Séance du vendredi 17 décembre 2004 à 10h15
55e législature - 4e année - 3e session - 13e séance

PL 9372-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'intégration des personnes handicapées (K 1 36)
Rapport de majorité de M. Robert Iselin (UDC)
Rapport de première minorité de M. Alberto Velasco (S)
Rapport de deuxième minorité de M. Souhail Mouhanna (AdG)

Premier débat

M. Robert Iselin (UDC), rapporteur de majorité. Je n'ai pas grand-chose à ajouter sinon que c'est un peu facile de jouer les hypocrites et les vertueux, alors que tout le monde, même les handicapés, doivent contribuer, pour un peu, à redresser la situation de Genève. Comment peut-on dire être écoeuré, quand on sait que les aides, assurées par le canton, restent les plus hautes de Suisse ?

La présidente. C'est tout, Monsieur le rapporteur ?

M. Robert Iselin. C'est tout, Madame. (Rires.)

La présidente. Ah, c'est fini !

M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de deuxième minorité. Ce que je viens d'entendre de la part de M. Iselin est incroyable. Je m'attendais à tout sauf à cela. (Rires.)Tout à l'heure, je pensais que M. Baud allait intervenir pour défendre les plus démunis, il ne l'a pas fait. Et tout de suite après, M. Iselin trouve que les handicapés de chez nous sont trop riches parce qu'ils bénéficient des conditions les plus hautes de Suisse.

Ce projet de loi inique est le condensé de la politique pratiquée par le Conseil d'Etat et l'Entente, soutenue par l'UDC. Les mal lotis de chez nous sont «trop riches» parce qu'il y a plus mal lotis qu'eux, ailleurs. C'est ce que vous dites. Tandis que les millionnaires de chez nous ne sont pas assez riches parce qu'il y a plus millionnaires qu'eux, ailleurs. C'est en cela, pour vous, que consiste le rétablissement des finances cantonales ?

Monsieur Iselin, vous vous en prenez à quelques milliers de personnes qui sont d'ailleurs, pour beaucoup, comme c'est écrit dans le rapport, victimes de ce système du culte du profit, de la loi du marché, de la concurrence et de l'écrasement du plus faible par le plus fort - puisqu'on nous a dit qu'il y avait un accroissement considérable de l'invalidité psychologique. Vous voulez prendre à ces personnes 200 francs par mois. Vous allez redresser les finances publiques avec ça ? Sur 5000 ou 10 000 personnes, combien cela fait ? 2 millions de francs ? En même temps, vous faites des abattements de centaines de millions de francs aux millionnaires. C'est inadmissible, scandaleux. Nous sommes révoltés - et je ne parle pas seulement au nom de l'Alliance de gauche - par cette manière de voir les choses.

M. Glatz, hier, s'étranglait d'indignation parce que les handicapés de Genève touchent 200 francs de plus que les handicapés d'autres cantons. C'est véritablement scandaleux, révoltant, inacceptable ! Cela, tout simplement parce que l'on ne tient pas compte de plusieurs choses: à Genève, la vie est plus chère. Par ailleurs, Mesdames et Messieurs les députés de la droite, vous savez bien que les handicapés, qui vivent avec le minimum qu'ils ont à disposition, connaissent déjà des situations précaires et sont extrêmement mal lotis et malheureux. Vous voulez leur rendre la vie encore plus difficile. C'est scandaleux, inadmissible et révoltant !

Nous voterons contre ce projet de loi inique, soutenu par la droite, initié par le Conseil d'Etat.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. Voilà un nouveau projet de loi qui s'inscrit dans le plan financier quadriennal. Je pense, Monsieur Unger, que le précédent projet de loi que nous avons discuté, tout comme celui-ci et comme ceux qui viendront peut-être après, s'il y en a d'autres, n'ont pas été déposés après mûre réflexion. Ce n'est pas que vous ne fassiez pas le travail comme il le faut, mais ces projets de lois ont été déposés parce qu'on vous a intimé l'ordre de faire des économies pour satisfaire au plan financier quadriennal selon lequel le déficit de 290 millions de francs ne devrait pas être dépassé. C'est la raison pour laquelle, Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez cherché à apporter une contribution dans votre département. Malheureusement, nous devons discuter aujourd'hui de cette «contribution», comme la nomme M. Iselin, de la part des handicapés. M. Iselin nous dit qu'il est normal que tout le monde contribue même les invalides, les chômeurs et les pauvres. D'accord, Monsieur Iselin. D'accord. Mais proportionnellement.

Si je prends le différentiel entre ceux qui ont le plus et ceux qui ont le moins, qui, comme je l'ai dit, est de un pour dix mille - ce sont les extrêmes - si on prend 296 francs aux plus faibles, il faudrait prendre dix mille fois plus à ceux qui ont plus, dans le cadre de cette contribution. Un banquier ou des gens qui disposent de ressources considérables devraient donc payer 29 millions de francs, à ce même titre. Là, je serais alors d'accord avec vous, Monsieur Iselin. Seulement, dans le cadre de la contribution sollicitée aujourd'hui, on demande aux personnes handicapées - qui, par ailleurs, dans le cadre de la redistribution des 12% n'ont touché que 6,8 francs - une contribution de 296 francs. C'est une injustice à laquelle nous ne pouvons pas participer.

Un des arguments de M. Unger consistait à dire qu'il faut faire la différence entre impotents et non-impotents. Cet argument est cohérent, Monsieur le conseiller d'Etat, par rapport à l'histoire. Mais vous savez très bien que des gens, qui ne sont pas impotents physiquement, ont été placés à l'AI après avoir fait quatre ans de chômage, être allés à l'Hospice général et avoir touché le revenu minimum. J'ai lu les rapports de l'Hospice général. Cela est arrivé parce que ces personnes étaient incapables d'assumer même un emploi. Cela signifie que leur état psychique était tel, qu'elles étaient si psychiquement handicapées, qu'elles ne pouvaient même pas assumer un emploi. Je me suis entretenu avec ces personnes et, effectivement, elles se trouvaient dans un état assez préoccupant. Ces personnes ne sont peut-être pas impotentes, Monsieur le conseiller d'Etat, mais elles sont dans l'incapacité de gagner leur vie. Leur niveau de déstructuration intellectuelle est tel que ces personnes nécessitent une aide considérable. Cette population est extrêmement fragilisée. Lorsque l'on dira à ces personnes qu'elles n'auront plus droit à 296 francs, cela aura un impact psychologique sur elles. Avez-vous mesuré cela ? Cela entraînera la désécurisation d'une population qui est déjà suffisamment désécurisée. Si leurs revenus étaient très élevés, je comprendrais le bien-fondé de cette mesure.

Je ne crois pas que l'on devrait s'attaquer à cette prestation, Monsieur le conseiller d'Etat. Avant que le Conseil d'Etat ne vous sollicite pour une telle mesure, je pense que l'on aurait dû s'attaquer à d'autres mesures.

Une voix. Lesquelles ?

M. Alberto Velasco. D'autres ! La Suisse est le pays et Genève est le canton qui ont les plus grandes fortunes placées dans des banques s'occupant de gestion de fortunes. Les revenus sont considérables et les personnes titulaires de ces fortunes ne sont pratiquement pas imposées. Comme vous le dites, les finances seront rétablies «d'ici une année ou deux». Dans ce cas, un impôt de solidarité de un pour dix mille aurait suffit pour boucler cela. Mais vous pensez que l'on fragiliserait cette population composée de gens riches et fortunés ?! Votre argument est le suivant: il ne faut pas fragiliser les gens riches parce que sinon nous aggraverons l'état de nos rentrées fiscales. Mais nous pouvons fragiliser les personnes qui sont à l'AI. Puisque celles-là ne sont pas contributrices, nous ne fragilisons au contraire pas les rentrées fiscales...

La présidente. Il va vous falloir conclure, Monsieur le député.

M. Alberto Velasco. Comme le disait tout à l'heure mon collègue Weiss, «on améliore les dépenses de ce canton par la baisse.»

Voyez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur Unger, pour lequel j'ai une certaine estime, vous le savez très bien, en l'occurrence, je ne peux pas vous suivre sur ce projet de loi. Le groupe socialiste ne peut pas voter l'entrée en matière d'un projet que je ne qualifierai pas d'inique - je ne vais pas employer ce terme - mais dont je dirai qu'il est éminemment injuste.

M. René Ecuyer (AdG). Parmi les 17 projets qui accompagnent le budget - qui, par ailleurs, comme on l'a déjà dit, aurait été inacceptable sans eux tant il est antisocial, peu respectueux des citoyennes et des citoyens, peu respectueux des droits des travailleurs de la fonction publique - parmi les 17 projets d'austérité, d'abandon des tâches de l'Etat, celui qui porte le numéro 9372 est bien le plus scandaleux, le plus honteux et le plus injuste. On veut diminuer de 300 francs par mois le revenu des invalides, des handicapés, des plus vulnérables, c'est-à-dire ceux qui sont les plus modestes qui, sans l'apport des prestations complémentaires, ne pourraient pas nouer les deux bouts. On s'attaque enfin à ceux qui n'ont pas eu la chance d'être bien nés ou d'être nés, comme beaucoup d'entre vous, avec une cuillère d'argent dans la bouche ou qui n'ont pas la chance d'être nés avec une bonne santé.

Les arguments, qui ont convaincu le Grand Conseil en 1968, selon lesquels il était nécessaire d'ajouter à cette catégorie de citoyens un petit plus pour vivre, et encore un petit peu plus, lorsque le conjoint est aussi invalide, ne sont plus valables aujourd'hui. Oui, un handicap physique entraîne des dépenses auxquelles les gens en bonne santé n'ont pas à faire face. Non, on ne doit pas transformer les bénéficiaires des prestations complémentaires en assistés, lorsqu'ils sont contraints de partir dans d'autres cantons parce qu'aucun établissement ne peut les accueillir à Genève.

Le Grand Conseil de 1968 était majoritairement de droite. La droite de l'époque - et nos anciens camarades n'en croiraient pas leurs yeux - était moins ingrate, moins stupide que celle d'aujourd'hui. Je m'adresse à M. Iselin par votre intermédiaire, Madame la présidente. Monsieur Iselin, je suis étonné que vous vous soyez chargé de ce rapport, parce que vous avez souvent fait référence à votre passé de président d'une grande association en faveur des handicapés. Vous auriez pu laisser ce rapport à M. Weiss qui a l'habitude de traiter les mauvaises actions dans ce parlement. (Manifestation dans la salle. L'orateur est interpellé.)Oui, vous êtes mis en cause. Comment, Monsieur Iselin, pouvez-vous vous présenter devant les handicapés pour justifier une diminution de 300 francs de leurs revenus ? Tous ceux qui, prochainement, à l'occasion des fêtes de Noël, bien habillés, en «costard cravate», vont aller porter la bonne parole: comment vont-ils dire aux handicapés que 300 francs sont sabrés de leur budget mensuel ?

Je suis sidéré. J'ai aussi pu constater la manière dont on peut retourner sa veste. On a entendu M. Mettan, à propos des internationaux, qui a un discours avec eux et un discours ici. Considérant cette attitude, je n'arrive pas à m'empêcher de penser à l'émission sur l'Argentine et ses milliers de disparus, que l'on a pu voir l'autre soir sur la deuxième chaîne. Le sujet en était «La traîtrise des politiciens». Lorsque Videla a été chassé, on a vu Alfonsi, Rueda et Carlos Menem, qui a été porté par les pauvres. Peu de temps après, il retournait sa veste. En une seule séance du parlement, on a vendu les chemins de fer, le pétrole, l'eau et les télécommunications aux multinationales. Aujourd'hui, l'Argentine constitue un bel exemple de mondialisation: elle est beaucoup plus pauvre qu'avant; les pauvres sont plus pauvres et les riches, plus riches.

J'ai parlé de gens vulnérables. Mais ils ne sont pas si vulnérables que cela, parce qu'ils ne sont pas seuls. Il y a, dans ce canton, une constitution que le peuple s'est donnée. Ainsi, il est en mesure de lutter contre l'arrogance de ceux qui détiennent le pouvoir. Le peuple n'est pas le seul, parce qu'il y a aussi le parti du Travail avec ses militants qui iront, dans la rue, récolter des signatures avec les autres partenaires de l'Alternative. Voilà pourquoi, en tout cas dans un premier temps, nous vous invitons à refuser ce projet de loi honteux; dans un deuxième temps, s'il devait, par malheur, être accepté par ce parlement, nous vous inviterions à rejoindre tous ceux qui seront dans la rue pour récolter des signatures pour un référendum.

Mme Anne Mahrer (Ve). Pour les Verts, vouloir rétablir l'équilibre budgétaire en prenant, entre autres, des mesures d'économies au détriment des personnes les plus démunies - en diminuant leur revenu mensuel de 13% - est inacceptable. Des économies substantielles peuvent être trouvées en mettant enfin en oeuvre cette réforme de l'Etat dont on entend parler depuis plus de dix ans.

En conséquence, les Verts refuseront l'entrée en matière de ce projet de loi.

M. Philippe Glatz (PDC). M. Mouhanna m'interpellait tout à l'heure en disant que, hier, je m'étranglais d'indignation parce que les handicapés à Genève touchent des rentes plus élevées que les handicapés situés ailleurs en Suisse. Ce n'est pas du tout la raison de mon indignation. Au contraire, je me félicite que les handicapés puissent toucher plus et ils continueront à toucher plus à Genève. Je m'élevais contre la confiscation que vous faites du débat au profit de la propagande. (Exclamations.)En fait, Monsieur le rapporteur, je prends votre rapport de minorité et qu'y lis-je ? «Avec la bénédiction du Conseil d'Etat, la droite trouve parfaitement normal et nécessaire de faire d'énormes cadeaux fiscaux aux plus riches de chez nous [...].» Qu'est-ce que cela à avoir avec la loi que nous sommes en train d'examiner ? «La crise des finances publiques a été voulue et planifiée par la droite pour réduire fortement le rôle social de l'Etat [...].» C'est le «grand complot» ! Vous dénoncez le «grand complot» de la droite. Non.

Voilà, Monsieur Mouhanna, contre quoi je m'élevais: contre cette confiscation du débat, je le répète, au profit de la propagande; contre les slogans mensongers que vous lancez ici et là, pour faire croire que vous avez raison. Effectivement, il y aura une petite réduction appliquée aux handicapés, mais, je l'ai souligné hier, au profit... (L'orateur est interpellé.)Non, Monsieur Spielmann, ce n'est pas une somme de 300 francs. Le rapporteur de majorité vous détaillera le chiffre tout à l'heure. Dans son rapport, il s'agit d'une somme de 86 francs. Cette réduction, appliquée aux handicapés, sera faite au profit d'un autre axe. En effet, Genève a privilégié les subventions aux associations qui s'occupent des handicapés. Et ces dernières subventions ont crû de 71% dans les quatre dernières années. Il s'agit ainsi de privilégier aujourd'hui les associations qui s'occupent des handicapés, au détriment d'une petite baisse sur l'aide individuelle. Vous, qui êtes partisans du collectif, vous devriez pouvoir en être satisfaits.

C'est ainsi que nous-mêmes accepterons ce projet de loi, puisque nous avons pu mesurer qu'un effort considérable avait été accompli par le présent Conseil d'Etat, au profit des handicapés, durant ces quatre dernières années, par le biais des subventions aux associations, qui, je le répète, ont augmenté de 71%.

M. Alain Charbonnier (S). Monsieur Glatz, vous nous reprochez de faire de la propagande. Vous venez d'en faire une qui nous émerveille. Vous donnez d'un côté, vous reprenez de l'autre et nous contestons formellement cela.

Si nous soutenons l'augmentation du subventionnement des associations comme cela a été fait ces dernières années - je pense à Foyer-Handicap, à Clair-Bois, Aigues-Vertes et à d'autres - nous contestons ce qui est en train de se préparer avec ce projet de loi et cette économie, réalisée directement sur le dos des personnes handicapées. On donne donc aux associations et on enlève aux personnes handicapées !

Quant aux chiffres du rapport de majorité, parlons-en ! Le rapporteur de majorité n'est pas capable d'en donner. Il cite un de vos collègues qui parle de la somme de 86 francs mais il cite aussi le chiffre donné par un membre de l'Alternative, qui est de 300 francs. Alors, où est la vérité ? Peut-être que le président du département nous la donnera. Toujours est-il que quel que soit le chiffre, il y aura une réduction que nous jugeons insupportable. Dans son rapport, M. le rapporteur de majorité, qui est, en passant, un ancien président d'une grande association pour personnes handicapées - je pense que les membres de cette association, les employés apprécieront son nouveau discours par rapport à la personne handicapée - M. Iselin nous dit que si la loi est acceptée, les montants octroyés aux personnes handicapées resteront les plus élevés de Suisse. Je veux bien. Dans ce cas, prenons les revenus les plus élevés à Genève et coupons ! Jusqu'à maintenant, chaque fois que nous l'avons proposée, d'une façon ou d'une autre - on en a beaucoup parlé dans ces débuts de débat par rapport à l'impôt - vous vous élevez évidemment contre cette proposition. Qu'est-ce que les médecins, les avocats, les gestionnaires de fortune diraient si on leur disait: «Vous allez donner une grande partie de vos revenus parce que vous avez les plus élevés de Suisse et cela est insupportable» ? Vous allez pourtant permettre cela pour les personnes handicapées, avec des rentes minimales, alors que vous l'avez toujours refusé pour des revenus plus élevés. Le tarif horaire de certains avocats, à Genève, doit s'échelonner entre 400 et 600 francs, aujourd'hui. Evidemment, par rapport aux 86 francs d'une personne handicapée, le calcul est vite fait.

M. Pierre Kunz (R). Je ne voulais pas intervenir dans les débats inutiles et un peu ridicules dont nous remplissons les écrans de Léman bleu depuis bien des heures, mais les interventions de certains de mes collègues de gauche, de MM. Velasco et Mouhanna en particulier, sont vraiment trop honteuses pour demeurer sans réponse.

D'abord, dire que le coût de la vie est plus élevé à Genève qu'ailleurs en Suisse est un mensonge. (Exclamations.)C'est un mensonge, et les statistiques de l'OCSTAT le montrent bien, puisqu'elles comparent le coût de la vie à Genève et celui du reste du pays. Pour ceux qui veulent bien se donner la peine, une fois, de renoncer à répéter toujours la même messe et d'aller voir dans ces bouquins, ils pourront constater que la différence entre l'évolution du coût de la vie, à Genève, et celle du coût de la vie en Suisse, en moyenne, est négligeable. Cela représente peut-être 2 ou 3% sur une vingtaine d'années. Alors, arrêtez de toujours justifier les subventions et les prestations genevoises par cet argument qui, je le répète, est mensonger.

Ensuite, et surtout, il est lamentable de hurler à la misère généralisée des invalides et des handicapés. Il existe des handicapés et des invalides heureux et à l'aise. J'en connais pour les employer à Balexert. Ces discours sont honteux. Ils sont tout simplement révoltants, parce qu'ils sont purement démagogiques... (Manifestation dans la salle.) ...et parce qu'ils s'adressent, de manière tout à fait consciente, à une partie de la population particulièrement exposée à ce discours. Mais, évidemment, depuis des décennies, ce type de discours s'inscrit dans le labour constant fait par les partis de gauche sur les plates-bandes politiques. Ces plates-bandes sont celles du misérabilisme honteux, lamentable, indigne. (Brouhaha.)

Mme Jocelyne Haller (AdG). M. Kunz vient d'évoquer des débats inutiles et ridicules. Il vient d'en donner la démonstration. Les arguments qu'il vient d'énoncer sont lamentables, excusez-moi de le dire, Monsieur Kunz. Il n'est pas dans mes habitudes de prendre les gens à parti, mais là, très sérieusement, vous avez poussé le bouchon un peu loin. Nier, comme vous le faites, le coût de la vie à Genève et les différences qu'il y a entre Genève et les autres cantons est scandaleux. Comparer les ressources d'une personne handicapée qui travaille à celles d'une personne handicapée qui bénéficie de subsides parce qu'elle ne peut pas faire autrement est quelque chose d'incorrect. S'il vous plaît, je pense qu'il faut garder un petit peu de mesure. (L'oratrice est interpellée.)Non. (Exclamations.)

Une voix. Tais-toi !

Mme Jocelyne Haller. L'inverse du misérabilisme, Monsieur, c'est l'utilisation que vous faites de ce type d'arguments. (La présidente agite la cloche.)Si vous permettez, régulièrement, je tiens à le dire, on fait à la gauche le procès de crier abusivement au démantèlement. Et pourtant, de quoi d'autre est-il question, aujourd'hui ? De rigueur budgétaire ? Allons, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas vraiment de ça dont il s'agit. Dites-le carrément ! C'est de votre réforme de l'Etat dont il est question, de rien d'autre. Cessez de vous parer de fausses vertus et de faire des reproches aux autres. Vous prétendez assainir et redresser les finances de l'Etat. Mais en fait, vous êtes en train de mettre autre chose en place: votre réforme de l'Etat. L'Etat dont vous souhaitez la mise en place. C'est un Etat qui affaiblit le statut du personnel de la fonction publique - plutôt que de corriger les défauts que vous avez largement contribué à créer. Une réforme de l'Etat qui organise et qui administre la précarité et la pauvreté, plutôt que de les combattre. Enfin, une réforme de l'Etat qui n'a pas de scrupules à demander aux plus démunis d'être plus démunis encore.

Mesdames et Messieurs les députés, baisser le montant des prestations aux personnes invalides bénéficiaires de l'OCPA est un piètre exploit. On vous attendait ailleurs. Mais, du côté des recettes, rien à dire, ou pas grand-chose. Non. Vous préférez diminuer de 13% les ressources des invalides. Cela est édifiant. D'ailleurs, comme le disait M. Glatz, ce n'est qu'une «petite réduction». Une paille, quoi. 13% de leurs ressources. Vous épargnez les riches et vous épinglez les pauvres.

Mais le plus navrant c'est que, pour y parvenir, vous n'hésitez pas à travestir la réalité. Vous déformez les faits. Vous faites passer les plus pauvres de ce canton pour des nantis. Vous occultez l'extrême modicité de leurs ressources et les charges auxquelles ils ne peuvent se soustraire. Vous niez leurs besoins particuliers. Dès lors, plus de vergogne: vous pouvez trancher. Et d'ailleurs, cela devient une habitude, la liste s'allonge. On peut se demander: «Et après, à qui le tour ?»

Non, Mesdames et Messieurs les députés, nous ne participerons pas à cette vilenie. Nous refusons ce projet de loi et nous nous rangerons aux côtés de ceux qui lanceront un référendum, si ce projet de loi venait à être accepté. (Applaudissements.)

M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de deuxième minorité. J'aimerais dire un mot à M. Kunz qui nous a habitués à intervenir à tort et à travers pour distiller sa haine de tout ce qui peut ressembler, de près ou de loin, à une politique sociale. M. Kunz constitue l'illustration de l'extinction quasi totale de tout humanisme au niveau du parti radical. Nous avons assisté, depuis un certain nombre d'années, à une dérive d'extrême droite, d'un certain nombre de personnes au parti radical, dont M. Kunz est à la tête. Je ne regrette qu'une seule chose: que les propos de M. Kunz ne soient pas entendus par un plus grand nombre de personnes, pour que la signification de ce genre d'interventions puisse être mesurée et pour que soit constatée la volonté de certains, ici, de nous faire revenir au temps de l'esclavage et de la féodalité.

J'aimerais dire à M. Glatz que je le remercie d'avoir fait de la propagande pour mon rapport, dans lequel, Monsieur Glatz, je ne fais que décrire ce que vous êtes en train de faire. L'exposé des motifs de l'Etat dit qu'il est tout à fait normal de s'en prendre aux handicapés parce qu'il y plus mal lotis qu'eux ailleurs - c'est-à-dire qu'ailleurs on touchera 50 ou 100 francs de moins. Quel argument fort, puissant, juste, extraordinaire !

Monsieur le conseiller d'Etat, la question à laquelle il faut répondre est la suivante: est-ce que, vraiment, les revenus sociaux qui sont accordés aux handicapés constituent des montants qui justifient qu'on leur coupe plusieurs centaines de francs par mois ? Ces gens roulent-ils sur l'or ? Thésaurisent-ils avec cela ? Cet argent n'est-il pas immédiatement réinvesti, réinjecté dans l'économie ? Les handicapés sont-ils vraiment privilégiés - alors que leur situation, comme vous le savez, est dramatique ?

Lorsque l'on veut s'en prendre aux mal lotis de chez nous, sous prétexte qu'il y a plus mal lotis ailleurs; lorsque la droite veut toujours faire plus de cadeaux aux millionnaires, parce que sinon ils partiraient d'ici car ils paieraient moins d'impôts ailleurs - comme si tous les millionnaires de chez nous étaient à côté de leur valise, attendant qu'on touche aux impôts pour partir avec - vous ne leur prêtez aucune conscience citoyenne. Tant pis pour vous et tant pis pour eux. Si ce projet de loi est accepté, c'en sera la démonstration irréfutable.

Genève, s'est enorgueillie, pendant très longtemps, d'être en tête, au niveau national, sur le plan social. Ce projet de loi est dramatique pour l'Etat social genevois. Nous n'allons pas laisser faire, nous allons engager toutes nos forces contre ce projet de loi, qui pourrait devenir une loi inique, parce que c'est inacceptable et scandaleux.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. M. Kunz ne comprend pas la portée des mots qu'il est en train d'utiliser. (L'orateur est interpellé.)Je n'ai pas l'impression que votre niveau ne vous le permette. (Rires. Commentaires.)Au lieu de nous taxer, nous les gens de gauche, de «misérabilistes», vous devriez utiliser le terme «généreux». Nous sommes souvent généreux, c'est vrai. Parfois trop à votre goût, mais nous admettons et sommes fiers de faire preuve de générosité.

C'est vous, Monsieur Kunz, qui faites preuve de misérabilisme: vous vous attaquez à des personnes qui ont peu de ressources, avec lesquelles la vie a été peu indulgente. «Les Misérables», c'est vous, Messieurs, avec un tel projet de loi.

M. Glatz nous a dit, tout à l'heure, qu'il y avait 71 associations pour handicapés et que, de ce fait, si je comprends bien son raisonnement, il fallait répartir, puisqu'il y a plus d'associations qui s'occupent de ces personnes. Seulement, cher collègue, cher Monsieur Glatz, vous prenez le même gâteau et vous moyennez, c'est-à-dire que vous répartissez le gâteau entre tout le monde, sans l'augmenter. En l'occurrence, les tranches sont changées: vous diminuez la petite tranche de gâteau au handicapé pour donner aux autres. Je ne crois pas que cela soit la preuve d'une grande générosité.

La présidente. Monsieur le rapporteur, veuillez vous adresser à l'ensemble des députés.

M. Alberto Velasco. Veuillez m'excuser, Madame la présidente ? En l'occurrence, je crois, Monsieur Glatz, que s'il y a 71% d'associations en plus dans ce domaine - et je tire mon chapeau au Conseil d'Etat, parce qu'il a pris en charge cette augmentation, signe de difficultés supplémentaires et véritable constat de la société - ce n'est pas une raison pour dire, puisque la société produit, par ses dysfonctionnements, par son injustice, et que nous ne voulons pas faire participer à la solidarité de ce canton d'autres, alors nous prenons le même gâteau et nous le répartissons. Non, je ne crois pas, Monsieur Glatz, que ce soit une juste mesure.

Il ne s'agit pas, ici, d'une attitude misérabiliste, car il s'agit quand même de 20 millions de francs. Je ne vais pas rentrer dans des considérations concernant le montant correct qui pourra être retiré aux rentes des personnes handicapées, mais il s'agit quand même... (L'orateur est interpellé.)Monsieur, moi je dis que ce sont 300 F. Cette somme est le chiffre auquel je suis arrivé dans mon rapport de commission. Ces chiffres nous ont été donnés par le département. Je peux sortir les rapports, si vous voulez. C'est comme ça, Messieurs. Ce sont 20 millions que l'on soustrait à l'AI. Ces 20 millions figurent dans mon rapport. Vous minimisez ce chiffre: c'est bien cela, faire preuve de misérabilisme. Minimiser ce chiffre est misérable.

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Comme votre intervention a presque entièrement été adressée à l'encontre de M. Glatz, je passe la parole à M. Glatz pour qu'il réponde, mais très rapidement. Ensuite, je passerai la parole à M. Iselin, puis à M. le conseiller d'Etat et nous voterons avant la soupe.

M. Philippe Glatz (PDC). Je serai bref, Madame la présidente. Je vous remercie. Je ne peux pas laisser dire autant de contre-vérités.

J'ai dit qu'il y avait une augmentation très importante des subventions accordées aux institutions qui s'occupent de handicapés. A titre d'exemple, nous citerons la Fondation Aigues-Vertes dont la subvention est passée de 4 millions à 5,5 millions de francs, soit une augmentation de près de 33% en deux ans. Cela est une réalité.

(Exclamations. Manifestation dans la salle.)Une autre augmentation à Foyer-Handicap, dont la subvention a augmenté de 15% sur les deux dernières années. Encore une autre, pour une fondation: celle de Clair Bois à Pinchat, Chambésy et Lancy, qui passe de 11,8 millions à 15,8 millions de francs de subvention, soit une augmentation de 30%, dont 17,5%, l'année dernière. Voilà la réalité, Mesdames et Messieurs les députés.

Nous augmentons les subventions pour les associations et les institutions qui s'occupent de handicapés parce que celles-là font bien leur travail. (Applaudissements.)

M. Robert Iselin (UDC), rapporteur de majorité. Je ne peux pas cacher que ce débat m'est particulièrement pénible. Il est un peu facile de jouer les vertueux. Je remercie M. Glatz et M. Kunz de leurs propos et, plus particulièrement, pour avoir relevé que les allocations pour les handicapés ont augmenté de 71% en trois ou quatre ans.

Quant aux propositions de M. Velasco, si j'ai bien compris la première - auquel cas elle m'est incompréhensible - s'il pense aux déposants dans les banques de Suisse, je trouve cela un peu extraordinaire parce que ces gens ne sont pas contribuables. Quant aux locaux, pour l'instant, ils paient des sommes considérables. C'est se tromper que de croire que ce sont uniquement des fortunes héritées. Beaucoup d'entre eux - dont je fais partie - ont gagné leur vie à la sueur de leur front, et on leur ôte une part considérable de leurs revenus. (Un temps.)

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur.

M. Robert Iselin. Je n'ai pas terminé, Madame la présidente. (Rires.)Je ne vois pas, pour terminer, où il y a une diminution d'humanisme, quand on revient très faiblement à une diminution pour un groupe qui a reçu des augmentations considérables, ces dernières années. (Exclamations.)Tout le monde doit être solidaire, dans cette histoire. Et pour tous ceux qui ont mentionné la Fondation Clair Bois, je tiens à ce que vous sachiez qu'alors j'aurais dû me taire, puisque je ne suis plus que président d'honneur. Mais je ne me suis pas tu. J'ai répété à la Fondation que l'heure était grave et que ce n'était pas le moment de jeter l'argent par les fenêtres. En quinze mois, la dette du canton a augmenté de deux milliards de francs.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. J'aimerais recentrer le débat sur les objectifs que poursuit ce projet. Le premier rapporteur de minorité a fait part de son impression selon laquelle ce projet avait été déposé dans une certaine précipitation. Je suis surpris par cette affirmation. Lorsque l'on sait qu'un projet, bien plus dur encore, avait été concocté par les partis gouvernementaux - dont le parti socialiste fait partie - à une époque où le département des finances était piloté par une magistrate pour laquelle j'ai le plus profond des respects, dans un mécanisme de table ronde, qui prévoyait de baisser tout cela dans une certaine précipitation.

Pourquoi, cinq ans après, ne sommes-nous pas dans un processus tel que celui que vous décrivez ? Pas un mot, dans ce débat, n'a été prononcé sur l'entrée en vigueur de la quatrième révision de la LAI. C'est tout de même inouï ! Cette révision de la LAI qui, enfin, comprend qu'il faut honorer, de manière différente, des invalides qui méritent, bien entendu, et la considération et le salaire qui leur sont dus, mais qu'on les honore de manière différente, suivant que l'on soit impotent de manière grave, moyenne, légère ou nulle. Venir donc, dans ce débat, mélanger des personnes gravement handicapées et des personnes invalides pour les mille raisons pour lesquelles elles touchent l'assurance-invalidité, et sur lesquelles je n'ai pas à contester le fait qu'elles la touchent, je trouve que c'est tout simplement indécent. Lorsqu'une personne tétraplégique, à l'heure actuelle, n'a pas d'autre choix que de se faire institutionnaliser parce que rien ne sera jamais en mesure de lui permettre d'assumer une vie digne et autonome, à domicile, et quand, enfin, une révision de la LAI le permet, et que l'on ne s'en rend pas compte, que l'on ne se rend pas compte que les allocations que le canton versera seront de 25 000, 60 000 ou 90 000 F par année, pour ces personnes qui font le choix d'une vie à domicile et qui ont besoin d'aide, mais qu'à ce prix-là, on ne peut pas donner tout à tout le monde, alors je pense que nous ne sommes pas en phase avec la réalité des choses et la réalité des gens. (Applaudissements.)

Par ailleurs, et cela a déjà été souligné, en quatre ans, non seulement à l'instigation du Conseil d'Etat mais aussi avec votre soutien toujours unanime, nous avons augmenté de 71% les subventions aux institutions pour personnes handicapées. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, oui: gouverner, c'est prévoir. Mais prévoir c'est choisir et on ne peut pas faire 10 000 choix simultanés. Votre parlement et notre gouvernement, à travers ce projet de loi, vous proposent de faire un choix pour poursuivre le respect et le développement de la prise en charge des personnes handicapées dans les institutions, de poursuivre le développement de l'intégration des personnes handicapées dans le cadre de leur autonomie et de leur autodétermination à pouvoir vivre à la maison en profitant de ce que la loi sur l'assurance-invalidité nous autorise à leur octroyer. Mais on ne peut pas, en même temps, maintenir des dépenses supplémentaires qui, encore une fois, se comprennent très bien d'un point de vue historique.

Ce parlement, votre parlement, qui était de droite ou du centre en 1968, avait pris ces mesures à une époque où la quasi-totalité des invalides était simultanément des handicapés impotents. Les choses ont évolué. On peut s'en réjouir, on peut le déplorer, toujours est-il que le nombre d'impotents parmi les invalides ne cesse de diminuer, car les autres invalides - les nouveaux invalides - émargent à d'autres phénomènes. Ce sont des phénomènes qui ne dépendent pas directement de l'argent qu'ils vont recevoir, mais de phénomènes d'amont: des pressions qui sont mises dans le monde du travail, de la manière dont certains - et j'attaque un peu la droite à cet égard - mettent une telle pression sur les gens qu'ils ne trouvent de solution qu'à l'invalidité. Ou encore, alors qu'ils prêchent simultanément une élévation de l'âge de la retraite, font tout pour que leurs cadres de cinquante ans, qui leur coûtent cher, finissent à l'assurance-invalidité. Bref, ce sont des problèmes qui relèvent d'un tout autre ordre. Nous devrions réellement centrer notre débat sur celui qui vous est proposé: celui de gouverner, de prévoir et, donc, celui de faire des choix. (Applaudissements.)

La présidente. Nous allons voter sur la prise en considération de ce projet de loi. L'appel nominal a été demandé et soutenu.

Mis aux voix à l'appel nominal, ce projet de loi est adopté par 44 oui contre 27 non.

Appel nominal

La loi 9372 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

La présidente. L'appel nominal a également été demandé pour le vote d'ensemble du troisième débat, et il est appuyé.

Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 9372 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 43 oui contre 26 non.

Appel nominal