Séance du jeudi 23 septembre 2004 à 20h45
55e législature - 3e année - 11e session - 66e séance

La séance est ouverte à 20h45, sous la présidence de M. Pascal Pétroz, président.

Assistent à la séance: Mme et MM. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Mesdames et Messieurs les députés, j'imagine que vous attendez tous les résultats de l'élection E-1285, mais je dois d'abord traiter les points initiaux...

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Carlo Lamprecht, Laurent Moutinot et Micheline Spoerri, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Blaise Bourrit, Anita Cuénod, René Ecuyer, Philippe Glatz et Blaise Matthey, députés.

Communications de la présidence

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous informe que le culte pour Mme Alexandra Gobet Winiger aura lieu mardi 28 septembre à 9h, à la cathédrale Saint-Pierre. Je vous remercie de retenir cette heure, qui est du reste indiquée dans le faire-part de la famille.

Dans un tout autre registre, je dois vous dire que le Bureau a décidé que nous commencerions à traiter les points en urgence demain, dès la séance de 17h - cela nous a paru plus raisonnable. J'imagine en effet, compte tenu de leur nombre, que nous n'arriverions pas à tous les étudier en ne commençant qu'à 20h30. Je le répète: nous traiterons les urgences demain dès 17h.

Annonces et dépôts

Néant.

Le président. Nous reprenons le cours de notre ordre du jour.

E 1285
Election d'une ou d'un Juge au Tribunal de la jeunesse (Entrée en fonction : 18 octobre 2004) (loi 8921 du 24 octobre 2003)

Le président. Je vous rappelle que deux candidates étaient en lice: Mme Sylvie Wegelin, présentée par le parti socialiste, et Mme Fabienne Proz Jeanneret, présentée par le parti radical. Je vais vous donner lecture des résultats. Auparavant, je précise que la petite controverse dont je vous parlais tout à l'heure a été réglée à la satisfaction de tous. Elle n'est donc plus d'actualité. Parfois, il vaut mieux prendre le temps nécessaire pour bien faire les choses plutôt que de se précipiter... Voici les résultats.

Bulletins distribués: 94

Bulletins retrouvés: 94

Bulletins blancs: 3

Bulletins valables: 91

Majorité absolue: 46

Mme Sylvie Wegelin est élue par 46 suffrages.

Mme Fabienne Proz Jeanneret obtient 45 suffrages.

E 1283
Election d'une ou d'un Juge suppléant-e à la Cour de justice, en remplacement de M. VESELY Vladimir J., démissionnaire (Entrée en fonction immédiate)

Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Giovanni Rossi, présentée par le parti radical.

Etant seul candidat, M. Giovanni Rossi est élu tacitement. Il prêtera serment demain à 17h.

E 1284
Election d'une ou d'un Juge suppléant-e- au Tribunal de première instance, en remplacement de Mme ZWAHLEN-STAMM Liliane, démissionnaire (Entrée en fonction : 1er octobre 2004)

Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de Mme Karin Grobet Thorens, présentée par le parti socialiste.

Etant seule candidate, Mme Karin Grobet Thorens est élue tacitement. Elle prêtera serment demain à 17h.

E 1274
Election d'une ou d'un membre du Conseil d'administration de l'Hospice général (de nationalité suisse, sont choisis en fonction de leurs compétences et de leur expérience dans les domaines de la politique sociale et de la gestion, représentent les diverses tendances de la vie économique, sociale et politique du canton, rééligibles 2 fois), en remplacement de Mme MAULINI DREYFUS Gabrielle (Ve), démissionnaire (Entrée en fonction immédiate ; durée du mandat jusqu'au 28 février 2006)

Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Rémy Kammermann, présenté par le parti des Verts.

Etant seul candidat, M. Rémy Kammermann est élu tacitement.

E 1279
Election d'une ou d'un membre de la Commission d'administration de la Fondation René et Kate Block (être de nationalité suisse), en remplacement de Mme RIGHENZI-EGGENBERGER (S), démissionnaire (Entrée en fonction immédiate ; durée du mandat jusqu'au 28 février 2006)

Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Jean-Claude Jaquet, présenté par le parti socialiste.

Etant seul candidat, M. Jean-Claude Jaquet est élu tacitement.

E 1280
Election d'une ou d'un membre de la Commission cantonale des monuments, de la nature et des sites, en remplacement de M. BARON Gérard (S), démissionnaire (Entrée en fonction immédiate ; durée du mandat jusqu'au 28 février 2006)

Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de Mme Françoise Schenk-Gottret, présentée par le parti socialiste.

Etant seule candidate, Mme Françoise Schenk-Gottret est élue tacitement.

Des voix et le président. Bravo, Françoise ! Félicitations ! (Applaudissements.)

E 1281
Election d'une ou d'un membre du Conseil d'administration de l'aéroport international de Genève, en remplacement de M. MEYLL Pierre (AdG), démissionnaire (rééligible 2 fois, incompatibilité, voir art. 9 de la loi sur l'aéroport international de Genève - H 3 25) (Entrée en fonction immédiate ; durée du mandat jusqu'au 28 février 2006)

Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de Mme Anita Cuénod, présentée par le parti de l'Alliance de gauche.

Etant seule candidate, Mme Anita Cuénod est élue tacitement.

Interpellations urgentes écrites

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez trouvé sur vos places les interpellations urgentes écrites suivantes:

Interpellation urgente écrite de M. Pierre Kunz : Banque cantonale de Genève et réponse à la motion 1450 ( IUE 116)

Interpellation urgente écrite de M. Pierre Kunz : L'été au frais ( IUE 117)

Interpellation urgente écrite de M. Pierre Kunz : Personnel au service du DIP ( IUE 118)

Interpellation urgente écrite de M. Thierry Charollais concernant le futur Accord-cadre intercantonal (ACI): peuple et parlements cantonaux écartés de la détermination du nouveau droit intercantonal !? ( IUE 119)

Interpellation urgente écrite de M. Jacques Pagan : Ces riches qui appauvrissent Genève par leur départ. Exode fiscal ( IUE 120)

Interpellation urgente écrite de M. François Thion : Les mesures d'économie imposées aux élèves du Collège de Genève à la rentrée 2004 sont-elles provisoires ou définitives ? ( IUE 121)

Interpellation urgente écrite de M. Sami Kanaan : Y a-t-il un pilote à bord des TPG ? ( IUE 122)

Interpellation urgente écrite de M. Sami Kanaan : Quelles mesures le Conseil d'Etat entend-il prendre pour que la nouvelle zone 30 dans le quartier Cluse-Roseraie soit sûre et crédible ? ( IUE 123)

Interpellation urgente écrite de M. Roger Deneys : Réalisation d'une piste cyclable le long de l'avenue Henri-Dunant : mais que se passe-t-il ??? ( IUE 124)

Interpellation urgente écrite de M. Louis Serex : A la veille des vendanges, où en sommes-nous avec l'extermination tant promise des sangliers dans nos cultures ? ( IUE 125)

Interpellation urgente écrite de M. Louis Serex concernant la STEP de Peney-Dessous ( IUE 126)

IUE 116, 117, 118, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126

Le président. Conformément à l'article 162D de notre règlement, le Conseil d'Etat, respectivement le conseiller d'Etat interpellé, répondra par écrit lors de la session suivante, à savoir celle du mois d'octobre.

Nous poursuivons l'ordre du jour.

IUE 109-A
Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation ugente écrite de M. Jean Rémy Roulet : Interventionnisme excessif de l'administration dans la gestion privée des entreprises

Annonce: session 10 (juin 2004) - séance 51 du 24.06.2004

Cette interpellation urgente écrite est close.

IUE 109-A

IUE 110-A
Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation ugente écrite de Mme Salika Wenger: Le gouvernement genevois s'est-il suffisamment renseigné sur l'association Cordoue et les personnes qui l'ont constituée avant de permettre une large tribune à un événement prétendument culturel mais qui pourrait servir de cheval de Troie à un mouvement islamiste aussi puissant que dangereux ?

Annonce: session 10 (juin 2004) - séance 51 du 24.06.2004

Cette interpellation urgente écrite est close.

IUE 110-A

IUE 111-A
Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation ugente écrite de Mme Nelly Guichard: Taxes perçues pour les procédures de naturalisation et double nationalité : Le Conseil d'Etat peut-il mieux informer les personnes et familles concernées ?

Annonce: session 10 (juin 2004) - séance 51 du 24.06.2004

Cette interpellation urgente écrite est close.

IUE 111-A

IUE 112-A
Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation ugente écrite de M. Alain Meylan : L'Etat complice du non-respect de la volonté populaire dans le quartier des Eaux-Vives ? En acceptant d'autoriser des aménagements éphémères pour une durée de 60 jours en 2004 au lieu de trois mois comme en 2003, le Conseil d'Etat ne contourne-t-il pas la volonté populaire en excluant toute possibilité de recours ?

Annonce: session 10 (juin 2004) - séance 51 du 24.06.2004

Cette interpellation urgente écrite est close.

IUE 112-A

IUE 113-A
Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation ugente écrite de M. Hugues Hiltpold: Vieux Carouge: que fait la police ?

Annonce: session 10 (juin 2004) - séance 51 du 24.06.2004

Cette interpellation urgente écrite est close.

IUE 113-A

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez trouvé sur vos places onze rapports de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe, qui seront traités demain à 15h, au tout début de notre séance d'extraits.

Voilà une bonne chose de faite ! Nous allons maintenant reprendre le cours normal de nos travaux, avec le point 25 de notre ordre du jour.

PL 8884-A
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier le projet de loi de MM. Jacques Jeannerat, Ivan Slatkine, Hubert Dethurens modifiant la loi sur les Transports publics genevois (H 1 55)
Rapport de majorité de Mme Françoise Schenk-Gottret (S)
Rapport de minorité de M. Alain Meylan (L)

Premier débat

Le président. Monsieur Meylan, je vous laisse vous installer tranquillement à votre place de rapporteur de minorité... Madame Schenk-Gottret, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport de majorité ? (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Mme Françoise Schenk-Gottret (S), rapporteuse de majorité. Sous prétexte de faire des économies, des députés de l'Entente veulent confier davantage de travail à des entreprises privées par le biais de ce projet de loi qui vise à lâcher la bride à la sous-traitance, c'est-à-dire à passer outre la limite de sous-traitance des lignes TPG fixée à 10%. Détail qui n'est pas anodin, ce projet de loi a été déposé par deux membres du conseil d'administration des TPG: MM. Jeannerat et Dethurens...

«Les entreprises privées sont plus avantageuses que les Transports publics genevois en matière de coût de personnel. Cet impact n'est pas que salarial, il touche également les gains de productivité en raison de la durée du travail.» Cet aveu de Mme Baud, directrice d'exploitation des TPG a le mérite d'être clair, net et sans équivoque. Mais était-elle au courant, en disant cela, que des privés font travailler leur personnel seize heures par jour ? En effet, des fiches de tours journaliers de service de seize heures ont été découvertes dans une entreprise de sous-traitance... Mieux: la «Tribune de Genève» faisait savoir le 3 janvier dernier, par le directeur de Dupraz Bus Genève SA, qu'il y avait un accord tacite avec l'ensemble des sous-traitants: «Les TPG s'interdisent d'engager nos chauffeurs, autrement on les perdrait.»... On sait que les entreprises sous-traitantes qui exploitent les lignes transfrontalières ont connu d'importants problèmes. Et il a fallu créer des postes spécifiques pour la surveillance de sous-traitance, ce qui est un comble !

Autres problèmes: la ligne F a ainsi occasionné bon nombre de désagréments à ses usagers. La radio centralisée des transports a connu d'importants soucis en ce qui concerne le respect des horaires de la part des entreprises sous-traitantes. Le parc de véhicules de ces entreprises n'est pas moderne, voire peu fiable: horaires de travail non conformes à la loi fédérale sur la durée du travail dans les entreprises de transports public; sécurité compromise; perte de la qualité de service; matériel roulant négligé; exploitation du personnel... Voilà qui devrait faire réfléchir l'actuelle majorité ! Ce d'autant plus que le directeur général des TPG et le président du conseil d'administration nous ont dit en séance de commission qu'il n'était pas nécessaire d'augmenter le pourcentage de sous-traitance, fixé à 10%.

Si cette loi est votée, un référendum sera lancé, comme cela a été annoncé dans une conférence de presse par les différents syndicats des TPG, qui regroupent aussi bien le personnel de l'exploitation que celui des techniques et des installations, celui de l'administration et celui des cadres. A l'heure où la population est devenue très sensible au démantèlement des services publics, voter cette loi est absurde ! (Applaudissements.)

M. Alain Meylan (L), rapporteur de minorité. Comme l'a dit très justement la rapporteuse de majorité dans son rapport, ce projet de loi n'a pas été accepté en commission... Il y a eu sept voix contre sept au vote d'ensemble, ce qui fait que le non l'a emporté.

Les discussions qui ont précédé ce vote ont montré que le projet initial était effectivement quelque peu excessif, car la première idée était de supprimer toute limite à la sous-traitance. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement en commission, tenant compte des avis des personnes auditionnées, comme l'a signalé très justement la rapporteuse de majorité.

Cet amendement a été refusé, mais je me propose de le redéposer, par ce rapport de minorité, dans la mesure où le taux de 10% reste inscrit dans la loi, avec la possibilité de l'augmenter si le conseil d'administration des TPG le juge nécessaire. A ma connaissance, ce conseil est relativement équilibré, puisqu'on y trouve non seulement les représentants du personnel des TPG mais aussi de chaque parti, ce qui permet de prendre des décisions tout à fait démocratiques. Qui plus est, toute décision dans ce sens serait soumise à l'approbation du Conseil d'Etat.

Il ne s'agit donc pas d'une libéralisation excessive: on présume simplement que les TPG pourraient avoir besoin d'une certaine souplesse à ce niveau, pour remplir leur mission, c'est-à-dire répondre à l'augmentation du besoin de mobilité des transports publics, via des contrats de sous-traitance qui permettent d'atteindre les objectifs du contrat de prestation voté ici il y a deux ans.

Je vous rappelle que c'est dans le cadre de cette discussion, justement, que ce projet de loi est né. Et c'est justement - aussi - parce que cette possibilité était ouverte que le contrat de prestation a trouvé une faible majorité...

Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à voter cet amendement qui, je le répète, met - contrairement au projet de loi initial - les garde-fous nécessaires à une éventuelle augmentation de sous-traitance en cas de besoin et dans le but de répondre au contrat de prestation des TPG.

M. Jean Spielmann (AdG). Le projet de loi qui nous est soumis... (L'orateur est interpellé.)Vous pouvez le donner à votre collègue derrière vous, Monsieur, puisque non seulement il est membre du conseil d'administration mais de la direction ! Et il dépose un projet de loi ! Partant de là, vous pouvez garder vos observations pour vous ou les faire à vos collègues de parti !

Je voulais dire ici, en tant que représentant du Grand Conseil aux TPG, que l'ensemble du projet de loi des Transports publics genevois prévoyant l'autonomisation des TPG - que vous vouliez et sur laquelle nous n'étions pas d'accord à l'époque - a finalement rencontré un large consensus. Et le personnel et les gens qui s'intéressent aux transports à Genève ont déposé une initiative populaire demandant que les TPG restent intégralement dans le domaine public.

Au cours des discussions en commission, des propositions ont été faites, notamment celle dont nous discutons aujourd'hui, soit la limite de 10% de sous-traitance. Il a semblé raisonnable de l'accepter, en précisant que la sous-traitance serait réservée aux lignes transfrontalières et aux lignes à l'essai. Ces deux éléments étaient suffisants pour permettre à l'entreprise des TPG de tourner. Mais il fallait que les initiants retirent leur initiative pour obtenir l'autonomisation des TPG et le contrat de prestation, tel qu'il a été voulu par la majorité de ce Grand Conseil. Ce qu'ils ont fait, moyennant la garantie donnée par différentes parties qui proposaient d'inscrire une limite de 10% dans la loi... Dans les documents que j'ai à votre disposition, les initiants avaient écrit à l'ensemble des partis politiques du Grand Conseil pour leur demander leur avis. L'un d'eux, le parti radical, avait répondu qu'il était d'accord avec la possibilité de sous-traiter à raison de 10% et qu'il ne reviendrait pas sur ce point si l'on acceptait l'idée d'autonomiser les TPG... Curieusement, ce courrier du parti radical était signé par M. Jeannerat, alors jeune secrétaire du parti radical ! On peut voir aujourd'hui quelle est la valeur de sa parole: c'est lui qui dépose un projet de loi pour modifier le point sur lequel il s'était engagé par écrit de ne pas revenir ! (Remarques.)

Quelle est la situation politique actuellement ? La limite de sous-traitance de 10% n'a jamais été atteinte par les TPG. Son directeur - le Conseil d'administration - est venu vous expliquer que cette limite était suffisante pour fonctionner, mais qu'il rencontrait des situations parfois difficiles. Je dis simplement que ces deux derniers mois les TPG ont dû, à plusieurs reprises, retirer des concessions à des entreprises de transport pour des raisons tout de même importantes... L'une parce que ces entreprises n'observaient pas les conditions de sécurité à bord des bus, l'autre parce que les dispositifs de sécurité des portes des bus transportant des enfants ne répondaient pas aux lois fédérales, d'autres encore parce que, s'agissant du repos des chauffeurs, les conditions de travail n'étaient pas respectées. Cela a été dit - on a trouvé des documents à ce sujet - ceux-ci travaillaient plus de seize heures par jour, faisant parfois deux services de suite, avec les risques que cela comporte, non seulement pour les personnes transportées mais pour celles qui empruntent les voies de circulation et, aussi, pour les chauffeurs eux-mêmes, qui se placent dans l'illégalité en acceptant de travailler dans des conditions illégales. Sans parler des bus qu'on a pu voir revenir au dépôt avec des cartons à la place des fenêtres et des pneus en piteux état, dont le caoutchouc était tellement usé qu'on voyait la toile !

Il y a donc un problème de fond et il n'est pas pensable de vouloir réaliser des économies sur du matériel secondaire ! Le problème - qui a été exposé par les TPG dans le cadre des travaux de la commission - c'est que les TPG ont intérêt à pratiquer la sous-traitance parce qu'ils ont besoin de certains équipements pour des lignes à l'essai. En effet, il n'est pas possible d'engager immédiatement le personnel, car cela risque d'entraîner des conséquences par la suite... Il faut d'abord procéder à des essais et voir si les lignes fonctionnent... Je pense aux minibus et à d'autres prestations... Tout le monde a accepté que ces dernières soient sous-traitées, y compris pour les lignes transfrontalières, avec les problèmes contractuels que cela pose.

La limite de sous-traitance de 10% n'ayant jamais été atteinte, on peut très bien continuer ainsi ! Remettre cette loi en cause, c'est revenir sur les promesses que vous aviez faites à l'époque ! Les TPG ont certes été autonomisés, mais ils restaient un service public. Supprimer la limite de 10% de sous-traitance, ce n'est pas répondre à un véritable besoin, puisqu'elle n'a jamais atteinte ! Mais votre «dada politique», c'est de privatiser les TPG. Vous aurez la réponse que mérite une telle proposition ! D'autant plus qu'elle arrive à un très mauvais moment... Pourquoi ? Parce qu'on est en train de dépenser plusieurs millions de francs - 5 millions ! - pour mettre en place des systèmes électroniques qui permettent de piloter les bus à distance: les espaces entre les bus peuvent ainsi être diminués et les prestations pour la population s'en trouvent améliorées. Mais, pour s'insérer dans un tel processus, il faut que l'ensemble des bus soient équipés de la même manière. Comment voulez-vous y arriver si certains bus sont équipés et gérés à distance, et que d'autres ne le sont pas ? Je pense aux bus des entreprises privées, qui, par ailleurs, ne respectent ni les lois fédérales ni les lois cantonales en matière de conditions de travail et de sécurité des bus. Vous mettez en avant de mauvais arguments qui ne correspondent pas à la réalité ! (Brouhaha.)

Au bénéfice des TPG et du développement du service public, y compris pour dans l'avantage des entreprises qui font de la sous-traitance - à raison de un peu moins de 10%, ce qui représente déjà une part importante de la mission des TPG - nous devons maintenir cette limite et refuser la proposition des membres du conseil d'administration... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)... qui ne tiennent même pas compte des décisions prises au sein des TPG ni de l'intérêt des TPG eux-mêmes ! Je trouve cette pratique pour le moins curieuse, sans parler du fait qu'ils reviennent sur la parole donnée... Pour certains d'entre vous, cette parole n'a pas beaucoup de valeur !

M. Jean Rossiaud (Ve). Cette modification de la loi est inutile... La possibilité pour les TPG de sous-traiter une partie de leur activité plafonne déjà à 10 % dans la loi. Actuellement, cette limite suffit amplement, puisqu'elle n'est pas atteinte. Et comme il s'agit d'un pourcentage, la masse totale de la sous-traitance augmente dans la même proportion que l'enveloppe générale.

Cette modification de la loi n'est pas seulement inutile, elle est également conflictuelle. Elle ouvre en effet la porte à des conflits potentiels entre les TPG et leurs usagers, d'une part, et entre les TPG et leur personnel, d'autre part. L'exposé des motifs appelle à la souplesse à plusieurs reprises pour permettre aux TPG de se développer par le biais de la sous-traitance... Mais, cette prétendue souplesse signifie que les conditions de travail et de salaire des employés risquent de se détériorer... C'est également une pression à la baisse. La souplesse, c'est le risque de ne plus garantir une formation spécifique de qualité pour les conducteurs ! La souplesse, c'est aussi ne pas pouvoir contrôler la qualité et la sécurité des véhicules ! Dans des situations économiques difficiles, inévitables, certaines entreprises de sous-traitance seront tentées d'économiser sur la sécurité, d'économiser sur les prestations, d'économiser sur le dos des employés. (Commentaires.)Nous devons nous prémunir de ces situations à risques et garantir un certain niveau de prestations et un certain niveau de conditions de travail. Aujourd'hui, les TPG sont en plein développement, ils n'ont donc pas besoin de cette loi. D'ailleurs, ils ne la demandent pas !

Ce projet de loi est donc bien inutile d'un point de vue économique, et il est inutilement conflictuel. Il est conflictuel sur la qualité des prestations et sur les conditions de travail. C'est pourquoi je vous demande de le rejeter.

M. André Reymond (UDC). On peut effectivement constater aujourd'hui que la différence entre les charges et les produits des TPG augmente... Connaissant l'état de nos finances, il me semble donc que la sous-traitance est nécessaire. Ce n'est pas une attaque contre le service public... (Exclamations.)Je vous remercie de votre réaction pleine de bon sens !

Le président. Laissez parler M. Reymond !

M. André Reymond. Le projet de loi mentionne la souplesse, car on sait que les entreprises privées - mais, oui, on le sait bien ! - coûtent moins cher... (Exclamations.)... que les entreprises d'Etat. On entend dire que certaines entreprises de sous-traitance utilisent du vieux matériel... Oui, et alors ? C'est la preuve que l'on peut offrir des prestations avec du matériel qui n'est pas flambant neuf, surtout quand on sait quelles déprédations subit le matériel sur certaines lignes et quels sont les coûts des réparations !

Je pense qu'il est de notre devoir de soutenir le rapport de minorité, ce que fera le groupe UDC.

M. Gilbert Catelain (UDC). On entre dans un débat, à mon avis stérile, d'opposition entre un service public subventionné et le recours à l'économie privée... Il me semble que c'est un faux débat, dans la mesure où la constitution stipule ceci, en son article 160A, alinéa 5: «L'ensemble des offres de transport est organisé et financé de manière à assurer la mise à disposition de la population d'abonnements à des prix favorisant le choix du transport public.»

Je vous donne un exemple tout simple: récemment, ma femme a voulu aller au musée avec les enfants, soit un adulte et trois enfants... Je lui ai dit qu'avec la politique de la ville elle avait intérêt à laisser la voiture au garage et à prendre les transports publics, puisqu'elle ne pourrait pas stationner plus d'une demi-heure ou une heure et demie... Ne sachant pas s'il lui faudrait plus d'une heure et demie pour voir l'exposition, elle s'est décidée pour les transports publics... Prix du billet pour la journée: 6 F pour un adulte, et 4 F par enfant, soit 18 F au total... Excusez-moi, Messieurs, mais, à ce tarif-là, on ne prend pas les transports publics, à moins d'avoir le revenu des personnes des bancs d'en face !

Conséquence: à mon avis le mandat constitutionnel n'est pas adapté, que ce soit au niveau de l'organisation ou au niveau du financement. Je discutais, il y a quelques mois, avec le directeur des ressources humaines qui me disait recevoir chaque semaine quatre-vingts offres d'emploi de chauffeurs de bus frontaliers, formés, prêts à travailler aux TPG du jour au lendemain ! (Commentaires.)Effectivement, les TPG acceptent encore de privilégier le marché local... Mais c'est exactement la même chose dans la sous-traitance ! Si les TPG se contentent de cette limite de 10%, c'est parce qu'il y a une pression à l'intérieur de l'entreprise ! Si l'on faisait sauter dans la loi ce verrou de 10%, on gagnerait probablement sur les deux plans: d'une part au niveau du financement des TPG - pour atteindre la répartition cinquante-cinquante - et, d'autre part, au niveau du coût des billets de transport pour les usagers. C'est aussi dans l'intérêt de l'entreprise TPG de se mettre en concurrence et de se confronter à la réalité économique des coûts entre secteur public et secteur privé, tout en sachant qu'il est également dans son intérêt de garder un certain savoir-faire, donc un pourcentage de sous-traitance au sein de l'entreprise.

Comme l'a dit mon collègue, André Reymond, nous soutiendrons l'amendement du rapporteur de minorité et nous soutiendrons ce projet de loi dans son ensemble. Il va dans le sens que vous voulez en fin de compte, c'est-à-dire une extension de l'offre et une croissance de l'utilisation du service public. Mais il faut bien vous mettre dans la tête qu'au prix actuel la croissance de l'utilisation des transports publics ne sera pas forcément aussi importante que vous le désirez. Pour de nombreuses familles de la classe moyenne, ils sont encore manifestement trop chers.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Sami Kanaan (S). Avant de parler du projet de loi, j'aimerais quand même annoncer une bonne nouvelle à notre collègue Catelain pour son budget familial - il a raison de relever que les déplacements familiaux coûtent trop cher: le nouveau forfait famille des TPG qui va bientôt être disponible lui permettra, dans le même cas de figure, de ne payer que 4 F pour toute la famille, lui y compris. Il pourra donc accompagner sa femme et ses enfants pour le même prix...

Plus sérieusement: ce qui nous frappe dans cette discussion, c'est cette obsession de vouloir faire croire à la population qu'en augmentant la sous-traitance on va faire des économies... Il faut savoir que les usagers des transports publics sont sensibles à un certain nombre de critères, qui les incitent ou pas à utiliser régulièrement les transports publics. Bien sûr, il y a la qualité de la desserte, en termes de réseau, de lignes; il y a évidemment la fréquence qui est très importante, mais ce qui joue un rôle considérable, c'est la qualité des véhicules, la conduite, la fiabilité et la sécurité. Selon que les usagers sont satisfaits ou non sur ces points, ils utiliseront ou pas les transports publics. Etonnamment, le coût n'est pas un argument décisif - toutes les enquêtes le confirment. Il joue un rôle, certes, mais il n'est pas prépondérant. Si le service est bon, s'il est fiable, s'il est satisfaisant du point de vue de la desserte, les gens prennent les transports publics. A Genève, nous avons actuellement un effort à fournir - nous sommes d'accord sur ce point - pour augmenter la part des transports publics et les rendre plus attractifs... (Un portable sonne et provoque du larsen.)

La présidente. Il y a un natel qui sonne... (Rires et exclamations.)

M. Sami Kanaan. C'est le mien, excusez-moi ! C'est réglé... (Rires et exclamations.)Il est éteint ! Si des lignes de transports publics ne remplissent pas ces conditions, les gens ne les utilisent pas ou peu.

Nous avons régulièrement des plaintes sur les lignes sous-traitées, pas toutes mais certaines. Dans le cas des lignes transfrontalières, nous n'avons pas vraiment le choix pour des raisons légales, mais - et la «Tribune de Genève» s'en fait l'écho - la plupart du temps, il s'agit de chauffeurs qui ne sont pas formés à ce travail, qui travaillent beaucoup trop longtemps, et dans des véhicules qui ne sont pas prévus à cet effet. C'est pour cela qu'ils sont moins chers. Mais à quoi cela sert-il ? Si les clients désertent ces lignes, tout devient beaucoup plus cher !

Si nous voulons - je crois que c'est la volonté de ce parlement - que les TPG soient concurrentiels, il faut qu'ils soient crédibles et qu'ils inspirent confiance. Eh bien, qu'on le veuille ou non, seule la régie peut le proposer ! La sous-traitance satisfait des cas très particuliers, et on ne comprend pas l'intention des auteurs du projet de loi, car ni la direction ni le personnel - personne ! - ne demandent davantage de marge de manoeuvre en sous-traitance. Et je vous rappelle qu'avec l'augmentation de l'offre des TPG - plus de 5% chaque année - la limite de 10% de sous-traitance autorisée augmente naturellement en chiffres absolus, ce qui donne une marge de manoeuvre loin d'être épuisée. Alors, pourquoi agiter ce chiffon rouge ? La population peut y voir une belle idée de privatisation. Elle peut imaginer - ce n'était peut-être pas votre intention, mais c'est comme cela qu'elle va le percevoir - que vous voulez confier les lignes principales des TPG à des sous-traitants privés qui ne sont ni équipés ni formés pour cela. Vous allez décrédibiliser les TPG sur ce plan, donc saboter les efforts qui, en l'occurrence, coûtent cher à la collectivité - c'est exact - pour augmenter les parts de marché des TPG. Et le service public, c'est aussi la qualité du service - ce ne sont pas seulement des conditions salariales du personnel - même si elles comptent, évidemment. Vous pouvez vous renseigner auprès des usagers qui les utilisent régulièrement, les lignes sous-traitées ne donnent pas satisfaction. Alors, si vous voulez augmenter le taux d'insatisfaction des usagers des TPG, votez la proposition du rapport de minorité ! Elle est effectivement plus modérée que la proposition initiale... Mais je dirai franchement ceci aux auteurs du projet de loi: tout le monde, dans ce Grand Conseil, a eu, une fois ou l'autre, l'impression d'avoir une bonne idée... Vous avez cru avoir une bonne idée ce jour-là... Ça nous est aussi arrivé d'avoir de «fausses bonnes idées»... Et là, vous reculez un peu parce que vous ne savez plus très bien comment vous en sortir... C'était une «fausse bonne idée» ! Retirez-la et passons à autre chose ! (Applaudissements.)

M. Gabriel Barrillier (R). Je suis attristé d'entendre mon partenaire, mon collègue, Sami Kanaan - mon complice, même ! en certaines occasions, comme ce matin en «piochant» le CEVA - dire que nous saboterions la mission des TPG en présentant cet amendement et en soutenant le rapport de la minorité...

J'ai la conscience très tranquille mais, en lisant ce rapport, je me suis demandé pourquoi les syndicats des TPG et la gauche semblent éprouver de l'urticaire à cette proposition d'assouplir - légèrement - la limite de 10% de sous-traitance... En effet, la minorité fait cette proposition en prenant moult précaution, en précisant qu'elle ne s'appliquerait qu'«en cas de besoin». Et notre collègue Spielmann nous a expliqué quel était ce besoin - nous acceptons effectivement des sous-traitances pour tester les nouvelles lignes - et il a dit que les TPG allaient augmenter le nombre de lignes et leur offre. J'en déduis donc qu'il faudra faire encore plus de tests, ce qui impliquera de travailler encore davantage avec des privés ! Je ne vois donc pas quel est le danger de cette disposition ! Je vous la lis: «En cas de besoin, pour atteindre les objectifs du contrat de prestation, un volume supérieur de sous-traitance doit faire l'objet d'une décision du Conseil d'administration - dont je ne fais pas partie, ce qui fait que je suis tout à fait à l'aise - soumise à l'approbation du Conseil d'Etat.» Il y a deux contrôles successifs... Je ne vois là aucun danger de privatisation des TPG. Mais c'est le spectre que vous vous plaisez à agiter !

J'ai aussi lu dans le rapport que vous aviez auditionné M. Stucki. Il dit très clairement que lorsque les TPG sous-traitent - il ne s'agit pas d'une concession de ligne, il ne faut pas se tromper de terme; si c'était le cas, c'est la compagnie privée qui encaisserait les recettes et qui les indemniserait... Donc, les TPG, comme tout entrepreneur général qui sous-traite - dans le bâtiment, par exemple - prévoient des conditions strictes de sécurité, comme le profil des pneus, et les conditions salariales et sociales d'usage dans la branche. Je pense par conséquent que les TPG prennent ce type de précautions lorsqu'ils sous-traitent. Et puis, Mesdames et Messieurs les députés, nous tournons là autour du pot... Lorsque j'étais à la commission tripartite du marché de l'emploi - vous savez qu'a priori il n'y a plus de contrôle des conditions - eh bien, on voyait des données assez intéressantes... J'ai en mémoire - c'était le cas, il y a quelques années - qu'un frontalier qui obtenait un permis de conducteur aux TPG gagnait en moyenne davantage qu'un pilote chez easyJet...

Une voix. C'est faux !

M. Gabriel Barrillier. Et le pilote, lui, a fait des études de polytechnique... (Remarque.)Je ne critique pas, je constate ! (Exclamations.)En plus, nos amis frontaliers bénéficient d'un change monétaire avantageux qui leur permet de vivre dans de très bonnes conditions. Alors, si vous voulez récolter les signatures nécessaires pour un référendum, mon cher collègue Spielmann, il va falloir vous lever tôt !

C'est la raison pour laquelle le parti radical appuie la proposition de la minorité.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Nous, députés du parti démocrate-chrétien, soutiendrons ce projet de loi, non pas parce que la gauche aura de la peine à récolter les signatures mais, simplement, parce que nous estimons que c'est un bon projet.

Lorsque nous avons voté le mandat de prestation, il y a de cela quelques mois, nous avions dit que nous faisions un pari sur l'avenir, puisque, effectivement, nous décidions une forte augmentation du réseau TPG et une forte augmentation des moyens - qui était même plus forte que l'augmentation du réseau. Et pour nous, ce projet de loi est une chance de pouvoir réaliser ce mandat de prestation correctement.

Je dois dire que j'ai été assez suffoquée d'entendre M. Rossiaud parler de souplesse comme étant un risque... Même M. Spielmann n'a pas osé nous sortir une phrase pareille ! Pour nous, la souplesse, en l'occurrence, ce n'est pas un risque: c'est une chance !

Ce projet de loi est tout à fait raisonnable. Il a été relevé, dans le rapport de majorité de Mme Schenk-Gottret, que la limite de 10% était rarement atteinte. Mais rien ne nous dit qu'à l'avenir, avec le nouveau contrat que nous avons négocié pour augmenter le nombre de lignes, ces 10% seront suffisants. Nous introduisons ainsi une souplesse qui, comme l'a relevé M. Gabriel Barrillier, présente une double cautèle: tout d'abord, celle du conseil d'administration des TPG - je vous rappelle à ce propos que des représentants des partis y siègent, ainsi que des travailleurs des TPG - et celle du Conseil d'Etat ! Il me semble que cette précaution est suffisamment solide pour que nous ne risquions pas les dérapages que nous décrit la gauche.

Quant à la qualité des prestations, je m'étonne d'entendre M. Kanaan nous dire que les six lignes sous-traitées seraient moins fréquentées que les autres... Peut-être le sont-elles moins parce qu'elles desservent des zones moins habitées - je ne sais pas - mais je dois dire que c'est la première fois que j'entends cela. Maintenant, si les TPG décident de sous-traiter une ligne en la confiant à une entreprise qui ne respecterait pas certaines conditions - dont les chauffeurs seraient incompétents, dont les véhicules seraient pourris, etc. - eh bien, je pense que cela se ressentirait rapidement auprès de la clientèle qui n'emprunterait plus cette ligne. Et ce seraient les TPG, en fin de compte, qui en subiraient les conséquences ! Les TPG n'ont donc aucun intérêt à confier des lignes à des sous-traitants qui ne respecteraient pas certaines règles et ne seraient pas aptes à satisfaire la clientèle.

Nous estimons que ce projet de loi est vraiment très modeste, qu'il représente une chance de pouvoir réaliser le contrat de prestation correctement et que les risques décrits par la gauche n'existent que dans leur esprit. (Applaudissements.)

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont inscrits: Mesdames et Messieurs Jean Spielmann, Rémy Pagani, Pierre Guérini, Christian Brunier, Sami Kanaan, Jean Rossiaud, Michel Ducret. Je donnerai évidemment la parole aux deux rapporteurs, dont un s'est d'ores et déjà inscrit, et à M. le président du Conseil d'Etat. Puis nous voterons à je ne sais quelle heure...

M. Jean Spielmann (AdG). Tout à l'heure, un député de l'UDC a fait allusion à l'article 160A de la constitution. Celui qui a cité cet article aurait pu aller un peu plus loin... Soit jusqu'à l'article qui avait été modifié, au moment où nous avions instauré la loi que nous traitons aujourd'hui, et qui prévoit que les transports à Genève doivent être assurés par une entreprise de transports publics. Cela figure dans la constitution ! Par conséquent, la décision de supprimer une partie des tâches des TPG pour les donner à sous-traiter n'est pas légale, puisqu'elle ne respecte pas ce principe constitutionnel. Il s'agit de l'article 160C. Vous auriez pu le lire, et vous auriez vu que nous ne sommes plus dans l'objectif.

Le peuple a voté pour dire que ce service doit être un service public. Ensuite, il a été demandé une dérogation... Le principe de la dérogation - la limite de 10% de sous-traitance - a été discuté et accepté dans le cadre de la loi, avec les précisions que j'ai données tout à l'heure - je n'y reviendrai pas - comportant des cautèles bien définies !

Partant de là, les TPG nous disent qu'ils sont d'accord avec cette limite, que cela leur permet de fonctionner et qu'ils ne souhaitent pas développer davantage la sous-traitance parce que ce n'est tout simplement pas possible. Et aussi parce que, Mesdames et Messieurs de l'UDC, les usagers sont assez sensibles à la qualité des bus en service et à la sécurité ! Par conséquent, il est nécessaire d'avoir un parc de véhicules qui soit identifiable - de la même couleur - et qui corresponde aux normes.

Tout à l'heure également, M. Barrillier a dit que le volume des TPG s'amplifiant, la sous-traitance augmentait aussi... Evidemment, puisqu'elle est en pourcentage: elle augmente dans la même proportion que le volume des TPG ! Cela me paraît tellement logique que je ne comprends même pas pourquoi vous en discutez ! Et les entreprises qui font de la sous-traitance aujourd'hui pour les TPG sont beaucoup plus nombreuses qu'auparavant - il suffit de regarder les chiffres.

Le problème de fond, c'est qu'on veut, sans que les TPG le demandent, abolir l'article de loi qui fixe l'extension à 10% et présenter un postulat qui leur permettrait de sous-traiter sans limite, ce qui pose un problème d'organisation des transports dans ce canton et vis-à-vis des investissements effectués pour améliorer la qualité de ces transports - j'ai parlé tout à l'heure de la régulation centralisée des courses, des salaires et des conditions de travail. Et il n'est pas normal - mais, bien sûr, c'est votre créneau, vous l'avez dit et répété tout à l'heure - de devoir travailler pour moins cher ! Evidemment, vous et vos amis politiques, vous n'êtes pas gênés que des gens conduisent un bus pendant seize heures ou que les chauffeurs soient exposés à des risques considérables !

L'Office fédéral des transports est intervenu, lorsque nous avons dénoncé certains faits... (Brouhaha.)Lors des dernières séances des TPG, des travaux ont encore été retirés à des entreprises parce qu'elles ne respectaient pas les conventions de travail et dépassaient très largement les heures de travail légales ! C'est un risque qu'elles font aussi courir à leurs chauffeurs, parce que, s'il arrivait un malheur, eh bien, le chauffeur serait responsable ! Au sens de l'OLDT - Ordonnance sur le travail dans les entreprises de transports publics - il serait en effet responsable s'il provoque un accident dès lors qu'il ne respecte pas les horaires de travail légaux... Et c'est ce que vous voulez faire ? C'est de cette manière que vous voulez baisser le coût du transport ?

C'est dans une toute autre direction qu'il faut aller ! Il faut continuer à améliorer les transports, permettre la sous-traitance d'un certain nombre de lignes, comme c'est le cas aujourd'hui - et la limite de 10% est suffisante, puisqu'elle n'a jamais été atteinte - et il faut continuer à développer le réseau des transports pour le bien-être de la population genevoise, cela notamment par le biais des équipements électroniques et techniques dans lesquels nous investissons massivement pour permettre à tous les bus d'atteindre le même niveau de qualité !

Pourquoi des usagers qui payent le même prix que d'autres devraient-ils prendre des bus de qualité inférieure et ne répondant pas aux critères de sécurité ? Il n'y a aucune raison à cela !

Je pense que les règles établies doivent être respectées par tout le monde ! Pour cela, il faut d'abord que vous respectiez vos propres règles et vos propres décisions.

Monsieur Plojoux, je regrette de vous le dire encore une fois: quand le projet a été adopté, vous aviez promis que vous ne reviendriez pas sur ce point... En revenant sur cette décision en supprimant cette limite de 10%, vous remettez en cause le principe même figurant dans la constitution, c'est-à-dire que le service public des transports, le monopole que la Confédération délègue à Genève, doit être accompli par une entreprise de service public ! Dans un premier temps, nous nous battrons juridiquement pour que cette loi, si vous la modifiez, redevienne ce qu'elle est.

Un autre élément me permet de dire qu'on a peut-être encore une chance d'éviter qu'une catastrophe ne se produise trop vite, en dehors du fait que les TPG ne veulent pas de votre proposition et que c'est heureusement eux qui décideront et pas vous - mais je sais que vous pouvez suffisamment faire pression pour dégrader le service public... Eh bien, cette chance, c'est le Conseil d'Etat ! Et je demande que ce dernier nous dise clairement qu'il n'acceptera pas d'aller dans la direction proposée par ce projet de loi.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Rémy Pagani (AdG). Un certain nombre de contre-vérités ont été dites dans ce parlement, qui valent la peine d'être clarifiées. Notamment, celle avancée par M. Barrillier qui prétend qu'un chauffeur des TPG gagnerait le même salaire qu'un pilote d'avion d'easyJet. M. Barrillier n'est pas là, il doit être à la buvette... S'il avait un minimum de connaissances du domaine de l'aviation, il se rendrait compte que ce n'est pas la même chose de transporter des passagers en avion qu'en autobus. Un pilote doit avoir certaines compétences - qui, bien sûr, se payent. Heureusement, non seulement les avions d'easyJet sont neufs - comme l'indique la réclame - mais les pilotes sont formés et compétents. Et ils ne sont, et de loin, pas payés comme les employés des TPG - malheureusement, peut-être. En tout cas, M. Barrillier se trompe en affirmant que les employés des TPG touchent un salaire équivalent à celui des pilotes d'easyJet: je connais très bien ces salaires-là, je peux vous dire qu'ils sont légèrement en dessous de ceux des pilotes de la nouvelle compagnie Swiss - mais pas nettement en dessous - et qu'ils dépassent les 200 000 F.

Cela étant, il me paraît tout à fait légitime que les employés des TPG soient bien payés parce que, je le rappelle, ils travaillent une partie de la nuit et très tôt le matin. Ils ont des rythmes de travail que ni vous ni moi n'accepterions sans des conditions salariales appréciables pour assurer le travail en équipe. Je le rappelle, et toutes les études physiologiques le prouvent: le travail en équipe use beaucoup plus l'organisme que le travail diurne, surtout quand il s'agit de conduire.

Par ailleurs, je trouve scandaleux, Monsieur Reymond, que vous nous disiez que, puisque des déprédations sont commises dans les bus à Genève, il n'y a qu'à utiliser des bus qui ne sont pas en très bon état... Vous savez bien que «sous-traitance» signifie «profit», ce qui implique qu'on supprime quelque chose, soit au niveau de la masse salariale soit au niveau de la sécurité...

Une voix. Les deux!

M. Rémy Pagani. Ou même les deux, à la fois ! Vous reconnaissez que la sous-traitance génère - parce que la notion de profit est omniprésente - une baisse des salaires ou une sécurité moindre. Je vous rappelle, Monsieur Reymond, à vous qui vous faites le chantre de la lutte contre les déprédations, que le premier principe en la matière - et tout le monde vous le dira - c'est d'avoir du matériel régulièrement remis à neuf, des collèges entretenus et les façades lavées. Car les déprédations entraînent les déprédations... Et ce que vous nous proposez, c'est de mettre à disposition de la population des bus qui sont dans un état déplorable, ce qui entraînera encore plus de déprédations ! D'intolérables inepties sont dites dans ce parlement !

Pour ce qui est du fond, vous avez posé une bonne question, Monsieur Catelain: celle de la concurrence. En ce moment, une compagnie transnationale de téléphonie offre même le téléphone gratuitement... Vous croyez à cela, vous ? Je n'y crois pas du tout ! S'agissant de la poste, le même discours a été tenu... Concrètement, envoyer un paquet par la poste coûtait 3 F seulement il y a dix ans; aujourd'hui, pour envoyer le même paquet aux mêmes conditions, cela coûte 30 F, Monsieur Catelain ! C'est cela la concurrence que vous nous proposez ! Elle ne consiste pas simplement à faire jouer un certain dynamisme, elle introduit une notion de capitalisation dans un marché qui était non marchand, qui était un service au public. En l'occurrence, les PTT ont comme objectif aujourd'hui de «faire des sous» avec un service public.

Par conséquent, nous pensons que cette libéralisation, ce début de privatisation que vous voulez introduire aux TPG - sa privatisation est possible - va entraîner une détérioration des conditions salariales. Du reste, cela s'est déjà produit, puisque, comme l'a dit mon collègue Spielmann, une entreprise de la place - dont j'ai également rencontré les employés - à laquelle les TPG sous-traitaient une de leurs lignes, engageait des Turcs qui conduisaient les bus seize heures par jour. Inutile de dire que les conditions de sécurité ne sont pas respectées, que le matériel - cela a été dit - est en piteux état... pneus usés jusqu'à la corde, etc. Et ces chauffeurs, qui remplissent déjà des horaires difficiles puisqu'ils travaillent le matin très tôt et le soir très tard, connaissent des conditions salariales extrêmement déplorables. C'est d'ailleurs pour cela qu'ils doivent travailler seize heures: pour avoir un salaire décent qui leur permette de vivre correctement ! Ces conditions, nous ne les voulons pas ! Et si un référendum est lancé, notre groupe parlementaire et notre organisation politique le soutiendront.

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Le président. Je donne la parole à M. André Reymond qui a été mis en cause.

M. André Reymond (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, je trouve un peu léger que certains attaquent la formation des chauffeurs qui travaillent pour des entreprises privées... J'imagine qu'ils ont un permis de conduire et la compétence nécessaire pour conduire un bus... (Exclamations.)En ce qui concerne le vieux matériel, je pense qu'il a le droit de rouler... (Rires et exclamations. Le président agite la cloche.)Il est vrai que des entreprises sous-traitantes font rouler de vieux bus, mais il faut indiquer que certaines d'entre elles sont tout simplement dans l'attente d'un nouveau matériel. Et je signalerai en outre que des bus des Transports publics genevois sont lavés chez des sous-traitants, car certains véhicules, longs, ne peuvent pas l'être aux TPG.

Si certains chauffeurs effectuent plus d'heures qu'ils ne le devraient - puisque vous parlez de seize heures par jour - je ne suis pas d'accord avec cette façon de faire qui ressemble plus à ce qui se passe en Chine... (Exclamations.)... que chez nous où la loi prévoit... (L'orateur est interpellé par M. Grobet.)Si vous permettez, cher collègue d'en face !

Le président. Monsieur Grobet, s'il vous plaît !

M. André Reymond. La loi du travail doit être respectée, et nous sommes favorables au respect de cette loi ! S'il y a une loi, elle doit être appliquée. Pour cela, des contrôles doivent être effectués.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je rappelle à l'intention de M. Grobet que le prix qui sera attribué ne sera pas le Champittet mais le Champignac ! (M. Grobet répond hors micro.)Je vais vous laisser en discourir avec lui ! Monsieur Pierre Guérini, vous avez la parole.

M. Pierre Guérini (S). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi pose plus de problèmes qu'il ne résout de questions. Finalement, on veut faire le bonheur des gens malgré eux: les TPG ne sont pas demandeurs de supplément de sous-traitance... On se rend compte - cela a été dit à plusieurs reprises - que le matériel n'est absolument pas adapté: on voit des bus longs courriers faire du service en ville; on ne peut pas faire entrer facilement les poussettes dans les véhicules; de plus, le problème de la sous-traitance en matière de nettoyage a été évoqué. Eh bien, dans la limite de 10% de sous-traitance, on peut faire nettoyer les bus trop grands par des entreprises, puisque les TPG ne sont pas outillés pour cela ! Cela entre tout à fait dans le pourcentage fixé.

Si l'on ne veut pas démanteler le service public, que cherche-t-on ? Malheureusement, la réponse vient automatiquement: on veut favoriser les petits copains qui ont des entreprises de transport, les petits copains qui ont des garages... Mais, c'est tellement grossier qu'on a l'impression, à vous entendre, d'être dans une République bananière !

M. Christian Brunier (S). Depuis près d'une heure, nous poursuivons un débat très idéologique sur les transports, ce qui est l'habitude de ce parlement. Je dirai qu'il faut en profiter... Parce que, d'ici quelque temps, ce ne sera pas l'idéologie qui portera les débats sur les transports, ce sera la raison ! En effet, nous ne pourrons que constater un blocage généralisé à Genève. Je vous rappelle quand même les chiffres: d'ici à 2015, la mobilité augmentera de 40% à Genève. 40% de plus ! Cela veut dire que si nous ne traitons pas la politique des transports d'une manière un peu plus novatrice et moins dogmatique, Genève deviendra un bouchon généralisé !

Nous étions d'accord sur ce constat et nous avons - la droite comme la gauche - élaboré un contrat de prestation assez ambitieux pour les TPG: il consistait chaque année à amplifier l'offre pour essayer de combler le retard, pour répondre à l'augmentation de mobilité et pour réaliser un certain transfert modal. Nous étions tous d'accord, je le répète. J'insiste: ce contrat de prestation est très ambitieux. Les moyens pour le réaliser augmentent, certes - nous étions également tous d'accord sur ces derniers - mais les administrateurs des TPG, qu'ils soient de droite ou de gauche, disent que ces moyens sont relativement limités, sauf si les TPG devaient être réformés en profondeur. Les TPG bénéficient d'un savoir-faire important sur le plan technique, ils l'ont montré: ils ont permis une amélioration sensible de l'entreprise, durant les années 80 entre autres, mais, aujourd'hui, il faut plus...

La présidence des TPG est actuellement confiée à l'un des vôtres, un président libéral, qui a considéré qu'il fallait rétablir la confiance avec le personnel pour réformer les TPG. Je ne cautionne pas - et de loin pas - toute sa politique, mais il faut reconnaître qu'il a raison. Et la confiance ne se décrète pas: la confiance se mérite ! Le Bureau du Conseil d'administration des TPG effectue tout un travail pour tenter de calmer le jeu et pour répondre aux préoccupations du personnel - qui ne sont pas forcément politiques ou syndicales, elles peuvent être professionnelles: par exemple, comment faire avancer un bus pendant les heures de pointe en prenant des mesures en matière de circulation, qui peuvent paraître anodines mais qui n'ont pas été appliquées à Genève depuis des années ? Et cette confiance commençait à s'établir... Là, je ne comprends donc pas la position de la droite: au moment où un président - de votre bord - est en train d'établir un minimum de confiance avec le personnel, des députés de vos rangs, dont un membre du bureau du conseil d'administration, déposent un projet de loi qui peut inspirer la crainte, à tort ou à raison... (Remarques.)A tort ou à raison ! Et qui risque de déstabiliser... Qui déstabilise une entreprise publique ! (L'orateur est interpellé par M. Kunz.)Alors, Monsieur Kunz, l'exemple de l'entreprise privée n'est pas bon ! Excusez-moi, mais nombreuses sont les entreprises privées qui courent à l'échec... (Exclamations. Le président agite la cloche.)... parce que leurs managers ne savent pas gérer les conflits ! (Exclamations.)Ce n'est vraiment pas un exemple ! Dans cette entreprise publique, un président libéral est en train d'établir un minimum de confiance avec les chauffeurs, et vous choisissez ce moment-là pour déposer un projet de loi qui ne sert à rien !

Vous l'avez dit: il n'y a pas de problème de sous-traitance aujourd'hui ! La totalité du conseil d'administration, de la droite la plus dure à la gauche la plus dure, est unanime pour dire qu'il n'y a pas de problème de sous-traitance aujourd'hui ! Puisque le seuil de sous-traitance autorisé n'est pas atteint ! Et, d'un coup, d'un seul, vous semez le doute, vous causez le trouble... Vous êtes en train de bloquer complètement toute réforme des TPG ! C'est grave ! Au moment où l'on demande à cette entreprise publique une amélioration sensible... Vous allez à l'échec... (L'orateur est interpellé.)Oui, Monsieur Barrillier ! Et je vous promets que la gauche et les syndicats seront unanimes pour soutenir le référendum contre cette loi... (Exclamations.)... qui est inutile, qui provoque la population, qui provoque les syndicats, et qui va permettre une seule chose...

Une voix. On l'a vu aujourd'hui ! (Le président agite la cloche.)

M. Christian Brunier. C'est une provocation inutile alors que la sous-traitance fonctionne d'une manière relativement convenable ! Il y a certes des dysfonctionnements, M. Spielmann les a évoqués, mais ni nous ni vous ne souhaitons le dumping social - en tout cas une partie d'entre vous. Un ajustement de la sous-traitance doit certes être fait, mais il n'y a pas de problème de sous-traitance, je le répète ! Aujourd'hui, vous êtes en train de susciter le trouble dans les TPG, à un moment où la sérénité serait nécessaire pour réformer ces derniers !

En ce qui nous concerne, nous soutiendrons le référendum, et la population appréciera ! (Applaudissements.)

M. Sami Kanaan (S). J'ai écouté les interventions de nos collègues de l'Entente pour essayer de comprendre quelle est la vraie motivation de ce projet de loi... Mais je dois être obtus, car je n'ai toujours pas compris ! (Commentaires. Le président agite la cloche.)Par rapport à ses effets désastreux sur le climat de confiance aux TPG, vous n'avez pas prouvé la nécessité de ce projet de loi. Votre intention - j'insiste sur les propos tenus par mon collègue Brunier et par d'autres - n'est probablement pas de faire peur au personnel - ou à la population genevoise, ce qui serait encore plus grave - ni de lui laisser croire que vous voudriez privatiser les TPG, or c'est l'impression que vous allez donner, et c'est sur ce point que se jouera la campagne référendaire - s'il y en a une. Vous allez être accusés de vouloir privatiser les TPG dans un moment crucial pour l'avenir des transports dans ce canton... (L'orateur est interpellé.)C'est exactement ce qui va se passer: vous allez braquer l'entreprise ! Inutilement, et de la direction jusqu'au personnel ! Que cela soit dit aujourd'hui: vous devez être conscients de la responsabilité que vous prenez alors que les personnes qui gèrent les TPG n'ont rien demandé !

De deux choses l'une: soit vous n'avez aucune idée de ce que sont les TPG à l'heure actuelle, soit vous avez vraiment les intentions que vous prétendez ne pas avoir... Quoi qu'il en soit, pour l'instant, aucun d'entre vous n'a donné un seul argument convainquant sur ce qu'il fallait faire. Vous vous êtes contentés de répéter que le privé est plus efficace que le public, ce qui, dans le cadre des transports publics - l'exemple anglais l'a d'ailleurs largement montré - est complètement faux ! En effet, l'exemple anglais a prouvé que la privatisation du rail soulève des problèmes de sécurité très graves et de fiabilité: plus un seul train anglais n'arrive à l'heure et, de surcroît, les prix ont augmenté en comparaison avec l'époque où le service était public.

Une voix. Ce n'est pas possible !

M. Sami Kanaan. Ah, si ! Si, c'est vrai, en Angleterre ! (Exclamations. Le président agite la cloche.)Alors, vous dites que ce n'est pas votre intention... Nous voulons bien vous croire ! Mais, alors, pourquoi souffler le chaud et le froid ? Vous faites la même chose avec le budget de la fonction publique: vous passez votre temps à nous dire, la bouche en coeur, que vous ne voulez pas braquer la fonction publique, que vous ne voulez pas la guerre, mais vous faites des propositions qui déclenchent la guerre à chaque fois ! Vous n'êtes quand même pas naïfs à ce point ! (Applaudissements.)

M. Jean Rossiaud (Ve). Je reprendrai en quelques phrases la question de la souplesse, au sujet de laquelle Mme Ruegsegger m'a fait un reproche... Effectivement, la souplesse est à la fois une chance et un risque: elle est une chance pour les entreprises de sous-traitance, mais elle est un risque pour les employés de ces entreprises, pour les employés des TPG et pour les usagers des TPG.

Ce n'est vraiment pas le moment de provoquer des conflits; ce n'est pas le moment d'essayer de fragiliser les TPG: ils n'en ont pas besoin ! Et l'enjeu est beaucoup plus important que cela !

S'il vous plaît, refusez ce projet de loi !

M. Michel Ducret (R). Il faut tout de même rappeler certaines notions: la sous-traitance, ce n'est pas une concurrence par rapport aux prestations des TPG... Ce sont les TPG qui sous-traitent des prestations pour lesquelles ils sont mandatés. La sous-traitance, ce n'est pas une privatisation des TPG: ce sont les TPG qui commandent la sous-traitance.

Finalement, les craintes exprimées par M. Brunier sont plutôt le fruit des interventions négatives que l'on entend ce soir, interventions sans prospective, basées sur une situation actuelle.

Monsieur Spielmann, vous perdez complètement les pédales... (Rires et exclamations.)

Une voix. C'est le cas de le dire !

M. Michel Ducret. Monsieur Spielmann, si les véhicules des sous-traitants doivent être équipés pour la gestion à distance des prestations de service public, ils le seront ! Cela figurera dans les conditions de sous-traitance !

S'il y a eu des retraits de mandats de sous-traitance, ce n'est pas pour des raisons de sécurité ou des choses de ce genre-là... Jusqu'à maintenant, c'était essentiellement pour des questions de charges sociales non payées. D'ailleurs, ces retraits de mandats de sous-traitance prouvent une chose, Mesdames et Messieurs: ils prouvent que les contrôles existent ! Et s'il y a encore des déficiences à ce niveau - et je vous l'accorde volontiers, Monsieur Spielmann - il faut renforcer les contrôles ! (L'orateur est interpellé par M. Spielmann. Le président agite la cloche.)Et les TPG doivent être encore plus exigeants, en effet, avec leurs sous-traitants.

Quant à aller affirmer que les sous-traitants effectuent des prestations avec des véhicules non adaptés qui sont conçus pour les longues distances, c'est absolument aberrant ! Au contraire: on s'aperçoit de plus en plus que la «flotte» des sous-traitants correspond tout à fait au parc des TPG, à part quelques-uns qui utilisent encore des bus, mais des bus urbains, qui ont été rachetés d'occasion dans d'autres villes, voire aux TPG eux-mêmes. D'ailleurs, plusieurs d'entre eux, assurent des prestations avec les véhicules des TPG ! Alors, s'ils sont assez bons pour les TPG, j'imagine qu'ils doivent l'être pour les sous-traitants ! (Commentaires.)

Une voix. Eh, oui !

M. Michel Ducret. Vous avez dit que la sous-traitance était inutile... Excusez-moi, Mesdames et Messieurs les députés, mais, avec une augmentation des prestations de 20% sur quatre ans, aujourd'hui déjà on frôle presque la limite de 10% de sous-traitance dans l'actuel contrat de prestation. Et les bénéfices des TPG vont diminuer ! Parce que les dépenses augmentent. Et l'on n'arrivera pas toujours à gérer cela facilement.

Une cautèle, qui est fondamentale à mes yeux, a été introduite dans le projet de loi. Car l'important, c'est d'avoir une vision à long terme... A quoi sert cette sous-traitance ? A développer le réseau, Mesdames et Messieurs ! Pour les nouvelles lignes à l'essai, pour développer le petit entretien, nécessaire avec l'augmentation du parc de véhicules, et pour développer le réseau outre-frontière. Concernant ce dernier point, en regard des lois françaises et des lois communautaires actuelles, nous ne pouvons pas - nous, entreprise TPG - fournir les prestations directement outre-frontière sans passer par une sous-traitance ou par l'entreprise TPG France. Mais, Monsieur Brunier, cette dernière posera exactement les mêmes problèmes qu'avec un sous-traitant, par rapport aux syndicats, parce que les salaires de TPG France sont basés sur ceux des entreprises françaises - et ils sont encore moins élevés que ceux des sous-traitants sur Genève.

Alors, qu'on ne brade pas les prestations des TPG, Mesdames et Messieurs: d'accord ! Mais face aux nécessités de développer les prestations, se lier les mains par cette limite de 10% est ridicule ! Pour peu - je l'accorde volontiers à M. Spielmann - qu'on ne brade pas ce qui a été édifié depuis de longues années...

Le projet de loi tel qu'il a été modifié en commission est acceptable à ce titre-là. Alors que, sans cette modification, il eût été inquiétant - c'est compréhensible - pour les employés des TPG comme pour ceux qui sont chargés de gérer les TPG, en raison des distorsions de concurrence. Et, croyez-moi, je n'aurais pas accepté ce projet de loi sans cette cautèle !

Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout de même à rappeler que le taux de couverture, soit la part du revenu des titres de transport sur la totalité des coûts des TPG, est très faible par rapport à d'autres entreprises comparables en Suisse et en Europe. C'est le poids du réseau de campagne qui pèse sur les finances de l'entreprise TPG. Et cela de manière historique depuis plus d'un siècle.

Les augmentations de prestations souhaitées par tous ici, y compris et surtout par l'opposition, vont entraîner une forte augmentation des coûts globaux des TPG, parce qu'elles vont précisément s'exercer dans les secteurs où le rendement des billets est le moins bon. En sous-traitant, les TPG peuvent maintenir ces augmentations dans des marges qui restent raisonnables, mais, en empêchant cette éventuelle - très éventuelle - possibilité, c'est au contraire le prix des billets qui devra augmenter encore plus, et ce seront les mêmes qui ont empêché de le maintenir dans des limites raisonnables qui s'y opposeront: c'est-à-dire, vous-mêmes, l'opposition !

A ce titre, l'intervention de M. Rossiaud est absurde... Car, au contraire, c'est en se liant les mains, Mesdames et Messieurs, que l'on empêchera le développement raisonnable du réseau ! Parce que les possibilités économiques manqueront à un moment donné.

Donc, la cautèle apportée au projet de loi me semble être une garantie bien suffisante pour éviter tout dérapage et pour que ce projet de loi ne puisse être considéré comme une déclaration de guerre aux syndicats. Sans cette cautèle, je le répète, je n'aurais pas accepté ce projet... J'estime dès lors qu'avec cette dernière ce projet de loi est non seulement acceptable, mais bien souhaitable. Parce que gouverner, faire de la politique, Mesdames et Messieurs, c'est prévoir ! Et c'est bien là le but de cette petite modification de notre loi sur les transports publics. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Mme Françoise Schenk-Gottret (S), rapporteuse de majorité. Je suis surprise. En effet, on est en plein paradoxe: on parle d'économies, alors qu'il a fallu créer des postes spécifiques pour la surveillance de la sous-traitance... En matière d'économies, on pourrait aussi se poser des questions à propos de la radio centralisée des transports qui a connu d'importants problèmes quant au respect des horaires... Alors, on est loin de mesures dites «d'économies» ! Et, enfin, on ne peut pas nier qu'on met en danger la sécurité des usagers des transports publics en demandant à des chauffeurs de travailler seize heures par jour et de rouler avec des bus qui ne sont pas fiables. On sait que cela signifie une qualité de service moins largement amoindrie. (Commentaires. Le président agite la cloche.)

C'est pourquoi il me semble qu'on est en plein paradoxe; on démontre là que ce projet de loi est tout à fait inutile.

M. Alain Meylan (L), rapporteur de minorité. Je rappellerai quelques points et vais recentrer la portée de l'amendement proposé.

J'ai bien entendu ce qui a été dit par les députés de l'Alternative et me suis demandé s'ils avaient vraiment lu l'amendement ou s'ils n'étaient pas tout simplement partis dans leur diatribe par rapport au projet de loi initial... En effet, j'aurais pu admettre les arguments qu'ils ont avancés s'il s'agissait du projet de loi initial, mais le projet de loi sur lequel nous allons voter ce soir est tout à fait différent: il ne change rien à ce qui se fait à l'heure actuelle aux TPG ! (Commentaires.)A savoir que la limite de sous-traitance reste fixée à 10% dans la loi. Mais il accorde un peu plus de souplesse à la société des TPG en cas de besoin; cela peut permettre une gestion moderne, dynamique, flexible et sociale. Et c'est justement dans cet objectif, prévu et fixé dans le contrat de prestation, que l'on veut, en modifiant cet article... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)... donner la possibilité au conseil d'administration des TPG d'augmenter la sous-traitance.

Au niveau politique, je soutiens naturellement le cadre ainsi donné à l'entreprise. Je ne suis pas membre du Conseil d'administration - comme presque tous ceux qui se sont exprimés - et ne peux pas savoir dans quel secteur la sous-traitance pourrait se développer, mais il est de ma responsabilité politique de donner un cadre et des possibilités d'action à cette entreprise.

Pour ce qui est des conditions de travail, rappelons quand même que les TPG sont soumis au marché public et que, si des mandats sont attribués en sous-traitance, ils doivent l'être avec l'accord de l'Office cantonal de l'inspection des relations du travail - OCIRT - qui, je le sais, fait très bien son travail. Si des abus doivent être dénoncés - comme ils l'ont été ce soir - loin de moi la pensée qu'il ne faut pas les signaler, mais nous avons des services d'Etat qui doivent contrôler et dénoncer les conditions dans lesquelles ces mandats, ces marchés publics, sont octroyés. Et, si ces conditions transgressent les lois, les usages et les conventions collectives, il faut dénoncer cela, précisément !

Je vais presque être un peu ironique... Vous dites que certains véhicules ne seraient pas adaptés à la conduite à Genève... Mais qui contrôle les véhicules ? Le Service des autos ! C'est un organe étatique... Faudrait-il le privatiser pour, justement, qu'il fasse son travail ?! (Exclamations. Le président agite la cloche.)Cela dit, et pour être plus sérieux, j'ai bien entendu M. Brunier évoquer une augmentation de 40% de la mobilité et déclarer qu'il fallait répondre à ce défi... Dans cet objectif, je l'approuve ! Pour dire qu'il faut donner des moyens au TPG en prenant certaines mesures, et la sous-traitance est une !

M. Brunier a exprimé des craintes par rapport à la direction des TPG qui serait déstabilisée... Je le renvoie simplement à la dernière session, lorsqu'il posait une question intitulée, sauf erreur : «Y a-t-il un pilote aux TPG ?» (L'orateur est interpellé.)Ou je ne sais pas qui ! Il faudrait également voir ce qui boute le feu, et de quelle manière...

Pour terminer, je pense que le préambule du débat de ce soir concernant ce projet de loi a malheureusement été basé sur des craintes infondées, puisque, comme je l'ai dit, l'amendement que nous proposons tient compte de toutes les discussions - souvent pertinentes - et de toutes les auditions qui ont permis aux personnes d'étayer leurs arguments. Et cet amendement va dans le sens de la modernisation du service public.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur de minorité, et je donne la parole à M. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat.

M. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat. Le long débat soulevé par ce projet de loi a au moins permis à ce parlement de se faire une idée assez précise des enjeux... Pour ma part, je me bornerai à vous faire part de la position du Conseil d'Etat en trois points.

Premier point. Il faut relever que ce projet de loi n'émane pas du Conseil d'Etat, il est issu d'une initiative parlementaire. Aujourd'hui, ni les TPG ni le Conseil d'Etat ne sont demandeurs d'une législation qui déroge à la limitation prévue par la loi, selon laquelle la sous-traitance ne peut pas dépasser 10% du montant des charges totales des TPG. Si nous ne sommes pas demandeurs, c'est parce que ce seuil est aujourd'hui loin d'être atteint... Non seulement il est loin d'être atteint mais, au fond - comme cela a déjà été relevé dans le débat - dans la mesure il est défini en pourcentage et où l'enveloppe des TPG va en s'accroissant, ce pourcentage de 10% couvrira une enveloppe plus importante de sous-traitance possible.

A cela s'ajoute - on peut le constater - que les TPG, avec les règles du jeu actuelles, seront très vraisemblablement en mesure de respecter ce que votre Conseil a voulu par une motion, en même temps qu'il a adopté le contrat de prestations, c'est-à-dire que la contribution de l'Etat aux TPG ne dépasse pas 50% dans le cadre du prochain contrat de prestation. Nous y arriverons - et nous y arriverons avec les règles actuelles.

Deuxième point que j'entends souligner: par rapport au texte de loi proposé, on peut lire dans le rapport de minorité que la règle fixée est le seuil de 10% de sous-traitance, mais qu'on peut y déroger, moyennant trois conditions qui sont autant d'exceptions cumulatives. La première de ces conditions est qu'on n'arrive pas à atteindre les objectifs du contrat de prestation. A cette condition s'en ajoute une seconde: le conseil d'administration doit prendre une décision, passant au-delà de ce seuil de 10%. La troisième condition est que cette décision devrait encore être ratifiée par le Conseil d'Etat.

En d'autres termes, on a placé tant de cautèles qu'il y a assez peu de chances que cette disposition soit appliquée. Et, comme je vous l'ai dit, le Conseil d'Etat n'en est pas demandeur et les TPG ne le sont pas non plus. On se place donc très largement dans l'ordre d'un débat symbolique: sommes-nous pour ou contre la sous-traitance ?

Troisième point que j'aimerais soulever: je ne crois pas que ce débat symbolique soit très heureux aujourd'hui... Vous connaissez les difficultés auxquelles notre canton est confronté en termes budgétaire et financier. Vous avez - peut-être dans vos caucus; peut-être en lisant la presse; peut-être à travers d'indications ayant filtré dans telle ou telle commission parlementaire - entendu parler des efforts ou des choix effectués par le Conseil d'Etat - qu'il sera amené à vous présenter dans le cadre du budget 2005 - qui sont rigoureux, et qui seront assurément de nature à soulever un certain nombre d'inquiétudes et de protestations... A ce stade - et je reprends en ce sens totalement l'intervention du député Brunier - je ne crois pas qu'il soit adéquat, pour des raisons d'ordre symbolique, d'ajouter l'incertitude à l'incertitude. Il serait bon de faire aujourd'hui l'économie d'un conflit social aux TPG, et je crois qu'il serait responsable de la part de ce parlement de ne pas s'engager dans cette voie uniquement pour manier des symboles.

A l'issue de ce débat, le Conseil d'Etat vous dit très clairement qu'il n'est pas demandeur d'une législation visant à aller au-delà de ce seuil de 10%; que, si vous deviez adopter cette législation, il refuserait des propositions allant dans ce sens - comme le prévoit l'amendement que vous avez présenté - parce qu'il ne les estime pas fondées dans le cadre de la situation actuelle des TPG. Au-delà de cela, et en espérant avoir atténué quelques inquiétudes, je vous dis aussi qu'il n'est pas adéquat aujourd'hui d'allumer de nouveaux foyers dans cette République: il y en a bien assez comme cela ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Monsieur Brunier, je vous donne la parole, mais je vous demande de ne vous exprimer que sur la procédure de vote.

M. Christian Brunier (S). Face à une provocation dogmatique de ce parlement, il y a forcément un risque de référendum. De ce fait, il est normal...

Le président. Non, non, Monsieur Brunier!

M. Christian Brunier. (L'orateur hausse le ton.)De ce fait, il est normal qu'on...

Le président. Non, non, non !

M. Christian Brunier. Il est normal qu'on connaisse...

Le président. Monsieur Brunier, jouez le jeu !

M. Christian Brunier. De ce fait, il est normal qu'on connaisse le vote...

Le président. Monsieur Brunier...

M. Christian Brunier. ... des députés, et je demande le vote nominal !

Le président. Voilà ! (Exclamations.)

Pour demander l'appel nominal, il n'y a pas besoin de parler de référendum ! Il suffit de dire que vous demandez l'appel nominal, c'est simple ! Etes-vous soutenu, Monsieur Brunier ? (Quelques mains se lèvent.)Un peu plus de conviction, Mesdames et Messieurs les députés ! Levez la main ! Bien, la demande est appuyée.

Nous nous prononçons donc par appel nominal sur la prise en considération de ce projet de loi. Le vote est lancé.

Mis aux voix à l'appel nominal, ce projet est adopté en premier débat par 49 oui contre 37 non et 1 abstention.

Appel nominal

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement présenté par M. le député Meylan, rapporteur de minorité, à l'article 1, alinéa 5, deuxième phrase, en page 11 dudit rapport.

Je crois que vous l'avez suffisamment bien expliqué, Monsieur le rapporteur de minorité. Souhaitez-vous reprendre la parole ou peut-on passer au vote ? Je crois que les choses sont claires...

Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets cet amendement. J'imagine que l'appel nominal est demandé... Qu'en est-il ? Vous hésitez... Alors, levez la main ! (Quelques mains se lèvent.)C'est mou tout ça ! (Exclamations.)Bien ! Alors, je pars du principe que l'appel nominal n'est pas demandé.

Voici l'amendement. A la deuxième phrase qui commence par: «Le volume des activités pouvant être données en sous-traitance», on lira ensuite: «ne doit pas dépasser 10% du montant des charges totales des TPG. En cas de besoin, pour atteindre les objectifs du contrat de prestation, un volume supérieur de sous-traitance doit faire l'objet d'une décision du conseil d'administration, soumise à l'approbation du Conseil d'Etat.» Le vote électronique est lancé.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 49 oui contre 37 non et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 1, alinéa 5, ainsi amendé, est adopté.

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté.

Mis aux voix, l'article 2 (souligné) est adopté.

Le président. Le troisième débat est-il demandé ?

M. Robert Cramer. Il n'y a aucune raison technique de s'y opposer !

Le président. Je ne faisais pas forcément allusion à des raisons techniques ! Je pars donc du principe que le troisième débat est demandé...

Troisième débat

Le président. Je vous soumets le projet de loi dans son ensemble, au moyen du vote électronique...

Une voix. Je demande l'appel nominal !

Le président. L'appel nominal est demandé... Etes-vous soutenu, Monsieur le député ? (Appuyé.)Il y a un peu plus de conviction ! Le vote par appel nominal est lancé.

La loi 8884 est adoptée article par article.

Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 8884 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 49 oui contre 37 non et 1 abstention.

Appel nominal

PL 9164-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de MM. Claude Aubert, Olivier Vaucher, Pierre Weiss, Jacques Baudit, Jacques Follonier, André Reymond modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01) (Pétition)
Rapport de M. Claude Aubert (L)

Premier débat

M. Claude Aubert (L), rapporteur. Avec ce projet de loi, nous changeons complètement de registre. Nous allons nous poser des questions, que je trouve importantes, sur la manière dont fonctionne notre système démocratique et sur les voies par lesquelles les citoyennes et les citoyens peuvent influencer les affaires.

Je résume rapidement le contexte pour celles et ceux qui nous écoutent et qui ne connaissent pas forcément le sujet.

La population élit tous les quatre ans un législatif: le Grand Conseil, de même que tous les quatre ans un exécutif: le Conseil d'Etat, et un procureur général tous les six ans. Sans le savoir, la population réalise ce qu'on appelle la séparation des pouvoirs, dans le sens que, contrairement à ce que certains peuvent croire, ces différents pouvoirs ne sont pas subordonnés, mais indépendants, et chacun d'entre eux est légitimé par une votation. Tous les quatre ans, la population peut par conséquent influencer le cours des affaires par son vote, et, entre-temps, elle peut aussi influencer le cours des affaires, par exemple, par le biais d'un référendum ou d'une initiative.

Et c'est là que s'inscrit la problématique des pétitions... La pétition est un droit fondamental et absolument nécessaire au bon fonctionnement de nos institutions. Un certain toilettage doit être fait - on s'en rend compte lorsqu'on participe pendant des années à la commission des pétitions et qu'on lit ce qui s'y réfère - dans la mesure où la dernière expertise à ce sujet date de 1956, c'est-à-dire il y a près de cinquante ans. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

D'une manière tout à fait générale, au-delà de la modification des textes, il nous paraît également important de préciser vraiment ce qu'on peut appeler «un état d'esprit», c'est-à-dire d'introduire, dans le traitement des pétitions, une logique de service à la population et non pas une logique de politisation.

C'est pourquoi nous avons proposé, après un premier essai qu'il a fallu modifier, certains points que je reprends rapidement. Le premier point concerne, au fond, le problème des auditions... Je rappelle que toute personne peut envoyer une pétition au Grand Conseil, munie de sa signature. C'est dire l'importance de la pétition. Si quelqu'un dépose une pétition, il peut s'attendre à être entendu par la commission des pétitions, ce qui semble aussi absolument naturel, mais, curieusement, le règlement, jusqu'à présent, ne stipule pas l'obligation d'auditionner un pétitionnaire...

Dans de très rares cas - et à la commission des pétitions ces décisions ont toujours été prises de manière unanime - la commission n'a pas souhaité auditionner un pétitionnaire, surtout lorsque celui-ci revient régulièrement sur des problèmes ou sur des questions personnelles qui ne concernent pas le Grand Conseil.

Nous avons donc proposé un premier ajout, je cite: «A l'unanimité, la commission peut décider souverainement de ne pas auditionner les pétitionnaires.» Ce qui signifie que la commission auditionne en général les pétitionnaires, mais qu'elle se réserve la possibilité de ne pas les auditionner. Le mot «souverainement», clarifie la situation dans ce sens que si la commission des pétitions prend une telle décision, c'est d'une manière souveraine et qu'on ne peut pas faire recours, notamment dans le cadre de quérulence, ou revenir sur une décision de la commission de ne pas auditionner.

Le deuxième point concerne, au fond, la pratique de la pétition avec la notion de classement. Actuellement, on a le sentiment d'avoir trois catégories de pétitions: les pétitions qu'on classe - dont on admet, par conséquent, qu'elles auraient pu être nettement meilleures - les pétitions qu'on dépose sur le bureau du Grand Conseil - qui font l'objet de longues discussions - ce qui signifie, d'une certaine manière, que les choses en restent là, et celles qui sont transmises au Conseil d'Etat - sur lesquelles on prend en quelque sorte position pour indiquer divers points à ce dernier.

Je reviens à la notion de classement. Le problème est relativement simple. De même que ce n'est pas la règle que les gens travaillent seize heures par jour - on peut penser que c'est épouvantable - on peut partir d'une exception pour en faire une règle, et dire très clairement qu'on ne procède à un classement que dans une situation exceptionnelle. Mais dans la notion de classement, il y a toujours une connotation négative. Et, par le biais de ce projet, nous aimerions faire passer l'idée qu'une pétition pourrait être classée pour des raisons tout à fait positives - et le texte l'indique - par exemple si le travail de la commission des pétitions avec les pétitionnaires débouche sur une médiation. Ce serait une raison positive de décider le classement de la pétition, ce dernier serait une façon de simplifier le travail, dans ce sens qu'une fois la pétition classée à l'unanimité la commission peut répondre directement aux pétitionnaires.

Nous devons nous placer dans une logique de service au public. Je vous rappelle que certaines pétitions attendent parfois un an, un an et demi, voire deux ans, qu'on daigne les traiter - nous avons actuellement vingt-sept pétitions à l'ordre du jour. Alors si c'est cela, prendre en considération les demandes de la population, eh bien, on est vraiment loin du but !

Il se pourrait qu'on rende service à certains pétitionnaires - même si cela ne se présente pas souvent - en leur disant directement que leur pétition est classée, que la commission fera un rapport annuel avec les quelques pétitions classées et le présentera au Grand Conseil, qui pourra, comme c'est le cas pour tout rapport, l'accepter ou le refuser, et, par conséquent, le renvoyer à la commission.

Troisième et dernier point: alors qu'auparavant 60% des pétitions étaient déposés sur le bureau, nous voyons que depuis à peu près une dizaine d'années environ 60% des pétitions sont renvoyés au Conseil d'Etat. Or nous voyons de plus en plus de pétitions porter sur des décisions de l'administration. On se trouve donc dans une situation conflictuelle, car, lorsqu'une pétition porte sur une décision de l'administration, il est tout à fait logique de la renvoyer au responsable de l'administration, qui est, justement, le Conseil d'Etat. Mais, dans l'esprit des commissaires, le fait de renvoyer une pétition au Conseil d'Etat signifie qu'ils sont d'accord avec la pétition. Alors, ils s'en tirent en déclarant dans le rapport qu'ils ne sont pas d'accord avec la pétition qu'ils renvoient au Conseil d'Etat, ce qui n'est pas très clair.

Nous préconisons par conséquent qu'une pétition déposée ne fasse pas l'objet d'un jugement de valeur, mais qu'elle ait valeur d'information pour la presse, le Conseil d'Etat, le Grand Conseil, les partis, les formations politiques, pour permettre à tout un chacun de se saisir du problème posé s'il le veut. Une motion peut parfaitement être déposée à partir d'une pétition - mais cela, c'est une décision d'une commission ou du Grand Conseil. Et en ce qui concerne le renvoi au Conseil d'Etat, et pour être beaucoup plus clair, il faudrait préciser que la pétition est renvoyée au Conseil d'Etat «pour examen», car on estime que c'est le Conseil d'Etat qui est responsable, surtout pour des questions concernant l'administration. En renvoyant une pétition au Conseil d'Etat, on rendra simplement service à la population, car c'est lui qui pourra la traiter.

Je rappellerai aussi - et ce sera ma conclusion - qu'en termes de décision de l'administration, on pourrait, par exemple, décider d'utiliser la voie du Tribunal administratif ou la voie de la pétition. C'est un problème pour la commission des pétitions, parce que nous devons parfois instruire, en quelque sorte, une pétition en demandant des justifications à l'administration pour savoir pourquoi telle ou telle décision a été prise. Et un certain nombre de commissaires estiment que ce n'est pas de leur compétence. Dans un tel cas, il faudrait pouvoir renvoyer la pétition directement au Conseil d'Etat qui pourrait la traiter. Ensuite, comme le Conseil d'Etat doit de toute façon faire un rapport dans les six mois, la commission aura, comme on dit en franglais, le feed-back. C'est-à-dire qu'après avoir lu le rapport du Conseil d'Etat, elle saura s'il y a lieu de persévérer ou si le Conseil d'Etat a fait ce qu'il fallait.

Il faut donc privilégier la logique du service au public et éviter ce qui est caricatural - ce n'est pas le cas maintenant - car on pourrait imaginer qu'un jour les pétitions soient traitées par la moulinette gauche-droite.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Jean Spielmann (AdG). Le droit de pétition est inscrit à plusieurs niveaux dans notre législation: dans la Constitution fédérale et dans la constitution genevoise, de même que dans une loi spécifique: la A 5 10, qui règle le droit de pétition et donne des indications sur la manière de traiter les pétitions. Elle stipule notamment, en son article 4, alinéa 2, qu'un rapport doit être établi sur chaque pétition. Et je n'ai pas entendu que cette loi ait été modifiée... Alors, peut-on modifier le traitement des pétitions par le Grand Conseil, sans modifier la loi sur le droit de pétition de la population ?

Je le répète, ce droit est inscrit dans la loi A 5 10, qui comporte sept articles qui prévoient quelles sont les modalités de dépôt de la pétition, quel est le droit du pétitionnaire et quel est le devoir de l'autorité qui reçoit la pétition. Un article évoque la forme de la pétition; un autre prévoit la protection de ceux qui ont signé une pétition - on n'a en effet pas le droit de communiquer le nom des pétitionnaires à des tiers; un autre article mentionne l'étude de la pétition par la commission. La loi indique en son article 4, «Conclusions», alinéa 1: «Après examen de la pétition, l'autorité doit, soit: a) donner suite à la pétition dans les limites de ses compétences; b) la renvoyer à l'autorité compétente en la matière - c'est-à-dire au Conseil d'Etat; c) la classer». Elle stipule à l'alinéa 2: «Ses conclusions sont précisées dans un rapport.» Et, à l'alinéa 3, sur les devoirs, elle conclut: «L'autorité peut différer la publication de son rapport - sur une pétition - lorsque l'objet de la pétition est le même que celui porté devant les tribunaux.» Cela semble assez logique parce qu'on attend la suite donnée par les tribunaux avant de prendre une décision.

Cela veut dire en clair qu'en proposant un projet de loi par lequel vous voulez modifier le mode de fonctionnement du règlement du Grand Conseil à propos de l'examen des pétitions, vous ne réglez pas le problème du droit des pétitionnaires qui est prévu dans la loi A 5 10 qui, elle, n'est pas modifiée ! Alors, comment allez-vous faire respecter la loi A 5 10, qui prévoit précisément que chaque pétition doit donner lieu à un rapport, si vous décidez de ne pas en faire ? Il me semble, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il y a là une contradiction ! Si vous voulez modifier notre règlement, il faut aussi modifier la loi, sinon vous ne respectez pas le dispositif légal, qui donne le droit aux citoyens d'adresser une pétition à l'autorité et d'obtenir un rapport sur cette pétition.

La présidente. Je vous remercie, Monsieur Spielmann. Oui, Monsieur le rapporteur, vous voulez la parole immédiatement.

M. Claude Aubert (L), rapporteur. Il faudrait que M. Spielmann lise entièrement la loi A 5 10 et, surtout, le dernier article, soit l'article 7, «Pétitions adressées au Grand Conseil». Je le cite: «Pour le surplus, la procédure d'examen des pétitions adressées au Grand Conseil est régie par la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985.» De ce point de vue, il me semble qu'il est tout à fait possible de travailler au niveau de la loi portant règlement du Grand Conseil. Bien évidemment, si des objections claires sont formulées, il faudra voter.

Pour ma part, je pense que les lois doivent lues jusqu'au bout !

M. Antonio Hodgers (Ve). Si les commissaires, dont moi-même, avons voté ce projet de loi en commission, le groupe des Verts, dans le cadre de son caucus, a tenu à approfondir un peu plus la question et à soulever certains problèmes. Cela nous a conduits à douter de l'opportunité d'approuver ce projet de loi aujourd'hui... Parmi ces problèmes, il y a celui soulevé à juste titre par M. Spielmann, à savoir qu'il y a une contrepartie légale à cette procédure réglementaire.

Mais il y a un problème de fond plus important. En effet, un arrêt du Tribunal fédéral précise: «A travers le droit de pétition, le citoyen doit avoir la possibilité d'être entendu par les autorités. Dans le cas contraire, le droit de pétition n'aurait guère de portée. L'autorité qui fermerait la porte aux pétitions ou qui ne les transmettrait pas à l'autorité à laquelle elles sont destinées violerait la Constitution».

Alors, la question qui se pose porte essentiellement sur le nouveau système prévu, soit le classement de la pétition qui serait décidé à l'unanimité de la commission - puisqu'il me semble, Monsieur Aubert, que nous sommes d'accord sur les autres dispositions, qui ne posent pas de problème.

Avec cette disposition, une pétition qui serait déposée au service du Grand Conseil ne serait pas publiée à ce moment-là, puisqu'elle serait renvoyée directement en commission des pétitions où la procédure est confidentielle, et ne figurerait pas à l'ordre du jour et, donc, ni au Mémorial. Et si elle venait à être classée à l'unanimité de la commission, elle ne ferait pas l'objet d'un rapport spécifique, elle figurerait dans un rapport annuel qui ne contiendrait peut-être que quelques lignes. Il faudrait, du reste, être très clair sur ce que contiendrait ce rapport annuel, car cela pourrait juste être quelques lignes - on le voit dans le cadre de la commission des Droits de l'Homme... Cette disposition permettrait à une pétition de passer, en quelque sorte, incognito au sein de notre parlement, et, du coup, la clause stipulant le droit d'être entendu par l'autorité ne serait pas respectée... En effet, la commission des pétitions n'est pas une autorité en soi, et le droit d'être entendu est celui de l'être par ce parlement et pas seulement pas la commission. Dès lors, un rapport établi pour chaque pétition nous paraît indispensable, pour respecter le droit constitutionnel des citoyens d'être entendus.

C'est pour ce motif que nous ne voterons pas ce projet de loi. Si cette intervention devait entraîner des réactions ou des accords, nous pourrions éventuellement accepter de le renvoyer en commission pour étude.

M. François Thion (S). Je ne fais pas partie de la commission des droits politiques, et je ne voulais pas intervenir sur les sujets évoqués à la fois par M. Spielmann et par M. Hodgers... Je pense partager leur point de vue, mais je voulais surtout intervenir par rapport aux propos tenus par M. Aubert au sujet du droit de pétition. En effet, il a dit qu'on pouvait déposer une pétition avec une seule signature... C'est tout à fait juste. Je voudrais toutefois préciser que le droit de pétition à Genève n'est pas réservé aux seuls citoyens suisses: les citoyens étrangers peuvent l'exercer aussi. Et je vous signale également qu'il n'y a pas d'âge pour signer une pétition: il suffit de comprendre le sens de la pétition pour pouvoir la signer. Je pense qu'il était utile d'apporter ces précisions.

Pour ce qui est de la durée du traitement des pétitions, quelques-unes traînent un peu dans notre ordre du jour - c'est vrai - mais, la commission des pétitions est très souvent d'accord, ce qui fait que ces pétitions sont ensuite traitées dans les extraits, au cours de la séance du vendredi après-midi. Cela va donc assez vite la plupart du temps. C'est tout ce que je voulais dire pour le moment.

M. Pierre Guérini (S). Il est vrai qu'en commission nous avons eu une belle unanimité pour voter ce projet de loi. Mais après avoir entendu M. Spielmann et M. Hodgers - nous avions déjà fait la remarque en commission sur le droit d'être entendu, et cela figure dans le rapport - je demande formellement le renvoi de ce projet de loi en commission, pour pouvoir approfondir les problèmes soulevés.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur Annen, le renvoi en commission ayant été demandé, je vous prie de vous exprimer sur ce point.

M. Bernard Annen (L). Faut-il renvoyer ce projet de loi en commission ? Si, oui, pourquoi?

Je suis par conséquent bien obligé de m'exprimer sur cette deuxième question... (Rires.)... car cela n'aurait aucun sens que je me contente de dire que je ne suis pas favorable à ce renvoi...

J'ai souvent estimé, Madame la présidente, lorsque je présidais ce Conseil, que cette règle n'était pas très judicieuse. Il suffisait en effet que le premier intervenant demande le renvoi en commission à la fin de son intervention, après s'être exprimé sur le fond, pour que tous les intervenants inscrits après lui ne puissent plus s'exprimer sur le fond, ce qui me paraissait totalement injuste, parce que, lui, avait pu s'exprimer sur le fond !

Peu importe, je vais essayer de me conformer à votre demande, Madame la présidente, et de ne m'exprimer que sur le renvoi en commission.

Je voudrais quand même dire que M. Spielmann a tout à fait raison, sauf sur un point: c'est que la loi portant règlement du Grand Conseil indique clairement que l'un des sorts possibles de la pétition est le classement ! Et notre collègue Aubert a très justement demandé ce que nous pouvions faire par rapport à ce classement. Peut-on dire qu'on ne fait pas de rapport lorsqu'on décide de classer une pétition ? Quand la pétition revient de la commission des pétitions, peut-on dire, M. X ayant été malhonnête, qu'elle doit être classée parce qu'aucune motivation ne justifie de lui donner un autre sort ? Est-ce un rapport ?

Une voix. Oui !

M. Bernard Annen. Ce n'est pas un rapport ! Et en admettant que ça en soit un, la seule chose - et il n'y a aucune règle qui nous l'impose - que ce projet nous propose de modifier, c'est de ne faire qu'un seul rapport pour l'ensemble des pétitions, ce qui signifierait qu'on ne leur donne pas de suite. Et, à ce moment-là... (L'orateur est interpellé par M. Spielmann.)

Monsieur Spielmann, laissez-moi parler ! Vous faisiez allusion tout à l'heure à l'article 172... Lorsque le Grand Conseil vote à la majorité le renvoi de la pétition au Conseil d'Etat ou à une autre autorité compétente - il s'agit de la lettre b) - un rapport doit être établi dans les six mois. Ce n'est pas du tout la même chose lorsque le Grand Conseil applique la lettre c) - le dépôt sur le bureau à titre de renseignement !

Que sommes nous en train de faire aujourd'hui ? On ne supprime aucun droit démocratique, on essaye seulement de simplifier la procédure - comme l'a très justement dit M. Aubert - par rapport à l'information qui doit être fournie vis-à-vis de la population !

Pour ceux qui craignent qu'une pétition ne puisse suivre son cours normal, je dirai que, même si le Grand Conseil la classait, celui-ci peut la reprendre à son compte en déposant une motion, une résolution, ou quelque autre acte législatif possible.

Lorsque M. Aubert est venu nous expliquer la proposition de la commission des pétitions à la commission des droits politiques, cette dernière tout entière a été convaincue par ses arguments et l'a votée. Aujourd'hui, certains d'entre vous émettent des réserves... Cela me paraît normal, c'est justifié, mais j'espère avoir pu clarifier la situation.

A partir de là, je pense qu'il est totalement inutile de renvoyer ce projet de loi en commission, tout simplement parce que sa majorité a toujours soutenu ce projet et qu'elle continuera à le soutenir si ce projet est renvoyé en commission. Certains des membres de l'Alternative ont changé d'opinion suite à de nouveaux arguments, ce qui est leur droit le plus strict... (L'orateur est interpellé par M. Spielmann.)Ne vous inquiétez pas, Monsieur Spielmann, la loi, on la respecte ! Vous pouvez toujours faire un recours: vous connaissez toutes les ficelles à ce niveau ! Et le projet nous sera à nouveau soumis en plénière et nous devrons voter.

Je vous suggère donc, Mesdames et Messieurs, de refuser le renvoi en commission et de voter ce projet de loi. Parce qu'enfin, il faut que nous avancions un peu dans ce parlement et cessions de nous arrêter pour une virgule ! Car, au fond, vous demandez le renvoi en commission de ce projet pour un détail que vous contestez !

M. Christian Grobet (AdG). J'ai le regret de vous dire, Monsieur Aubert, que vous avez tort juridiquement parlant, ainsi que l'ancien président du Grand Conseil qui vient de s'exprimer... Dans la loi sur le droit de pétition, il est clairement stipulé que la pétition doit faire l'objet d'un rapport. Vous citez un autre article où il est effectivement indiqué que, pour le surplus, le règlement du Grand Conseil peut prévoir un certain nombre de dispositions... Mais ces dispositions ne peuvent être que supplémentaires ! C'est ce qu'on appelle du droit supplétif: le Grand Conseil peut compléter la loi sur le droit de pétition, mais il n'est pas possible que deux lois, qui sont à un niveau hiérarchique équivalent, mentionnent deux choses différentes. Il y aura une contradiction entre la loi fondamentale sur le droit de pétition qui prévoit un rapport et votre règlement du Grand Conseil qui dira le contraire. Je suis navré de vous le dire, mais ça n'est pas possible ! Pour ce seul motif, il faut effectivement renvoyer ce projet de loi en commission.

Et je suggérerai à ce propos qu'il soit renvoyé à la commission législative. Non pas parce que j'en suis le président, mais parce que le problème en cause est d'ordre institutionnel. Je rappelle que le droit de pétition est probablement le plus ancien droit de réclamation pour nos citoyennes et citoyens. Il y a du reste des ouvrages sur le droit de pétition: c'est un droit très ancien en droit suisse. Et l'exercice de ce droit exige le respect d'un certain nombre de principes, dont le droit d'être entendu, et ce, dans tous les cas. En supprimant ce droit dans le règlement du Grand Conseil, vous violez tout simplement la Convention européenne des droits de l'Homme, qui, maintenant, régit fort heureusement nos institutions législatives suisses et a permis de corriger un certain nombre de règles qui étaient effectivement contraires aux principes modernes du droit.

D'autre part, qu'est-ce que le droit de pétition ? C'est donner la possibilité à n'importe quel citoyen de déposer, de saisir l'autorité suprême - qui est le Grand Conseil, après le peuple - pour lui soumettre un problème. Evidemment, la moindre des choses serait qu'il y ait une réponse écrite. Même si une pétition est absurde, il serait absolument scandaleux qu'elle ne fasse pas l'objet d'un rapport, c'est-à-dire d'un document écrit dans lequel le pétitionnaire prend connaissance des motifs pour lesquels sa pétition a été refusée ou classée. C'est un droit tellement élémentaire que je n'arrive même pas à comprendre - alors que vos rangs comptent d'éminents juristes et d'éminents hommes d'Etat qui sont à l'origine de nos institutions - que vous prétendiez aujourd'hui éliminer ces bases que n'importe quel juriste digne de ce nom vous confirmera !

Vous allez donc, premièrement, avoir deux lois qui se contredisent et, deuxièmement, adopter des règles qui ne sont pas conformes à notre ordre juridique. Je pense que c'est du mauvais travail ! La commission des pétitions n'a peut-être pas été éclairée... Avez-vous fait appel à un expert pour vous donner des explications à ce sujet ? (L'orateur est interpellé.)Non, je ne prétends pas du tout être un expert ! Même si le Bureau m'a fait l'honneur de m'inviter tout à l'heure pour que je me prononce sur un problème délicat. Et je pense ne pas m'être trompé dans mon raisonnement, d'après le résultat du vote... (L'orateur est interpellé.)Je ne prétends pas du tout avoir la science infuse, cher Monsieur ! Je crois simplement que les bons juristes savent précisément être modestes...

La présidente. Monsieur le député, je vous prie de vous exprimer sur le renvoi en commission !

M. Christian Grobet. Je demande le renvoi en commission, parce que j'ai le sentiment qu'on ne s'est pas entouré des spécialistes de la question pour connaître leur avis, et je pense que la commission des pétitions n'a pas la compétence de traiter une question institutionnelle. Et les questions institutionnelles de notre canton sont, de manière générale, traitées par la commission législative. Je demande donc formellement le renvoi de cet objet à la commission législative.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur Follonier, vous avez la parole. Je vous rappelle que vous devez essentiellement vous exprimer sur le renvoi en commission.

M. Jacques Follonier (R). Je pense que M. Grobet a raison sur le fond, mais pas sur la forme. Il me semble qu'il ne faut pas renvoyer ce projet de loi en commission...

Pourquoi ? C'est très simple ! Je siège depuis trois ans dans cette commission, et j'ai un plaisir immense à y siéger, car elle a l'avantage d'être, comme le soulignait M. Grobet, proche du peuple, proche de ses préoccupations, ce qui permet de prendre régulièrement le pouls et la température de notre canton. Mais, c'est vrai, nous avons - et ceux qui y ont siégé, que ce soit au cours de cette législature ou les précédentes, s'en sont aperçu - souvent des problèmes par rapport à certaines pétitions qui touchent à l'honneur, à l'intégrité, voire à la diffamation. Et nous ne savons pas comment traiter ce genre de pétitions, car ce n'est pas vraiment simple.

La possibilité qui nous est offerte aujourd'hui est effectivement une nouveauté: elle consiste à ne pas entrer en matière sur une pétition si la commission - et on l'a bien dit - décide unanimement de ne pas le faire. Je conçois qu'il y a un problème moral et juridique, mais il y a un moyen très simple pour éviter cela - qui nous permettrait de nous épargner un renvoi en commission - en supprimant le mot «annuel», à l'alinéa 5 de l'article 171. Il suffirait qu'un bref rapport soit renvoyé à chaque fois au Grand Conseil.

Nous pourrions ainsi adopter ce projet de loi, sans le renvoyer en commission, ce qui nous prendrait passablement de temps et nous ennuierait peut-être beaucoup.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Si vous avez un amendement formel à proposer, il faut le déposer. Monsieur André Reymond, vous avez la parole.

M. André Reymond (UDC). Comme cela est indiqué dans le rapport de M. Claude Aubert, la pétition est une information, un signal en quête de récepteurs.

Sur le plan législatif - c'est vrai - la partie concernant les décisions du Grand Conseil n'est pas suffisamment explicite, surtout pour évaluer le sens du renvoi de la pétition au Conseil d'Etat, par opposition à un dépôt sur le bureau du Grand Conseil.

Il a été signalé que certaines pétitions traînaient pendant de longs mois ou, même, des années. Mais il ne faut pas que la commission des pétitions devienne un Etat dans l'Etat, et le droit d'être entendu n'est pas exigé par la loi. Je voudrais toutefois souligner que M. Aubert a clarifié le rôle de cette commission dans son rapport...

La présidente. Monsieur le député, vous devez vous exprimer essentiellement sur le renvoi !

M. André Reymond. Justement, je m'exprime sur le renvoi ! C'est dans ce sens que M. Aubert a bien expliqué la différence entre le classement d'une pétition, son dépôt sur le bureau du Grand Conseil et son renvoi au Conseil d'Etat.

Je n'aimerais pas que ce gros travail, fourni par M. Aubert et par la commission - je peux vous dire, pour y avoir siégé, que nous nous sommes donné de la peine pour arriver à quelque chose de compréhensible - soit vain.

Sur le plan juridique, on peut certes émettre des réserves, mais, sur le plan politique et puisque la majorité de la commission était d'accord d'accepter ce projet de loi, je vous invite à refuser son renvoi en commission des droits politiques.

M. Antonio Hodgers (Ve). Par rapport au renvoi en commission, je trouve votre initiative louable, Monsieur Follonier, mais j'attire juste votre attention sur le fait que plusieurs autres dispositions pourraient poser problème. Notamment, l'alinéa 4 de l'article 171, qui stipule que la commission répond directement aux pétitionnaires... Or la commission est saisie par le Grand Conseil. C'est donc à lui qu'elle doit répondre et non pas directement aux pétitionnaires. Ainsi, il faudrait également modifier cet alinéa.

Par ailleurs, Monsieur Aubert, il me semble que vous avez omis dans votre récapitulatif de signaler le vote portant sur la suppression de l'alinéa 2 de l'article 172. Donc, si on vote ce soir le projet de loi tel qu'il figure à la fin de votre rapport, cela ne correspondra pas à ce que nous avons voté en commission.

Pour tous ces motifs, je vous invite à renvoyer ce projet de loi en commission. Il faut dire que notre commission des droits politiques n'a pas très bien travaillé sur le sujet. Pour ma part, je présente mes excuses à ce parlement, parce que cela représente tout de même une perte de temps... Je pense que nous pouvons quand même tirer quelque chose de positif de ce projet de loi, c'est pourquoi, je le répète, je vous propose de le renvoyer en commission.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je vous propose de clore la liste des intervenants. S'exprimeront encore M. le rapporteur Claude Aubert et M. le conseiller d'Etat Robert Cramer. Ensuite, je vous soumettrai le renvoi de ce projet de loi à la commission législative.

M. Claude Aubert (L), rapporteur. Merci, Madame la présidente. Je vais répondre brièvement à un ou deux points. Ce projet n'émane pas de la commission des pétitions: il s'agit d'un rapport de la commission des droits politiques ! Tout cela pour dire que certaines personnes ne lisent pas forcément les projets qui nous sont soumis...

Par ailleurs, évidemment qu'il est extrêmement facile de dire qu'on s'attaque à l'exercice du droit de pétition, tellement facile que c'est même un peu désolant d'en arriver à un niveau de discussion aussi bas. Cela a été souligné, le droit de pétition est un droit absolu !

Je vous rappelle aussi que le droit d'être entendu a fait l'objet d'une discussion. Si vous me trouvez l'article de loi stipulant qu'il y a actuellement obligation d'entendre les pétitionnaires d'être entendu est obligatoire, eh bien, vous me le signalerez !

Enfin, cela ne m'intéresse absolument pas d'entrer dans une «moulinette» gauche-droite... Parce que c'est vraiment toujours la même chose !

Alors, je ne m'oppose pas à un éventuel renvoi en commission, mais j'aimerais simplement dans ce cas, si la commission est à nouveau unanime, que ce vote unanime ne soit pas ensuite contredit par un autre vote. Ce serait une spirale sans fin !

Ma proposition fait en sorte que les pétitions soient un service à la population, et je trouve qu'elle ne doit pas s'arrêter à la «moulinette» gauche-droite.

M. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat. Je dois confesser que cette année passée à la présidence du Conseil d'Etat m'a un peu éloigné de la commission des droits politiques, et je le regrette.

Cela étant, je dois vous dire aussi - et nous nous sommes concertés avec mon collègue Pierre-François Unger - que, si d'aventure ce projet de loi n'est pas renvoyé en commission, le Conseil d'Etat ne demandera pas le troisième débat. Parce que les problèmes juridiques - mais peut-être est-ce ma formation de juriste qui m'y rend sensible - soulevés tout à l'heure par M. le député Grobet sont extrêmement sérieux et délicats.

Le droit d'être entendu est un droit sacré. Et la perspective que, peut-être - peut-être, Monsieur le rapporteur ! parce qu'il va de soi que je ne saurais soupçonner aucun des membres de ce parlement d'une quelconque volonté de porter atteinte à ce droit - par une rédaction un peu malheureuse, nous puissions porter atteinte à ce droit, exige assurément un examen tout à fait sérieux auquel nous entendons procéder.

J'ajoute enfin qu'une actualité tragique et relativement récente en Suisse nous montre bien qu'il est nécessaire pour nos concitoyens de bénéficier d'oreilles qui les écoutent, des oreilles institutionnelles, et aujourd'hui de façon plus impérieuse que jamais.

C'est dire que le renvoi de ce projet de loi en commission semble s'imposer, sans en faire une question gauche-droite, simplement pour être sûrs que nous avons bien examiné que ces droits supranationaux ont bien été respectés.

J'ajoute aussi que la commission à laquelle ce texte pourrait être renvoyé - probablement à la commission législative, effectivement - devra absolument entendre la commission des pétitions, pour que les vrais problèmes posés par ce projet de loi puissent être examinés et trouver également réponse.

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix le renvoi de ce projet - le dernier que nous traiterons ce soir - à la commission législative. Le vote électronique est lancé.

Mis aux voix, le renvoi de ce projet à la commission législative est adopté par 62 oui contre 11 non et 3 abstentions.

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous souhaite une bonne soirée. Nous nous retrouvons demain à 15h.

La séance est levée à 23h.