisse sa vision du service public et reconnaisse son existence, ce qui, dans un premier round des négociations n'avait pas été défini. Mme la conseillère d'Etat me démentira peut-être, mais il me semble que le Conseil fédéral ne sait toujours pas quel sens donner au mot «service public» !

En page 6, M. Gros commence ainsi un paragraphe de sa conclusion : «Si un doute pouvait subsister sur la définition du service public par le Conseil fédéral...». Eh bien, Monsieur Gros, j'aimerais bien, ce soir, vous entendre dire qu'il n'y a absolument plus de doute possible et que vous savez ce que recouvre le terme «service public». J'ai bien peur que vous ne soyez en peine de me donner cette définition... (L'oratrice est interpellée.)On verra ça !

Pour la droite, comme je l'ai dit, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, alors que personne ne sait quels sont les services qui seront préservés de l'AGCS. C'est bien là un des pièges de cet accord ! Un article de l'accord mentionne: «... les services comprennent tous les services de tous les secteurs, à l'exception des services fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental». Jusque là, pas de problème ! Ensuite, l'article précise que «par service, il faut entendre un service qui n'est fourni ni sur une base commerciale, ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services.» Or, les services dans les domaines de l'éducation, de la santé ou de l'environnement, par exemple, sont aujourd'hui tous en concurrence entre le secteur public et le secteur privé. On n'a donc pas de définition de ce qui pourrait être préservé des accords AGCS.

A l'Alliance de gauche, il nous semble qu'il est tout à fait irresponsable d'entrer dans une négociation sans se doter d'une définition claire de ce que la Suisse entend par «service public». C'est pourtant ce que fait la Confédération. En ce sens, le Conseil fédéral est irresponsable, puisqu'il est entré en négociation sans faire savoir ce qu'il entendait par «service public». C'est notamment cela que dénonce l'AdG. C'est aussi pour cette raison que l'AdG ne soutient pas la cinquième invite de la résolution proposée par les socialistes et les Verts. Cette invite propos d'associer les instances cantonales et locales au processus de participation aux négociations relatives à l'AGCS. Nous refusons une telle participation tant qu'il n'y a pas, notamment, de clarification de la notion de service public. Cette clarification ne pourra se faire sans concertation avec les instances politiques et civiques de ce pays. Pour nous, il n'est pas question de faire participer des membres de parlements cantonaux ou communaux à des négociations totalement biaisées, tenues secrètes et dont la vocation première est de servir les intérêts des multinationales ! Pour nous, il s'agit de stopper ce processus qui permet à des minorités de personnes de s'approprier les biens collectifs au détriment des pays et des citoyens les plus pauvres de ce monde.

Nous voulons rejoindre les régions et les villes courageuses qui ont voté un stop à l'AGCS. En France, plusieurs Conseils généraux, municipaux ou régionaux, ont pris position contre l'AGCS: «Stop AGCS» ! Le Conseil de Paris, par exemple, s'est déclaré non-AGCS; au Canada, la Fédération canadienne des municipalités a voté une résolution pour mettre sous surveillance le gouvernement fédéral dans les négociations AGCS; en Grande-Bretagne, des villes comme Oxford se sont déclarées non-AGCS ! Il ne faut donc pas nous dire ici que rien ne peut être fait ! Preuve en est que beaucoup de municipalités, de régions, voire de pays, ont réagi !

C'est pourquoi, si nous avions, en commission, eu l'occasion - mais l'Entente nous l'a refusée - de discuter de la résolution, nous aurions tout simplement annulé toutes les invites pour en proposer une seule ainsi formulée : «Le Grand Conseil de la République et canton de Genève invite les autorités fédérales à demander un moratoire pour la participation de la Suisse aux négociations en cours; dénoncer l'opacité des négociations actuelles en l'absence de tout contrôle démocratique; faire adopter par les Chambres fédérales une définition claire de la notion de service public, puis la faire reconnaître par l'OMC; décréter que l'AGCS ne s'applique pas aux services publics.»

Voilà de quoi nous aurions pu discuter en commission. Nous n'avons pas pu le faire. L'AdG souhaite dès lors que la population comprenne à quel point l'Entente ne veut pas soulever un lièvre qui pourrait lui sauter à la figure aussi. Cet accord enlève des prérogatives à ce parlement, comme aux parlements municipaux. Et c'est un peu scandaleux que, sur un sujet aussi grave - sur lequel plusieurs municipalités européennes, plusieurs villes au niveau mondial ont pris position - ce parlement n'ait même pas eu un débat soutenu à la commission de l'économie !

La présidente. Nous allons d'abord... Ah ! la parole a été demandée par M. le rapporteur Jean-Michel Gros.

M. Alberto Velasco. Les rapporteurs peuvent toujours intervenir dans le débat !

M. Jean-Michel Gros. Si vous le permettez, Monsieur le rapporteur, je n'ai pas encore pris la parole !

La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste. La voici: Mme Stéphanie Ruegsegger, M. Weiss, Mme Leuenberger, M. Jeannerat, M. Kanaan, M. Mouhanna, Mme Bolay, M. Velasco et Mme Lavanchy.

M. Jean-Michel Gros (L), rapporteur de majorité. Je n'ai pas pris la parole en premier, Madame la présidente, parce que je voulais entendre ce que les rapporteurs de minorité allaient dire exactement. Si ce que M. Velasco a dit ne m'a pas surpris puisqu'il reprenait mot pour mot, à peu près, le contenu de son rapport de minorité, Mme Lavanchy, en revanche, est allée beaucoup plus loin et a tenu le discours que je craignais. Son discours est un pur discours anti-Organisation mondiale du commerce. C'est son droit, mais c'est justement sur ce genre de propos que la commission de l'économie ne voulait pas entrer en matière. C'est pourquoi nous n'avons pas poussé le débat sur une résolution qui s'adresse aux Chambres fédérales jusqu'à un débat de fond pour ou contre l'OMC.

Mme Lavanchy a dit beaucoup de choses. Elle a dit, premièrement, que les négociateurs suisses ne consultaient personne. Ce qui n'est absolument pas vrai, vous l'admettrez à la lecture de mon rapport. Le SECO, qui est chargé des négociations, consulte les organismes cantonaux. La preuve est que les cantons, d'une manière unanime, ont approuvé les lignes directrices des négociations du GATT.

Mme Lavanchy a ensuite parlé de la définition des services publics. Cette définition a été donnée par les négociateurs également. Je vous donne l'exemple des critères retenus de manière cumulative pour, notamment, le service public d'éducation. Ce service public est défini ainsi. Premier critère : «Le titre ou le curriculum sont définis par l'Etat dans le cadre de sa politique éducative.» Deuxième critère : «Le service offert correspond à l'exécution d'un mandat public.» Troisième critère : «Le service offert correspond à un besoin.»

Tout cela est agrémenté d'exemples et d'explications. La Conférence suisse des chefs de département de l'instruction publique a d'ailleurs décidé à l'unanimité la chose suivante : «L'assemblée plénière prend note et approuve les trois critères susmentionnés. Elle donne mandat au comité d'intervenir auprès de la Confédération afin que celle-ci dépose une communication dans ce sens auprès de l'OMC.»

Cela veut dire que ces services publics sont définis auprès des organismes qui doivent être légitimement consultés, comme dans le domaine de l'agriculture lorsqu'il s'agit de définir les recommandations, comme en matière d'eau potable s'agissant du plan directeur de l'énergie et de la distribution d'eau potable des cantons. Vous voyez que les gens sont consultés ! Ils ont des définitions strictes et ils donnent leur accord ou non.

Tout ceci doit pourtant - j'en reviens ici au rapport de M.  Velasco - doit rester dans une certaine discrétion. Lorsque l'on négocie, Monsieur, il est impossible de consulter l'ensemble de la population, l'ensemble des parlements cantonaux ou communaux, pour que chacun donne son avis. Si l'on procédait ainsi, les négociateurs n'auraient plus aucune arme en main.

Quant à la non-consultation de certaines ONG, Monsieur Velasco, ce n'est pas parce que l'Association des banquiers est considérée comme une ONG, ainsi que vous l'avez mentionné, que les autres ONG ne sont pas consultées. M. Pauletto nous l'a dit, et j'ai pu le vérifier, il existe un site internet où tous les mandats de négociation sont régulièrement publiés: toutes les ONG ont accès à ce site pour demander des débats, des discussions ou pour donner leur avis. En général, lorsqu'elles demandent un débat, immédiatement, réponse leur est donnée. Je connais trop bien M. l'ambassadeur Wasescha et je sais qu'il est très ouvert à tous les débats et qu'il fait preuve d'une très grande disponibilité.

Voyez-vous, Madame Lavanchy, être pour ou contre l'OMC, ce n'est pas l'objet de ce débat ! Une chose est vraie cependant: 145 pays font partie de l'OMC. Et ceux qui n'en sont pas membre ne rêvent que d'une chose: y entrer. Ce doit donc être, quelque part, une assez bonne chose, cette OMC ! Comme le relevait «Le Temps», qui, vous l'admettrez, Mesdames et Messieurs les députés, n'est quand même pas un journal de droite... (Protestations. Rires.)J'en étais sûr ! Il fallait que je récupère votre attention, Mesdames et Messieurs ! «Le Temps», donc, publiait ceci dans un éditorial: «Il faut sans doute des mesures de protection pour les plus faibles, mais, à moins de préférer le socialisme de pénurie ou les épreuves de forces sauvages, il n'y a pas d'alternative à la libéralisation régulée des échanges internationaux. D'ailleurs, aucun Etat ne veut quitter l'OMC et les derniers absents font tout pour y entrer.» Voilà ce que je peux dire de l'OMC.

Je vous en prie, Mesdames et Messieurs les députés, n'entamons pas un débat général sur l'utilité ou non de l'OMC, ce n'est pas de notre ressort. Bornons-nous à cette résolution que, de l'avis de la majorité de la commission, il convient de rejeter.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Je crois qu'il est nécessaire de rappeler en préambule qu'il y a eu une large consultation sur cet accord; au niveau des grandes organisations, mais également au niveau des cantons. Il nous a été rappelé que le canton de Genève avait souscrit à la ligne proposée par le Conseil fédéral. Il y a donc eu une large consultation, peut-être pas des parlements, mais du moins des milieux intéressés.

Enfin, il va sans dire que, comme l'a dit M. Gros, si la Suisse entend mener des négociations de qualité, il faut qu'une certaine discrétion soit maintenue. Le contenu des mandats et encore moins nos divergences ne doivent être étalés sur la place publique. Faute de quoi, la position de la Suisse serait considérablement amoindrie. Je crois d'ailleurs pouvoir dire que, en matière de négociations internationales, nous avons la chance de compter dans nos rangs des négociateurs de haut vol qui défendent au mieux les intérêts de la Suisse.

Par ailleurs, je crois qu'il est essentiel de rappeler une chose aux gens de gauche qui soutiennent cette résolution - ils devraient s'en souvenir puisqu'il y a quelques années ils défendaient cette même ligne: en matière internationale, la compétence est au Conseil fédéral. Demander que cet accord passe devant le parlement reviendrait à mettre en question cette compétence du Conseil fédéral et à placer le gouvernement sous tutelle.

Je rappelle à la gauche qu'il y a quelques années l'UDC avait déposé une initiative demandant que les négociations d'adhésion avec l'Union européenne passent avant tout devant le peuple. Tous les partis, y compris ceux que vous représentez ici au Grand Conseil avaient alors rappelé que les négociations internationales étaient de compétence fédérale. Aujourd'hui, l'objet en négociation vous intéresse différemment et vous estimez qu'il est alors possible de remettre en question la compétence du Conseil fédéral. On ne peut pas jouer comme ça avec les compétences du Conseil fédéral ! Ce n'est pas une fois la compétence du Conseil fédéral et une fois la compétence du parlement en fonction de ce qui vous arrange, Mesdames et Messieurs !

Je vous propose, et le groupe démocrate-chrétien avec moi, de suivre l'avis de la majorité de la commission et de rejeter cette résolution.

M. Pierre Weiss (L). Nous avons eu en ce début de soirée l'excellente idée de rejeter un certain nombre de textes, de les mettre à la poubelle de l'histoire. Je crois qu'en ce qui concerne cette proposition de résolution, nous devrions avoir la même sagesse, dans la mesure où ce qui est demandé a trouvé une réponse dans les mois qui viennent de s'écouler. Entre le moment où cette résolution a été déposée et aujourd'hui, en effet - comme l'a rappelé tout à l'heure le rapporteur de majorité - un certain nombre d'informations tout à fait intéressantes sont parvenues à la connaissance du peuple suisse, à la connaissance des Genevois et je crois même de leurs députés.

Un point tout à fait crucial a été relevé tout à l'heure par le rapporteur de majorité lorsqu'il a défini en réponse à la rapporteuse de minorité ce qu'il convenait d'entendre par service public dans le cas de l'enseignement. J'aimerais prendre la question à l'inverse en posant la question de ce qui n'est pas un service public dans le cas de l'enseignement. Pour ce faire, je me réfère à la déclaration de la conférence des directeurs de l'instruction publique dont fait partie notre propre ministre de l'instruction publique, M. Charles Beer. Il a, avec ses collègues, défini par la négative ce qui n'était pas un service public d'enseignement. Par exemple, lorsque le titre n'est pas défini par l'Etat dans le cadre de sa politique éducative. Il s'agit par exemple de programmes de MBA de l'Université ou de HES mais ne correspondant pas au cursus normal, programmes pour lesquels des frais d'écolage particulièrement élevés sont demandés. Il s'agit d'une offre qui vient en surplus, à côté, de l'offre normale d'un master.

Autre critère : un service offert sans qu'il corresponde à l'exécution d'un mandat public. Par exemple, une université privée qui a l'autorisation de s'établir dans un canton avec le titre d'université n'aurait pas droit à des subventions publiques. Il en existe actuellement dans notre canton, il pourrait en exister dans d'autres cantons, mais le simple fait d'être autorisée à s'établir ne donnerait pas à cette institution le droit à des subventions publiques. Voilà un deuxième critère qui doit être pris en considération dans la définition de ce qui n'est pas un service public.

Le troisième critère est que le service offert ne doit pas répondre à un besoin. L'Etat ne doit pas mettre sur pied un service éducatif s'il n'est pas déjà proposé par une autre institution, qu'elle soit publique ou privée. Ces trois critères définissent par la négative ce qu'est un service public. Il suffit que l'un des trois critères soit présent et nous pouvons dire, avec les éminents experts consultés par la conférence des directeurs de l'instruction publique, que nous n'avons pas à faire à ce que certains craignent quand il s'agit de libéralisation de l'éducation.

En d'autres termes, je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, au nom du groupe libéral, de ne pas transformer la crainte en paranoïa. On parle ici de libéralisation qui bénéficie à l'ensemble des pays de notre planète ou plutôt d'un nombre croissant de pays de notre planète. Certains toquent à la porte pour bénéficier aussi de l'offre de l'OMC. Nous ne pouvons pas refuser à cet ensemble de pays les progrès qui sont actuellement proposés en matière de libéralisation des échanges; une libéralisation des échanges sur laquelle des contrôles sont exercés, avec sagesse, comme on peut le voir dans le cas de l'éducation. Voilà pourquoi, chers collègues, je vous demande de faire en sorte que cette proposition de résolution soit également oubliée par notre Grand Conseil et, dans un premier temps, qu'elle soit rejetée. J'espère que l'ancien président d'ATTAC-Genève me suivra dans cette proposition.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je suis un peu étonnée par les propos de M. Weiss. Peut-être est-il un peu naïf d'imaginer que ces accords vont se passer si bien. Je crois qu'il est important de répéter que cet accord sur le commerce des services est le premier et le seul accord international sans base juridique. Il ne répond qu'à des impératifs économiques. Je crois qu'il est un peu naïf d'imaginer que ces accords vont prendre en compte les préoccupations des cantons, voire des communes ou des politiques mises en place par les pays.

C'est dans ce sens-là que cette résolution avait été écrite, elle est rédigée sur un ton consensuel. C'est pour cela qu'elle n'allait pas très loin; son objectif était d'être renvoyée au Conseil fédéral pour que le canton se préoccupe aussi de ces accords généraux sur les services publics.

Il faut savoir que ces accords régissent le commerce international et que les Etats, en les ratifiant, peuvent privatiser les services. Il faut savoir aussi que ces accords toucheront les cantons, voire les communes. Par exemple, si le traitement des déchets faisait partie des accords, un canton ne pourrait plus réglementer librement les modalités de fourniture de ce service. Alors, je ne comprends pas vos réticences à marquer une préoccupation quant à l'information sur les retours et la participation à cette négociation. Qui peut ne pas être concerné par des décisions qui représentent 20 milliards de francs par an, c'est-à-dire trois-quarts de notre produit national brut ?!

Comme l'a dit M. Velasco, en France, une centaine de villes se sont déclarées zones non-AGCS. C'est le cas de la ville de Paris. Si ces communes et ces collectivités l'ont fait à petite échelle, c'est qu'elles veulent un débat public national. Elles croient que chacun a la possibilité d'exercer une influence au niveau national et international. Je pense donc qu'il est totalement illusoire d'imaginer que ces accords vont respecter les politiques cantonales, voire communales. De plus, nous ne pouvons pas ignorer que Genève abrite l'OMC et que tout se joue sur notre territoire. Et envoyer cette résolution au Conseil fédéral montre que nous sommes concernés par ces accords.

Je suis désolée, Monsieur Gros, mais le site internet du SECO que vous mentionniez n'a pas été mis à jour depuis un certain temps. La liste des négociations n'y figure pas; seule y figure une synthèse. Bien heureux celui qui parviendra à faire le tri et à comprendre quoi que ce soit sur ce site !

L'entrée en vigueur de cet accord était fixée au premier janvier 2005. Il y a énormément de retard. C'est pour cela qu'il est encore temps de manifester une préoccupation. Nos invites sont basiques et simples: nous demandons de communiquer publiquement; nous demandons de mettre en oeuvre un processus de concertation, de mener une campagne objective d'information et d'associer les autorités. C'est une simple résolution qui montre que le canton de Genève ne se désolidarise pas !

Nous soutiendrons bien évidemment notre propre résolution, mais je voterai également les amendements de Mme Lavanchy parce que je trouve que le service public est très mal défini, voire pas défini du tout. Et je trouve que le moratoire est une bonne manière d'approfondir la réflexion.

Nous soutiendrons donc les amendements de l'Alliance de gauche et, s'ils ne passent pas, nous vous invitons à renvoyer cette résolution telle quelle au Conseil fédéral. (Applaudissements.)

M. Jacques Jeannerat (R). A la lecture de cette résolution, on ne peut que souligner la méfiance des auteurs du texte face aux autorités fédérale. Les auditions nous ont montré la qualité de la politique de communication du Conseil fédéral, la qualité de la transparence dans la communication de celui-ci.

La Constitution fédérale est claire. Comme l'a rappelé Mme Ruegseggger, il appartient au Conseil fédéral de négocier les accords internationaux, les Chambres peuvent les adopter. Reste ensuite la voie référendaire pour les insatisfaits. Durant des négociations du type de celles qui nous occupent actuellement, une certaine discrétion est nécessaire si l'on veut donner toutes les chances aux positions de notre pays. Sans cela, la Suisse serait affaiblie face à ses partenaires qui connaîtraient à l'avance ses options et ses réflexions. Tous les pays, Mesdames et Messieurs les députés, pratiquent de la même façon !

Discrétion ne veut cependant pas dire absence de consultation. Comme l'a dit M. Gros tout à l'heure, les négociations ont été suffisamment ouvertes, notamment au niveau des cantons.

Alors, Mesdames et Messieurs, à chacun son rôle et à chacun sa tâche ! Il appartient au parlement fédéral de poser les questions que les partis estiment nécessaires sur les accords internationaux avant qu'ils ne les adoptent.

Les radicaux vous suggèrent donc de rejeter cette proposition de résolution.

M. Sami Kanaan (S). On va être honnêtes: le fait que nous votions ou pas cette résolution aura un impact assez limité sur les négociations multilatérales à l'OMC. Le rapporteur de majorité à raison sur un point : le but, ce soir, n'est pas forcément de débattre sur la question de savoir si l'OMC est une bonne chose ou pas. Ce qui est intéressant, c'est que depuis que nous traitons cet objet en commission, soit depuis mars 2003, le calendrier de l'OMC fixé à l'époque n'a pas du tout été tenu... Aujourd'hui, les principaux concernés disent que l'OMC a de sérieux problèmes, puisque les négociations sur la plupart des sujets sont en panne. L'entrée en vigueur de la plus grande partie de ces accords, prévue au 1er janvier 2005, a été ajournée parce que les négociations sont en cours. Evidemment, chacun veut obtenir des concessions des autres, mais ne veut rien lâcher de son côté; en particulier les pays riches veulent l'ouverture des marchés dans les pays en voie de développement, sans forcément lâcher du lest de leur côté.

Ce qui est intéressant - et il faut que cela soit dit aujourd'hui - c'est l'impact sur les cantons. Le fait que les négociations soient en panne n'est pas forcément une bonne nouvelle, parce que ce qui se passe à la place est pire. En effet, les pays riches, notamment les Etats-Unis, mais aussi la Suisse, multiplient maintenant les négociations bilatérales ou multilatérales, cela de manière encore plus opaque, en vue de conclure des accords sectoriels spécifiques, lesquels sont moins transparents - et certainement moins accessibles à nous, pauvres petits députés locaux !

Une voix. Bravo !

M. Sami Kanaan. Et je ne me réjouis même pas que l'OMC soit en panne: parce que ce qui se passe est encore pire ! Je ne m'attarderai pas là-dessus, mais il faut savoir comment se passent les négociations.

Officiellement, seuls les Etats sont habilités à négocier. Il est également exact que, par la suite, seuls les Etats peuvent porter un différend devant les instances juridiques de l'OMC qui, je vous le rappelle, ont un pouvoir décisionnel et contraignant. Mais qui se trouve derrière les Etats ? Les milieux privés puissants qui veulent négocier des ouvertures de marché et des libéralisations trouvent toujours au moins un Etat qui défendra leurs intérêts.

Parlons un peu de l'éducation, secteur que j'ai eu l'occasion de suivre un peu au niveau de l'OMC. Les universités voulant faire du commerce avec l'enseignement supérieur trouvent très facilement des Etats - comme les Etats-Unis, l'Angleterre ou l'Australie, des Etats anglo-saxons, puisque l'anglais est une langue dominante - qui se font le relais des multinationales qui souhaitent vendre des prestations d'enseignement. Il y a toujours un Etat qui fait le relais des intérêts d'une branche économique - la Suisse, par exemple, est le relais privilégié de l'industrie pharmaceutique. C'est donc une illusion, parce que des Etats sont les membres actifs des négociations, de croire que celles-ci seraient d'autant plus démocratiques et transparentes. Bien au contraire ! Comme par hasard, les ONG n'ont pas le même accès, du moins pas avec la même puissance face aux Etats.

J'ai eu l'occasion de participer à quelques-unes des séances au cours desquelles l'OMC prétend informer les ONG. J'utiliserai un terme très simple : c'est du pipeau. On est convié au siège de l'OMC, à Genève ou éventuellement dans d'autres antennes; on vous donne en général des informations qui ont déjà été publiées dans les journaux; et lorsque vous posez des questions précises sur l'agenda des négociations, sur l'état de ces dernières, sur les enjeux et les positions des uns et des autres, eh bien, on vous répond qu'il faut s'adresser aux Etats membres, parce que l'OMC n'est pas autorisée à divulguer ce qui se passe...

Plusieurs intervenants ont dit tout à l'heure que les négociations doivent se dérouler, jusqu'à un certain point, de manière confidentielle. C'est juste ! Et c'est le cas pour toute négociation. En amont et en aval, il est toutefois assez intéressant de pouvoir définir les mandats de manière transparente et démocratique et d'essayer d'anticiper les conséquences des accords.

Là, on en vient à la question des services publics et des pouvoirs locaux. A double titre, ce qui se passe à l'OMC ou dans toute autre enceinte, de ce type d'ailleurs, est réellement inquiétant. Lorsqu'on prétend - et les négociateurs suisses le prétendent avec beaucoup de conviction - que chaque Etat est libre de protéger ses services publics, on oublie toujours de préciser la suite des clauses de l'OMC, c'est-à-dire que l'on ne peut protéger que des activités qui ne sont pas soumises à concurrence et où les opérateurs privés sont absents.

Aujourd'hui, des opérateurs privés, vous en avez dans bientôt tous les domaines: dans la santé vous avez des opérateurs privés; dans l'éducation vous avez des opérateurs privés, etc. Evidemment, ils sélectionnent les volets de l'activité qui sont rentables ! Dans l'éducation primaire, vous n'avez pas tellement d'opérateurs privés, parce que ce n'est pas très rentable ! Et encore ! Il y a des écoles privées pour le primaire. Mais sur les segments non rentables de l'enseignement supérieur... Ce n'est pas demain la veille qu'on verra des opérateurs privés faire de l'archéologie, par exemple ! Mais il y en aura dans la gestion d'entreprise, dans certains secteurs du droit, dans certains secteurs de la biogénétique. Dès lors qu'il y a des opérateurs privés, ils trouvent un Etat-relais pour leurs revendications, et, après, vous êtes très vite en position de devoir justifier vos subventions à des filières publiques tandis que des opérateurs privés doivent se débrouiller sans subventions.

La Suisse dit qu'elle ne propose pas des libéralisations dans la plupart des secteurs de l'éducation. Le problème, c'est qu'elle veut des libéralisations dans d'autres secteurs ! Et pour les obtenir, elle devra faire des concessions, sans quoi elle n'aura pas ce qu'elle veut. C'est ainsi dans toutes les négociations. C'est un processus qu'on ne peut pas freiner, quoi qu'on dise. Symboliquement, c'est intéressant de dire qu'on est une ville sans AGCS, mais il est vrai que le processus continue... En revanche, ce qui est de notre responsabilité, c'est d'exiger une grande transparence sur les conséquences possibles de ces accords. Pour les pouvoirs locaux, je peux vous dire que l'OMC n'est pas une institution transparente. On a parlé de l'Union européenne avant. Certes elle a des défauts. On a pu critiquer ou non l'ouverture de négociations. Elle a au moins le mérite d'avoir une certaine légitimité démocratique. L'OMC n'a aucune légitimité démocratique. Elle existe, c'est un mal nécessaire. Comme je l'ai dit, ce n'est pas le but de discuter ici si l'OMC est une bonne chose ou pas. L'OMC existe et, si ça se trouve, ce qui se passe en dehors est pire.

Peut-être que la résolution n'est pas le bon moyen, peut-être qu'il y en a d'autres, mais c'est de notre responsabilité d'exiger plus de transparence. Les décisions qui se prennent à l'OMC sont contraignantes pour les pouvoirs locaux, pour nos services publics; la moindre des choses, c'est qu'on exige une plus grande transparence et une plus grande participation, en amont quand on définit les mandats, en accompagnement pour être informés de ce qui se passe et en aval pour voir les conséquences. Sinon, nous n'assumons pas nos responsabilités.

C'est pourquoi je vous invite à accepter la résolution telle qu'elle a été votée à l'origine.

M. Souhail Mouhanna (AdG). M. Kanaan vient de dire que l'OMC est un mal nécessaire. Je suis d'accord avec lui sur le terme «mal», et pour nous un mal doit être combattu. C'est la raison pour laquelle je suis totalement d'accord avec Mme Lavanchy. C'est vrai, nous sommes contre l'OMC et contre l'AGCS, parce qu'il s'agit de deux organismes qui n'ont qu'un seul but : transformer les Etats en instruments policiers destinés à protéger les prédateurs de l'économie au détriment des populations.

Il s'agit aujourd'hui de discuter d'une résolution et non pas de discuter pour savoir si oui ou non nous acceptons l'OMC ou l'AGCS. Mme Ruegsegger a dit tout à l'heure que nous contesterions les prérogatives du Conseil fédéral en matière de négociations internationales. Il suffit de lire la résolution, Madame ! Il s'agit d'une résolution destinée au Conseil fédéral. Elle ne remet pas en cause ses compétences pour négocier. Il s'agit simplement de demander plus de transparence. Nous demandons que les citoyennes et les citoyens soient informés. Evidemment, les objets dont traitent les négociations concernent, comme chacun le sait, absolument toutes les citoyennes et tous les citoyens de notre pays.

On nous a dit qu'il n'y aurait pas de danger, dans la mesure où la Suisse n'a pas déposé de demandes relatives au service public... J'aimerais quand même relever deux ou trois phrases de requêtes suisses qui nous ont été présentées lors de l'audition du représentant du SECO. Voici ce qu'il dit : «Le présent document est consacré à la présentation de la teneur des requêtes initiales de la Suisse.» Dans les principes directeurs il est dit :«D'une part, il faut approfondir et élargir les engagements déjà pris, et garantir ainsi un niveau plus élevé de libéralisation juridiquement contraignante.» C'est un point de départ. On nous dit cela, mais on sait tous que l'objectif de l'AGCS, c'est justement de libéraliser et de privatiser l'ensemble des services. Que ce soit l'éducation, la santé, l'eau, l'environnement, les transports, les télécommunications, la poste, absolument tout devient marchandise ! Et les besoins des populations sont mis en arrière par rapport à l'appétit de profit d'un certain nombre de multinationales.

Comme vous le savez d'ailleurs, ceux qui participent aux négociations sont d'une part les gouvernements et, d'autre part, les multinationales, et plus particulièrement les multinationales américaines et européennes. Je donnerais deux exemples de ce genre de négociations. L'AGCS prévoit des dispositions sur l'énergie. Dans les requêtes suisses, apparemment, l'énergie n'est pas incluse. Mais le Conseil fédéral a présenté un projet de loi sur la libéralisation du marché de l'électricité...

Autre exemple : Un secrétaire d'Etat, M. Kleiber, pour ne pas le nommer, s'est permis de signer, au nom de la Suisse, la déclaration de Bologne. Et on a vu comment les choses se sont passées du point de vue de la démocratie: on a transformé complètement le système de formation supérieur, sans que la population ait eu à se prononcer à aucun moment sur ces modifications extrêmement importantes...

M. Weiss s'est permis de dire tout à l'heure que certaines résolutions avaient été envoyées dans les poubelles de l'histoire. Monsieur Weiss, sachez que l'histoire ce n'est pas quelques jours, quelques mois ou quelques années ! L'histoire est suffisamment longue pour que, à un moment ou à un autre, d'autres textes, d'autres personnages se retrouvent dans les poubelles de l'histoire. Et je ne crois pas que ce soient ceux auxquels vous pensiez ! Je tenais à vous le dire.

Je veux rappeler qu'il s'agit bien, dans cette résolution, de demander la transparence, de demander au Conseil fédéral que les éléments soumis à discussion soient portés à la connaissance de la population. Elle a le droit de savoir ce qui se trame. Il n'est pas normal que la Suisse soit engagée dans une voie sans retour. Il faut savoir en effet qu'une fois les accords signés aucun Etat ne peut revenir en arrière ! Supposons aujourd'hui qu'une majorité de droite néo-libérale gouverne au niveau fédéral et au niveau d'un certain nombre de cantons, eh bien, si ces gens engagent la Suisse, la démocratie voudrait que cet engagement dure le temps de ces majorités et non pas éternellement ! Au niveau de l'exercice des droits démocratiques, c'est absolument inadmissible !

Ce qui se passe est inacceptable et Mme Lavanchy a parfaitement raison de présenter un amendement demandant un moratoire. Nous voulons que le Conseil fédéral précise les termes de «service public» parce que ce que nous avons entendu tout à l'heure n'est pas suffisant. M. Weiss s'est contenté de dire quelques phrases sur ce qui serait un service public ou non s'agissant de l'enseignement. Monsieur Weiss, il s'agit d'un problème global ! Il s'agit de milliers de milliards qui sont en jeu, qui seront livrés aux profiteurs de l'économie, au détriment des populations ! Le service public, en revanche, est au service de l'ensemble des populations, qu'elles soient ici ou ailleurs.

Peut-être que le sort de cette résolution est joué d'avance dans une configuration comme celle de ce Grand Conseil. Pourtant, nous avons bon espoir que d'autres débats interviendront, pour que la population sache à quel jeu vous jouez. Parce que, la transparence, vous ne la voulez pas ! Parce que ce sont les gens qui sont de votre obédience néo-libérale et antisociale qui gouvernent la Suisse et la plupart des cantons. Alors, nous vous controns sur ce terrain et sur tous ceux où vous pratiquez une politique antisociale !

Mme Loly Bolay (S). Que vise cette résolution ? D'une part son but est d'obtenir une plus grande information et une plus grande transparence; d'autre part, il s'agit d'associer les autorités cantonales et locales au processus de participation et de concertation.

J'aimerais tout de même revenir sur les propos de M. Jeannerat. Il nous disait tout à l'heure qu'il ne fallait pas être méfiant... Monsieur Jeannerat - qui ne m'écoutez pas et qui parlez avec Mme Ruegsegger - il y a beaucoup de conseillers nationaux à Berne, et pas seulement à gauche, qui se sont inquiétés de ce manque de transparence, de ce travail en catimini du Conseil fédéral ! J'ai ici sept ou huit interpellations, motions, résolutions, déposées à Berne par des gens qui, depuis 2002, se sont inquiétés du manque de concertation, du manque de transparence du Conseil fédéral. Il y a parmi eux quelqu'un qui était avec nous il n'y a pas si longtemps que cela, c'est Jean-Claude Vaudroz.

Mesdames et Messieurs les députés, c'est justement parce que ces négociations se sont déroulées de manière non transparente que le Conseil d'Etat genevois a adressé, le 22 janvier 2003, une lettre demandant à la Conférence des gouvernements cantonaux que les cantons soient informés de manière régulière et précise de l'état d'avancement des négociations et qu'ils soient, le cas échéant, consultés.

Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution ne demande pas la lune, elle est parfaitement cohérente ! Car le domaine des services contribue à lui seul aux 80% de la création de nouveaux emplois en Suisse. C'est dire l'incidence que ces accords auront !

Nous avons vu tout à l'heure que beaucoup de communes ont déposé des résolutions demandant d'être des zones non-AGCS. C'est le cas de Paris ou de Montréal. Pour cette raison, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de voter cette résolution telle qu'elle est issue de la commission de l'économie.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. J'aimerais tout d'abord répondre au rapporteur de majorité qui dit que les cantons ont approuvé à l'unanimité les propositions de la SECO...

M. Jean-Michel Gros. Du SECO !

M. Alberto Velasco. Du SECO effectivement. Merci, cher collègue, de me corriger ! Peut-être les cantons ont-ils adopté ces propositions. En ce qui me concerne, comme député, je n'ai jamais vu passer quoi que ce soit. Alors, ce sont les exécutifs des cantons, mais pas les législatifs.. Or, ce que nous voulons, c'est que les différents législatifs soient informés et qu'ils puissent se déterminer. Voilà ce que demande la résolution.

Maintenant, concernant les services publics, nous avons entendu toute une série de définitions, notamment par vous-même, Monsieur Gros, et par M. Weiss. Mais il y a une définition simple, Messieurs ! Un service public doit être pérenne et doit assurer ses prestations à la population - quelle que soit, disons, la situation de l'acteur.

Je m'explique. Il y a bien des hôpitaux qui tombent en faillite, on l'a vu. Et heureusement qu'il y a le service public derrière pour pouvoir parer aux faillites d'hôpitaux ! Si j'ai une école privée, je peux la fermer quand je veux; mais l'Etat, le service public, lui, ne peut pas fermer l'école quand il veut.

Nous disons que soumettre le service public à la concurrence est un grave problème. (L'orateur est interpellé.)Oui, Monsieur Gros ! Parfaitement ! Cela détériore la situation des services publics.

Pour corroborer ce qu'a dit mon collègue Sami Kanaan, je confirme que l'article 1.3 B de l'AGCS stipule que les services objets comprenant tous les services, dans tous les secteurs, à l'exception des services fournis dans l'exercice des pouvoirs gouvernementaux... Donc, à l'exception des pouvoirs gouvernementaux, tout est considéré comme un service. Ensuite, il est indiqué, c'est l'article 1.3 C, que, pour échapper aux règles de l'AGCS, le service ne doit être fourni par le gouvernement ni sur une base commerciale, ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services. Voilà, Messieurs ! Cela signifie que, si un hôpital public est en concurrence sur le marché, il sera soumis aux règles de l'AGCS.

Ensuite, ce que je tiens à vous rappeler, c'est qu'il y a un article de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 - c'est la nouvelle Constitution, que nous avons tous approuvée - qui prévoit que les cantons doivent être informés, consultés et associés de manière appropriée aux négociations internationales lorsque leurs compétences sont affectées. Effectivement, en l'occurrence, nos compétences sont affectées.

Voyez-vous, Monsieur Gros, nous avons eu un débat l'autre jour à la commission des travaux au sujet des AIMP, il s'agissait de la construction d'une école pour laquelle le Conseil d'Etat a dû appliquer ces accords. En l'occurrence, ce marché a été emporté... (L'orateur est interpellé.)Oui, mais c'est un petit AGCS ! Ce marché a donc été emporté par un architecte suisse-allemand et un ingénieur civil vaudois. (Remarque.)

Une voix. Cela veut dire qu'on est trop cher !

M. Alberto Velasco. Sur les bancs d'en face, tout le monde a trouvé que c'était dommage, parce que ces architectes ne connaissent pas le fonctionnement de nos institutions d'instruction publique et que, par conséquent, leur projet pourrait présenter des carences. Je comprends cela et je partage cet avis.

On a vu également, dans le cadre des séances de la commission des travaux sur les AIMP, qu'une bonne partie de la droite n'a pas voté ces accords. De nombreux artisans sont venus nous dire qu'ils ne voulaient pas de ces accords parce que, à partir d'un certain niveau, le canton devrait avoir prise sur ces commandes. Je comprends que, pour des commandes de 10 ou 20 millions, l'AIMP soit appliqué. Mais pour un certain niveau de commandes, je comprends que certains secteurs disent que, soumis à une concurrence trop grande, ils auront des problèmes. Cela, nous l'avons vu ! (L'orateur est interpellé.)Ce que je veux dire, Monsieur Gros, c'est que cela, c'est seulement l'AIMP ! L'AGCS est encore pire, s'agissant des services publics.

Il ne s'agit pas ici de discuter de l'OMC, mais de la transparence dont nous avons besoin et que nous méritons. Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à voter mes propositions, soit le renvoi à l'Assemblée fédérale et, si ce renvoi est refusé, alors je demande le renvoi en commission parce que j'estime que des informations pertinentes ne nous avaient pas été données à l'époque.

Mme le sautier m'informe qu'il y a un petit problème avec le règlement... Je propose donc que nous votions d'abord sur le renvoi en commission et, ensuite, sur le renvoi à l'Assemblée fédérale.

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse de deuxième minorité. Je voulais juste revenir sur mon argumentation quant à la définition de «service public». C'est vrai qu'il ne s'agit pas de faire ici le procès de l'OMC, même si je le ferais volontiers, parce que je trouve que cet organisme transforme les humains en marchandises: on ne voit plus les gens en termes de relations humaines et de valeur humaine, mais on ne se pose plus que les questions : «Tu vaux combien ? Je t'achète combien ?». C'est ce que vous faites avec l'AGCS et ses négociations, Mesdames et Messieurs ! Ce n'est pas le débat, bien, mais je trouve tout à fait inqualifiable qu'on en arrive maintenant à mettre les être humains en vente libre. Et c'est ce qui se passe !

Monsieur Gros, vous m'avez donné une réponse sur la définition des services publics. Cette réponse, vous la trouvez dans un document édité par la CDIP, soit la Conférences des directeurs cantonaux de l'instruction publique - cela a été édité en octobre 2004. Il se trouve qu'en août 2003 cette même conférence avait envoyé un communiqué de presse dans lequel elle se disait extrêmement interpellée par la manière dont le SECO menait ces négociations.. (L'oratrice est interpellée.)Précisément ! Si chaque fois qu'il y a des négociations il faut que des gens, qui sont en première ligne pour les services publics, écrivent des communiqués de presse, interpellent le Conseil fédéral pour savoir ce qui se passe, c'est qu'on mène des négociations à la petite semaine ! Et quand je parle de définition des services publics, ce n'est pas seulement pour un secteur comme l'instruction publique, je demande une définition claire, qui soit donnée à toute la population, et pour tous les secteurs, qu'il s'agisse de la santé, du social, de l'eau, de l'environnement. Cela n'a pas été fait !

Les négociations ont commencé sans que personne ne sache de quoi il retournait vraiment; Mme Brunschwig Graf a dû demander ce qui se négociait vraiment dans le domaine de l'instruction publique. Je vous prie de m'excuser, mais, procéder sérieusement, ce serait commencer par savoir de quoi l'on parle quand on va négocier ! Définir après coup, cela ne veut rien dire. Il se trouve que, malgré la définition posée pour la négociation, si une partie signataire se sent trompée par rapport à cette définition, elle entrera en conflit juridique, il y aura jurisprudence et ce n'est pas sûr que la Confédération gagne. C'est cela, la conséquence de ces accords ! Ils nous obligent à donner à toutes les entreprises des parties contractantes les mêmes avantages qu'aux entreprises du pays. Si une partie au traité se sent flouée, elle pourra déposer plainte. Vous n'êtes pas certains, Mesdames et Messieurs les députés, que la Confédération gagne et impose sa définition du service public ! C'est ce qui se passe avec ces accords. (L'oratrice est interpellée.)Je ne vous parle pas méchamment, mais je suis assez fâchée !

Je reviens à la résolution que l'Alliance de gauche a déposée. Il n'est pas sérieux de sectionner ainsi les services dus à la population. Alors, on parle ici de l'instruction publique, il y a eu une interpellation des directeurs de l'instruction publique cantonaux... Dans le même sens, une demande a été adressée à un professeur honoraire de la faculté de droit de l'Université de Lausanne, M. Matthias-Charles Kraft. Cette personne est un ancien collaborateur de la direction du droit international public. Le département fédéral de l'intérieur et la Conférence des directeurs cantonaux de l'instruction publique ont demandé un avis de droit à ce professeur. (L'oratrice est interpellée.)Cet avis date de février 2003. Au point 12, on peut lire: «Compte-tenu de la complexité du GATT et des incertitudes qui subsistent au sujet de l'interprétation de plusieurs de ses dispositions et notamment de l'article 1, paragraphe 3, lettre b), services fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental, le juriste ne peut que rencontrer des difficultés à donner des réponses claires, précises, à la question posée concernant la signification et la portée des engagements pris par la Suisse dans le domaine de l'éducation. Il est condamné à faire un pas de plus et à examiner, dans le cadre de la libéralisation progressive qui est un des fondements du GATT, les mesures qui pourraient être éventuellement prises pour essayer de lever certaines de ces incertitudes.»

Je vous prie de m'excuser, mais lorsqu'un juriste - qui a travaillé au niveau d'un département fédéral, professeur à l'Université de Lausanne - donne une réponse aussi incertaine quand il estime ne pas pouvoir se prononcer, c'est bien que les définitions claires manquent ! Il semble que ces accords soient en évolution, que les définitions vont se fixer petit à petit. Je ne sais pas comment vous avez appris à négocier, mais généralement, quand je vais négocier, je sais ce que j'apporte dans mon panier et je sais ce que je défends ! Là, on a l'impression d'un flou... Excusez-moi, mais ce n'est pas la réponse de la CDIP que vous avez lue tout à l'heure, Monsieur, qui va me rassurer ! (L'oratrice est interpellée.)D'accord, j'arrête de vous demander de m'excuser !

Ce que l'on demande avec les amendements que nous proposons, c'est qu'il y ait un débat, dans cette République comme au niveau suisse, sur ce que l'on entend défendre au niveau des services publics. Ce débat n'a pas eu lieu, on ne sait pas ce qui est négocié au niveau du SECO, on informe au coup par coup; on répond aux réactions, par exemple celles de la Conférence des directeurs de l'instruction publique, mais, la prochaine fois, ce sera celle des directeurs de l'environnement ou que sais-je... Je trouve que ce n'est pas sérieux et qu'il est nécessaire de faire une pause et de réfléchir à ce qu'on est en train de faire au nom de la population de ce canton, de la population suisse en général, et du monde entier plus globalement ! (Applaudissements.)

M. Jean-Michel Gros (L), rapporteur de majorité. Un mot sur le renvoi en commission demandé par M. Velasco. Je vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser ce renvoi. Dans l'esprit de M. Velasco - je le connais tellement bien - il est basé sur un seul argument, c'est que nous n'avons pas auditionné assez de personnes lors des séances de cette commission. Notamment, nous n'avons pas auditionné l'association ATTAC. Or je vous signale que nous avions le bonheur d'avoir le président d'ATTAC lui-même en commission, qui n'est autre que M. Velasco... Je le dis pour «Léman bleu», au cas où les gens n'auraient pas compris mes allusions. Ainsi, ayant le président de cette association dans notre commission, nous n'avons pas jugé opportun d'auditionner d'autres membres d'ATTAC, nous avions tous les renseignements à notre disposition pour prendre position sur cette résolution.

Par ailleurs, M. Velasco s'est plaint de ne pas avoir été, en tant que député, consulté sur les négociations. C'est vrai, Monsieur ! Mais, Mme Ruegsegger l'a très bien expliqué, c'est la Constitution fédérale qui fixe les compétences. La Constitution fédérale donne la compétence de négocier à l'exécutif fédéral avec information aux deux commissions de politique extérieure. Le législatif fédéral est compétent pour ratifier les accords et, s'il doit y avoir des modifications législatives, la voie référendaire habituelle est ouverte. Tout ceci est fixé dans la Constitution qui a été révisée il y a peu. Monsieur Velasco, je ne crois pas que le renvoi en commission permettra de réviser la Constitution fédérale ! Si, vraiment, vous voulez être consulté sur chaque négociation fédérale en matière de droit international, il faudra vous attaquer directement à cette Constitution fédérale. Je vous laisse le soin de le faire.

Je reviens maintenant sur les services publics. Je crois qu'il faut spécifier les choses. Nous avons des réponses du Conseil fédéral à ce niveau-là; et nous ne pouvons pas, non plus, nous méfier systématiquement du mandat donné aux négociateurs par le Conseil fédéral ! C'est écrit noir sur blanc, et je l'ai fait figurer dans mon rapport : la distribution d'eau n'est pas incluse dans l'AGCS ! A ce jour, aucun Etat n'a pris d'engagement en matière de distribution d'eau. Voilà pour l'eau !

Quand on lit: «Les prises de position suisses soulignent que l'enseignement est une tâche qui incombe à l'Etat et la Suisse rappelle le droit de chaque Etat de réglementer en la matière conformément aux dispositions du préambule de l'accord», que ce soit clair : les négociations ont porté uniquement sur l'enseignement privé, matière dans laquelle la Suisse est exportatrice. Il s'agit, dans le fond, de pouvoir accueillir des écoles privées étrangères sur notre territoire, de manière non discriminatoire ! Il s'agit de dire que si l'on autorise une école privée à s'établir sous telles conditions, avec des professeurs qui ont telle formation, sur notre territoire - pour parler de Genève - eh bien, nous n'aurons pas le droit de refuser une école privée étrangère répondant à des normes identiques, que nous aurons fixées. Voilà l'enjeu sur l'enseignement ! Voilà l'enjeu de ces négociations en matière d'enseignement !

Quant à la santé, aucun pays membre de l'AGCS n'a soumis de proposition de négociation dans ce secteur et il est, par conséquent, largement laissé en dehors de la négociation en cours. Voilà, il faut que les choses soient claires !

J'en viens maintenant à la proposition principale de Mme Lavanchy: ouvrir un moratoire sur les négociations de l'AGCS. Genève demanderait un moratoire sur les négociations de l'AGCS... Un moratoire, une suspension de ces négociations, je le dis franchement, serait complètement contraire aux intérêts supérieurs de la Suisse. Un pays qui réalise 80% de son chiffre d'affaire à l'extérieur se tirerait une balle dans le pied en suspendant les négociations de l'AGCS - à un point que je ne peux imaginer ! Et que cela vienne, en plus, du parlement genevois, du législatif, du siège de l'OMC... La balle dans le pied se transforme en balle dans la tête ! Je crois que vous ne réalisez absolument pas ce que vous demandez !

En conclusion, je n'ai qu'une phrase : la Chine cherche à entrer à l'OMC, mais Genève cherche à en sortir. (Applaudissements.)

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse de deuxième minorité. Je voulais seulement reprendre le propos de M. Gros selon lequel la Confédération n'avait finalement pas de devoir constitutionnel d'intégrer les cantons dans une négociation. Je lis l'avis de droit du professeur honoraire de la faculté de droit de l'Université de Lausanne, point 16 : «Il est aussi important de rappeler que le régime applicable à la conclusion des traités internationaux a été modifié, notamment depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2000, de la Constitution fédérale du 18 avril 1999. En particulier, le nouvel article 55, alinéa 1, prévoit que les cantons doivent être associés à la préparation des décisions de la politique extérieure affectant leurs compétences ou leurs intérêts essentiels. A cette fin, la Confédération doit informer les cantons en temps utiles et de manière détaillée et elle les consulte.» Vous avez dit exactement le contraire, Monsieur ! «En temps utile» précise l'avis de droit. Il faut écrire des lettres à la Confédération pour qu'elle réponde en 2004, alors que les négociations ont commencé avant. Par ailleurs, il entre parfaitement dans les prérogatives de ce parlement d'envoyer une résolution aux autorités fédérales. Je ne vois pas pourquoi notre canton ne pourrait pas dire qu'un moratoire est nécessaire malgré le fait que nous abritons le siège de l'OMC. La vocation éthique de l'OMC ne me paraît pas tellement évidente. Je vois la vocation marchande : faire du profit pour les plus gros. Je ne vois pas la vocation éthique, la volonté de respecter les gens, de faire en sorte que tout le monde reçoive une instruction, que tout le monde ait accès à la santé et à l'eau potable. C'est ce qui se passe ! Cela ne me gêne absolument pas de demander un moratoire sur les négociations de l'AGCS... Si cela vous gêne, Monsieur Gros, c'est à cause de vos propres idéaux qui consistent à vouloir continuer à faire de l'argent malgré les effets mondiaux ! Il faudrait avoir un peu plus d'éthique - une «éthique des marchés». Je n'ai pas encore entendu cette expression, mais c'est cela qu'il faudrait. Je ne me sens pas du tout gênée et je soutiens les amendements à la résolution socialiste.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. Je ne peux pas accepter que M. Gros dise qu'en demandant un moratoire nous demandons également la sortie de Genève de l'OMC. En demandant un moratoire, nous demandons simplement qu'il y ait un temps de réflexion. Actuellement, dans de nombreux pays, ces accords ont d'immenses répercussions, et notamment chez nous.

Monsieur Gros, j'aimerais vous dire une chose: l'article 55 de la Constitution précise que les cantons doivent être consultés «lorsque leurs compétences sont affectées».

Notre groupe soutiendra effectivement les amendements déposés par Mme Lavanchy.

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Je me permets de répondre sur un point précis et mon collègue Carlo Lamprecht, qui est en charge du dossier, le fera plus globalement.

Les uns et les autres ont évoqués tout à l'heure, chacun à sa manière et avec ses convictions respectives, les problématiques liées à l'enseignement... J'aimerais rappeler ici que ni le parlement fédéral ni les cantons ne se sont particulièrement intéressés au GATT ou à l'AGCS pendant les premiers temps. Les prémices des négociations ont débuté comme de coutume, sous la responsabilité du SECO et sur les aspects économiques. C'est une réalité.

Il y a tout de même des mécanismes qui se sont enclenchés et montrent bien que, quelque part, la démocratie fonctionne. Pourquoi ? Parce que lorsque la CDIP s'est aperçue en 20003 qu'il y avait un problème, elle est intervenue: elle a eu avec la Confédération un certain nombre de discussions; elle a formé un groupe de travail pour suivre le dossier. Les conseillers fédéraux concernés sont venus expliquer un certain nombre de problématiques; et les négociateurs eux-mêmes ont donné toute une série d'informations, indépendamment de l'avis de droit du professeur Kraft que vous connaissez.

C'est ce processus qui a conduit la même CDIP, en octobre 2004, à adopter cette déclaration en toute connaissance de cause. Il peut donc y avoir eu, au début du processus, quelques éléments qui ont fait que les éléments majeurs relatifs à la formation n'étaient pas très apparents aux négociateurs, sans pour autant qu'ils aient bradé quoi que ce soit de la problématique. Mais on peut dire qu'aujourd'hui, ce que vous réclamez, Mesdames et Messieurs les députés, est totalement déplacé par rapport au déroulement des négociations ! Je ne dénie en rien la déclaration de 2003, je ne dénie en rien toutes les interventions que j'ai faites moi-même à la Conférence des gouvernements cantonaux, ni mon interpellation adressée à M. Deiss lors d'un séminaire des gouvernements cantonaux. C'était en un autre temps, en 2002 déjà, et en 2003 ensuite. Donc, tout ceci est une réalité et c'est bien la preuve que dans notre pays, sans qu'il soit besoin ni d'ajourner ni d'interrompre, ni de faire quoi que ce soit, il est toujours possible d'obtenir des informations, de dialoguer sans violer le processus des négociations - je rappelle en outre que ce processus s'est interrompu à un moment donné pour les raisons que vous connaissez.

Pour être allée moi-même au séminaire «Jeunesse et économie» où sont représentés les enseignants primaires et secondaires, j'y ai passé une demi-journée à débattre de cette problématique, à expliquer les enjeux de la CDIP en novembre 2004. J'ai expliqué pourquoi le fait même qu'il y ait des législations publiques est un élément de protection important par rapport au système d'enseignement public, à ce qu'il est et à ce qu'il n'est pas.

J'ai ici encore un autre document qui permet de voir comment le représentant de la CDIP, dans des forums internationaux, a défendu très clairement les principes qui exposent que la concurrence n'est pas le véritable problème. Parce que, lorsque vous avez un mandat public, lorsqu'il y a des écoles publiques, elles ont un mandat élargi qui va beaucoup plus loin que la mission d'une école privée - chacun d'entre nous le sait. Ici, toute école privée n'a pas pour mission d'assurer l'encadrement social de ses élèves, mission publique prévue par les lois suisses. Aucune université privée n'a les mêmes obligations en termes d'accès que l'université publique. Et chaque université publique est réglée par une loi cantonale, sans parler de la loi fédérale qui les régit. Il en va de même des Hautes écoles spécialisées. A partir de là, les seules problématiques qui restaient à résoudre et les vrais soucis sous-jacents étaient de savoir si, lorsqu'on reçoit des fonds privés, on est mis en concurrence avec d'autres, échappant ainsi à la protection publique.

Cela a aussi été résolu par ce que j'ai indiqué tout à l'heure : le mandat public qui est donné est supérieur au fait de recevoir des fonds privés. Et les soucis légitimement exprimés ont trouvé des réponses, qui sont non seulement satisfaisantes dans l'instant mais qui sont encore des instruments utiles pour la suite des négociations et les éventuelles réserves.

J'ajoute encore un dernier point, soulevé par le rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, dans cette enceinte, vous avez notamment le souci de pouvoir bénéficier, avec les pays du Sud, de contacts, de développements et d'un apport en termes financiers. Ce qu'a rappelé le rapporteur de majorité, c'est que ces marchés, cette ouverture, ouvrent pour les prestations publiques et pour les prestations privées des possibilités considérables d'échanges et de présence à l'extérieur. Ces dernières sont importantes pour la Suisse dont une des matières premières est très certainement la production de la connaissance. Vous ne devez donc pas oublier que cet accord est aussi un instrument de développement et que d'avoir la capacité, par l'ouverture même de ces marchés-là, d'exporter de la connaissance dans des conditions correctes, est précieux. L'OMC - vous l'aimez ou pas - offre certains avantages. Ces accords-là ont aussi cette vertu, c'est l'accès à la connaissance et pas nécessairement pour les motivations mercantiles que vous craignez, Mesdames et Messieurs !

Je crois pouvoir dire ici que ce qui s'est passé était utile, que les protestations politiques étaient précieuses, mais que cela a démontré aussi que nous sommes dans un pays où, en tout temps, nous pouvons intervenir, obtenir des informations et changer le cours des choses lorsque nous voulons être associés à un débat. C'est exactement ce qui s'est produit et c'est pourquoi la résolution n'est plus justifiée.

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Je remercie la présidente du Conseil d'Etat. Elle a, il faut le savoir, représenté le canton de Genève dans le cadre de la CdC; elle a donc vécu tous les débats avec les cantons. Et ces derniers, après avoir imposé un certain nombre de réserves et de suggestions au Conseil fédéral, se sont ralliés - cela à l'unanimité des cantons suisses - aux négociations, disons à leur qualité, de l'OMC.

Ce débat me paraît important parce qu'aussi bien en commission qu'ici, en plénière, nous avons pu avoir une meilleure illustration de ce que l'on attend de l'OMC et de ces accords; nous avons pu prendre connaissance de la position du pays par rapport à ces derniers, mais aussi des lacunes - peut-être - auxquelles il faudra veiller à l'avenir, comme les cantons l'ont fait durant toute la procédure.

Il faut rappeler une chose: aujourd'hui, qu'on le veuille ou non, la Constitution donne compétence au Conseil fédéral de négocier ces accords qui, lorsque les négociations sont terminées, reviennent devant les Chambres. Et toutes les possibilités sont là, à travers un référendum qui sera lancé par qui le voudra, pour que le peuple se prononcer.

C'est la raison pour laquelle, au nom du Conseil d'Etat, je vous recommande de rejeter cette résolution.

La présidente. Une proposition de renvoi en commission a été formulée par M. Alberto Velasco, rapporteur de première minorité.

Mis aux voix, le renvoi de cette proposition de résolution à la commission de l'économie est rejeté par 46 non contre 36 oui.

La présidente. Je mets aux voix l'ensemble des amendements proposés par Mme Lavanchy, rapporteuse de deuxième minorité. Ces derniers figurent dans le rapport.

Mis aux voix, ces amendements sont rejetés par 46 non contre 35 oui.

Mise aux voix, la proposition de résolution 467 est rejetée par 45 non contre 36 oui.