Séance du
vendredi 27 août 2004 à
16h20
55e
législature -
3e
année -
10e
session -
64e
séance
La séance est ouverte à 16h20, sous la présidence de M. Pascal Pétroz, président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Carlo Lamprecht, Laurent Moutinot et Charles Beer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Anita Cuénod, Jacques François, Yvan Galeotto, Alexandra Gobet Winiger, Michel Halpérin, René Koechlin, Georges Letellier, Jacques-Eric Richard, Louis Serex, Ivan Slatkine et Olivier Vaucher, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
Interpellations urgentes écrites
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez trouvé sur vos places les interpellations urgentes écrites suivantes:
Interpellation urgente écrite de M. Christian Brunier : Sur une fouille policière inacceptable ( IUE 114)
Interpellation urgente écrite de M. Mark Muller : Ligne TPG 3 : que fait le Conseil d'Etat pour éviter d'asphyxier le quartier du Petit-Saconnex ? ( IUE 115)
Le président. Conformément à l'article 162D de notre règlement, le Conseil d'Etat, respectivement le conseiller d'Etat interpellé, répondra par écrit lors de la session suivante, à savoir celle de septembre.
Mesdames et Messieurs les députés, nous passons - si j'ose dire - au «plat de résistance» de notre journée entamée à 8h ce matin, avec différents projets de lois et actes divers concernant la police.
Un petit rappel s'impose, Mesdames et Messieurs les députés: le Bureau et les chefs de groupe ont décidé unanimement d'ordonnancer les travaux de la manière suivante.
Nous allons tout d'abord traiter de la demande d'interpellation 2032, point 66 de notre ordre du jour, formulée par M. le député Jean Spielmann, intitulée: Fermeture du poste de police du Bourg-de-Four ! Et les promesses sur une police de proximité ?
Ensuite, nous traiterons du projet de loi 8567-A, point 106 de notre ordre du jour. Il s'agit du rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier le projet de loi de Mesdames et Messieurs les députés Christian Grobet, Pierre Vanek, Rémy Pagani, Salika Wenger et Jean Spielmann modifiant la loi sur la police.
Ensuite, dans un troisième temps, nous traiterons trois objets ensemble, à savoir le point 51 de notre ordre du jour, soit le projet de loi 8887-A, rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur la police, avec la motion 1588 de Mesdames et Messieurs Loly Bolay, Gilbert Catelain, Pierre Froidevaux, Alexandra Gobet Winiger, Christian Grobet, Jean-Michel Gros, David Hiler, Antonio Hodgers, Sami Kanaan, Christian Luscher, Mark Muller, Jean-Marc Odier, Rémy Pagani, Pascal Pétroz et Pierre-Louis Portier concernant la réforme de la police, et, aussi, le point 106 bis, pétition 1483-A, soit le rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier la pétition: Les policiers défendent la loi les concernant.
Nous allons donc procéder en trois étapes... (Le président est interpellé.)Pour répondre à votre remarque, cela prendra le temps qu'il faudra, Monsieur le député ! Je récapitule: nous étudierons d'abord l'interpellation, ensuite le projet de loi AdG, puis le projet de loi sur la police.
Les règles du jeu sont claires, elles ont été définies avec précision par le Bureau et les chefs de groupe. L'idée est de régler d'abord les points particuliers pour faire ensuite le débat général. Je ne souhaite donc pas - de même que le Bureau et les chefs de groupe - que le débat général soit abordé au cours des deux premiers points. Il le sera au troisième point.
Nous passons tout de suite à l'interpellation 2032 de M. Jean Spielmann.
M. Jean Spielmann (AdG). J'ai effectivement déposé cette interpellation, il y a un certain temps déjà, pour exprimer mon inquiétude... C'était au début de l'année passée, au moment où nous avons appris que l'affectation du poste du Bourg-de-Four, dans le quartier de la Vieille-Ville, allait être modifiée...
Nous pensons en effet qu'il est important que le rôle de la police soit défini clairement: qu'elle joue un rôle de police de proximité en assurant une présence dans les quartiers et en étant proche de la population. Car, si la police de proximité n'est pas présente, si les gens ne peuvent pas faire appel à elle quand ils en ont besoin - le poste du Bourg-de-Four a tout de même reçu plus de trois mille appels en 2003, il faut le dire - le problème se pose alors de manière tout à fait différente... En effet, si, d'une police de nature conviviale, présente sur le terrain, jouant un rôle dissuasif et préventif, on passe à une police d'une toute autre nature, beaucoup plus répressive, c'est le rôle de la police qui est remis en cause. Si on encaserne tous nos gendarmes et qu'on les fait sortir uniquement en tenue de combat, c'est la nature même de la police qui en sera changée. La police de proximité étant, par définition, proche de la population, conviviale, dissuasive par sa présence.
Cela a son importance pour plusieurs raisons. Tout d'abord - et cela me semble fondamental - la plupart des problèmes posés en matière de sécurité sont très souvent liés à des tensions dues à la proximité de certains lieux bruyants... Je pense, par exemple, à la fermeture des restaurants, des bars, aux violences dans la rue... Le tissu social s'est beaucoup modifié avec le temps, mais je ne veux pas reprendre ici le discours que j'ai fait à plusieurs reprises sur ce sujet... Mais, tout de même ! On peut s'apercevoir que certains acteurs de la société ont disparu: il n'y a plus de concierges... Ils ont été remplacés par des sociétés de nettoyage. Les poubelles sont mises dehors le soir et traînent toute la nuit dans la rue... Si quelqu'un a besoin d'aide chez lui, il ne trouve quasiment plus personne pour lui répondre... Dans ce contexte et dans un périmètre comme celui de la Vieille-Ville, qui compte énormément d'établissements de nuit et de restaurants - où se rendent pratiquement tous les touristes qui passent à Genève - il ne semblait pas vraiment opportun de changer l'affectation du poste du Bourg-de-Four et de réduire le nombre des gendarmes de trente-six à six, comme cela a été le cas. Ils ne peuvent évidemment plus être présents sur le terrain, ni répondre au téléphone ni aux demandes de la population, qu'il s'agisse des habitants, des commerçants ou des touristes de passage.
C'est donc un problème très important, d'autant plus que le poste du Bourg-de-Four est l'un des derniers postes à fonctionner non-stop, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et que de nombreux autres postes ont successivement été fermés dans les quartiers. Il n'y a aujourd'hui plus de police de proximité... Il y a bien encore un ou deux îlotiers, mais ils travaillent pendant les heures de bureau. Et, même s'ils essayent de remplir leur tâche le mieux possible, ils ne peuvent tout simplement plus le faire, en raison du manque de personnel.
A partir du moment où il n'y a plus de police de proximité, c'est le rôle même de la police qui se trouve modifié et qu'il faut redéfinir. Cela pose très certainement un problème aussi au niveau du recrutement de nouveaux gendarmes et parmi les gens de la profession. Car la fonction est complètement différente si l'on considère que la police doit être proche de la population et participer - avec cette dernière - à la sécurité des quartiers ou intervenir à la suite d'un d'appel, ou que la police n'est qu'une force d'intervention.
Voilà les problèmes que j'entendais exposer pour demander au Conseil d'Etat s'il allait revenir sur sa décision et tenir les engagements qu'il avait pris de mettre en place une police de proximité... On voit les résultats aujourd'hui: le personnel du poste du Bourg-de-Four a été diminué: six employés au lieu de trente-six ! Bien sûr, ces derniers ne sont plus en mesure de répondre aux besoins de la population, puisqu'il n'y a plus personne pour assurer une présence dans ce poste le soir et les week-ends. C'est un gros problème pour les habitants du quartier.
Je voudrais dire également que quatre associations du quartier de la Vieille-Ville n'étaient pratiquement jamais d'accord sur aucun sujet. Le changement d'affectation de ce poste de police les a réunies, car elles sont conscientes du problème posé aujourd'hui. Nous avons plusieurs fois eu l'occasion d'intervenir ici pour des questions de bruit, de voisinage... Ce qui arrive, c'est que la sécurité est de plus en plus assurée par les gens eux-mêmes: ils balancent des objets par la fenêtre, se disputent, se bagarrent, et il y a, le soir, des problèmes dans la Vieille-Ville qu'il n'y avait pas avant, quand la police de proximité pouvait assurer la sécurité.
On participe ainsi à ce que j'appelle l'«américanisation de la société», c'est-à-dire que la discussion, la convivialité et les échanges sont remplacées par la violence. Plus personne ne connaît plus personne... Et il n'y a plus de sécurité, je le répète. C'est un problème important qu'il ne faut pas sous-estimer.
Cette interpellation représentait pour moi un espoir de revenir à la situation antérieure, comme cela avait été le cas pour d'autres postes de gendarmerie - nous avions réussi, avec la pression des gendarmes, à faire en sorte que la hiérarchie de la police se ravise et maintienne ces postes. Maintenant, c'est malheureusement trop tard. Ce problème ne sera même pas résolu dans la nouvelle loi sur la police, mais on verra de quoi il retourne à la fin du débat...
Mesdames et Messieurs les députés, je suis d'avis qu'il faudra donner la parole au peuple au sujet de la police de proximité. C'est par l'initiative populaire que nous résoudrons ce problème, en posant comme principe le maintien de postes de police de quartier sur la rive gauche et sur la rive droite, avec une présence minimale de trois gendarmes par poste, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pour qu'ils soient présents sur le terrain et proches de la population. Nous ne devons pas suivre l'orientation prise par le Conseil d'Etat et la hiérarchie de la police d'encaserner les gendarmes et de les transformer en groupes d'intervention souvent hostiles à la population et provoquant des bagarres.
Je donne un simple exemple de l'efficacité de la police de proximité... Quand, à la place du Bourg-du-Four, il y avait beaucoup de monde sur les terrasses, soit beaucoup de bruit, il suffisait que l'îlotier sorte et parle aux restaurateurs et à certaines personnes pour résoudre le problème. Aujourd'hui, il n'y a plus d'îlotiers... Et si vous faites appel aux groupes d'intervention pour mettre de l'ordre au Bourg-de-Four, eh bien, il y aura une bagarre générale et les gens sortiront de tous les autres bistrots alentour pour y participer ! Nous ne voulons pas de telles violences ou tensions ! Je suis persuadé que les gendarmes n'en veulent pas non plus ! Il faut leur donner la possibilité de faire leur travail en harmonie avec la population et non pas contre la population !
C'est là, à mon avis, une grave erreur de la hiérarchie, une grave erreur du Conseil d'Etat, qu'on n'arrivera probablement corriger - si on ne le peut malheureusement avec la loi, tout à l'heure - qu'avec une initiative populaire ! Et cette dernière sera certainement soutenue par la population, qui souhaite bénéficier d'une police de proximité dotée de moyens suffisants pour effectuer son travail correctement !
Le président. Merci, Monsieur le député ! Mesdames et Messieurs, si vous le permettez, je vous signale quelle procédure sera appliquée. En effet, nous n'avons pas souvent affaire à ce type d'objet. L'article 161 de notre règlement stipule ceci: «1) Le député développe son interpellation - c'est ce qui vient d'être fait... 2) Le Conseil d'Etat doit répondre: a) autant que possible sur-le-champ; b) à une séance ultérieure, oralement ou exceptionnellement par écrit, mais au plus tard à la première séance qui suit l'expiration d'un délai d'un mois.»
Madame la conseillère d'Etat, souhaitez-vous répondre maintenant ? (Mme Micheline Spoerri acquiesce.)Je vous donne la parole.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Monsieur Spielmann, j'ai bien entendu vos propos, mais je tiens à rectifier un point important... Dire que les postes de police sont fermés, c'est induire en erreur la population, Monsieur le député ! Si c'est clair dans votre esprit, cela ne l'est pas forcément pour tout un chacun, car un poste qu'on ferme est un poste qui n'existe plus !
C'est vrai, nous avons récemment modifié les horaires du poste de police du Bourg-de-Four, comme nous l'avions fait pour d'autres postes. En particulier, nous avons décidé que le poste ne serait pas ouvert le samedi après-midi - c'est la modification essentielle - pour la simple raison - et ce n'est pas un mystère ici - que nous avons ouvert un poste de police à Cornavin, comme nous le réclamait la population genevoise depuis fort longtemps. Vous le savez, Monsieur le député, ce poste de police est ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et - je peux vous le dire - il était plus que nécessaire, à voir les résultats obtenus quant à sa fréquentation par les citoyens de notre ville.
Les effectifs de la police dont nous disposons - vous le savez - et dont nous allons discuter tout à l'heure dans le cadre de la loi de la police ne permettent malheureusement pas de répondre à la demande d'une plus large ouverture des postes de police, soit vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Je tiens également à vous dire que si le poste de Bourg-de-Four a finalement été choisi parmi d'autres pour tester une ouverture restreinte, c'est parce que nous avons pu constater que l'évolution de la petite et de la moyenne criminalité, en particulier, y était beaucoup moins inquiétante qu'ailleurs. Et, parallèlement, en changeant les horaires d'ouverture, nous avons pu déléguer certaines tâches: des patrouilles régulières depuis Rive, Carouge et Plainpalais... Je ne suis pas en train de dire que ce que nous avons fait est parfait... Je dis simplement que votre déclaration est extrêmement alarmiste, et je ne suis pas en mesure de la confirmer.
Pour ce qui est de la police de proximité - nous avons eu l'occasion de parler de ce sujet avant les vacances; je vous le rappelle, car, apparemment, soit vous n'étiez pas présent, soit vous n'aviez pas écouté - il s'est tenu le 3 juin à l'Hôtel de police, sous la direction de M. Rechsteiner, un premier séminaire sur la police de proximité, assorti d'un certain nombre d'ateliers de travail pratique portant sir presque tous les thèmes de la police de proximité. Quand je dis «tous les thèmes», j'évoque ceux qui se rapportent aux jeunes, aux écoles, aux quartiers, à la sphère privée, à la sécurité des communes, à la circulation, et nous avons actuellement un programme de travail en cours, avec pratiquement tous les acteurs sociaux de ce canton qui ont participé à ce séminaire.
Alors, une fois encore, je ne peux pas laisser dire qu'il n'y a pratiquement plus d'îlotiers à Genève... Il y en a très insuffisamment, certes - je l'ai exprimé à plusieurs reprises, cela ne me satisfait pas - mais je relèverai la chose suivante - du reste, cela a très bien été démontré au cours du séminaire - la police de proximité à Genève, comme ailleurs, Monsieur, nous ne pouvons pas la réussir seuls ! Et aujourd'hui, dans notre société, même avec des effectifs plus importants, la police de proximité ne réussit qu'avec le concours des divers acteurs.
C'est la raison pour laquelle nous les avons consultés. C'est la raison pour laquelle nous allons continuer à collaborer avec eux. C'est la raison pour laquelle, une fois encore, vous devez être rassurés, Mesdames et Messieurs, sur la volonté du Conseil d'Etat et de la hiérarchie.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je vous donne lecture de l'article 161, alinéa 3, de notre règlement: «L'interpellateur peut répliquer sur-le-champ ou annoncer qu'il le fera lors d'une session ultérieure.» Ainsi, Monsieur Spielmann, vous avez la parole.
M. Jean Spielmann (AdG). Le problème posé ici - je l'avais d'ailleurs déjà évoqué lors du débat budgétaire - est que des séminaires se sont tenus, que des discussions ont eu lieu - avec beaucoup de chefs de départements et d'autres personnes - sur les questions théoriques, mais, en pratique, Mesdames et Messieurs les députés, ce Grand Conseil et le Conseil d'Etat ferment les postes de police de quartier ! L'îlotier reste, certes, mais pendant les heures d'ouverture des bureaux, et il est souvent toute la journée à l'extérieur pour répondre aux appels, c'est pourquoi il n'y a plus personne dans les postes ! Je vous défie de trouver quelqu'un qui puisse se rendre rapidement sur place si vous téléphonez dans un poste de police de quartier ! De plus, les gens ne connaissent plus les gendarmes et les contacts sociaux - le tissu social - n'existent plus. C'est bien dommage !
On nous a expliqué qu'il fallait absolument ouvrir un poste de police à Cornavin parce qu'on s'est rendu compte que beaucoup de monde circulait à cet endroit... A l'époque, j'avais déjà demandé pourquoi le poste de police de Cornavin - le Polshop - avait été fermé... Ne s'était-on pas rendu compte, là-bas et à ce moment-là, qu'il y avait du monde ? Si ce poste a été fermé, c'est pour des raisons budgétaires, c'est une volonté politique ! Evidemment que le poste de Cornavin a été rouvert, mais, pour cela, on a limité les horaires de quasiment tous les autres postes qui fonctionnaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre !
Concrètement, sur trente-six gendarmes du poste de police du Bourg-de-Four, il n'en reste que six ! Et je ne suis même pas sûr qu'il y en ait encore six aujourd'hui... Concrètement, les habitants des quartiers ne peuvent plus avoir de contact avec les gendarmes !
Concrètement, les îlotiers ne peuvent plus remplir leur tâche de proximité ! Concrètement, la police est confinée à un autre rôle !
Concrètement, les décisions budgétaires et politiques qui ont été prises vont à l'encontre d'une politique de police de proximité ! Et vous pouvez organiser tous les séminaires que vous voulez à ce sujet, cela ne remplacera - pour répondre aux besoins de la population - ni la police de proximité, ni les postes de gendarmerie ouverts, ni la présence des gendarmes dans les quartiers.
A mon avis, vous n'avez pas répondu sur ce point. Je le répète: il s'agit d'un problème budgétaire et d'une volonté politique. Et l'on va à l'encontre d'une politique de police de proximité.
Pour le surplus, je rappellerai aussi à ce Grand Conseil que quatre postes de police de campagne ont été vendus ces dernières années... Regardez le Mémorial ! L'Etat a considéré qu'il n'avait plus besoin de ces bâtiments, et il les a vendus: celui de Versoix, celui de Chancy, de Chêne et du Grand-Saconnex... Mais la population n'est-elle pas en droit d'attendre que des postes de police soient ouverts pour pouvoir répondre aux appels ? Nous ne voulons pas de cette société où la répression remplace la prévention, où la présence humaine et les relations entre les personnes sont remplacées par des groupes d'intervention et par la violence ! Nous ne voulons pas d'une telle société ! Nous souhaitons que la police assume un autre rôle, un rôle de police de proximité. Et le métier de gendarme serait peut-être plus attractif, car il serait plus valorisant et plus humain. Cela permettrait d'avoir les effectifs requis et de trouver des personnes qui aient envie de faire ce travail. Tout cela est lié ! Il faut changer la société et, pour cela, il faut que la police de proximité soit réorientée.
Je regrette d'avoir à le redire, mais la réponse du Conseil d'Etat ne me satisfait pas du tout ! Elle va totalement à l'encontre des promesses faites. Vous pouvez raconter tout ce que vous voulez, mais la réalité, c'est que les postes de police de quartier sont fermés les uns après les autres et que les gendarmes et les îlotiers sur le terrain sont de moins en moins nombreux. C'est un fait, et il faut que cela change ! Et pour que cela change, il faudra probablement donner la parole au peuple, si le Conseil d'Etat n'est pas en mesure de changer l'orientation politique actuelle.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vous donne lecture de l'article 161, alinéa 4, de notre règlement: «Le Conseil d'Etat a la faculté de dupliquer, mais immédiatement après la réplique de l'interpellateur.» Madame la conseillère d'Etat, vous avez la parole.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Je vais être brève...
J'assure à ce parlement - et j'anticipe, pardonnez-moi, sur la suite du débat, puisque la motion issue de la commission judiciaire le demande - que je m'engagerai par écrit concernant ce que j'ai avancé brièvement tout à l'heure au sujet de la police de proximité.
Cette interpellation est close.
Premier débat
Le président. Je répète ce que j'ai dit tout à l'heure: je souhaite que nous puissions nous épargner le débat général sur la police pendant la discussion de ce projet de loi. Vous voterez ce dernier si vous le jugez utile, et le débat général aura lieu tout à l'heure, comme convenu lors de la séance du Bureau et des chefs de groupe.
Monsieur le rapporteur de majorité, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ? Vous êtes inscrit, vous avez la parole...
M. Christian Luscher (L), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président... Je suis content que vous rappeliez le principe qui veut que nous parlions uniquement d'un problème extrêmement limité, puisqu'il s'agit de fixer dans la loi le nombre de postes de gendarmerie ainsi que leur localisation. C'est l'unique sujet de ce projet de loi de l'Alliance de gauche.
La majorité de la commission judiciaire a suggéré de ne pas entrer en matière pour divers motifs. D'abord, parce que ce serait, à notre avis, une erreur fondamentale de fixer de manière définitive dans une loi une question qui doit être traitée avec beaucoup de souplesse et qui doit pouvoir donner lieu à des réactions beaucoup plus vives que ne le permettrait un changement législatif. On voit bien aujourd'hui - la démonstration est déjà faite - qu'il est difficile de modifier la loi sur la police en raison de la lourdeur et de la rigidité parlementaire. En effet, entre le moment où un projet de loi est présenté et le moment où il est adopté par le parlement, il s'écoule une période de deux ans. Il n'est tout simplement pas possible, dans un domaine comme celui-ci, d'attendre aussi longtemps pour réagir à des problèmes qui doivent être traités avec beaucoup de rapidité.
La question du nombre de postes de police et leur localisation doit ainsi être résolue par le Conseil d'Etat, par voie de règlement, voire par le chef de la police lui-même, dans le cadre de mesures prises rapidement.
C'est la raison pour laquelle la commission judiciaire a estimé qu'il était totalement inopportun de faire figurer dans la loi le nombre de postes de police ainsi que leur localisation.
J'aimerais ajouter la chose suivante. Dans le rapport de minorité - et j'invite tous les députés à le lire... - il n'y a pas une ligne - pas une ligne, Monsieur le président ! - sur la question des postes de police. En réalité, ce rapport de minorité est un rapport de minorité sur la grande loi, c'est-à-dire la modification à la loi sur la police qui a été suggérée par le Conseil d'Etat. Et on essaye de faire rentrer par la bande un rapport de minorité qu'on n'a pas eu le courage de présenter devant ce parlement dans le cadre de la grande loi... J'insiste, vous pouvez lire ce rapport de minorité à l'envers et à l'endroit, il n'y a pas une ligne sur le sujet qu'il est censé traiter !
Quoi qu'il en soit, Monsieur le président, pour les raisons de souplesse et de flexibilité que j'indiquais tout à l'heure, la majorité de la commission judiciaire suggère de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Je vois que M. Luscher fait le contraire de ce qu'il dit, puisqu'en fait il commence le débat de fond maintenant... Mais, il faut bien le dire, M. Spielmann l'a déjà entamé tout à l'heure, en développant son interpellation adressée à Mme la conseillère d'Etat, Micheline Spoerri. Nous sommes donc dans le débat de fond... D'ailleurs, je ne vois pas la différence...
Le président. Monsieur le député, j'ai été très clair... Vous connaissez les règles depuis le début... Vous avez été d'accord avec ces règles, aussi je vous prie avec insistance de vous limiter au projet de loi dont nous sommes saisis: soit de fixer dans la loi le nombre de postes de police !
M. Rémy Pagani. Monsieur le président, je respecte votre volonté... Seulement, je trouve tout de même normal de pouvoir répondre à M. Luscher - si vous le permettez - qui affirme que nous n'avons pas eu le courage de déposer un rapport de minorité au projet de loi du Conseil d'Etat... Cela me semble la moindre des choses, sur le plan de l'honnêteté intellectuelle, de pouvoir rétablir certaines choses. Au niveau des faits, je dois rappeler à M. Luscher que nous avons examiné ensemble en commission le projet de motion que nous allons traiter, le projet de loi fondamental de réforme de la police, ainsi que ce projet de loi. Je ne vois donc pas quelle distinction devrait être faite aujourd'hui ! Je lui rappelle en outre que notre formation a été très correcte - on nous le reproche aujourd'hui... En effet, nous avons tout fait pour trouver un consensus, et c'est dans cet objectif que nous avons pensé nous abstenir sur le projet de loi de fond - du reste, c'est ce que nous ferons ce soir - et exprimer nos désaccords sur quelques volets qui nous paraissent particulièrement importants mais qui ne semblent pas remettre fondamentalement en cause la réforme de la police. Nous ne sommes pas d'accord, notamment, avec ce premier volet sur la question des postes de police, que je vais aborder - c'est le projet de loi dont il est question maintenant - ni avec le deuxième volet sur l'inscription dans la loi des salaires des policiers, parce que cela nous paraît un problème essentiel. Nous présenterons donc un deuxième amendement dans le débat suivant.
En ce qui concerne ce projet de loi, nous avons déposé un amendement - une fois de plus, l'honnêteté intellectuelle de M. Luscher me semble un peu aléatoire, puisqu'il vient d'oublier cet élément essentiel pour nous... Nous estimons en effet que le nombre de postes de police doit être fixé par notre parlement et que trois postes de police suffisaient: un au centre, un sur la rive gauche et un sur la rive droite, ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre. M. Luscher est passé comme chat sur braise sur cet aspect de la question, qui est essentiel pour nous: les citoyens doivent pouvoir faire appel à la police vingt-quatre heures sur vingt-quatre. D'ailleurs, les pharmacies se sont organisées dans ce sens. Et il n'y a pas de raison que les citoyens ne puissent pas bénéficier de la protection de la police ou déposer plainte. Je le répète, il faudrait trois postes: un au centre, un sur la rive gauche et un sur la rive droite. Cela nous semble être le minimum, car c'est un service public auquel les citoyens ont droit. Et il ne faut pas faire semblant d'ouvrir des postes de police, en ne les rendant accessibles qu'à certaines heures ! Si vous avez été agressé et que vous appelez la police, ce doit être angoissant d'entendre un répondeur dire qu'il faut vous adresser à un autre poste parce que celui-ci est fermé... Surtout, si le deuxième poste auquel vous téléphonez vous répond la même chose ! Nous estimons qu'un tel service public n'est pas approprié et ne répond pas aux besoins de la population étant donné la violence qui règne le soir dans notre cité. Il n'est que de voir le nombre de personnes victimes d'agressions !
Je trouve donc essentiel de revenir sur l'amendement que nous avons proposé, qui se trouve à la fin de mon rapport de minorité et qui vous sera soumis ce soir. Il propose que trois postes de police restent ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans notre canton. Cela nous semble normal, et c'est le minimum. C'est le cas dans les autres cantons, et nous ne voyons pas pourquoi il n'en serait pas de même à Genève.
Par ailleurs, M. Luscher dit que c'est au chef du département ou au chef de la police de déterminer où les postes de police doivent être ouverts... Je trouve que cela relève de notre responsabilité ! Décider du lieu précis où un poste de police doit être ouvert n'est pas de notre ressort, mais c'est à nous de décider dans quel secteur les postes ouverts au public vingt-quatre heures sur vingt-quatre doivent être situés. Et nous donc pensons qu'il en faut au moins un au centre, un sur la rive gauche et un sur la rive droite. Ensuite, c'est au gouvernement de déterminer à quel endroit exactement ces postes doivent être ouverts. Ce sera tout pour l'instant, Monsieur le président.
M. Jean Spielmann (AdG). J'ai exprimé tout à l'heure notre volonté de fixer le nombre de postes de gendarmerie dans la loi... Eu égard, comme je l'ai dit tout à l'heure, à la fermeture partielle ou totale des postes de police - certains postes de quartier ont même été vendus - il est évident que le Grand Conseil, responsable de la dotation budgétaire et de l'orientation politique prise dans ce canton, doit absolument se prononcer aujourd'hui. Une fois que nous aurons déterminé formellement combien de postes de police de quartier quels effectifs nous voulons - il s'agit, bien sûr, d'un minimum - et ces éléments seront fixés dans la loi, nous devrons donner à la police les moyens de remplir sa mission. Mais le rôle de la police doit être défini très précisément, c'est très important pour la sécurité, pour l'indépendance de la police, pour la justice.
Face aux décisions prises par le Conseil d'Etat de fermer des postes de police, face aux restrictions budgétaires, il faut changer de cap ! Changer de cap, via ce Grand Conseil, c'est effectivement fixer dans la loi le nombre minimum de postes de police ouverts non-stop que nous voulons à la disposition de la population. J'insiste: ces éléments doivent être inscrits dans la loi.
Vous nous dites, Monsieur Luscher, que c'est compliqué de la modifier... Mais on ne peut que constater aujourd'hui que les besoins de la population ne sont pas couverts, que la fermeture de ces postes et que le changement d'orientation de la police posent des problèmes importants au bon fonctionnement de notre société ! Par conséquent, il faut absolument que ce Grand Conseil se prononce ! Vous dites que ce n'est pas notre rôle, que c'est au Conseil d'Etat de fixer le nombre de postes de police... Mais vous avez entendu tout à l'heure les réponses qui ont été données à mon interpellation ! Ce Grand Conseil doit fixer dans la loi le nombre minimum souhaité de postes de police - trois, je le répète: un au centre, un sur la rive gauche et un sur la rive droite - de même que les effectifs suffisants pour que ces postes soient ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, à la disposition de la population, et il doit accepter ce projet de loi qui ne demande rien d'autre.
Pour que les choses soient claires, je rappelle encore ceci: si ce Grand Conseil devait refuser de prendre ses responsabilités, c'est-à-dire donner une autre orientation visant à mettre en place une police de proximité et à doter la police de moyens suffisants pour faire son travail, eh bien, nous lancerions une initiative populaire ! Parce qu'en définitive nous sommes persuadés que la population est d'accord avec ce que nous proposons. La police doit jouer un autre rôle que celui auquel elle est malheureusement confinée par le Conseil d'Etat et par la hiérarchie de la police aujourd'hui.
M. Christian Grobet (AdG). Cela fait environ trois ans que ce projet de loi de l'Alliance de gauche a été déposé... Pour des raisons que j'ignore, le texte du projet de loi annexé au rapport de M. Luscher n'indique pas, comme cela se fait usuellement, la date de dépôt du projet de loi, mais je crois bien que cela fait trois ans...
La moindre des choses aurait été, bien sûr, qu'il soit traité simultanément avec le projet du Conseil d'Etat, dont nous avons été saisis il y a environ dix-huit mois, sauf erreur, visant à régler les négociations qui ont eu lieu entre le Conseil d'Etat et les syndicats de police, en ce qui concerne plus particulièrement le traitement des policiers. Ce serait en effet parfaitement logique, Monsieur Luscher, parce que le second volet du projet de loi du Conseil d'Etat concerne l'augmentation des effectifs de la gendarmerie: cent vingt-sept gendarmes supplémentaires ! Nous sommes favorables à cette augmentation des effectifs non seulement de la gendarmerie mais aussi de la sûreté - il me semble qu'il s'agit de la création d'une soixantaine de postes d'inspecteurs supplémentaires. Car il est vrai que la police n'est pas en mesure d'assumer les tâches qui sont les siennes, en particulier sa présence sur le terrain: on voit de moins en moins de policiers dans les rues ! La police de proximité que nous souhaitons n'existe quasiment pas. Certes, une espèce de brigade d'intervention, qui ne se justifie pas, a été mise sur pied... A mon avis, elle passe beaucoup de temps à ne rien faire... Et puis, elle envisage l'action de la police plutôt sous un cadre répressif, alors que, comme M. Pagani l'a dit, l'aspect préventif est fondamental. On ne peut que constater l'insuffisance des effectifs - et vous le savez, Mme Spoerri - pour maintenir les postes de police ouverts non seulement la nuit mais aussi la journée. Il m'est arrivé de téléphoner une fois ou l'autre au poste de police de Plainpalais... Je suis tombé sur un répondeur qui m'a indiqué qu'il n'y avait personne, qui m'a renvoyé au numéro du poste principal qui m'a indiqué que la raison pour laquelle je téléphonais n'était pas de sa compétence mais de celle du poste de quartier... Alors, à qui faut-il s'adresser finalement ?! Et je vous assure... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)... que les citoyennes et les citoyens, au même titre qu'ils réagissent contre la fermeture des offices postaux, réagissent contre la fermeture des postes de police.
Vous nous avez donné quelques explications concernant le poste de police du Bourg-de-Four, que je ne mets pas en doute, Madame Spoerri, mais je constate simplement que les gens de la Vieille-Ville ont le sentiment que leur poste de police est fermé. Et puis, il est quand même question de fermer le poste de police d'Onex... Je connais des gens qui habitent du côté de Vésenaz... Eh bien, le poste de la Pallanterie qui a été créé pour la rive gauche est inexistant sur le plan pratique !
On peut donc tout de même considérer que l'augmentation des effectifs devrait permettre de donner la priorité au bon fonctionnement des postes de police. Nous avons modéré le projet de loi par rapport à son texte initial; nous avons renoncé à fixer la localisation des postes de police; nous avons limité à trois le nombre de police qui devraient rester ouverts durant la nuit - ce qui est la moindre des choses pour une agglomération de quatre cent mille habitants... Par voie de conséquence, nous sommes aujourd'hui favorables à l'augmentation des effectifs, mais nous souhaitons qu'elle permette de maintenir un service essentiel à la population, lequel, malheureusement, s'est fortement dégradé ces dernières années en raison, précisément, des effectifs insuffisants qui n'ont pas permis de maintenir les postes de police ouverts la nuit.
J'ajouterai ceci, Monsieur Luscher, puisque vous avez quelque peu polémiqué sur le fait de savoir s'il fallait aborder cette question ou non dans le cadre du projet de loi du Conseil d'Etat... Etant donné que nous sommes saisis d'un projet de loi visant à modifier la loi sur la police, c'est à mon avis l'occasion - en dehors, évidemment, du problème des traitements et des effectifs - de se demander si ce n'est pas le moment de la mettre au goût du jour. Car un certain nombre de dispositions nous semblent un peu dépassées et, surtout, nous aimerions voir des choses nouvelles comme, par exemple, la commission d'enquête, que nous avons suggéré de créer pour qu'une autorité véritablement indépendante puisse examiner les cas de dérapages, avérés ou non, et fasse des rapports qui nous seraient remis.
Et puis, il faudrait savoir qui décide de quelles armes la police est dotée... J'ai du reste été effaré, Madame Spoerri, d'apprendre qu'un gendarme portait sur lui une sorte de dague interdite et que le commandant de la gendarmerie disait que ce n'était pas très grave... Eh bien, non ! je ne suis pas d'accord que des agents de police portent des armes interdites ! Vous avez du reste très bien réagi, Madame Spoerri, s'agissant des récents débordements... Il est certainement difficile d'exercer le métier de gendarme - dans une société où de plus en plus de gens «s'en foutent», où chacun fait ce qu'il veut... Entre parenthèses, je trouve remarquable que nos agents de police se soumettent à une certaine discipline. Mais il faut des règles bien définies: c'est un domaine dans lequel on ne peut pas rester dans le flou.
Eh bien, Monsieur Luscher, étant donné le temps qu'il a fallu pour aborder le projet du loi du Conseil d'Etat, sur les salaires et autres... Et vous savez très bien pourquoi...
Le président. Vous devez conclure, Monsieur le député !
M. Christian Grobet. Je ne vais pas aborder ce point en séance plénière, mais nous avons rencontré de gros problèmes pour connaître la situation réelle des traitements... Au passage, je remercie Mme Spoerri d'avoir fait le nécessaire pour nous fournir des renseignements sur la situation.
Alors, à un moment donné, nous avons décidé - nous avons même fait une motion d'ordre, Monsieur Luscher - qu'il fallait d'abord terminer d'examiner le projet de loi du Conseil d'Etat, qui était prioritaire, et que nous reprendrions, dans un deuxième temps, le problème qui nous préoccupait. Nous avons dit dès le début que nous étions d'accord de laisser de côté nos préoccupations, mais que, par contre, nous voulions qu'une décision soit prise s'agissant des postes de police. Et nous avons avec correction joué le jeu en commission, comme l'a dit M. Pagani.
Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Loly Bolay, vous avez la parole, exclusivement sur ce projet de loi...
Mme Loly Bolay (S). Tout à fait, Monsieur le président, je ne parlerai que de ce projet de loi !
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.)
Le président. Laissez parler Mme Bolay, s'il vous plaît !
Mme Loly Bolay. Les socialistes partagent entièrement les soucis de l'Alliance de gauche... Cela dit, en commission, le parti socialiste n'a pas souscrit à ce projet de loi pour deux raisons évidentes. Tout d'abord, pour nous, il est aléatoire d'inscrire dans la loi les lieux géographiques des postes de police, car ces implantations risquent - c'est évident, et on l'a vu par le passé - d'évoluer dans le temps.
Nous avons également été sensibles à un argument du chef de la police qui nous a dit que la police comptait actuellement sept cent cinquante et un gendarmes, dont quatre cent cinquante sont désignés aux postes de police. Pour répondre aux besoins de la population avec une police de proximité - et c'est le chef de la police lui-même qui nous l'a indiqué - il faudrait ouvrir un poste pour vingt mille habitants dans les zones urbaines et un poste pour trente mille habitants dans les zones rurales. C'est dire qu'il faudrait doubler les effectifs de la police pour bien faire ! Par conséquent, il faudrait neuf cents gendarmes ! Même si nous votons la loi 8887 tout à l'heure, les effectifs seront insuffisants...
De plus, et nous l'avons dit en commission, nous, les socialistes, sommes très attachés à une police citoyenne, à une police de proximité, à l'îlotage, et au fait que les gendarmes soient présents sur le terrain. Mais, comme nous l'avons vu tout à l'heure, les problèmes de circulation que nous connaissons à Genève exigent aussi la présence de la police.
Ce sont les raisons pour lesquelles le parti socialiste n'a pas souscrit à ce projet de loi.
Je rappellerai aussi que, dans la motion qui est jointe à ce rapport, nous avons demandé qu'il y ait un poste de police sur chaque rive, ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre. On pourrait aussi parler de la problématique du poste de police de l'aéroport - qui a été soulevée par mon collègue, Sami Kanaan - poste qui ferme à 19h, alors que la police de la sécurité internationale n'est pas habilitée à enregistrer de plaintes. Et il pourrait sembler utile que ce poste de police reste ouvert tant que l'aéroport l'est.
Voilà, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ce que le parti socialiste avait à dire sur ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. C'est moi qui vous remercie, Madame la députée. Monsieur Gilbert Catelain, je vous donne la parole.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je serai bref. Le groupe UDC s'est effectivement opposé à ce projet de loi initié par l'Alliance de gauche, pour la simple et bonne raison que, en tant que parlementaires, nous sommes dans l'incapacité de dire où et combien de postes il faut ouvrir. Ce n'est pas notre tâche. Et en matière de police de proximité, les choses sont beaucoup plus compliquées que ce que l'on veut bien penser. Le chef de la police a d'ailleurs déclaré dans une revue immobilière, il y a un certain temps que: «La territorialisation de l'action policière nécessite des effectifs supplémentaires. Nous sommes un peu plus de mille cinq cent: nous devrions être environ trois mille.» Je le répète, c'est une déclaration du chef de la police. Aussi, l'orientation budgétaire qui a été donnée, notamment par l'Alliance de gauche ces dernières années, nous a conduits à la situation que nous connaissons aujourd'hui, à savoir que nous avons une dette phénoménale et un budget déficitaire. Nous n'avons donc plus les ressources budgétaires pour financer des effectifs supplémentaires - malheureusement, et je suis le premier à le regretter.
Mme la cheffe du département a également dit que, sauf erreur, le 3 juin 2004 a eu lieu un forum sur la police de proximité, au cours duquel un certain nombre d'expériences ont été recueillies. Il est intéressant d'en relever les résultats qui nous montrent ceci en matière de police de proximité: les deux priorités sont la rapidité d'intervention en situation d'urgence et la patrouille pédestre - entre parenthèses: visibilité. Le poste de quartier vient loin derrière !
En résumé, je crois que vous visez à côté de la cible. Laissons cette compétence aux gens qualifiés; laissons cette compétence au Conseil d'Etat ! Je n'ai pas vu dans les autres lois cantonales que l'on fixait le nombre de postes de police qui, je le rappelle, s'élève à quatorze dans votre projet de loi, malgré vos amendements. D'ailleurs, l'augmentation d'effectifs que nous allons voter tout à l'heure permettra tout juste d'assurer le bon fonctionnement des postes de police actuels.
M. Antonio Hodgers (Ve). Notre groupe partage, sur le fond, les propos de M. Grobet: ses sentiments, ses questionnements et une grande partie de ses conclusions.
Cependant, en ce qui concerne la forme de ce projet de loi, nous n'estimons, comme la plupart de mes prédécesseurs, pas opportun d'insérer dans la loi des chiffres et des lieux précis, s'agissant des postes de police.
Nous souhaitons que la police évolue et qu'elle s'adapte rapidement aux besoins et à la réalité du moment. Dès lors, une loi - rigide par définition - ne doit pas être un frein. La loi doit fixer le cadre général des objectifs, et il appartient au Conseil d'Etat d'agir pour les atteindre.
M. Jean-Michel Gros (L). Le groupe libéral se rallie à la majorité de la commission et aux arguments qu'ont fort bien avancés plusieurs des préopinants et le rapporteur de majorité, M. Christian Luscher.
Nous sommes d'avis que l'implantation des postes de police doit être définie par règlement, voire sur l'impulsion du chef de la police qui est le mieux à même de juger où il est important d'établir des postes de police. La souplesse doit être maintenue, car les besoins des quartiers évoluent très rapidement.
Mesdames et Messieurs, qui aurait supposé, il y a une douzaine d'années, que le quartier de la Jonction deviendrait un quartier à risque ? Eh bien, il y a des quartiers, comme cela, qui deviennent risqués et d'autres qui connaissent moins de problèmes avec le temps ! Alors, il y a lieu d'en tenir compte de manière très rapide, et seul le Conseil d'Etat, sur l'impulsion du chef de la police, peut réagir de cette manière.
D'autre part, nous partageons l'avis de M. Catelain qui a évoqué la police cantonale vaudoise: poste de police ne veut pas forcément dire police de proximité. Monsieur Grobet, vous citiez des amis à vous qui habitent Vésenaz et qui étaient très heureux d'avoir à leur disposition le poste de la Pallanterie... J'ai habité Vésenaz... J'habite maintenant Satigny, où il y avait aussi dans le temps un poste de gendarmerie... M. Pagani évoquait les personnes qui se faisaient agresser en ville... Il me semble qu'en cas d'agression mon premier réflexe ne serait certainement pas de me rendre au poste de police, mon premier réflexe serait de sauter sur un téléphone pour composer le 117 ! D'ailleurs, je ne me suis jamais souvenu du numéro du poste de police de la Pallanterie lorsque j'habitais Vésenaz et je n'ai jamais su le numéro du poste de Satigny... Par contre, tout le monde connaît le 117. Et, comme le disait M. Catelain, c'est la rapidité d'intervention qui importe !
Par ailleurs, les postes de police centralisés ne sont pas contradictoires avec la police de proximité. J'ai été magistrat dans ma commune, et nous avions affaire au poste de Blandonnet, qui est un grand poste de police, chargé de la zone de Dardagny à Versoix. Eh bien, nous étions systématiquement en contact avec les mêmes policiers, que nous rencontrions parfois tous les quinze jours ou, en tout cas, toutes les trois semaines pour exposer tout ce qui n'allait pas dans la commune. Et les communiers connaissaient très bien ces policiers, puisqu'en général le poste de Blandonnet prenait le soin d'envoyer toujours les mêmes policiers dans notre commune. Ils avaient, en somme, valeur d'îlotiers.
Poste de police n'est donc pas forcément synonyme de police de proximité. Je ne reviens pas sur les problèmes d'effectifs qui ont été largement évoqués...
Voilà les raisons pour lesquelles, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral votera la version de la majorité.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Je trouve ce débat assez paradoxal... En effet, chacun ici explique, la bouche en coeur, qu'il est favorable à la police de proximité, qu'il faut pouvoir répondre aux besoins des citoyens... M. Gros rappelle son expérience de magistrat pour relever les bons contacts qu'il avait avec la police... Mais quand il s'agit de passer aux actes, tout le monde se débine, en disant que ce n'est pas nécessaire, que ce n'est pas cette police qu'on souhaite ! Parce qu'il faut le reconnaître: dans les faits, ce n'est pas ce type de police que vous voulez ! Vous voulez une police, à l'image de la police en France, à Paris: des policiers cantonnés dans des cars, qui attendent Dieu sait quoi pour pouvoir intervenir ! (Exclamations. Le président agite la cloche.)Un débat de fond doit avoir lieu pour clarifier les choses à ce sujet. Certains savent très bien ce qu'ils veulent, mais ils ne le disent pas et, surtout, ils ne veulent pas assumer !
Alors, soit vous dites que vous voulez une police de répression, et vous en tirez les conséquences - c'est en fait ce qui va se passer - soit vous annoncez que vous voulez une police de proximité qui agisse davantage sous l'angle de la prévention, en étant à l'écoute des citoyens - comme nous le voulons - mais, à ce moment-là, le débat n'est plus le même.
En ce qui nous concerne, nous proposons un amendement très clair - et nous devons débattre sur ce point ce soir - je le cite: «Le nombre de postes de gendarmerie est fixé à quatorze au moins pour l'ensemble du canton, six d'entre eux, dont celui de la gare Cornavin, sont situés en Ville de Genève, trois sur la rive gauche, trois sur la rive droite du lac et du Rhône...» Est-ce un mal de dire dans quels secteurs nous voudrions que ces postes soient situés ? M. Gros nous dit que le quartier de la Jonction est un quartier à risque... J'y habite... (Exclamations.)Permettez-moi de rire, parce que, vraiment, s'il y a un quartier où on peut se promener sans risque et où les policiers sont suffisamment présents sur le terrain... (Brouhaha.)...c'est bien celui-là ! M. Gros n'a pas donné un bon exemple ! Il devrait mieux se renseigner !
Cela étant, nous n'indiquons pas de manière précise la localisation des postes. C'est le rôle du Conseil d'Etat et du chef de la police de le déterminer. Nous voulons simplement donner une indication générale pour dire combien de postes de police nous estimons nécessaires et dans quels secteurs. Je poursuis: «Les huit autres postes, dont celui de l'aéroport de Cointrin, sont répartis à raison de trois postes sur une rive du lac et du Rhône et quatre sur l'autre rive; trois postes devront être situés dans les secteurs de Collonge-Bellerive, de Versoix et de la Champagne.» Nous disons ensuite: «Le Conseil d'Etat fixe la localisation des postes de police en veillant à ce qu'ils soient dotés d'effectifs tenant compte du nombre d'habitants dans le secteur qui leur est attribué.» Nous terminons ainsi: «Au moins un poste sur chaque rive est ouvert au public vingt-quatre heures sur vingt-quatre.»
Cela me paraît un minimum, Mesdames et Messieurs les députés, pour être en mesure d'appliquer le principe de proximité mais aussi de prévention, plutôt que de répression ! C'est facile, bien sûr, de faire jouer la matraque... Cela résout prétendument tous les problèmes... Pourtant, n'importe quel sociologue, n'importe quel spécialiste de la répression vous dirait le contraire ! Du reste, M. Pedrazzini nous disait, à la commission judiciaire, à quel point la prévention, l'esprit de proportion et, surtout, l'intelligence étaient nécessaires dans l'action de la police. Je trouve un peu facile, une fois de plus, que la majorité - la quasi-totalité de ce parlement - prêche la bonne parole.. Mais quand il s'agit de passer aux actes, c'est autre chose !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont inscrits M. Spielmann et M. Kunz. Les rapporteurs pourront prendre la parole s'ils le souhaitent, de même que le Conseil d'Etat. Ensuite, nous passerons au vote.
M. Jean Spielmann (AdG). Le débat a au moins le mérite de clarifier les positions. Certains ont l'honnêteté de reconnaître les motifs qui les animent... Et c'est le cas du représentant de l'UDC qui disait tout à l'heure - à tort, d'ailleurs - que l'Alliance de gauche était responsable de la situation budgétaire... Je me permets de vous rappeler que ce n'est pas nous qui avons voté les derniers budgets et que vous étiez dans chaque mauvais coup à faire... La dette qui résulte de la politique menée par la droite n'est donc pas la nôtre, Monsieur Catelain !
Par contre, vous avez eu l'honnêteté de dire que ce problème-là était prioritaire pour vous. Comme vous avez déjà dit ce matin, d'ailleurs, que la police privée travaillait mieux que la police de l'Etat... (L'orateur est interpellé.)Vous l'avez dit textuellement: vous relirez le Mémorial ! Alors, bien sûr, ce n'est pas le problème de la sécurité qui est au centre de vos préoccupations. Votre priorité, c'est de réduire la capacité de l'Etat à remplir son rôle social et de convivialité !
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, le problème se pose très simplement aujourd'hui... Nous, nous pensons qu'une police de proximité est nécessaire; il faut que les gens puissent avoir un contact avec la police pour cela, or certains d'entre vous - M. Gros l'a dit tout à l'heure - pensent que le téléphone suffit... Moi, je vous renvoie au débat budgétaire ! Vous avez présenté un amendement supprimant la centrale téléphonique nouvelle et le personnel pour répondre au téléphone... Dans la mesure où l'on fermait les postes de police, on a pensé qu'il était judicieux de créer un centre d'appels... Eh bien, dans le budget, vous avez supprimé la centrale ! Vous me direz: comment la maintenir si les moyens financiers ne suivent pas...
D'autre part, vous vous dites favorables à une police de proximité... Comment est-ce possible sans postes de police de quartier - et, de surcroît, ouverts à toute heure ?
Mme Bolay nous a également indiqué qu'il ne fallait pas compliquer la loi en y fixant trop d'impératifs précis... Mais, Mesdames et Messieurs, il faut être clairs ! Ceux qui veulent des postes de police de quartier, une police de proximité, seront d'accord avec le projet de loi que nous avons déposé, qui fixe un minimum de règles. Contrairement à ce qu'a expliqué le rapporteur de majorité, les objectifs sont clairement fixés dans le rapport de minorité de M. Pagani, et, de plus, nous avons diminué nos exigences par rapport au projet de loi initial !
Mesdames et Messieurs les députés, il me semble tout de même que la solution que nous proposons est réaliste et qu'elle permet de répondre aux besoins de la population. Si vous ne voulez pas fixer dans la loi le nombre de postes de police de quartier, c'est parce que vous ne voulez pas augmenter les effectifs de la police pour qu'elle puisse jouer son rôle de police de proximité ! Pourquoi ne voulez-vous pas fixer ce nombre minimum de postes alors que cela permettrait à la police de fonctionner ? Et comment se fait-il que les socialistes soient d'accord avec cette vision des choses ?
Pour ma part, je suis sidéré de voir à quel point vous méprisez le rôle de prévention que devrait avoir la police, en étant présente sur le terrain, en étant conviviale et ouverte à la discussion dans les quartiers. La police ne peut pas jouer ce rôle si vous ne lui en donnez pas les moyens et si vous ne fixez pas - c'est un minimum - ces chiffres dans la loi ! S'ils sont sont fixés dans la loi, il est clair que l'étape suivante consistera à doter la police d'effectifs suffisants pour qu'elle puisse accomplir sa mission. Et puis, nous pourrions aussi définir, avec le nombre de fonctionnaires de police dont nous disposons, quel rôle nous voulons leur attribuer et quelles sont les tâches qu'ils doivent accomplir...
Votre priorité est-elle de mettre en place une police de proximité, présente sur le terrain, dans une optique de prévention ou d'encaserner les gendarmes en tenue de combat pour qu'ils puissent intervenir à tout moment dans une optique de répression ? Vous êtes en train de commettre une faute politique grave ! Vous contribuez à la violence de notre société ! (Exclamations.)Vous ne répondez pas aux besoins de la population ! Ceux qui voteront contre le minimum que nous demandons, c'est-à-dire un nombre de postes de police clairement défini dans la loi, engageant la responsabilité du parlement de doter la police des effectifs nécessaires pour qu'elle puisse jouer un rôle de police de proximité, éluderont leurs responsabilités ! Vous suivrez le Conseil d'Etat qui s'est orienté vers la fermeture des postes de police de quartier, en restreignant les possibilités pour la population d'avoir accès à la police, en mettant en place une police de répression. C'est ce type de société que vous êtes en train d'instaurer... Nous n'en voulons pas, et nous nous y opposerons par tous les moyens !
M. Pierre Kunz (R). La faute politique grave, c'est de présenter un projet de loi anachronique ! D'un autre âge !
Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, une police moderne, c'est une police de proximité moderne. C'est une police mobile, capable d'intervenir très rapidement. Ce n'est pas une police retranchée dans des postes ! Le débat de fond réclamé par M. Pagani tout à l'heure est celui des modernes et des anciens ! (Rires et exclamations.)Les radicaux qui sont autant pour la modernité que pour la vraie proximité ne peuvent pas accepter votre projet de loi. (Exclamations.)
M. Rémy Pagani (AdG). D'un point de vue formel et pour être clair - je le répète - on pourrait considérer le projet d'amendement que nous avons présenté comme un amendement général au projet de loi que nous avons déposé et qui fait l'objet de ce débat.
Cela étant, je reviens sur les propos de M. Kunz - qui emploie toujours des mots qui laissent assez bien imaginer ce qui risque de se passer... Mesdames et Messieurs, êtes-vous d'accord que la police moderne, que M. Kunz souhaite, consiste à ce que les gendarmes restent confinés dans des voitures de police à journées faites - ce qui est le cas actuellement - et n'en sortent, comme des pantins de leur boîte, que pour intervenir de manière répressive ? J'estime pour ma part que c'est une mauvaise solution et que ces conditions ne sont pas les meilleures permettre à des êtres humains de bien fonctionner... Si les gendarmes disposaient d'un certain nombre de postes de police, non seulement pour rédiger les rapports mais pour recevoir la population dans de bonnes conditions - ce qui semble le minimum - cela leur permettrait d'appréhender des situations très difficiles et de percevoir le citoyen d'une autre manière.
Ce débat, Mesdames et Messieurs les députés, me rappelle étrangement le débat que nous avons eu à propos des ambulances... On a retiré aux policiers une des activités qui leur permettait d'avoir un autre rapport avec la population: un rapport de commisération, de soutien, par le biais duquel ils leur était possible de connaître les citoyens autrement, dans une situation différente, alors que, souvent, l'image qu'ils en ont est négative car des personnes les agressent ou les insultent. De ce point de vue, je trouve cette orientation extrêmement dangereuse, Mesdames et Messieurs les députés ! Il n'est pas normal de confiner des policiers dans des voitures - ni dans une caserne - car on sait combien c'est difficile pour eux. Il n'y a qu'à discuter avec des chauffeurs de taxis pour savoir combien il est stressant de conduire une voiture dans la circulation. Et eux, en plus, ont le stress lié à l'action répressive ! Je le répète, je trouve cela extrêmement dangereux. Pour éviter ce danger, nous pensons qu'il est nécessaire de créer des postes de police où les citoyens pourront se rendre et avoir une relation de confiance et non d'affrontement à la police.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous votons sur l'entrée en matière. Comme le règlement l'impose, il y a lieu de poser la question de manière que les partisans du projet puissent se prononcer affirmativement. Oui, Monsieur le rapporteur de minorité, vous demandez le vote nominal... Etes-vous soutenu ? C'est le cas. Le vote est lancé.
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 8567-A est rejeté en premier débat, par 66 non contre 10 oui et 7 abstentions.
Premier débat
Le président. Nous en venons maintenant au «gros débat» - si j'ose dire - concernant la loi sur la police. Je vous rappelle que nous traiterons conjointement le projet de loi 8887-A, la motion 1588 et la pétition 1483-A. Le rapporteur est M. le député Christian Luscher. Monsieur le rapporteur, souhaitez-vous ajouter quelque chose à votre rapport ?
M. Christian Luscher (L), rapporteur. Oui, Monsieur le président. Mon intervention sera la plus brève possible, quand bien même il s'agit du projet de loi qui aura le plus occupé une commission parlementaire durant cette législature. Comme vous le savez, la commission judiciaire - dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur - a en effet consacré pas moins de vingt-sept séances à ce projet de loi !
Je souhaite limiter ma première intervention à quelques remarques. En premier lieu, je tiens à rappeler que le projet de loi 8887 est issu d'une convention - qualifiée par certains de «collective» - conclue entre la cheffe du département de justice, police et sécurité, la hiérarchie et les syndicats de la police. Ce projet vise les objectifs suivants: réforme de la direction de la police, augmentation des effectifs et instauration d'un plan de carrière - ce dernier objectif constituant la pierre angulaire du projet. Ce projet a pour but de rendre la profession plus attrayante - pour ne pas dire plus «sexy» - et d'améliorer ainsi le recrutement tout en enrayant le phénomène des démissions. Corollaire de cet objectif: l'amélioration de la formation par l'exigence des aptitudes et qualifications introduites dans la loi et le recrutement d'officiers spécialisés si possible à l'interne.
Je crois pouvoir dire - et tous les membres de la commission judiciaire le confirmeront si nécessaire - que notre commission a traité ce projet avec tout le sérieux et l'acharnement que commandait son importance. De nombreuses auditions ont eu lieu, avant et après les amendements présentés par la commission. Il y a eu des visites de postes et de nombreux débats - dont les plus fournis ont porté sur le plan de carrière. Je vous renvoie à cet égard aux pages 9 à 13 de mon rapport.
Concernant ce plan de carrière, je rappelle brièvement que le projet de loi du Conseil d'Etat prévoyait une automaticité de l'avancement jusqu'à la dix-huitième année. A ce projet, la commission a opposé un amendement proposant l'automaticité de l'avancement jusqu'à la douzième année - soit jusqu'au grade de sous-brigadier dans la gendarmerie. Pour les grades supérieurs, la commission suggérait que ce soit le Conseil d'Etat qui statue. Cet amendement a été tempéré par un amendement dit «amendement Grobet» - car il ne saurait visiblement être de loi importante à Genève sans que son nom n'y apparût... L'«amendement Grobet» prévoit que, dès la dix-huitième année, celui qui n'a pas été nommé brigadier perçoit néanmoins un salaire équivalent à ce dernier. J'imagine que l'on reviendra sur cette question lors du deuxième débat.
Si vous me le permettez, je ferai une dernière remarque: dans l'esprit de beaucoup, le rôle premier et prioritaire de l'Etat consiste à assurer la sécurité des citoyens. Ayant fait preuve d'un sens de l'Etat, les membres de la commission judiciaire ont accompli un travail remarquable dont est issu le projet amendé. Tous les groupes parlementaires, sans exception, ont fait des concessions importantes pour présenter devant ce parlement un projet de loi sans opposition ni rapport de minorité. Les débats de commission ont été empreints de sérénité et aucun membre de la commission n'a, par exemple, tiré prétexte des événements du G8 pour remettre en cause le principe et l'évolution des travaux liés à ce projet de loi. Je gage qu'il en ira de même aujourd'hui et que chacun aura à coeur de faire preuve du même sens de l'Etat pour ne pas monter en épingle des événements récents et en tirer des généralités qui seraient totalement incongrues par rapport à la loi que nous avons à traiter aujourd'hui.
Enfin - et ce seront mes derniers mots - les membres de la commission judiciaire sont parfaitement conscients de la nécessité d'améliorer cette loi dans le cadre d'une analyse de fond visant à des réformes structurelles. C'est la raison pour laquelle la commission judiciaire in corporea présenté une motion que vous trouverez aux pages 34 et suivantes de mon rapport.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. Antonio Hodgers (Ve). La «montagne» commission judiciaire a accouché de la «souris» PL-8887-A... Les chantiers à ouvrir sur les problèmes de la police genevoise ne manquent pourtant pas, et ils sont aussi importants que nécessaires. Nous avons débattu durant plus d'une année de questions relatives avant tout aux salaires et aux conditions de promotion, mais notre police - notamment sa gendarmerie - a besoin d'une véritable réforme culturelle. Sa structure, sa philosophie, son fonctionnement, le comportement de ses fonctionnaires, sa place dans la société et le regard qu'elle porte sur elle-même sont, en effet, en grande partie en décalage avec la Genève du début de ce XXIe siècle.
Durant nos travaux, notre collègue Pierre-Louis Portier a souvent évoqué le cadre de travail dans lequel évoluait son père, alors gendarme: prestige de l'uniforme, valorisation de la fonction, estime populaire ainsi que d'autres notions devenues plutôt rares pour qualifier notre police. Ce témoignage illustre bien mes propos: ce qui était vrai hier ne l'est plus forcément aujourd'hui. Notre société s'est diversifiée, complexifiée, et la police de nos parents ou de nos grands-parents n'est plus adaptée à la réalité actuelle. Il est illusoire d'espérer un retour à la société d'il y a quelques dizaines d'années. Il ne nous reste donc plus qu'à affronter cette nouvelle réalité et, surtout, à préparer celle de demain. C'est là que réside le véritable enjeu institutionnel de la police: transformer la culture des gardiens de l'ordre pour l'adapter à une société plus diversifiée, plus déstructurée, plus ouverte, plus cosmopolite - bref, plus complexe.
Ce processus de réforme doit s'attaquer à un malaise de fond qui est non seulement un malaise du corps de police, mais également de la population vis-à-vis de sa police. Ce processus doit notamment porter sur la composition de la police - davantage de femmes, introduction de gendarmes étrangers - sur la formation continue, sur l'encadrement - notamment sur l'encadrement psychologique et le suivi en débriefing des policiers - sur l'attitude à adopter face aux citoyens - quel ton, quel langage, quel respect - ainsi que sur le concept de police de proximité. Cette démarche doit émaner du Conseil d'Etat et de la hiérarchie de la police, car seuls ces organes sont légitimés et outillés pour mener à bien une telle réforme. Le Grand Conseil viendra pour sa part en appui sur les aspects législatifs de ce processus de réforme. Nous attendons donc de la part de Mme Spoerri un plan présentant des objectifs et des moyens sur ces questions.
Pour revenir plus précisément au projet de loi 8887, nous sommes convaincus qu'il ne changera pas grand-chose au malaise de la police et qu'il ne contribuera pas à revaloriser la profession - ou, pour reprendre les termes de M. Luscher, à la rendre plus «sexy». Cela serait encore moins vrai s'il s'agissait de la mouture déposée par le Conseil d'Etat: les salaires et les grades constituent certes des éléments importants, mais ils ne forment pas le coeur du problème. Ce projet de loi contient cependant des aspects positifs sur lesquels je reviendrai ultérieurement et qui nous amènent à le soutenir.
Le métier de policier est l'un de ces métiers difficiles qui, pour bien fonctionner, nécessite une motivation constante de la part de l'employé. Or aujourd'hui, les gendarmes ne disposent pas des outils nécessaires pour faire face à la difficulté de leur tâche. S'il faut, bien sûr, être critique et sanctionner les dérapages évoqués dans la presse - ainsi que tous les autres restés plus discrets - ces événements ne font que démontrer le manque de préparation des policiers à faire face à leur métier. Pourtant, et c'est important de le souligner, pour avoir fréquenté des gendarmes à plusieurs reprises, je peux témoigner du fait que beaucoup d'entre eux sont animés d'une grande estime à l'égard des valeurs qui fondent notre démocratie.
Pour conclure, je me permets de vous lire un passage de l'ouvrage du gendarme Patrick Delachaux, «Flic de quartier»: «Cette profession n'épargne personne. Trop souvent, des flics de quartier ont choisi l'oubli; ont choisi de se perdre et de s'endormir. Pour certains, c'est l'alcool; pour d'autres, le jeu. Pour certains, ce sont les psychotropes; pour d'autres, l'arme de service. Et, pour ceux qui tiennent le coup, ce sont les insomnies, les questionnements, les doutes et les ulcères». Ce témoignage doit nous inciter à prendre conscience de la profondeur de la plaie ouverte dans la gendarmerie et, partant, des importants travaux que nous devrons mener - car le sparadrap issu de la commission judiciaire ne suffira pas ! (Applaudissements.)
M. Jean-Michel Gros (L). En tant que président de la commission judiciaire, je souhaite tout d'abord remercier le département de justice, police et sécurité: sa présidente, bien sûr, mais également M. le secrétaire adjoint Bernard Duport qui nous a assistés dans tous nos travaux. J'aimerais également remercier M. le chef de la police Rechsteiner pour sa précieuse collaboration. Je tiens, surtout, à remercier tous les membres de la commission judiciaire pour leurs efforts qui ont abouti à un texte faisant l'objet d'un large consensus. Plus légèrement, je souhaite également remercier Mme Fati Mansour pour avoir relaté avec une fidélité sans faille nos débats dans son journal - à tel point que l'on se demande si elle n'assistait pas à nos travaux... (Rires.)
La commission judiciaire a bien travaillé - longuement certes, mais l'enjeu était de taille. Il nous a d'abord fallu comprendre ce qu'est la police. D'habitude occupés par des objets concernant le Palais de justice, il nous a fallu saisir les subtilités des différents grades et fonctions, écouter et faire la part des choses entre les voeux des gendarmes et inspecteurs du terrain et la hiérarchie, tenir compte des coûts engendrés par la modification de cette loi et faire le poing dans notre poche lors de réception de courriers pas toujours très aimables de la part des syndicats de la police.
Le groupe libéral s'associe à ce consensus et votera la loi telle qu'elle est issue des travaux de commission. Il se déclare ainsi tout à fait conscient des difficultés que rencontre depuis quelques années la police, des démissions et des problèmes de recrutement des nouveaux gendarmes. Les libéraux assurent les policiers de leur compréhension et de leur soutien dans la difficile tâche qui est la leur. Ils savent ce que la baisse des effectifs et le nombre d'événements se déroulant à Genève engendrent pour eux de stress, d'heures supplémentaires, de week-ends et de congés supprimés, de vie familiale tronquée. Nous sommes persuadés que les améliorations prévues dans la loi sont susceptibles de résoudre au moins une partie de ces problèmes. Certes, nous savons que toutes les parties ne sont pas satisfaites du résultat. Je pense notamment aux syndicats, qui nous ont fait savoir leur mécontentement au travers d'une pétition que nous devons également traiter ce soir. Ce mécontentement provient de deux articles de loi que j'évoquerai tout à l'heure. Je veux au préalable mentionner les avantages qu'offre cette loi.
Le premier avantage réside dans une hausse importante des effectifs - 172 gendarmes et 85 inspecteurs. Il s'agit là d'un signe essentiel de la commission en direction de la police. Bien qu'il s'agisse de la mesure la plus chère, elle n'a pas fait l'objet de la moindre contestation: elle a, au contraire, été acceptée à l'unanimité. Le problème du recrutement reste bien entendu posé, mais on peut faire trois remarques à cet égard: tout d'abord, l'engagement de 85 inspecteurs ne devrait pas poser trop de difficultés puisque la police judiciaire ne connaît pas de problème de recrutement; ensuite, le plan de carrière élaboré par la commission et axé tant sur les compétences que sur la volonté constitue, nous en sommes persuadés, une incitation plus grande pour les jeunes à s'engager dans la police que la simple progression selon le rang du rôle matricule; enfin, la volonté exprimée par le département d'ouvrir la carrière aux permis C et d'encourager la venue de femmes, ainsi que le voeu de décharger les gendarmes de tâches administratives devraient également contribuer à favoriser le recrutement.
Le deuxième avantage offert par cette loi concerne la création de postes d'auxiliaires spécialistes permettant de mieux lutter contre certaines formes de criminalité - notamment économique et informatique. La création de ces nouveaux postes constitue un point important de la modification de la loi sur la police.
Le troisième avantage réside dans la reconnaissance d'un statut, par la loi, à la police de sécurité internationale. Cette reconnaissance prélude probablement à une intégration ultérieure dans la gendarmerie. D'autres dispositions constituent un net progrès, mais il serait trop long de les énumérer.
J'en viens à l'article 27 de la loi, relatif au plan de carrière et contesté par les syndicats de la police. Le groupe libéral soutiendra la version issue de la commission, car celle-ci constitue un réel compromis entre une vision très libérale - qui a d'ailleurs fait l'objet d'un amendement présenté en commission, je le souligne, par l'un des partis de l'Alternative et qui proposait que tous les grades ne s'obtiennent que sur postulation, en fonction des compétences du candidat - et une vision très conservatrice qui veut que l'automaticité de la promotion demeure la règle. Ce compromis a permis de couper la poire en deux: automaticité jusqu'au grade de sous-brigadier - respectivement inspecteur principal; compétences et état de service pour les grades supérieurs. Les libéraux soutiennent ce compromis, qui allie tradition du corps de police et innovation propre à permettre aux jeunes de progresser plus rapidement dans leur carrière.
L'autre article qui fâche, c'est l'article 44. Les libéraux soutiendront, ici aussi, la version de la commission. Il est juste que la responsabilité des traitements de la police soit du ressort du Conseil d'Etat, et non du Grand Conseil. L'ensemble de la fonction publique est traitée de la même manière, et il n'y a aucune raison pertinente pour qu'il en soit autrement s'agissant de la police. Les syndicats avaient d'ailleurs, en son temps, donné leur accord à cette solution. Les conditions particulières propres à la police sont réservées dans la loi.
Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons d'accepter cette modification de la loi sur la police qui est à même d'insuffler à cette dernière un dynamisme nouveau. La nouvelle loi reste certes incomplète et, malgré le temps que lui a consacré la commission, plusieurs questions demeurent irrésolues. C'est pourquoi les libéraux soutiendront également la proposition de motion de la commission qui demande au Conseil d'Etat un rapport ainsi que des propositions concrètes sur toutes les questions évoquées.
Quant à la pétition 1483, nous en proposons le dépôt sur le bureau du Grand Conseil. Je pense que mon exposé vous en aura suffisamment expliqué les raisons.
Un mot encore: la date d'entrée en vigueur de cette loi sera fixée par le Conseil d'Etat - ce qui est normal. Des dispositions transitoires, notamment par voie de directives, seront nécessaires, mais il est temps de voter cette loi, Mesdames et Messieurs les députés ! Malgré toutes les pressions que vous avez pu subir, il est temps que ce Grand Conseil fasse oeuvre d'autorité - et les libéraux souhaitent que la même unanimité qui s'est forgée au fil des débats en commission se retrouve dans cette enceinte ! (Applaudissements.)
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Bien souvent, durant les quelque vingt-sept séances de travail que la commission judiciaire a consacrées à l'examen de ce projet de loi concernant la police et à propos duquel nous rapporte de manière précise et détaillée l'excellent M. Luscher, je me suis posé la question suivante: ce projet de loi, qui n'était au départ qu'une convention signée entre les syndicats, la direction de la police et la cheffe du département de justice, police et sécurité, et qui n'abordait donc qu'une facette - certes importante - du statut de policier, est-il suffisant pour que celles et ceux qui, au quotidien, assument la lourde et difficile responsabilité de notre sécurité retrouvent sérénité et confiance en leur avenir ? Quand bien même, tout comme mon groupe démocrate-chrétien, je voterai ce soir le projet de loi issu des travaux de la commission, ma réponse est que cela restera nettement insuffisant.
Oui, nous avons modernisé le statut de policier; nous avons décidé d'en augmenter les effectifs, nous avons favorisé les possibilités de postulation à des fonctions spécialisées ou à responsabilité et nous avons amélioré quelques autres éléments touchant à la carrière de nos gendarmes, inspecteurs de police judiciaire et agents de sécurité internationale. Je reste cependant persuadé que le malaise que nos policiers ressentent et dénoncent - malaise que nous sommes obligés d'admettre - se situe ailleurs et s'avérera plus difficile à résoudre. Les problèmes d'effectifs, d'horaires, de matériel mis à disposition, de locaux adéquats ou encore d'heures supplémentaires trop nombreuses sont incontestablement autant de soucis que nous devons résoudre le plus rapidement possible. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, avons-nous, durant l'exercice qui nous amène ce soir à ce débat en plénière, suffisamment réfléchi au statut du policier dans notre société ? Avons-nous pris en compte l'évolution d'une société qui, à mon sens, a trop perdu le respect des institutions, des fonctions et de bien des professions ? Celle de policier en est, à mes yeux, l'une des victimes. Ces deux ou trois dernières décennies, de nombreuses professions ont perdu une grande partie de l'admiration et du respect que le grand public leur portait. Je pense aux médecins, aux infirmières, aux enseignants et, nous le savons, aux politiciens. Cette regrettable évolution a contribué à faire perdre confiance et, certainement en partie, à faire perdre la fierté d'exercer une profession certes difficile, mais chargée d'une grande responsabilité - celle de l'autorité confiée par la collectivité.
Je discutais il y a quelques jours avec l'un de mes copains - tout comme moi fils de gendarme, Monsieur Hodgers. A cette occasion, nous évoquions tous deux et sans hésitation la fierté que nous ressentions, enfants, d'être les fils de représentants de l'ordre, d'être les rejetons de pères de famille conscients du privilège qu'ils avaient de pratiquer une profession qu'ils aimaient ainsi que de leurs responsabilités. Nos pères étaient des policiers pleinement intégrés dans les quartiers où ils exerçaient par le biais de leur activité professionnelle, mais ils étaient également intégrés dans la vie sociale de leur village. Ils quittaient la maison en uniforme, prenaient le bus en uniforme, avec les autres gens de Veyrier. Ils participaient pleinement à la vie associative de leur lieu de vie, où ils étaient connus, reconnus et respectés en tant que gendarmes.
Si j'évoque ces quelques souvenirs, c'est pour poser les questions suivantes: les fils et les filles de policiers osent-ils encore être fiers de leur papa ou de leur maman ? Le policier est-il, de nos jours encore, considéré comme M. Toutlemonde, comme un père ou une mère de famille qui exerce simplement une profession respectée dans le passé, mais certainement trop blâmée ou trop discréditée actuellement ? Ne fait-on pas trop porter à nos policiers la responsabilité de nos incivilités, de notre manque de discipline par rapport aux règles de notre société ? Nous, parents, nous, politiques, mettons-nous tout en oeuvre pour inculquer aux nouvelles générations le respect d'un corps trop souvent malmené, mais que nous voulons rapidement voir voler à notre secours lorsque les choses tournent mal ?
Certes, nous avons souvent évoqué dans cette enceinte l'îlotage non seulement en tant que politique permettant de répondre au sentiment d'insécurité de la population, mais également en tant que démarche propice à l'intérêt du travail du gendarme. Mais ne devrions-nous pas tous réfléchir pour que cette proximité soit avant tout celle de l'homme - l'homme ! - policier impliqué dans la vie communautaire de sa ville, de son quartier, reconnu au même titre qu'un autre individu exerçant une autre profession ? Ne devrions-nous pas tous réfléchir pour que la profession de policier - parce que l'on sait que celles et ceux qui l'exercent sont des gens comme vous et moi - redevienne une profession suscitant respect ? ,Qu'ils ne soient plus «bourrins», «perdreaux» ou «flics», mais gendarmes, inspecteurs ou commissaires ? Et les gendarmes - inspecteurs et agents - les officiers et responsables de police ont-ils, ces dernières années, toujours pris les bonnes options par rapport à leurs règlements, leurs attitudes, leurs tenues vestimentaires, leurs procédures ? N'est-il pas grand temps de trouver ensemble les moyens durables de redonner au policier la place qu'il doit avoir dans notre collectivité - celle d'une femme ou d'un homme heureux et fier d'exercer une profession que beaucoup de jeunes gens voudront embrasser parce que prometteuse de satisfaction, de reconnaissance et d'évolution de carrière en rapport avec ses capacités et ses ambitions ?
Face à de telles ambitions, le groupe démocrate-chrétien estime que le projet de loi que nous vous invitons à voter ne constitue qu'une réponse très partielle. Les quelques améliorations apportées par ce projet de loi - heureusement corrigé par le travail parlementaire - ne sont pas du tout proportionnelles au temps que nous y avons consacré. Nous tenons cependant à saluer les efforts consentis par tous les groupes au cours d'un débat très ouvert et très complet pour trouver, à ce stade, des solutions conformes aux objectifs recherchés et respectant le plus possible, d'une part les aspirations des syndicats, d'autre part l'envie unanime de dépoussiérer l'institution policière en modernisant les possibilités de carrière des gens qui en font la richesse - une richesse faite de savoir-faire et d'expérience, mais également de jeunesse, de talent et d'une envie de progresser qu'il faut encore mieux exploiter.
Après avoir évoqué ce qui fait la richesse de ce corps, je me dois malheureusement d'évoquer ses faiblesses - ou plutôt, les faiblesses de quelques-unes de ces individualités qui ont particulièrement fait parler d'elles ces dernières semaines. De tels dérapages, qui sont intolérables et qui ont à juste titre été sévèrement condamnés par la hiérarchie, font un tort considérable à l'ensemble de la profession. Une très large majorité de policiers ne se reconnaît heureusement pas dans de telles attitudes et les condamne fermement. Il n'empêche que de tels comportements prouvent que certains policiers n'ont pas conscience de leurs responsabilités; qu'ils n'ont pas conscience que, plus que d'autres, ils sont observés; qu'ils n'ont pas conscience que leur comportement, dans le cadre et en dehors de leur vie professionnelle, doit avoir valeur d'exemple. Il faut lutter pour que ce message passe !
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Pierre-Louis Portier. Je crois avoir perçu cette volonté chez le chef de notre police - et je m'en félicite. Cette volonté d'agir, on la retrouve également - et pleinement, puisque tous les groupes politiques l'ont signée - dans un acte politique qui devrait, s'il est suivi d'effets, apporter de véritables améliorations: il s'agit de la motion 1588. Par cette motion, notre commission souhaite envoyer la balle dans le camp du Conseil d'Etat et de la direction de la police. Ce texte évoque une dizaine de pistes concernant les missions de la police, les moyens de remplir ces missions ou encore la question du recrutement. Il demande surtout aux instances concernées de soumettre à ce Grand Conseil des propositions pour l'année prochaine. C'est dire notre intention...
Le président. Veuillez conclure, Monsieur le député, s'il vous plaît !
M. Pierre-Louis Portier. Je termine, Monsieur le président ! C'est donc dire notre intention ne pas en rester au PL 8887, mais de ne le considérer que comme la première étape d'une longue réflexion qui devra déboucher sur des actes nombreux et forts qui soient propres à rétablir chez nos policiers: confiance, succès dans le recrutement et attachement à leur profession; dans notre population: bienveillance, reconnaissance et respect !
Voilà pour ma déclaration liminaire. Je reprendrai ultérieurement la parole sur des aspects techniques. (Applaudissements.)
Mme Loly Bolay (S). En guise de préambule, je ferai deux remarques. La première s'adresse à M. le rapporteur: Monsieur Luscher, je n'ai pas vu une seule ligne dans votre rapport qui soit consacrée aux amendements déposés en son temps par le parti socialiste en commission ! Je déplore ce que j'estime être une maladresse de votre part ! (Brouhaha.)
Ma deuxième remarque porte sur la motion 1588, jointe au projet de loi 8887. Le parti socialiste s'est montré clair en commission: bien qu'il n'y ait pas unanimité au sein de notre parti - je reviendrai sur ce point tout à l'heure - je rappelle que les députés socialistes qui voteront le PL 8887 ont cautionné ce projet pour autant que la motion 1588 soit votée avant le PL 8887 - avant ! Notre chef de groupe l'avait signalé aux autres chefs de groupe, Monsieur le président !
Le président. Soyez rassurée, Madame la députée: il en sera fait ainsi ! Cette décision a été prise unanimement lors de la séance du Bureau et des chefs de groupe de ce matin !
Mme Loly Bolay. Merci beaucoup, Monsieur le président !
Sur le fond, la police genevoise traverse une crise profonde. Elle se trouve confrontée à de gros problèmes de recrutement, à de nombreuses démissions et à un manque d'effectifs criant. Les raisons de cette crise sont multiples - rigidité des structures et des mécanismes d'avancement, formation initiale et continue largement insuffisante, priorités peu claires et mal définies, répartition des tâches déficiente - mais surtout, la police genevoise manque de reconnaissance. Dans le même temps, elle doit répondre à des attentes toujours plus nombreuses: elle assume souvent un travail social dans des situations de détresse; elle doit parfois jouer un rôle éducatif en encadrant de jeunes délinquants en manque de limites. Elle se trouve par ailleurs écrasée par les heures supplémentaires - j'y reviendrai tout à l'heure - ainsi que par un travail administratif très lourd. Or, les socialistes sont attachés à une police de qualité qui soit au service de la démocratie et de la population. Il s'agit d'une institution essentielle dont la mission consiste à garantir la sécurité des citoyens dans le respect de la constitution. Aussi doit-elle pouvoir disposer des moyens et des effectifs adéquats pour assumer ce rôle.
J'aborde maintenant le projet de loi 8887. Ce projet ne satisfait personne. Personne ! Aucun groupe politique n'en est satisfait ! Les syndicats nous ont fait savoir - certains d'entre eux peut-être trop souvent à notre goût - qu'ils n'étaient absolument pas satisfaits par ce projet. Mais nous non plus, les socialistes, ne sommes pas satisfaits par ce projet ! Il faut toutefois reconnaître à ce dernier certains mérites. En premier lieu, il permet d'augmenter les effectifs de la police. Or, pour en avoir longuement discuté tout à l'heure, ceux d'entre nous qui voteront ce projet de loi sont conscients de la nécessité de cet accroissement des effectifs. Deuxièmement, ce projet valorise le statut de la police de la sécurité internationale - la PSI. Cette dernière, qui était l'enfant pauvre de la police, se trouve ainsi reconnue. Enfin, ce projet constitue un signe du politique à l'attention de l'institution policière. En acceptant ce projet de loi, nous lui transmettons le message suivant: «Nous avons compris vos problèmes».
Et nous avons bien compris que ce projet de loi constituait un pas en avant mais, de même que nous l'avons fait en commission, nous demandons à la cheffe du DJPS de remettre l'ouvrage sur le métier et de revenir avec un projet de loi qui tienne compte de nos remarques, de nos préoccupations et de nos propositions. Je vous rappelle que nous avons notamment déposé en commission des amendements portant sur les missions de la police, sur la formation, ainsi que sur la question des heures supplémentaires. Nous reviendrons tout à l'heure sur certains d'entre eux. (Applaudissements.)
M. Pierre Froidevaux (R). En tant que commissaire ayant travaillé sur ce projet de loi, je ne peux, comme l'a fait M. Hodgers, sous-estimer le travail accompli par la commission judiciaire. Nous avons, au contraire, travaillé avec acharnement dans le sens politique de l'art du possible. Nous avons travaillé malgré l'influence de la presse, qui tentait de nous monter les uns contre les autres. Je me rappelle avoir accordé quelques interviews dans lesquelles j'expliquais que le consensus prévaudrait - tous les groupes politiques étant attachés au bon fonctionnement de la force légitime pour le bien public. J'ai toujours été convaincu que nous parviendrons à nous entendre pour entamer le processus de réforme de la police.
Nous nous trouvions confrontés à une tâche fort difficile. Les détails de ce projet de loi ont déjà été exposés par le rapporteur ainsi que par mes préopinants et, compte tenu des nombreux amendements que je vois sur ma table, je ne doute pas que nous aurons l'occasion d'en débattre à nouveau. Je souhaite toutefois exprimer une remarque très générale afin de vous expliquer pourquoi nous en sommes ici: parce que le Grand Conseil est, de par la loi, le responsable des ressources humaines de la police. Il s'agit d'une erreur historique qui se retrouve dans la loi Chamay. Lorsque nous avons demandé à nos représentants - en particulier à la Chancellerie - de s'informer sur l'origine de la particularité selon laquelle le Grand Conseil est le responsable direct de la police, nous nous sommes rendu compte que cette anomalie existait depuis toujours. Aujourd'hui, nous confions cette responsabilité entre les mains du Conseil d'Etat. Je vous recommande de voter ce transfert de responsabilité, car il s'agit du premier pas fondamental vers une réforme de l'institution policière. Vous pouvez certes reprocher à ce projet de loi de définir de manière insatisfaisante les missions de la police. Cependant, si vous ne votez pas ce projet de loi, le Grand Conseil restera le chef du personnel de la police et, pour chaque modification, il nous faudra prévoir vingt-sept séances pour parvenir à une entente avec les syndicats et les groupes politiques. Or je constate combien c'est difficile: je n'ai consacré à cela que deux ou trois séances afin de satisfaire mes collègues radicaux mais je suis persuadé que, si je devais expliquer tout le projet de loi, je devrais également y consacrer vingt-sept séances. Je crains que cet exercice ne doive cesser... Ou, plutôt, je ne le crains pas, mais je vous l'affirme ! Je vous demande donc de transférer cette responsabilité au Conseil d'Etat. Ce projet de loi ayant été élaboré en accord avec le chef de la police, je vous invite tous à le voter et à le transmettre à la responsable du DJPS, qui le remettra à son tour à M. Rechsteiner. C'est le sens de ce vote, c'est le sens de votre responsabilité !
M. Christian Grobet (AdG). Comme nous l'avons déclaré tout à l'heure, le projet de loi dont nous discutons présente le mérite de régler certains problèmes. Cependant, ainsi que cela a été relevé par mes préopinants, il reste une série de problèmes non résolus. Comme M. Portier l'a fait remarquer à fort juste titre, la loi qui nous est soumise ce soir ne constitue qu'une première étape. Nous attachons bien évidemment beaucoup d'importance à la motion 1588 - de même que les socialistes, le PDC et, je suppose, les autres groupes. Cette motion reconnaît que la réforme à court terme engagée par le projet de loi 8887 ne pourra pas régler tous les problèmes en suspens de la police genevoise; elle affirme la nécessité d'engager une réforme plus profonde de la police en explorant diverses voies pour améliorer son fonctionnement et lui donner les moyens de remplir ses missions de manière satisfaisante et dans de bonnes conditions. Vient ensuite une liste de questions qui, à notre avis, méritent d'être traitées et par rapport auxquelles le Conseil d'Etat devrait avancer des propositions. Il s'agit principalement de préciser les missions des différents services du corps de police, de redéfinir les tâches de la police afin d'en optimiser le fonctionnement et d'envisager d'éventuelles délégations de compétences. La motion demande également le développement de la police de proximité. J'espère que ceux qui voteront ce texte adopteront une attitude différente de celle qui a été la leur tout à l'heure concernant les postes de police. Vous hochez de la tête, Madame Bolay, mais je m'empresse de préciser que cette motion propose l'ouverture sur chaque rive d'un poste de police vingt-quatre heures sur vingt-quatre - ce que vous, Madame Bolay, ainsi que la majorité avez refusé tout à l'heure ! (Protestations.)
Mme Loly Bolay. Ce n'est pas vrai !
M. Christian Grobet. Mais si ! Nous vous avons soumis un texte préconisant le développement de l'îlotage et l'ouverture d'un poste de police sur chacune des rives - et vous n'en avez pas voulu ! Vous aurez toutefois l'occasion de vous raviser, puisque M. Pagani reprendra cette proposition sous forme d'amendement. Nous verrons quelle position vous adopterez...
D'autres questions importantes restent à régler: la mise à disposition de moyens permettant à la police d'effectuer son travail, la décharger de tâches administratives ou, encore, développer l'institution du commissaire à la déontologie et la doter de moyens conformes à l'exercice de sa mission. Ce dernier élément, qui figure dans la motion 1588, nous tient tout particulièrement à coeur.
Madame Spoerri, nous ne doutons pas de la bonne volonté qui vous anime, car vous en avez fait preuve durant tous les travaux de la commission. C'est pourquoi nous souhaitons que cette motion fasse l'objet de propositions dans un délai raisonnable. Comme vous l'aurez compris, les députés des différentes formations politiques représentées dans cette enceinte restent sur leur faim; ils ne souhaitent pas s'arrêter à l'adoption du projet de loi 8887. Nous espérons donc que vous pourrez rapidement nous soumettre des propositions concrètes de modifications ou, je dirai plutôt: de «compléments» à la loi sur la police. Cela me semble important non seulement du point de vue de la confiance entre le Grand Conseil et le Conseil d'Etat sur les questions relatives à la police, mais dans l'intérêt même de cette dernière. On constate en effet un certain flou dans les missions et les directives qui lui sont assignées - flou qui rend la tâche de l'agent de police extrêmement difficile.
S'agissant des réformes proposées ce soir, l'Alliance de gauche n'a évidemment pas pu suivre l'une des propositions des syndicats de la police et acceptée dans l'accord signé entre ces derniers et le Conseil d'Etat: il s'agit de la nomination automatique des agents de police au grade de brigadier après dix-huit ans de service. Peut-être aurons-nous tout à l'heure l'occasion de rappeler les chiffres fournis par les services de Mme Spoerri, mais ces chiffres démontrent que, si l'on applique une augmentation de grade automatique tous les six ans, la situation serait telle qu'il y aurait 77 gendarmes, 164 appointés, 149 sous-brigadiers et 273 brigadiers - 273 ! Au fond, chaque gendarme ordinaire serait encadré par cinq brigadiers ! (Rires.)Si l'on inclut les appointés, deux brigadiers et sous-brigadiers encadreraient chaque gendarme ou appointé en cas d'automaticité de la promotion... Une telle situation est tout simplement impossible ! Comme vous le savez, la gendarmerie est conçue sur un mode militaire et je ne suis pas un ardent défenseur de la hiérarchie militaire. Je sais néanmoins que, lorsque deux personnes sont titulaires du même grade, elles n'acceptent pas que l'une commande l'autre. Alors, je vois mal comment la police pourrait fonctionner avec 273 brigadiers ! Ce serait tout simplement ingérable ! Nous n'avons donc pas pu suivre la demande des syndicats de la police sur ce point.
En revanche, nous avons proposé - et nous nous sommes réjouis de ce que la commission a accepté cette proposition - que le personnel de la police bénéficie d'une augmentation réelle de traitement tous les six ans. Il est extrêmement important de pouvoir conserver les agents de police car, avec l'âge, ils acquièrent l'expérience nécessaire pour assumer la tâche difficile qui leur incombe. Je constate que l'UDC veut remettre en cause cette proposition qui a été acceptée en commission; pour notre part, nous estimons que, si nous voulons...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Christian Grobet. Pardon ?
Le président. Il vous faut conclure !
M. Christian Grobet. Merci de me le rappeler ! Je vais conclure, Monsieur le président ! Si nous voulons tenter de retenir les gendarmes, il est indispensable de leur offrir un plan d'avancement salarial.
Dernier point: nous regrettons - c'était une petite chose, sur laquelle nous reviendrons ce soir - que la commission n'ait pas voulu maintenir ce qui avait été décidé dans la loi. Il faut le dire: les syndicats ont été fortement ébranlés lorsqu'ils ont constaté que certaines promesses qui leur avaient été faites se voyaient remises en cause et, aujourd'hui, ils souhaitent que ce qui leur a été promis soit garanti ! Même si cela vous paraît quelque peu vieillot, Monsieur Luscher, l'inscription de certaines mesures dans la loi constitue la meilleure garantie que l'on puisse offrir à ceux qui nous ont fait confiance !
M. Gilbert Catelain (UDC). A son arrivée au Conseil d'Etat, Mme Spoerri a découvert un département en situation de crise. Ce projet de loi constitue donc une mesure d'urgence visant trois objectifs: l'augmentation des effectifs maximums autorisés, l'augmentation des effectifs réels par le renforcement de l'attractivité du métier de policier; enfin, l'envoi d'un signal clair aux policiers leur assurant que les autorités politiques sont conscientes de l'importance de leur travail.
Lors du débat de préconsultation, le groupe UDC s'était déclaré favorable au projet de loi 8887, mais avait déjà émis des réserves concernant le principe d'automaticité. Le travail en commission a été approfondi. Il s'est déroulé dans des conditions difficiles, notamment en raison de fuites à répétition, de l'absence d'analyses systémiques, de la transmission tardive de certaines informations, du lobbying agressif des syndicats - y compris la grève ou la menace de grève - et de l'arrogance de ces mêmes syndicats vis-à-vis des commissaires osant remettre en cause l'un ou l'autre point de l'accord conclu avec le Conseil d'Etat. Au final, cette année de travaux de commission m'aura laissé un sentiment pour le moins mitigé: j'ai la désagréable impression d'avoir davantage oeuvré au maintien, voire au développement de privilèges ou de droits acquis qu'à l'amélioration de la capacité de la police à fournir davantage de prestations.
Le groupe UDC soutient toutes les modifications légales qui visent à améliorer l'organisation et l'action de la police genevoise. Nous soutenons la reconnaissance dans la loi de l'existence de la police de sécurité internationale; nous soutenons les augmentations d'effectifs prévus à l'article 6; nous soutenons la suppression de la règle dite «du tiers»; nous soutenons l'ouverture obligatoire d'un ou de deux postes vingt-quatre heures sur vingt-quatre; nous soutenons le principe d'un profil de carrière jusqu'au grade de sous-brigadier. En revanche, nous ne soutiendrons pas les éléments de ce projet qui transformeraient la loi sur la police en une loi de complaisance. Le groupe UDC s'est montré attentif aux arguments du Service d'évaluation de fonction, lequel nous a rappelé qu'un maréchal de gendarmerie présente un profil 127 points - soit une classe maximum 13 - alors que la loi sur la police place cette fonction en classe 17. Ce même service rappelle que différents avantages monétaires et non monétaires majorent le traitement de 40 % - soit l'équivalent de neuf classes ou de 30'000 francs annuels. L'ensemble des commissaires ont pu se rendre compte, sur la base des données fournies par le département, que le Conseil d'Etat n'avait pas à rougir des conditions salariales et sociales qu'il offrait à ses serviteurs. Le groupe UDC est favorable à ce que l'Etat rémunère très bien ses représentants de l'ordre, pour autant que cette rémunération corresponde à un profil de compétences et à un cahier des charges, et que les moyens financiers de l'Etat le permettent.
Malheureusement, le projet initial comme l'amendement de M. Grobet aggravent l'inégalité de traitement entre le corps de police, d'une part, et le reste de la fonction publique, d'autre part. Pour confirmer mes propos, je me permets de citer un extrait de l'interview que M. Rechsteiner, chef de la police, a accordé ce printemps au journal «Immorama»: «Une certaine cassure s'est produite avec les événements liés au G8. Les policiers ont subi un manque de respect et les propositions pécuniaires des autorités politiques n'ont pu combler ce sentiment de non-reconnaissance. Leur respect ne s'achète pas».
Nous allons voter un projet de loi qui ne convainc finalement aucun des groupes parlementaires, pas plus que les syndicats ou les personnels concernés - à l'exception de la police de sécurité internationale. Nous sommes en droit de nous demander s'il est opportun de voter une modification de loi ne satisfaisant pas ses principaux bénéficiaires - quand bien même ce projet leur apporte une hausse non négligeable de la masse salariale. Les policiers valaisans, qui verront leur activité professionnelle prolongée de deux ans pour assainir leur caisse de pension, n'en auraient probablement pas demandé autant... En dépit de cela et malgré les difficultés financières auxquelles ce canton doit faire face, le groupe UDC est prêt à soutenir ce projet de loi, pour autant que son impact financier reste mesuré et justifiable.
A l'heure où Mme Brunschwig Graf ne sait pas si elle pourra présenter en temps et en heure un projet de budget 2005 qui respecte le plan quadriennal du Conseil d'Etat soutenu par l'Entente, il nous semble raisonnable que ce parlement ne cautionne pas des situations d'exception qui nous discréditeraient dans notre volonté commune d'assainir les finances publiques. Entre le moment où ce projet de loi a été élaboré et son traitement en commission, la situation de ce canton s'est aggravée. L'heure est davantage aux sacrifices. Nous ne souhaitons pas que la police genevoise soit le dindon de la farce alors que, l'an dernier, la reclassification des travailleurs sociaux a coûté à elle seule 6 millions de francs. Nous souhaitons que le Conseil d'Etat puisse tenir tous ses engagements, y compris concernant le rétablissement de l'équilibre budgétaire. C'est pourquoi nous sommes prêts à voter oui au nécessaire, mais non au souhaitable. Nous sommes conscients de l'insuffisance de ce projet de loi à régler seul tous les problèmes en suspens - je pense notamment aux problèmes relatifs aux réquisitions sur le temps de repos et aux heures supplémentaires. C'est dans cet esprit que, bien que n'en partageant pas toutes les invites, nous soutiendrons la motion 1588.
M. Jean Spielmann (AdG). Il me semble nécessaire de préciser certains éléments par rapport au présent débat sur le projet de loi 8887. Je pense notamment à ce que certains ont qualifié tout à l'heure de forme de rigidité à laquelle il conviendrait de remédier. Je pense également à ceux qui estiment que ce n'est pas au Grand Conseil de prendre des décisions relatives à la police, mais qu'il faut transférer ces compétences au Conseil d'Etat. En modifiant le mode de fonctionnement de l'institution policière et les responsabilités des uns et des autres, on cherche à remplacer un dispositif qui, je le reconnais, peut, de par certains automatismes, s'avérer problématique sur certains points, mais qui, dans le cadre de la nécessaire indépendance de la police par rapport aux instances qui la dirigent et par rapport à la hiérarchie, constitue à mon sens la garantie d'une certaine justice: ce dispositif permet d'éviter les nominations à la tête du client et de développer une politique autre que celle qui consiste à répondre aux besoins de la population et à assurer le bien public.
Nous nous sommes livrés à de nombreux débats, notamment au sujet de la loi Chamay. Peut-être certains d'entre vous liront-ils avec intérêt les motivations ayant conduit à la mise en place de la nouvelle loi. Avant cette loi, d'autres méthodes présidaient à la nomination et à l'avancement des gendarmes. Mais, entre le système actuel et le nouveau système que vous nous proposez, un certain nombre de problèmes risquent de surgir quant à la manière dont seront prises les décisions relatives à la nomination de la hiérarchie de la police et aux avancements. Il nous faut réfléchir à ces questions. Selon moi, il est important que le Grand Conseil garde toutes ses prérogatives dans ce domaine. Le Conseil d'Etat peut certes s'occuper de la gestion interne et de l'organisation de la hiérarchie de la police, mais l'existence d'un certain nombre d'automatismes est nécessaire pour garantir l'indépendance du corps de police. Cela permet d'éviter que des plans de carrière ne puissent être initiés à des fins autres que celles de maintenir l'ordre et de servir l'ensemble de la population. Je vous rappelle que le corps de police exerce un pouvoir important, puisqu'il est habilité à intervenir auprès des gens et de les priver de liberté. Je ferai donc preuve d'une certaine réserve quant à vos propositions, car la rigidité et les automatismes me semblent être un moindre mal par rapport au système que vous nous proposez.
L'Alliance de gauche vous soumettra quelques amendements dans l'esprit de la motion 1588, car un certain nombre de modifications sont nécessaires pour que nous puissions accepter cette nouvelle loi. En l'état, je ne voterai pas une loi qui prévoit un tel transfert de compétences !
M. Souhail Mouhanna (AdG). J'ai relevé un certain nombre de contradictions dans les interventions de certains députés de droite. La première de ces contradictions est la suivante: certains estiment qu'il faut transférer au Conseil d'Etat des compétences relevant actuellement du Grand Conseil. Or, je vous rappelle que la première mouture du projet de loi était précisément issue d'un accord entre la responsable du DJPS et le personnel ! Comme chacun le sait, l'une des règles élémentaires des pratiques démocratiques réside dans le fait que l'employeur et les employés peuvent discuter des conditions régissant les activités de ces derniers. C'est précisément ce qui a été fait et qui se trouve maintenant remis en cause ! Première contradiction !
Deuxième contradiction: tout le monde semble être d'accord sur la question de l'accroissement des effectifs. J'ai procédé à un petit calcul: ce sont 250, presque 260 postes supplémentaires qui sont prévus. Nous soutenons bien entendu cette hausse, car il s'agit d'une demande de longue date. La nécessité d'augmenter les effectifs de la police ira d'ailleurs croissant, parce qu'elle sera parallèle à la diminution des moyens affectés à l'éducation, au social ou encore à la santé. Certains responsables syndicaux de la police sont à cet égard intervenus à plusieurs reprises - et à juste titre - pour dire: «Plus d'écoles, moins de prisons». Or je constate que les mêmes personnes qui se vantent de vouloir accroître les effectifs de la police souhaitent que le Conseil d'Etat bloque les effectifs dans son plan quadriennal ! Avec un tel plan, c'est un véritable corset d'acier que le Conseil d'Etat est en train de s'imposer ! Est-ce que le blocage des effectifs, prévu par le Conseil d'Etat, signifie que les 250 postes supplémentaires qui seront affectés à la police seront prélevés ailleurs: sur l'enseignement, sur le social ou encore sur la santé ?! Si tel était le cas, on aurait de ce fait, comme je viens de l'expliquer, davantage besoin de policiers par la suite...
Outre ces contradictions, je trouve incroyable que certains critiquent les interventions des syndicats de la police ! C'est le rôle des syndicats que d'intervenir, Mesdames et Messieurs les députés ! Lorsqu'il est concerné par un objet, n'importe quel citoyen peut nous adresser une pétition. Laquelle sera traitée par la commission des pétitions ! Eh bien, c'est la mission, c'est le travail, c'est l'action des syndicats que d'envoyer une pétition signée par les trois quarts des membres du personnel de la police et que d'intéresser ces derniers à leurs conditions de travail ! Combien de fois avons-nous reçu des sollicitations de tel ou tel groupe socio-économique ?! Je m'étonne que M. Catelain et d'autres, qui ont reproché aux syndicats de la police d'intervenir auprès de la commission, ne se soient, par exemple, jamais indignés de la lettre que nous avons reçue le jour même de l'examen du projet de budget 2004, lettre de «Genève Place Financière» signée par M. Yvan Pictet ! Là, personne n'a rien dit ! En revanche, on reproche à des syndicats d'intervenir sur un projet de loi concernant directement le personnel qu'ils représentent ! Je précise que ces syndicats n'ont rien imposé, mais qu'ils n'ont fait qu'exposer leurs attentes. C'est leur droit ! Nous n'avons pas à les condamner ou à les dénigrer pour avoir rempli leur rôle ! Pour ma part, je salue l'intervention des syndicats de la police ! Notre Grand Conseil doit se montrer extrêmement attentif à l'expression de la volonté des employés du secteur public comme du secteur privé - qu'il s'agisse de la police ou d'autres secteurs. Et le service public est fondamental pour la population; or il passe également par une police républicaine et citoyenne. Voilà ce que nous défendons !
M. Christian Luscher (L), rapporteur. Tout le monde dans cette enceinte s'accorde à dire que le projet que nous soumettons aujourd'hui à ce parlement ne constitue qu'une réponse partielle aux voeux émis tant par le Conseil d'Etat que par la hiérarchie et les syndicats de la police. Mais mieux vaut une réponse partielle que pas de réponse du tout - ou, pour reprendre les termes de M. Hodgers: «Mieux vaut accoucher d'une souris que de faire une fausse-couche» ! (Rires.)Je reconnais que ce n'était pas très fin... Il est à mon sens indispensable que nous apportions au moins cette réponse partielle. Cependant, dans la mesure où j'ai compris que certains groupes ne soutiendraient le projet de loi 8887 que pour autant qu'il y ait un message très clair à propos de la motion 1588, je suggère, Monsieur le président, que nous passions immédiatement au vote de cette dernière ! Parce que cette motion vise précisément à apporter les réponses complètes et à long terme que nous n'avons pu fournir, faute de temps, durant l'examen du projet de loi 8887. Je rappelle que cette motion émane de la commission judiciaire, tous partis confondus. Elle a été rédigée par l'ancienne présidente - socialiste - de la commission et amendée par son nouveau président - libéral - Jean-Michel Gros. La mouture finale qui a ensuite été rédigée a trouvé l'agrément de l'ensemble des membres de la commission.
Mme Bolay a eu raison de souligner qu'il convenait de voter prioritairement cette motion. Nous adressons ainsi à la police un message lui assurant que nous avons compris ses préoccupations; nous adressons également à la population un message lui montrant que le sujet traité est important et que l'analyse doit être poursuivie. Enfin, nous adressons un message au Conseil d'Etat en lui confiant une mission et en lui suggérant certaines voies à explorer. Il est réjouissant de constater que la commission judiciaire - une fois encore tous partis confondus - s'est accordée sur la mission, sur le cahier des charges et sur les pistes qu'elle entendait fournir au Conseil d'Etat. C'est la raison pour laquelle il me semble important que nous passions immédiatement au vote de la motion 1588. Je vous remercie de procéder dans ce sens, Monsieur le président !
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'annoncer, il en sera fait ainsi, puisque cette question a été traitée ce matin par le Bureau et les chefs de groupe et qu'elle a fait l'objet d'un accord unanime. La parole est à M. le député Bernard Lescaze.
M. Bernard Lescaze (R). Je crois avoir compris que, sous prétexte de rassurer le côté gauche de cette assemblée, le rapporteur de majorité souhaitait procéder immédiatement au vote de la motion 1588, et ce avant l'examen, article par article, du projet de loi 8887. Je dois mettre en garde ce parlement contre une motion qui me semble être une petite touche d'hypocrisie pratiquée par certains députés pour faire passer un projet de loi partiel et corporatiste. Je tiens à vous rendre attentifs au fait suivant: lorsqu'on les examine indépendamment de la situation générale de ce canton, la plupart des invites de cette motion sont, certes, parfaitement valides et intéressantes. Cependant, lorsqu'on les examine dans leur ensemble, on constate que c'est un projet financier de 50 millions que vous nous proposez ! Alors, est-ce qu'en période de crise budgétaire les partis de la majorité parlementaire qui se sont battus cet été pour parvenir à un budget certes déséquilibré, mais tout de même plus raisonnable que celui du Conseil d'Etat, veulent réellement, pour faire passer un projet de loi coûtant déjà plusieurs dizaines de millions, nous proposer un programme qui ne sera pas réalisé avant plusieurs années parce que trop onéreux ?! Je suis persuadé qu'une partie de ce parlement considère cette motion comme une promesse que l'on jette au vent, mais qui ne sera pas tenue.
A l'heure et à la minute où Mme la conseillère d'Etat chargée du département de justice, police et sécurité viendra nous annoncer devant ce parlement qu'elle accepte toutes les invites - invites qui sont, je le répète, raisonnables - de cette motion et qu'elle bénéficie de l'appui financier du Conseil d'Etat pour les mettre en oeuvre, alors je la voterai sans considérer qu'il s'agit d'une hypocrisie. Mais pour l'instant, cette motion n'a toutefois de la valeur que parce que vous y croyez ! Les promesses, je vous rappelle, n'engagent que ceux qui les font. Pour ma part, je comprends fort bien certaines des réticences qui se sont discrètement fait jour sur cette motion - je pense notamment aux propos de M. Catelain. Et je vous le répète, Mesdames et Messieurs les députés, qu'à moins d'un engagement sérieux de la part du Conseil d'Etat, cette motion ne vaut, pour l'instant, pas le papier sur laquelle elle est écrite !
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous m'offrez une transition toute trouvée: la parole est donnée à Mme la conseillère d'Etat Micheline Spoerri !
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Le projet de loi dont nous discuterons tout à l'heure ne répond probablement pas à tous nos souhaits en matière de réorganisation de l'institution policière. Cependant, après près de trois ans d'exercice à la tête du département de justice, police et sécurité, je suis convaincue que, sans ce premier pas, nous ne pourrons pas aller plus loin. Le refus du projet de loi 8887 comporterait par ailleurs des risques extrêmement graves pour la suite - et je pèse mes mots. Il me semble que la motion 1588 va dans le sens préconisé par ce projet de loi. Il n'est - et je m'adresse ici plus particulièrement à M. le député Lescaze - pas question de faire de fausses promesses, il s'agit simplement de reconnaître que le PL 8887 ne constitue qu'un premier pas. Si ce premier pas est certes important, j'ai bien compris au cours des travaux de la commission judiciaire que ce projet n'avait de poids et ne prenait de sens qu'en s'inscrivant dans un cadre plus général. Durant ces travaux de commission, j'ai parfois fait preuve d'une certaine impatience, car j'étais pressée d'aller de l'avant; je reconnais toutefois que le travail accompli par la commission a apporté un cadre général clarifiant la volonté tant de ce parlement que de l'autorité politique en la matière. Je l'en remercie, car il s'agit d'une démarche importante. Si ce projet de loi ne répond pas à toutes les questions auxquelles se trouve confrontée l'institution policière, vous vous apercevrez néanmoins qu'il en règle les problèmes essentiels.
Comme je l'ai déjà fait en commission, je m'engage à apporter une réponse favorable aux considérants de la motion 1588. Il ne s'agit pas seulement d'un bout de papier... Pourquoi un tel engagement de ma part ? Parce que ces considérants me semblent tous fondés et que j'en ai initié la plupart. Reste le problème du budget - mais je vous rassure, Monsieur Lescaze: le projet de loi que nous allons voter ne coûtera pas 50 millions ! J'aurai tout à l'heure l'occasion de le préciser.
Pour conclure, je souhaite remercier la commission judiciaire, dont tous les commissaires - y compris les commissaires radicaux et UDC - ont signé la motion 1588. Je répète que j'accueille favorablement cette dernière et que je m'engage à y souscrire.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Avant de procéder au vote, je salue à la tribune de notre parlement la présence d'une délégation du parlement de Tai Zou emmenée par son président, M. Mao Ping Wei. (Applaudissements. La délégation chinoise se lève et applaudit également.)Comme convenu, nous votons maintenant sur la motion 1588. Le vote électronique est lancé.
Mise aux voix, la motion 1588 est adoptée par 76 oui et 5 abstentions.
Le président. Nous votons maintenant sur la prise en considération du PL 8887-A. Nous procéderons à nouveau par vote électronique.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 72 oui et 11 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 6 et 7.
Le président. Nous sommes saisis, à l'article 8, d'un amendement présenté par M. le député Pagani. Cet amendement figurait dans le rapport de minorité du projet de loi 8567. Vous avez la parole, Monsieur Pagani. Je vous prie toutefois de présenter brièvement votre amendement, car vous nous l'avez déjà expliqué de manière détaillée tout à l'heure.
M. Rémy Pagani (AdG). Mon intervention sera effectivement brève, puisque nous avons déjà débattu de cette question tout à l'heure. Le débat s'étant fort mal terminé - personne n'étant entré en matière sur le projet de loi 8567 - je n'ai pu développer mon amendement. Je le fais donc maintenant. (Protestations et brouhaha. Le président agite la cloche.)
Je tiens à répéter que le débat sur la police de proximité n'est pas terminé pour nous. Il ne le sera pas tant que l'on n'aura pas inscrit dans la loi l'ouverture de postes de police dans nos secteurs respectifs. Je pense non seulement à l'ouverture de postes de police, mais à l'ouverture de ces postes vingt-quatre heures sur vingt-quatre, de manière à permettre à chaque concitoyen non seulement d'obtenir une réponse par téléphone - si tant est que cela soit possible - mais d'entretenir un contact humain - voire chaleureux... - avec un policier. Or cette exigence n'est pas assurée par ce projet de loi ! (Brouhaha.)C'est pourquoi nous vous soumettons cet amendement et espérons que vous lui réserverez un bon accueil.
Le président. Merci, Monsieur le député. Votre intervention a effectivement été brève, et je vous en remercie. La parole est à M. Mark Muller...
Des voix. Muller !
Le président. ... qui est tellement éloigné de sa place que j'en conclus qu'il renonce à prendre la parole...
Nous votons donc immédiatement sur l'amendement proposé par M. Pagani. Comme l'article 8 comprend trois alinéas, je vous propose de procéder alinéa par alinéa. Nous commencerons par l'article 8, alinéa 1... (Le président est interpellé.)Non, car l'issue du vote pourrait être différente selon les alinéas ! L'amendement de M. Pagani pourrait notamment être refusé aux alinéas 1 et 2, mais accepté à l'alinéa 3. Je suis donc obligé de faire voter chaque alinéa séparément.
Nous commençons par voter sur l'amendement présenté par M. Pagani à l'article 8, alinéa 1. La teneur de cet amendement est la suivante: «Le nombre de postes de gendarmerie est fixé à 14 au moins pour l'ensemble du canton, 6 d'entre eux, dont celui de la gare Cornavin, sont situés en Ville de Genève, 3 sur la rive gauche, 3 sur la rive droite du lac et du Rhône. Les 8 autres postes, dont celui de l'aéroport de Cointrin, sont répartis à concurrence de 3 postes sur une rive du lac et du Rhône et 4 sur l'autre rive; 3 postes devront être situés dans les secteurs de Collonge-Bellerive, Versoix et de la Champagne». Nous procéderons par vote électronique.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 16 oui et 5 abstentions.
Le président. Nous votons maintenant sur l'amendement présenté par M. Pagani à l'article 8, alinéa 2. La teneur de cet amendement est la suivante: «Le Conseil d'Etat fixe la localisation des postes de police en veillant à ce qu'ils soient dotés d'effectifs tenant compte du nombre d'habitants dans le secteur qui leur est attribué».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 56 non contre 11 oui et 12 abstentions.
Le président. Nous votons, en dernier lieu, sur l'amendement présenté par M. Pagani à l'article 8, alinéa 3. La teneur de cet amendement est la suivante: «Au moins un poste sur chaque rive est ouvert au public 24 heures sur 24».
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 74 oui contre 9 non et 1 abstention.
Mis aux voix, l'article 8 ainsi amendé est adopté, de même que les articles 13, 14, 25A et 26.
Le président. Vous voyez qu'il était utile de scinder le vote sur l'amendement en trois.
Nous sommes saisis à l'article 26A, alinéa 4, d'un amendement présenté par Mme Loly Bolay et M. Sami Kanaan. J'imagine que M. Kanaan va nous expliquer de quoi il retourne.
M. Sami Kanaan (S). Mon intervention sera très brève. Nous reprenons ici un amendement que nous avions présenté en commission, mais qui n'a malheureusement pas été accepté. Pourtant...
M. Christian Luscher. Il figure dans le rapport !
M. Sami Kanaan. Le texte de l'amendement n'y figure pas, mais il y est mentionné. C'est déjà pas mal... Vous avez fait un effort, Monsieur le rapporteur...
Personne ici ne conteste que l'amélioration et le développement de la formation - qu'elle soit de base ou continue - constitue l'un des enjeux fondamentaux auxquels se trouve confrontée l'institution policière. Ce point a été évoqué à plusieurs reprises en commission tant par la hiérarchie de police que par le Conseil d'Etat et les syndicats. Il convient de reconnaître que les méthodes de formation et leur contenu ne sont pas adaptés aux enjeux modernes auxquels doit faire face une société aussi complexe que Genève. A cet égard, il faut saluer la nouveauté que constitue l'introduction d'un brevet fédéral de policier. Le groupe socialiste tenait à insister sur ce point, et cela tant pour des raisons de principe que pour des motifs liés à la mise en oeuvre concrète de cette nouvelle disposition. Nous tenions notamment à insister sur les particularités genevoises, dont il faut tenir compte dans le cadre de la formation des policiers. On nous a répondu qu'il s'agissait là d'une évidence et qu'il n'était, par conséquent, pas nécessaire de le préciser dans la loi.
Cependant, dans le domaine de la police comme dans d'autres domaines, il vaut parfois mieux ancrer légalement certaines évidences. Cette prudence permet d'éviter ultérieurement malentendus et frustrations. C'est pourquoi nous proposons d'ajouter aux alinéas 1, 2 et 3 de l'article 26A - alinéas qui nous conviennent par ailleurs fort bien - un alinéa 4 dont la teneur est la suivante: «Les formations sont adaptées à l'accomplissement des diverses missions de la police et tiennent compte de leur évolution et du contexte social genevois. Le département veille tout particulièrement à ce que les formations intègrent une sensibilisation aux droits humains lors de l'exercice de la fonction et à la diversité culturelle de la population». Cet alinéa est évidemment valable tant pour la formation de base que pour la formation continue.
Précisons qu'il ne s'agit pas de «donner des leçons» dans le mauvais sens du terme. Nous souhaitons simplement que les policiers soient le mieux possible préparés à une diversité culturelle dont la gestion au quotidien n'est pas toujours facile, qu'il s'agisse de la population résidente ou de passage. Dans l'intérêt du travail quotidien des policiers, je vous encourage vivement à accepter cet amendement !
M. Christian Luscher (L), rapporteur. A la réflexion, je pense qu'il s'agit d'un bon amendement, qui bénéficiera non seulement aux policiers déjà nommés mais également aux futures recrues qui devront désormais passer le brevet fédéral de policier. C'est la raison pour laquelle nous pouvons sans aucune hésitation abonder dans le sens de l'amendement présenté par Mme Bolay et par M. Kanaan !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous allons procéder au vote de cet amendement. Je rappelle que ce dernier consiste à ajouter, à l'article 26A, un nouvel alinéa 4 dont la teneur est la suivante: «Les formations sont adaptées à l'accomplissement des diverses missions de la police et tiennent compte de leur évolution et du contexte social genevois. Le département veille tout particulièrement à ce que les formations intègrent une sensibilisation aux droits humains lors de l'exercice de la fonction et à la diversité culturelle de la population». Nous procéderons par vote électronique.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 50 oui contre 27 non et 2 absentions.
Mis aux voix, l'article 26A ainsi amendé est adopté, de même que les articles 27, 28 et 30.
Le président. Nous sommes saisis à l'article 30A, alinéa 3, d'un amendement présenté par M. le député Antonio Hodgers. Monsieur le député, je vous vois debout, mais vous ne vous êtes pas inscrit pour prendre la parole ! J'imagine que vous souhaitez... (M. Hodgers s'inscrit.)Voilà, c'est plus facile ainsi ! Vous avez la parole, Monsieur Hodgers !
M. Antonio Hodgers (Ve). Comme vous avez pu le constater, cet amendement concerne les heures supplémentaires de la police. Vous savez que ces heures sont aujourd'hui extrêmement nombreuses et que, si elles étaient traduites en francs, elles coûteraient fort cher à notre République. Mon propos ne consiste évidemment pas à dire que les policiers ne méritent pas ce qui leur est dû pour les heures supplémentaires effectuées, mais, dans une optique de bonne gestion - de bonne gestion financière notamment, sujet qui préoccupe beaucoup notre République - il me semble pertinent que seules soient payées les heures effectuées lors de services exceptionnels. Je pense évidemment aux grandes manifestations telles que le G8. En revanche, s'agissant du service courant, je suggère que la hiérarchie s'organise de manière à respecter le nombre d'heures prévues dans le budget. Cette mesure permet d'éviter que les cadres ne se reposent sur l'oreiller de paresse que constitue un dispositif transformant les heures supplémentaires effectuées dans le cadre du service courant en espèces et qu'ils raisonnent de la sorte: «De toute façon, ce n'est pas grave que les gendarmes effectuent des heures supplémentaires, car ils seront payés». En fin de compte, c'est l'Etat qui paie la douloureuse ! Je constate d'ailleurs que Mme Brunschwig Graf me regarde d'un air triste...
C'est pourquoi nous vous proposons de supprimer l'expression: «dans le cadre du service courant» à l'article 30A, alinéa 3. Ainsi, les heures supplémentaires effectuées dans le cadre du service courant seraient transformées en temps de repos pour nos gendarmes.
M. Christian Luscher (L), rapporteur. Je suis étonné du procès d'intention que M. Hodgers fait à la police après le message d'amour qu'il a déclamé tout à l'heure... J'ai de la peine à comprendre que vous puissiez soupçonner les gendarmes ou les cadres de la gendarmerie de vouloir, à dessein, faire tourner la planche à heures supplémentaires ! (Protestations.)Les policiers sont - comme les autres fonctionnaires, d'ailleurs ! - soucieux d'effectuer leur mission de façon honnête et loyale. Il faut également savoir que les heures supplémentaires effectuées dans le cadre du service courant sont nettement supérieures à celles réalisées à lors de services exceptionnels. Il s'agit même de l'écrasante majorité des heures supplémentaires !
Cet amendement reviendrait donc à couper presque totalement la possibilité de se voir rétribuer les heures supplémentaires effectuées. Je vois mal ce que cela change en termes d'intensité qu'un policier effectue une heure supplémentaire dans le cadre du service courant ou à l'occasion de services exceptionnels ! Que ce soit dans un cas ou dans l'autre, un policier qui effectue des heures supplémentaires est de toute façon absent de chez lui et accomplit le même travail ! J'ai de la peine à comprendre le distinguo que vous tentez d'insérer dans la loi. C'est la raison pour laquelle je suggère à ce parlement de refuser cet amendement !
Présidence de Mme Janine Hagmann, deuxième vice-présidente
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à M. le député Rémy Pagani.
M. Rémy Pagani (AdG). Je m'étonne que l'on revienne sur cette question technique, car nous en avons déjà débattu en commission judiciaire. Cependant, pour que chacun et chacune puisse comprendre les enjeux de cette question technique, il est visiblement nécessaire de fournir certaines explications. Nous nous sommes rendu compte, lorsque les policiers étaient rappelés pour effectuer des heures supplémentaires, que la première de ces heures supplémentaires était doublée, voire triplée; ensuite, plus le nombre d'heures supplémentaires était important, plus leur rétribution était majorée à la baisse. J'ai vu beaucoup de choses dans ma vie de syndicaliste, mais je dois dire que, là, j'ai été pour le moins surpris !
Une voix. On «majorait» à la baisse ?!
M. Rémy Pagani. Oui, on «majorait» à la baisse ! Par conséquent, au lieu d'être quintuplée ou sextuplée, la rétribution des policiers n'augmente pas proportionnellement au nombre d'heures supplémentaires effectuées ! Et, puisque cela coûte cher de rappeler un policier pour une heure supplémentaire uniquement, on le rappelle pour quatre, cinq ou six heures afin que la majoration devienne à peu près raisonnable ! Ce système est complètement absurde, puisqu'il fait effectuer aux policiers des heures supplémentaires pour «majorer à la baisse» - si j'ose dire - le système ! Et ce système - que je n'ai rencontré nulle part ailleurs - permet de maintenir à leur poste des policiers déjà surchargés durant leur pratique professionnelle usuelle, soit durant leurs quarante heures.
Alors, par le biais de l'amendement présenté par M. Hodgers, on nous propose de mettre un emplâtre sur une jambe de bois... La commission a décidé de refuser cet amendement, mais d'envoyer le signal suivant au Conseil d'Etat: «Il faut changer le système existant, car le système qui est juste et qui se trouve en vigueur dans les entreprises consiste à majorer de manière importante les heures supplémentaires, et ce précisément afin de les éviter». Je suis d'accord avec la commission sur ce point.
Et l'amendement de M. Hodgers propose que non seulement les policiers soient obligés de travailler, mais qu'ils ne soient pas rémunérés pour les heures supplémentaires effectuées, puisqu'ils devront récupérer ces heures en temps de repos. Et non seulement ce procédé va coûter encore plus cher, mais aussi engorger le système actuel. Je vous rappelle que, selon le système actuel, les policiers travaillent quarante heures par semaine et qu'ils sont systématiquement rappelés - notamment le vendredi et le samedi. Je suis désolé pour ceux qui ont présenté cet amendement, mais l'on devrait, à mon sens, maintenir le système actuel et envoyer un signal fort au Conseil d'Etat l'invitant à casser la logique qui veut que l'on rappelle des policiers non pas pour une heure - ce qui n'a rien d'incorrect, car on peut effectivement avoir besoin d'eux pour une heure - mais pour quatre heures, la première heure coûtant tellement cher qu'on rappelle les policiers plus longtemps, de manière à rendre les heures supplémentaires à peu près acceptables.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
Le président. Merci, Monsieur le député. Je fais parfois preuve de naïveté, puisque j'avais l'illusion que nous parviendrions à clore nos travaux concernant la loi sur la police entre 19h30 et 20h, de manière à pouvoir lever la séance. Quatre orateurs sont encore inscrits... Je vous propose de poursuivre le débat jusqu'à 19 h 30. Si j'estime, à 19h30, que l'on ne parviendra pas à conclure ce débat, je lèverai la séance et nous reprendrons à 20h30 ou un peu plus tard. La parole est à M. le député Jean-Michel Gros.
M. Jean-Michel Gros (L). Rassurez-vous, Monsieur le président, je serai bref, de manière à vous permettre de tenir vos délais.
Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral vous demande de rejeter cet amendement. Outre les explications très techniques rappelées par M. Pagani - explications qu'il maîtrise probablement mieux que moi car, lorsqu'on préside une commission, on ne peut pas tout écouter - votre amendement pose d'autres problèmes, Monsieur Hodgers. En premier lieu, il est extrêmement difficile de différencier ce qui relève du service courant de ce qui relève du service exceptionnel, surtout lorsqu'il s'agit de réquisitions. Il n'est pas toujours facile de déterminer si l'on réquisitionne un policier pour un service courant ou pour un service exceptionnel.
Les effectifs sont par ailleurs insuffisants pour permettre de compenser systématiquement les heures supplémentaires en temps de repos plutôt qu'en espèces.
Il me semble, Monsieur Hodgers, que le libellé actuel de l'article devrait vous suffire. Ce libellé offre des précautions suffisantes, puisqu'il stipule que ce n'est qu'à titre exceptionnel et sur demande du fonctionnaire de police - et non «des» fonctionnaires de police ! - que le Conseil d'Etat peut décider de rétribuer en espèces les heures supplémentaires.
Les garanties offertes par cet article étant à mon sens suffisantes, je demande à ce parlement de refuser cet amendement !
Mme Loly Bolay (S). Mon intervention sera également très brève, car j'ai envie de rentrer chez moi... Je tiens simplement à faire savoir que le groupe socialiste soutiendra cet amendement, car il avait lui-même déposé un amendement analogue en commission.
Je précise que Berne prend en charge une partie du paiement des heures supplémentaires effectuées lors de services exceptionnels dans le cadre de la Genève internationale. Cet amendement permettra d'offrir une vision beaucoup plus claire des heures qui seront effectuées dans le cadre de la Genève internationale et qui seront remboursées par la Confédération.
Le président. Madame la députée, votre intervention a effectivement été brève, et je vous en remercie. Je donne la parole à M. le député Antonio Hodgers.
M. Antonio Hodgers (Ve). Mon intervention sera brève également. J'ai le sentiment que M. Pagani se trompe quant à la portée de cet amendement. Par souci de gain de temps, je ne suis pas revenu sur tous les éléments qu'il a évoqués. Je reconnais toutefois que le ratio des heures supplémentaires converti en temps libre ou en espèces - le ratio s'appliquant dans les deux cas - est aujourd'hui problématique. Et Mme Spoerri s'est, à cet égard, engagée à revenir avec une proposition qui, d'après ce que j'ai compris, aura force de règlement du Conseil d'Etat - et non de note de service du chef de la police.
Je vous rejoins donc entièrement sur ce point, Monsieur Pagani : le système actuel de majoration des heures supplémentaires est inadéquat. Cependant, une fois que l'on s'est accordé sur ce ratio - qui doit être progressif, comme vous l'avez souligné - il faut déterminer si l'heure supplémentaire effectuée sera rétribuée en espèces - par exemple une rétribution financière supplémentaire de 25% - ou en congé - par exemple une rétribution en temps de repos de 1h15...
Quant à l'intervention de M. Gros... Je suis désolé, Monsieur Gros, mais ce n'est pas moi qui ai inventé la distinction entre service courant et service exceptionnel: c'est l'article qui est rédigé ainsi ! (L'orateur est interpellé.)Oui, mais, s'il n'y a pas de distinction possible, autant préciser que les heures supplémentaires peuvent être rétribuées en espèces ! Ce n'est pas moi qui ai inventé cette notion; il n'empêche qu'elle existe. Dès lors, même si la police souffre d'un sous-effectif, il est normal que la hiérarchie adapte sa gestion en matière de service courant pour se conformer au budget de l'Etat. Voilà ce que l'on vous propose !
Vous voulez instaurer une disposition qui permette à la hiérarchie de la police de faire exploser chaque année le budget à sa disposition: libre à vous de prendre cette responsabilité ! Outre cet aspect budgétaire, il est une deuxième raison pour laquelle vous devriez accepter cet amendement: il est plus intéressant d'avoir à disposition des policiers ayant bénéficié d'un réel temps de repos que des policiers travaillant constamment entre cinquante et cinquante-cinq heures par semaine. Même s'ils sont très bien payés, nous ne pouvons obtenir une bonne prestation de nos gendarmes dans de telles conditions !
Je répète en guise de conclusion que mon amendement est tout à fait raisonnable et qu'il ne remet en rien en cause les explications de M. Pagani.
M. Gilbert Catelain (UDC). La problématique des heures supplémentaires est relativement compliquée. Le manque de transparence se situe, pour le citoyen, dans la manière dont sont calculées ces heures supplémentaires. Le fait que 400 000 heures supplémentaires aient été comptabilisées ne signifie pas grand chose, car il peut n'y en avoir que 100 000 d'effectives. Le danger de la rémunération - système auquel j'étais favorable au départ - c'est que l'on ne sait pas ce que l'on paie: paie-t-on les 400 000 heures comptabilisées ou les 100 000 heures qui ont été effectuées ?! Il y a donc, à mon avis, un surcoût possible.
Je partage l'argumentation de M. Hodgers, selon lequel le problème majeur de la police genevoise réside dans la récupération. On a affaire à des policiers qui, selon le tournus, travaillent parfois plus de douze heures - je vous rappelle que le tournus de nuit représente douze heures de travail: le policier est en congé; on le rappelle. J'ai exposé les risques que représentent la conduite de véhicules et le port d'armes à feu tant pour la sécurité du policier que pour la sécurité d'autrui. Il devrait être interdit de rappeler un collaborateur ayant déjà travaillé durant douze heures pour des heures supplémentaires ! C'est pourquoi il me semble fondé de rétribuer en temps de repos les heures supplémentaires effectuées dans le cadre du service courant. Je vous rappelle par ailleurs que, depuis le 1er janvier, le département a accordé aux gendarmes effectuant des heures de nuit la possibilité de récupérer quatre heures par semaine. Cela signifie que, pour le même salaire, un gendarme effectue trente-six heures de service par semaine, et non plus quarante. Il bénéficie donc d'une augmentation effective de traitement de 10 %. Et si l'on se trouvait face à un problème d'heures supplémentaires aussi important, je me demande s'il fallait accorder une compensation de nuit sans disposer des effectifs nécessaires... On aurait pu faire en sorte de disposer de ces derniers avant de proposer une telle compensation.
En fin de compte, je vois mal quel argument pourrait justifier le paiement des heures de nuit effectuées dans le cadre du service courant, puisque l'on a trouvé un moyen de faire récupérer ces heures aux gendarmes ! Sur le principe, l'amendement de M. Hodgers me semble donc relativement fondé. J'étais partagé jusqu'à présent, mais le groupe UDC votera cet amendement. Ce qui me paraît le plus important, c'est de régler la manière dont sont calculées les heures supplémentaires. Je trouve choquant que l'on soit soumis à un traitement différent selon que l'on soit un policier ou que l'on soit un fonctionnaire soumis à la loi B 5 05. Et l'on pourrait se demander s'il ne conviendrait pas, à l'avenir, de réglementer dans la loi la compensation des heures supplémentaires, comme c'est le cas dans le Code des obligations. Je ne vois pas pourquoi on offrirait une compensation de 200, 300 ou 400 % alors que l'on devrait en proposer une de 125 % !
Le président. Merci, Monsieur le député. Sont encore inscrits M. Pierre Kunz et, comme il se doit, Mme la conseillère d'Etat Micheline Spoerri. Je propose que l'on procède ensuite au vote.
M. Pierre Kunz (R). Je souhaite simplement attirer votre attention sur la chose suivante. Ma très longue expérience professionnelle m'a montré que, chaque fois que l'on paie des heures supplémentaires, leur nombre augmente. En revanche, lorsqu'on exige des collaborateurs qu'ils récupèrent ces heures supplémentaires, chacun - à commencer par les chefs - s'arrange pour en faire faire le moins possible. Je me rallie donc à la position de MM. Hodgers et Catelain.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Mon intervention sera brève: pour pouvoir compenser des heures supplémentaires, il faut disposer de suffisamment d'effectifs. Or, nous ne disposons pas de suffisamment d'effectifs ! C'est la raison pour laquelle les policiers accumulent des heures supplémentaires. Je souhaite simplement souligner que, comme l'a relevé M. le rapporteur, la majorité des heures supplémentaires sont effectuées dans le cadre du service courant, et non à l'occasion d'événements exceptionnels. Si un correctif doit être apporté - je le conçois, Monsieur Hodgers, comme ceux qui se sont exprimés à ce sujet - il doit l'être au niveau de la réorganisation des horaires, d'une part, et du calcul des heures supplémentaires, d'autre part - lesquelles sont actuellement fixées par un ordre de service.
J'anticipe sur les travaux en cours pour vous annoncer que le projet de loi que nous étudions actuellement prévoit en son article 45 que le barème des heures supplémentaires soit déterminé par règlement du Conseil d'Etat. Voilà la proposition que je vous soumettrai. C'est la raison pour laquelle je vous encourage à rejeter l'amendement de M. Hodgers. Ce dernier soulève un problème réel qui mérite une vraie réponse.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons voter sur l'amendement présenté par M. le député Hodgers. Je vous rappelle que cet amendement consiste à modifier comme suit l'article 30A, alinéa 3: «A titre exceptionnel et à la demande du fonctionnaire de police, les heures supplémentaires effectuées à l'occasion de services exceptionnels peuvent être rétribuées en espèces sur décision du chef de département». Nous procéderons par vote électronique. Monsieur le député Jeannerat, vous souhaitez intervenir sur la procédure de vote ?
M. Jacques Jeannerat (R). Oui, Monsieur le président, je demande l'appel nominal. (Appuyé.)
Le président. Nous allons donc procéder à l'appel nominal. Celles et ceux qui acceptent cet amendement répondront oui, celles et ceux qui le refusent répondront non.
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est adopté par 40 oui contre 34 non et 3 abstentions.
Mis aux voix, l'article 30A ainsi amendé est adopté.
Le président. Nous passons à l'examen de l'article 31, alinéa 2. Nous sommes saisis d'un amendement présenté par Mme et M. les députés Véronique Pürro et Antonio Hodgers. M. Hodgers va brièvement développer cet amendement.
M. Antonio Hodgers (Ve). Mon intervention sera très brève, Monsieur le président ! Mme Pürro et moi-même vous proposons de supprimer la fin de la phrase figurant à l'article 31, alinéa 2, afin de permettre à des personnes travaillant à temps partiel d'occuper des postes à responsabilité. Il convient de souligner que la loi ne fait que fixer un cadre général. C'est ensuite à la hiérarchie qu'il appartient de décider, en fonction des candidatures et des disponibilités, de nommer ou non des gens engagés à temps partiel à des postes à responsabilité. Il nous paraît toutefois important d'inciter la hiérarchie à aller dans cette direction, notamment eu égard aux déclarations de Mme Spoerri concernant le recrutement des femmes dans la police - puisque l'on sait que les femmes travaillent plus souvent à temps partiel que les hommes. Il est important de rendre la profession attractive aux yeux des femmes gendarmes en leur permettant d'assumer des postes à responsabilité tout en travaillant à temps partiel. Voilà l'ouverture que nous demandons par le biais de cet amendement, qui fait écho à la volonté de Mme Spoerri de favoriser la présence féminine au sein de la police genevoise.
M. Christian Luscher (L), rapporteur. Ce sujet a été abordé en commission. Or, il est ressorti de la discussion que la hiérarchie estimait qu'il était tout simplement impossible de nommer des personnes travaillant à 50 % à des postes à responsabilité. Puisque ni moi ni M. Hodgers ne travaillons dans la police, nous sommes obligés de nous en remettre à ceux qui connaissent le travail de terrain, car eux seuls sont capables de nous dire si tel ou tel grade, telle ou telle mission, telle ou telle fonction sont compatibles avec un horaire à 50 %. M. Rechsteiner, dont tout le monde se plaît à dire qu'il est un bon chef et qu'il connaît son métier, nous a indiqué que cela n'était pas possible; par ailleurs, la police elle-même ne veut pas d'une telle disposition. Je considère donc, dans le cas particulier, que l'amendement de M. Hodgers doit être rejeté !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous allons voter sur l'amendement proposé par Mme Pürro et M. Hodgers. Cet amendement consiste à modifier comme suit l'article 31, alinéa 2: «Ils doivent accomplir 50 % au moins de l'horaire de travail en vigueur dans l'administration cantonale». Celles et ceux qui acceptent cet amendement répondront oui; celles et ceux qui le refusent répondront non.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 43 non contre 31 oui et 3 abstentions.
Mis aux voix, l'article 31 est adopté, de même que les articles 36, 37, 39, 40, 43bis, 43ter, 43quater et 43quinquies.
Le président. Nous sommes saisis de deux amendements à l'article 44, l'un présenté par M. Catelain, l'autre par M. Pagani. Monsieur le député Pagani, vous avez la parole !
M. Rémy Pagani (AdG). Contrairement aux deux amendements précédents, celui-ci a abondamment été discuté en commission, puisqu'il s'agit de l'un des noeuds du projet de loi 8887. Je n'ai pas l'habitude de prendre pour exemple... (Sonnerie d'un téléphone portable.)
Une voix. Eteins ton natel !
M. Rémy Pagani. Ce n'est pas moi ! Je n'ai pas l'habitude de prendre pour exemple les propos de mes collègues, mais l'ultime intervention de M. Catelain lors du débat d'entrée en matière sur ce projet de loi m'a donné froid dans le dos. M. Catelain a déclaré que l'Etat ne disposait d'aucun budget - le Conseil d'Etat l'a également rappelé - et qu'il s'apprêtait à mettre en place un «corset» pour comprimer ses dépenses. Nous allons voter une augmentation de salaire, une augmentation budgétaire, une augmentation de postes, et Mme Brunschwig Graf viendra nous dire demain: «Il n'y a pas d'argent, il faut couper dans les finances de l'Etat»...
Or je rappelle que la loi B 5 05 encense la formule: «Une fonction, une classe». Cela signifie qu'un enseignant ne peut passer d'une classe à une autre: il entre dans la profession en classe 19 ou 21 et il en ressort à l'âge de 62 ans - ou à 57 ans s'il prend une retraite anticipée - en étant toujours dans la même classe...
Des voix. A 55 ans !
M. Rémy Pagani. A 55 ans, même ! Jusqu'à présent, la police dérogeait à cette notion, puisque la loi sur la police stipulait qu'un policier commence en classe 12 et qu'il passe d'une classe à une autre en fonction de l'obtention de ses grades. C'est là un choix politique qu'avaient fait nos prédécesseurs parlementaires. Vous savez que le système des classes en vigueur à l'Etat fait l'objet d'une évaluation objective: des critères scientifiques tels que la responsabilité ou la formation offrent une base solide pour définir chaque classe et chaque fonction. Or M. Catelain tient aujourd'hui le discours suivant: «Selon le Service d'évaluation des fonctions, le grade de brigadier correspond objectivement à la classe X» - je précise que nous avons pris connaissance de ces études en commission. Mais M. Catelain - ou le Conseil d'Etat, puisqu'on va lui attribuer cette responsabilité - remettra peut-être un jour en cause la progression des policiers d'une classe à une autre sous prétexte que le canton connaît des problèmes budgétaires... A ce moment, on pourra annoncer à un brigadier se trouvant en classe 18: «Mais qu'est-ce que c'est que ces histoires ?! On vous remet en classe 13 !». Il suffira que le Conseil d'Etat change son règlement et... (L'orateur est interpellé.)Non, sur la base d'une évaluation, vous avez fait passer les assistants sociaux de la classe 14 à la classe 15, mais vous pourrez décider de cela demain !
On rompt là un pacte social avec la police - pacte qui garantissait aux nouveaux policiers qu'ils se trouveraient en classe 18 trente ans après leur entrée en fonction. Pour notre part, nous refusons cette rupture de pacte, car le transfert du mandat de la loi au Conseil d'Etat nous paraît introduire une insécurité beaucoup plus fondamentale que le système de promotion systématique: elle soumet le corps de police aux aléas politiques ! Cela est d'autant plus inacceptable que, comme mon collègue Grobet me le souffle à l'instant, la police tenait à l'inscription dans la loi de la progression de la carrière. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Une pétition signée par un nombre important de policiers réclame d'ailleurs la réintroduction de cet élément dans la loi.
J'avancerai un dernier argument. Il est évident que certains fonctionnaires feront le raisonnement suivant: «Mais comment?! Je reste dans ma classe de fonction ad vitam aeternamalors que certains de mes collègues de travail, également fonctionnaires, progressent d'une classe à une autre ?!». Un jour, un fonctionnaire qui, pour Dieu sait quelle raison, se sentirait inéquitablement traité pourrait fort bien décider de contester cette décision... Et comme le système d'avancement ne serait plus inscrit dans la loi, on tomberait sur une insécurité juridique qui pourrait, le cas échéant, voir cette inégalité de traitement cassée par un tribunal. On nous réclamerait alors la réintroduction dans la loi du système que la majorité veut aujourd'hui supprimer.
Je vous propose donc de réintroduire cette mesure dans la loi, et ce tant pour une question de sécurité juridique que pour une question de logique. Je vous rappelle que, si nous dérogeons à la loi B 5 05, c'est à juste titre puisque nos prédécesseurs ont admis la nécessité d'introduire un traitement spécifique pour cette catégorie professionnelle.
M. Gilbert Catelain (UDC). J'ai bien compris l'argumentation de mon collègue Pagani, qui vise à réintroduire l'amendement des syndicats de la police dans son intégralité. Cet amendement allant plus loin que le projet initial du Conseil d'Etat, on se trouve déjà hors du contrat passé entre les syndicats et le département. La commission a décidé de confier la responsabilité des traitements de la police au Conseil d'Etat. Je répète que je ne vois pas pourquoi les classes de traitement de la police devraient figurer dans la loi sur la police alors que les classes de traitement du reste de la fonction publique ne figurent pas dans la loi B 5 05 ! Peut-être s'agit-il à vos yeux d'un argument pour faire figurer les traitements de l'ensemble des fonctionnaires dans la loi B 5 05...
Cela dit, le but de mon intervention ne consiste nullement à remettre en cause l'intégralité du projet de loi 8887. Je souhaite simplement revenir sur l'amendement proposé par M. Grobet en commission. La justification qui figure sur ma demande d'amendement me paraît relativement explicite. Elle est surtout cohérente par rapport au projet de loi de l'Entente sur la fonction publique - projet qui vise à remettre en cause le principe de l'automaticité fondant la rémunération d'un collaborateur uniquement sur l'expérience due à son ancienneté. D'un point de vue libéral, il est pour le moins choquant que l'on bénéficie d'un salaire de quelque 123 000 francs ou davantage - indemnités comprises - uniquement sur la base du déroulement du temps, sans critère particulier de formation ou de compétences par rapport à une fonction donnée. Il est choquant de proposer qu'un collaborateur ne remplissant aucune fonction de conduite bénéficie de la même rémunération qu'un collaborateur qui aurait postulé pour obtenir un poste de chef de groupe et qui aurait été choisi par la hiérarchie de la police pour assumer cette responsabilité. On connaît fort bien l'importance de la fonction de chef de groupe en matière de maintien de l'ordre en particulier et de tâches policières en général. Il s'agit d'une prise de responsabilité qui doit être rémunérée. Il doit par conséquent exister une différence de traitement entre un collaborateur de la police qui assume des responsabilités - et qui possède généralement davantage de compétences - et un collaborateur qui n'en assume pas.
Si l'on adopte l'amendement proposé par M. Pagani ou le texte figurant dans l'actuel projet de loi, le chef de la police risque de se trouver confronté à un problème de conduite relativement grave et de rencontrer beaucoup de peine à recruter ses cadres. On aboutit, selon moi, à une neutralisation de la conduite des policiers si l'on ne peut pas différencier les salaires versés en fonction des postes.
Pour ces motifs et par souci de cohérence par rapport au projet déposé par l'Entente - lequel est actuellement examiné par la commission ad hoc - il serait tout à fait opportun, Mesdames et Messieurs les députés, que vous souteniez ma proposition d'amendement !
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous poursuivons le débat sur ces deux amendements. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits MM. les députés Antonio Hodgers, Pierre Froidevaux, Sami Kanaan, Souhail Mouhanna et Pierre Kunz. Je donnerai également la parole à M. le rapporteur, s'il le souhaite, ainsi qu'à Mme la conseillère d'Etat Micheline Spoerri.
M. Antonio Hodgers (Ve). Les Verts soutiendront l'amendement déposé par M. Catelain. La proposition formulée par M. Grobet et adoptée par une majorité de la commission revient en effet à dire la chose suivante en termes de ressources humaines - et je m'adresse là tout particulièrement aux libéraux, qui nous donnent fréquemment des leçons à ce sujet.
Vous vous trouvez face à deux sous-brigadiers. L'un est compétent, expérimenté et motivé. Vous lui offrez un poste à responsabilité; il devient brigadier. L'autre n'est pas compétent, peu motivé et a peu d'expérience; il n'obtient pas ce poste, mais il touche le même salaire. La première personne, plus motivée, prend une responsabilité - avec les charges supplémentaires que cette responsabilité implique. La seconde, rien de tout cela... mais tous deux touchent le même salaire ! Je n'ai jamais vu une gestion pareille des ressources humaines ! L'amendement de M. Grobet, qui a eu pour mérite effectif de rassembler les diverses parties en faisant notamment plaisir aux syndicats de la police, va à l'encontre du principe que nous avons tenté de développer dans cette loi - soit l'introduction d'une plus grande flexibilité dans l'évolution de la carrière des policiers afin d'en favoriser l'attrait.
Je souhaite aborder un autre enjeu important: la proposition d'amendement de M. Grobet coûte évidemment cher. Or, comme Mme Spoerri l'a relevé, on manque non seulement d'effectifs, mais également d'argent. Les économies réalisées grâce à l'amendement de M. Catelain pourraient servir à accroître les effectifs. Cet amendement permettrait donc une utilisation plus rationnelle des fonds économisés.
Au-delà de cet amendement, les syndicats ont beaucoup insisté sur le fait qu'ils craignaient de renoncer à un système de promotion automatique en raison du copinage. Je tenais à le faire savoir à ce parlement, et plus particulièrement à Mme Spoerri - que je souhaite entendre sur cette question. Il semble qu'il y ait beaucoup de copinage - notamment politique - dans la police. Les Verts ne sont pas très infiltrés dans ce milieu, mais il semble que d'autres groupes le soient... (Rires. L'orateur est interpellé.)C'est vrai, ils ne sont pas encore très infiltrés, mais il semble que d'autres groupes le soient davantage ! La crainte formulée par les syndicats a été confirmée en commission par le chef de la police. Ce dernier a reconnu que le risque de copinage existait - ce qui est très grave. Cette crainte, confirmée par la hiérarchie, justifie la position des syndicats de la police qui ne veulent pas entendre parler d'une promotion au mérite. Il me semble donc important de vous entendre déclarer, Madame Spoerri, qu'avec cette loi - qui mettra en place un système de promotion en fonction des compétences et non seulement en fonction de l'ancienneté - vous vous engagez à établir une procédure de nomination transparente basée sur des critères objectifs et à présenter cette procédure aux syndicats de la police afin de les convaincre que les cadres ne seront pas nommés en fonction d'affinités politiques, mais bien de leurs compétences. Cette garantie de votre part me semble importante tant pour la cohérence que pour la crédibilité de ce projet de loi.
Présidence de Mme Janine Hagmann, deuxième vice-présidente
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Pierre Froidevaux.
M. Pierre Froidevaux (R). Je vous ferai part de la sensibilité du groupe radical à propos de l'amendement de M. Pagani. L'un de mes collègues s'exprimera dans un sens quelque peu différent concernant l'amendement de M. Catelain. Nous ne partagerons donc pas le même point de vue.
Je tiens simplement à signaler à ce Grand Conseil que l'amendement de M. Pagani consiste à réintroduire dans la loi ce que nous en avons sorti tout en ajoutant une à deux classes supplémentaires pour chacun des postes. En d'autres termes, comme il l'a déjà déclaré lors de la présentation de son amendement, M. Pagani augmente de millions le budget de la police, et cela sans couverture financière. Non seulement cet amendement est illégal, mais il dénature de surcroît la police ! (Brouhaha.)Rappelez-vous: lorsque nous avons commencé nos débats, la presse n'a fait que critiquer le salaire des policiers lorsqu'il a été réalisé que, si ces derniers se plaignaient d'un salaire relativement bas, ils bénéficiaient d'indemnités de diverses natures - et l'on a recensé quasiment une dizaine de sous-natures. Ce système est scandaleux tant il est peu clair ! Je vous rappelle là, chers collègues, le problème d'avoir inscrit dans la loi le salaire des policiers. Il ne s'agit pas d'adresser des reproches à l'un ou l'autre conseiller d'Etat, mais de rappeler que c'est le Conseil d'Etat dans son entier qui a pris les décisions en la matière et qui a tenté de louvoyer avec cette loi...
M. Christian Grobet. «Louvoyé» ?!
M. Pierre Froidevaux. Mais oui, Monsieur Grobet ! Le Conseil d'Etat ne parvenait pas à trouver une solution pour adapter la loi à l'évolution de la police ! Et il y a eu différentes modifications en matière de structures salariales. Vous trouverez à cet égard dans le rapport, à partir de la page 88, cinq ou six pages expliquant combien il est difficile d'établir un salaire adapté à l'évolution du temps. Si vous allez dans le sens préconisé par l'amendement de M. Pagani, vous maintenez un salaire insatisfaisant et inadapté au temps. Il n'est donc pas question d'entrer en matière sur cet amendement.
Si nous devions aller dans le sens préconisé par l'amendement de M. Catelain, je souhaiterais, en tant que membre de la commission judiciaire, rendre attentif ce Grand Conseil sur le point suivant: si le salaire de sous-brigadier constitue certes une base, nous avons pu constater qu'à l'heure actuelle chaque fonction à responsabilité bénéficiait encore d'une indemnité particulière. En d'autres termes, si nous assurons après dix-huit ans de service un niveau de salaire équivalent au grade de sous-brigadier, cela ne signifie pas que la personne qui endossera à l'avenir une responsabilité de sous-brigadier touchera le même salaire que le reste de la police ! C'est là un argument à faire valoir pour ne pas trop simplifier l'argument de M. Catelain.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Sami Kanaan.
M. Sami Kanaan (S). Je m'exprimerai sur les deux amendements qui nous sont soumis.
Mon intervention concernant l'amendement de notre collègue Pagani sera rapide, car les socialistes ont eux-mêmes compté parmi ceux qui, en commission, ont proposé d'extraire de la loi le détail des classes salariales relatives aux grades et fonctions. Pour faire semblant de faire plaisir à la police, M. Pagani tente en plénière de rétablir toutes ces clauses dans la loi, transformant cette dernière en une sorte de convention collective ou en un règlement salarial. Or, c'est précisément ce que nous avons critiqué durant tous les travaux de commission ! Ce n'est pas rendre service aux membres de la police que de réintroduire le détail des classes salariales dans la loi, car non seulement on cimente un système, mais on enlève de surcroît au Conseil d'Etat son rôle d'employeur et, le cas échéant, au Grand Conseil son rôle d'arbitre. Il faut donc clairement refuser l'amendement de M. Pagani. Un tel amendement est contre-productif, y compris pour la police elle-même !
Quant à l'amendement de M. Catelain, je vous avouerai très honnêtement que je suis fort ennuyé. Il est évidemment peu logique d'introduire dans la loi les clauses telles que formulées dans ce que l'on a appelé «l'amendement Grobet». Il s'agissait là d'une concession rétablissant une partie de la fameuse convention initiale entre le Conseil d'Etat et les syndicats de la police - convention que nous avions largement entamée. Il s'agissait, en quelque sorte, d'un lot de consolation pour ceux qui parviendraient à leur dix-huitième année de service sans être nommé brigadier. Cependant, même les syndicats ne se sont pas toujours montrés d'une très grande clarté à ce sujet. En commission, nous avons relevé à maintes reprises et de manière quasi unanime l'absurdité qu'il y avait à introduire des grades ne correspondant, de fait, pas nécessairement à des fonctions de responsabilité. Cependant, lorsque vous discutez de manière informelle avec les policiers ou de manière officielle avec les syndicats, ceux-ci vous déclarent que ces fameux grades sont fondamentaux pour préserver la motivation des policiers, pour que ces derniers aient le sentiment de progresser. Ils trouvent logique cette séparation entre un titre et une fonction de responsabilité réelle, quelle qu'elle soit.
D'après mes quelques rares souvenirs de service militaire - puisque j'ai le malheur d'en avoir fait - même l'armée n'a pas instauré ce genre d'absurdité: en général, lorsqu'on occupe un grade, on se trouve responsable d'une unité plus ou moins importante. Je suppose que cette absurdité disparaîtra un jour de la police genevoise. Cette dernière n'est cependant visiblement pas encore mûre pour cela car, compte tenu de la grave crise de conscience que traverse cette institution, les policiers se raccrochent à ce système des grades presque comme à une bouée de sauvetage; ils y trouvent une source de motivation pour assumer une fonction par ailleurs très difficile. C'est un peu dommage, car ces grades revêtent une fonction purement symbolique - mais les symboles ont leur importance. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)J'ai même entendu certains policiers déclarer que le salaire était moins important que le grade: le plus important, c'est que l'espoir d'atteindre un grade quelconque leur soit plus ou moins garanti.
Nous avons supprimé le principe de l'automaticité pour replacer le traitement des policiers dans un système cohérent de gestion des ressources humaines. Nous assumons entièrement cette décision, dont nous sommes convaincus du bien-fondé. On ne peut évidemment pas accepter d'entendre de la part du chef de la police, des syndicats et des policiers que le copinage est malheureusement roi et que le principe d'automaticité est par conséquent nécessaire... Il a pu être vrai et ça l'est peut-être encore - j'espère que non, mais c'est apparemment encore le cas - que le copinage influence les nominations dans la police, mais cela ne peut constituer le postulat de départ d'un système de gestion des ressources humaines !
Cela étant, il ne faut pas non plus prétendre que la clause proposée en commission par notre collègue Grobet est complètement absurde. La clause d'ancienneté constitue en effet l'une des nombreuses variantes du système en vigueur dans la fonction publique. Cette variante lie le salaire à l'ancienneté soit de manière continue - le système des annuités - soit, dans ce cas par exemple, par l'introduction d'un seuil. La clause d'ancienneté en tant que telle n'est donc pas forcément absurde, et son introduction ne me semble pas porter particulièrement à conséquence.
Il y a une quantité de raisons rationnelles pour suivre la proposition de M. Catelain de supprimer les alinéas 2, 3 et 4 de l'article 44. Compte tenu de la situation actuelle de la police, le poids symbolique de ces alinéas est néanmoins tellement important que je vous en recommande le maintien.
Nous réformerons très prochainement la loi sur la police - heureusement ou malheureusement, c'est une question de point de vue. A cette occasion, nous modifierons de multiples dispositions, et non uniquement celle-là. En effet, la suppression de ces trois alinéas n'efface en rien toutes les autres absurdités que j'ai évoquées - en particulier celle qui consiste à proposer un grade sans responsabilités.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Tout au long de notre journée de travail, j'ai entendu à différentes reprises, concernant divers objets, le terme de «respect». Ce mot est revenu dans la bouche de nombreux collègues. Puis, soudain, j'entends les interventions de MM. Catelain et M. Hodgers, qui témoignent d'un mépris total à l'encontre du personnel de la police !
M. Catelain a déclaré tout à l'heure qu'il était choquant de voir un policier atteindre, en fin de carrière, un salaire de 120 000 francs simplement sur la base de l'écoulement du temps. Je trouve de tels propos méprisants ! Parce que les policiers ne font pas qu'observer le déroulement du temps: ils travaillent pendant ce temps ! Ils assument des responsabilités ! Ils prennent des risques - et vous le savez ! Je trouve une telle remarque extrêmement méprisante à l'encontre de personnes qui donnent de leur temps et dont, vous le savez bien, la vie de famille souffre par ailleurs beaucoup. Vous connaissez de nombreuses personnes qui ont subi de monstrueux dégâts dans le cadre de leur vie familiale à cause de leurs activités au sein de la police ! Je trouve votre remarque inadmissible !
Quant à M. Hodgers, je trouve ses propos choquants. Il a posé la question suivante : «Comment se fait-il que l'on verse le même salaire à des gens incompétents qu'à des gens compétents ?» Mais, Monsieur Hodgers, qui a décidé que les gens qui n'ont pas postulé étaient incompétents ?! Pour ma part, cela fait trente-cinq ans que je travaille dans la fonction publique, et j'ai vu de nombreuses personnes endosser des postes à responsabilité alors qu'elles n'avaient pas les compétences nécessaires pour effectuer le travail qui était le leur ! (Brouhaha.)Cela ne signifie évidemment pas que les personnes qui postulent à des postes à responsabilité au sein de la police sont incompétentes ! En revanche, ce n'est pas parce qu'on est nommé par une certaine autorité et que l'on endosse un poste à responsabilité que l'on devient automatiquement compétent et que les autres ne le sont pas ! Je ne peux accepter des propos aussi méprisants !
S'agissant de l'amendement proposé par M. Pagani, lorsqu'on évoque la question de l'inscription dans la loi des salaires, il convient de se rappeler, Mesdames et Messieurs les députés, que la loi comporte un certain nombre d'articles relatifs aux traitements dans la fonction publique. Or, lorsque vous avez jugé majoritairement que la situation budgétaire ne permettait pas ceci ou cela, qu'avez-vous fait ?! Vous avez dérogé aux lois ! Vous avez voté d'autres lois ! Par exemple, nous l'avons vu avec la prime de fidélité, nous l'avons vu avec... (L'orateur est interpellé.)Si ! Dernièrement, vous avez voté, avec le budget 2004, des modifications concernant les lois sur le traitement du personnel ! S'il s'agit d'un problème de nature budgétaire, il est normal que le Grand Conseil conserve la prérogative de voter des dérogations. Je trouve en revanche aberrant qu'une personne qui s'engage dans la fonction publique en vienne à subir les variations boursières ! Comme vous le savez, il y a des gens qui suppriment des milliers d'emplois et qui touchent des bénéfices monstrueux grâce à ces suppressions ! Il y a des gens qui détruisent des entreprises et qui partent avec des millions, et vous ne protestez pas ! Lorsqu'une personne choisit le service public, il est normal que le contrat qui a été conclu figure dans la loi et qu'il soit respecté ! Oui: nous sommes favorables à ce que les traitements du secteur public - tous départements confondus - soient inscrits dans la loi de manière à ne pas être laissés au bon plaisir du Conseil d'Etat ! Il faut que les éléments relatifs aux salaires figurent dans la loi. C'est ce que nous demandons pour le reste de la fonction publique ! (Brouhaha. Plusieurs députés de l'Entente discutent au milieu de la salle.)Mes propos n'intéressent pas les députés ! Voilà ce qu'ils appellent le respect ! (Le président agite la cloche.)Regardez, Mesdames et Messieurs les députés, le respect tant vanté par la droite arrogante que nous connaissons ici ! (Protestations.)
Une voix. Bla-bla-bla !
M. Souhail Mouhanna. Du blablabla, bien sûr ! Votre blabla est toujours contradictoire ! Vous ne respectez rien, pas même ce que vous dites !
Je reprends le fil de mon intervention en vous présentant un exemple qui pourrait vous être utile. Depuis fort longtemps, il existe dans l'enseignement des postes dits «de doyen». Un doyen possède toujours le statut d'enseignant, mais il touche, en tant que doyen, une indemnité qui disparaît lorsqu'il quitte ce poste. Il peut revenir dans l'enseignement et un autre enseignant peut reprendre son poste. Il n'y a aucun inconvénient à ce qu'un enseignant accède au poste de doyen, puisqu'il peut le quitter par la suite et qu'un autre enseignant peut reprendre ce poste de doyen. Je rappelle par ailleurs que l'un des articles du projet de loi que nous examinons actuellement précise clairement qu'avant d'accéder à un grade et deux ans après y avoir accédé, les compétences de tout policier font l'objet d'une évaluation. Je comprends dès lors mal que l'on puisse accuser d'incompétence des individus qui auraient été évalués comme parfaitement compétents ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Voilà ce que j'avais à dire ! Certains veulent régler des comptes avec la police. Cette dernière n'en a pas besoin. Les bavures que l'on évoque ne représentent en rien le corps de police genevois - qui est une police citoyenne, républicaine et dévouée à sa tâche. Et j'aime à rappeler ces éléments.
Une voix. Bravo ! (Un applaudissement.)
Présidence de Mme Janine Hagmann, deuxième vice-présidente
La présidente. Merci, Monsieur Mouhanna. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie d'écouter les orateurs ! La parole est à M. Pierre Kunz.
M. Pierre Kunz (R). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, écoutez-moi !
Des voix. Bravo !
M. Pierre Kunz. Travaillons certes avec la police, mais restons honnêtes à l'égard des autres serviteurs de l'Etat et restons lucides en matière de principes fondamentaux de gestion des ressources humaines ! Refusons donc évidemment l'amendement de M. Pagani ! En revanche, acceptons l'amendement de M. Catelain qui, lui, se fonde autant sur l'équité que sur une bonne gestion des ressources humaines ! Toute autre attitude, Mesdames et Messieurs les députés, ne révélerait qu'incompétence de notre part. Or, vous le savez, rester au pouvoir lorsqu'on est incompétent, c'est être irresponsable. Voilà pourquoi, si l'amendement de M. Catelain devait être rejeté, je me verrais autorisé à réclamer le renvoi de ce projet de loi en commission.
M. Christian Grobet (AdG). Je déplore personnellement la tournure que ce débat est en train de prendre. Je rappelle que le Conseil d'Etat a saisi ce Grand Conseil d'un projet de loi qui visait à répondre à des demandes légitimes du personnel de la police. La commission judiciaire a été saisie de ce projet suite à l'accord conclu entre le Conseil d'Etat et les syndicats de la police. Certes, il faut reconnaître qu'il n'est pas toujours évident de devoir avaliser un accord conclu par le Conseil d'Etat. Il est toutefois paradoxal que les mêmes députés qui affirment la nécessité d'extraire le détail des classes salariales de la loi et de laisser au Conseil d'Etat la responsabilité de fixer ces classes soient en train de torpiller l'accord négocié par le Conseil d'Etat ! Je ne sais pas à quoi jouent certains députés dans cette enceinte !
Même si Mme Spoerri saurait le dire mieux que moi, je tiens à rappeler que l'accord conclu entre le Conseil d'Etat et les syndicats portait sur l'instauration d'un plan de carrière en quatre étapes. L'accord initial prévoyait une revalorisation de rémunération assortie d'une promotion hiérarchique tous les six ans. Les syndicats de la police ont sportivement accepté de renoncer à la quatrième promotion - laquelle permettait d'accéder au grade de maréchal. Tous les commissaires - ou, du moins, une large majorité - étaient prêts à admettre une revalorisation de rémunération après dix-huit ans de service - ce qui constitue un signe de fidélité remarquable de la part d'un agent de police. Il nous paraissait en revanche inacceptable que cette augmentation de traitement soit assortie d'une promotion au grade de brigadier. Comme je l'ai signalé tout à l'heure, cela aurait conduit, à un moment donné, à la présence de 270 brigadiers au sein de la police - ce qui nous paraissait excessif. Nous nous sommes finalement accordés sur l'octroi d'une revalorisation de rémunération, mais non d'une promotion hiérarchique. Je sais que le syndicat de la police a voté sur cette proposition lors d'une assemblée générale et qu'il l'a acceptée. Les policiers souhaitent certes que les traitements soient également inscrits dans la loi - et je comprends ce souhait car, lorsqu'on assiste au présent débat, on peut se demander si certains engagements ne seront pas remis en cause... Il est vrai que l'on ne peut pas toujours se souvenir de tout, mais j'aimerais rappeler à M. Gros que les syndicats de la police n'ont jamais adhéré à la proposition de supprimer les salaires tels qu'ils figurent actuellement dans la loi ! On les a consultés un 23 décembre en leur demandant de faire connaître leur réponse le 10 janvier suivant, et leur réponse a été celle-ci: «Nous n'avons pas pris position sur cette question». Ils n'ont pris position ni pour le maintien ni pour la suppression de cet article, parce que...
M. Jean-Michel Gros. Ils n'ont pas voté ?
M. Christian Grobet. Vous pouvez vérifier le procès-verbal, je sais de quoi je parle !
M. Christian Luscher. Il ne figure pas dans les annexes.
M. Christian Grobet. Les syndicats n'ont pas pris position, car ils n'ont pas eu le temps d'examiner cette question ! Et, un ou deux mois plus tard, les représentants des syndicats sont venus nous faire la déclaration suivante: «Nous avons à nouveau examiné cette proposition en assemblée. Nous sommes opposés à la suppression des traitements dans la loi, car nous craignons que la parole qui nous a été donnée ne soit pas respectée». J'ai le regret de vous dire que les syndicats ont eu raison d'avoir quelques craintes !
Je reviens à l'amendement de M. Catelain. J'ignore s'il s'agit d'une question de jalousie entre corps «uniformés»... (Protestations.) Mais je trouve cet amendement fort curieux. C'est un véritable coup de poignard dans le dos de ce projet de loi ! Car, si cet amendement est accepté, les agents de police auront de quoi être totalement désabusés et complètement démotivés ! C'est pourquoi je vous conjure, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser l'amendement de M. Catelain ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. le rapporteur de majorité.
M. Christian Luscher (L), rapporteur. Je ne suis précisément pas «rapporteur de majorité», Monsieur le président, mais «rapporteur» tout court, cela justement pour les motifs que M. Grobet vient d'exposer et auxquels je souscris intégralement ! En effet, s'il n'y a pas de rapport de minorité, c'est parce que nous avons trouvé en commission un accord - un équilibre précaire - qui a nécessité de la part des uns et des autres un certain nombre de contorsions intellectuelles, mais qui étaient indispensables. Elles l'étaient, car, comme je l'ai indiqué au début de mon intervention initiale, notre sens de l'Etat nous a amenés à réaliser que nous devions absolument présenter à ce parlement une loi sans rapport de minorité, une loi à laquelle tous puissent souscrire - excepté, certes, quelques abstentions.
Le projet du Conseil d'Etat proposait effectivement un plan de carrière beaucoup plus rigide que celui qui figure dans les amendements issus des travaux de la commission. Nous avons été confrontés à une très forte opposition de la part des syndicats - je tiens d'ailleurs à signaler que nous n'avons jamais eu de problème à ce que les syndicats interviennent auprès de la commission; en revanche, nous avons parfois trouvé la forme de certaines de leurs interventions choquantes - nous avons néanmoins, nous aussi, su faire le poing dans notre poche. Nous avons écouté les syndicats pour aboutir à un équilibre, qui était le suivant: si l'on veut rendre la carrière de policier attrayante, il faut que la personne qui entre dans la police puisse avoir des perspectives d'avenir avant la dix-huitième année. Ce système constitue une garantie que les bons éléments restent dans la police, puisqu'ils pourront, s'ils le méritent, progresser dès la douzième année. Les personnes ayant acquis une certaine expérience et qui, après dix-huit ans de service, peuvent en faire bénéficier tant la police que la population ont cependant, elles aussi, droit à une contrepartie salariale. Voilà ce que l'on a appelé «l'amendement Grobet»: il s'agit d'offrir un salaire identique à celui des brigadiers aux personnes qui, bien que n'étant pas nommées brigadiers à la dix-huitième année, restent dans la police au rang de sous-brigadier.
J'estime que la commission judiciaire a réussi à trouver là un équilibre. Je vous dirai franchement que je me sens personnellement lié à la parole donnée par la commission à la police. En effet, si nous pouvons voter ce projet de loi dans sa configuration actuelle, c'est parce qu'il n'y a pas eu de rapport de minorité. S'il y avait en un rapport de minorité, nous n'y serions jamais parvenus. Et, s'il n'y a pas eu de rapport de minorité, c'est parce qu'un accord a été passé, parce qu'une parole a été donnée de part et d'autre. Et je partage l'idée de M. Grobet, selon laquelle on ne peut pas jouer avec la police en remettant en cause une parole donnée. C'est la raison pour laquelle je vous demande de ne pas voter l'amendement de M. Catelain, qui me semble être dangereux - un coup de poignard - allant à l'encontre de la reconnaissance que nous devons à la police. L'amendement de M. Catelain consistant à annuler l'«amendement Grobet» qui a, sauf erreur, été admis à l'unanimité en commission judiciaire, j'estime que ce serait trahir les travaux de la commission que d'y revenir.
En revanche, il n'en va pas de même pour l'amendement Pagani. Je vous demanderai de refuser cet amendement car, si je lis bien le rapport - mais peut-être me contredirez-vous, Monsieur Pagani - les deux commissaires de l'Alliance de gauche avaient accepté l'idée de transférer la question des traitements au Conseil d'Etat. Je pars d'ailleurs du principe que, si vous n'aviez pas été d'accord avec cette proposition, vous auriez présenté un rapport de minorité. Or il ressort du rapport que vous l'avez acceptée. (Protestations.)Ce qui est particulièrement dangereux dans votre amendement, Monsieur Pagani, c'est que vous voulez non seulement revenir au projet de loi tel qu'il a été présenté par le Conseil d'Etat, mais vous augmentez également les classes de toutes les catégories de policiers, en partant du gendarme jusqu'au chef de brigade... Pour certains d'entre eux, vous les augmentez même de quatre classes ! Par rapport au projet initial du Conseil d'Etat, de la hiérarchie et, donc, des syndicats ! Cet amendement est donc totalement inacceptable ! Il est contraire à ce que le Conseil d'Etat proposait lui-même avant que nous ne décidions de transférer la question des traitements au Conseil d'Etat. J'invite donc ce parlement à refuser l'amendement de M. Pagani ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je constate que les esprits s'échauffent. Je rappelle...
M. Rémy Pagani. J'ai été mis en cause !
Le président. Restez calme, Monsieur Pagani ! Vous n'avez pas été mis en cause ! (Protestations de M. Pagani.)Non, vous n'avez pas été mis en cause ! Je me suis montré très attentif... (M. Pagani continue de parler.)Monsieur Pagani, calmez-vous, s'il vous plaît ! Si vous voulez que l'on avance dans nos travaux, calmez-vous ! Avant vous, quelqu'un d'autre a été mis en cause: vous attendrez donc votre tour, comme tout le monde, et je m'occuperai de votre cas... (Rires. Remarques.)... après celui de M. Catelain ! Ce dernier ayant été mis en cause à propos d'une rivalité entre deux corps de police, j'ai passé un accord avec lui: il dispose de 30 secondes pour répondre brièvement et uniquement sur la mise en cause dont il a fait l'objet.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je souhaite procéder à deux mises au point. En premier lieu, M. Grobet a regretté la tournure prise par le débat. Pour ma part, je regrette qu'il me prête des intentions qui ne sont pas les miennes car, tout comme lui, j'ai prêté serment. J'ai déposé un amendement qui vise simplement à défendre l'intérêt de cette République. Je vous renvoie, Monsieur Grobet, à l'objectif prioritaire du projet de loi, qui consiste à lutter contre les démissions. (Manifestation dans la salle.)Or, les statistiques en matière de démissions font clairement apparaître que les policiers démissionnent entre la quatrième et la dixième année de service. Il aurait donc fallu porter l'effort budgétaire sur cette tranche, et non sur une solution corporatiste visant à donner encore davantage à ceux qui restent dans l'entreprise. C'est une question de philosophie, et non de trahison de la police. Cette deuxième remarque s'adresse à M. Luscher, puisque je lui rappelle que je n'ai pas voté l'«amendement Grobet» en commission.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vous propose que l'on retrouve un peu de calme et de sérénité de manière à pouvoir voter dans de bonnes conditions...
M. Rémy Pagani. Je demande la parole !
Le président. Monsieur Pagani, vous n'avez pas été mis en cause... (Protestations de M. Pagani.)Mais non, vous ne l'avez pas été ! Il faut que je sois juste: aux quelques personnes qui s'étaient inscrites j'ai répondu que la liste était close; elles aussi m'ont déclaré avoir été mises en cause, mais j'ai dû me montrer ferme avec tout le monde. (M. Pagani continue de protester.)Je suis navré, Monsieur Pagani... Vous savez que je respecte le droit de parole des députés ! Je vous prie de vous asseoir afin que nous puissions voter ! (M. Pagani s'assied. Applaudissements.)Merci infiniment, Monsieur le député !
Nous allons nous prononcer sur les deux amendements présentés à l'article 44. Nous voterons en premier l'amendement présenté par M. Catelain. Je vous rappelle que cet amendement consiste à supprimer les alinéas 2, 3 et 4 de l'article 44.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 49 non contre 27 oui et 5 abstentions.
Le président. Nous votons maintenant l'amendement présenté par M. Pagani. Cet amendement vise à réintroduire dans son intégralité la proposition des syndicats de la police concernant les traitements.
M. Rémy Pagani. Monsieur le président, je demande l'appel nominal. (Appuyé.)
Le président. L'appel nominal ayant été demandé, nous y procéderons. Celles et ceux qui acceptent cet amendement répondront oui, celles et ceux qui le refusent répondront non.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 49 non contre 27 oui et 5 abstentions.
Le président. Nous votons maintenant l'amendement présenté par M. Pagani. Cet amendement vise à réintroduire dans son intégralité la proposition des syndicats de la police concernant les traitements.
M. Rémy Pagani. Monsieur le président, je demande l'appel nominal. (Appuyé.)
Le président. L'appel nominal ayant été demandé, nous y procéderons. Celles et ceux qui acceptent cet amendement répondront oui, celles et ceux qui le refusent répondront non.
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 71 non contre 10 oui.
Mis aux voix, l'article 44 est adopté, de même que les articles 45, 46 (abrogé), 2 (souligné), 1 (nouvelle teneur), 3 (souligné) et 4 (souligné).
Le président. Monsieur Hodgers ? Non... il s'agit d'une erreur ! ( Le président est interpellé par M. Hodgers. Chahut.)Je n'ai pas dit que c'était vous, l'erreur, Monsieur le député ! C'est le fait que vous ayez appuyé sur le bouton qui était une erreur ! Il ne faudrait pas mal interpréter mes propos. Si je demande que l'on efface votre nom de l'écran, vous allez me faire des histoires... Bien ! Je demande que le nom de M. Hodgers disparaisse de l'écran, ce qui facilitera mon travail. Nous arrivons ainsi au terme du deuxième débat. Le troisième débat est-il demandé ? (Mme Spoerri consulte ses dossiers. Brouhaha. Remarques. Acquiescement de Mme Spoerri à la question du président.)Merci, Madame la conseillère d'Etat !
Troisième débat
Le président. Monsieur le député Lescaze, vous avez la parole !
M. Bernard Lescaze (R). La manière dont ce débat s'est déroulé me laisse quelque peu pantois. Une grande alliance était certes issue des travaux de la commission, et il est normal que cette alliance obtienne probablement ce qu'elle désire - à savoir le vote de cette mauvaise loi qu'est la loi 8887. Je tiens à déclarer au nom d'un certain nombre de députés - peut-être très minoritaires - que ce Grand Conseil est en train de commettre une erreur - et une erreur coûteuse. Vous tentez d'acheter la tranquillité pour quelque temps, mais cela vous coûtera très cher et vous n'obtiendrez pas la tranquillité que vous souhaitez ! J'ai l'impression que nous nous trouvons dans un opéra-bouffe qui pourrait s'intituler: «La Grande Duchesse de Gerolstein» - et je vous laisse regarder dans le livret de cet opéra quel rôle on donne à la maréchaussée...
Au moment du troisième débat, je me contenterai de poser une question à Mme la conseillère d'Etat chargée de ce dossier, car je ne veux pas revenir sur les amendements discutés en deuxième débat - nous sommes tous fatigués. Ma question sera la suivante: Madame la conseillère d'Etat, vous avez déclaré tout à l'heure que ce projet de loi ne coûterait que quelques millions - et vous avez avancé un chiffre. Mais quel sera le surcoût engendré par les amendements adoptés ce soir - je pense notamment aux amendements relatifs à l'article 8, alinéa 3, et à l'article 30A, alinéa 3 ? Je souhaite notamment connaître le surcoût nécessaire pour disposer de deux postes de police ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre sur les deux rives. Je constate d'ailleurs que, si la formulation «les deux rives» renvoyait bien aux deux rives du Rhône dans l'amendement complet de M. Pagani, comme nous n'avons retenu que l'amendement relatif au dernier alinéa de l'article 8, eh bien, cette formulation pourrait laisser croire qu'un poste se situerait sur la rive droite du Rhône, l'autre entre l'Arve et le Rhône. Selon une théorie absurde, le poste de police permanent situé sur la rive gauche du Rhône pourrait aussi bien se trouver à Chancy qu'à Hermance ! Cela n'assurerait évidemment pas tout à fait la proximité que nous souhaitons... (Protestations.)
Ce projet de loi est un projet partiel: tous les orateurs, notamment ceux qui siègent à la commission judiciaire, l'ont souligné. J'ajouterai qu'il s'agit d'un projet partial - et je ne suis pas sûr que l'aspect partiel de ce projet de loi soit comblé avant la partialité... Je regrette également que l'on ait maintenu une proposition - certes d'accord - de la commission réduisant quelque peu l'armée mexicaine... Il s'agira désormais d'une demi-armée mexicaine... Comme je l'ai fait remarquer à mon groupe, ce sera l'armée du Yucatan... mais cela n'est guère raisonnable ! Ceux qui défendent ce projet de loi comme ceux qui s'y opposent ont le sens de l'Etat. Peut-être n'ont-ils pas tout à fait le même sens de l'Etat, mais je ne mettrai aucunement en doute le sens de l'Etat des uns et des autres car, comme cela a été rappelé, nous avons tous prêté serment. Cependant, dans la situation financière actuelle que connaît le canton, je relèverai qu'il s'agit d'un projet de loi extrêmement coûteux qui, tout le monde le reconnaît, ne plaît même pas vraiment aux fonctionnaires de police. Les syndicats y sont, du moins, totalement opposés. Peut-être ces syndicats ne représentent-ils pas l'ensemble du corps de police, et je suis convaincu que certains fonctionnaires approuveront tout de même ce projet de loi.
Je reste malgré tout sceptique car, bien qu'étant loin d'avoir siégé durant autant d'années que MM. Grobet et Spielmann, je me souviens que l'on nous avait, il y a quelques années, promis monts et merveilles d'une loi sur les taxis censée régler tous les problèmes. Or vous savez fort bien qu'aucun problème n'a été réglé par les propositions de lois sur les taxis ! Je veux bien qu'il n'en soit pas ainsi pour la police, et ce d'abord parce que Mme Spoerri prend ses responsabilités au sérieux, mais je tiens à procéder à une mise en garde: je crains qu'un certain nombre de promesses et d'espoirs suscités par le débat de ce soir ne puissent, que vous le vouliez ou non, être tenus ! Il est vrai que la responsabilité principale n'en incombera peut-être pas aux députés, mais au Conseil d'Etat. Ce dernier est resté plutôt muet sur les conséquences réelles de ce projet de loi et de cette motion; il a, au contraire, fait savoir qu'il ne voyait aucune entrave à la mise en oeuvre de toutes ces réformes et de toutes ces démarches. J'en prends acte, mais permettez-moi de rester sceptique ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Quelques personnes sont encore inscrites. J'espère que le débat ne va pas se prolonger trop longtemps - si tel doit être le cas, nous ferons une pause pour aller manger. Sont encore inscrits M. Rémy Pagani et Mme Véronique Pürro.
M. Rémy Pagani (AdG). Pour reprendre les paroles de M. Lescaze, je ne crois pas que l'on se trouve dans une situation analogue à celle traitée dans le projet de loi sur les taxis. En son temps, nous nous étions opposés à la loi sur les taxis, car elle déréglementait ce secteur en le privatisant. M. Lescaze a eu raison de rappeler la gabegie provoquée par ce projet - la même gabegie que celle existant, d'ailleurs, au niveau des restaurants. La question ne réside cependant pas là. Je trouve outrancier de comparer la loi sur la police à la loi sur les taxis. M. Lescaze a poussé le bouchon un peu loin !
S'agissant de l'amendement consistant à ouvrir un poste sur chaque rive et un poste au centre, j'imagine que le Conseil d'Etat comprendra qu'il s'agit de la rive droite et de la rive gauche du Rhône et que le mot «poste» renvoie bien évidemment à un poste de gendarmerie... Je suis convaincu que Mme Spoerri en tiendra compte lors de la rédaction du règlement.
Sur le fond du problème, j'en reviens à l'affirmation de M. Luscher: nous étions d'accord de trouver un compromis au niveau du salaire en dissociant les grades de brigadier et de sous-brigadier. Il s'agit d'une proposition faite de l'Alliance de gauche, et nous sommes contents - à moins que quelqu'un ne revienne sur cet élément en troisième débat - que ce compromis ait subsisté. En revanche, nous ne sommes absolument pas d'accord de supprimer dans la loi le détail des classes salariales, car cette disposition permet à un policier de s'assurer un plan de carrière. Nous réprouvons cette mesure qui introduit, à notre sens, une instabilité juridique et une instabilité fondamentale dans ce corps. Nous réprouvons également l'introduction dans la loi de l'amendement proposé par M. Hodgers à l'article 30A. Cet amendement interdira au chef de la police, M. Rechsteiner, de payer les heures supplémentaires effectuées par les policiers. Il sera obligé de compenser ces heures et, comme cela est impossible, elles s'accumuleront et finiront par mettre la police dans une situation impossible.
Nous le regrettons et, en raison des deux éléments que je viens de mentionner, nous nous abstiendrons sur le vote final concernant le PL 8887.
Le président. Comme il l'a été demandé, nous procédons par appel nominal au vote d'ensemble de ce projet de loi.
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 8887 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 52 oui contre 15 non et 13 abstentions.
Le président. Nous devons encore nous prononcer sur la pétition. Madame la conseillère d'Etat, vous avez la parole !
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Je n'ai, à ce stade de nos travaux, qu'à remercier très vivement l'ensemble de la commission judiciaire: ensemble, nous avons accompli un important travail. Je ne veux oublier personne et, si je me lance dans des énumérations, je finirai par omettre quelqu'un... C'est tous les jours, dans mes contacts avec les citoyens de Genève, avec les institutions privées et avec les institutions internationales, que l'on me demande des réponses immédiates à l'accroissement des incivilités, à l'augmentation des comportements dangereux et aux difficultés liées à la police de sécurité internationale. C'est également tous les jours, dans mes contacts tant avec la base qu'avec la hiérarchie de la police, que l'on attend de l'autorité politique qu'elle prenne des décisions et qu'elle agisse. Sans doute ces décisions ne sont-elles pas parfaites mais, de mon point de vue, nous devons et nous pouvons y croire ! Je tiens donc, au nom de la population genevoise, à remercier toutes les personnes ayant participé à l'aboutissement de ce projet de loi - et plus particulièrement MM. Jean-Michel Gros, Christian Luscher et Bernard Duport. Je vous remercie ! Car la réalité, c'est cela, et nous commençons à répondre à cela par le vote de ce projet de loi ! Merci infiniment.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Je vous annonce qu'après le vote du projet de loi 8887 et, surtout, de la motion 1588, le groupe démocrate-chrétien retire la motion 1421. Cette motion demandait l'ouverture d'une structure d'accueil ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, de manière à offrir à la population un encadrement et une prise en charge sociale. Ces problématiques étant reprises par la motion 1588, nous retirons la motion 1421 de façon à ne pas encombrer la table de travail déjà fort chargée de la commission judiciaire.
Le président. Merci, Monsieur le député. Il en est pris acte.
Il nous reste à nous prononcer sur la pétition 1483. La commission judiciaire vous propose de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.
Mises aux voix, les conclusions de la commission judiciaire (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 64 oui contre 7 non et 1 abstention.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous avais convoqués à 20h30, mais le Grand Conseil est maître de son ordre du jour: je vous propose d'en rester là, si vous êtes d'accord... Je vous remercie d'applaudir ! (Applaudissements.)Bon week-end !
La séance est levée à 19h55.