Séance du vendredi 22 octobre 2004 à 20h30
55e législature - 3e année - 12e session - 74e séance

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Pascal Pétroz, président.

Assiste à la séance: M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, Laurent Moutinot, Micheline Spoerri, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Thomas Büchi, Anita Cuénod, René Desbaillets, Renaud Gautier, André Hediger, Georges Letellier, Claude Marcet, Guy Mettan et Pierre Schifferli, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le débat sur le projet de loi 8938 modifiant la loi en matière de chômage là où nous l'avons laissé tout à l'heure.

PL 8938-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Pierre Weiss, Blaise Matthey, Gilles Desplanches, Jean-Michel Gros, Gabriel Barrillier, Jacques Jeannerat, Pierre Kunz, Claude Blanc, Stéphanie Ruegsegger, Patrick Schmied, Robert Iselin, Jacques Pagan modifiant la loi en matière de chômage (J 2 20)
Rapport de majorité de Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC)
Rapport de première minorité de Mme Nicole Lavanchy (AdG)
Rapport de deuxième minorité de M. Alain Charbonnier (S)
Rapport de troisième minorité de M. Antonio Hodgers (Ve)

Suite du deuxième débat

Le président. Je vous rappelle que nous avons adopté l'article 30 tel qu'il figure dans le rapport. Nous passons donc à l'examen de l'article 31.

Nous sommes saisis à cet article d'un amendement présenté par Mme la rapporteure de minorité Nicole Lavanchy. Cet amendement prévoit d'abaisser l'âge auquel un chômeur de 55 à 50 ans peut prétendre à l'allocation de retour en emploi durant vingt-quatre mois. Mme Lavanchy n'étant pas là, je vous passe la parole, Monsieur Brunier !

M. Christian Brunier (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, on a vu tout à l'heure le Conseil d'Etat lui-même douter de ce projet de loi, puisqu'il a déposé un amendement qu'il a défendu avant, finalement, de le retirer. Le travail que nous sommes en train de faire n'est vraiment pas sérieux ! C'est pourquoi je demande le renvoi de ce projet en commission.

Le président. Bien. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission... (Le président est interpellé alors que Mme Hagmann est au téléphone.)Je ne suis pas au téléphone, Monsieur le député ! (Le président est à nouveau interpellé.)Je ne vois rien, Monsieur le député ! ( Chahut.) Je ne vois absolument rien ! Je ne fais que vous regarder, Monsieur le député !

Je donne la parole à M. Jacques Jeannerat et je rappelle que nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission; par conséquent, seul un député par groupe peut s'exprimer.

M. Jacques Jeannerat (R). Je voulais intervenir sur l'amendement présenté par Mme Lavanchy. Je vous prie donc de donner la parole à mon chef de groupe sur le renvoi en commission, Monsieur le président !

Le président. Entendu ! La parole est donc à M. Gilbert Catelain.

M. Gilbert Catelain (UDC). Puisqu'il faut jouer la montre sur le renvoi en commission...

Une voix. Eh bien, bravo ! (Manifestation dans la salle.)

M. Gilbert Catelain. Au moins, on ne pourra pas m'accuser de malhonnêteté ! Je pense que c'est là une plaisanterie de la part de M. Brunier ! Nous avons déjà eu l'occasion de nous prononcer sur le renvoi en commission, mais je comprends vos arguments: si l'on peut retarder l'introduction de ce projet de loi, c'est tout bon pour votre électorat...

Une voix. Ce n'est pas vrai ! C'est mauvais pour les Genevois !

M. Gilbert Catelain. «Mauvais pour les Genevois», j'en suis, comme vous, assez convaincu ! (Protestations. Le président agite la cloche.) Même notre commissaire, tellement discrédité par les occupants de vos bancs tout à l'heure, nous a convaincus de la nécessité de voter ce projet de loi malgré nous, soit «à l'insu de notre plein gré» - et nous le voterons. Nous ne jugeons pas nécessaire de remettre une nouvelle fois l'ouvrage sur le métier. Par conséquent, nous nous opposerons naturellement au renvoi en commission, dont je répète qu'il ne peut s'agir que d'une plaisanterie !

M. Hugues Hiltpold (R). Demander un renvoi en commission en début de séance alors que les bancs de l'ensemble des partis ne sont pas tous occupés constitue une manoeuvre pour le moins particulière de la part des partis de l'Alternative...

M. Christian Brunier. Il faut être à l'heure ! Il faut être à l'heure ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

M. Hugues Hiltpold. Je suis tout à fait d'accord, Monsieur Brunier ! Cela dit, je trouve parfaitement inadmissible de la part des partis de l'Alternative... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)...de demander un renvoi en commission alors que vous avez déjà formulé une telle requête il n'y a pas si longtemps que cela ! Il n'y a, à mon sens, aucun élément permettant de justifier un tel renvoi en commission ! Je trouve inadmissible que vous demandiez un renvoi en commission sur un projet aussi important, Monsieur Brunier ! On doit débattre de ce projet de loi sur le chômage ! On doit en débattre ! Il s'agit là d'une manoeuvre dilatoire parfaitement inadmissible ! Dans ces conditions, le groupe radical s'opposera fermement à ce renvoi en commission !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Patrick Schmied.

Une voix. Il n'est pas là !

Des voix. Si, si, il est là !

M. Patrick Schmied (PDC). Bien sûr que je suis là ! Monsieur le député... Non: «Monsieur le président», puisque vous n'êtes pas seulement député mais également président... Que dire de ce projet de loi sur le chômage ? Dans le fond... (Protestations.)

Des voix. C'est sur le renvoi en commission !

M. Patrick Schmied. J'aimerais tout de même revenir sur les propos qui ont été tenus tout à l'heure, car cela me semblait très important.

Une voix. Sur le renvoi en commission !

M. Patrick Schmied. S'agissant précisément du renvoi en commission, il n'est pas question... (Brouhaha. L'orateur est interpellé par M. Brunier.)

Le président. Monsieur Schmied, attendez un instant ! Monsieur Brunier, vous avez l'air en pleine forme... (Le président est interpellé.)Je vous demanderai... (Le président est à nouveau interpellé.)Je vous demanderai de respecter la parole des orateurs ! Tout le monde vous a écouté avec beaucoup d'attention, alors laissez parler les députés qui se sont inscrits ! Poursuivez, Monsieur Schmied !

M. Patrick Schmied. Il n'est pas question de renvoyer ce projet de loi en commission ! Il me semble qu'on l'a déjà fait savoir plus d'une fois ce soir. Chacun a eu l'occasion de s'exprimer à plusieurs reprises pour dire tout le mal ou tout le bien qu'il pensait de ce projet. Nous avons la chance de disposer, non seulement d'un rapporteur de majorité, mais de trois rapporteurs de minorité qui se sont répandus sur les nécessités de... (Arrivée de M. Hodgers à la table des rapporteurs.)

Une voix. Le troisième arrive !

M. Patrick Schmied. Le troisième arrive, précisément ! Il est, comme nous tous, victime de la baisse de performances de l'hôtellerie genevoise dans la zone de la Vieille-Ville... Cela constitue, en dépit du chômage, un vrai problème ! (Rires.)C'est la raison pour laquelle le PDC s'opposera au renvoi en commission de ce projet de loi !

M. Pierre Weiss (L). Nous avons déjà eu l'occasion de nous exprimer sur la question du renvoi en commission, mais nous ne manquerons pas de le faire une nouvelle fois puisque certains ont compris qu'il convenait de traiter, j'allais dire «légèrement», un problème sérieux à coups d'arguties de procédure... (L'orateur est interpellé.)... et de refus de la discussion, en tentant des sortes de coups d'Etat. Il se trouve qu'en la matière, Monsieur Brunier, vous n'avez de leçon à donner à personne et que vous feriez mieux... (M. Brunier quitte l'enceinte.)Vous avez probablement raison de quitter cette enceinte !

J'aimerais intervenir sur un point peu clair. J'ai tout à l'heure nommément été mis en cause par M. Pagani... (Protestations. Le président agite la cloche.)Non, non, non, non et non ! M. Pagani a mis en cause mes compétences en matière de définition des catégories de demandeurs d'emploi, et j'entends lui démontrer en quoi il y a dans cette matière... (Le brouhaha perdure. Le président agite une nouvelle fois la cloche.)... une complexité qu'il ne connaît pas !

Les demandeurs d'emploi - qui sont au nombre de 22 014 à fin septembre, alors qu'il n'y a que 15 816 chômeurs - qui sont-ils ? Les demandeurs d'emploi comptent effectivement des chômeurs, mais pas uniquement. On trouve... (Vif brouhaha. Le président agite la cloche.)Monsieur le président, s'il vous plaît, veuillez demander à ces gens qui refusent la discussion de bien vouloir se taire ! Je reprendrai la parole une fois qu'ils se seront tus !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de vous calmer ! Si vous ne vous calmez pas, je lève la séance - ce qui ne vous arrangerait guère... Je pense que vous avez tout intérêt à vous calmer et à laisser M. Weiss parler ! Je vous signale que, dans ce parlement, de nombreux députés s'expriment sur un sujet autre que le renvoi en commission lorsqu'une telle demande est formulée... Monsieur Weiss, poursuivez !

M. Pierre Weiss. Que pourrais-je dire encore ? Attendez... Vous permettez que je poursuive, Monsieur le président ?

Le président. Tout à fait ! Je vous y invite, Monsieur le député !

M. Pierre Weiss. Il se trouve que parmi les demandeurs d'emploi nous avons affaire à six groupes de tailles différentes. Il y a certes le groupe des chômeurs mais, à ce groupe, il convient d'ajouter celui des gains intermédiaires. Et chacun parmi nous sait parfaitement qu'au moment où ils touchent des gains intermédiaires, ces individus ne sont pas considérés comme des chômeurs. Il s'agit de personnes bénéficiant d'une réinsertion - du moins temporaire - dans le monde du travail, réinsertion qui leur permet de retirer un certain nombre d'avantages. Ces personnes ne sont, en particulier, pas soumises à la pire des disqualifications que nous avons évoquées hier, à savoir l'exclusion du monde du travail... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)... et l'exclusion sociale. Or ces exclusions sont, de notre point de vue, les pires conséquences du chômage.

Il est une troisième catégorie de demandeurs d'emploi: celle des malades de longue durée. Et ces derniers font également partie des demandeurs d'emploi. Il ne s'agit pas de chômeurs, mais de demandeurs d'emploi puisqu'on les trouve dans les chiffres de l'Office cantonal de la statistique. (Le brouhaha reprend. Le président agite la cloche.)

On trouve, parmi les demandeurs d'emploi, une quatrième catégorie: il s'agit de quelques milliers de personnes au bénéfice d'un emploi temporaire cantonal. Cette catégorie explique en partie la différence entre les 15 000 et quelques chômeurs et les 22 000 demandeurs d'emploi.

Il existe encore deux autres catégories fort intéressantes de demandeurs d'emploi. La première catégorie est celle des travailleurs demandeurs d'emploi. Il est en effet un certain nombre de personnes qui ont un emploi - «travailleurs» ou «ouvriers», pour reprendre les propos d'hier de M. Bavarel concernant les personnes employées dans le monde agricole - mais qui sont inscrites sur les listes de l'Office cantonal de l'emploi précisément parce qu'elles cherchent un autre emploi. J'ignore si vous faites partie de ces personnes, Monsieur Bavarel, je ne le crois pas, mais il en existe un certain nombre.

Enfin, il existe une dernière catégorie - probablement la plus subtile: il s'agit des non-travailleurs, non-chômeurs, et néanmoins demandeurs d'emploi. (Commentaire d'un député. Rires et applaudissements.)

Une voix. Il insulte le rapporteur ! (Chahut.)

M. Pierre Weiss. Cette catégorie est composée de deux sous-catégories. La première sous-catégorie renvoie aux femmes - ou aux hommes au foyer, car je ne voudrais, de ce point de vue, être l'objet d'aucune suspicion de discrimination du fait du genre, pour ne pas dire du sexe. Vous pouvez donc avoir des personnes qui sont à la maison, qui bénéficient du revenu d'un compagnon, d'un concubin, voire d'un époux, mais qui désirent néanmoins venir...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député ! (Brouhaha.)

M. Pierre Weiss. ... ou revenir sur le marché du travail. Et puis, il existe une deuxième sous-catégorie de non-travailleurs...

Le président. Il vous faut tout de même conclure, Monsieur le député !

M. Pierre Weiss. ... non-chômeurs mais néanmoins demandeurs d'emploi - et j'en terminerai là, Monsieur le président. (Commentaires.)Ce sont des individus qui sont sortis du «marché du chômage», si j'ose dire, qui ne touchent plus d'allocation de chômage, mais qui restent inscrits sur les listes de l'Office cantonal de l'emploi. Et lorsque vous additionnez toutes ces catégories, vous parvenez alors à passer de 15 816 à 22 014 demandeurs d'emploi !

J'espère, par ce cours extrêmement simplifié de statistique sociale, avoir démontré à l'un des députés que je connaissais mieux la matière que lui. Par ailleurs, je vous propose par ailleurs bien évidemment de refuser le renvoi en commission abusivement proposé en l'absence d'un certain nombre de mes collègues ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur Weiss. Plusieurs députés se sont inscrits: M. Aubert - mais le parti libéral s'est déjà exprimé; M. Kunz - or le parti radical s'est déjà exprimé également... Par conséquent, je donnerai la parole...

M. Pierre Kunz. Je souhaite déposer une motion d'ordre ! (Protestations.)

Le président. Non, non ! Monsieur Kunz, je passe en premier lieu la parole à M. le député Deneys. Vous m'expliquerez ensuite en quoi consiste votre motion d'ordre. Monsieur Deneys... vous renoncez ?! (Approbation de M. Deneys.)La parole est donc à Mme la députée Salika Wenger... qui renonce ! Je donne donc la parole à M. Kunz pour une motion d'ordre !

M. Pierre Kunz (R). Je souhaite effectivement déposer une motion d'ordre, car l'attitude de la personne ayant demandé le renvoi en commission est absolument inqualifiable ! ( Commentaires. Le président agite la cloche.)Les arguments invoqués sont tout simplement inadmissibles ! (Protestations.)Monsieur le président, je ne comprends pas que l'on puisse, dans ce parlement, en arriver à de telles situations en se fondant sur un règlement destiné à de toutes autres fins ! (Protestations.)Et après...

Le président. Quelle est votre motion d'ordre, Monsieur le député ?

M. Pierre Kunz. ... et après, ce sont ces gens qui nous attaquent en prétendant que nous sommes des mangeurs de démocrates et en nous...

Le président. Vous n'avez aucune motion d'ordre, Monsieur Kunz ! Asseyez-vous, s'il vous plaît, car vous n'avez aucune motion d'ordre: vous vous plaignez de quelque chose qui ne vous plaît pas ! Asseyez-vous, je vous prie !

M. Pierre Kunz. J'espère qu'au Mémorial...

Le président. S'il vous plaît, asseyez-vous !

M. Pierre Kunz. ... mes paroles profondes figureront, Monsieur le président !

Le président. Mais bien sûr ! Elles seront inscrites, Monsieur le député ! (M. Kunz s'assied.)Je vous remercie de vous être assis. Je donne la parole Mme Anne-Marie von Arx-Vernon, rapporteure de majorité.

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Si le sujet n'était pas aussi grave, nous pourrions tous beaucoup rire de ces effets de manches. Si le sujet n'était pas aussi grave... (Manifestation dans la salle. Le président agite la cloche.)J'ai tout mon temps...

Le président. Moi aussi, car je n'ai rien prévu pour ce soir... Poursuivez, Madame la députée !

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. Si le sujet n'était pas aussi grave, je partagerais avec beaucoup de plaisir l'hilarité générale... Nous nous trouvons toutefois face à un sujet qui mérite un peu plus de respect, tant de la part de ceux qui optent pour la manoeuvre consistant à réclamer un renvoi en commission que de la part de ceux qui répondent avec de pareils effets de manches... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Personne n'a rien à y gagner - en tout cas pas les personnes qui suivent nos débats en ce moment ! Le sujet est suffisamment grave pour que l'on ne se laisse pas aller à ce qu'il y a de pire entre nous ! Je pense que nous pouvons obtenir le meilleur, et ce meilleur est à mettre au service de l'intérêt général !

Si nous avons déposé ce rapport de majorité, c'est qu'il est le reflet de la position de la majorité au terme des travaux de la commission - même si, et on peut le comprendre, cela ne vous plaît pas ! Même si vous disposez de toute latitude pour présenter des amendements, il n'y a aucune raison que vous fassiez de l'obstruction - car une telle obstruction, c'est de l'anti-jeu ! Il me semble que vous êtes encore mieux placés que moi pour le savoir ! Et cet anti-jeu dessert tout le monde ! Ce projet de loi correspond à ce qu'il y a de plus pragmatique et de plus utile ! Il y a lieu de le mettre en oeuvre le plus rapidement possible ! Le renvoyer en commission n'a absolument aucun sens, si ce n'est de faire de la politique politicienne - ce qui ne sert de loin pas l'intérêt général !

Je me permets d'insister sur un point qui me paraît essentiel: ce projet de loi remet effectivement en question des mesures qui n'ont pas été efficaces, qui n'ont pas été suffisamment performantes. Je crois d'ailleurs que nul ne peut donner tort à la majorité de remettre en question des mesures qui n'ont pas suffisamment fonctionné. Ce projet instaure ensuite des stratégies extrêmement utiles en proposant une formation - et tout le monde peut s'accorder sur cette question de la formation. Nous savons également qu'il est positif de mobiliser les employeurs et de leur faire prendre conscience de l'importance de manifester de la solidarité. Nous tous avons intérêt à ce que les choses se passent ainsi !

Quant aux premières personnes concernées, à savoir les chômeurs, pouvoir les inciter par des mesures immédiates... (L'oratrice est interpellée.)J'ai utilisé hier la métaphore de la personne accidentée; eh bien, là, il est question de personnes accidentées de la vie, de personnes momentanément accidentées du travail, qui ont besoin de soins intensifs. Or ce projet de loi propose précisément des soins intensifs par le biais des allocations de retour en emploi. (L'oratrice est interpellée.)Non, non et non ! Pas du tout ! Précisément pas ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Il s'agit d'une métaphore extrêmement respectueuse de la personne qui se trouve confrontée à une catastrophe - à savoir la perte de son emploi ! Nous devons tous faire preuve de la meilleure volonté pour que ce projet de loi aboutisse le plus rapidement possible ! C'est dans l'intérêt des chômeurs que vous prétendez défendre ! (Applaudissements.)

Le président. Madame la députée Wenger, renoncez-vous à prendre la parole ? (Confirmation de Mme Wenger.)Nous allons donc voter sur la demande de renvoi en commission. Nous procéderons par vote électronique.

Mis aux voix, le renvoi en commission de ce projet de loi recueille 36 oui et 36 non.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je tranche contre le renvoi de ce projet de loi en commission.

Le renvoi en commission est donc rejeté par 37 non.

Le président. Nous reprenons notre débat... (Protestations.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Je sais que ce sujet est d'importance - on s'accorde tant à gauche qu'à droite pour reconnaître que ce sujet est important - je vous demande cependant... (Protestations.)Mesdames et Messieurs les députés, vous rendez-vous compte de l'image que vous donnez à la population ?! Vous en rendez-vous compte ?! Discourez sur ce projet de loi, battez-vous, mais de manière raisonnable et en respectant certaines règles de courtoisie, car je vous signale qu'il y a des personnes qui assistent à nos débats ! Et j'ai honte ! J'ai honte de ce que la population voit en ce moment dans cette salle ! Peut-on continuer nos débats dans des conditions normales, s'il vous plaît ?!

Bien ! Je vous disais donc que nous étions saisis, à l'article 31 de ce projet de loi, d'un amendement déposé par Mme la rapporteure de minorité Nicole Lavanchy. Si j'ai bien compris, cet amendement vise à ramener de 55 à 50 ans l'âge auquel un chômeur peut prétendre à l'allocation de retour en emploi durant vingt-quatre mois. Je vous donne la parole pour présenter votre amendement, Madame la rapporteure de minorité !

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse de première minorité. Nous avons effectivement déposé un amendement à l'article 31 et, si cet amendement est accepté, il y aura lieu de modifier également les articles 32 et 33.

Notre idée est la suivante. Dans le cadre de ses travaux, la commission a pris connaissance de deux rapports qu'elle a beaucoup consultés: il s'agit du rapport de l'Observatoire universitaire de l'emploi et du rapport de la Commission d'évaluation des politiques publiques. Nous avons également eu l'occasion d'examiner des statistiques mettant en évidence le fait que le chômage devient massif dès qu'il atteint les personnes de 50 ans. Nous avons par ailleurs entendu une nouvelle fois l'un des auteurs du rapport de l'Observatoire universitaire de l'emploi... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Le président. Madame la rapporteure, je fais tout mon possible pour que les députés se calment, mais tout le monde semble avoir beaucoup d'énergie ce soir... J'espère que vous pourrez poursuivre dans des conditions plus ou moins correctes !

Mme Nicole Lavanchy. Je reprends: nous avons donc eu, dans le cadre des travaux de commission, l'occasion d'étudier deux rapports. Nous avons pris à notre charge la majorité des critiques émises dans ces rapports et proposé des amendements permettant d'y remédier. Nous avons également auditionné l'un des auteurs du rapport de l'Observatoire universitaire de l'emploi, le professeur Flückiger. Ce dernier nous a fait savoir que les études consacrées à la problématique du chômage avaient montré que, partout en Suisse et plus particulièrement à Zurich - ville qui, précisément, ne stigmatise pas les chômeurs comme c'est le cas à Genève - le seul et unique facteur, indépendamment des autres, expliquant le fait qu'un chômeur ne retrouvait pas un emploi au-delà de 50 ans, c'était son âge. Sur la base de ce constat, en faisant preuve de pragmatisme et en suivant les conseils de scientifiques ayant étudié la question, nous proposons un amendement ramenant de 55 à 50 ans l'âge auquel un chômeur peut prétendre à l'allocation de retour en emploi durant vingt-quatre mois. Il s'agit de respecter le fait qu'au-delà de 50 ans l'âge des chômeurs représente le seul facteur d'exclusion du marché de l'emploi.

Nous vous remercions de prendre acte de cet amendement et de le voter !

Le président. Merci, Madame la rapporteure. La parole est à Mme la députée Salika Wenger... qui n'est pas là. Par conséquent, je donne la parole à M. Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés... (Chahut. Le président agite la cloche.)La proposition de renvoi en commission n'est pas nécessairement complètement dilatoire dans la mesure où des amendements sont proposés à tout instant. Cela mériterait un traitement en dehors d'une enceinte composée d'une centaine de personnes. Mais bon, c'est ainsi !

Nous ne nous formaliserons pas, mais nous nous efforcerons de faire notre possible pour rendre la situation des chômeurs moins catastrophique qu'elle ne l'est dans ce projet de loi.

Pourquoi cet amendement à 50 ans plutôt qu'à 55 ans ? Parce que cette mesure touche un nombre relativement limité de personnes, puisque entre 50 et 55 ans... (Brouhaha.)

Le président. Monsieur Deneys, excusez-moi... S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, pourriez-vous laisser parler M. Deneys ? Il y a un tel brouhaha dans cette salle que cela rend la compréhension des paroles de l'orateur relativement difficile. Poursuivez, Monsieur Deneys !

M. Roger Deneys. Merci, Monsieur le président. Je pense qu'il s'agit d'un sujet suffisamment grave pour que cette assemblée fasse preuve d'un minimum de silence et d'un minimum de respect à l'égard des interventions des uns et des autres.

Comme je le disais, la tranche d'âge comprise entre 50 et 55 ans concerne un nombre relativement limité de personnes. Il est précisé dans le rapport que cette tranche d'âge concerne 70 personnes - mais je ne parviens pas à retrouver la page pour l'instant. Ces personnes se trouvent à un âge où elles sont discriminées sur le marché de l'emploi, notamment en raison de la LPP - car chacun sait qu'à salaire égal un employeur a intérêt à engager une personne moins âgée. Comme l'a relevé Mme Lavanchy, l'idée de fixer ce dispositif à 50 ans se base sur des études montrant que c'est à partir de cet âge que la discrimination apparaît, car c'est le moment où le seuil LPP augmente. Je vous invite donc à faire preuve d'un peu de bon sens !

Une remarque pour le moins étrange figure dans le rapport de majorité. Selon cette remarque, la mesure proposée par Mme Lavanchy équivaudrait à faire du chômage au-delà de 50 ans une sorte de fatalité - un individu âgé de 50 à 55 ans au bénéfice d'un dispositif d'ARE ou d'ETC étant définitivement perdu pour le marché de l'emploi. Mais ce n'est pas là notre discours !

Ce que nous disons, c'est que, si la durée de l'allocation de retour en emploi est plus longue, cela laissera davantage de temps à une personne se trouvant précisément dans une situation plus délicate en raison des charges salariales pesant sur elle ! Les compétences des personnes de cet âge peuvent évidemment être reconnues, mais laissons-leur également une chance et ne nous montrons pas, à l'inverse, discriminants en les mettant plus rapidement au RMCAS ! Voilà ce qui serait à la fois dommage et aberrant !

M. Pierre Weiss (L). Tout à l'heure, Mme Lavanchy a très justement parlé de stigmatisation. Je serai néanmoins plus prudent qu'elle quant au fait de savoir si la stigmatisation est plus importante à Genève qu'à Zurich. Ce qui est certain, c'est que le taux de chômage est supérieur à Genève qu'à Zurich.

La stigmatisation des chômeurs est un problème dont, déjà avant la Deuxième Guerre mondiale, dans le classique de sociologie «Les chômeurs de Marienthal», on a parlé pour montrer combien elle pouvait être néfaste à la réinsertion sur le marché du travail ainsi qu'à la réinsertion sociale. Mais, dans le cas qui nous occupe - à savoir la possibilité pour les personnes de 50 ans momentanément privées d'emploi de revenir sur le marché du travail - il s'agit de savoir si nous voulons, dans la logique qui est celle du projet de loi, offrir à ces personnes une chance plus grande de retour ou si nous voulons, au contraire, leur donner la possibilité de se rapprocher de la situation d'individus qui ne connaîtront malheureusement aucun retour sur le marché du travail. Il se trouve qu'une majorité de la commission a été d'avis que la probabilité de retrouver un emploi diminuait plus fortement à partir de 55 ans. Aucun examen sérieux, aucune preuve concluante n'a été apportée selon laquelle il convenait d'offrir dès l'âge de 50 ans la possibilité de rester cinq ans au chômage.

Compte tenu des possibilités offertes par la loi telle que modifiée - compte tenu notamment des allocations de retour en emploi d'une durée d'un an qui sont proposées aux travailleurs de 50 ans - nous considérons que l'amendement de l'Alliance de gauche, comme les amendements ultérieurs qui reprennent la même logique et qui seront présentés le moment venu, méritent d'être repoussés. C'est la raison pour laquelle le groupe libéral s'y opposera !

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

Mme Jocelyne Haller (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, tout ceci ne peut finalement se résumer qu'à un procès d'intention: on fait aux chômeurs le procès d'intention de vouloir utiliser jusqu'au bout toutes les ficelles que leur offre l'assurance-chômage. Mais vous ne connaissez pas le parcours du combattant que mène le chômeur ! Le chômage est une guerre pour lui ! Savez-vous ce que cela signifie de devoir affronter 55 entretiens de candidatures ?! Savez-vous ce que cela signifie, pour un homme de 58 ans, de se teindre les cheveux pour se présenter à un entretien de candidature ?! Je ne crois pas ! Et je ne pense pas que la personne qui adopte ce type de stratégie ait l'intention d'utiliser jusqu'au bout toutes les ficelles du chômage, qu'elle veuille se servir au maximum des possibilités qui lui sont offertes par la société ! Il ne faut pas oublier un certain nombre de réalités: les réalités que doit quotidiennement affronter le chômeur. Ce que l'on sait avec certitude, c'est qu'il est plus facile de trouver un travail lorsqu'on est déjà en emploi. Tous les spécialistes de la réinsertion vous le confirmeront. C'était notamment l'un des avantages des emplois temporaires, que vous êtes en train de sabrer. C'est un scandale !

Nous vous proposons là un amendement visant à prolonger la période d'emploi pour des personnes encore plus précarisées que d'autres catégories de chômeurs, de manière à leur permettre de bénéficier d'une certaine sécurité - non d'une facilité, mais d'une sécurité au cas où elles ne parviendraient pas à trouver un emploi.

S'il vous plaît, considérez cette réalité et acceptez l'amendement proposé par Mme Lavanchy !

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Je souhaite revenir sur les propos qui viennent d'être tenus. Je suis certaine qu'il est plus facile de trouver un travail lorsqu'on est déjà en emploi, mais les emplois temporaires n'étaient précisément pas considérés comme des emplois, puisque, n'étant pas formateurs, il s'agissait d'occupations plus que d'emplois ! C'est précisément le but de ce projet de loi que de...

Une voix. Ce n'est pas vrai !

Mme Stéphanie Ruegsegger. Je vous prie de me laisser parler ! C'est précisément le but de ce projet de loi que de proposer des emplois qui, contrairement au système actuel, soient véritablement formateurs !

Il convient de relever, comme l'a fait M. Weiss, que les ARE peuvent être utilisées durant une année. Les personnes âgées de 50 à 55 ans disposent donc déjà de ce filet: elles ont droit à deux ans de chômage dans le cadre fédéral, à une année d'ARE, puis à un nouveau délai-cadre fédéral. Cet amendement n'a donc pas lieu d'être accepté. Le département a par ailleurs fait preuve d'une certaine souplesse en commission, et je suis certaine qu'il saura considérer les éventuels cas limites avec une certaine souplesse. Je vous invite donc à refuser cet amendement !

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

M. Rémy Pagani (AdG). Je relève simplement pour la forme que Mme Ruegsegger a déclaré qu'il conviendrait d'appliquer cette loi avec une certaine souplesse. Elle reconnaît ainsi l'existence d'un véritable problème. Quel est ce problème ? Le problème, c'est qu'il n'y a pas - ou plus - de travail pour tous ! Il nous faut nous imprégner de cette réalité. Et l'on fait tout - y compris nous, à certains moments - pour ne pas reconnaître ce problème: il n'y a plus, dans nos sociétés, de possibilités de travail pour tous ! Alors, au lieu de...

M. Pierre Kunz. C'est faux !

M. Rémy Pagani. Si, Monsieur Kunz ! On a longuement discuté de ce problème en commission, et des économistes - dont un Prix Nobel - ont relevé l'existence d'un découplage entre l'évolution économique de nos sociétés et le chômage ! Ce n'était pas le cas auparavant: lorsque nos sociétés étaient en expansion, le chômage se résorbait. Ce découplage est démontré tant du point de vue théorique que pratique ! C'est une évidence, Monsieur Kunz ! Vous voulez nier cette réalité, mais elle existe !

Alors, soit on empoigne ce problème et l'on tente d'apporter des solutions - par exemple, en réduisant l'âge de la retraite ou le temps de travail - soit on agit comme on le fait aujourd'hui, et je le regrette. Les employeurs utilisent notamment l'assurance-invalidité - et vous le savez fort bien. Les employeurs n'ayant pas les moyens de payer des retraites anticipées vont trouver leurs employés et leur proposent de se mettre à l'AI. Je vis cela tous les jours ! Et ensuite, on stigmatise les personnes qui sont à l'AI ! Il s'agit là d'un premier phénomène. Un deuxième phénomène, c'est que, comme vous le savez, on met des gens au chômage. Pire que cela: on fait en sorte que des jeunes qui devraient rapidement obtenir un emploi ne trouvent un véritable travail que cinq ou six ans après leur formation. C'est détestable !

Des voix. C'est faux ! (Le président agite la cloche.)

M. Rémy Pagani. On trouve une série de pis-aller, comme l'octroi de droits reconductibles au chômage à partir de 55 ans - mais pourquoi cette limite, et non celle de 50 ans ? C'est un pis-aller ! Toutes ces mesures sont des pis-aller ! Si l'on compare la situation actuelle avec celle d'il y a dix ans, il faut reconnaître que le fait d'octroyer cette mesure à l'âge 55 ans était correcte à l'époque, car il y avait plus de risques d'être expulsé du marché du travail à cet âge. En revanche, il est établi par des économistes ainsi que par M. Flückiger qu'il y a aujourd'hui une plus grande probabilité d'être expulsé du marché du travail à partir de 50 ans. Nous estimons donc...

Une voix. C'est faux !

M. Rémy Pagani. Nous estimons que, même s'il ne s'agit que d'un pis-aller ne prenant pas en compte le véritable problème qui est en jeu, il est nécessaire, pour protéger cette catégorie de la population, d'offrir ces occupations temporaires à partir de 50 ans. Nous plaidons donc en faveur de cet amendement. La mesure proposée ne correspondait pas à la situation du marché du travail il y a dix ans, mais elle correspond à la situation actuelle !

Mesdames et Messieurs les députés, ceux d'entre vous qui avez dépassé l'âge de 50 ans devraient se sentir concernés par cette mesure ! Le risque est d'ailleurs beaucoup plus grand, non seulement de se trouver au chômage à partir de 50 ans, mais de ne plus retrouver du travail à partir de ce moment et, malheureusement, jusqu'à l'âge de la retraite - soit, dans notre pays, jusqu'à 65 ans pour les hommes et jusqu'à 64 ans pour les femmes. Je vous encourage, vous qui êtes des quinquagénaires, à voter cet amendement car...

Des voix. Des sexagénaires !

M. Rémy Pagani. Pour certains, des sexagénaires, effectivement... Je vous encourage donc, Mesdames et Messieurs les députés qui êtes en majorité des quinquagénaires, à voter cet amendement qui vous concerne également !

M. Claude Aubert (L). Si vous le permettez, Monsieur le président, je m'adresserai à Mme Haller. C'est en principe à vous que je devrais parler, mais mes propos sont destinés à Mme Haller. Je tiens à faire savoir à cette dernière à quel point j'apprécie ses arguments. Si la discussion pouvait se poursuivre à une telle profondeur, j'en serais extrêmement heureux.

Les demandes de renvoi en commission - demandes qui sont formulées à des moments cruciaux du débat - sont évidemment de bonne guerre, mais, si j'utilise le terme de «guerre», c'est que je pense que l'on se trompe de discussion. Il ne s'agit pas de débattre de sujets profonds, mais de s'affronter. Et puisque l'on se trouve dans une logique d'affrontement, tous les arguments intéressants qui seront avancés par un bord seront combattus par l'autre et vice-versa. La suite de cette discussion ne fera que nous montrer que nous ne sommes pas ici pour dialoguer, mais pour nous affronter. Et si l'on ne parvient pas à une certaine cohésion autour d'un texte au terme de vingt-deux séances de commission, on peut s'interroger sur l'utilité de nos discussions en commission ! Ne faudrait-il pas venir directement en séance plénière et voter en se disant: «c'est un argument pour» ou «c'est un argument contre» ?!

Je conclurai cette brève intervention en faisant remarquer qu'il est impossible d'approfondir un sujet en plénum. Je regrette hautement que l'on ne puisse pas poursuivre de tels sujets en discutant avec la profondeur dont a fait preuve Mme Haller tout à l'heure ! (Applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). Je souhaite m'exprimer suite à cette dernière intervention. On a affaire ici à un amendement qui a déjà été déposé et discuté en commission, mais dont la minorité a estimé qu'il était suffisamment important pour mériter un ultime débat en plénière. Il est vrai que certains amendements sont directement déposés en plénière - le département lui-même est venu avec des amendements en plénière - et c'est dommage. Nous le regrettons - et c'est aussi pour cette raison que nous aurions souhaité renvoyer ce projet en commission.

De mon point de vue, cette loi a pour but fondamental d'empêcher une péjoration de la condition des chômeurs. Comme nous avons de grands doutes quant au résultat final, nous déposons des amendements - non pour «faire la guerre pour faire la guerre», mais pour tenter de sauver certaines de nos propositions. Et, comme je le faisais tout à l'heure remarquer à M. Gros en quittant cette enceinte, à un moment donné nous aurions pu obtenir un consensus en commission. Il y a un point essentiel sur lequel nous n'étions pas d'accord: il s'agit évidemment des emplois temporaires cantonaux. Or, à un moment donné, M. Flückiger a émis des propositions qui auraient permis, moyennant quelques séances supplémentaires, de parvenir à un accord. Il y a d'autres aspects de la loi sur lesquels nous ne nous accordons pas forcément - je pense à la question de l'âge ou encore à celle des ARE - mais sur lesquels nous aurions pu trouver un accord.

En ce qui me concerne, je regrette que les choses se déroulent ainsi, mais je trouve normal que, sur un sujet aussi important, nous défendions en séance plénière des valeurs qui nous paraissent essentielles pour notre société ! (Applaudissements.)

M. Jacques Jeannerat (R). J'aimerais remercier notre collègue Aubert pour avoir quelque peu calmé le jeu. Je tiens à expliquer calmement pourquoi la majorité de la commission n'a pas été sensible à cet amendement. La seule raison est la suivante: la LACI - soit la loi fédérale sur le chômage - comporte des dérogations ou, plutôt, des adaptations pour les personnes atteignant l'âge de 55 ans. Nous nous sommes donc demandé: «Mais pourquoi faut-il que Genève offre toujours des couvertures sociales plus larges qu'ailleurs ?». Il existe, à mon sens, un juste milieu entre l'instauration d'une importante couverture sociale pour les personnes de 55 ans et plus et le fait d'éviter que les finances publiques ne soient pompées par les mesures sociales que l'on s'efforce sans cesse d'instituer dans notre canton. Il s'agit de trouver ce juste milieu. Nous avons estimé qu'à partir de l'âge de 55 ans, on pouvait - pardon, on devait ! - bénéficier de mesures spéciales.

Je demande donc à cette assemblée de rejeter cet amendement et d'en rester aux règles fédérales en vigueur dans la plupart des cantons - et ce, également dans le souci que nos finances cantonales ne soient pas trop anéanties par des couvertures sociales que l'on veut meilleures qu'ailleurs !

M. Christian Brunier (S). Je souhaite répondre à M. Jeannerat: nous nous trouvons face à une problématique spécifique à Genève. Je ne sais pas si vous avez écouté les débats d'hier, mais il existe dans notre canton une stigmatisation extrêmement forte - bien plus forte qu'ailleurs - à l'encontre des chômeurs de plus de 50 ans. L'étude du professeur Flückiger a mis ce phénomène en évidence: alors que dans les autres cantons les personnes de plus de 50 ans parviennent à retrouver un emploi, cela est excessivement difficile - difficile ! - à Genève ! Ce n'est donc pas d'une générosité exceptionnelle dont nous faisons preuve. Ce n'est pas de l'Etat social débordant: il s'agit simplement de couvrir une réalité locale exceptionnelle ! Les personnes de plus de 50 ans qui suivent nos débats à la télé et qui se trouvent au chômage comprennent, elles, ce que cela signifie de ne pas trouver d'emploi ! Nous ne demandons pas une charité excessive, mais simplement que l'Etat fasse son travail en assurant un minimum vital permettant aux individus de 50 ans de retrouver leur dignité et un emploi ! C'est tout ! (Applaudissements.)

M. Pierre Guérini (S). Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi des prestations sociales à Genève ? Tout simplement parce que les personnes qui se trouvent actuellement au chômage ont participé à l'essor de ce canton, à la richesse de cette ville ! Ces personnes, qui pour quelque raison que ce soit - principalement économique - se sont retrouvées au chômage, ont droit à une redistribution de la richesse qu'elles ont contribué à créer !

Il faut savoir que, dans les années 60, 70, voire 80, Genève a été un aspirateur à travailleurs, car le canton était en pleine expansion. Comme il ne disposait pas d'un réservoir suffisant d'employés, on a fait venir des travailleurs d'autres cantons ayant précédé Genève en matière de chômage. On a fait venir des personnes qui se retrouvent au chômage, et on veut encore leur couper les prestations auxquelles elles ont droit ?! C'est inacceptable !

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de deuxième minorité. J'aimerais pour ma part revenir à une réalité plus chiffrée en me référant aux études que l'on nous a présentées en commission ainsi qu'à certaines pratiques actuelles. Messieurs Weiss et Jeannerat, vous nous dites: «On a estimé en commission...». Mais c'est bien ce que l'on vous reproche - ou, du moins, c'est surtout cela que l'on vous reproche !

50 ou 55 ans ? Alors, pourquoi 50 ans ? Eh bien, il faudra demander à l'Office cantonal de l'emploi pourquoi ! Il faudra lui demander pourquoi il a établi deux catégories de chômeurs - les chômeurs de 25 à 49 ans et les chômeurs de 50 ans et plus ! Il faudra demander à M. Flückiger, de l'Observatoire universitaire de l'emploi, pourquoi il évoque l'âge de 50 ans et plus ! Il faudra demander à la CEPP pourquoi, dans son étude sur les caractéristiques sociodémographiques des bénéficiaires des emplois temporaires cantonaux, elle parle de «moins de personnes âgées de plus de 50 ans» ! Il faudra demander à M. Pascal Couchepin pourquoi, lorsqu'il se trouvait à la tête du SECO, il parlait des chômeurs de 50 ans et plus !

Et vous, vous nous dites: «On a estimé que 55 ans, c'était un bon âge» ! Mais on sait fort bien pourquoi vous avez retenu cette limite de 55 ans ! C'est parce que ça vous arrange, c'est parce que ça vous permet de réaliser des économies !

Je souhaite que M. le président Lamprecht nous explique pourquoi l'Office cantonal de l'emploi se base sur deux catégories de chômeurs - l'une comprenant les individus de 25 à 49 ans, l'autre les individus de 50 ans et plus !

Voilà, outre tous les motifs déjà évoqués, la raison pour laquelle nous avons soutenu cet amendement en commission !

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse de première minorité. En mars 2003, lorsque nous avons, à l'AdG, entendu les propos de M. Weiss, nous avons déjà fait remarquer qu'il procédait à une lecture partielle des rapports en lisant dans ces documents élaborés par des scientifiques ce qu'il voulait bien y voir - nous vous l'avons dit, Monsieur Weiss; vous l'avez contesté. Mais nous sommes tout de même partis en commission avec un léger espoir que nous nous trompions. Or nous constatons ce soir que vous faites à nouveau une lecture extrêmement partielle des documents scientifiques qui ont été fournis pour travailler, exactement... (L'oratrice est interpellée par M. Weiss. Le président agite la cloche.)M. Charbonnier vient de vous le démontrer: il est précisé dans ces rapports, il a été dit par les économistes auditionnés qu'à partir de 50 ans, le facteur discriminant des chômeurs sur le marché de l'emploi, c'était l'âge ! Ce n'est pas parce qu'on a inscrit l'âge de 55 ans dans la LACI qu'il ne faut pas tenir compte de réalités démontrées par des faits scientifiques ! A moins que vous ne contestiez la scientificité de...

M. Pierre Weiss. Mais non, Madame !

Mme Nicole Lavanchy. Voilà ! Je répète donc ce que j'ai déjà fait remarquer en mars 2003: vous lisez dans les rapports ce que vous voulez bien y voir !

Nous nous sommes donné la peine d'être attentifs aux propos entendus lors des auditions, de suivre les conseils et les critiques des deux rapports qui nous ont été présentés, et de proposer des amendements allant dans le sens de ces critiques. Or vous avez systématiquement balayé tous nos amendements - sauf un, c'est vrai, mais de peu de portée ! Nos amendements ont été systématiquement balayés, alors que nous n'avons rien fait d'autre que de nous baser sur des documents ! Pour une fois que l'on dispose de documents aussi sérieux, réalisés par des personnes sérieuses, on s'y est attelé - et on n'en a pas fait une lecture partielle. Je ne sais pas, Monsieur Weiss, comment vous pouvez encore défendre dans ce parlement la limite d'âge de 55 ans, et non celle de 50 ans ! (L'oratrice est interpellée par M. Weiss.)Oui, on y reviendra !

Je tiens également à répondre à Mme Ruegsegger, selon qui les emplois temporaires ne fourniraient pas de travail aux chômeurs. Sachez qu'elle n'a jamais pratiqué de la réinsertion professionnelle avec des chômeurs en fin de droit !

Lorsqu'on prépare avec une personne en emploi temporaire un CV pour la requalifier, on n'indiquera pas: «Cette personne est en emploi temporaire», mais on précisera: «Cette personne a effectué un travail à l'Etat». Ainsi, lorsque l'employeur reçoit le dossier de cette personne, il peut constater que cette dernière est en emploi. On jouera là-dessus, car c'est ainsi qu'il faut procéder face à des employeurs qui refusent d'admettre que des chômeurs puissent être qualifiés ! Le fait d'être en emploi temporaire favorise le fait de retrouver un travail car, lorsque cette personne se porte candidate, elle est en emploi. Ne dites donc pas que les emplois temporaires ne servent à rien ! Vous pourrez le vérifier auprès de nombreuses personnes, puisque 37 % de chômeurs ont retrouvé un emploi alors qu'ils étaient en occupation temporaire !

Pour répondre maintenant à M. Jeannerat ...

M. Pierre Weiss. Et ceux qui n'étaient pas en emploi temporaire ?! (Manifestation dans la salle.)

Le président. Monsieur Weiss, ça suffit !

Mme Nicole Lavanchy. Je vous dis que le fait d'être en emploi temporaire aide les chômeurs, car, lorsqu'ils candidatent auprès d'un employeur, ils ne disent pas: «Je suis au chômage» ou: «Je suis en emploi temporaire», mais: «J'ai un travail» ! Cela les requalifie, et leur dossier n'est plus immédiatement mis à la poubelle, car ils ne sont plus au chômage ! Il s'agit d'un élément extrêmement important !

Je dois également répondre à M. Jeannerat. Monsieur Jeannerat, vous avez déclaré - et c'est un argument tout à fait sympathique... - que vous aviez opté pour la limite d'âge de 55 ans, car il s'agissait de l'âge inscrit dans la LACI. Certes... mais vous oubliez que le peuple genevois a voté contre la troisième révision de la LACI ! Au nom de quoi appliquerait-on cette règle dans le cadre de mesures cantonales, en sachant pertinemment que le peuple a voté contre cette révision de l'assurance-chômage ?! On est en train de lancer un référendum contre les mesures que vous êtes en train d'instaurer, et il ne faudra pas oublier que le peuple genevois est très sensible à la question du chômage ! (Applaudissements.)

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Personne ne peut remettre en cause les documents qui nous ont été remis, car ces derniers sont tout à fait sérieux et scientifiques. Il me semble néanmoins évident qu'ils ne doivent servir que de référence et que c'est à nous de les utiliser pour faire changer les constats négatifs qui y sont faits ! Il est vrai que les gens de plus de 50 ans sont stigmatisés à Genève. Il est vrai qu'à partir de 35 ans déjà, on nous trouve vieux - et c'est encore pire si l'on est une femme. Cela fait partie...

Une voix. Mais non !

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. Bien sûr que si ! ...de la réalité. Mais c'est à nous, instances politiques, de faire changer tout cela ! C'est à nous d'introduire une autre référence que ces 50 ans fatidiques ! (Brouhaha.)J'aimerais pouvoir continuer, Monsieur le président ! (Le président agite la cloche.)

Au moment où l'espérance de vie augmente et où les compétences des chômeurs de 50 ans peuvent - je ne vois pas pourquoi on devrait dire «doivent», et non «peuvent» - être remobilisées, pourquoi baisserions-nous les bras en stigmatisant des hommes et des femmes de 50 ans comme des personnes qui seraient hors course ?! A 50 ans, on est encore capable de se former ! On est encore capable de bénéficier de mesures de réinsertion, que ce soit grâce aux allocations de retour en emploi ou grâce aux emplois temporaires de réinsertion ! Il s'agit là d'un principe de formation continue et, de cette formation continue, on en bénéficie tout au cours de notre vie ! Je ne vois pas ce qu'il y a de choquant à maintenir cette barre des 55 ans ! Pour ma part, je revendique le droit pour les chômeurs et les chômeuses de 50 ans d'être encore considérés comme des citoyens à part entière et, comme la majorité de la commission.... (Manifestation dans la salle.)Je regrette !

Le président. Laissez parler Mme la rapporteure de majorité !

Des voix. C'est n'importe quoi ! (Applaudissements.)

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. Non, je ne dis n'importe quoi ! Pas du tout ! Pas du tout ! (Huées.)

Le président. Madame von Arx-Vernon, patientez... Attendez que tout le monde se calme !

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. Je ne dis pas n'importe quoi ! Pas du tout ! (Huées.)Je regrette, j'en ai assez !

Une voix. S'ils sont chômeurs, ils ne sont pas citoyens !

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. Je regrette ! Je ne peux pas imaginer un instant que l'on inscrive dans une loi le fait que des gens de 50 ans doivent bénéficier de mesures de précaution, alors que la barre des 55 ans me semble parfaitement adaptée ! Voilà ce que je tenais à dire !

M. Pierre Guérini (S). Je tiens à m'élever contre l'affirmation selon laquelle un chômeur de plus de 55   n'est plus un citoyen ! Ce n'est pas vrai, c'est inacceptable - et c'est ce que vous avez dit, Madame la rapporteuse !

Mme Salika Wenger (AdG). J'ai adoré vos arguments, Madame von Arx-Vernon... S'il s'était agi d'un bénéfice, j'aurais trouvé votre prise de position tout à fait louable. Mais là, vous êtes en train de nous expliquer que les chômeurs de 55 ans pourraient être mal traités et que les chômeurs de 50 ans pourraient l'être encore plus ! Parce que c'est de cela qu'il est question ce soir !

Je suis quelque peu étonnée, à voir les bancs d'en face: je n'y aperçois que des patrons et des représentants des patrons qui nous expliquent, à nous, les représentants des travailleurs, que le chômage leur coûte trop cher ! (Protestations.)Si ! Si ! Alors, il se peut qu'il vous coûte trop cher, Messieurs, mais il est nécessaire de vous rappeler que, comme vous, ces personnes ont cotisé et que, comme vous, elles ont le droit de prendre une décision et de prendre leur vie en main ! Ce n'est en tout cas pas en coupant dans le chômage que vous allez...

Une voix. Mais soufflez donc !

Mme Salika Wenger. Non, je n'ai pas envie de souffler, Monsieur ! Cela vous fait rire, mais moi pas ! Cela ne me fait pas rire, car on est en train de parler de familles en détresse et je vous vois ricaner sur vos bancs ! Vous êtes en train de vous livrer à un exercice intellectuel, alors que nous sommes en train de parler de misère ! Et je trouve cela redoutable ! Ennuyeux ! Lamentable ! Je le regrette ! Je le regrette vivement ! (Brouhaha.)

Le président. Merci, Madame la députée. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits M. Mouhanna, M. le rapporteur de minorité Charbonnier, Mme la rapporteure de minorité Lavanchy, ainsi que Mme la rapporteure de majorité von Arx-Vernon. La parole est à M. Souhail Mouhanna. (Brouhaha. Remarques.)

M. Souhail Mouhanna (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, votre cynisme n'a plus de limite car, au moment où vous faites voter un projet de loi qui supprime certains droits et qui engage des individus dans une situation de précarité prolongée, vous voulez nous faire croire, comme vient de le faire Mme la rapporteure de majorité, que vous êtes en train de prendre des mesures pour le bien des chômeurs ! Non, Mesdames et Messieurs les députés ! Ce n'est pas ce que vous êtes en train de faire ! Je suis désolé d'avoir à vous le dire, mais vous mentez !

Vous êtes en train de supprimer des droits acquis par des cotisations d'assurance-chômage - droits qui ont d'ailleurs été spoliés par des employeurs peu scrupuleux qui suppriment des milliers d'emplois en engrangeant des bénéfices faramineux ! Vous voulez nous faire croire que c'est pour le bien des chômeurs. Vous vous attaquez à toutes les autres catégories de travailleurs, et c'est toujours pour leur bien... Vous dégradez les conditions d'études des élèves dans les écoles, et vous dites que c'est pour leur bien... C'est toujours pour le bien des gens... Pour le bien des travailleurs et de l'Etat, vous supprimez les ressources de ce dernier... Mais c'est le monde à l'envers ! Vous avez une connaissance de l'histoire pour le moins limitée ! Vous devriez vous souvenir que, durant les 19e et 20e siècles, des gens ont travaillé des dizaines et des dizaines d'heures pendant toute la semaine et que c'est précisément par la lutte des travailleurs que... (Brouhaha.)Mais oui, vous pouvez rigoler ! De toute façon, vous êtes là pour démanteler et nous sommes là pour défendre les victimes de votre politique !

Quelle que soit l'idée que vous vous faites de nous, nous défendons réellement les intérêts de l'immense majorité de la population ! Vous parvenez à tromper une partie d'entre elle, mais vous ne la tromperez pas toujours ! Au cours du 20e siècle, le temps de travail a été divisé par deux, les salaires multipliés par six ou par sept... (Brouhaha.)... et cela n'a pas été des cadeaux de votre part et des gens que vous représentez ! Ces acquis ont été arrachés par les luttes de générations de syndicalistes et de travailleurs - et vous le savez ! Mais le néolibéralisme est en train de faire reculer la société ! Chaque année de votre présence aux commandes représente un recul de dix ans ! Je ne sais pas jusqu'où les gens accepteront de reculer, mais allez le plus vite possible pour que l'on se débarrasse également de vous le plus rapidement possible !

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de deuxième minorité. Il est vrai que l'on peut difficilement laisser passer les propos de Mme la rapporteure de majorité von Arx-Vernon. Cette dernière a déclaré que, nous, la gauche, estimions que les chômeurs de plus de 50 ans n'étaient pas des citoyens à part entière.

Une voix. Voilà ce qu'elle a dit !

M. Alain Charbonnier. Voilà ce qu'elle a dit, tout à fait ! Je m'élève évidemment contre de tels propos. Ce n'est pas nous qui estimons que les chômeurs et chômeuses de plus de 50 ans ne sont pas des citoyens à part entière, mais - toutes les études le démontrent et même M. Couchepin le reconnaît - ce sont les entreprises, ce sont les patrons qui estiment que les chômeurs et chômeuses de plus de 50 ans - et non de plus de 55 ans - ne sont pas des travailleurs à part entière. Et cela, c'est de votre responsabilité !

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteur de première minorité. De quoi parlons-nous ici ? Depuis le début de ce débat, vous avez mis l'accent sur la pertinence des ARE. M. Kunz a déclaré: «Les ARE, c'est le seul moyen; les emplois temporaires, on les balaie». Il ne s'agit pas de débattre ici de personnes au chômage, mais il s'agit de prolonger une mesure d'ARE. En d'autres termes, une personne trouve un employeur, elle travaille pour cet employeur, et l'Etat aide ce dernier à maintenir ce salarié en emploi. Cette personne se trouve donc en emploi !

Vous êtes en train de dire que le système des ARE ne mérite pas ce que vous avez préalablement prétendu qu'il méritait - soit de qualifier quelqu'un, de le mettre en emploi. Nous demandons le passage à douze mois pour les mesures des ARE ! Expliquez-moi votre logique, Madame von Arx-Vernon, car je ne comprends pas ! Nous ne parlons pas de chômeurs, mais de personnes ayant retrouvé un emploi ! Ces personnes sont simplement aidées par l'Etat, et nous demandons que cette aide soit prolongée afin de s'assurer qu'au terme des douze mois, on ne les jette pas ! On leur offre un tout petit plus, une chance un tout petit peu plus grande. Voilà ce que l'on vous demande ! Alors, expliquez-moi votre logique ! On ne parle pas de chômeurs, mais on parle de gens en emploi !

Je souhaite que vous me répondiez sur ce point, Madame von Arx-Vernon, car il y a une incohérence dans la position que vous venez de défendre - tout comme il y a une incohérence dans la position défendue par les députés de l'Entente. On se trouve dans le système que vous souhaitez développer - à savoir le système des ARE - et vous refusez que des personnes de plus de 50 ans ayant retrouvé un emploi se fassent aider durant vingt-quatre mois au lieu de douze ?! Expliquez-moi pourquoi ! (L'oratrice est interpellée.)Non ! Il est possible de proposer une ARE durant une période beaucoup plus longue à une personne de 50 ans qui retrouve un emploi, mais vous le refusez ! Expliquez-moi pourquoi !

La présidente. Merci, Madame Lavanchy. La parole est à Mme la rapporteure de majorité... Monsieur Charbonnier, souhaitez-vous ajouter quelque chose ? (Protestations.)Vous avez la parole.

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de deuxième minorité. J'invite simplement M. le président Lamprecht à répondre à la question que j'ai posée tout à l'heure: pourquoi l'Office cantonal de l'emploi établit-il des catégories de chômeurs et chômeuses de 25 à 49 ans et de 50 ans et plus ?

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Le président. Merci, Monsieur Charbonnier. M. le conseiller d'Etat Lamprecht va vous répondre.

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Ce débat a eu lieu pendant X séances, et nous avons choisi, concernant la question de l'âge, de nous adapter à la LACI. Comme cela a été dit, Genève continue de faire des exceptions par rapport à ce qui se réalise ailleurs. Je répète que nous avons discuté de cette question en commission et que la majorité de la commission s'est décidée pour l'âge de 55 ans.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole est à Mme Anne-Marie von Arx-Vernon, rapporteure de majorité.

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Je crois qu'il y a un malentendu car, si j'ai défendu la limite d'âge de 55 ans et non celle de 50 ans, c'est précisément parce que les lois s'adressent à tous, y compris aux patrons. Si un élément est inscrit dans une loi, il devient une référence. Cela me semble être un argument dont vous pourriez vous servir au lieu d'avoir à me le reprocher ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la rapporteure de majorité. Nous allons voter sur l'amendement présenté par Mme Lavanchy à l'article 31. Je vous rappelle que cet amendement propose de rabaisser l'âge de 55 à 50 ans auquel un chômeur peut prétendre à l'allocation de retour en emploi durant vingt-quatre mois. Voici la modification de l'article 31: «Le chômeur peut prétendre à l'allocation de retour en emploi pendant une durée de 12 mois. Dès 50 ans, cette durée est portée à 24 mois». Nous procéderons par vote électronique.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 43 non contre 40 oui.

Mis aux voix, l'article 31 est adopté.

Le président. Nous passons à l'article 32. Nous sommes saisis de deux amendements, l'un portant sur l'alinéa 3, l'autre sur l'alinéa 4. Je donne la parole à l'auteur de ces deux amendements: M. le député Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S). Ce projet de loi a la prétention de lutter contre le chômage de longue durée en redonnant la priorité aux allocations de retour en emploi - soit à un système permettant aux entreprises genevoises d'engager des personnes dont le salaire est en partie financé par le canton.

Intellectuellement, on peut tout à fait approuver le choix consistant à dire qu'il est préférable de travailler dans une entreprise - qu'elle soit petite ou grande - plutôt qu'au sein de l'Etat, dans un cadre qui n'est pas forcément précisément défini. La réalité des chiffres montre malheureusement que nous nous trouvons dans une situation catastrophique en matière d'ARE. Je l'ai relevé hier: le rapport comptabilise 60 allocations de retour en emploi contre 1600 emplois temporaires cantonaux. Cela signifie qu'un maximum de 60 entreprises genevoises sont actuellement prêtes à engager une personne en allocation de retour en emploi - malheureusement pas davantage. Je dis bien: «60 entreprises au maximum», car on peut imaginer qu'une grande entreprise engage plusieurs personnes en ARE.

Cette situation est franchement catastrophique et, si l'objectif du projet de loi est de renforcer l'attractivité des ARE - ce qui, je pense, est un souhait partagé par tous - j'ai exprimé à plusieurs reprises en commission mon doute quant à l'effort consenti par le département qui, dans ses amendements, fait porter la part du soutien aux employeurs de 40 à 50%. Et 50% du salaire sur une période d'une année, c'est certes non négligeable, mais, comme je l'ai fait remarquer hier soir, il est fort différent d'engager un employé supplémentaire dans une entreprise de 10 personnes - ce qui représente 10% de la masse salariale - ou dans une entreprise de 100 personnes - ce qui représente 1% de la masse salariale. Le patron d'une petite entreprise peut donc évidemment suivre le raisonnement suivant: «Tiens, je prends le risque d'engager une personne qui a déjà fait deux ans de chômage car elle est compétente, mais, en même temps, on ne sait jamais comment la conjoncture va évoluer». On prend un certain risque et, ma foi, on mesure aussi ce risque en termes financiers. Conclusion: pour connaître la situation des petites entreprises, j'ai de la peine à trouver cette mesure de 50% suffisamment attractive.

Fallait-il déposer un amendement en commission - ce que je n'ai pas fait - ou simplement relever le problème ? J'aurais pensé que certains représentants des milieux économiques l'auraient fait. Fallait-il déposer un amendement sur cet objet ce soir ? La question reste ouverte. Faut-il tenter d'améliorer ce projet de loi ? Je pense que, si l'on est sensible au sort des chômeurs de longue durée, on doit chercher à améliorer ce projet de loi jusqu'au bout - même si l'on n'y parviendra malheureusement pas forcément.

En l'occurrence, j'ai tenté de vous proposer un amendement distinguant les entreprises en matière de pourcentage d'aide accordée par l'Etat. Mon amendement vise à limiter cette aide à 50% pour les entreprises de 50 employés et plus et de transférer cette compétence au Conseil d'Etat pour les plus petites entreprises plutôt que de fixer dans la loi une fourchette comprise entre 50 et 80%. Cette fourchette comprise ente 50 et 80%... (Brouhaha.)Je ne sais pas si cela intéresse quelqu'un, mais...

Une voix. Mais on a lu, l'amendement !

M. Roger Deneys. Tant mieux si vous avez pu déchiffrer mon écriture, mais... (Brouhaha.)

Le président. Poursuivez, Monsieur le député !

M. Roger Deneys. Compte tenu de la situation actuelle, soit 60 ARE contre 1600 emplois temporaires cantonaux... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Cet amendement vise à renforcer l'attractivité des ARE auprès des petites entreprises, notamment sur le plan financier. Et je pense que les aides comprises entre 50 et 80% qui ont été déterminées par le Conseil d'Etat... (Remarque.)Voyez, M.  Lamprecht a peut-être de la peine à lire mon écriture...

Le président. Je ne sais pas si c'est le seul, d'ailleurs !

M. Roger Deneys. Les petites entreprises devraient pouvoir bénéficier d'une aide plus importante, notamment lorsque le taux de chômage genevois est supérieur au taux de chômage national - puisque c'est l'un des aspects du chômage que vous souhaitez combattre. Pour ma part, j'ai pensé qu'il convenait également moduler ce pourcentage en fonction du nombre d'ARE délivrées puisque, dans votre logique, on devrait avoir 1600 ou 1700 ARE et zéro emploi temporaire cantonal - et M. Kunz sera sûrement d'accord avec moi ! Mais quels moyens donnons-nous à l'Etat pour y parvenir ? On ne peut pas passer d'une année à l'autre de 60 à 1600 ARE ! Vous avez vu la conjoncture ?! L'étude conjoncturelle que je citais tout à l'heure précise bien que les années à venir verront peut-être une reprise en Suisse, mais en tout cas pas une baisse du chômage. Si l'on veut inciter les entreprises à engager des personnes au chômage depuis deux ans déjà, il faut donc les stimuler davantage. Ce qui est important, c'est que l'entreprise choisisse le chômeur de longue durée plutôt qu'un autre chômeur. C'est cela qu'il faut encourager pour éviter le chômage de longue durée. Et, si l'on observe le dernier paramètre qui me semble important - à savoir le ratio entre le nombre d'emplois temporaires cantonaux et le nombre d'allocations de retour en emploi - on en conclut que l'on devrait moduler ce pourcentage entre 50 et 80%. Je vous remercie...

Une voix. Professeur Tournesol !

M. Roger Deneys. «Professeur Tournesol», je ne crois pas, mais je me suis efforcé de réfléchir au sujet ! Mon amendement n'est peut-être pas parfait, mais on aurait pu tenter de trouver une autre solution en commission ! Je suis désolé, j'aurais pu déposer cet amendement avant, mais il n'empêche que cette problématique reste ouverte. Et je trouverais important que les représentants de l'Entente s'efforcent de rendre leur mesure plus attractive, de manière à - aussi - la rendre un peu plus crédible ! (Applaudissements.)

M. Rémy Pagani (AdG). Il faut, une fois de plus, évoquer les transformations que connaissent nos entreprises, plus particulièrement à Genève. Comme cela a été dit, les personnes en allocation de retour en emploi sont actuellement au nombre de soixante, et le département fournit un effort considérable pour augmenter ce nombre. L'un des objectifs principaux de cette loi est d'ailleurs de renforcer ce type d'activités. Mais il ne faut pas se leurrer, Mesdames et Messieurs les députés ! Il convient de mentionner un facteur très important: il y a dix ans, avant de licencier, les entreprises recouraient à ce que l'on appelle le chômage partiel. En d'autres termes, une entreprise, que ce soit dans l'horlogerie ou dans le bâtiment qui, du fait de la conjoncture, sentait venir une baisse de commande, demandait au département de l'économie de bénéficier de prestations pour mettre l'ensemble de ses employés au chômage technique. La SIP, par exemple, a profité de ce type de services pendant des années !

M. Gabriel Barrillier. C'est du chômage technique !

M. Rémy Pagani. C'est du chômage technique, comme le dit M. Barrillier. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Or les entreprises ont de moins en moins recours à ce chômage partiel. Cela signifie que le patronat a compris - enfin, «compris»... - la logique dans laquelle on se trouve - et cette logique est devenue encore plus difficile qu'il y a dix ans. Cette logique consiste à «dégraisser». La majorité des entreprises décident de dégraisser, en se soumettant bien évidemment à la loi sur la participation. Elles convoquent les syndicats et déclarent: «Voilà, on se trouve face à un problème extrêmement grave: les syndicats proposent le chômage technique, mais le patronat refuse systématiquement la mise au chômage technique sous prétexte que la crise dure toujours davantage.» Monsieur Annen, vous hochez la tête, mais les statistiques le prouvent: de moins en moins d'entreprises recourent au chômage technique à Genève !

Le deuxième type d'entreprises qui refusent de recourir au chômage technique, c'est bien évidemment les entreprises qui sont en bourse et préfèrent licencier de manière drastique pour montrer à leurs actionnaires qu'elles prennent des mesures efficaces - et l'on assiste généralement, le jour même, à des montées d'actions ! Des spéculateurs se font de l'argent sur ce type de décisions ! C'est la réalité économique ! Même si le projet d'amendement proposé par M. Deneys part d'une bonne intention - et la proposition de M. Lamprecht, de renforcer les ARE, part également d'une bonne intention - les petites entreprises placées dans cette situation économique ne feront pas recours à ce type de mesures, et je le regrette ! Toujours est-il que nous voterons, et les ARE telles qu'elles figuraient dans la loi, et la proposition de M. Deneys, car cela vaut mieux que rien du tout !

M. Alberto Velasco (S). Cette fois, mon intervention sera brève. (Commentaires.)Je tiens simplement à relever qu'il s'agit là d'une mesure qui devrait intéresser tant le groupe libéral que le groupe radical, puisqu'elle tend à diminuer le coût du travail... (Brouhaha. L'orateur est interpellé.)Dans votre entreprise, je ne sais pas... Il est vrai que votre entreprise connaît quelques problèmes ces derniers temps, problèmes dont la presse se fait très souvent l'écho. Ma remarque ne s'adresse donc pas à vous, mais à des entrepreneurs d'un autre niveau...

Une voix. Pourquoi ?

M. Alberto Velasco. Je pense tout simplement à des entrepreneurs qui respectent les travailleurs... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Je reprends mon intervention. Voilà donc une mesure qui s'inscrit dans une optique de diminution du coût du travail. Elle devrait donc intéresser les patrons et, par conséquent, nos collègues d'en face. J'ai, de surcroît, entendu hier l'intervention de notre collègue Weiss. Ce dernier a déclaré que, si la diminution des emplois temporaires préjudiciait la situation des chômeurs, l'amélioration des ARE pourrait compenser ces pertes d'emplois temporaires. Et notre président, M. Lamprecht, a tenu un discours analogue: il va tenter de compenser la péjoration des emplois temporaires par des mesures de compensation en matière d'ARE. (Le brouhaha continue. Le président agite la cloche.)

Je ne comprends donc pas pourquoi vous ne pourriez pas voter un tel amendement, Mesdames et Messieurs les députés ! Cette proposition va dans le sens d'une amélioration tant des ARE que de la trésorerie des entreprises, et elle permet de répondre au désir que vous avez exprimé hier soir d'insérer les chômeurs ! J'espère donc... ( Chahut.) Je vois que l'économie ne vous intéresse guère, pas plus que les entreprises... Ce qui vous intéresse, c'est de péjorer la situation des chômeurs ! Mais cela ne fait rien, je poursuis... J'espère, que, pour le bien de vos entreprises et pour le bien de nos chômeurs, vous voterez l'amendement qui vous est proposé par mon collègue Deneys !

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de deuxième minorité. Nous l'avons dit dès le début du débat en plénière ainsi que pendant tous les débats de commission: l'allocation de retour en emploi constitue la meilleure mesure pour redonner un emploi à un chômeur ou à une chômeuse de longue durée. Le problème de cette mesure, c'est que tant les études qui nous ont été fournies que les chiffres de l'Office cantonal de l'emploi nous démontrent qu'elle n'a été que peu, voire pas utilisée par les entreprises. Si les entreprises ne proposent pas d'emplois, cette mesure ne pourra pas fonctionner. Il faudrait donc que cette mesure soit plus incitative.

Il est vrai qu'à part notre collègue Deneys - qui s'est avancé à titre personnel - nous nous sommes montrés très réservés sur ce sujet en commission. Et par qui M. Deneys a-t-il été encouragé ? Bien évidemment par les commissaires de la droite, et plus particulièrement par le patron d'une petite et moyenne entreprise qui tend à devenir une grande entreprise... Sur ce, nous nous sommes accordés avec M. Deneys sur le fait qu'il valait la peine de faire un effort pour inciter les entreprises de moins de 50 employés à proposer à des chômeurs ou chômeuses de longue durée un emploi fixe. Il ne s'agit pas d'une allocation, d'une subvention ou d'une aide de l'Etat, mais il s'agit vraiment de redonner un emploi à un chômeur ou une chômeuse de longue durée. Nous vous encourageons donc à voter cet amendement.

Je m'aperçois qu'un député de droite a tout de même fini par s'inscrire pour prendre la parole... Les débats ont été très fournis de part et d'autre jusqu'à maintenant et, comme par hasard, les représentants des milieux économiques ne se sont pas exprimés sur ce sujet ! J'en suis déçu !

M. Gilles Desplanches (L). Pour répondre à M. Brunier, lorsqu'on a abordé cette question en commission, j'ai effectivement estimé que cette voie était possible. Je rappellerai toutefois que l'on se trouve depuis hier dans une logique de confrontation, que les efforts consentis par la droite durant les travaux de commission pour aller dans le sens de l'opposition n'ont jamais été acceptés et que vous vous livrez aujourd'hui à un show en nous reprochant à nous, partis de droite, de nous montrer peu soucieux des travailleurs alors que, jusqu'à nouvel avis, les emplois créés à Genève le sont par les entreprises privées et personne d'autre ! Je tiens d'ailleurs à signaler que jamais autant d'emplois n'ont été créés que durant ces dernières années !

Le débat actuel me fait penser à l'histoire de la bougie et de l'ampoule: on essaie d'améliorer la bougie en pensant faire de l'électricité... Il faut trouver d'autres solutions ! Aidez-nous à mettre en place un cadre légal plus simple ! Aidez-nous à créer des entreprises ! Arrêtez de faire de l'opposition quand on fournit de l'emploi ! Permettez-nous d'engager des chômeurs et des travailleurs, car Genève doit être dynamique ! Vous nous dites aujourd'hui qu'il faut créer de l'emploi, mais je ne vous ai jamais entendu faire une proposition en commission de l'économie ! (Applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). Je suis désolé, mais l'intervention de M. Desplanches est complètement hors de propos ! Nous discutons ici des allocations de retour en emploi - soit de mécanismes favorisant la réinsertion de chômeurs de longue durée sur le marché du travail ! On ne parle nullement de la création d'entreprises !

En tant que patron d'entreprise, je suis tout à fait concerné par ce sujet, mais ce n'est pas le problème de cet amendement ! Le problème de cet amendement - amendement ! - c'est de rendre les allocations de retour en emploi plus attractives que les ETC ! Alors, contentez-vous des chiffres, mesurez la situation actuelle, mais c'est tout ! Voilà le but de cet amendement !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Alain Charbonnier, rapporteur de minorité... qui renonce. Par conséquent, nous allons voter sur les amendements proposés par M. Deneys.

M. Roger Deneys. Monsieur le président, je demande l'appel nominal ! (Appuyé.)

Le président. Nous procéderons donc par vote électronique et par appel nominal. Je propose de voter simultanément les deux amendements de M. Deneys. Je vous rappelle que le premier amendement consiste à modifier de la sorte l'alinéa 3 de l'article 32: «Le pourcentage de la participation est de 50% pour les entreprises de 50 employés et plus».

Le second amendement de M. Deneys consiste à ajouter ceci à l'alinéa 4 du même article: «Le pourcentage de la participation au salaire est fixé annuellement par le Conseil d'Etat pour les entreprises de moins de 50 employés, dans une fourchette comprise entre 50% et 80% en fonction des paramètres suivants: a) l'écart entre le taux de chômage suisse et le taux de chômage genevois; b) le nombre d'ARE délivrées aux entreprises de moins de 50 personnes; c) le ratio ARE / ETC». Celles et ceux qui acceptent ces deux amendements répondront oui, celles et ceux qui les refusent répondront non.

Mis aux voix à l'appel nominal, ces amendements sont rejetés par 47 non contre 40 oui.

Appel nominal

Mis aux voix, l'article 32 est adopté.

Le président. Nous passons à l'article 33. M. Deneys propose de supprimer l'alinéa 2 sous lettre c) de cet article. Monsieur le député, vous avez la parole !

M. Roger Deneys (S). L'article 33 précise les conditions d'octroi et, surtout, de non-octroi des allocations de retour en emploi. Les personnes qui n'ont pas timbré ou qui n'ont pas répondu à une annonce écopent, par exemple, d'une pénalité durant le délai-cadre fédéral. Non seulement ces personnes écopent d'une suspension de leur droit à l'indemnité durant un certain nombre de jours, mais, deux ans plus tard, banco: elles ne sont pas autorisées à bénéficier d'un programme cantonal - qu'il s'agisse d'allocations de retour en emploi ou d'emplois temporaires cantonaux ! C'est super...

Je ne déposerai pas deux fois mon amendement si celui-ci ne passe pas. Ce dispositif figurait déjà dans la loi précédente, et cette question a déjà été évoquée en commission. Alors, pourquoi est-ce que j'y reviens ? Parce que le dispositif actuel me semble analogue au principe de la double peine - par exemple, lorsqu'une personne est condamnée sur le plan pénal et que, de surcroît, on l'expulse de la Suisse. Dans le cas du chômage, non seulement cette personne paie pour sa faute - elle a un délai de carence, puisqu'elle ne touche pas d'allocation durant un à trente-et-un jours - mais on l'exclut encore des dispositifs prévus pour favoriser la réinsertion des chômeurs sur le marché du travail ! Il est aberrant d'exclure des personnes motivées pour reprendre un travail et qui ont déjà payé pour leur faute ! Lorsque vous avez payé une amende, on ne vous interdit pas d'obtenir votre permis deux ans plus tard ! Ce principe n'est pas normal ! Cette disposition devrait, à mon sens, être retirée. Une fois qu'une personne a payé pour sa faute, on devrait lui donner une chance de recommencer comme n'importe quel citoyen. Je vous prie donc d'accepter cet amendement qui vise à retirer ces conditions après une erreur de parcours dans le délai-cadre fédéral !

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

La présidente. Merci, Monsieur le député, La parole est à M. le rapporteur de minorité Alain Charbonnier.

M. Alain Charbonnier. Je renonce !

La présidente. Je donne donc la parole à Mme la rapporteuse de minorité Nicole Lavanchy.

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse de première minorité. L'Alliance de gauche soutiendra l'amendement de M. Deneys. Lorsqu'on observe le durcissement en matière de loi sur l'assurance-chômage au niveau fédéral, lorsqu'on constate que le Conseil fédéral n'entend pas respecter ce que le peuple a voté - je me réfère là à l'ordonnance sur la mesure des 400 indemnités - lorsqu'on considère le durcissement des contrôles et des chicanes faites aux chômeurs par les offices cantonaux de l'emploi, on ne peut qu'abonder dans le sens de cet amendement ! Certains chômeurs se verront pénalisés alors que la peine qui leur a été infligée n'était peut-être pas aussi méritée que cela. Il est grave de ne pas pouvoir accéder à des mesures cantonales sous prétexte que ces dernières sont liées à une peine qui a déjà été sanctionnée ! C'est pourquoi l'Alliance de gauche soutiendra l'amendement de M. Deneys.

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

M. Roger Deneys (S). Je souhaite simplement ajouter un petit détail: je ne suis même pas certain que la disposition de la loi actuelle - ou de la nouvelle loi si elle est adoptée telle quelle - soit légale. Je me demande si un chômeur qui ne bénéficierait pas d'une allocation de retour en emploi ou d'un emploi temporaire cantonal à cause de cette disposition ne gagnerait pas au niveau fédéral. En effet, je ne vois pas pourquoi une disposition cantonale ne s'appliquerait pas à toutes les personnes faisant partie d'un dispositif cantonal - et ce, d'autant plus qu'elles ont déjà été sanctionnées pour leur erreur ! Il faut donc faire très attention à cette disposition, elle me paraît dangereuse.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons nous prononcer sur votre amendement, qui consiste à supprimer, à l'article 33, alinéa 2, la lettre c).

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 48 non contre 38 oui.

Mis aux voix, l'article 33 est adopté.

Mis aux voix, l'article 34 est adopté.

Le président. Nous sommes saisis, à l'article 35, d'un amendement présenté par Mme la rapporteure de minorité Nicole Lavanchy. Cet amendement prévoit l'ajout d'un nouvel alinéa 4. Madame Lavanchy, vous avez la parole !

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse de première minorité. Nous présentons effectivement un nouvel alinéa 4 à l'article 35. Notre proposition est la suivante: lorsqu'un allocataire trouve un emploi par le biais d'une ARE, il reçoit sur son lieu de travail la visite d'une personne responsable de l'OCE à raison de deux fois par année. Pourquoi ? Il ne s'agit pas, comme on l'a entendu en commission, d'instaurer un contrôle sur les entreprises. Pas du tout ! Il s'agit de répondre à une critique émise par la commission d'évaluation des politiques publiques. Cette dernière a démontré que l'un des facteurs responsables du mauvais fonctionnement des ARE renvoyait à l'éloignement existant entre l'Office cantonal de l'emploi et l'entreprise et qu'il convenait de rapprocher ces deux mondes: il faut que l'Office cantonal de l'emploi puisse effectuer un travail de proximité plus important, qu'il puisse aller plus avant vers les entreprises. Il nous a donc semblé important que, dès qu'un allocataire trouve un emploi, l'entreprise lui offrant ce travail bénéficie du soutien d'un responsable de l'Office cantonal de l'emploi par le biais des visites d'un placeur. C'est l'un des moyens que l'on a retenus pour répondre à la critique émise par la commission d'évaluation des politiques publiques.

Notons que le rapport de la commission d'évaluation des politiques publiques n'est pas le seul à faire état de cette distension entre l'Office cantonal de l'emploi et les entreprises. Vous comptez parmi vos rangs M. Nicolas Brunschwig, qui a notamment déclaré à plusieurs reprises: «Beaucoup d'entreprises dont les PME ne connaissent pas les ARE. Le meilleur moyen pour faire connaître ces ARE aux entreprises est d'améliorer la proximité entre ces entreprises et l'OCE». Si l'on fait en sorte que les employés de l'OCE soient obligés, parce qu'on le leur demande, de rencontrer l'allocataire sur son lieu de travail et de discuter avec son patron, cela aura un effet bénéfique. Chaque fois que l'on rencontre quelqu'un et que l'on discute avec, on apprend à se connaître; on apprend aussi à s'interroger sur les inquiétudes des uns et des autres et à résoudre les problèmes. A l'heure actuelle, une fois qu'une personne a trouvé une ARE, il n'y a plus personne de l'Office cantonal de l'emploi qui vient lui rendre visite sur son lieu de travail. En ce qui nous concerne, nous partons du principe qu'il faut un partenariat entre les trois instances que sont l'entreprise, l'Office cantonal de l'emploi - qui représente l'Etat - et le chômeur ayant retrouvé un emploi. Ces trois instances sont engagées, elles ont une responsabilité, et il y a lieu qu'elles discutent ensemble.

J'ai par ailleurs entendu - et j'ai pu le lire dans tous les procès-verbaux de commission - que M. Nicolas Brunschwig n'était pas le seul à émettre l'idée selon laquelle l'Office cantonal de l'emploi devait être beaucoup plus en lien avec le marché du travail. Nous avons entendu une multitude de personnes qui nous ont répété que l'un des problèmes résidait notamment dans le fait que l'Office cantonal de l'emploi n'allait pas suffisamment au-devant du monde du marché du travail. Il est vrai que, dès que l'on en a discuté en commission, on a ajouté le terme de «suivi». L'ajout de ce terme n'est cependant pas suffisant à nos yeux. Il est nécessaire d'envoyer un signe clair aux employés et aux dirigeants de l'Office cantonal de l'emploi en les invitant à aller au-devant des entreprises, à démarcher en faveur des ARE et à suivre les allocataires dans leur réinsertion professionnelle. Le suivi en tant que tel ne constitue pas une injonction ni une volonté politique suffisante pour montrer que l'on a pris acte des propos figurant dans le rapport de la commission d'évaluation des politiques publiques. (Commentaires.)Il faut absolument qu'un signe clair de la part de ce parlement figure dans la loi - signe montrant notre volonté que l'OCE aille vers les entreprises. A notre sens, l'amendement proposé atteint ce but !

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

La présidente. Merci, Madame la rapporteure. (Commentaires.)S'il vous plaît, Messieurs les députés, pas de commentaires lorsque Mme la rapporteure s'exprime ! Je donne la parole à Mme la députée Jocelyne Haller.

Mme Jocelyne Haller (AdG). Si j'étais mauvaise, je vous dirais: «J'aimerais bien vous y voir»... Je ne vous le dirai pas, car je ne souhaite à personne le statut de bénéficiaire de la couverture dont parlait M. Jeannerat tout à l'heure. Parce qu'elle est bien mince, cette couverture, et elle ne vous protège pas longtemps des refroidissements - il faut le savoir. Pour moi, dont le quotidien est d'aider des gens à sortir de ce type de situations, il est difficile d'entendre ces débats où l'on traite finalement avec légèreté et opportunisme - il faut le dire - de problématiques aussi dramatiques que celles du chômage, de la pauvreté et de la désinsertion. Alors, je vous demanderai un effort d'imagination: imaginez-vous avec un seul salaire quand vous en aviez deux dans votre famille - juste pour voir ! Imaginez-vous au seuil du minimum vital ! Imaginez-vous face à la perspective de ne plus retrouver un emploi, et osez dire à un chômeur qu'il profite et qu'il faudrait qu'il se remue pour trouver un emploi ! Aussi... (Commentaires de M. Kunz.)... Non, parce que c'est ce qui est sous-jacent à tous les débats que nous avons eus depuis hier ! Mais je ne vous répondrai pas, Monsieur Kunz, car je crois que l'on en a assez parlé !

Si, Mesdames et Messieurs les députés, vous ne voulez pas que l'on comprenne que toute cette loi ne sert qu'à diminuer les droits des chômeurs et à subventionner les employeurs en leur fournissant une main-d'oeuvre aux abois, faites en sorte que les mesures que vous voulez propres à favoriser la réinsertion en soient réellement les instruments ! Prévoyez un suivi qui garantisse par des mesures d'accompagnement que l'investissement consenti par l'Etat - parce que c'est bien de cela qu'il s'agit - serve réellement l'objectif poursuivi et que la participation de l'Etat au paiement du salaire d'un chômeur permette réellement à ce dernier de passer du statut de chômeur à celui de travailleur ! Et, puisqu'il faut évoquer un certain nombre d'éléments, permettez-moi de vous parler de cet employeur qui a systématiquement engagé des personnes en ARE, puis qui les licenciaient au moment où la charge lui incombait ! Permettez-moi de vous parler de cette personne qu'il a fallu amener jusqu'aux Prud'hommes pour récupérer plusieurs mois d'un salaire en bonne partie constitué par des allocations de retour en emploi !

Alors, si vous voulez parler des abus, on va en parler, on peut en parler, mais allez jusqu'au bout ! Soyez cohérents ! Votez les amendements proposés par Mme Lavanchy, car ils permettent au moins de faire de ces allocations de retour en emploi un réel instrument de réinsertion ! Et permettez aussi qu'à l'occasion du passage des personnes qui seront nommées responsables de suivi, on puisse mieux connaître la situation des entreprises, déterminer s'il n'y aurait pas d'autres possibilités d'emploi et procéder à un véritable démarchage pour être en mesure de proposer des postes de travail ! On parle beaucoup du chômage, mais parlons du manque actuel des postes de travail, car le vrai problème, c'est celui-là ! Je vous remercie et je vous invite à voter l'amendement présenté par Mme Lavanchy ! (Applaudissements.)

M. Gilles Desplanches (L). Je tiens à remettre certaines choses en place. En premier lieu, peut-être faudrait-il déjà que vous vous accordiez entre vous au sujet des ARE. D'une part on reproche aux employeurs d'être aux abois et de profiter de ce système; d'autre part, on estime qu'il faut proposer davantage d'ARE... Il serait souhaitable que les députés de l'opposition se mettent d'accord !

Pour revenir sur la situation des ARE: avant qu'une ARE ne soit acceptée, un contact est établi avec l'Etat pour définir exactement sur quoi portera cette ARE. Ce que vous nous demandez, Madame Lavanchy, c'est de rendre encore plus inconsommable cette solution en l'alourdissant le plus possible ! Je vous dirai clairement que je soutiendrai les ARE, mais il faut que ces dernières soient réalisables ! Ce n'est visiblement pas votre tasse de thé, mais, si vous voulez vraiment que les gens retrouvent un emploi, ces ARE doivent être réalisables ! Les propos de M. Brunschwig vont tout à fait dans le même sens: il a déclaré qu'il fallait un contact entre les employeurs et le département, mais il n'a jamais dit qu'il fallait un contrôle systématique et que les employés de l'OCE courent derrière les entreprises ! (Protestations.)C'est ce que vous nous avez dit en commission, alors...

Des voix. Non, ce n'est pas vrai ! (Le président agite la cloche.)

M. Gilles Desplanches. Si, c'est ce que vous avez dit en commission ! Mais je vous le répète: si vous voulez réellement que les employeurs engagent des chômeurs, il faut rendre ces ARE réalisables ! M. Deneys a lancé une proposition qui n'a malheureusement pas été suivie. Ce n'est certainement pas en ajoutant des inconvénients que l'on favorisera le développement des ARE ! Je souhaite que les patrons des entreprises engagent des ARE, mais il faut que cela soit réalisable ! Le contact avec l'Etat et le contrôle existent déjà !

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

M. Roger Deneys (S). Les socialistes soutiendront bien entendu cet amendement. Il est vrai que la pesée d'intérêts est non négligeable. Monsieur Desplanches, vous avez en partie raison par le fait que, tout comme pour la question du montant évoquée à l'article précédent, l'employeur sera évidemment sensible au degré de contrôle dont il aura l'impression que l'OCE dispose. En même temps, la mesure minimum qui consiste à mettre en place un suivi selon un principe analogue à celui des apprentis me paraît raisonnable dans la mesure où il faut pouvoir lutter, d'une part contre les abus, d'autre part contre l'inadéquation entre certains postes en ARE et ce qui avait été initialement fixé. En l'état actuel, la personne en ARE peut certes toujours se plaindre auprès de l'Office cantonal de l'emploi si cela se passe mal. Mais, si l'on veut aller jusqu'au bout de ce raisonnement, prendre quelqu'un en ARE, c'est prendre une personne qui n'a pas travaillé en entreprise durant deux ans et qui peut nécessiter un encadrement particulier. Cela dépend des cas et des professions, mais, dans une situation idéale, on pourrait imaginer que l'OCE soit doté de personnes suffisamment qualifiées pour offrir un minimum de coaching à l'attention tant de l'entrepreneur que de la personne en ARE. (Brouhaha.)A mon avis, cela ne peut être que bénéfique.

S'agissant de la forme, vous interprétez cette proposition comme un contrôle, alors que je la comprends plutôt comme une forme de coaching. Il y a effectivement divergence sur ce point. Je pense toutefois que nous avons toutes et tous intérêt à ce que les ARE fonctionnent et qu'au bout du compte les personnes soient engagées. C'est la raison pour laquelle je vous invite à voter cet amendement !

M. Pierre Weiss (L). Je voudrais simplement apporter deux précisions. En premier lieu, les propos cités par Mme Lavanchy sont exacts: M. Brunschwig a effectivement déclaré que l'OCE avait une mauvaise connaissance du monde des entreprises. Mais il l'entendait dans un autre sens: il l'entendait en termes de possibilités d'emplois - d'emplois ! - offertes par les entreprises. En deuxième lieu, de notre point de vue, il n'est pas acceptable que des personnes ne connaissant pas les entreprises viennent leur dire de quelle manière ces dernières devraient engager des chômeurs ! (Protestations.)

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de deuxième minorité. Je rappelle que les deux études qui nous ont été présentées ont montré l'échec de la mesure ARE depuis les sept ans qu'elle existe - et, Monsieur Desplanches, ce n'est pas nous qui l'avons créée de toutes pièces, l'ARE ! Et, contrairement à vous, qui vous êtes jusqu'à présent contentés de faire un cadeau aux entreprises, nous tentons d'améliorer cette mesure ! Ce cadeau vous suffit évidemment, puisque vous en êtes le principal intéressé !

S'agissant des moyens d'amélioration des ARE, on a proposé tout à l'heure un petit supplément pour les entreprises de moins de cinquante employés. On suggère maintenant la mise en place d'un suivi. Je ne sais pas si vous savez lire, mais, moi, je sais - ou, du moins, j'essaie. Ce n'est pas parfait, mais... Cet amendement propose la désignation d'un responsable du suivi de l'ARE - il ne s'agit donc pas d'un contrôle, mais d'un suivi. Ce responsable sera chargé de rendre visite à l'allocataire ainsi qu'au responsable de l'entreprise - ou à l'un de ses collaborateurs délégués. On ne demande pas au personnel de l'Office cantonal de l'emploi d'aller, comme le disait M. Weiss, contrôler une entreprise ! Il vient faire une visite, comme le fait un maître d'apprentissage pour un apprenti. Puisque cela ne vous dérange pas dans le cas d'un apprenti, je ne vois pas pourquoi cela vous dérangerait dans le cas d'une ARE. Je vous rappelle que l'Etat participe durant douze mois à raison de 50 % au salaire du chômeur ou de la chômeuse de longue durée. Douze mois à raison de 50 %, il me semble que c'est la moindre des choses de disposer d'un suivi de cette mesure ! Il n'est pas demandé grand-chose: deux visites dans l'entreprise sur une durée de douze mois - et je rappelle qu'il s'agit de visites, et non de contrôles. Cela me paraît être la moindre des choses, d'autant plus que - cela n'a pas encore été évoqué - sont introduites des possibilités de formation auxquelles nous tenons tous. Et nous partageons tous le même avis sur la question de la formation. Or il n'est pas question que l'Etat non seulement paie 50 % de salaire durant douze mois, mais encore finance de la formation sans savoir si elle est en adéquation avec le poste occupé dans l'entreprise !

Vous, qui nous reprochez de continuellement galvauder les finances de l'Etat, j'aimerais bien que vous argumentiez sur l'inutilité de ce suivi et que vous nous expliquiez en quoi cela alourdirait la mesure ARE au point qu'elle ne fonctionnerait pas ! Je vous rappelle, Monsieur Desplanches, que cette mesure ne fonctionne actuellement pas !

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Le Bureau propose de clore la liste des intervenants - il me semble que les députés ont largement pu s'exprimer. Sont inscrits MM. les députés Deneys et Catelain, Mmes les rapporteures Lavanchy et von Arx-Vernon, ainsi que M. le Monsieur le conseiller d'Etat Lamprecht.

M. Roger Deneys (S). Je tiens tout d'abord à remercier le président pour la sérénité avec laquelle il anime le débat actuel. Ce serait génial que cela puisse continuer ainsi tout le temps ! (Commentaires.)

Je souhaite ajouter une remarque sur cet amendement: cette notion de suivi, il faut également l'envisager du point de vue de l'entreprise. En l'état actuel, il me semble que tout le monde s'accorde à relever la trop grande distance existant entre le monde de l'entreprise et l'Office cantonal de l'emploi. Et il vrai que, prendre une personne en ARE, c'est aussi une responsabilité pour une entreprise en cas d'échec. Je souhaite pour ma part que l'on favorise l'échange entre ces deux instances si des mesures correctrices devaient être prises à un moment donné. Or le fait de se trouver en contact avec un interlocuteur qui vient vous rendre visite et auquel vous pouvez exposer vos problèmes, c'est également un atout pour le patron qui a engagé une personne en ARE. Il faut donc aussi envisager le suivi de ce point de vue, et pas uniquement du point de vue de la personne en ARE !

M. Gilbert Catelain (UDC). Je souhaite simplement une clarification de la part du rapporteur de minorité quant à la finalité des allocations de retour en emploi. Si je relis l'objectif du projet de loi, il s'agit de subventionner davantage ce type de mesures pour favoriser le retour en emploi, compte tenu de ce que ces allocations n'ont précisément pas fourni le succès escompté. Le projet de loi ne nous dit toutefois rien, dans le contexte actuel, de la faisabilité ou de l'intérêt de cette mesure, sachant qu'avec l'élargissement des accords bilatéraux un employeur pourra trouver l'employé idéal dans un marché de 360 millions d'habitants ! Et je ne vois pas en quoi cet employeur aurait intérêt à engager un chômeur - quand bien même il devrait le faire par solidarité.

Finalement, ne sommes-nous pas en train de nous chamailler pour pas grand-chose, sachant que, en dépit de l'incitation prévue dans la loi, cette disposition ne sera, dans les faits, pas forcément beaucoup plus appliquée qu'auparavant puisque le marché proposera à l'employeur le travailleur idéal au salaire minimal fixé par la convention collective sans s'enquiquiner à former durant une année un collaborateur ayant quitté le marché de l'emploi pendant pas mal de temps ?!

Le président. Merci, Monsieur le député. M. Charbonnier, rapporteur de minorité, va vous répondre.

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, je désire répondre à l'interpellation de M. Catelain. Si son collègue fantôme de commission avait été un peu plus présent parmi nous, il aurait pu vous expliquer que nous mettons effectivement en doute l'efficacité de l'ARE - même selon sa nouvelle formule - et pour deux raisons que j'ai évoquées hier soir lors du premier débat - à savoir un taux de chômage cantonal très élevé et une adéquation des employeurs à l'ouverture du marché européen. Lorsqu'un poste s'ouvrira, avant qu'un chômeur ou une chômeuse de longue durée ne soit engagé, il y aura évidemment bien d'autres personnes qui, aux yeux des patrons, malheureusement, seront de meilleurs candidats. C'est pour cette raison que nous mettons en doute l'efficacité de cette mesure. Mais c'est aussi pour cette raison que nous tentons par tous les moyens de la rendre plus attractive, de façon qu'elle devienne enfin efficace - même si nous continuerons à avoir des doutes. Et nous irons jusqu'au bout en proposant de ne pas supprimer le deuxième délai-cadre fédéral pour les emplois temporaires cantonaux !

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse de deuxième minorité. Je commencerai également par répondre à M. Catelain. Peut-être n'en avez-vous pas connaissance, mais il existe des institutions qui s'occupent de la réinsertion de personnes fortement marginalisées victimes de petits accidents de parcours - par exemple, de toxicomanie - dont elles se sont sorties, mais qui sont tout de même abîmées. On a notamment auditionné l'une de ces institutions: il s'agit de Réalise Rapid-Service. Cette entreprise va à la rencontre des PME; elle discute avec eux; elle leur explique quels types de personnes elle aide à la réinsertion; elle se porte en quelque sorte garante de ces personnes, puisqu'elle les connaît. Elle invite les entreprises à leur donner leur chance en leur assurant qu'elle sera à leur côté en cas de problème. Il s'agit pourtant de personnes extrêmement stigmatisées, parfois toxicomanes, qui retrouvent une chance chez des petits patrons qui se montrent à l'écoute - car il en existe tout de même un certain nombre.

Des voix. Ah !

Mme Nicole Lavanchy. Eh bien oui, il y a des patrons qui sont à l'écoute et qui acceptent de relever le challenge d'accueillir dans leur entreprise quelqu'un qui a connu un accident de parcours, certes relativement grave, mais qui s'en sort ! Cette pratique existe, une association comme Réalise Rapid-Service sait le faire, et vous trouvez des gens compétents dans d'autres associations !

On dit que les chômeurs sont stigmatisés dans notre canton. C'est vrai qu'ils le sont - et cela figure dans le rapport de M. Flückiger - certainement encore davantage que dans d'autres cantons. Pourquoi cette stigmatisation ? Peut-être faudrait-il précisément que, par le biais de personnes compétentes, l'Office cantonal de l'emploi aille à la rencontre des entreprises et leur dise: «On a un individu qui se trouve au chômage, depuis une année, voire une année et demie, mais on a suivi son parcours, on a effectué un bilan de compétences; il a la volonté de travailler, et on ne vous lâche pas en cas de problème». Et ce n'est pas la notion de contrôle que l'on voulait introduire !

Pour ma part, je tiens à cet amendement, car l'inscription dans la loi, du fait que l'OCE doive aller vers les entreprises, permettrait de donner à cet office une ligne politique. M. Weiss a déclaré - vous l'avez déclaré, Monsieur Weiss: «On ne va tout de même pas laisser des employés de l'Office cantonal de l'emploi se rendre dans les entreprises, car ils n'y connaissent rien». Mais c'est précisément cela, le problème ! Ils n'y connaissent pas grand-chose, et les entreprises ne connaissent pour leur part pas grand-chose au vécu des chômeurs ! Il s'agit donc de trouver une médiation entre ces deux mondes ! (L'oratrice est interpellée.)Je vous assure que non ! La preuve en est que, si l'on s'en donne les moyens, si l'on agit de manière plus volontaire, si le politique donne un signe clair - signe qui n'apparaît pas dans votre loi - les ARE risquent d'être plus utilisées qu'elles ne le sont maintenant ! Je ne peux évidemment pas vous donner une garantie à 100 % en raison de tous les facteurs évoqués au niveau du marché de l'emploi, mais je suis prête à parier qu'on parviendra à cet objectif avec de petites entreprises dotées d'un caractère social. Mais il faut absolument que ces deux mondes se rencontrent !

M. Weiss a déclaré... Non, M. Desplanches a déclaré que M. Nicolas Brunschwig n'avait pas tenu ces propos... (Protestations.)Si ! M. Desplanches a soutenu que M. Brunschwig n'avait jamais déclaré que les placeurs devaient aller dans les entreprises ! Mais je cite M. Brunschwig: «Aucune garantie ne peut être offerte sur le contrat ARE - ça, c'est vrai - mais il faut augmenter les efforts de concertation en améliorant le contact, largement insuffisant entre les entreprises et les placeurs de l'OCE». Il parle des placeurs, et non de la direction de l'OCE !

Excusez-moi, mais lorsqu'on se trouve face à des faits aussi objectifs, lorsqu'on entend des personnes de votre bord politique tenir de tels propos, comment pouvez-vous dire que vous voulez améliorer les ARE tout en refusant un tel amendement ?! Je ne vous comprends pas !

Que M. Kunz dise: «Les emplois temporaires, on n'en veut pas», c'est un autre débat. Mais, jusqu'à présent, vous avez tenu le discours suivant: «Il faut renforcer les ARE», et vous ne faites rien pour ! La preuve en est que vous n'acceptez pas un amendement qui constitue le b.a.ba pour mettre en contact deux mondes ne se connaissant pas et avec la visée politique suivante, de dire: «Nous - le politique - nous souhaiterions qu'il y ait ce lien» ! Et je ne comprends pas comment... Enfin, si, je comprends ! C'est que votre volonté n'est pas d'améliorer quoi que ce soit, mais de couper dans les prestations ! Voilà ce que m'inspire votre attitude - et c'est ce que j'ai écrit dans mon rapport !

A force d'entendre de telles incohérences, la seule chose que l'on peut conclure, c'est que vous voulez tout simplement couper dans les prestations pour économiser des sous ! La preuve, c'est que, lorsqu'on propose des mesures aussi élémentaires, vous ne les acceptez pas !

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. L'amendement de l'Alliance de gauche présenté par Mme Lavanchy est totalement pertinent. Elle a raison: ses souhaits en termes d'encadrement, de soutien et d'accompagnement sont totalement adéquats. Je ne soutiendrai toutefois pas cet amendement, car cette disposition existe déjà ! Elle existe déjà ! Et nous nous sommes tous accordés à dire que cela n'avait pas été suffisant ! Nous avons tous été d'accord sur le fait qu'il fallait renforcer cette disposition ! Cette information nous a été donnée deux fois en commission, puisque le président Lamprecht est venu nous préciser les mesures qui avaient été mises en place et que, au mois de septembre, M. Ankers est venu nous présenter des documents exposant des dispositifs incitatifs comprenant des rencontres entre entreprises et l'établissement d'un suivi. J'estime que nous devons aussi accorder une chance au département compétent en la matière et que la loi comporte suffisamment d'éléments permettant de renforcer les mesures actuelles. Selon moi, il n'est pas nécessaire de voter cet amendement, car les mesures actuelles font déjà l'objet de renforcements. Il est inutile d'ajouter des dispositifs alourdissant encore ces dispositions !

Le président. Merci, Madame la rapporteure de majorité. Madame Lavanchy, je ne peux pas vous donner la parole, car la liste est close ! L'article 79A de notre règlement précise que les rapporteurs ont le droit de prendre la parole une ultime fois, et vous l'avez déjà fait tout à l'heure. J'en suis navré ! La parole est à M. le conseiller d'Etat Carlo Lamprecht.

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Il serait illogique et totalement inacceptable qu'un employé placé en emploi temporaire perde contact avec son conseiller - notamment son conseiller en entreprise. Je puis vous assurer que ce contact est toujours maintenu. Je compte bien intensifier ces contacts comme nous l'avons fait en matière de recherche d'emploi... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)... par la création d'un groupe se rendant dans les entreprises et discutant avec les patrons de ces entreprises. C'est une exigence que je continuerai à avoir de la part des conseillers en personnel et des conseillers en entreprise.

Il est important de faire attention aux mots que l'on emploie - «contrôle», «suivi», etc. - pour ne pas faire peur à celles et ceux qui acceptent d'engager quelqu'un en emploi temporaire. Je vous laisse décider d'inscrire ou non ceci dans la loi, mais je peux vous garantir que mon département continuera à exiger de la part des conseillers en entreprise le maintien d'un contact avec les personnes placées en emploi temporaire et que ce contact sera encore accentué.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat, Nous allons voter sur l'amendement présenté par Mme la députée Lavanchy à l'article 35. Je vous rappelle que cet amendement consiste en l'ajout d'un nouvel alinéa 4: «Pour toute allocation de retour à l'emploi, l'Office cantonal de l'emploi nomme un responsable du suivi de la formation qui visitera l'allocataire et le responsable de l'entreprise ou l'un de ses collaborateurs délégués au minimum deux fois durant la période de douze mois : une première fois, après deux mois pour évaluer l'adéquation de la formation proposée par l'entreprise ainsi que pour évaluer l'insertion du chômeur dans l'entreprise ; une deuxième fois, deux mois avant la fin de cette période afin d'évaluer les compétences acquises. Le responsable du suivi de formation pourra en tout temps être sollicité par l'allocataire ou le responsable de l'entreprise en cas de difficultés rencontrées».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 48 non contre 39 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 35 est adopté.

Mis aux voix, l'article 36 est adopté, de même que les articles 37 à 38H.

Le président. Nous passons à l'article 39. Les choses se compliquent quelque peu, puisque nous sommes saisis de deux amendements. Je vous prie d'être attentifs, car la situation est diablement compliquée ! Nous sommes saisis d'un premier amendement déposé par MM. les députés Kunz et Jeannerat. On vous a par ailleurs remis un amendement du Conseil d'Etat. Vous avez constaté que le Conseil d'Etat avait retiré tout à l'heure son amendement portant sur l'article 30, alinéa 2. Par conséquent, l'amendement présenté par le Conseil d'Etat à l'article 39, alinéa 1, est retiré. Je parle sous votre contrôle, Monsieur le conseiller d'Etat, n'est-ce pas ?! Le titre «Principes» est également retiré. Je vous invite donc à prendre note du fait que l'amendement du Conseil d'Etat ne concerne désormais plus que les alinéas 2 et 3 de cet article 39, ainsi que l'article 43 - mais nous en parlerons tout à l'heure. Monsieur le député Jeannerat, vous avez la parole pour présenter votre amendement.

M. Jacques Jeannerat (R). Nous arrivons au coeur de ce projet de loi, puisque l'article 39 porte le titre: «Emploi temporaire». Je ne répéterai pas les arguments que mon collègue Kunz et moi-même avons développés hier. Je me contenterai de résumer la proposition du parti radical, qui consiste à supprimer purement et simplement les occupations temporaires et à les remplacer par les ARE de façon que ces dernières puissent développer pleinement leurs effets. Pour tenir compte des problèmes que les chômeurs de 55 ans et plus sont susceptibles de rencontrer pour retrouver un travail, nous suggérons toutefois de maintenir les occupations temporaires sur une période de douze mois. J'en reste là, car il me semble que les explications fournies sont relativement claires et que nous avons déjà suffisamment argumenté.

M. Christian Brunier (S). Je souhaite intervenir sur la proposition du gouvernement d'amender l'article 39, alinéa 3, pour remettre en cause la formation. Cette proposition est extrêmement grave, car on sait que ce dispositif est fort utile dans la lutte contre le chômage. Alors que vous êtes en train de couper des prestations, le gouvernement en remet une couche en supprimant certains dispositifs liés à la formation puisque, je lis: «Sont réservés les cas où un programme d'encadrement et de formation se révèle manifestement inutile». Vous considérez donc que, pour bien des cas, la formation ne sert à rien. C'est grave ! Je vous rappelle que l'on a débattu il y a quelques années des chèques formation, et la minorité de droite - c'était le rêve, puisque vous étiez minoritaires à l'époque...

Une voix. Cela reviendra !

M. Christian Brunier. Vous nous avez dit que les chèques formation n'étaient pas efficaces... (Brouhaha.)Or vous savez fort bien que le bilan est contraire à cette prédiction, puisqu'une évaluation de ces chèques formation a montré qu'ils constituaient une grande réussite ! Et ces chèques formation font désormais l'unanimité !

Je vous propose, bien sûr, de voter contre l'amendement du Conseil d'Etat, qui remet en question un certain nombre de dispositions liées à la formation !

Le président. Merci, Monsieur le député. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Voici les nombreux inscrits: Mmes et MM. les députés Jacques Baud, Christian Bavarel, Stéphanie Ruegsegger, Roger Deneys, Jocelyne Haller, Pierre Kunz, Pierre Weiss ainsi que les rapporteurs et le Conseil d'Etat. Je passe immédiatement la parole à M. le conseiller d'Etat Lamprecht qui souhaite développer son amendement.

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Il me semble qu'il y a un malentendu, Monsieur Brunier ! Dans cet article 39, nous reprenons précisément une proposition du Conseil d'Etat concernant la formation. Lors de la discussion sur la suppression des emplois temporaires, le débat a en effet été biaisé par des circonstances de vote un peu particulières - je vous rappelle que le vote au sein de cette commission a très souvent été partagé. Ce que nous vous proposons aujourd'hui, c'est la chose suivante: En premier lieu, supprimer l'alinéa 1. Nous suggérons en outre l'ajout d'un alinéa 2 dont la teneur est...

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Christian Brunier. C'est l'alinéa 3 que j'attaque !

M. Carlo Lamprecht. Attendez, on va y arriver ! On va y arriver ! La teneur de l'alinéa 2 est la suivante: «L'emploi temporaire de réinsertion est offert à titre individuel ou dans le cadre d'un programme collectif. Il vise prioritairement à renforcer les chances de réinsertion du chômeur au sein du marché du travail». Et l'alinéa 3 précise: «tout octroi d'un emploi temporaire de réinsertion est assorti d'un programme d'encadrement et de formation au sens des articles 38A à 38H. Sont réservés les cas où un programme d'encadrement et de formation se révèle manifestement inutile».

M. Christian Brunier. C'est cette dernière phrase qui est inacceptable !

M. Carlo Lamprecht. Comment ?

M. Christian Brunier. C'est cette dernière phrase qui est inacceptable !

M. Carlo Lamprecht. Pourquoi ?! (Commentaire de M. Christian Brunier.)

La présidente. Monsieur Brunier, merci de demander la parole si vous souhaitez vous exprimer ! Monsieur le Conseiller d'Etat, je vous remercie de vos explications. Je donne la parole à M. Jacques Baud. (Brouhaha. Remarques.)

M. Jacques Baud (UDC). Cela gêne-t-il quelqu'un que je m'exprime ?! Vous n'avez jamais été au chômage, vous ! Moi, si ! Ce chômage dont j'entends débattre depuis trois heures - si ce n'est plus - on en fait une loi. Mais aucune loi sur le chômage ne peut être parfaite, puisqu'elle ne peut tenir compte de la réalité de la situation économique - qui ne lui appartient pas et qui, donc, lui échappe.

Parlons de l'économie actuelle: on s'en va droit sur l'économie mondiale. Qu'on n'aime pas ça, qu'on haïsse cela, c'est une réalité ! C'est une terrible réalité ! Et ce n'est pas une loi sur le chômage qui changera quoi que ce soit ! Il y a un déphasage complet entre notre société actuelle telle qu'elle est vécue et l'économie qui s'en vient. L'économie de papa, où l'on entrait à 20 ans dans une entreprise et d'où l'on en sortait au moment d'arriver dans notre bonne vieillesse, c'est terminé ! Nos entreprises actuelles, surtout du fait d'énormes coûts de production, n'ont pas le choix: elles sont vouées à rechercher l'excellence ! Et les employés sont les moteurs de cette excellence. Mais enseignons-nous à nos jeunes que leur diplôme n'est qu'un premier palier, qu'un pied posé sur le premier échelon de l'échelle, mais qu'il leur faudra ensuite se battre toute leur vie pour trouver un emploi et le garder ? Et que deviennent nos chômeurs là-dedans ? Eh bien, ils sont largués ! Parce que, la plupart du temps - malheureusement, mon Dieu, c'est bien triste, mais c'est ainsi - ils n'ont pas les capacités ! On ne leur a pas enseigné ce qu'il fallait faire, ce qu'il fallait être pour tenir le coup dans notre... (Brouhaha.)Je peux parler tout de même ?! Ce serait gentil... On ne leur a pas enseigné ce qu'ils devaient savoir pour pouvoir tenir le coup dans la nouvelle société qui est malheureusement la nôtre ! On ne peut pas empêcher cette nouvelle société ! Elle est là, il faut en tenir compte ! Et notre société comptera de plus en plus de chômeurs, de plus en plus de personnes larguées, qui ne disposeront pas des connaissances nécessaires pour atteindre l'excellence ! Ces personnes, j'aimerais bien savoir ce que l'on va en faire ! Parce qu'il va falloir trouver des solutions ! Or, les propositions de la gauche en la matière vont à l'encontre des réalités de l'économie, puisqu'elles tendent à mettre les entreprises en difficulté et, partant, à créer des chômeurs ! Je ne sais pas où vous allez ! Il serait temps de vous réveiller !

Les chômeurs de plus de 50 ans ne trouvent plus de travail, c'est vrai. On leur tend une bouée de sauvetage sans laquelle ils ne pourraient pas survivre. C'est mieux que rien. Ce n'est pas parfait, car il leur reste dix ans à tirer jusqu'à l'AVS - et dix ans, c'est long. C'est néanmoins un petit pas - certes pas parfait, mais aucune loi sur le chômage ne peut l'être.

Nous voterons l'amendement de M. Kunz parce que, ma foi, on n'a pas le choix ! Il faut faire un petit pas en avant. Mais j'attends de l'enseignement que l'on apprenne à nos jeunes ce qu'est la véritable vie du travail, parce qu'on l'oublie ! Voilà ce qui importe !

Une voix. Cela n'a rien à voir avec le projet de loi !

M. Jacques Baud. Tais-toi ! Tais-toi ! Tu n'as rien à dire ! C'est moi qui cause ! (Rires. Le président agite la cloche.)Et je sais ce que je dis ! Parce que, moi, je le vis ! Et je l'ai vécu ! C'est tout ! (Remarque de M. Jean Spielmann.)Je ne suis pas à Moscou, moi ! Je suis à Genève ! Chez moi ! ( Nouvelle remarque de M. Jean Spielmann.)

La présidente. Monsieur Spielmann, s'il vous plaît...

M. Jacques Baud. J'aimerais aussi que les entreprises se rappellent une chose importante: c'est que les «vieux», comme on dit, à 50 ans, ce sont les racines de l'entreprise qui peuvent enseigner aux jeunes ! Et en se coupant de ces racines, on met en danger l'entreprise ! Alors, gardez vos personnes âgées le plus longtemps possible afin qu'elles enseignent leur travail aux jeunes, et pour le bienfait des entreprises !

M. Christian Bavarel (Ve). Nous traitons enfin de l'amendement... (Brouhaha.)

La présidente. Veuillez écouter M. le député, s'il vous plaît !

M. Christian Bavarel. Merci, Madame la présidente. Nous traitons donc enfin des amendements du parti radical et du Conseil d'Etat.

Si j'ai bien compris, l'amendement du parti radical vise tout simplement à supprimer les occupations temporaires - sauf pour les personnes de plus de 50 ans, mais le principe est bien celui-là. Les auteurs de cet amendement prétendent que les ARE pourraient remplacer les occupations temporaires. Mais il convient en premier lieu de savoir ce qu'est une ARE - une allocation de retour en emploi. Une ARE constitue simplement d'une «discrimination positive» à l'égard des chômeurs de longue durée. Il s'agit de faire savoir à une entreprise que, si elle emploie une personne au chômage de longue durée, l'Etat paiera une grande partie du salaire de cette personne durant la période d'essai. Au final, l'Etat verse à peu près 50 % du salaire sur une durée d'environ un an.

Croire que cette mesure créera des emplois, c'est une illusion ! La cause principale du chômage, c'est le manque de travail ! Lorsque vous envoyez une personne en ARE, il faut qu'une entreprise soit en mesure de fournir cette ARE ! On ne remplacera donc certainement pas les occupations temporaires par les ARE !

Votre proposition montre, en revanche, bien la direction que vous voulez prendre: il s'agit d'une attaque en règle contre les droits des chômeurs de longue durée - c'est ce que l'on répète depuis un moment. Cette proposition démontre bien que vous ne cherchez qu'à détruire une loi cantonale qui prévoyait des dispositions pour les chômeurs de longue durée !

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Le groupe démocrate-chrétien rejettera l'amendement radical. Nous avons en effet trouvé une majorité - qui n'est certes pas forcément très confortable, puisque nous nous trouvons bloc contre bloc sur ce projet de loi - pour voter une loi équilibrée. Or cet amendement est, à notre sens, de nature à déséquilibrer la loi. Par conséquent, nous le rejetterons. Nous pensons qu'il risque de ne pas y avoir suffisamment d'ARE à offrir aux chômeurs et qu'il serait bon, le cas échéant, de maintenir les emplois temporaires cantonaux - même si nous sommes d'avis que ces derniers ne constituent pas la voie royale pour la réinsertion et que nous privilégions, comme le prévoit la loi, la voie des allocations de retour en emploi.

Je rappelle à nos cousins radicaux qu'une évaluation doit être faite de cette loi deux ans après son entrée en vigueur. Si, au terme de ces deux ans, on se rend compte que les allocations de retour en emploi ont tenu toutes leurs promesses et si je siège encore dans ce parlement, je m'engage à soutenir un amendement qui irait dans le sens proposé ce soir par le groupe radical.

La présidente. Merci, Madame Ruegsegger. La parole est à M. le député Deneys.

M. Roger Deneys (S). «M. Roger Deneys». Vous pouvez m'appeler «Rodger», si vous voulez ! (Rires.)

Cet amendement radical est d'un cynisme total. Je me baserai sur un rapport de l'OCDE datant du mois de juillet de cette année, dont je ne vous citerai qu'un seul paragraphe: «De même, réduire le montant ou la durée de versement des prestations sociales peut faire qu'il sera plus intéressant de travailler du point de vue financier, et le durcissement des conditions d'accès aux prestations peut aider à éviter que les personnes aptes à travailler ne se retirent du marché du travail. Mais les gouvernements doivent aussi faire en sorte, s'ils optent pour ces mesures, que les personnes difficiles à placer ne perdent pas tout droit aux prestations, au risque de basculer dans la pauvreté». C'est exactement ce qui risque de se produire si nous adaptons cette mesure visant à supprimer les emplois temporaires cantonaux !

Dans la situation actuelle, nous nous trouvons face à des personnes aptes au marché de l'emploi ayant connu une période de deux ans de chômage. Or, quel est l'objectif avoué du projet de loi initial - soit le PL 8938, qui, outre MM. Weiss, Gros et Barrillier, compte parmi ses signataires MM. Kunz et Jeannerat ? Que puis-je y lire en page 4 de l'exposé des motifs ? Je lis que «il n'est nullement question ici de faire du passé législatif table rase, en clair: de supprimer les ETC». Dans l'exposé des motifs du projet de loi 8938 signé par MM. Kunz et Jeannerat, il est affirmé qu'il n'est pas question de démanteler les emplois temporaires cantonaux ! Alors, je trouve scandaleux de prendre pour point de départ un projet de loi proposé par l'Entente - à l'exception de l'UDC - reconnaissant précisément le rôle de filet social joué par les emplois temporaires cantonaux, lesquels permettent de réinsérer les chômeurs de longue durée sur le marché du travail !

Excepté pour M. Kunz - qui n'entend et ne comprend rien - les auditions ont confirmé le fait que l'insertion dans une entreprise et dans des rapports professionnels constituait une bouffée d'oxygène pour les chômeurs de longue durée. Il est aberrant de démanteler les ETC du jour au lendemain, alors que les allocations de retour en emploi sont inexistantes ! Si au moins ces allocations de retour en emploi existaient, s'il y avait actuellement 1 000 ARE et 400 emplois temporaires, on pourrait se dire: «Eh bien oui, le but de cette mesure, c'est que toutes ces personnes soient engagées dans des entreprises». Mais telle n'est pas la réalité ! Alors, revenez avec cette proposition dans dix ans, si votre projet de loi a fonctionné ! Mais, dans l'état actuel, une telle proposition ne fera qu'engendrer de la pauvreté, mettre des gens au RMCAS et accroître la misère d'une population qui se trouve déjà dans une situation difficile ! C'est franchement lamentable !

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Mme Jocelyne Haller (AdG). Supprimer totalement les emplois temporaires hormis pour les chômeurs de plus de 55 ans équivaut à confisquer un droit; c'est un scandale. Maintenir cet amendement après tous nos débats et après vingt-deux séances de commission est une forfaiture.

Les emplois temporaires cantonaux constituent un filet de sécurité, une assurance offrant une issue au cas où tous les efforts menés pour retrouver un emploi n'aboutiraient pas. Hier, un membre de mon groupe faisait remarquer en aparté: «Ce n'est pas parce que je suis assuré pour la maladie que je vais souhaiter tomber malade». Il en va de même pour les emplois temporaires: ce n'est pas parce que l'on dispose de cette possibilité que l'on ira obligatoirement jusqu'à l'emploi temporaire ! Oter la sécurité offerte par les emplois temporaires, c'est obliger les chômeurs à travailler et à chômer sans filet. C'est un scandale ! Mais c'est surtout mettre en péril la cohésion sociale et aller au-devant de tensions sociales dont vous devrez assumer la responsabilité !

Nous ne nous prêterons pas à un acte aussi irresponsable. Nous vous invitons donc à refuser l'amendement de MM. Kunz et Jeannerat !

M. Pierre Kunz (R). Les radicaux regrettent, bien sûr, que ce Grand Conseil s'entête dans le maintien des emplois temporaires. Je commencerai par répondre à M. Deneys, qui s'étonne que les radicaux proposent de supprimer des emplois temporaires alors que, lors de la signature du projet de loi, ils étaient d'avis qu'il fallait les maintenir. Eh bien, la raison en est simple: toutes les auditions menées en commission de l'économie ont confirmé ce qui, désormais plus qu'une thèse, est une évidence: les experts d'abord - tant les enquêteurs de la CEPP que le professeur Flückiger - qui ont montré dans les chiffres que les emplois temporaires n'étaient pas réintégrateurs, n'étaient pas reformateurs; les représentants de l'Hospice général ensuite, qui ont reconnu que les emplois temporaires n'atteignaient pas leur but de réinsertion professionnelle et sociale; le chef d'un service de l'Etat qui, auditionné par la commission, a indirectement admis que les emplois temporaires, fournissant à l'Etat une main-d'oeuvre bon marché et souvent peu qualifiée, constituaient une barrière considérable à la réforme pourtant urgente de l'administration publique. Les défenseurs des chômeurs eux-mêmes - je pense, par exemple, aux représentants de Trialogue - ont souligné les effets dévastateurs des emplois temporaires cantonaux. Ces derniers interviennent trop tard, puisqu'ils ne sont organisés que deux ans après le début de la période du chômage.

J'ajoute - et je persiste, n'en déplaise à Mme Lavanchy qui a tenu des propos quelque peu venimeux à mon encontre à la page 170 de son rapport: les emplois temporaires ont largement contribué à tuer les allocations de retour en emploi !

Malgré ces témoignages, malgré ces évidences, ce Grand Conseil maintiendra probablement les emplois temporaires, puisque le PDC a donné son accord. Je pourrais vous parler d'une étude du Fonds national suisse de la recherche consultable sur Internet - il s'agit de l'étude No 45 du FNSR - qui a mis en évidence les méfaits des emplois temporaires. Cette étude fait état de moins bons résultats à Genève, où les emplois temporaires sont obligatoires, que dans les villes de Zurich ou de Bâle en matière de réinsertion des emplois temporaires genevois. Un seul chiffre: retrouver un emploi après un emploi temporaire à Genève, 52% des personnes y arrivent; à Zurich et à Bâle, c'est 60 % ! (Rires sur les bancs de la gauche.)Mais oui, vous pouvez rigoler, Monsieur Charbonnier ! C'est votre habitude lorsque vous ne savez pas quoi répondre et que vous voulez vous payer la tête de personnes tenant des propos sérieux et scientifiques ! Mais je vous engage à rechercher cette étude sur Internet - et si vous ne savez pas utiliser Internet, je tiens cette étude à votre disposition puisque qu'elle existe également en version papier...

M. Alain Charbonnier. Merci...

M. Pierre Kunz. Je suis heureux de vous rendre service...

Un mot encore à l'attention de ceux qui veulent maintenir ces emplois temporaires au rabais. Parce qu'ils sont inscrits dans la loi - et c'est là que sont les germes les plus graves des désillusions qui nous attendent - les emplois temporaires tuent l'allocation de retour en emploi. Tous les chômeurs en fin de droit seront en effet très fortement tentés de prendre cet emploi temporaire, car six mois de salaire supplémentaire, c'est évidemment séduisant. Ils n'auront ainsi plus droit à l'autre mesure - pourtant autrement plus digne, autrement plus réintégratrice, autrement plus mobilisatrice que ces emplois temporaires qui ne sont rien d'autre, je le répète, que de l'assistance sociale déguisée permettant à certains ici de se donner bonne conscience aux frais de la République !

M. Pierre Weiss (L). J'ai tendance à croire que les propos tenus à l'instant par notre collègue Kunz constituent la préfiguration de ce que nous montrera l'évaluation de cette loi dans deux ans. Mme Ruegsegger a rappelé que cette loi prévoyait, en son article 54, une évaluation deux ans après son adoption. A ce moment, si elles sont nécessaires - et il est fort possible que cela soit le cas - des adaptations seront portées. Pour l'heure, nous devons convenir d'une chose: cette loi représente en elle-même une adaptation. Pour certains, cette adaptation est trop forte. Je vous rappellerai simplement d'où nous venons: lorsque la loi actuelle a été adoptée, il était imaginé qu'un à deux tiers des chômeurs de longue durée trouveraient une allocation de retour en emploi; on a vu que ce n'était pas le cas. Si la loi que nous adoptons aujourd'hui permettait au moins à un tiers des chômeurs de bénéficier d'une ARE, nous pourrions déjà tirer un bilan intéressant. Mais, à ce stade, il est certain que nous devons adopter une politique raisonnable - une politique des petits pas. C'est dans ce sens que le parti libéral s'est engagé en commission.

C'est pourquoi il s'abstiendra sur la proposition d'amendement du parti radical - comme il s'abstiendra sur la proposition du parti radical de réduire à zéro mois la durée des emplois temporaires.

M. Rémy Pagani (AdG). Les deux dernières interventions montrent bien la direction que nous sommes en train de prendre: nous nous dirigeons clairement vers une mise au pas des chômeurs, puisque l'on fait en sorte qu'au bout de deux ans ils soient obligés de prendre n'importe quel emploi sous peine de finir soit à l'assistance publique, soit dans la pauvreté. Compte tenu du marché hyperconcurrentiel dans lequel nous nous trouverons - dans lequel nous nous trouvons déjà depuis le 1er juin - je vous laisse imaginer l'avenir que nous promettent les deux partis qui viennent de prendre position en annonçant clairement qu'ils ne voulaient plus des occupations temporaires... D'autant plus que - je vous l'annonce déjà, Monsieur Kunz - je crois savoir que le Conseil d'Etat a proposé, dans le cadre de son budget, un amendement proposant de procéder à des évaluations non plus tous les deux ans, mais tous les quatre ans. Mais il s'agit là d'un détail. (Brouhaha.)

Cela étant, je dois relever une inégalité de traitement entre les différentes catégories de chômeurs. Tout à l'heure, le Conseil d'Etat a retiré un amendement portant sur les employeurs de petites et moyennes entreprises. Selon cet amendement, si les employeurs de petites et moyennes entreprises en étaient venus à faire faillite, ils auraient bénéficié d'une allocation de retour en emploi durant une année - ce qui leur aurait donné le droit de toucher le chômage pendant deux ans. Vos milieux ont donc obtenu ce soir pour tous - non pour les personnes âgées de 55 ans et plus uniquement, mais pour tous - trois ans d'aide de l'Etat. J'en suis fort content pour eux, puisque j'ai plaidé en faveur de cette mesure et que j'aurais trouvé scandaleux de les laisser dans la précarité. Ces personnes bénéficient donc d'une aide de l'Etat durant trois ans.

Or la proposition que vous venez de nous soumettre, Monsieur Kunz, conduirait tout simplement à mettre la majorité des chômeurs à un régime d'aide de deux ans - ou, si nous adoptons le projet tel que sorti de commission, à un régime de deux ans et six mois. Il existe donc une inégalité de traitement objective entre les chômeurs que vous avez défendus tout à l'heure - soit des personnes appartenant à vos milieux, issues d'entreprises ayant malheureusement fait faillite - et les chômeurs qui se trouvent aujourd'hui disqualifiés en tant que salariés. Vous prenez une fois de plus des sanctions à l'encontre de ces derniers, et l'on voit bien où vous voulez en venir !

Nous nous opposons donc à la proposition de M. Kunz, parce que nous savons bien que le parti libéral veut aussi supprimer ces occupations temporaires, et nous répétons que nous ne nous sommes pas contentés de formuler des propositions visant simplement à résister au démantèlement social, c'est important de le souligner. Dès le début des travaux de commission, nous avons annoncé, Messieurs Weiss et Kunz - vous ne pourrez pas nous le reprocher - que nous étions prêts à rediscuter des conditions d'octroi des occupations temporaires. Nous estimons que les six mois que vous proposez constituent un acquis, et nous avons proposé l'ajout de six mois supplémentaires sous condition de formation. Ces six mois supplémentaires constituent, à notre sens, un compromis acceptable. Ce compromis nous semble l'être d'autant plus que vous avez accepté, pour les personnes issues de vos milieux, les trois ans leur permettant de subsister, alors que vous refusez à la majorité de notre population le droit de bénéficier de cette année d'emploi temporaire lui donnant un nouveau droit au chômage.

Je trouve ce procédé lamentable ! J'en prends acte une nouvelle fois - et nous nous retrouvons bien évidemment en campagne pour que le corps électoral tranche sur cette question !

M. Antonio Hodgers (Ve), rapporteur de troisième minorité. M. Kunz a déclaré - et cet avis me semble être partagé par la majorité - que les emplois temporaires étaient plus attractifs que les ARE et qu'il fallait par conséquent supprimer les premiers pour valoriser les secondes. Excusez-moi, Monsieur Kunz, mais je ne vois pas en quoi un emploi temporaire est plus attractif qu'un emploi tout court ! Parce qu'une ARE, ce n'est qu'une subvention de l'Etat à une entreprise pour engager un chômeur de longue durée plutôt qu'un travailleur ou un chômeur de courte durée. La personne au chômage qui bénéficie d'une ARE profitera d'un salaire lié à ses compétences; elle pourra exercer un métier qui est le sien - puisque l'entreprise engagera forcément une personne qu'elle trouve compétente, et non une personne non préparée au poste proposé. Or vous êtes en train de nous dire qu'un chômeur auquel on propose un emploi - qu'un employeur est prêt à engager - qui pourra exercer son métier et toucher un salaire correspondant à ses capacités fera le raisonnement suivant: «Non, non, je préfère aller dans l'administration publique et faire des photocopies pour un salaire maximum de 4500 francs par mois» ?! C'est ridicule ! (Commentaires.)C'est absolument ridicule ! Le salaire touché par un chômeur en ARE est de 100%, Monsieur Weiss ! Le salaire est plein, et... (Protestations. Le président agite la cloche.)

Je suis désolé: l'entreprise paie 20%, 40% ou 60% du salaire, mais la personne engagée en ARE reçoit les 100% de son salaire ! Elle n'est donc nullement incitée à prendre un emploi temporaire à la place d'une ARE ! Le postulat que vous défendez est faux, et c'est ce postulat qui vous amène à conclure à la suppression des emplois temporaires - suppression qui constitue une aberration dans le cadre du système actuel et de la crise de l'emploi que connaît Genève.

Il faut se poser les bonnes questions: pourquoi les ARE ne fonctionnent-elles pas ? Tout simplement parce que, pour une entreprise, engager une personne en ARE, ce n'est pas simplement engager quelqu'un à titre provisoire, mais c'est engager un véritable collaborateur. Cette entreprise bénéficiera d'une subvention de l'Etat pour l'engagement d'un chômeur de longue durée plutôt que d'un autre travailleur en tant que nouveau collaborateur, mais ce collaborateur restera dans l'entreprise et cette dernière devra assumer le 100% de son salaire après une année. Par conséquent, une ARE n'est intéressante pour une entreprise que si cette dernière se trouve dans un processus de création d'emplois. Les ARE ne peuvent donc fonctionner que si notre société est en croissance. Or, nous savons bien - et M. Meylan opine du chef - que telle n'est pas la situation actuelle. Ce n'est pas la situation actuelle ! Le canton de Genève ne se trouve actuellement pas dans une période de forte création d'emplois. Par conséquent, bien que la subvention de l'Etat passe de 40 à 50%, les ARE n'en seront pas beaucoup plus intéressantes pour les entreprises. Nous effectuerons ce bilan dans deux ans, Monsieur Weiss, et ce que ce bilan montrera, c'est qu'il y aura peut-être un nombre légèrement plus important d'ARE - chose qui dépendra surtout de la promotion qu'en fera le département - mais qu'il y aura surtout beaucoup plus de personnes au RMCAS !

Présidence de Mme Janine Hagmann, deuxième vice-présidente

La présidente. Merci, Monsieur Hodgers. Je donne la parole à M. Alain Charbonnier, rapporteur de deuxième minorité.

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame... la secrétaire du Bureau, je crois ? (Manifestation dans la salle.)Pardon: Madame la vice-présidente !

M. Jeannerat a commencé son intervention en déclarant: «Nous arrivons au coeur du projet: on remplace les emplois temporaires cantonaux par les allocations de retour en emploi». Je m'étonne quelque peu de cette remarque, et j'espère que la majorité ne suivra pas les radicaux et l'UDC - puisque M. Catelain a déclaré tout à l'heure qu'il soutiendrait les radicaux. Parce que si c'est ici que l'on arrive au coeur du projet, les radicaux sont à nouveau légèrement en retard... La mesure qui doit être favorisée, tout le monde est d'accord sur ce point, ce sont les allocations de retour en emploi, et non la suppression des emplois temporaires cantonaux ou des emplois temporaires de réinsertion.

Quant à M. Kunz, je ne sais pas si on n'a pas les mêmes oreilles, si on ne lit pas les mêmes procès-verbaux, si on ne vit pas sur la même planète... Pour notre part, nous ne nous livrons pas à des affabulations, mais nous nous contentons de lire les procès-verbaux... Or que peut-on lire concernant les emplois temporaires cantonaux ? On peut y lire qu'ils ne sont pas satisfaisants actuellement, mais pour une raison bien précise - et toutes les associations rencontrées, toutes les personnes suivant de près ou de loin les emplois temporaires cantonaux s'accordent sur ce point: c'est parce qu'ils n'ont pas d'effet formatif. Il manque une dimension formative à cette mesure. Bien que l'Office cantonal de l'emploi puisse dispenser des mesures de formation depuis l'an 2000 au moins, la CEPP signale dans son étude qu'aucune formation n'a été offerte aux chômeurs en 2002.

M. Kunz se livre ensuite à une lecture de l'audition des représentants de Trialogue en soutenant que cette association s'oppose aux ETC. Mais pas du tout ! Les représentants de cette association ont effectivement formulé des reproches aux ETC, mais ils n'ont nullement dit que ces derniers étaient inutiles ! Reprenez votre lecture ou, si vous n'y parvenez pas, faites-vous lire le procès-verbal !

Quant à votre étude sur Internet, c'est fantastique... Je suis content que vous nous appreniez ce soir qu'il y a 8% d'écart... (L'orateur est interpellé.)...entre les personnes en ETC qui, sans formation, retrouvent un emploi à Genève et celles qui en retrouvent un à Zurich... C'est fantastique pour Genève; c'est un vrai miracle... M. Lamprecht peut être content et fier de ce résultat. Merci de nous fournir ce renseignement !

M. Weiss a, pour sa part, évoqué l'évaluation de cette loi d'ici deux ans. Lui fait le pari qu'un tiers des personnes concernées seront en emploi temporaire d'ici deux ans. Mais il faudrait encore savoir de quel tiers on parle ! S'il est question des 1900 personnes actuellement au bénéfice de mesures cantonales, j'ouvre le pari: d'accord pour un tiers. Mais, mon pauvre Monsieur Weiss, vous allez rapidement déchanter, et nous avec - et ce ne sera évidemment pas avec le sourire que nous déchanterons ! Il est complètement illusoire de penser que plus de 600 entreprises vont s'engager sur la route des ARE d'ici à l'année prochaine, voire dans deux ans ! Comme cela a déjà été dit, un tel raisonnement est complètement illusoire, et pour moult raisons ! La raison principale, qui a été évoquée tout à l'heure par M. Hodgers et qui figure dans le rapport de la CEPP, est la suivante: les ARE peuvent éventuellement fonctionner, mais en haute conjoncture ! Tout à l'heure, M. Deneys a fait référence à l'audition en commission de l'économie de M. Sfreddo, économiste. On sait ce que sont les prévisions des économistes et l'on déchante toujours un peu, mais M. Sfreddo ne nous a en tout cas pas fait miroiter une reprise économique telle que l'on se trouverait en haute conjoncture l'année prochaine ou dans deux ans ! Prenez donc le pari de parvenir à un tiers, soit à 600 à 650 places d'ARE sur le canton de Genève, et nous en reparlerons d'ici deux ans...

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse de première minorité. Je voudrais parler à M. Kunz. Je ne sais pas si je peux... (Protestations.)

Le président. Adressez-vous à l'assemblée ou à moi, Madame la rapporteure !

Mme Nicole Lavanchy. Bien, je m'adresserai à vous, Monsieur le président... (Commentaires.)Non, non, je m'adresse au président !

Il y a un terme de plus en plus employé chez les jeunes que j'aime bien: c'est le terme de «mythique». Dès qu'il y a quelque chose d'un peu extraordinaire, hors du commun, c'est «mythique». Pour ma part, je qualifierais M. Kunz de «mythique», car il se trouve sur une autre planète ! (Applaudissements.)Il est sur une autre planète ! Sur quelle planète vit-il, je ne sais pas... C'est en tout cas une planète qui lui convient bien, car tous les rapports que l'on a lus, toutes les auditions auxquelles on a procédé sont en contradiction avec ce qu'il vient d'énoncer ! C'est assez extraordinaire - et nous sommes tout de même plusieurs à avoir lu les mêmes rapports, à avoir entendu les mêmes personnes ! Mais le seul qui se trouve sur une autre planète, c'est M. Kunz ! Il est mythique - et tant mieux !

Pour être un peu plus sérieuse, Monsieur Kunz, vous n'arrêtez pas de dire que les emplois temporaires sont les fossoyeurs des ARE. Mais, comme je l'ai déjà relevé, aucun rapport, aucune personne auditionnée n'a montré l'existence d'une relation de cause à effet entre les ARE et les emplois temporaires ! C'est vous qui, dans votre tête, imaginez cette relation causale ! Ce lien n'existe ni dans les faits, ni dans les textes, ni d'après les personnes auditionnées qui ont mené des enquêtes sur le terrain ! Il n'existe pas de rapport de cause à effet entre les ARE et les ETC. Ce n'est pas parce que l'on supprimera les emplois temporaires que les ARE fonctionneront mieux ! Il a bien été expliqué pourquoi les ARE ne fonctionnaient pas: il faut prendre certaines mesures - mais vous ne voulez pas les prendre, puisque vous avez refusé de voter l'amendement qui vous a été proposé.

Par ailleurs, il est complètement faux de dire que les emplois temporaires ne servent à rien ! Mais enfin ! D'une part, 37% des personnes au bénéfice d'une mesure d'emploi temporaire ont été réinsérées - ce qui n'est pas négligeable. D'autre part, comme je l'ai déjà expliqué - et j'insiste sur ce point - une personne en emploi temporaire, c'est une personne qui est en emploi ! Ce n'est pas une personne au chômage: elle est en emploi ! Lorsqu'elle cherche du travail, lorsqu'elle écrit un CV, lorsqu'elle rencontre un employeur, elle peut dire: «Je suis en emploi». C'est très important ! Le pire lorsqu'on se retrouve au chômage, c'est la perte de l'estime de soi: on s'imagine que l'on ne vaut plus rien, que les gens ne nous regardent plus parce que l'on ne travaille plus. Si vous demandez à une personne que vous ne connaissez pas et qui se trouve au chômage: «Que faites-vous dans la vie ?», cette personne entendra: «Où travaillez-vous ?» et elle ne vous avouera pas qu'elle se trouve au chômage, mais elle brodera. Les personnes au chômage perdent l'estime d'elles-mêmes - et encore plus lorsqu'elle sont engagées dans un processus de longue durée. Lorsqu'elles sont placées en emploi temporaire, un lien social se recrée, elles retrouvent une certaine estime de soi, elles gagnent en assurance et elles se renforcent. Cela a été constaté et dit. Savez-vous ce que les représentants de Trialogue - qui ont tenu des propos dits critiquables sur les mesures d'emplois temporaires - ont déclaré ? Ils ont déclaré que ce n'était pas l'emploi temporaire qui était mauvais, mais le fait qu'il s'arrête. C'est que les gens ont envie d'avoir un emploi ! Ce n'est malheureusement plus possible à l'Etat, mais ça l'a été un temps: un certain nombre de personnes ont été engagées à l'Etat suite à un emploi temporaire, car elles étaient efficaces et qu'il y avait encore des places de travail à l'Etat. Je connais plusieurs personnes qui ont bénéficié de cette mesure, qui sont employés à l'Etat et qui travaillent extrêmement bien.

Une voix. C'est rare !

Mme Nicole Lavanchy. Oui, mais n'empêche que c'est vrai ! Il existe actuellement des emplois temporaires, et vous savez pourquoi ? Il faut vous souvenir des propos tenus de M. Mahler, secrétaire général du Palais de justice, qui est venu nous dire: «Il ne faudrait pas minimiser les aspects positifs pour les chômeurs de longue durée, liés à la reprise d'un rythme de vie et de travail, et ce même pour ceux d'entre eux qui ne pourraient pas bénéficier d'une réinsertion professionnelle durable». M. Mahler a ensuite déclaré: «Les activités les plus simples peuvent prendre une tournure complexe.» Il cite, par exemple, le cas de la copie d'un dossier comme celui de la Banque cantonale genevoise, «qui nécessite méthode et réflexion de la part de personnes qualifiées». M. Mahler a également fait savoir que son service ne pourrait pas fonctionner sans les emplois temporaires.

Le problème est là: vous avez tellement asséché les postes de l'Etat que les gens y travaillent à minima, voire en dessous des effectifs, et qu'ils ont besoin de main-d'oeuvre telle que les emplois temporaires. Repensez-y ! Si les postes de l'Etat pouvaient être des postes fixes parce qu'on en a besoin, parce qu'on ne peut pas faire sans, il serait plus intelligent, en termes de réinsertion, d'engager les personnes lancées dans ce type de parcours. Je trouve particulièrement injurieux de laisser entendre que les emplois temporaires proposés au sein de l'administration publique ou d'établissements de droit public ne sont pas de véritables emplois. Ce sont des tâches qui doivent être menées ! On trouve maintenant sur le marché de l'emploi des personnes venant de secteurs hautement qualifiés. Comme M. Lamprecht l'a relevé, c'est pour cette raison que le coût des emplois temporaires a augmenté: ces personnes sont issues des milieux bancaires ou informatiques - milieux qui ont connu un coup dur il y a deux ans en termes de licenciements. Vous n'allez tout de même pas me dire que ces gens ne pourraient pas apporter une plus-value au sein de l'Etat  ! C'est honteux de tenir un tel discours ! Il est important de comprendre que ces emplois temporaires ne sont pas une quelconque occupation, mais qu'ils remplissent une fonction. Et nous tenons à les défendre, car ils permettent aux gens de retrouver une certaine estime d'eux-mêmes et de se requalifier - cela en dépit de tous vos propos. Ce qui se passe, c'est que, comme Trialogue l'a dit, ces personnes ne retrouvent pas d'emploi. Pourquoi ? Parce que le marché de l'emploi est asséché - on m'a dit l'autre jour que 120 dossiers étaient envoyés pour un poste. Mais qu'est-ce que vous voulez faire ?! C'est là que réside le problème !

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Supprimer tous les emplois temporaires de réinsertion, comme proposé par l'amendement radical, est inacceptable et irréaliste ! Cet amendement nie tous les témoignages que nous avons reçus en commission ! Si nous l'acceptions, cela signifierait que toutes les personnes issues du monde économique, du monde académique ou des milieux concernés par le chômage et ayant apporté des éléments essentiels à la réflexion de la commission n'auraient pas été entendues ! Toutes ces personnes ont souligné que les emplois temporaires que nous appelons «de réinsertion» étaient absolument indispensables. Et, même si 37% seulement des bénéficiaires de ces emplois temporaires ont retrouvé un travail, on peut déjà s'en réjouir ! Je ne vois pas pourquoi on fait la fine bouche ! Il est indispensable de disposer d'emplois temporaires et d'allocations de retour en emploi en complémentarité. Comme cela a déjà été dit par mes éminents collègues rapporteurs de minorité, toutes les réticences à l'encontre des emplois temporaires proviennent du fait que ces derniers ne sont pas suffisamment accompagnés de formation, qu'ils ne sont suffisamment valorisés, qu'ils ne sont pas suffisamment reconnus. Nous ne pouvons tout simplement pas nous priver d'un dispositif qui peut être renforcé - et qui le sera. C'est pourquoi je ne peux accepter cet amendement !

Le président. Merci, Madame la rapporteure de majorité. Nous allons voter sur les amendements présentés par le Conseil d'Etat ainsi que par le parti radical à l'article 39. Nous commencerons par l'amendement le plus éloigné, à savoir l'amendement présenté par MM. les députés Kunz et Jeannerat. Cet amendement consiste à modifier ainsi la teneur de l'article 39, alinéa 1: «Lorsque le retour en emploi n'a pas pu être assuré, l'autorité compétente propose à titre subsidiaire un emploi temporaire de réinsertion aux chômeurs de 55 ans et plus ayant épuisé leur droit aux indemnités fédérales». Nous procéderons par vote électronique.

Une voix. Monsieur le président, je demande l'appel nominal ! (Appuyé.)

Le président. L'appel nominal ayant été demandé, nous allons procéder ainsi. Celles et ceux qui acceptent cet amendement répondront oui; celles et ceux qui le refusent répondront non.

Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 52 non contre 21 oui et 17 abstentions.

Appel nominal

Le président. Monsieur le député Jeannerat, si j'ai bien compris... (M. Jeannerat s'apprête à prendre la parole.)Je ne vous donne pas la parole, mais je vous demande simplement d'opiner du chef si j'ai raison: si j'ai bien compris, le rejet de cet amendement signifie que vos amendements aux articles 43 et 44 tombent également. Est-ce bien juste ? (Approbation de M. Jeannerat.)Merci, Monsieur le député !

Nous votons maintenant sur l'amendement présenté par le Conseil d'Etat. Vous avez reçu cet amendement. Je vous ai déjà annoncé que l'alinéa 1 était retiré. Nous votons donc sur l'amendement portant sur les alinéas 2 et 3 de l'article 39. Je vous rappelle que cet amendement consiste à modifier de la sorte l'alinéa 2: «L'emploi temporaire de réinsertion est offert à titre individuel ou dans le cadre d'un programme collectif. Il vise prioritairement à renforcer les chances de réinsertion du chômeur au sein du marché du travail» et à introduire un nouvel alinéa 3: «Tout octroi d'un emploi temporaire de réinsertion est assorti d'un programme d'encadrement et de formation au sens des articles 38A à 38H. Sont réservés les cas où un programme d'encadrement et de formation se révèle manifestement inutile». Nous procédons par vote électronique.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 47 oui contre 43 non.

Mis aux voix, l'article 39 ainsi amendé est adopté.

Le président. Pour que la situation soit claire, je vous précise que, l'alinéa 3 étant un nouvel alinéa, l'adoption de l'amendement du Conseil d'Etat entraîne un décalage dans la numérotation des alinéas actuels de la loi. ( Chahut.)S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés ! Nous passons maintenant à l'article 40. Nous sommes saisis d'un amendement présenté par Mme Lavanchy, rapporteure de minorité, sur l'alinéa 3 de cet article. Madame Lavanchy, vous avez la parole !

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse de première minorité. Il s'agit tout simplement - mais je n'ose même pas le dire, tant vous allez contester cette proposition - d'inscrire à nouveau un plancher dans les indemnités touchées par les bénéficiaires d'un emploi temporaire. La loi antérieure comprenait un plafond à 4500 F et un plancher à 3300 F. Dans la loi votée en commission, le plafond a été fixé à 4500 F et le plancher à 0 F. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie que nombre d'individus qui se retrouveront en emploi temporaire - et qui devraient donc bénéficier d'un revenu par le biais de l'Office cantonal de l'emploi - seront contraints d'ouvrir un dossier à l'assistance publique parce que leur revenu sera inférieur au barème d'assistance. Une personne va ouvrir un dossier à l'assistance publique alors qu'elle est engagée dans une mesure cantonale ! De tels cas existent malheureusement déjà - et je ne suis pas la seule à pouvoir le dire. L'Hospice général traite déjà un certain nombre de dossiers pour lesquels elle ne fait que compléter des indemnités de chômage inférieures au barème d'assistance pour faire vivre un chômeur et sa famille. C'est typiquement à ce genre de situation que l'on aboutira.

Je ne sais pas si vous vous rendez compte du fait que l'absence de plancher alourdira les procédures et conduira une personne déjà confrontée à des difficultés majeures à recourir à de multiples demandes d'aides, notamment de la part de l'Hospice général. Ce dernier devra ouvrir une enquête et administrer un dossier - avec la souffrance que cette procédure implique pour un individu déjà engagé dans une mesure cantonale. Et vous vous imaginez réellement qu'une personne engagée dans un emploi temporaire et dans une formation - puisque, chose très positive que l'on n'a jamais contestée, on lui demandera de se former - sera en mesure de s'investir à 100 % dans une dynamique de requalification en ayant dans la tête des problèmes financiers à n'en plus finir ?! Cet individu se demandera: «Comment vais-je pouvoir vivre ?», il se tournera vers l'assistance publique et ne se retrouvera pas dans des conditions propices pour mener à bien son occupation temporaire et sa formation ! N'importe quelle personne siégeant dans cette enceinte devrait pouvoir imaginer ce que cela signifie que de devoir se requalifier en ayant une épée de Damoclès au-dessus la tête, en se trouvant confrontée à ce type de préoccupation: «Je m'endette, je me paupérise; il faut que je trouve de l'aide financière» ! Lorsqu'on a ce type de soucis dans la tête, on ne parvient pas à mener une bonne requalification professionnelle.

Pour ne pas engorger l'Hospice général de dossiers ne le concernant pas et pour la dignité des chômeurs, je vous demande de rétablir le plancher de 3300 F tel qu'inscrit dans l'ancienne loi !

M. Roger Deneys (S). Les socialistes soutiendront bien évidemment cet amendement dans... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Je reprends: les socialistes soutiendront bien évidemment cet amendement dans la mesure où il serait paradoxal de voir l'Etat offrir des salaires inférieurs au montant des conventions collectives en vigueur dans le canton de Genève. Je vous rappelle que les emplois temporaires, qu'ils soient assumés au sein de l'Etat ou dans le cadre d'associations, sont des emplois à plein temps nécessitant la disponibilité professionnelle appropriée. Il ne s'agit pas de créer un esclavage moderne, mais de proposer un travail permettant à un individu de se réinsérer après un chômage de longue durée. Je vous invite donc à accepter cet amendement !

M. Christian Bavarel (Ve). En commission, les Verts ont été choqués par la suppression du plancher salarial... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Il est évident que nous voulons défendre des salaires minimums. Nous avons bien vu les problèmes que l'absence de salaires minimums pouvait poser dans le domaine de l'agriculture. Les mêmes problèmes surgissent concernant le chômage: on procède à un transfert de charges de plus en plus important sur l'assistance. Or il est paradoxal qu'un secteur de l'Etat demande à un autre secteur de ce même Etat d'entretenir la machine ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Un salaire minimum devrait donc être garanti; il devrait exister un plancher, puisqu'il existe un plafond. On ne peut pas demander aux gens de travailler gratuitement ou pour des salaires dérisoires !

M. Rémy Pagani (AdG). Bien que l'heure soit tardive, nous abordons un sujet éminemment important: il s'agit de la question des salaires minimums dans notre canton. On a entendu, surtout sur les bancs d'en face et sur ceux de l'UDC, que l'entrée en vigueur des bilatérales n'entraînerait pas de dumping salarial, car les uns et les autres feraient un effort pour maintenir les salaires à leur niveau actuel. Or, la décision que vous allez prendre consiste à supprimer le salaire minimum dans notre canton ! Parce que vous savez très bien, Mesdames et Messieurs les députés - ou peut-être l'ignorez-vous ? - qu'une occupation temporaire permettait à une personne qui «dégringole», passant d'un salaire de 4000 F à une période de chômage, retrouvant un emploi à 3500 F avant de retomber au chômage... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)... de descendre en dessous du salaire minimum de 3000 F, de se recréer un droit à 3300 F. Cette dernière somme a été reconnue comme étant le salaire décent minimum pour vivre et travailler dans notre région - je pense notamment, Monsieur Desbaillets, à la profession d'agriculteur.

Vous allez donc supprimer ce plancher. Ce faisant, vous allez jeter nombre de chômeurs dans la précarité. Pour ceux d'entre eux qui franchiront le pas, ces chômeurs iront bien évidemment frapper à la porte de l'Hospice général et viendront grossir des statistiques ayant déjà augmenté ces dix dernières années du fait de l'augmentation de ceux que l'on appelle en anglais - parce que c'est malsain d'en parler en français - des working poors,soit des individus n'ayant pas les moyens de subsister grâce à leur travail.

M. Pierre Weiss. Working poors ! (Corrigeant la prononciation de M. Pagani.)

M. Rémy Pagani. Working poors,exactement, Monsieur Weiss ! White- «Monsieur White», excusez-moi... (Rires. Le président agite la cloche.)C'est une grave erreur que nous commettons là, car cela ne coûterait - et cela n'a coûté - à notre collectivité que quelques centaines de francs par chômeur pour permettre à ces personnes de subsister. En revanche, nous procédons là à un report de charge, et il sera bien plus coûteux de subventionner le travail - bien évidement à plein temps - de personnes qui seront obligées de prendre un emploi et dont le salaire ne leur offrira pas les moyens de subsistance nécessaires. (Brouhaha.)Je remarque que ce sujet n'intéresse plus grand monde parmi les bancs d'en face... J'espère que vous serez sanctionnés pour cette mesure qui, d'une part, trahit vos engagements vis-à-vis des conventions collectives et des salaires minimums et, d'autre part, jette une nouvelle fois dans la précarité une population qui n'en a pas besoin !

Le président. Merci, Monsieur le député. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont inscrits M. le député Baud, Mme la députée Haller, ainsi que Mmes et M. les rapporteurs. Bien évidemment que le Conseil d'Etat pourra également s'exprimer s'il le souhaite.

M. Jacques Baud (UDC). Mon intervention sera très brève. S'agissant de l'OCPA, le minimum vital est estimé, en fonction du loyer et des assurances, entre 3000 et 3500 F. Ce montant n'a absolument pas changé depuis dix ans: il n'a pas augmenté d'un centime !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à Mme Jocelyne Haller. (Brouhaha. Le président agite la cloche.

Mme Jocelyne Haller (AdG). Certains s'amusent souvent à dire: «Mme Haller, la représentante de l'Hospice général...». Alors, simplement pour vous le rappeler, je suis représentant de l'AdG et il est vrai que je travaille à l'Hospice général - ce qui me permet d'avoir une certaine connaissance de ce domaine. Mais il me semble que certains ici travaillent dans d'autres domaines sur lesquels ils ne se privent pas d'intervenir... Vous permettrez donc que j'intervienne sur cette question !

Il y a 7 à 8% de dossiers pour lesquels l'Hospice général... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

M. Christian Luscher. On n'a rien dit !

Mme Jocelyne Haller. Pour une fois que vous ne dites rien, Monsieur Luscher, ça nous repose ! (Rires et applaudissements.)

Il y a 7 à 8% de dossiers pour lesquels l'Hospice général verse des compléments de salaire. C'est important de le savoir. Mme Lavanchy vous invitait tout à l'heure à ne pas engorger l'Hospice général. Eh bien, moi, je vous poserai la question suivante: est-ce à l'Hospice général de verser des salaires ou des compléments de salaire ?! Est-ce bien cela, la mission d'une institution sociale à Genève ?! Si ce n'est pas le cas, prenez garde à ce que vous êtes en train de faire ! En ne fixant aucun plancher minimum, vous êtes en train de provoquer une situation qui contraindra certaines personnes à se tourner vers l'assistance publique !

Il est aujourd'hui un scandale qui consiste à faire en sorte que des gens travaillent, mais pour un revenu qui ne leur suffit pas pour vivre ! Et ces personnes se voient contraintes de compter sur une aide de l'Etat ! Mais ce qui est encore plus scandaleux, c'est que l'on admette une telle situation, et dans cette enceinte, et dans cet Etat ! Cela signifie que l'on consent à ce que, pour une prestation fournie, les employeurs ne versent pas des salaires suffisants pour vivre ! Je vous invite à accepter l'amendement présenté par Mme Lavanchy !

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de deuxième minorité. Le plancher fixé dans cet article - plancher que vous avez supprimé et que l'on propose de restaurer par le biais d'un amendement - est issu de la loi de 1997. Je dis bien: de la loi de 1997 - soit il y a sept ans ! Et ce montant, nous proposons de le garder tel quel. Contrairement à ce que vous semblez indiquer, nous ne proposons en tout cas pas de l'augmenter: nous le maintenons à 3300 F.

Pourquoi un plancher ? Parce que nous estimons que ce n'est pas à l'Etat d'inciter les chômeurs à retrouver des emplois précaires. J'ai eu connaissance du cas d'une personne à laquelle on a proposé un travail à 100% pour un salaire net de 1800 F par mois !

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. Logée, nourrie !

M. Alain Charbonnier. Pardon ?

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. Logée, nourrie !

M. Alain Charbonnier. «Logée, nourrie» me dit Mme von Arx-Vernon... Elle qui côtoie des personnes dans le désarroi, elle ferait mieux de garder ses remarques pour elle-même... Je vous jure que c'est vrai: on a fait cette proposition à une personne qui s'est retrouvée licenciée pendant son arrêt accident. J'estime pour ma part que c'est à l'Etat de mettre un garde-fou.

Je vous rappelle que vous êtes en train de diminuer drastiquement la durée de ces emplois temporaires. M. Weiss, le professeur, se proposait par ailleurs dans son projet de loi...

Une voix. Il a changé de nom !

M. Alain Charbonnier. ... de garder le même plancher. Il se proposait même d'allonger davantage la durée des emplois temporaires cantonaux, puisque la moyenne du taux de chômage romand est actuellement supérieure à 4%. On aurait donc pu bénéficier de neuf mois d'emplois temporaires selon le projet de loi initial de la droite.

Nous vous prions de bien vouloir accepter cet amendement et d'inscrire à nouveau dans la loi ce plancher de 3300 F.

Le président. Merci, Monsieur Charbonnier. Nous allons voter sur l'amendement présenté par Mme Lavanchy, rapporteure de première minorité. Ce dernier consiste à modifier comme suit l'alinéa 3 de l'article 40: «Le bénéficiaire perçoit un salaire égal à la dernière indemnité fédérale de chômage; il ne peut cependant pas être inférieur à 3300 F, ni supérieur à 4500 F».

Une voix. Monsieur le président, je demande l'appel nominal (Appuyé.)

Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 48 non contre 41 oui.

Appel nominal

Mis aux voix, l'article 40 est adopté.

Mis aux voix, l'article 42 est adopté.

Le président. Les choses se compliquent à l'article 43. Je vous ai annoncé tout à l'heure que l'amendement présenté par le parti radical était retiré compte tenu du vote négatif à l'article 39. Nous nous trouvons cependant en présence de deux amendements: un premier amendement du Conseil d'Etat vise à supprimer la deuxième phrase de l'alinéa 1 de l'article 43.

Le second amendement, présenté par Mme Lavanchy, rapporteure de première minorité, modifie les alinéas 1 et 2 de ce même article 43. Madame Lavanchy, souhaitez-vous présenter votre amendement ? (Mme Nicole Lavanchy ne répond pas.)Si tel n'est pas le cas, je donne la parole à M. le député Hodgers.

Mme Nicole Lavanchy. De quel article s'agit-il ?

M. Antonio Hodgers. On examine l'article 43. Vas-y !

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse de première minorité. Cet amendement nous paraît effectivement très important ! Nous avons présenté cet amendement pour tenir compte des critiques émises dans le rapport de la commission d'évaluation des politiques publiques, mais également par le professeur Flückiger. Ce dernier a indiqué que le fait d'inscrire dans la loi une reconduction systématique aux prestations fédérales pour une durée de douze mois avait de fâcheuses incidences qu'il convenait de prendre en compte. L'une de ces incidences, c'est que les employés de l'Office cantonal de l'emploi font le raisonnement suivant: «Finalement, le but de la loi sous sa forme actuelle consiste simplement à permettre la reconduction d'un droit». Dès lors, ils ne se donnent pas les moyens d'aller plus loin; ils n'y réfléchissent même pas, puisque la reconduction de ce droit est inscrite dans la loi. Or l'essence même de la loi telle qu'elle a été votée, ce n'était précisément pas de permettre la reconduction systématique d'un droit, mais c'était de promouvoir des mesures d'ARE et des mesures d'emploi temporaire qui soient efficaces et requalifient les individus, et les réinsèrent dans le marché de l'emploi !

Nous avons donc tenu compte de cette critique en reconnaissant qu'il ne fallait plus faire figurer dans la loi la notion de reconduction d'un droit aux indemnités fédérales. Lors de l'audition de M. Flückiger, nous avons discuté avec ce dernier de cet effet pervers. M. Flückiger nous a proposé quelques solutions, dont l'une a plus particulièrement retenu notre attention: il s'agit de proposer une première période de six mois d'occupation temporaire renouvelable pour six mois supplémentaires. Cette solution nous a semblé intéressante dans la mesure où la reconduction d'un nouveau droit de six mois se trouve liée à un programme d'encadrement. En effet, nous avons toujours défendu la position selon laquelle, si on lie les emplois temporaires à la notion de programme de formation, il est nécessaire que l'emploi temporaire choisi soit en lien avec la formation entamée. Il s'agit, en quelque sorte, de suivre une formation en alternance: les chômeurs bénéficient de certains apports dans le cadre de leur programme de formation, lesquels sont mis en oeuvre sur leur lieu de travail.

C'est un pari important qui exige un certain volontarisme de la part de l'Etat. Pour notre part, nous sommes absolument certains qu'il est possible de réussir un tel pari à partir du moment où l'Etat s'en donne les moyens. Il s'agira de procéder à un bilan de compétences avec le chômeur, de réfléchir avec lui à l'emploi temporaire qui le qualifiera le mieux et de choisir une formation en lien avec cet emploi - en clair, de lui proposer un emploi qualifiant pour une durée de six mois, renouvelable pour six mois. Cet emploi étant renouvelable, le moment du renouvellement sera l'occasion, tant pour l'employeur que pour le bénéficiaire et pour l'Office cantonal de l'emploi, de procéder à une évaluation. Soit on constatera que le lien entre emploi temporaire et formation colle bien; soit on constatera que ce lien ne colle pas bien. Dans ce dernier cas, l'Office cantonal et le bénéficiaire chercheront un autre emploi temporaire.

Nous maintenons ainsi un délai-cadre de douze mois, mais avec un renouvellement de six mois après évaluation de l'adéquation du programme de formation à l'emploi temporaire... (L'oratrice est interpellée.)Mais oui, je pense que vous avez envie de... C'est cela... Je me tais...

Cette proposition émane d'une personne éclairée: le professeur Flückiger. Parmi les pistes fournies par ce dernier, cette piste-là mérite d'être prise en considération, d'autant plus qu'elle permet également de répondre aux critiques émises par la Confédération. Je vous rappelle que la Confédération a critiqué l'inscription dans une loi cantonale de la reconduction d'un droit à des prestations fédérales. Toute l'Entente et l'UDC ont déclaré: «Cette reconduction d'un droit n'est pas bonne, il faut la supprimer de la loi». On a pris en compte cette critique et l'on propose une mesure tout à fait acceptable - à savoir, le fait d'offrir un emploi temporaire pour une durée de six mois reconductible pour une nouvelle période de six mois - permettant d'améliorer les dispositions actuelles.

M. Roger Deneys (S). Les socialistes soutiendront bien évidemment cet amendement. Nous nous trouvons là au coeur du problème de ce projet de loi, à savoir la durée des emplois temporaires cantonaux. La Confédération fait actuellement pression sur le canton de Genève en prétendant qu'il est anormal d'accorder automatiquement un droit à un nouveau délai-cadre fédéral. Mais je vais vous dire ce qui est anormal: ce qui est anormal, ce n'est pas de bénéficier d'un nouveau délai-cadre, mais c'est de rester au chômage après une si longue période ! Et, plutôt que de donner des leçons à notre canton, la Confédération ferait mieux d'améliorer les conditions-cadres de l'économie suisse et de nous aider à créer de l'emploi ! Elle ferait mieux de s'occuper de ses compétences plutôt que du marché de l'emploi genevois ! (Protestations.)

Il est fort regrettable que les députés auteurs de ce projet de loi, l'Entente et le département reprennent à leur compte cette argumentation. Fondamentalement, ce n'est pas le renouvellement du droit à un nouveau délai-cadre fédéral qui pose problème, mais c'est le fait qu'un emploi temporaire cantonal n'apporte aucun atout supplémentaire à des individus au chômage depuis deux ans ! Alors, vous travaillez, et, après deux ans sans emploi, on vous annonce: «Vous allez de surcroît faire de la formation.» Cela est indispensable - tout le monde le reconnaît - mais, le but, c'est de trouver du travail ! Et, si l'on n'y parvient pas, que fait-on ?! Peut-on en déduire que ces individus doivent se tourner vers l'assistance sociale ?! Je suis désolé, mais, compte tenu de la conjoncture économique actuelle, c'est un raisonnement un peu léger ! C'est un raisonnement un peu léger ! Certains individus pourront effectivement se tourner vers l'assistance sociale, mais ce ne sera pas systématiquement le cas !

En l'occurrence, M. Flückiger a évoqué en commission le fait que la durée des emplois temporaires devrait pouvoir être modulée: peut-être ces emplois devraient-ils durer douze mois dans certains cas, et pas dans d'autres. Et sur ce point, je pense que la commission a raté son objectif durant ses vingt-deux séances. Peut-être est-ce comme les thérapies: il aurait fallu un peu plus de séances... Nous aurions pu trouver un terrain d'entente si nous avions sérieusement voulu nous attaquer à cette problématique... (L'orateur est interpellé par M. Weiss.)Je suis désolé, Monsieur Weiss, mais je ne dispose d'aucune recette miracle... (Commentaires.)

Des voix. Abrège ! Abrège !

M. Roger Deneys. Non, je n'abrégerai pas ! ( Remarques. Le président agite la cloche.)La proposition qui vous est soumise par le biais de cet amendement est la suivante: on s'accorde sur le fait que les emplois temporaires cantonaux sont d'une durée de six mois, mais qu'ils peuvent être renouvelés après évaluation. C'est bien cela qui fait l'objet de reproches dans les rapports qui nous ont été présentés: le manque de pertinence de certains emplois temporaires et la nécessité de les améliorer ! Or le but d'une évaluation après six mois, c'est précisément de vérifier cette pertinence !

Je vous propose donc de maintenir la possibilité de bénéficier d'un emploi temporaire durant une période de douze mois, même si je pense que l'on aurait pu trouver une formulation encore plus appropriée - parce que ce n'est pas «rien», comme le veut M. Kunz, ni forcément «tout toujours», comme le veulent d'autres. On aurait pu discuter... (Commentaires. Le président agite la cloche.)... mais on formule là une proposition intermédiaire et l'on retombe à nouveau sur la question... Peut-être aurait-on dû passer un peu plus de temps sur cette question en commission... ( Brouhaha.)Et voilà ! Ce n'est pas une demande de renvoi, je vous rassure immédiatement !

Des voix. Ah !

M. Roger Deneys. Je vous invite cependant à adopter cet amendement qui permet le renouvellement et la prolongation des allocations en cas de besoin impératif !

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Rémy Pagani (AdG). On a affaire à un chevauchement entre deux débats. Je souhaite prendre position sur la première partie du débat. Le projet de loi de l'Entente proposait de passer d'une durée de douze à dix mois. Le Conseil d'Etat est arrivé en commission en déclarant: «La durée des emplois temporaires est de six mois avec possibilité de prolonger durant deux mois». Le projet de loi qui est sorti de commission - projet de loi qui est d'ailleurs imprimé - précise: «Six mois d'emploi temporaire plus deux mois». Pourquoi le Conseil d'Etat a-t-il fait cette proposition ? D'une part, pour réaliser des économies financières - ce poste budgétaire explosant du fait de l'évolution du profil des chômeurs, mais aussi - j'espère - par souci de mettre tous les chômeurs sur un pied d'égalité. Or, si l'on redescend à six mois, se posera un problème d'égalité de traitement entre les chômeurs. Je répète mon explication: si un chômeur vient à trouver un travail pour une durée de six mois ou de deux fois trois mois très rapidement après le début de son délai-cadre, il sera prétérité par rapport à un chômeur qui aura trouvé, lui aussi par hasard, un emploi pour une durée de six mois à la fin de son délai-cadre, car le chômeur qui aura trouvé un emploi à la fin de son délai-cadre pourra cumuler sa période de travail de six mois aux six mois que ce parlement aura eu la «générosité» de lui accorder. On avait décidé de fixer la durée du délai-cadre à huit mois précisément pour permettre aux chômeurs trouvant rapidement un travail durant leur délai-cadre de cumuler ces quatre mois - puisque, comme un curseur, le délai-cadre se déplace. Ils pourraient ainsi bénéficier d'au moins quatre mois plus huit mois, et ils se retrouveraient avec un délai-cadre de douze mois qui leur redonnerait un droit au chômage.

Cela étant, je constate que le Conseil d'Etat a, une fois de plus, sombré dans cette attitude néolibérale qui consiste à casser les occupations temporaires - attitude à laquelle je m'oppose. Nous refusons donc l'amendement du Conseil d'Etat, qui nous semble non seulement disqualifiant pour les chômeurs, mais de surcroît inégalitaire. Je viens de vous expliquer l'iniquité qu'un tel amendement engendrerait entre un chômeur qui viendrait à trouver un emploi au début de son délai-cadre et un chômeur qui viendrait à trouver un emploi à la fin de son délai-cadre. Il s'agit là d'un problème juridique important au sujet duquel, Monsieur Lamprecht, j'attendais des explications. Jusqu'à présent, vous vous êtes malheureusement montré incapable de nous fournir des explications qui nous auraient permis de trouver une solution mettant les chômeurs sur un pied d'égalité - à l'exception de la seule solution qui me paraisse à peu près convenable, soit une remontée du curseur à huit mois, voire à dix mois tel que cela était proposé. Cette mesure aurait été cohérente. Cette cohérence n'existe en revanche plus dès lors que l'on descend à six mois.

J'aborde maintenant la proposition lancée par l'Alliance de gauche - parce que nous ne nous contentons pas de nous opposer, mais nous avons mené une réflexion concernant la «revitalisation», si j'ose dire, des occupations temporaires, de manière à en faire des formations temporaires offrant aux individus les moyens de se requalifier. Vous nous avez suggéré que, sur cette période de deux ans, les chômeurs puissent suivre des cours et effectuer un bilan de compétences; nous avons accepté cette proposition. Nous estimons que tous les chômeurs devraient, non seulement procéder à un bilan de compétences, mais de surcroît engager une formation - dans leur domaine de compétence, bien évidemment - durant les six premiers mois d'occupation temporaire. Cela leur permettrait de prolonger leur emploi temporaire de six mois supplémentaires et, ainsi, d'avoir le temps de trouver un emploi correspondant à la formation qu'ils ont acquise. Car c'est également là que réside le problème: vous leur offrez une pseudo-formation pendant six mois, et ils sont ensuite jetés sur le marché du travail sans aucune chance de retrouver un emploi aussi rapidement !

Non seulement nous combattrons l'amendement du Conseil d'Etat - lequel entraînerait une régression sociale inadmissible et une iniquité de traitement entre les chômeurs - mais nous invitons ce parlement à soutenir l'amendement allant dans le sens d'une requalification des emplois temporaires !

M. Antonio Hodgers (Ve), rapporteur de troisième minorité. En ce qui concerne les emplois temporaires, il me semble qu'il faut revenir à la question posée par la commission - question à laquelle elle a d'ailleurs unanimement répondu. Cette question était la suivante: l'objectif de formation des emplois temporaires a-t-il été atteint ? L'ensemble de la commission a répondu par la négative. C'est là que réside le fond du problème: cette mesure, voulue par le parlement il y a quelques années, a été mal ou peu mise en oeuvre par le Conseil d'Etat ! Et lorsqu'une mesure n'est pas mise en oeuvre, on fait généralement pression sur les personnes qui en étaient chargées afin qu'elles s'exécutent au lieu de la supprimer de la loi ! On arrive là au double discours que nous a tenu la droite ce soir. D'une part, certains déclarent - de manière assez franche, d'ailleurs - que les chômeurs ne sont finalement que des assistés et que, l'Etat se trouvant en difficulté budgétaire, il convient de s'en débarrasser le plus rapidement possible. C'est plus ou moins le discours qui a été tenu lorsque... (Protestations. L'orateur est interpellé par M. Luscher. Le président agite la cloche.)Non, je ne crois pas ! Cela n'a pas été exposé aussi franchement, mais il a très clairement été dit que l'assurance-chômage était une forme d'assistance sociale ! Je suis désolé, Monsieur Luscher, mais cela a été dit, notamment par des députés du parti radical ! L'assurance-chômage et les prestations fournies par l'Etat en matière de chômage sont donc perçues par certains en termes de prestations sociales - et l'on nous propose de diminuer ces prestations sociales. Il s'agit là d'un discours peu original que vous nous resservez régulièrement...

Un second discours a été tenu par le PDC - notamment par Mme von Arx-Vernon. Ce discours était le suivant: «Nous ne sommes pas contre les chômeurs: il faut les aider, il faut les soutenir. Cependant, les emplois temporaires constituent une mauvaise mesure, et il faut dès lors les réformer».

De ce point de vue, je trouve excellente la proposition du professeur Flückiger qui a été reprise par l'Alliance de gauche. Cette proposition rompt l'automaticité actuelle des emplois temporaires - automaticité qui consiste à offrir un emploi temporaire durant douze mois d'affilée - elle permet de procéder à une évaluation et elle insiste sur la formation. Alors, je trouve cette solution de deux fois six mois très positive, parce que les individus pour lesquels ces emplois temporaires sont inefficaces y renoncent au bout de six mois et se retrouvent dans la situation actuelle; en revanche, les personnes pour lesquelles on constate, après évaluation, que les emplois temporaires sont positifs et qu'ils contribuent à leur formation pourront entamer une seconde période de six mois.

Le refus, notamment par le PDC, de cet amendement montre bien que le discours consistant à affirmer qu'«à travers cette loi, ce sont les chômeurs que l'on veut aider» n'est que du vent ! Il y a une volonté de la droite de ce parlement - et pas uniquement sur ce sujet - de réduire les prestations sociales de l'Etat, de réduire l'aide aux plus démunis et à ceux qui sont en difficulté dans notre République. Et vous y parviendrez en votant ce projet de loi !

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Le président. Merci, Monsieur Hodgers. La parole est à Mme Lavanchy, rapporteure de première minorité.

Des voix. Non, c'est à M. Charbonnier !

Le président. Monsieur Charbonnier, si vous ne vous inscrivez pas, je ne peux pas deviner que vous voulez prendre la parole ! Alors, inscrivez-vous, et je vous la donnerai ! Allez-y !

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, chaque fois que je me suis inscrit, vous m'avez indiqué: «Ce n'est pas nécessaire: puisque vous êtes rapporteur, vous avez de toute façon la parole». (Protestations.)Voilà la raison pour laquelle je ne me suis pas inscrit !

Afin ne pas prolonger les débats... (Applaudissements.)... je ne reviendrai pas sur l'importance que revêt à nos yeux... (L'orateur est interpellé.)Vous avez encore des tableaux à vendre, Monsieur Koechlin ?! Il s'agit effectivement d'une préoccupation plus importante que le chômage - surtout pour vous...

Je ne m'étendrai donc pas trop sur l'importance que revêt à nos yeux le fait que des chômeurs de longue durée puissent bénéficier d'un deuxième délai-cadre, je ne reviendrai pas sur l'argumentation: je me contenterai de revenir sur la Bible de M. le professeur Weiss, soit sur l'enquête de la commission externe d'évaluation des politiques publiques. (L'orateur est interpellé par M. Weiss.)Voilà, Monsieur Weiss, mais je vais même vous les lire !

Cette commission a mené une étude sur la politique cantonale de lutte contre le chômage de longue durée. Comme elle le fait d'habitude, la commission donne, dans les dernières pages de son rapport - soit aux pages 54 à 57 - un certain nombre de recommandations relatives à l'évaluation des mesures cantonales. Ces recommandations s'élèvent au nombre de vingt. Sur ces vingt recommandations, cinq concernent les emplois temporaires cantonaux, onze l'Office cantonal de l'emploi et quatre les allocations de retour en emploi. La commission accorde donc une certaine importance aux problèmes de l'Office cantonal de l'emploi - contrairement à vous, qui accusez les chômeurs de tous les maux.

Je vous donnerai uniquement lecture des titres des cinq recommandations relatives aux emplois temporaires cantonaux - en espérant que certains liront le reste. La première recommandation consiste à imposer un contrat d'activité comportant un temps d'encadrement - c'est ce que nous demandons par le biais de l'établissement d'un suivi. La deuxième recommandation propose de prévoir un encadrement pour chaque bénéficiaire d'ETC - cela nous paraît être la moindre des choses, or cette mesure n'a visiblement pas été prise jusqu'à présent. La troisième recommandation consiste à accorder un jour libre par semaine uniquement en cas de formation; c'est ce qu'octroient les propositions du département - propositions que nous soutenons: il s'agit de prévoir une formation pour toutes les personnes chargées d'encadrer les ETC. On n'en a pas du tout parlé en commission, mais il serait souhaitable que les personnes encadrant les chômeurs soient formées. Or elles ne le sont visiblement pas, selon l'étude de...

Une voix. Ce n'est pas dans le règlement ?

M. Alain Charbonnier. Non, ce n'est pas dans le règlement ! Pas du tout ! La dernière recommandation consiste à établir un concept d'utilisation du budget formation. On n'en a pas entendu parler non plus par les services de M. Lamprecht.

Nous nous réjouissons de déposer - très certainement - une motion pour obtenir davantage de détails sur ces sujets. Voilà, j'en ai terminé !

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse de première minorité. Je serai bref...

Une voix. Brève !

Mme Nicole Lavanchy. Oui, brève, excusez-moi ! Vous dites avoir peu pris la parole ce soir, et pour cause: vous avancez des arguments qui sont en contradiction les uns avec les autres ! Cela fait deux jour que l'on démontre à quel point les arguments que vous avancez sont contradictoires. Vous voulez améliorer les ARE; on vous propose des amendements allant dans ce sens: vous les refusez ! Vous avez indiqué que l'élément qui vous gênait dans la loi, c'était l'automaticité de recouvrer un droit. On propose un amendement supprimant cette automaticité: vous le refusez ! Vous avez déclaré vouloir des formations qualifiant les chômeurs. On a suivi le département sur cette question en proposant des amendements requalifiant les chômeurs: vous les avez refusés ! Vous avez systématiquement refusé tous nos amendements, en plénière comme en commission !

J'en reviens à ce que je disais, il y a de cela une année, soit en mars 2003: votre unique objectif en déposant ce projet de loi, c'est de faire cesser le renouvellement au droit fédéral...

Une voix. Tout à fait !

Mme Nicole Lavanchy. ... c'est de jeter le plus rapidement possible les personnes au chômage dans l'aide sociale, de les précariser et de fragiliser le marché de l'emploi ! (Protestations.)Mais si ! C'est exactement ce qui se produira, et ce sont les propos que vous avez tenus en mars 2003 ! Après vingt-deux séances de commission et après un débat de deux jours en plénière, on en arrive exactement à ce à quoi vous vouliez aboutir, et cela...

Une voix. C'est-à-dire ?!

Mme Nicole Lavanchy. Tout simplement à casser des mesures cantonales ! Et cela participe de la politique que vous avez mise en oeuvre depuis longtemps: on casse les assurances sociales, on précarise les gens, on leur donne le minimum et on les laisse se débrouiller ! C'est le type de politique que vous voulez ! Et vous vous plaignez ensuite de l'insécurité dans les villes et de la violence chez les jeunes - parce qu'il y en a, de la violence, parmi les jeunes, puisqu'ils se retrouvent dans des trajectoires de désaffiliation ! Vous cassez le lien social, vous cassez la solidarité ! Et ce projet de loi en est la preuve !

A l'occasion du référendum qui sera lancé, je vous promets que je me mouillerai pour expliquer dans la rue ce qu'il en est aux gens ! C'est une évidence ! (Commentaires.)Mais oui, vous leur expliquerez également !

J'espère bien qu'il y aura un débat - parce qu'on récoltera les signatures nécessaires - et que les gens vous entendront tenir des propos analogues à ceux tenus ce soir, et qu'ils vous entendront casser les chômeurs tout en déclarant qu'«on veut leur bien» ! Vous n'avez pas avancé un seul argument qui tienne la route, qui réponde aux amendements que l'on vous a proposés ! Pour notre part, on a fait preuve de cohérence: on a suivi les recommandations formulées par des experts et celles formulées par des personnes auditionnées, et on a proposé des amendements raisonnables: vous les avez tous refusés ! Cela dénote bien le fait que, l'idée que vous avez derrière la tête, c'est tout simplement de casser une mesure protégeant les chômeurs en fin de droit de ce canton et de fragiliser le marché de l'emploi ! Je ne fais que répéter ce que l'on dit depuis le début du débat, c'est à dire que vous touchez à tous les travailleurs et travailleuses de ce canton. Et cela, je vous promets que les syndicats seront avec nous pour vous le rappeler ! (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Madame la rapporteure. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter sur les deux amendements présentés à l'article 43. Nous votons en premier lieu sur l'amendement présenté par Mme la rapporteure de minorité Lavanchy. Je vous rappelle que cet amendement modifie comme suit les alinéas 1 et 2 de l'article 43: «Les chômeurs remplissant les conditions des articles 41 et 42 peuvent bénéficier d'un emploi temporaire pour une durée de 6 mois renouvelable de 6 mois après évaluation de l'adéquation de l'emploi temporaire au programme d'encadrement et de formation. En cas de non-adéquation, un nouvel emploi temporaire de 6 mois est proposé correspondant au programme d'encadrement et de formation»; «Pour les chômeurs de 50 ans et plus, ces durées sont portées à une durée de 12 mois renouvelable 12 mois après évaluation de l'adéquation de l'emploi temporaire au programme d'encadrement et de formation».

M. Souhail Mouhanna. Monsieur le président, je demande l'appel nominal ! (Appuyé.)

Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 49 non contre 40 oui et 1 abstention.

Appel nominal

Le président. Nous votons maintenant sur l'amendement présenté par le Conseil d'Etat visant à abroger la deuxième phrase de l'alinéa de l'article 43. Nous procéderons par vote électronique.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 50 oui contre 40 non.

Mis aux voix, l'article 43 ainsi amendé est adopté.

Le président. Nous passons à l'article 44. Le Conseil d'Etat vous avait soumis un amendement... Si j'ai bien compris, Monsieur le conseiller d'Etat, cet amendement est retiré ? (Approbation de M. Lamprecht.)

Mis aux voix, l'article 44 est adopté, de même que les articles 45, 48, 54 et 55A.

Le président. M. le député Pagani propose l'ajout d'un article 55B. Vous avez la parole, Monsieur le député !

M. Rémy Pagani (AdG). On revient quelque peu au début des travaux entamés hier soir. Nous avons annoncé d'emblée... (Protestations.)Je reprends: nous avons annoncé d'emblée que nous demanderions la couverture financière nécessaire à la mise en oeuvre de cette loi. Comme cela a été relevé, aucune couverture financière n'est prévue, et l'ensemble de l'impact de cette loi n'a de surcroît pas été évalué. Comme l'ont relevé M. Hodgers et bien d'autres intervenants, bien que M. Lamprecht ait déclaré que tout était clair et net - cela fait une année qu'il nous dit que «tout est clair, tout est net» - la facture ne cesse d'augmenter. Je ne prendrai qu'un exemple: il n'y a eu aucune évaluation des impacts en termes financiers du remplacement par l'Etat des quelque 1500 personnes travaillant actuellement en emploi temporaire dans l'administration. Je pense, par exemple, au Palais de justice qui compte une cinquantaine d'occupations temporaires, ainsi qu'à bien d'autres emplois dans l'administration. Il faudra bien remplacer ces emplois ! Il s'agit d'un impact budgétaire important qui est actuellement couvert par l'occupation temporaire et qui n'a pas du tout été évalué.

Une voix. Ce n'est pas vrai !

M. Rémy Pagani. Non seulement cet impact budgétaire n'a pas été évalué, mais il n'a pas été pris en compte par les députés qui ont proposé ce projet de loi ! Or, je rappelle que, jusqu'à preuve du contraire - jusqu'à ce que, peut-être, le Conseil d'Etat le reprenne à son compte - ce projet de loi a été présenté par des députés. Notre règlement nous impose donc de prévoir la couverture financière nécessaire. Nous estimons pour notre part que ce projet coûtera plus cher que l'ensemble de l'impact de la loi actuelle. Si tel n'est pas le cas, il s'agirait de nous le démontrer.

Puisqu'une couverture financière doit être prévue, nous vous proposons l'amendement suivant: «La couverture financière des dépenses découlant de l'application de la loi est prise en charge par le budget de fonctionnement de l'Etat». Parce qu'on voit très bien où vous voulez en venir: vous voulez que cette loi - comme d'ailleurs la loi sur la police - soit votée, et puis, quand il s'agira de voter les impacts financiers de ces lois dans le budget 2005, il n'y aura plus personne ! Vous direz: «Oh là là, il y a un trou dans la caisse, on ne vote pas les impacts» et vous augmenterez encore la pression sur les chômeurs - puisque l'on pourra, par exemple, dire que la loi imposant un bilan de compétences à tous les chômeurs coûte trop cher. Vous supprimerez alors l'impact financier des mesures que vous venez de voter ! C'est trop facile !

Nous vous demandons donc de voter cet amendement, car nous voulons voir immédiatement les conséquences des mesures sur le budget 2005 que vous venez de voter !

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons voter sur l'amendement de M. Pagani. Je vous rappelle que cet amendement consiste à ajouter un article 55B, intitulé: «Financement et charges financières», dont voici la teneur: «La couverture financière des dépenses découlant de l'application de la loi est prise en charge par le budget de fonctionnement de l'Etat». Nous procéderons par vote électronique.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 50 non contre 39 oui.

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté.

Le président. Nous sommes arrivés au terme de notre deuxième débat. Le troisième débat est-il demandé ?

M. Carlo Lamprecht. Il l'est ! (Rires.)

Troisième débat

La loi 8938 est adoptée article par article en troisième débat.

Le président. Nous allons voter sur l'ensemble de ce projet de loi.

Plusieurs voix. Monsieur le président, je demande l'appel nominal !

Le président. Appel nominal ? (Réponse affirmative de l'ensemble des députés.)Il y a au moins unanimité sur la question de l'appel nominal, ce qui n'est déjà pas mal... Le vote est lancé.

Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 8938 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 50 oui contre 39 non.

Appel nominal

Le président. Je vous souhaite une bonne rentrée dans vos foyers. Bonne nuit ! Nous nous revoyons la semaine prochaine à 17h.

La séance est levée à 0h.