Séance du vendredi 22 octobre 2004 à 17h
55e législature - 3e année - 12e session - 73e séance

La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Pascal Pétroz, président.

Assistent à la séance: MM. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat, Carlo Lamprecht, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Martine Brunschwig Graf, Laurent Moutinot et Micheline Spoerri, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Marie-Paule Blanchard-Queloz, Thomas Büchi, Anita Cuénod, André Hediger, Guy Mettan, Mark Muller, Jacques-Eric Richard, Jean Rémy Roulet et Pierre Schifferli, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons nos travaux où nous les avons laissés hier soir, c'est-à-dire au point 55 de notre ordre du jour.

PL 8938-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Pierre Weiss, Blaise Matthey, Gilles Desplanches, Jean-Michel Gros, Gabriel Barrillier, Jacques Jeannerat, Pierre Kunz, Claude Blanc, Stéphanie Ruegsegger, Patrick Schmied, Robert Iselin, Jacques Pagan modifiant la loi en matière de chômage (J 2 20)
Rapport de majorité de Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC)
Rapport de première minorité de Mme Nicole Lavanchy (AdG)
Rapport de deuxième minorité de M. Alain Charbonnier (S)
Rapport de troisième minorité de M. Antonio Hodgers (Ve)

Deuxième débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que la prise en considération de ce projet de loi a été votée hier soir. Nous sommes par conséquent en deuxième débat. Trois personnes sont d'ores et déjà inscrites. Puis-je dire que le titre et le préambule sont adoptés ou voulez-vous prendre la parole à ce stade? Monsieur Pagani, je vous donne la parole.

M. Rémy Pagani (AdG). Je reprends le débat où nous l'avons laissé hier soir - à minuit ou à 11h30, je ne sais plus exactement...

Je m'adresse plus particulièrement à vous, Monsieur le président. Vous m'avez empêché de prendre la parole pour proposer le renvoi en commission de ce projet de loi, et c'est pourquoi j'interviens maintenant. Je ne m'exprimerai pas - je tiens à le dire très clairement - sur les amendements, parce que le débat doit d'abord s'instaurer sur cette proposition de renvoyer ou non cet objet en commission.

Les arguments que je veux faire valoir sont de deux ordres. Le premier porte sur la couverture financière. Vingt-huit séances de commission ont été consacrées à ce projet, et M. Kunz ou M. Weiss - au moins cinq ou six fois - ont fourni des chiffres à géométrie variable, qui ne nous ont pas du tout convaincus quant au coût réel des mesures que nous allons voter ce soir. Il y a effectivement un report de charges des occupations temporaires, dont le coût a explosé - d'ailleurs, nous ne savons pas aujourd'hui combien elles coûtent exactement: un montant de 120 millions, 130 millions, 140 millions, a été avancé... Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas de chiffres sérieux. Par ailleurs, les allocations de retour en emploi vont certainement coûter plus cher - il s'agit d'une augmentation théorique - puisqu'on va passer d'une subvention de 20% à 30% à une subvention de 50% sur les deux premières années, pour inciter les employeurs à entrer en matière sur un tel contrat. Je le répète, nous n'avons pas d'informations sérieuses quant aux coûts réels de ces mesures, soit des chiffres fiables qui seraient donnés, par exemple, par la commission des finances. Ce projet de loi émane de députés, et, selon notre règlement, Monsieur le président, je vous fais remarquer que toute dépense supplémentaire proposée par les députés doit avoir une couverture financière.

Je demande donc le renvoi en commission de ce projet, à moins que des députés ne soient en mesure de nous indiquer son coût réel et sa couverture financière. D'après les débats d'hier soir, les choses sont encore floues à ce niveau: il y a entre autres le coût de la formation, qui va être obligatoire, et je vous signale que ce genre de mesure coûte excessivement cher, étant donné que ce sont des associations, notamment le Centre de Bilan Genève, CEBIG, qui doivent mettre organiser ces formations. Tous les chômeurs devront dorénavant passer par cette formation, c'est le premier point.

Le deuxième point est d'ordre beaucoup plus technique, je veux parler de l'inégalité de traitement entre les chômeurs. Vous savez comme moi, j'imagine, que dès le moment où, prenons cet exemple, je viendrais à être au chômage, eh bien, j'entre dans un délai-cadre de deux ans... (Exclamation de M. Jean-Michel Gros. Le président agite la cloche.)Monsieur Gros, je ne vous permets pas de rire, parce que beaucoup de nos concitoyens sont dans cette situation-là, et je vous prie de croire qu'ils ne sont pas en train de s'amuser !

J'expliquais donc qu'un chômeur dans notre canton, comme d'ailleurs dans toute la Suisse, bénéficie d'un délai-cadre de deux ans lorsqu'il se retrouve au chômage - je vais essayer de démontrer cela assez simplement alors que c'est très technique... S'il a de la chance, il retrouvera rapidement un emploi, deux mois après s'être trouvé au chômage, et cela, pour une durée de six mois. Mais lorsqu'il atteindra la fin du délai-cadre de deux ans, les six mois octroyés par ce projet de loi ne lui permettront malheureusement pas de renouveler son droit au chômage. Alors qu'un chômeur qui attend ou qui, par chance, retrouve un travail six mois avant la fin du délai-cadre, eh bien, lui verra ces six derniers mois se cumuler avec les six mois octroyés encore aujourd'hui par ce projet de loi - à moins qu'un amendement ne soit présenté pour supprimer cette mesure... Il bénéficiera donc d'un délai de douze mois pour obtenir un nouveau droit au chômage. Il y a donc une inégalité de traitement au niveau des délais-cadres entre les chômeurs qui retrouvent rapidement un travail pour une durée déterminée et ceux qui en retrouvent un six mois avant la fin de leur délai-cadre... (L'orateur est interpellé.)Oui, il faut suivre, justement, parce que c'est techniquement assez compliqué !

Ce projet de loi ne respecte donc pas l'égalité de traitement par rapport au délai-cadre, qui est inscrit dans la loi fédéral, et, en ce sens, il pourra être attaqué au niveau du Tribunal fédéral ! Et ce point n'a pas été traité par la commission. Je le sais, j'ai participé à tous les débats, je m'étais enquis de ce problème... Du reste, j'aurais apprécié que les juristes du département, si prompts à supprimer les droits aux chômeurs, mettent le doigt sur ce problème bien réel et qu'ils nous donnent une solution.

Je propose donc que ce projet de loi soit renvoyé en commission afin d'examiner cette question et trouver une solution pour que tous les chômeurs de notre canton bénéficient des mêmes droits par rapport aux six mois que nous allons octroyer.

Le président. Merci, Monsieur Pagani. Mesdames et Messieurs, une demande de renvoi en commission ayant été formulée, un député par groupe seulement pourra s'exprimer à ce sujet. Monsieur le conseiller d'Etat Carlo Lamprecht, je vous donne la parole puisque vous souhaitez vous exprimer à ce stade.

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Je le disais hier soir: il a fallu vingt-deux séances de commission pour traiter ce projet de loi. Je rappelle que chaque demande formulée auprès du département par les membres de la commission a fait l'objet d'une réponse. Si vous fouilliez un peu dans vos dossiers, Monsieur Pagani, je suis certain que vous trouveriez tous ces renseignements. En tout cas, nous avons distribué des documents avec énormément de nombreuses informations à ce sujet. Et je tiens à dire qu'après les travaux de commission, le 27 septembre, je suis encore venu vous parler de l'explosion des coûts et de ce que cela impliquait par rapport à la loi actuelle. Je vous ai également parlé des coûts de la formation - du reste, je les ai avec moi, je peux vous les communiquer. Vous êtes arrivé un peu tard, Monsieur Pagani, mais vous étiez présent. J'ai même évoqué les deux amendements que j'allais proposer ce soir: je vous en ai fait part le 27 septembre à 17h. Je le répète, il y a eu vingt-deux séances de commission pendant lesquelles nous avons pratiquement répondu à toutes vos questions, sauf à celles que vous n'avez pas posées, bien entendu... (Exclamations.)Sans parler de cette précision que j'ai apportée avant la séance plénière hors de l'ordre du jour... (L'orateur est interpellé par M. Pagani.)Vous êtes arrivé un peu tard, mais vous êtes marqué «présent»... Des témoins peuvent le confirmer: tous ces points ont été évoqués !

Vous voulez connaître le coût de la formation... En 2003, il était de 280 000 F - c'était peu de chose. Au budget 2005, il passe à 1,4 million et, au budget 2006, à 4,2 millions. Pour ce qui est des allocations de retour en emploi, un million a été dépensé en 2003 et le budget 2005 prévoit 4,3 millions.

Ces chiffres ont déjà été donnés et, je vous le répète, chaque question posée a fait l'objet d'une réponse détaillée. Nous avons distribué des liasses de documents, même des documents que nous distribuons au Conseil de surveillance du marché de l'emploi et fournissant des indications diverses comme l'âge des chômeurs, la nature des emplois, etc. Alors, ne venez pas nous dire aujourd'hui qu'il faut renvoyer ce projet de loi en commission sous prétexte que vous n'avez pas tous les éléments en main ! Si vous n'avez pas posé toutes les questions que vous vouliez, il faut vous en prendre à vous et rien qu'à vous ! On ne va pas reprendre ce débat qui a duré une année et demie et renvoyer ce projet de loi en commission ! Proposez des amendements si vous voulez, c'est votre droit le plus strict ! Nous en discuterons, et ce Grand Conseil décidera du sort qu'il faut leur réserver ainsi qu'au projet de loi. (Applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). Avant de m'exprimer sur le renvoi en commission, je ferai un petit commentaire sur la fin du débat d'hier soir... (Protestations.)

Durant le débat d'entrée en matière de hier soir, dix-sept intervenants - excepté les rapporteurs et M. le conseiller d'Etat Lamprecht - se sont exprimés, ce qui n'est pas négligeable. Je vous rappelle toutefois que ce projet de loi concerne essentiellement les 1600 personnes qui sont en emploi temporaire, soit environ 4000 personnes si l'on considère la cellule familiale de chacune d'entre elles. Il s'agit donc du sort de 4000 personnes qui connaissent une situation difficile, qui va s'aggraver dans la mesure où nous allons diminuer de façon drastique leurs moyens d'existence. Dix-sept intervenants, c'est beaucoup - certes - mais, en même temps, c'est très peu par rapport à ce que ce projet de loi va générer comme problèmes sociaux. Il me semble donc tout à fait normal que ce parlement prenne le temps de s'exprimer à ce sujet.

Monsieur le président, je vous estime beaucoup, je pense que vous êtes un excellent président, mais, hier soir, à mon avis, vous êtes tout de même allé un peu trop vite en besogne... (Rires et exclamations.)En effet, en ce qui me concerne, après être intervenu en quatrième position, après les quatre rapporteurs, j'ai redemandé la parole. Mais Mme Hagmann, dans sa grande sagesse, est venue vers moi pour me dire qu'elle était désolée, que la liste des intervenants était déjà close, et que je ne pouvais donc plus intervenir... Alors, c'est vrai, il y a deux façons de concevoir les débat: soit on a un a priori idéologique, et l'on décide depuis le départ qu'un projet est mauvais et qu'il faut le renvoyer en commission, soit on prend la peine d'écouter ce que les orateurs ont à dire, ce que les partis ont à dire. Et dans un projet comme celui-ci, qui, justement, a fait l'objet de vingt-deux séances de commission, il me semble opportun d'écouter les arguments des uns et des autres. D'autant plus lorsque des amendements sont présentés au dernier moment par tous les partis ! D'ailleurs, il y a tellement d'amendements qu'on se demande comment ce projet a pu réunir une majorité en commission ! Ce qui est paradoxal, c'est que même vous, Monsieur Lamprecht, vous déposez des amendements en plénière malgré toutes les séances de commission consacrées à ce projet: cela dénote un réel problème !

J'ai entendu les interventions des uns et des autres, mais je me demande si nous allons arriver à traiter ce sujet... C'est dommage, parce qu'il est important, il mérite que nous puissions en débattre en plénière et qu'on se mette d'accord.

Tout le monde peut reconnaître que la situation actuelle n'est pas satisfaisante, qu'elle doit être améliorée, que ce soit au niveau des emplois temporaires ou au niveau des allocations de retour en emploi. Les solutions que nous préconisons sont divergentes: Mme von Arx prône un consensus qu'elle pense avoir atteint - je pense que ce n'est pas le cas - M. Kunz propose de tout démolir et l'UDC, qui n'a absolument rien dit en commission, critique le système à tout va, en disant que rien ne fonctionne, que c'est nul et pas sérieux... En l'occurrence, l'UDC ferait mieux de rembourser ses jetons de présence de la commission de l'économie vu le travail qu'elle y a fourni: s'ils étaient versés au mérite, elle toucherait zéro franc ! (Applaudissements.)

Monsieur le président, je le répète: je regrette pour ma part que la liste des orateurs ait été close après dix-sept intervenants lors d'un débat d'entrée en matière sur un sujet aussi important !

J'en viens au renvoi en commission... (Exclamations de satisfaction.)Comme vous le dites: ah ! Je suis d'accord avec M. Pagani en ce qui concerne les chiffres. D'autant plus, Monsieur Lamprecht, que vous êtes revenu devant la commission de l'économie pour nous fournir des chiffres actualisés, car, évidemment, la situation se modifie de jour en jour et pas forcément dans un sens très positif. Il y a donc des éléments nouveaux et il faut en tenir compte. Je ne prétends pas que votre rôle est facile, mais il n'empêche que le compromis imaginé en raison des a priori idéologiques de certains mériterait une étude plus approfondie...

En ce qui me concerne, j'ai retrouvé les prévisions économiques pour les deux prochaines années dans un document récent, le communiqué du Centre de recherche conjoncturelle - le KOF: «Prévisions automne 2004». Je vous en lis un passage: «La croissance économique générera une nouvelle progression du nombre des actifs d'ici à la fin 2006. Cette évolution ne compensera toutefois pas le développement de l'offre, de sorte que le déséquilibre du marché du travail et, ainsi, le nombre des demandeurs d'emploi, de même que des chômeurs inscrits, poursuivront leur accroissement.» (L'orateur est interpellé.) C'est au niveau suisse ! (Le président agite la cloche.)En fait, le présupposé selon lequel on va améliorer les choses avec les allocations de retour en emploi n'est pas tout à fait fondé au niveau économique, et cela mériterait une étude un peu plus poussée pour déterminer quelles mesures pourraient être prises pour essayer d'améliorer leur efficacité.

A mon avis, le nombre des amendements déposés prouve qu'un retour en commission serait nécessaire, car il faudrait tout de même essayer de trouver un consensus pour améliorer la loi actuelle. Il y a bien une majorité, mais elle est de bric et de broc... Et je me réjouis de voir ce que cela va donner au niveau du résultat final. Ce qui est sûr, c'est que les choses ne vont pas dans le bon sens pour les chômeurs.

Je terminerai par ceci, Monsieur Lamprecht: vous avez évoqué hier soir la possibilité que nous aurions eue, au cours de nos travaux en commission, d'aller voir comment les choses se passaient à l'OCE... Je suis désolé, mais je ne me souviens pas d'avoir entendu cette proposition lors de nos vingt-deux séances. Nous avons effectivement reçu énormément d'informations; l'office cantonal et M. Perrin ont été d'une disponibilité extrême et nous ont fourni, effectivement, toutes les informations qu'ils pouvaient. Mais, je le répète, il ne me semble pas avoir entendu qu'il était possible de visiter l'OCE.

Je pense que nous devrions encore prendre le temps d'examiner ce projet: nous aurions tout à y gagner pour que cette loi porte ses fruits. (Applaudissements.)

M. Pierre Weiss (L). De deux choses l'une, soit l'Alliance de gauche souhaite que le projet de loi tel qu'il sera probablement voté ce soir fasse l'objet d'un référendum et soit soumis au peuple, soit elle a peur que ce projet de loi soit soumis au peuple, et c'est pour cela qu'elle demande son renvoi en commission... (Exclamations.)Je crains que M. Pagani ne préfère la deuxième solution ! L'Alliance de gauche devrait réviser l'appartenance de M. Pagani à son groupe !

M. Pierre Kunz (R). Je m'inscris en faux contre les propos de M. Pagani... Parce que jamais - jamais ! - je n'ai prononcé la phrase qu'il m'a prêtée ! Jamais je ne me suis inquiété des coûts, et cela pour une raison évidente: les radicaux savent très bien que la nouvelle loi coûtera obligatoirement moins cher... (L'orateur est interpellé.)Merci, merci ! (Le président agite la cloche.)Donc, elle coûtera obligatoirement moins cher que l'ancienne. L'argument que vous invoquez, Monsieur Pagani, est tout simplement ridicule !

De plus, il y a un problème philosophique qui nous concerne, nous radicaux: nous considérons en effet que l'aide à la réinsertion des chômeurs en fin de droit est un devoir de notre société. Et c'est ce problème-là que nous devons d'abord résoudre ce soir et non le problème financier, surtout quand on sait que la nouvelle loi coûtera moins cher que l'ancienne.

D'autre part, je dirai à M. Deneys que rien ne l'empêche - rien, vraiment rien ! - d'aller visiter tout seul les offices qu'il voudrait faire visiter à la commission. Figurez-vous, Monsieur Deneys, que nombreux sont les députés qui sont déjà allés rendre visite aux services de l'Etat pour s'informer avant de s'exprimer un peu stupidement devant ce parlement !

Les radicaux refuseront, bien entendu, le renvoi en commission de ce projet de loi.

M. Christian Bavarel (Ve). J'aimerais tout d'abord vous dire, Monsieur Weiss, que le but n'est pas de se livrer à un combat devant le peuple et de le gagner ou de le perdre... Il ne faut pas se tromper, le but est de faire quelque chose de positif pour Genève. Etant donné le nombre d'amendements présentés pour ce projet de loi et les problèmes qu'il soulève, sommes-nous certains de faire quelque chose de positif pour Genève et pour les chômeurs en particulier ? Je n'en suis absolument pas persuadé !

Une voix. Moi, oui !

M. Christian Bavarel. Ayant présidé les travaux de la commission, je le suis encore moins - mais ça, c'est un autre problème !

M. Christian Luscher. Qu'est-ce que ça change !

M. Christian Bavarel. Monsieur Luscher, vous me demandez ce que cela change d'avoir présidé les travaux... Ça change simplement que j'ai été obligé d'écouter tout le monde s'exprimer des deux côtés et que je n'ai pas pu dormir à certains moments - malheureusement - ce qui aurait été plus confortable... (Rires.)Voilà ce que ça change, Monsieur Luscher ! (Applaudissements.)

Le coût réel de ce projet de loi sera effectivement très difficile à chiffrer. Nous n'avons pas de chiffres à l'heure actuelle - c'est certain - et nous aimerions bien savoir ce que le transfert au RMCAS va impliquer. Les occupations temporaires avaient ceci de bon qu'elles permettaient aux personnes au chômage de travailler. A vous entendre, on a toujours l'impression que ces gens sont des flemmards... Pour ma part, je pense qu'un indivu qui est d'accord de prendre un travail - la plupart du temps relativement peu intéressant - et qui n'a pas de perspective n'est pas un flemmard, c'est quelqu'un qui veut travailler. Qu'il en soit, ces personnes effectuaient des tâches à l'Etat, il va bien falloir les remplacer et cela aura un coût. De combien ? Nous ne le savons pas non plus !

Les Verts soutiendront donc la proposition de renvoyer ce projet de loi en commission, au moins pour obtenir des informations à ce sujet. D'autant plus que même le département a des doutes, puisqu'il propose un amendement qui est loin d'être mineur. C'est en effet un amendement important, puisqu'il touche les indépendants, à un moment difficile pour eux: lorsqu'ils ont fait faillite et se retrouvent sans emploi. Nous ne demandons pas qu'on leur fasse un cadeau, nous demandons qu'ils bénéficient d'un travail pour une période donnée, même si ce n'est pas à long terme, pour qu'ils puissent soit recouvrer un droit au chômage, soit retrouver un autre boulot pendant ce temps.

Or, d'un seul coup, on a décidé de balayer tout cela. C'est nouveau, le département vient de le proposer; c'est une attaque frontale contre les indépendants qui se retrouvent dans une situation de crise ! Et nous ne comprenons pas pourquoi une telle mesure est proposée, de plus à la dernière minute en plénière. Nous aurions préféré pouvoir traiter ce sujet sérieusement, en commission. Alors, nous soutiendrons le renvoi en commission.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, nous avons l'honneur et le grand plaisir de saluer à la tribune du public la présence d'une délégation des services administratifs de la Douma de Moscou. (Applaudissements. Le président est interpellé. Rires.) Vous ne m'avez pas laissé finir de lire mon texte !

Nous citons M. OLeg Adabachian, chef d'appareil administratif de la Douma de Moscou, et ses collaborateurs. Nous citons aussi les responsables du département des relations avec le pouvoir d'Etat du gouvernement de Moscou; des départements administratifs, de l'informatique et analytique; du département d'organisation de fonctionnement de la Douma, du droit de l'Etat, des services des relations publiques, du personnel de la Douma, du département de documentation et de celui des finances. Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente du Grand Conseil, a rencontré ces responsables tout à l'heure. Nous tenons à leur souhaiter la bienvenue.

Monsieur le député, Gilbert Catelain, vous avez la parole.

M. Gilbert Catelain (UDC). Tout à l'heure, un commissaire a été mis en cause par un représentant du groupe socialiste alors qu'il est absent. J'aimerais bien que le président de ce Grand Conseil intervienne dans ce genre de situation, parce que je trouve absolument inacceptable que l'on mette en cause un commissaire qui a certes ses qualités et ses défauts, mais aussi son honorabilité. Que vous, Mesdames et Messieurs les députés qui siégez sur des bancs d'en face, le critiquiez sur un certain nombre de points lorsqu'il est là, cela ne me pose aucun problème; mais en son absence, je ne suis plus du tout d'accord ! Et dans le domaine qui nous occupe, prétendre qu'il n'a pas participé aux travaux de commission est à mon avis totalement inadmissible ! En tout cas, si tout le monde s'était comporté comme lui, nous serions probablement arrivés au même résultat et au même projet de loi, mais certainement avec moins de séances de commission... (Rires.)Je pense que c'est plutôt à vous de rembourser les jetons de présence ! (Rires et exclamations. Le président agite la cloche.)

Le président. Laissez parler M. Catelain, s'il vous plaît !

M. Gilbert Catelain. Je rappelle que ce commissaire est un représentant de l'économie; que lui, au moins, a su créer des emplois; qu'il a voulu les créer sur la place de Genève, mais qu'à l'époque le canton de Genève avait refusé l'implantation de son entreprise et qu'il a dû l'installer dans le canton de Vaud; qu'actuellement il souhaite la revendre et tente tout ce qui est en son pouvoir pour qu'elle ne soit pas délocalisée à l'étranger pour maintenir des places de travail en Suisse. Alors, ayez un peu de respect, Messieurs ! Je vous prie, pour la sérénité des débats, de rester factuels et de ne pas vous livrer à des attaques personnelles. Je trouve cela absolument dégradant et indigne de ce parlement ! (Exclamations. Applaudissements.)

M. Antonio Hodgers (Ve), rapporteur de troisième minorité. Je crois que M. Pagani a raison de soulever le problème budgétaire parce que, contrairement à ce que vous avez dit, Monsieur Kunz, selon un tableau récapitulatif des scénarios des dépenses futures aux mesures cantonales, réalisé par le département de l'économie et de l'emploi, le projet de loi 8938 amendé coûterait 49,85 millions, alors qu'avec la loi actuelle le montant s'élèverait à 45,8 millions seulement. (L'orateur est interpellé.)Eh bien, alors ! Si je calcule bien, cela fait tout de même 4 millions de plus, et il faut préciser que ce tableau n'intègre que les frais du département de l'économie et de l'emploi. En effet, si un de vos objectifs avoués est de faire passer plus rapidement certaines personnes qui sont au chômage à l'assistance, il y aura un transfert de charges. Aujourd'hui elles peuvent bénéficier du chômage pendant une durée de cinq ans, mais avec les mesures que vous proposez elle n'en bénéficieront que de deux et demi. Actuellement, ce différentiel de deux ans et demi est essentiellement payé par Berne avec le deuxième délai-cadre. Demain, avec votre projet de loi, ce même délai de deux ans est demi sera payé par Genève, non pas par le département de M. Lamprecht, mais par celui de son collègue, M. Unger ! Et nous n'avons aucune évaluation de ce que ce coût induira. Par conséquent, ce projet de loi coûterait déjà 4 millions de plus rien que pour le département de l'économie et de l'emploi, et sans tenir compte des coûts induits qui seront à la charge du département de l'action sociale et de la santé !

Alors, je vous prie de revenir à la raison budgétaire et de renvoyer ce projet de loi en commission pour obtenir enfin tous les chiffres.

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de deuxième minorité. Déjà hier soir, en tout début de débat, vers 21h15, j'ai mentionné que le rapport de majorité - qui compte tout de même 166 pages - ne comporte aucun chiffre quant à l'évaluation des coûts de ce projet de loi. Et pourtant, la droite nous donne toujours beaucoup de leçons lorsque nous présentons des projets de loi sans couverture financière. Je soutiens évidemment la demande de M. Pagani de renvoyer ce projet de loi en commission, de façon qu'on nous communique des chiffres précis.

M. Lamprecht nous a dit tout à l'heure qu'il est venu le 27 septembre devant la commission pour nous fournir des chiffres... Il nous a en effet donné des chiffres par rapport à la loi actuelle, mais il n'a aucunement fourni de chiffres basés sur les projections de ce projet de loi tel qu'amendé par la commission !

M. Lamprecht nous a également parlé de la formation, en la budgétisant à 4 millions pour 2005... C'est bien cela, n'est-ce pas ? Dans le seul tableau qui nous a été fourni sur le coût du projet de loi amendé par le département, le coût de la formation était déjà de 9,35 millions... Et vous, vous parlez d'un montant de 4 millions, malgré l'explosion du nombre des chômeurs prévue en 2005 ! Cela mérite vraiment une explication concrète et correcte, et nous demandons donc le renvoi de ce projet de loi en commission.

Je terminerai sur les propos de M. Weiss qui a dit à M. Pagani - je servirai d'intermédiaire, puisque M. Pagani ne peut plus répondre - que nous aurions peur de lancer un référendum... Non, ce n'est pas le cas ! Nous, nous voulons simplement défendre les chômeurs et chômeuses de longue durée, et c'est pour cela que nous laisserons jamais passer ce projet de loi tel qu'issu des travaux de la commission. Nous ferons tout pour l'amender d'une façon ou d'une autre et démontrer que vous êtes en train de commettre une grossière erreur.

C'est pour cela que nous demandons le renvoi en commission - pour le moment. Dans un deuxième temps, sachez que nous n'aurons pas du tout peur de lancer, s'il le faut, un référendum à ce sujet !

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Cela n'a aucun sens de renvoyer ce projet de loi en commission. Nous avons travaillé le plus sincèrement possible, et le projet de loi qui vous est proposé ce soir est réaliste et pragmatique. Le renvoyer sous sa forme actuelle en commission est un blocage politique: c'est là une volonté délibérée de ne pas avancer dans ce dossier.

Il s'agit pourtant de mesures qui seront extrêmement utiles, justement pour les chômeurs. Et si les coûts augmentent - ce que vous avez l'air de craindre - c'est effectivement parce que, malheureusement, le nombre des chômeurs augmente ! Et ce projet de loi propose trois types de mesures: le renforcement de la formation intensive pour les chômeurs, la mobilisation des employeurs et le rôle incitateur de l'Etat.

Cet instrument, qui vous est proposé sous forme de projet de loi, est ce qu'il y a de plus adéquat pour réinsérer les chômeurs dans le monde du travail. C'est ce que nous voulons tous ! Alors, s'il vous plaît, ne le renvoyez pas en commission !

Le président. Merci, Madame la rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant la demande de renvoi en commission formulée par M. Pagani. Le vote électronique est lancé.

Mis aux voix, le renvoi du projet 8938-A en commission est rejeté par 50 non contre 36 oui.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. A l'article 1 - intitulé «But» - de la loi en matière de chômage, nous sommes saisis d'un amendement présenté par le groupe UDC. Cet amendement vous a été distribué, il consiste à ajouter une lettre c) à l'article 1 de la loi.

M. Gilbert Catelain (UDC). Effectivement, à la relecture de ce projet de loi, nous avons pensé, par rapport aux profondes modifications de notre environnement économique suite à l'introduction des accords bilatéraux, qu'il fallait aussi inciter l'Etat et, donc, les bureaux de placement, à mieux informer les chômeurs des restructurations majeures que cela implique, à savoir qu'ils sont en concurrence avec les chômeurs européens. Il peut sembler qu'on est encore dans une situation où les placeurs vont pousser psychologiquement un chômeur, malgré lui, à attendre un peu plus longtemps avant d'accepter un emploi qui lui est proposé, simplement parce qu'il peut espérer qu'une autre place va se présenter à lui trois mois après à de meilleures conditions, alors que cet emploi-ci sera peut-être le seul à correspondre à son profil de carrière ou à sa capacité professionnelle et qu'il aurait certainement intérêt à l'accepter, même s'il est un peu moins rémunéré et moins intéressant au niveau des conditions.

Nous connaissons cette situation: comme je l'ai dit hier, toutes catégories professionnelles confondues, beaucoup de personnes, dont le pays d'origine offre des places de travail à des salaires nettement moins favorables, sont tout à fait disposées à accepter les emplois du marché local. Donc, la loi sur le chômage ne doit pas seulement se contenter de traiter l'aspect social de ce problème, elle doit être un outil incitatif qui redonne aux chômeurs le goût au travail et qui les pousse psychologiquement à retrouver un emploi le plus rapidement possible.

On peut discuter de la formulation de la lettre c) qui vous est proposée, mais nous voulons donner cette mission au Conseil d'Etat, parce que c'est de sa responsabilité: c'est lui qui a les moyens d'agir auprès des chômeurs et de leur faire savoir, par le biais d'une campagne d'information générale ou particulière, que les conditions-cadres ont changé, que les chômeurs doivent en prendre conscience, et que plus rien ne sera comme avant.

M. Rémy Pagani (AdG). Je demande également à M. Catelain qu'il nous fournisse une couverture financière pour cet amendement. En effet, la campagne d'information qu'il propose augmentera encore le coût de ce projet de loi. Mais cela n'est qu'un détail par rapport à ce que j'ai à dire.

M. Lamprecht a fait une campagne d'information pour demander aux employeurs - puisque nous en sommes réduits à quémander ce qui était évident - de privilégier les personnes qui vivent dans cette région. Quand je parle de région, je sais de quoi je parle. Et le résultat de cette démarche, qui tient plus du voeu pieux qu'autre chose, a été nul ou presque ! Vous le savez, il ne faut pas être naïf, Monsieur Catelain, les employeurs agissent en fonction de règles économiques qui leur imposent un certain nombre de choses, notamment d'être plus concurrentiels que leurs voisins. Et, dès lors qu'on permet à ces employeurs d'être plus concurrentiels en abaissant la masse salariale de leur entreprise et que leurs voisins font de la sous-enchère salariale en engageant du personnel à moindre coût, ils ne peuvent qu'en faire autant s'ils veulent rester dans le coup ! Alors, la démarche que vous nous proposez est un voeu pieux: elle revient à dire aux employeurs qu'ils doivent engager de la main-d'oeuvre locale parce qu'ils peuvent bénéficier des ARE et toute une série d'instruments à leur disposition... Mais cela ne changera rien du tout: c'est de la poudre aux yeux pour rassurer la population !

Deuxième problème: jusqu'au 1er juin, les employeurs avaient l'obligation de faire paraître leurs offres d'emplois; les listes étaient donc disponibles pour les chômeuses et les chômeurs, que ce soit dans les caisses de chômage ou à l'office cantonal de l'emploi. Mais, depuis le 1er juin, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est plus une obligation ! Et l'on a vu - d'ailleurs, cela a été reconnu en commission par l'office cantonal de l'emploi - le nombre de ces offres d'emploi destinées à l'Etat baisser dramatiquement ! Non seulement les employeurs ne respectent pas le voeu pieux de M. Lamprecht qui leur demandait d'engager du personnel local mais, en plus, ils ne se donnent même plus la peine - enfin, c'est vrai pour la majorité d'entre eux - d'informer l'office cantonal de l'emploi des offres d'emploi qu'ils font paraître, non pas par le biais des petites annonces dans les journaux qui sont devenues obsolètes, mais sur Internet. Et tout cela échappe complètement à l'autorité au détriment des chômeurs: c'est la loi de la jungle ! Si vous voulez aggraver la situation, c'est de votre responsabilité, mais nous ne soutiendrons pas ce genre de proposition !

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Jean Spielmann (AdG). Je voudrais tout de même intervenir sur le fond du problème. Car il me semble qu'à partir du moment où l'on évoque les problèmes de la libre circulation en Europe et qu'on remet sur le tapis le débat sur les bilatérales, il convient de rappeler que des mesures d'accompagnement avaient été prévues pour pallier précisément leurs conséquences sur le chômage - c'est ce dont vous parliez dans votre intervention. On avait en effet promis à la population suisse que des mesures d'accompagnement seraient mises en place au moment de l'entrée en vigueur des bilatérales, avec des conventions collectives et des normes qui devaient protéger les travailleurs, mais, aussi, les entreprises dans une certaine mesure. L'entrepreneur qui a une activité dans ce canton a tout autant intérêt que les mesures d'accompagnement soient appliquées: pour protéger son entreprise d'un éventuel dumping salarial et social. En effet, ce dernier constituerait une double catastrophe, cela réduit la capacité des entreprises à répondre aux besoins, et cela génère du chômage parce qu'elles embauchent la main-d'oeuvre la moins chère. Il y a donc deux problèmes, et dans les deux cas, Monsieur Catelain !

Hier, nous avons parlé des employés agricoles, des conventions collectives... A chaque fois que nous proposons des mesures pour protéger les employés, qui se lève pour s'y opposer ? Vous ! C'est une hypocrisie, parce que, dans le fond, vous êtes d'accord avec la liberté économique, mais vous ne voulez pas mettre des garde-fous pour protéger les employés et les activités de ce canton !

Je l'ai déjà dit dans cette salle, mais je crois que cela vaut la peine de le répéter: le problème de fond c'est qu'il y a 20'000 chômeurs... C'est, bien sûr, beaucoup trop ! Même un chômeur est de trop ! Et je trouve assez déplacé que vous indiquiez dans l'exposé des motifs que les chômeurs se sentent aujourd'hui en sécurité, qu'ils sont à l'aise, etc. C'est une insulte aux chômeurs ! Tout le monde le sait: le chômage est un drame humain pour chaque personne qui le subit. C'est un drame pour sa famille. Vous le savez, et les statistiques sont là pour le confirmer: la plupart en tombent malades ! Surtout quand ces personnes ont un certain âge ! Et nombreuses sont celles qui ont recours à l'AI avant d'atteindre l'âge de la retraite, très souvent pour des raisons psychologiques découlant de l'encadrement professionnel. Alors, venir prétendre que les chômeurs ont un sentiment de sécurité, c'est inadmissible ! Ce n'est pas du tout le cas ! Le problème de fond, c'est précisément qu'il faut cerner cette réalité, et c'est 20'000 chômeurs ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

Et en parallèle, Mesdames et Messieurs les députés, 70'000 emplois sont occupés par des personnes qui viennent de l'extérieur du canton ! Rien que l'année dernière, il y a eu 6000 frontaliers de plus ! Et pourquoi ? Si l'on examine dans le détail les conséquences du chômage et qu'on analyse le profil actuel des chômeurs - le Conseil d'Etat pourra nous le confirmer ou l'infirmer - on voit qu'il s'agit de personnes entre 35 et 40 ans, très souvent bien qualifiées, voire hautement qualifiées, dans le domaine des banques et de l'administration; elles se voient remplacées pas d'autres personnes embauchées à des conditions bien moins bonnes, c'est ce qu'on appelle: le dumping salarial.

Alors, pensez-vous que la population va accepter encore longtemps qu'on fasse venir quelque 70'000 personnes de l'extérieur du canton quand il y a 20'000 chômeurs payés par les contribuables ? Pensez-vous que c'est une bonne politique ? Vous ne croyez pas qu'il serait plus intelligent, dans le cadre des bilatérales, d'instaurer des mesures d'accompagnement pour faire cesser ce dumping salarial et social ?! C'est là le fond du problème ! Et quelles que soient les mesures que vous prendrez aujourd'hui, en insultant au passage ceux qui sont au chômage, vous ne répondrez pas aux réelles exigences du moment, c'est-à-dire mettre en place un dispositif permettant aux personnes qui vivent dans ce canton de trouver un emploi qualifié et de préserver et nos entreprises et les employés du dumping salarial et social. C'est cela, la réalité !

Ce projet propose des remèdes superficiels, mais le problème de fond n'est pas traité. C'est pour cela que j'interviens, Monsieur Catelain ! Pour dénoncer vos positions politiques, pour dénoncer votre refus d'établir des mesures d'accompagnement et des conventions collectives, pour dénoncer la non-obligation de titulariser des fonctionnaires de ce canton, ce qui permettra - c'est le préalable à la suppression de leur statut - de les recruter à l'extérieur du canton. C'est ce que vous défendez, et ce que vous allez défendre dans votre prochain projet de loi, c'est-à-dire trouver du personnel moins cher pour remplir des tâches relatives à l'autorité. Est-il normal d'accepter que nos gendarmes, qui exercent une fonction d'autorité, puissent ne pas habiter dans notre canton, ce qui signifie qu'ils ne côtoient pas la population ? C'est cela la politique que vous voulez mettre en place ? Et c'est encore vous qui attisez la haine de l'étranger ! Je trouve que vos discours et vos positions politiques sont tout à fait contradictoires: ils doivent être dénoncés, et je le fais ici !

Monsieur Catelain, 70'000 employés passent la frontière pour travailler à Genève quand il y a 20'000 chômeurs, et vous refusez de mettre en place des mesures d'accompagnement ! Vous refusez de mettre en place un dispositif pour éviter que le nombre de chômeurs n'augmente, et c'est encore vous qui les insultez en disant, dans un exposé des motifs, qu'ils ont un faux sentiment de sécurité... C'est inadmissible, inacceptable, et je pense que cela devait être dit dans cette enceinte !

M. Roger Deneys (S). Je voudrais tout d'abord revenir sur le fait que j'aurais mis en cause personnellement le représentant de l'UDC en commission... Ce n'est pas du tout le cas ! Ma critique s'adresse au groupe: hier, vous avez évoqué le fait que le résultat n'était pas forcément satisfaisant de votre point de vue... En l'occurrence, vous auriez eu la possibilité de nommer un autre représentant au sein de cette commission pour participer à ces vingt-deux séances. Cela nous aurait permis d'avancer en commission et cela vous aurait évité de déposer des amendements en plénière ! Je me réfère à la page 19 du rapport de majorité de Mme von Arx-Vernon, et je vous laisse prendre connaissance du passage sur la prise de position de l'UDC - que je ne lirai pas ici par souci d'apaisement des esprits... (L'orateur est interpellé.)Non, pas cette fois, peut-être plus tard !

Je reviens sur l'amendement proposé par l'UDC, qui me sidère également... J'ai en effet énormément de peine à l'accepter - et je pense que c'est le cas de tous les socialistes - parce que je ne le comprends pas dans le sens qui a été évoqué par M. Pagani ou par M. Spielmann. Pour moi, cette mission d'information vise à mettre des affiches au nom de la République et canton de Genève pour avertir les citoyens de ceci: «Citoyens travailleurs, le chômage vous guette !». Cela signifie en gros: «Taisez-vous, acceptez les baisses de salaire, acceptez les augmentations de temps de travail, acceptez de travailler le dimanche!» En bref: «Fermez-là, sinon vous risquez un jour d'être virés !». (L'orateur est interpellé.)Je suis désolé, votre argumentaire dit ceci: «... si l'on veut que la population collabore en ajustant ses comportements... ! Pour moi, «la population», c'est tous les citoyens. Si c'est cela, votre mission d'information, terroriser la population genevoise en lui faisant passer un message de crainte par rapport à l'emploi, effectivement la Suisse n'est plus sur son petit nuage, comme c'était le cas il y a quelques années - certes - mais il n'empêche que ce n'est pas avec une telle démarche qu'on risque d'améliorer les choses ! Et s'il faut investir des moyens supplémentaires, il faut les octroyer au département pour la formation, pour les reconversions, pour les ARE, mais certainement pas pour perdre du temps à terroriser la population !

M. Pierre Weiss (L). A première vue, la proposition d'amendement de l'UDC semble intéressante, néanmoins j'ai bien peur qu'on mélange des choses qui n'ont rien à voir avec la loi sur le chômage. En particulier, le fait de vouloir introduire dans le but de la loi une mission pour le Conseil d'Etat... Je me méfie de lui confier des missions en matière de campagne d'information, alors qu'il n'est pas encore en mesure de nous dire de combien il dispose de chargés de communication et quels sont les coûts de sa communication. Par conséquent, rien que pour cette raison, j'aurais bien de la peine à entrer en matière.

Mais il n'y a pas que le coût et l'efficacité de la communication du Conseil d'Etat qui me font hésiter, il y a aussi l'exposé des motifs. Ce dernier, me semble-t-il, mélange le problème posé par la libre circulation des travailleurs, notamment dans le cadre de l'extension aux dix nouveaux membres des pays de l'Union européenne, avec une situation bien concrète: à savoir les mesures cantonales en matière d'aide aux chômeurs. De ce point de vue, on vient de constater sur certains bancs les débordements auxquels cela pouvait conduire...

Je préciserai encore deux points «de détail» - si j'ose dire - qui montrent combien certains intervenants ont peu connaissance du sujet. On parle de 20'000 personnes au chômage: il ne s'agit pas de chômeurs, mais de demandeurs d'emploi ! Le nombre de chômeurs est inférieur... (L'orateur est interpellé.)Monsieur Pagani, je ne vous ai même pas cité ! (La présidente agite la cloche.)D'ailleurs, vous ne le méritez pas ! (Exclamations.)Lorsqu'on parle de 20'000 personnes, il s'agit de demandeurs d'emploi qui comprennent en particulier plus de 15'000 chômeurs ! (Exclamations.)

Le deuxième point concerne les affiches dont parlait M. Deneys. Il me semble que sa conception du monde des affiches est un peu américanisée... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)On peut en effet lire sur certaines affiches: «Chômeur, va travailler !». Ce n'est évidemment pas à cela, me semble-t-il, que pensait l'UDC avec sa proposition d'amendement. Par conséquent, Monsieur Deneys, pour la sérénité des débats, vous devriez vous abstenir de ce genre de remarque !

Je vous remercie, Madame la présidente, et, par conséquent, nous nous abstiendrons...

La présidente. Merci, Monsieur Weiss. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de ne pas vous interpeller ! Madame Michèle Künzler, vous avez la parole.

Mme Michèle Künzler (Ve). Pour ma part, je suis assez sidérée de l'amendement présenté par l'UDC. En principe, votre cheval de bataille, c'est l'insécurité... Mais, là, vous donnez mission au Conseil d'Etat de créer l'insécurité ! C'est exactement ce que l'on comprend en lisant l'exposé des motifs. Vous voulez faire peur aux chômeurs pour qu'ils acceptent n'importe quel travail, à n'importe quelles conditions - sinon quelqu'un d'autre prendrait leur place... Et cette mission-là, c'est vraiment de l'incitation à la peur. Or une mission du Conseil d'Etat ne peut pas consister à créer l'insécurité !

Nous refuserons cet amendement.

M. Gilbert Catelain (UDC). Je vais clarifier le but de cet amendement en répondant à certaines interventions, notamment à la dernière...

A partir du moment où les fonctionnaires de l'Etat qui travaillent dans les offices de placement reçoivent des offres d'emploi d'entreprises qui respectent les conventions collectives, je trouve inadmissible que des députés commissaires puissent se permettre de dire qu'il s'agit d'accepter n'importe quoi ! Ces emplois font l'objet de conventions collectives, qui ont été signées avec des syndicats: on ne peut pas dire qu'il s'agit de n'importe quoi !

Par contre, je donnerai effectivement raison sur un point à M. Pagani: beaucoup moins d'offres d'emploi arrivent dans les offices de placement. C'est vrai, parce que ces annonces sont directement adressées à l'ANPE - c'est clair - et, effectivement, on les propose aux gens qui sont dans cet environnement autour de Genève, parce que le marché de l'emploi, c'est Genève. Ça, c'est la réalité !

Donc, le but de cet amendement n'est pas de faire une campagne d'affichage - et vous l'aviez très bien compris: ce n'est pas du tout ça !- mais de lutter contre une sous-estimation de la situation actuelle. Par exemple, lorsque ma femme a été licenciée il y a quelques années, dans le secteur informatique, je me souviens qu'elle a été convoquée à l'office de placement; eh bien, l'employé de cet office recevait les offres d'emploi par fax, les lui lisait, disait que ce n'était pas assez payé pour elle, et les mettait à la poubelle - elle n'a même pas eu le temps de lui dire qu'un emploi à 20 F ou 25 F de l'heure ça l'intéresserait tout de même, il les avait déjà mises à la poubelle sans plus de discussion. Et ce même employé de l'office du placement l'a rassurée, lui expliquant qu'elle n'était pas pressée, qu'elle avait le temps, puisqu'elle avait droit à deux ans de chômage, etc. (Exclamations.)Mais si, ça existe encore ! Ca existe, que vous le vouliez ou non, et c'est contre cela qu'on veut lutter !

Ainsi, il ne s'agit pas d'introduire une base légale à partir d'un cas particulier, mais il n'empêche que la situation a fondamentalement évolué. Il appartient donc aux employés des offices de placement de donner aux chômeurs une information objective sur le marché de l'emploi et de leur dire, par rapport à leur cursus professionnel, que la meilleure chose à faire est de retrouver un emploi le plus rapidement possible. Nous devons en effet absolument améliorer la situation d'aujourd'hui: c'est-à-dire qu'en deux ans le nombre de chômeurs de longue durée est passé de 3184 à 5311, soit 67% d'augmentation, car on sait très bien que plus on laisse quelqu'un en inactivité, en période de chômage, plus dur sera le chemin pour retrouver un emploi !

Le seul but de cet amendement, c'est d'aider le chômeur en l'informant mieux pour qu'il prenne conscience qu'il doit retrouver un emploi le plus rapidement possible. C'est aussi une bonne chose sur le plan social. Vous savez très bien que le travail est un facteur d'intégration sociale. Et quant aux faux-procès qui ont été faits, vous savez - en tout cas ceux qui ont lu le programme politique de l'UDC - que cette dernière a toujours milité pour donner la priorité aux travailleurs suisses indigènes, entre autres, et qu'elle a toujours été très sceptique par rapport aux accords bilatéraux... (Exclamations. La présidente agite la cloche.)Par ailleurs... (L'orateur est interpellé.)Oui, du bout des lèvres ! (Exclamations.)Et vous êtes mal placés pour nous donner des leçons dans ce domaine, parce que vous êtes les premiers à favoriser l'immigration illégale, le séjour illégal, et à organiser des comités de soutien pour que les personnes en question, qui ont des difficultés à s'intégrer dans le marché du travail, restent ici ! Et quand elles ont obtenu un permis B, elles deviennent des chômeurs. (Applaudissements.)

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont inscrits: MM. les députés Souhail Mouhanna, Alberto Velasco, Rémy Pagani, Patrick Schmied, Jean Spielmann - et j'ai une bonne nouvelle, Monsieur Deneys: vous êtes dans la liste ! Ensuite, bien sûr que les rapporteurs pourront s'exprimer.

M. Souhail Mouhanna (AdG). De l'ensemble des interventions de la droite de ce parlement, il ressort une seule version: les chômeurs sont responsables de leur situation.

M. Catelain vient même de déclarer une chose vraiment surprenante: il estime en effet que dire à un chômeur qu'il a un droit au niveau de l'assurance-chômage l'encouragerait au chômage... C'est comme si le fait de dire à quelqu'un qu'il a une assurance-maladie lui donnait envie de tomber malade ! Non, Monsieur Catelain, cela ne se passe pas comme cela. Les gens n'ont pas envie d'être au chômage; ils n'aiment pas ça !

Quand il s'agit des travailleurs, des gens qui sont fragiles, qui sont les victimes d'une certaine politique, vous montrez une dureté exceptionnelle... Mais vous ne mettez jamais en cause ceux qui sont responsables de cette situation ! A aucun moment, vous, les représentants de la droite, n'avez évoqué, ne serait-ce qu'un instant, par la bande, les principaux responsables du chômage... Quand il y a un nouveau chômeur, c'est que quelqu'un l'a licencié, c'est que quelqu'un l'a mis dehors ! Mais vous n'êtes pas du tout intéressés de savoir dans quelles conditions les choses se passent.

Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés de droite, vous nous avez habitués à vous attaquer aux travailleurs, à vous attaquer aux chômeurs, à vous attaquer aux vieux, à vous attaquer à la fonction publique, et j'en passe ! Eh bien, pour une fois - pour une fois, parce que j'y suis le plus souvent tout à fait opposé - je ne serai d'accord qu'à moitié avec l'amendement de l'UDC, qui indique, à la lettre c): «donne mission au Conseil d'Etat d'oeuvrer à la prévention du chômage, notamment par...». Je m'arrête là et je propose un sous-amendement qui finirait la phrase de la manière suivante: «...des mesures destinées à décourager les entreprises bénéficiaires de procéder à des licenciements économiques.»

M. Alberto Velasco (S). J'aimerais répondre à mon collègue Catelain que le raisonnement qu'il a tenu tout à l'heure et que ce qu'il a dit notamment par rapport à son épouse n'est pas correct.

Je vais vous expliquer pourquoi. D'abord, comme l'a relevé M. Mouhanna - Monsieur le président, vous le direz aussi - le rôle des fonctionnaires est de protéger les chômeurs. Tout simplement parce que, si un chômeur accepte un emploi à un salaire trop bas, il court le risque - s'il perd son emploi au bout de trois ou quatre mois, Monsieur Catelain - de ne toucher que 80% de son dernier salaire lorsqu'il sera à nouveau au chômage. Ecoutez-moi, Monsieur Catelain... J'imagine que certains chômeurs seraient enclins à accepter un poste moins rémunéré, mais, Dieu merci, il y a des fonctionnaires qui font leur travail comme il le faut, qui respectent les chômeurs, qui les conseillent et les protègent. Je dois dire, Monsieur le président, que j'ai eu affaire à des fonctionnaires de ce type à l'office cantonal de l'emploi et je leur rends hommage - oui, Monsieur Catelain, et vous ne pouvez pas les mettre en cause à ce niveau !

Monsieur Catelain, vous voulez donner une mission impossible au Conseil d'Etat ! Vous parlez d'une «information correcte si l'on veut que la population collabore en ajustant ses comportements à la menace telle qu'elle est...». Qu'est-ce que cela veut dire ? Vous auriez dû nous expliquer ce que cela signifie; en ce qui me concerne, je pensais que vous alliez le faire. Est-ce que cela voudrait dire aux gens: «Ecoutez, il y a 20'000 chômeurs à Genève et il y a 1000 emplois: acceptez n'importe quel emploi !» Est-ce que vous voulez dire ? Supposons que cela soit le cas.. Eh bien, ces gens vont se retrouver, comme je vous l'ai dit, avec des salaires moindres. Et ensuite, c'est M. Unger qui viendra formuler une demande de budget supplémentaire pour l'Hospice... (Remarque.)Oui, Monsieur Catelain, c'est déjà arrivé ! C'est déjà arrivé dans les derniers comptes ! On nous a dit, aux finances, que l'augmentation de l'aide sociale à l'Hospice était en partie due aux travailleurs pauvres... Ce sont des personnes qui travaillent, qui ont une famille, mais qui n'arrivent pas à boucler leur budget et qui se voient dans l'obligation d'avoir recours à l'Hospice pour demander une rallonge ! On retrouve donc à la charge du budget de l'Etat ce que vous voulez économiser par ailleurs ! Monsieur Catelain, vous devez mener une réflexion globale à ce sujet.

J'espère, Monsieur le président du département, que vous nous expliquerez cela lorsque vous interviendrez, notamment pour M. Catelain qui croit que les employés de l'office cantonal de l'emploi ne connaissent pas leur travail... Ils le connaissent très bien, Monsieur Catelain ! Le problème est ailleurs: c'est qu'il n'y a que très peu d'offres pour des dizaines et des dizaines de demandeurs d'emploi, lesquels sont pourtant parfois très bien formés ! Donnez-moi un poste à pourvoir à l'Etat et je vous trouve dix personnes capables d'en remplir les fonctions aujourd'hui ! Quand vous voulez, Monsieur, j'en connais !

Je le répète: le problème n'est pas là. Le problème est qu'il n'y a pas assez de places de travail et qu'il faut en créer. Et ce n'est pas en péjorant le budget de l'Etat et en rognant sur les postes à l'Etat que le chômage pourra diminuer dans ce canton.

M. Rémy Pagani (AdG). Monsieur Weiss, vous nous faites croire... (L'orateur cherche M. Weiss du regard.)Oui, vous êtes là... Vous nous insultez en prétendant que nous ne connaissons pas le problème du chômage... (L'orateur est interpellé.)Oui, vous insultez mon collègue qui a avancé le chiffre de 20'000 chômeurs dans ce canton ! Monsieur Weiss, je vous renvoie à vos études: vous êtes professeur d'université, vous devriez savoir le minimum de choses... (Exclamations.)Attendez ! Attendez, avant de partir ! Vous nous faites croire que les demandeurs d'emploi ne sont pas des chômeurs et que seuls comptent ceux qui sont véritablement inscrits au chômage. Mais ces demandeurs d'emploi sont chômeurs, Monsieur Weiss !

M. Pierre Weiss. Non, non !

M. Rémy Pagani. Alors, pourquoi s'inscrivent-ils ? (L'orateur est interpellé. Le président agite la cloche.)

Le président. Monsieur Weiss, laissez parler M. Pagani !

M. Rémy Pagani. Ah, oui ?! Il y a des demandeurs d'emploi qui sont non-chômeurs ! Alors, venons-en au fait: pourquoi voulez-vous... (L'orateur est interpellé par M. Weiss.)

Le président. S'il vous plaît, Monsieur Weiss, laissez parler M. Pagani !

M. Rémy Pagani. C'est justement... (Remarque.)Et M. Weiss s'enfonce ! Et il fait bien de partir, parce que, justement, les statistiques permettent de faire passer les demandeurs d'emploi comme des «non-chômeurs», cela dit entre guillemets, alors que chacun sait que les personnes qui se retrouvent en fin de droit et qui ne peuvent plus rien demander sont inscrites comme demandeurs d'emploi. En fait, ce sont des chômeurs à l'assistance, mais les statistiques les font sortir du chômage, et c'est en cela que réside le scandale de cette affaire ! C'est pour cela que l'on travestit les chiffres du chômage, parce qu'en réalité il y a plus de 20'000 personnes au chômage, alors que seulement 15'000 sont indemnisées par la caisse de chômage !

Et M. Weiss voudrait encore, en leur enlevant le droit à l'occupation temporaire, faire sortir des statistiques quelque 4000 personnes des 15'000 qui sont indemnisées. Le scandale est là ! Demain, M. Weiss viendra nous dire qu'il n'y a pas 20'000 chômeurs - il y en aura sûrement 25'000 - mais seulement 11'000 ! Et il nous traitera de menteurs, parce que les chômeurs inscrits à la caisse de chômage et qui timbrent pour être indemnisés seront évidemment moins nombreux qu'aujourd'hui, tout cela parce que M. Weiss, une fois de plus, aura travesti la vérité...

J'en viens à la prise de position de M. Catelain. Une partie de la réponse a été donnée par mon collègue Velasco, s'agissant de la volonté des fonctionnaires de notre République de faire en sorte que les chômeurs ne passent pas d'un salaire de 5000 F à 4000 F et ainsi de suite, parce que vous savez très bien que les chômeurs entrent dans un engrenage lorsqu'ils acceptent un emploi moins bien rémunéré...

Aujourd'hui, la loi sur le chômage comporte un problème intrinsèque: dans un délai-cadre de deux ans, elle permet d'avoir des activités - on appelle cela des «gains intermédiaires» - délai-cadre pendant lequel la Confédération, la caisse de chômage, garantit 80% voire 90% du salaire. Or les employés de l'administration ne peuvent pas inciter les chômeurs à accepter un emploi non convenable au niveau du salaire - «non convenable», c'est le terme à employer au sens juridique - ils doivent les pousser à accepter un emploi convenable au sens de la LACI, c'est-à-dire avec un salaire qui permet à la caisse de chômage de compenser le moins possible. En effet, toutes les baisses de salaire que les chômeurs acceptent durant cette période sont compensées par cette dernière. Et, Monsieur Catelain, c'est pour cette raison qu'un employé de l'office à répondu à votre femme de cette manière - vous hochez la tête - parce qu'elle était encline à accepter un emploi «non convenable» au sens de la loi et qu'elle aurait même pu ne pas être indemnisée à raison de 80% ou 90%. C'est vous dire à quel point vous répandez des contre-vérités quand ça vous arrange, Monsieur Catelain !

Deuxième chose, par rapport à ce que vous avez dit, Monsieur Catelain... Et je dois reconnaître que «les chaussettes m'en tombent» ! En effet, M. Blocher, votre collègue de parti, votre conseiller fédéral, a fait une campagne vigoureuse en faveur des bilatérales... Parce qu'il y trouvait un intérêt personnel: cela lui permettait d'importer de la main-d'oeuvre bon marché dans ses entreprises ! Et aujourd'hui, vous nous dites que votre parti n'est pas responsable de l'ouverture des frontières, car, bien sûr, votre fonds de commerce, c'est de défendre les frontières comme si nous étions en guerre !

Monsieur Catelain, nous, à l'AdG, nous avons une position très simple: nous sommes pour la libre circulation des personnes; cela ne nous pose pas de problème, pas plus que d'accueillir des personnes à l'égard desquelles vous avez une attitude raciste. En effet, vous parlez de ces personnes du troisième cercle, en dehors de l'Europe, comme s'il s'agissait d'étrangers encore plus étrangers... La libre circulation, je le répète, ne nous pose pas de problème. Mais nous pensons simplement que les employeurs qui veulent importer de la main-d'oeuvre étrangère doivent payer ces travailleurs de manière décente, qui leur permette de vivre ici normalement. J'ai moi-même dénoncé, par exemple, des employeurs qui faisaient venir en charter des travailleurs de Taiwan pour les payer 1,50 F de l'heure à Telecom ! Nous ne voulons pas de ça ici ! Et c'est ce que vous nous proposez, contrairement à ce que vous dites ! Nous estimons, nous, qu'il est nécessaire de faire en sorte que les conventions collectives soient étendues partout où c'est nécessaire pour que chacun puisse vivre dignement, c'est-à-dire recevoir un salaire qui permette d'élever les enfants, de payer son loyer et les assurances sociales. Et la sous-enchère salariale est une maladie que nous combattrons jusqu'au bout !

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Patrick Schmied (PDC). Ce débat est vraiment consternant... Il semble que certains ténors d'opérette ont décidé de faire un tour de piste complet sur la question du chômage à propos de chaque amendement qui nous sera soumis: c'est un procédé vraiment détestable !

Parce qu'enfin que se passe-t-il ? Un amendement de deux lignes demande au Conseil d'Etat d'informer les chômeurs de façon préventive de ce qu'ils doivent faire... (Exclamations.)Mais, dans l'exposé des motifs qui suit, on peut voir que cet amendement qui semblait inoffensif ne l'est pas autant qu'il n'y paraît... Ensuite, l'UDC, par le biais de l'un de ses représentants, a évoqué le fait qu'apparemment les placeurs ne faisaient pas bien leur travail et que cet amendement, qu'on avait pas tout à fait bien compris immédiatement, est censé leur expliquer comment se comporter avec les chômeurs...

Franchement, même si nous ne voulons pas entrer dans les délires de bandes dessinées du député Deneys ou les fantasmes que l'on pourrait avoir à propos de cet amendement, nous ne soutiendrons pas cet amendement ! (Applaudissements.)

M. Jean Spielmann (AdG). La loi que vous êtes en train d'instaurer provoquerait exactement ce que certains d'entre vous craignent, et je vais essayer de vous le prouver. M. Catelain et d'autres ont dit que les chômeurs devaient accepter un emploi le plus vite possible - je suis aussi d'avis qu'une bonne loi devrait inciter dans ce sens tous ceux qui sont au chômage, dans la mesure où c'est envisageable. Mais la loi que vous mettez en place maintenant va à l'encontre de cela. Pourquoi ? Les chômeurs qui acceptent... (L'orateur est interpellé.)Cela répond à M. Catelain qui reprochait aux placeurs d'inciter les chômeurs à ne pas accepter immédiatement un emploi.

Par ailleurs, Monsieur Schmied, quand vous dites que le débat est consternant, je crois que votre capacité de comprendre les dossiers l'est aussi, parce que, si vous avez compris qu'il s'agissait de former les placeurs... Pour ma part, j'ai compris que cette formation s'adressait à la population et aux chômeurs - mais on ne comprend pas forcément toujours la même chose. Je vois donc que le projet de loi que vous établissez va conforter une anomalie: en effet, si une personne au chômage accepte immédiatement un emploi et qu'elle le perd - ce qui est probable, malheureusement, en raison de la situation économique - elle se trouvera défavorisée par rapport à une personne qui le refuse, en raison des critères d'accès aux emplois temporaires, en fonction du calcul par rapport au temps de travail, etc. Et si, dans la période de deux ans qui est prise en considération, la personne a travaillé tout au début pendant une durée déterminée et qu'elle n'a plus de travail pendant un an, elle n'aura droit à aucune indemnité ! Mais si elle refuse toutes les places - autant que faire se peut - et qu'elle accepte un emploi vers la fin de son délai-cadre, elle aura à nouveau droit à un emploi temporaire. Ainsi, je vous le demande: trouvez-vous cela logique ?! C'est pourtant la loi que vous mettez en place ! (L'orateur est interpellé.)Alors, ne dénoncez pas la manière de faire des placeurs, qui ne font que rendre les chômeurs attentifs à une situation de fait prévue dans la loi ! C'est donc pire si vous le savez ! (Commentaires.)

Moi, je n'ai pas assisté aux travaux en commission, mais je constate que cette loi permet une anomalie que je trouve ridicule ! Il faudrait modifier cela ! Vous dites que les personnes au chômage doivent accepter un emploi tout de suite: je vous réponds que celles qui acceptent cela se trouveront, en fin de compte, prétéritées par rapport à celles qui refusent. Et c'est vous qui instaurez de telles lois et qui, ensuite, dénoncez leurs effets ! Ne vaut-il pas mieux changer cette loi et favoriser à l'avenir les personnes qui acceptent tout de suite un emploi ? Et pour le retour en emploi temporaire également. C'est la première observation que je voulais faire, elle me semble quand même fondamentale.

Deuxième problème: M. Catelain nous reproche de favoriser l'immigration illégale et qu'ensuite les personnes en question deviennent des chômeurs. Malheureusement, les personnes venues en Suisse illégalement ou les requérants d'asile ou, tout simplement, les étrangers n'ont pas droit au travail institutionnel. Alors, comment voulez-vous qu'ils deviennent chômeurs et qu'ils aient un salaire ! Encore une fois, des ragots de ce type ne correspondent à aucune réalité et jettent le discrédit sur les personnes étrangères au canton ! Ces ragots sont le propre de vos affirmations, Monsieur Catelain, mais ils sont toujours faux et ne résistent à aucun examen !

M. Roger Deneys (S). Je vous remercie, Monsieur Catelain, des précisions que vous avez apportées, car je n'avais pas, en toute bonne foi, compris à qui s'adressait cet amendement. En l'occurrence, quand on me parle de prévention du chômage, je pense qu'on s'adresse aux personnes qui travaillent ou aux employeurs, mais pas aux chômeurs. C'est pour cela que je n'avais compris ce message comme étant adressé à la société dans son entier. Ici, on aurait pu préciser qu'il s'agit de campagnes d'information générales ou ciblées auprès des demandeurs d'emploi: j'aurais compris tout de suite. Je suis désolé, mon but n'était pas de faire un procès d'intention.

Par contre, pour ce qui est de votre remarque sur les chômeurs qui doivent accepter tout de suite un nouveau travail - MM. Velasco, Pagani et Spielmann ont dit l'essentiel - heureusement que la Confédération, dans le peu de sagesse qu'il lui reste, accorde un certain délai aux personnes au chômage pour qu'elles puissent retrouver un emploi qui soit le plus proche possible de leurs compétences initiales.

Vous avez raison: il est vrai qu'être sans emploi n'est pas agréable et qu'on se sent beaucoup mieux quand on travaille. Sauf que, si un chômeur accepte un emploi nouveau avec un salaire moindre, il ne touchera, en cas de nouveau chômage, plus que les 70% ou 80% de son dernier revenu ! Il se retrouvera alors dans une précarité toujours plus grande qui le poussera à accepter des salaires toujours plus bas. Et c'est un mécanisme très pervers ! C'est la loi fédérale qui fixe le seuil de 80% du dernier salaire qui pose problème.

Ce qu'on pourrait regretter, c'est que les conseillers n'expliquent pas ce mécanisme, mais cela m'étonne - à mon avis, ils le font, et même plutôt bien. Il est en effet assez sage de ne pas se précipiter sur le premier emploi qui se présente.

Je dirai, pour conclure, Monsieur Catelain, que votre femme aurait peut-être dû se renseigner auprès d'un syndicat; elle aurait peut-être été informée d'une manière plus précise.

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Je voudrais juste revenir à l'amendement proposé par l'UDC, car il n'a pas de sens. En effet, même si l'on retient ce qui pourrait être intéressant, les campagnes d'information générales ou ciblées existent déjà, elles nous ont été présentées en commission par les représentants du département, et l'on peut penser que les efforts maximaux sont effectués dans ce sens. (L'oratrice est interpellée.)On peut toujours mieux faire, je sais ! Mais je pense qu'il faut aussi relever quand les choses sont réalisées avec compétence et efficacité - même si l'on peut souhaiter toujours mieux !

Pour mettre fin une fois pour toutes à ces sortes de ragots, Madame la présidente, vous direz à M. Spielmann qui est le premier à les dénoncer car ils peuvent être nauséabonds - et je le rejoins tout à fait sur ce point - qu'il faut aussi cesser de propager la rumeur selon laquelle les mesures d'accompagnement ne seraient pas appliquées. J'ai déjà eu l'occasion de dire hier, dans le cadre du Conseil de surveillance du marché de l'emploi, que 95% des demandes de permis reçues du 1er juin au 7 septembre 2004 pour des ressortissants venant de l'extérieur de Genève n'ont pas fait l'objet de remarques de partenaires sociaux ! Cela signifie que les syndicats, l'office cantonal de l'inspection des relations du travail, les associations patronales genevoises et, donc, la Communauté genevoise d'action syndicale ont tous été d'accord de remettre ces permis. Alors, arrêtons de faire courir le bruit que les mesures d'accompagnement ne seraient pas appliquées !

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de deuxième minorité. Je m'étonne que M. Weiss et M. Schmied rejettent ce «très bon» amendement de l'UDC, qui va tout à fait dans le sens de la loi votée par la majorité...

En effet, M. Catelain aurait pu prolonger sa phrase, il n'aurait ainsi pas eu besoin de l'exposé des motifs, et cela aurait été plus clair. A toutes fins utiles, je lui propose, après: «... notamment par des campagnes générales ou ciblées», d'ajouter lui-même cet amendement: «ayant pour but d'augmenter l'appétence - chère à M. Weiss ! - au travail des chômeurs et chômeuses de longue durée.» Parce que l'exposé des motifs nous montre vraiment où vous voulez en venir: vous voulez à nouveau stigmatiser les chômeurs et les chômeuses comme étant les seuls responsables de leur situation !

Beaucoup de choses ont été dites, selon lesquelles les chômeurs et chômeuses - contrairement à ce que vous pensez, Monsieur Catelain, ou que vous n'avez pas forcément réalisé par rapport au cas de votre femme - perdent une grosse partie de leur salaire, soit 20% à 30% lors du premier délai-cadre. Comme je l'ai déjà montré hier soir à l'aide d'un tableau, cette situation de chômage peut provoquer des problèmes de santé, voire des problèmes psychiques graves - il suffit de voir le nombre élevé de consultations psychiatriques à Belle-Idée.

Alors, Monsieur Catelain, je crois que vous vous trompez, et nous ne sommes pas d'accord avec cet amendement. Par contre, il est tout à fait dans l'esprit de la loi que vous allez certainement voter ce soir ! Et je terminerai par l'amalgame que vous avez fait entre les requérants d'asile, les clandestins, les chômeurs: vous avez oublié les personnes au bénéfice de l'AI, personnes tellement chères à l'UDC...

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse de première minorité. Contrairement à ce qu'a dit M. Schmied, nous n'allons pas forcément discuter de tous les amendements, encore que... Mais, en ce qui concerne celui-là, eh bien, en lisant l'exposé des motifs de l'amendement proposé par l'UDC, on ne peut que réagir !

Parce qu'avec cet amendement lié à l'exposé des motifs - à moins que je ne comprenne mal, excusez-moi! - on sent que vous signifiez aux chômeurs qu'ils ont été nantis jusqu'à présent, qu'ils ont été bien soignés, qu'ils se sont reposés sur un matelas doré - vous l'avez dit hier à toute la population - mais que ce temps-là est révolu. Comme le disait ma collègue Jocelyne Haller: on va leur donner des «matelas à clous», c'est-à-dire qu'ils vont devoir accepter des travaux précaires et mal payés... (L'oratrice est interpellée par M. Catelain.)Oui ! Mais c'est de cela qu'il s'agit ! (Le président agite la cloche.)Je disais: ils devront accepter des travaux précaires et mal payés. Sinon, que leur arrivera-t-il ? Eh bien, ils n'auront plus droit aux mesures cantonales actuelles, dignes d'un chômeur de ce canton; ils auront le sort qui leur est réservé: l'assistance publique, la précarisation des familles, voire la marginalité ! En fin de compte, vous êtes presque en train de leur dire qu'ils devront dorénavant accepter n'importe quel travail, sinon ils finiront clochards. C'est ce qu'on comprend de votre exposé des motifs ! Alors, vous pouvez bien essayer de vous reprendre en plénière pour tenter d'expliquer votre amendement différemment, mais ce qui est écrit est écrit ! Il me semblait important de le relever.

Par ailleurs, il eût peut-être été plus intelligent... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)... de reprendre ce qui a été discuté en commission, notamment de relire les rapports relevant qu'effectivement il faudrait faire en sorte que les entreprises soient mieux informées de la condition des chômeurs pour pouvoir faciliter leur embauche ! Or ce dont il est question, c'est que les entreprises stigmatisent les chômeurs: quand les entreprises reçoivent des curriculums vitae de personnes aux chômage, elles les mettent de coté systématiquement ! Et vous auriez pu, en lien avec la loi qui nous occupe, déposer un amendement consistant à donner mission au Conseil d'Etat d'oeuvrer à la prévention du chômage, notamment en faisant une campagne d'information et de prévention auprès des entreprises, pour les sensibiliser à la problématique des chômeurs et pour leur expliquer que ces personnes sont des salariés et des travailleurs comme les autres, avec des capacités à faire valoir auprès des entreprises. Ce serait beaucoup plus intelligent que de vouloir faire passer aux chômeurs le message qu'ils doivent avoir la trouille, qu'ils doivent accepter n'importe quel travail, sinon ils vont se retrouver dans la misère la plus noire, et sous le prétexte que des travailleurs européens vont leur prendre leur boulot ! Vous cherchez à susciter la peur afin de fragiliser les chômeurs, et c'est le fondement de votre politique !

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. J'aimerais simplement vous dire qu'il faut aujourd'hui valoriser les compétences et les connaissances de nos chômeurs, ce que nous essayons de faire de plusieurs manières.

La première - vous avez pu le constater - en lançant des campagnes d'information qui réunissent les responsables des ressources humaines, à la fois des multinationales, à la fois des banquiers privés, à la fois des PME. Nous avons multiplié les séances pour cela, et nous allons continuer à le faire, notamment par rapport à la promotion des allocations de retour en emploi et, aussi, en expliquant qu'aujourd'hui nombreux sont les chômeurs qualifiés, aptes à assumer un emploi. En tout cas un tiers des chômeurs peuvent ainsi être réintroduits dans le marché du travail, si chacune des deux parties fait un effort véritable. Je vous le rappelle, une équipe travaille à cela actuellement, elle se déplace dans les entreprises et a déjà obtenu de bons résultats. Pour le moment, une dizaine de personnes s'occupent de cette mission, mais il faudrait peut-être cinq ou six personnes de plus.

La deuxième manière - et cela me semble important - c'est de faire une campagne portant sur l'image des demandeurs d'emploi et des chômeurs. Car aujourd'hui, c'est vrai, ces personnes sont immédiatement desservies par des idées préconçues. Notre programme prévoit également cet aspect du problème, et nous devons concentrer tous nos efforts sur ce point, faisant en sorte que les chômeurs retrouvent un emploi le plus vite possible, que les employeurs sachent qu'il y a des chômeurs compétents et qu'on puisse rétablir un équilibre à ce niveau.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous soumettre les deux amendements présentés consistant à ajouter une lettre c) à l'article 1. Je vous soumets d'abord l'amendement le plus éloigné, soit l'amendement présenté par M. le député Mouhanna. Le texte vous a été distribué, le voici: «c) donne mission au Conseil d'Etat d'oeuvrer à la prévention du chômage, notamment par des mesures destinées à décourager les entreprises bénéficiaires de procéder à des licenciements économiques.» Le vote électronique est lancé.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 29 oui.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant l'amendement proposé par l'UDC, consistant également à ajouter une lettre c) à l'article 1. Le voici: «c) donne mission au Conseil d'Etat d'oeuvrer à la prévention du chômage, notamment par des campagnes d'information générales ou ciblées.» Le vote électronique est lancé.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 54 non contre 10 oui et 22 abstentions.

Mis aux voix, l'article 7, lettres b), c) et d) (nouvelle teneur) est adopté.

Le président. Nous passons à l'article 30, et les choses se compliquent un peu. En effet, le Conseil d'Etat propose tout d'abord de supprimer l'alinéa 2 de l'article 30... Monsieur le conseiller d'Etat Lamprecht, vous avez la parole.

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Tout d'abord, je crois, Monsieur le président, qu'il faut faire voter l'amendement le plus éloigné qui, sauf erreur de ma part, est celui du parti radical.

Pourquoi vouloir supprimer les mesures pour les indépendants ? En premier lieu parce que la loi, avant les travaux en commission, prévoyait des emplois temporaires de six mois pour les indépendants. Donc, ils ne pouvaient guère, déjà, obtenir un deuxième délai-cadre fédéral. Nous avions fixé ce dernier à douze mois en pensant bien faire et en se disant qu'au fond les indépendants pouvaient obtenir ce droit. Mais, dès lors que nous limitons ce délai à six mois pour tous les autres chômeurs, nous devons en faire de même pour les indépendants, sous peine de causer une distorsion entre les chômeurs. On ne peut donc pas accorder un délai différent aux indépendants, d'autant moins, je le rappelle, qu'ils ne cotisent pas sur le plan fédéral alors que les autres catégories professionnelles cotisent. Voilà les deux premiers arguments.

Le troisième est que nous voulons éviter les abus qui, malheureusement, existent. Nous en avons déjà constaté: en effet, des gens peuvent s'inscrire à Genève en qualité d'indépendants, puis se déplacer - car cette mesure, au fond, n'existe qu'à Genève. Et nous voulons éviter cette situation. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat vous propose de supprimer cette «faveur», si je puis dire, ou ce droit pour les indépendants.

Je vous demande donc de bien vouloir réserver bon accueil à cet amendement.

M. Christian Bavarel (Ve). Je ne partage pas l'avis de M. le conseiller d'Etat Lamprecht. Les indépendants ne cotisent pas, certes, mais ils participent à l'assurance-chômage pendant la période où l'Etat leur fournit un travail. C'est la réalité.

Les indépendants se voient acculés à une situation de plus en plus précaire et de plus en plus difficile, et ils ne comprennent pas vraiment ce qu'on leur veut... Le seul but de la société est-il de rendre la vie impossible aux petits indépendants ? Je ne parle pas des grosses multinationales, mais de personnes qui étaient à la tête d'une petite entreprise et qui se retrouvent sans travail, à la rue, sans activité. Je trouve complètement fou que ces personnes ne soient pas aidées du tout !

Il ne s'agit pas d'une distorsion, il ne s'agit pas au bout d'une année ou deux de chômage de retrouver un nouveau droit: il s'agit de prévoir un filet spécial pour les indépendants ! C'est un autre cadre, une autre situation: il s'agit de permettre aux indépendants qui ont perdu leur entreprise, qui ont vécu le stress d'une faillite, qui se retrouvent avec des dettes, dans une situation extrêmement difficile à vivre sur le plan humain, de se retourner ! Et pour ce faire, l'Etat met en place un filet qui consiste à leur fournir un emploi pendant une durée déterminée: on leur demande de travailler, on ne leur donne pas le droit de se «luger» !

Ensuite, il faut cesser de voir des abus partout ! Et quand on constatera des abus, on les sanctionnera ! Sanctionner tout le monde parce qu'on a la trouille d'abus éventuels n'est pas une bonne chose, finalement tout le monde est pénalisé: on enfonce encore un peu plus les personnes raisonnables qui se retrouvent dans des situations difficiles, sous prétexte qu'il pourrait y avoir des abus ! Vous ne connaissez pas la situation des petits indépendants: ils bossent cinquante à soixante heures par semaine - on leur demande de cotiser à certaines périodes. Un indépendant, c'est quelqu'un qui a un métier, souvent manuel, qui aime ce qu'il fait et le travail bien fait, qui doit savoir gérer son entreprise, faire de l'administration, connaître le droit et bien d'autres choses, et qui s'implique beaucoup. Alors, quand ça se passe mal pour lui, c'est le devoir de l'Etat et de la collectivité de le soutenir !

Nous refuserons donc cet amendement. (Applaudissements.)

M. Rémy Pagani (AdG). Je suis assez étonné de votre prise de votre position, Monsieur Lamprecht. Je résume, vous me corrigerez si vous n'êtes pas d'accord: vous dites que les indépendants qui bénéficiaient d'un délai de six mois n'avaient pas droit au chômage... Monsieur Lamprecht, je suis désolé de vous le dire, mais vous ne connaissez pas correctement la loi ! La LACI a été modifiée. Avant qu'elle ne soit modifiée, chaque chômeur avait droit à une occupation temporaire de six mois, puis la LACI a été modifiée, et tout le monde a été mis au même niveau. Et j'imagine que l'administration cantonale a appliqué la même mesure par analogie, soit une occupation temporaire de douze mois pour tous les chômeurs... En tout cas, je ne connais aucun commerçant ou petit entrepreneur en faillite qui n'a pas eu droit à une occupation temporaire de douze mois, alors qu'elle était de six mois selon la loi. A mon avis, l'administration a appliqué, tout à fait à juste titre d'ailleurs, cette disposition de cette manière. Alors, les petits commerçants et les artisans n'y avaient pas droit jusqu'à aujourd'hui, et ne venez pas nous dire ici que ce n'est pas important pour eux !

J'en viens maintenant au fond du problème. Je regrette la position des représentants du parti démocrate-chrétien - dont vous faites partie, Monsieur Lamprecht. En effet, M. Maitre s'était rendu compte des difficultés rencontrées par vos milieux, ceux que vous êtes censé représenter, soit les petits artisans et les commerçants, qui avaient de la peine à subsister suite à une débâcle commerciale. Et c'est pour cela que le conseiller d'Etat d'alors a voulu qu'ils bénéficient des occupations temporaires, même s'ils n'avaient jamais cotisé à l'assurance-chômage. Cela nous paraissait, à nous qui représentons les employés et les salariés de ce canton, une chose admissible.

Nous avions donc scellé un pacte: nous étions d'accord d'octroyer ce droit à des personnes qui n'avaient jamais cotisé à l'assurance-chômage - à laquelle cotisent tous les salariés de ce pays - mais, en contrepartie, nous demandions à bénéficier proportionnellement des mêmes conditions d'emploi. Et aujourd'hui, vous êtes en train de casser ce pacte social ! Les personnes que vous défendez devraient s'en préoccuper... En tout cas, à leur place, je me poserais des questions concernant l'avenir. En fait, vous êtes en train de précipiter des personnes dans l'assistance, et dans la misère celles et ceux qui n'auraient pas envie d'aller frapper à la porte de votre confrère, M. Unger, à l'Hospice général. D'ailleurs, Mme Jocelyne Haller, a très bien décrit hier soir les conditions dans lesquelles se trouvaient ces gens.

Je prends donc acte de votre position - que je déplore, je le répète. Alors, avec les personnes que vous êtes censé représenter et qui perdent beaucoup dans cette affaire, nous combattrons ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur Pagani. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont inscrits: Mme et MM. Roger Deneys, Alberto Velasco, Jean-Michel Gros, Loly Bolay, Alain Etienne, Pierre Kunz. Ensuite, les rapporteurs prendront la parole s'ils le souhaitent - certains sont d'ailleurs inscrits.

M. Roger Deneys (S). Je trouve cet amendement tout à fait dramatique, dans la mesure où notre économie a besoin des indépendants. Faut-il le rappeler, ils ne travaillent pas toujours seuls, ils sont souvent à la tête de petites entreprises qui emploient du personnel. Ces entreprises n'ont pas forcément un statut de SARL ou de SA et elles risquent même d'être de plus en plus nombreuses. Du coup, en tant qu'employeurs, elles cotisent pour la part patronale à l'AVS, au chômage, etc. Dans ce sens-là, il me semble que la suppression de cette disposition entraîne une distorsion car, ayant cotisé comme employeurs, ces indépendants ne pourront même plus bénéficier, en cas de faillite ou de problème grave, d'une disposition qui s'adresse tout de même à l'ensemble des citoyens de ce canton quand ils sont à la recherche d'un nouvel emploi !

Lisez n'importe quel magazine économique actuel et vous verrez qu'on a besoin des entrepreneurs, qu'on a besoin de dynamisme en Suisse, qu'on a besoin d'esprit d'entreprise ! C'est certes très bien de le dire, mais que faisons-nous concrètement pour stimuler l'esprit d'entreprise ? Cela veut-il dire qu'une personne qui se met à son compte comme indépendant, parce qu'elle n'a pas de capital pour se mettre en SARL ou en SA pour être salariée, n'aura pas droit à cette disposition en cas de faillite ? Ce n'est effectivement pas très stimulant pour relancer la création d'entreprises ! Je dirai à titre personnel qu'un jour ou l'autre je pourrais bien me retrouver dans une telle situation, puisque j'ai un statut d'indépendant et que j'emploie actuellement une dizaine de collaborateurs...

Cet amendement est complètement abusif dans ce cas précis, même si l'on peut penser que les indépendants méritent un traitement particulier selon les cas. En effet, certains travaillent seuls pour leur propre compte et n'ont pas d'employés, ils ne cotisent donc pas à l'assurance-chômage. Mais cela ne justifie pas la suppression de ce dispositif ! Il aurait fallu l'améliorer, l'ajuster, et les travaux en commission auraient aussi pu permettre de trouver une solution. Je trouve dommage de venir dire en plénière que, peut-être, des tricheurs se trouvent parmi les indépendants et, du coup, que ce dispositif en leur faveur soit supprimé pour tous.

J'irai encore un peu plus loin: aujourd'hui les entreprises genevoises, les petites entreprises et les indépendants qui ont quelques employés ne se trouvent pas dans une situation facile ! D'autant moins que les banques réduisent drastiquement les conditions de crédit, voire exigent des remboursements de façon rapide, et précipitent leur mise en faillite. La suppression de ce dispositif aura des conséquences dramatiques sur les conditions de vie de ces personnes qui travaillent beaucoup, qui se sont beaucoup investies et qui, d'une certaine manière, ont aussi droit à une reconnaissance de la part de notre collectivité parce qu'elles ne travaillent pas toutes seules dans leur coin.

Cet amendement doit donc être refusé.

M. Alberto Velasco (S). Je m'adresse à vous, Monsieur Lamprecht, car je trouve que votre amendement pose un problème. Parfois, à l'office cantonal de l'emploi, les placeurs ont dit aux demandeurs d'emploi qu'ils pourraient se mettre à leur compte s'ils ne trouvaient pas de travail. Ce qu'ont fait certaines personnes - j'en ai d'ailleurs connu - en se disant que, si l'expérience n'était pas concluante - ce qui était possible - elles pourraient encore avoir droit au chômage. Or que va-t-il se passer maintenant ? Vous comprenez, il y a «indépendants» et «indépendants»... Ici, certains de nos collègues sont des indépendants, mais je pense qu'ils n'auraient pas de problème s'ils se trouvaient au chômage... Par contre, ce n'est pas le cas pour certains indépendants qui ont un travail tout simple et se lancent avec un mandat qui ne couvre qu'un salaire mensuel de 5000 F. J'ai des amis qui se sont lancés avec un mandat correspondant à un salaire de 4000 F, ou même de 3000 F !

Une voix. C'est déjà bien !

M. Alberto Velasco. Un collègue me dit que c'est déjà bien... Alors, cela doit être encore pire pour lui !

Monsieur Lamprecht, je vous le demande à nouveau: que va-t-il se passer maintenant ? Eh bien, ces personnes qui pourraient sortir du chômage et se lancer dans une petite entreprise ne vont pas tenter l'aventure ! Donc, l'objectif que vous cherchez à atteindre au travers de cette loi ne le sera pas, en raison de cet effet pervers ! Et vous allez obtenir le contraire de ce que vous cherchez ! Je le répète: si des chômeurs savent qu'ils peuvent bénéficier pendant un certain temps d'un emploi temporaire au cas où l'expérience tourne mal, ils oseront se lancer ! Mais la suppression de ce droit va les faire hésiter et ils resteront au chômage. Je le regrette !

Alors, Monsieur le président du département, il faut réfléchir aux effets pervers de la décision que vous prenez. Il faut aussi tenir compte de quelques élément concernant les indépendants: en effet, certains d'entre eux facturent leurs prestations entre 400 F et  500 F l'heure - des collègues siégeant sur les bancs d'en face, des avocats, me l'ont dit. Mais je connais aussi des indépendants qui ne facturent que 100 F ou 50 F l'heure ! Il faut donc faire la différence, et vous ne pouvez pas déposer un amendement comme cela ! Je propose, Monsieur le président, que vous retiriez cet amendement, parce qu'il mérite réflexion.

Messieurs les libéraux, je sais que vous êtes favorables aux indépendants, je vous ai entendus. (Exclamations. Le président agite la cloche.)A plusieurs reprises, je vous ai entendu défendre et encourager ce qu'on appelle «l'initiative privée»... (Commentaires.)Eh bien, cet amendement ne va pas dans ce sens-là ! (Exclamations.)Il ne va pas dans ce sens ! Donc, cher Collègue Weiss - d'ailleurs, c'est la première fois que je cite votre nom ce soir - j'aimerais bien vous entendre tout à l'heure à ce sujet, en qualité de libéral convaincu et de défenseur des professions libérales.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai tout dit, et j'espère que mes propos vous auront fait réfléchir ! Et, Monsieur Lamprecht, peut-être aurez-vous le bon sens de retirer cet amendement... (Exclamations.)

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Jean-Michel Gros (L). Oui, Monsieur Velasco: «Je vous ai compris» ! (Exclamations.)Vous m'avez convaincu ! Et c'est pour cela que je me contenterai de faire une très brève intervention, tant nous sommes d'accord avec la position des précédents intervenants. Oui, les indépendants représentent la catégorie professionnelle la plus fragile en cas de chômage ! Et il se trouve que certaines situations difficiles, décrites notamment par M. Bavarel, peuvent se révéler critiques, voire dramatiques, au point de pousser certains d'entre eux au suicide - j'en ai connu quelques-uns.

Monsieur le président du département, vous nous proposez un amendement visant à supprimer l'alinéa 2 de l'article 30, alinéa que votre département a déjà lui-même modifié en commission, mettant en accord la pratique actuelle avec la loi. Cet alinéa que vous avez proposé a été accepté à l'unanimité de la commission de l'économie, et je vous proposerai d'en rester là et de conserver cet alinéa tel quel.

Monsieur le chef du département, vous avez parlé d'égalité de traitement entre ceux qui ont cotisé à l'assurance-chômage et ceux qui n'ont pas cotisé... Mais il s'agit de mesures cantonales: d'emplois temporaires cantonaux qui ne sont pas financés par les cotisations ! Le salarié qui a cotisé bénéficie de deux ans d'indemnités fédérales - c'est par ses cotisations qu'il en bénéficie. Et ceux qui n'ont pas cotisé ne bénéficient pas de ces deux ans d'indemnités. Mais le but - quelqu'un en a parlé tout à l'heure - c'est de créer un filet social qui permette à un indépendant qui se retrouve au chômage d'avoir une période de transition.

C'est pourquoi le groupe libéral vous demande de rejeter cet amendement.

Mme Loly Bolay (S). Je tiens à remercier M. Gros de ses propos. A mon tour, Monsieur le président du département de l'économie, de vous demander de retirer cet amendement. D'autant plus que j'ai été très surprise de votre intervention, qui ne me semble pas correspondre au discours que vous tenez habituellement. En effet, vous nous avez toujours dit que 80% des emplois sont créés par les PMI et PME, par des gens qui ont eu le courage de se lancer dans une activité indépendante... Et Dieu sait si c'est difficile ! Pourquoi ? Parce que, la plupart du temps, les gens doivent investir leurs fonds propres, ils doivent demander leur deuxième pilier, voire demander même à leur famille de les aider. Et ils ne gagnent rien pendant un ou deux ans, tout en devant assumer leurs charges familiales.

Monsieur le président du département, donner un tel signal à des personnes qui ont ce courage, c'est véritablement se tirer une balle dans le pied ! Alors, je crois que vous nous avez compris et que vous êtes sensible à cet argument, et je vous demande, comme l'ont fait M. Gros et mes collègues, de retirer votre amendement. Je vous en remercie.

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Je dirai que vous m'avez convaincu... M. Pagani a une approche technique qui est exacte.

Au nom du Conseil d'Etat, je retire cet amendement. (Applaudissements.)

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de deuxième minorité. Je suis vraiment navré de vous le dire, Monsieur Lamprecht: je ne sais pas si vous nous prenez réellement au sérieux ! Vous avez commencé par déposer un projet de loi grotesque; vous vous en êtes rendu compte et l'avez retiré; vous avez proposé des amendements sur lesquels nous venons de passer quarante-cinq minutes - alors que vous connaissez très bien la position des uns et des autres, puisque nous avons eu vingt-deux séances de commission au cours desquelles nous avons souvent abordé le sujet des indépendants - et vous nous dites maintenant: «Je vous ai compris !»...

Vous avez mis beaucoup trop de temps pour nous comprendre, Monsieur Lamprecht !

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. L'amendement du Conseil d'Etat est donc retiré. Je donne la parole à M. Etienne.

M. Alain Etienne (S). Bien que le Conseil d'Etat ait retiré son amendement, je tenais tout de même à exprimer mon étonnement en entendant les propos de M. Lamprecht sur les abus éventuels... Il doit être reconnu que se mettre à son compte et avoir un statut d'indépendant n'est pas une chose facile: il faut commencer par obtenir quelques mandats, établir des factures qui prouvent qu'on a eu ces mandats et attester d'un loyer commercial pour, enfin, être reconnu par la caisse AVS en qualité d'indépendant ! C'est pourquoi laisser entendre qu'il pourrait y avoir des abus n'est pas très correct vis-à-vis des personnes qui se lancent dans une entreprise, je tenais à le dire.

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse de première minorité. Je voulais juste reprendre un argument avancé par M. Lamprecht par rapport à la distorsion entre la durée de six mois pour les chômeurs salariés et de douze mois pour les indépendants. En fait, la distorsion ne portait pas sur les ARE, chacun avait droit à douze mois, si on lit bien le projet de loi: la distorsion porte sur les emplois temporaires. Je souhaite donc que M. Lamprecht retire également son amendement sur les emplois temporaires et que, par ailleurs, il réajuste, mais dans le bon sens, la distorsion existante. C'est-à-dire fixer la durée à douze mois pour les deux cas, notamment en acceptant l'amendement - et je m'adresse aux PDC - consistant à renouveler les ETC pour six mois.

Le président. Merci, Madame la rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je le répète, l'amendement présenté par le Conseil d'Etat à l'article 30, alinéa 2, a été retiré.

Mis aux voix, l'article 30, alinéas 1 et 2 (nouvelle teneur, sans modification de la note) est adopté.

Suite du deuxième débat: session 12 (octobre 2004) - séance 74 du 22.10.2004

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il est temps de faire une pause. Je lève la séance. Nous nous retrouvons à 20h30. Bon appétit.

La séance est levée à 18h50.