Séance du
vendredi 24 septembre 2004 à
15h
55e
législature -
3e
année -
11e
session -
67e
séance
PL 8562-A
Premier débat
M. Christian Grobet (AdG). Je tiens à dire d'entrée de cause que je demande le renvoi de ce projet de loi en commission, pour que le Conseil d'Etat, respectivement M. Unger - dont on voit, à la lecture de la presse, que ses capacités l'amènent à faire, je ne dirais pas des miracles, mais beaucoup de choses - donc, pour qu'il empoigne ce dossier, puisqu'il y a une compétence du Conseil d'Etat.
De quoi s'agit-il ? Nous sommes un canton de 400 000 habitants, où les pharmacies font un chiffre d'affaires extraordinaire. Que nous ne puissions pas avoir, en ville de Genève, une pharmacie de service ouverte la nuit, alors qu'il y a énormément de gens qui ont besoin d'un médicament - forcément, dans une agglomération de 400 000 personnes ! - et qu'il faille payer 35 F pour aller acheter le moindre médicament la nuit, dans une pharmacie de service, je trouve cela scandaleux ! Que les pharmaciens genevois ne puissent pas se mettre d'accord entre eux pour qu'il y ait une pharmacie le soir qui rende un service public élémentaire, je trouve cela honteux, surtout dans une ville comme la nôtre, avec le chiffre d'affaires que font les pharmacies.
Nous avons déposé un projet de loi pour refuser cette taxe et la ramener à un montant raisonnable de 2 F. On nous dit - et c'est toujours la même chose ! - que le droit fédéral ne le permet pas. Cependant, dans son excellent rapport, Mme Fehlmann Rielle met en exergue que le gouvernement cantonal aurait qualité pour agir dans ce domaine, en application de l'article 47, alinéa 1, LAMal et de l'article 3, alinéa 2, lettre d), de la loi cantonale d'application.
Cela signifie qu'il y a bel et bien un moyen concret qui permettrait de supprimer cette taxe inadmissible vis-à-vis de la population. Il y a des gens qui, quand même, sont de condition modeste ! S'il faut aller acheter un médicament à 10 balles, il faut payer 35 balles de plus ?!? Et c'est ce qui se passe ! (Commentaires.)Monsieur Unger, je vous connais assez bien pour savoir que ce n'est en tout cas pas dans votre philosophie.
Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer ce projet de loi en commission, pour que M. Unger l'examine, qu'il convoque les milieux des pharmaciens et que les pharmaciens rendent ce service public minimal, dérisoire par rapport au chiffre d'affaires qu'ils réalisent.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse. Sur le principe, je ne suis pas opposée aux considérations de M. Grobet, mais le problème est qu'il semble en effet qu'il y ait un problème de compétence, et l'on ne sait pas exactement dans quelle mesure le gouvernement cantonal pourrait véritablement agir. Peut-être M. Unger pourra-t-il apporter un complément d'information à ce sujet.
Ce que je regrette vraiment, c'est que ce projet de loi traîne en commission depuis environ trois ans. Depuis le moment où nous avons commencé à le traiter, une année s'est écoulée, puis une deuxième, car le projet est resté en suspens. L'Alliance de gauche n'a pas du tout défendu son projet, ses représentants n'étaient pas présents ou, quand ils l'étaient, disaient simplement qu'ils refusaient de le retirer. De plus, il est vrai que j'ai moi aussi tardé à le déposer. Tout cela fait que cela commence à durer. Je trouve quand même que, lorsqu'on a quelque chose d'important à défendre, on vient en commission pour le faire. Maintenant, plutôt qu'un renvoi en commission, je crois qu'on compte surtout sur M. Unger pour nous donner ses explications, pour que nous sachions si, vraiment, nous n'avons aucune compétence sur le plan cantonal pour traiter le fond du problème.
La présidente. Monsieur Pagani, je vous cède la parole, mais veuillez vous exprimer uniquement sur le renvoi en commission.
M. Rémy Pagani (AdG). Madame la présidente, comme vous le savez, on est un parlement de milice, de sorte que je trouve un peu spécial de nous faire de tels reproches. On fait ce qu'on peut, Madame Rielle Fehlmann ! En plus, nous étions présents en commission.
Le problème est le suivant: cette situation est indécente. Je viens d'apprendre que non seulement il y a ces 35 F de taxe, mais qu'en plus les pharmacies qui ouvrent refusent l'argent liquide, sous prétexte qu'elles pourraient se faire cambrioler ! Cela veut dire que quelqu'un qui, affolé pendant la nuit - et ça m'est arrivé - parce qu'un de ses proches est malade, va directement, après une intervention du médecin, chercher un médicament dans une pharmacie, devra non seulement payer 35 F, mais aussi venir avec sa carte de crédit pour pouvoir s'acquitter de cette somme. Je trouve cela absolument lamentable !
Je soutiens quant à moi le renvoi en commission pour qu'au moins, même s'il y a un problème juridique de fond et que notre Grand Conseil ne peut peut-être pas légiférer, M. Unger puisse rencontrer les pharmaciens et leur demander d'assumer. Il y a suffisamment de pharmacies - on en compte au bas mot 350 dans notre République ! - pour que chacune reste ouverte une nuit par année. C'est une prestation simple, qui devrait être gratuite; sinon, qu'elle soit taxée de deux ou trois francs, mais pas de 35 F ! S'ils ont effectivement peur d'être cambriolés, les pharmaciens peuvent abaisser de manière drastique cette taxe. Cela semble être le minimum de leur part !
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
M. Gilbert Catelain (UDC). Je partage le point de vue présenté par Mme Fehlmann Rielle: ce projet de loi a été traité en commission et, effectivement, cette taxe de 35 F est en quelque sorte confiscatoire - elle est injuste, c'est vrai. Elle a été décidée au niveau fédéral, certainement en partie par Mme Dreifuss et ses services, et je ne dirais pas que c'est une taxe de gauche, mais c'est une taxe... (Rires.)Et le groupe UDC aurait bien aimé la contester en commission. Sur le fond, personnellement, j'appréciais ce projet de l'Alliance de gauche, mais malheureusement nous avons dû arriver à la conclusion que ce n'était pas possible...
D'ailleurs, je me demande si on n'utilise pas cette procédure des extraits - c'est ce que j'ai dit avant-hier ou hier en commission des droits politiques - où l'on peut jouer sur les mots, ne pas voter ou ne pas retirer son projet de loi en commission, pour pouvoir débattre dans les extraits. Je ne pense pas que ce soit la meilleure des choses pour la rapidité des débats.
Après la discussion que nous avons eue en commission et grâce aux explications fournies par le département, nous sommes arrivés à la conclusion que ce n'était pas de la compétence du canton et que nous n'avions pas matière à agir. Il y a peut-être maintenant un quiproquo lié au rapport de Mme Fehlmann Rielle, mais je vous propose, pour ma part, de ne pas renvoyer ce projet de loi en commission. Par contre, il appartiendrait à M. Grobet ou au groupe de l'Alliance de gauche de présenter un nouveau projet, en tenant compte des déclarations qui seraient faites aujourd'hui dans cette enceinte.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. M. le député Grobet m'a fait l'honneur de dire qu'il me connaissait et qu'il savait à quel point ce type de choses était susceptible de me heurter - et c'est vrai ! Voilà exactement des mesures qui - comme d'autres en provenance de Berne - partent d'un sentiment général que, s'il y a une barrière d'argent, les gens ne se déplacent que lorsqu'ils en ont vraiment besoin. Et c'est le même sentiment qui a dicté l'augmentation de la franchise de 10 % à 20 % sur les frais médicaux, mesure qui fait plus que nous guetter, car elle arrive à grands pas.
Le principe n'est pas complètement idiot, mais il ne résiste pas beaucoup à la réalité ! La réalité, c'est que ceux qui se disciplinent sont probablement ceux qui ont véritablement besoin du médicament en urgence ou des soins, et qui finissent par mourir, faute de soins, ayant peur de devoir verser des sommes qu'ils ne pourront pas verser. A contrario, ceux qui ont les moyens et - si vous me permettez cette trivialité - s'en foutent, ceux-là y vont de toute manière et payeront les 20 %.
Il se trouve, Mesdames et Messieurs les députés, que la convention a été signée, au niveau fédéral, entre l'Association suisse des pharmaciens et Santé suisse. Au titre de l'article 47 de la LAMal, cela coupe toute possibilité d'intervention au niveau du canton - au même titre, d'ailleurs, que la convention TarMed entre Santé suisse et les médecins, qui a été prise au niveau fédéral. Cela coupe toute possibilité d'intervention, sauf lorsqu'il y a des gens qui se récusent. Et quand il y a des gens qui se récusent, on peut être plus «dur» que ce qui avait été proposé en matière de tarifs - afin d'inciter les gens à adhérer - ou bien «normal», en appliquant des tarifs identiques aux autres. C'est ce qui s'est passé pour les médecins qui n'étaient pas conventionnés dans TarMed, qui ont refusé la convention et auxquels, effectivement, le Conseil d'Etat a eu qualité pour fixer un tarif-cadre.
En l'espèce, la convention entre les pharmaciens et Santé suisse n'a pas été querellée, elle a été signée et comprend une surtaxe de 20 points pour le service de nuit - la valeur du point étant parfois différente d'un canton à l'autre, en tout cas s'agissant des médecins.
Comme vous, je déplore qu'on recherche ce type d'obstacle systématique, car je crois que ce n'est pas le bon obstacle, et ce n'est pas la systématique qui est de qualité. Je discuterai volontiers avec les pharmaciens - je le fais déjà régulièrement - mais, malheureusement, nous n'avons pas, ni les uns, ni les autres, compétence pour réfuter cette convention nationale, en l'état de la LAMal.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant pas demandée, nous allons voter sur la demande de renvoi en commission. Vous ne l'avez pas précisé, Monsieur le député, mais j'imagine qu'il s'agit de renvoyer cet objet en commission de la santé ?
M. Christian Grobet (AdG). Il s'agit de la renvoyer à la même commission, pour que cette dernière qui, je crois, n'a pas entendu l'Association des pharmaciens, la convoque pour savoir si elle est d'accord, de son propre chef...
Le président. Monsieur le député, je ne vous demande pas de réembrayer, mais de préciser le nom de la commission.
M. Christian Grobet. Oui, oui ! Un renvoi en commission, en vue d'entendre l'Association des pharmaciens.
Le président. Merci, les choses sont claires, Monsieur le député. Nous allons donc voter par électronique sur votre demande de renvoi en commission de la santé.
Mis aux voix, le renvoi de ce projet de loi à la commission de la santé est rejeté par 45 non, contre 13 oui et 1 abstention.
Le président. Nous allons voter sur la prise en considération de ce projet de loi.
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 42 oui, contre 11 non et 2 abstentions.