Séance du vendredi 27 août 2004 à 10h40
55e législature - 3e année - 10e session - 62e séance

M 1590
Proposition de motion de Mmes et MM. Anne-Marie Von Arx-Vernon, Pierre-Louis Portier, Gabriel Barrillier, Esther Alder, Stéphanie Nussbaumer, Yvan Galeotto, Jean-Claude Dessuet, Patrice Plojoux, Christian Brunier, Pierre Weiss, Thierry Charollais, Françoise Schenk-Gottret, Salika Wenger visant à promouvoir la formation des agents de sécurité

Débat

Mme Esther Alder (Ve). Comme cela a été dit dans le cadre des discussions sur le concordat des entreprises de sécurité, la question de la formation - pour que les responsables d'agences aient une formation - soulevée par Genève n'a pas été retenue. Ainsi, seuls les responsables et le personnel sont sensibilisés à la problématique de la surveillance. Bien sûr, les Verts soutiendront cette motion qui vise à introduire, d'ici à un an, la formation dans les dispositions concordataires sur les entreprises de sécurité.

Mais plus que la motion, les Verts soutiendront le projet de loi, déjà en commission, sur la formation des agents de sécurité, qui oblige d'ores et déjà, même hors concordat, les collaborateurs des entreprises à suivre une formation.

On l'a souligné, les entreprises de sécurité sont de plus en plus sollicitées pour effectuer des tâches parapolicières complexes. Genève, avec sa vocation internationale, est le canton où oeuvrent le plus grand nombre d'entreprises de sécurité de la région. Les dérapages, encore récents, entre supporters et agents de sécurité, démontrent à quel point la formation est nécessaire pour des activités telles que celles liées à la sécurité.

Nous vous invitons donc à soutenir cette motion.

M. Pierre-Louis Portier (PDC). J'ai déjà pu m'exprimer ce matin, lors de la demande d'urgence, sur ce sujet malheureusement d'actualité. En effet, l'ensemble des groupes politiques représentés à la commission des affaires communales, régionales et internationales, lorsque l'on avait débattu de la révision du concordat sur les agences privées de sécurité, avaient dénoncé les carences en matière de formation. Malheureusement, l'actualité est venue prouver ce que nous craignions, à savoir qu'il y eût un sérieux dérapage, un jour. Il s'agit de cette actualité que j'ai évoquée en début d'été.

Tout le monde est d'accord sur le but à atteindre. La seule chose qui nous divise un peu, notamment entre le groupe socialiste, le groupe des Verts - je viens de l'apprendre - et la droite ou le centre-droite de cet hémicycle, c'est la manière d'arriver au résultat souhaité. En effet, pour nous, il est absolument indispensable de rester dans le cadre du concordat, même si les problèmes ne se posent pas de la même manière pour un canton-ville comme Genève, qui requiert l'activité de beaucoup de personnel de sécurité, et le canton du Jura. Il n'empêche que nous devons progresser ensemble, car je vous rappelle que les agences de sécurité, même si elles sont implantées à Genève, peuvent intervenir dans le Jura, et vice-versa. Je pense donc qu'il est dans l'intérêt de tous les cantons d'accéder aux mêmes résultats, par le biais de la même démarche.

Si cette démarche peut paraître, c'est vrai, un peu lente, je pense qu'il faut l'entamer d'autant plus vite. C'est la raison pour laquelle nous demandons l'urgence et je crois savoir que le département de justice, police et sécurité, qui pilote ces travaux au sein du concordat pour le canton de Genève, l'accueille avec bienveillance. Mme Micheline Spoerri, la présidente du département, n'est pas ici pour le dire mais je ne crois pas mentir en le disant - en tout cas, ses haut-fonctionnaires nous le disaient en commission.

Je vous invite donc à voter cette motion 1590, pour que nos gens puissent se mettre rapidement au travail.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Christian Brunier (S). Je crois que M. Portier est un petit peu trop optimiste, malheureusement. On voit l'actualité nous donner raison, puisqu'il y a eu, durant l'été, des dérapages émanant d'actions de police privée. Nous avions un peu anticipé ces dérapages parce que le fait qu'il n'y ait pas du tout de formation demandée à des gens qui accomplissent quand même une mission très stressante - ce sont des gens qui sont sous pression, qui sont appelés à intervenir dans des situations difficiles - nous inquiétait. Ce fait nous inquiète depuis plusieurs mois, de part et d'autre de cet hémicycle, d'ailleurs.

Il y avait néanmoins des gens qui disaient qu'il n'y avait pas d'urgence, que ces formations coûtaient cher, qu'avec cette motion nous répondions à un besoin, qui est plutôt à moyen ou à long terme, alors qu'il s'agit bien d'un besoin à court terme.

La dernière fois, nous avons voté un concordat - ou plutôt, vous avez voté un concordat, puisque nous nous sommes abstenus - qui apportait quelques améliorations mais aucune amélioration au niveau de la formation: on parlait d'une simple sensibilisation, ce qui est très faible. Nous nous sommes tous mis d'accord, sous l'impulsion du PDC, pour faire une motion qui demande à modifier ce concordat. C'est une très bonne chose, qu'il y ait une dynamique romande pour introduire une formation pour cette profession.

Néanmoins, le concordat vient d'être modifié, puisqu'on l'a voté au mois de juin, et nous savons qu'une modification concordataire est toujours difficile, d'autant plus lorsqu'il vient d'être modifié. Nous savons qu'il faudra préalablement une décision d'améliorer ce concordat au niveau de la formation - ce qui a été refusé il y a quelques semaines. Il faudra donc faire revenir tous les cantons romands sur leur décision, faire le travail dans chaque parlement, puisque chaque parlement devra approuver cette modification, si elle est préalablement approuvée par l'ensemble des gouvernements romands. Par conséquent, même si on est très positifs, c'est un délai de cinq ou dix ans qu'il faut compter pour modifier la situation.

Nous pensons que cela n'est pas acceptable et que nous ne pouvons pas rester encore cinq ou dix ans sans aucune formation dans un domaine aussi important, d'autant plus à Genève. Il y a, à Genève, environ mille policiers publics et deux mille six cents agents privés, aujourd'hui. Les autres romands ne se trouvent pas du tout devant le même problème: la police publique joue son rôle et prédomine sur la police privée. A Genève, ce n'est malheureusement plus le cas. Il y a donc un vrai défi de société. Le Jura a deux agents privés de sécurité, Genève deux mille six cents. Le Jura ne mettra donc pas la modification concordataire comme priorité, alors que nous l'envisageons bel et bien comme une priorité, à Genève.

Nous voterons donc cette motion et nous espérons que le gouvernement - je dis bien que nous l'espérons, parce que je n'ai pas beaucoup ressenti la volonté du DJPS, en commission, et s'il n'y avait pas eu l'ensemble des groupes politiques qui poussaient, je ne crois pas que le DJPS aurait soutenu cette motion. J'espère donc que le DJPS, sous cette impulsion, fera le travail pour demander la modification concordataire. C'est un travail important puisqu'il faut convaincre tous les autres cantons romands. Cependant, à court terme, et ce «court terme» peut durer de cinq à dix ans, il faudra prendre d'autres décisions.

La décision peut être rapidement prise. Nous avons déposé un projet de loi au mois de juin. Ce projet de loi instaurerait une formation à Genève - ce que le concordat permet, car il est le socle minimum sur lequel les Romands doivent s'appuyer: il y a d'ailleurs un article, dans le concordat, qui permet à chaque canton d'en faire plus. Nous demandons que Genève en fasse plus, parce que nous nous trouvons dans une situation particulière, parce que le risque de dérive et de bavures est grand. Nous demandons que ce projet de loi, qui est en commission judiciaire, soit traité et voté en urgence par ce parlement.

Je sais que vous avez refusé l'urgence au mois de juin sur ces projets-là et notamment aussi sur une motion qui demande une clarification des missions des polices publiques et des missions des polices privées. Vous avez préféré traiter en urgence le fait d'interdire les manifestations ou d'en restreindre fortement le droit, c'est votre choix parlementaire. Je pense que cela ne colle pas aux besoins de cette société. Nous devons instaurer une formation pour les policiers privés. On ne peut pas demander des formations pour tous les métiers et ne pas en demander pour celui-là.

M. Christian Grobet (AdG). Je souscris entièrement à ce que vient de déclarer notre collègue M. Brunier. C'est pour cela que je ne serai pas très long.

Nous n'allons pas nous opposer à cette motion, mais j'aimerais tout de même que cette motion ne soit pas une motion alibi, Monsieur Portier. Parce que la véritable urgence, M. Brunier l'a dit, c'est le vote du projet de loi qui a été déposé pour que cette formation soit menée sur le plan cantonal. Dieu sait si je suis favorable à l'unification du droit sur le plan fédéral. A ce sujet, les concordats jouent un rôle favorable. Mais on constate souvent que l'avancement du droit fédéral et l'étendue des compétences fédérales ont parfois pour conséquence d'entraîner une régression du droit dans notre canton. On le voit par exemple en matière d'assurance-maternité où les prestations, qui sont prévues dans la loi fédérale qui est soumise en votation, vont moins loin que nos prestations cantonales. En ce qui concerne ce concordat sur les agents de sécurité, c'est vrai que c'est un progrès au niveau de la Suisse romande, mais une grave défaillance a été soulevée: celle du manque ou de l'absence de formation des agents de sécurité. Je pense, comme M. Brunier, que la motion aura beaucoup de peine à être concrétisée.

Je souhaiterais que cette question de formation reste une compétence cantonale. M. Brunier a, fort justement, mis en évidence la disparité complète de situation entre certains cantons et le nôtre. Notre canton explose en matière d'agents de sécurité ce qui, à mon sens, implique une formation de qualité. On peut imaginer que pour deux agents de sécurité dans le canton du Jura il n'y a pas besoin d'une formation aussi importante que celle destinée aux agents à Genève. C'est extrêmement important à Genève en raison du nombre d'agents de sécurité et de la zone grise qui est en train d'apparaître entre les compétences de la police cantonale et celles des agents de sécurité. On voit même des communes qui font appel à des agents privés - ce que, personnellement, je déplore. Je considère, avec mes camarades de l'Alliance de gauche, que la tâche de la sécurité générale des citoyens est du ressort de l'autorité et pas d'agences privées.

Je n'ai pas besoin de rappeler que dans le temps il y a eu des dérapages de certaines agences de sécurité. Pendant un certain temps, les choses se sont améliorées. En revanche, on a vu un incident assez incroyable, lors d'un match de football, qui a été visionné par de nombreux téléspectateurs en dehors de notre pays et qui n'a certainement pas donné une bonne image de la façon dont on traite les problèmes de sécurité, c'est en tout cas ce que l'on pourrait croire, sur la base de ces images.

La question de la formation devient donc urgente. On veut bien appuyer cette motion mais, comme l'a dit M. Brunier, il faudrait que la commission, à laquelle le projet de loi cantonale a été renvoyé, le traite rapidement. J'aurais d'ailleurs souhaité entendre de votre bouche, Monsieur Portier, que vous qui êtes spécialement attentif à ces problèmes de sécurité, que vous déclariez, en même temps que vous annonciez votre appui à cette motion, que votre groupe soutiendrait l'adoption du projet de loi qui a été proposé, qu'il serait traité en urgence et qu'il serait voté avant la fin de l'année.

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

M. Gilbert Catelain (UDC). Nous traitons de deux objets: la motion et le projet de loi. Tous deux sont issus d'un événement malheureux qui s'est passé... (Manifestation dans la salle. Brouhaha.)- en tout cas, vous avez cité le projet de loi - sur ce terrain de foot. Ce n'est pas le propre des entreprises privées que d'avoir ce type d'incidents et la formation n'est pas la solution à tout, mais c'en est une.

On peut soutenir cette motion, cela ne coûte rien. On peut voir ce qu'il y a de bon ou de pas bon dans le projet de loi. Dans d'autres domaines, je pense à la commission ad hoc pour le projet de loi sur la fonction publique, on a dit: «On ne fait rien sans les partenaires sociaux, sans faire avec les employés, sous forme de conduite coopérative». Je pense qu'en l'occurrence il serait bien que ce projet de loi soit la résultante d'une réflexion commune avec ces entreprises de sécurité.

Tout un tas de problèmes se grefferont dans l'étude de ce projet de loi, car on parle de deux mille cinq cents agents de sécurité: je ne pense pas que tous fonctionnent comme agents de sécurité. Il y a des «agents de sécurité» de chez Securitas qui vendent toute l'année des vignettes. Je ne pense pas que ceux-là aient forcément besoin d'une formation. En matière LCR aussi, tout le monde suit une formation: vous suivez une formation avec de nombreuses heures de conduite, vous passez un examen théorique, ce qui n'empêche pas qu'il y ait une foule de délinquants, tous les jours, sur les routes. Soyons donc prudents.

C'est une mesure qui est certainement nécessaire mais qui devrait absolument être négociée avec les entreprises concernées. On ne peut pas non plus dire qu'il ne se fait rien dans le cadre de ces entreprises: leurs groupes d'interventions, pour certains, sont en tout cas aussi formés que ceux de la police genevoise. Ils font preuve d'un certain professionnalisme. Certains d'entre eux ont même été engagés par la Confédération à l'étranger. La Confédération fait appel à des employés de certaines de ces entreprises privées, notamment à leurs tireurs d'élite. Elle y a également fait appel dans le cadre du sommet du G8. Il ne faut donc pas mettre tout le monde dans le même sac. Je reste prudent pour l'instant.

J'aimerais en savoir davantage. Pour en savoir davantage, il faudrait absolument auditionner ces entreprises pour savoir ce qui s'y fait. Il y a différents niveaux de qualité et différentes entreprises, à mon avis.

Nous soutiendrons le renvoi de cette motion puisqu'un membre de notre groupe l'a signée. En tant que Genevois, nous ne nous opposerons en tout cas pas à son renvoi en commission. Dans le cadre de cette commission, nous ne voulons pas en faire une doctrine. Il s'agira d'être pragmatiques et de voir ce qui peut se faire et avec quels moyens. Les entreprises auront-elles encore la capacité d'employer tous les employés qu'elles ont aujourd'hui, par rapport aux exigences que vous fixerez par rapport au profil de formation ?

M. Jean Spielmann (AdG). Le Conseil d'Etat, dans sa séance de mercredi passé, a sorti un communiqué nous indiquant la modification du concordat concernant les entreprises de sécurité. Il dit, dans ce communiqué de presse, qu'il a «modifié le règlement concernant le concordat sur les entreprises de sécurité. Il s'agit, pour l'essentiel, de préciser les compétences du service des autorisations et patentes, ainsi que du commissariat de police, ceci en fonction d'une série d'innovations. Celles-ci portent notamment sur l'introduction de dispositions nouvelles concernant l'autorisation d'utiliser un chien, la communication de renseignements judiciaires ou de police, le contrôle dans les centrales d'alarmes et l'obligation, pour les entreprises de sécurité, de garantir à leur personnel des cours de formation professionnelle.» Avec ce communiqué, nous sommes donc au centre de ce que nous sommes en train de discuter et de proposer dans cette motion. Cela m'intéresserait de savoir quel est le règlement que le Conseil d'Etat a préparé...

Une voix. Mais oui, mais oui !

M. Jean Spielmann. ...quelles sont les dispositions qui ont été mises en place et qu'il vient de voter mercredi en séance du Conseil d'Etat sur la formation professionnelle des agents de sécurité privée. Je trouve un peu dommage que l'on travaille comme cela, en parallèle, que, tout à coup, l'on sorte un communiqué, alors qu'il y a une motion, un débat à l'ordre du jour; dommage que le Conseil d'Etat ne soit pas présent au moment où a lieu ce débat - on pourra toujours me répondre qu'il est difficile d'être toujours présent mais enfin, cela me semble tout de même curieux. J'aimerais avoir quelques informations sur la décision que le Conseil d'Etat a prise, ce qu'il a modifié dans ses règlements et sur ses intentions en ce qui concerne la formation des agents de sécurité privée.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. En arrivant ce matin, à 8h, j'ignorais que ce point serait traité en urgence. Il est exact que ces questions de formation d'agents d'entreprises de sécurité vous préoccupent, qu'elles préoccupent le Conseil d'Etat et qu'un certain nombre de mesures ont été prises mercredi passé.

Vous me pardonnerez en revanche de ne pas en avoir le détail sous la main, dès lors que le projet de loi se trouve actuellement en commission. Vous en serez bien entendu informés dans ce cadre puisque, si j'ai bien compris le sens de cette motion, son but est de manifester un dynamisme en matière de formation, de réaffirmer la nécessité que les employés des agences de sécurité privée soient bien formés, raison pour laquelle je n'ai entendu personne contester cette nécessité.

J'ai en revanche entendu des divergences quant à la manière d'y parvenir et quant à la rapidité du processus. Cela est l'objet du projet de loi. Dans le cadre de vos travaux d'examen de ce projet de loi en commission, le Conseil d'Etat vous dira ce qu'il a d'ores et déjà fait, ce qui vous permettra, le cas échéant, de vous en satisfaire, ou, au contraire, de souhaiter qu'il en soit fait davantage.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Aucune demande de renvoi en commission n'ayant été formulée, je vais vous faire voter sur le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, la motion 1590 est adoptée par 63 oui (unanimité des votants).