Séance du
samedi 26 juin 2004 à
14h15
55e
législature -
3e
année -
10e
session -
59e
séance
PL 9266-A
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis de deux amendements, l'un portant sur l'article 14 alinéa 1, l'autre portant sur l'article 14 alinéa 2. Ces deux amendements sont soumis par M. le député Pagani.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Dans l'exposé des motifs du Conseil d'Etat, on peut lire que ce dernier propose tout simplement d'abandonner l'indexation semestrielle au profit d'une indexation annuelle, qui est la règle un peu partout dans les autres cantons. A partir du moment où le Conseil d'Etat s'exprime de cette manière, cela peut laisser entendre que le Conseil d'Etat a l'intention d'introduire l'indexation annuelle. L'objet de cet amendement est de fixer, dans la loi, l'indexation annuelle, puisque la formulation qui se trouve dans le projet de loi qui nous est soumis sur l'indexation est la suivante: «le projet de loi autorise le Conseil d'Etat à indexer les salaires». Or s'il s'agit d'une simple autorisation, je ne vois pas l'intérêt de son projet de loi en ce qui concerne l'indexation semestrielle, puisque la loi actuelle l'autorise à payer ou à ne pas payer l'indexation. Cela ne sert donc strictement à rien. Si vous le faites, parce que vous voulez respecter une indexation annuelle, la moindre des choses c'est d'accepter l'amendement qui dit ceci: «le Conseil d'Etat adapte les salaires, les traitements sont adaptés chaque année pour l'année suivante, proportionnellement à l'évolution de l'indice genevois des prix à la consommation, calculés sur la base de la différence entre l'indice du mois de novembre de l'année précédente et celui du mois de novembre de l'année en cours.»
Si vous voulez donc l'indexation annuelle, dites-le, mais ne dites pas «si jamais on est en crise, alors cela posera un problème» ! Vous n'avez pas hésité à déposer des projets de lois qui dérogeaient à des lois existantes. Par conséquent, s'il y a une crise, vous déposerez un projet de loi qui déroge à celui-là, un point c'est tout. Donnez un signal clair à la fonction publique ! Effectivement, la règle doit être l'indexation annuelle et toute autre situation doit être une exception. Ne faites donc pas le contraire ! C'est ce qui s'était passé pendant toutes les années nonante: l'indexation était l'exception. La non-indexation était la règle. Cela ne peut pas continuer comme cela.
Lorsque l'on nous dit: «ils peuvent bien faire un petit sacrifice», je signale que l'indexation de l'année 2004, jusqu'au mois de mai, aurait dû être de 1,5%. Ce 1,5% qui devrait, sur l'année, s'approcher des 2%. Rapportés à l'échelle d'une année, 2% de la masse salariale représentent 68 millions de francs. Ne dites donc pas que ces 68 millions ne représentent rien ! J'ai fait le calcul: avec les 20 millions de l'Hôpital, rien qu'au niveau de la ponction salariale, nous sommes à peu près à 4 000 F par année et par poste de la fonction publique. Il faut arrêter de dire que cela ne représente rien. J'ai entendu le mot «menteur». C'est vraiment indigne parce que vous savez que j'ai toujours les preuves de ce que j'avance. Les mensonges, on sait qui les profère. Le département des finances peut vous faire les calculs - d'ailleurs tous mes calculs sont issus du département des finances.
Si l'indexation annuelle est introduite, s'élevant entre 1,5 et 2%, avec les mécanismes salariaux que le Conseil d'Etat prétend vouloir respecter, cela est plus du double de ce que le Conseil d'Etat s'autorise par le biais de son plan quadriennal. On veut faire durer les attaques contre le personnel. Toutes les décisions que vous aviez prises, les uns et les autres, au niveau des postes, entraînent une dégradation des conditions de travail. C'est donc la population qui en subira les conséquences. Il y aura moins de personnes dans les hôpitaux, moins d'enseignants dans les classes, avec pourtant plus d'élèves. C'est donc la population qui en subira les conséquences, notamment des gens qui vous sont proches, peut-être vous-mêmes. C'est dommage, mais c'est ainsi.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. David Hiler (Ve). Les députés Verts soutiendront l'amendement déposé par M. Mouhanna. Ce que nous avons vu depuis neuf mois, c'est une majorité de ce parlement refusant d'entrer en matière sur le budget d'un Conseil d'Etat où elle est majoritaire; nous avons vu un gouvernement face à des milliers de grévistes, à deux reprises; nous avons vu un gouvernement opposé à une bonne partie de ceux qui travaillent dans le cadre de l'Etat; les dix mille personnes qui se sont rendues dans les manifestations ont choisi et savaient pourquoi elles y allaient; ce que l'on a vu, encore, c'est ce curieux jeu triangulaire, avec quelques variantes, depuis quelques jours, qui a vu une opposition soutenir un gouvernement contre sa propre majorité, et la majorité l'emportant contre le gouvernement.
Je ne suis pas sûr qu'il soit souhaitable que nous recommencions tout cela en automne. J'ai même l'impression que notre ville va rapidement atteindre un seuil de saturation. Jusqu'ici nous avons tranquillement pu faire le tour de l'abysse de la crise institutionnelle, il y a toujours eu quelqu'un pour tirer le maillot de quelqu'un d'autre afin que l'on n'y tombe pas. Je ne suis pas sûr qu'un deuxième épisode soit aussi facile à gérer.
C'est la raison pour laquelle l'amendement de M. Mouhanna est un signe utile. C'est un signe donné aux personnes qui travaillent à l'Etat que la suppression de l'indexation semestrielle n'est pas le début d'une non-indexation de plusieurs années, mais une décision unique et que le Conseil d'Etat s'engage maintenant sur le versement de l'indexation annuelle, puisque c'est celle-là qui restera.
C'est la raison pour laquelle, sans beaucoup d'espoir, mais il en faut toujours pour vivre, nous vous appelons à donner un premier signe d'apaisement à cette République, en votant l'amendement de M. Mouhanna. (Applaudissements.)
M. Rémy Pagani (AdG). Je voulais dire ce que M. Hiler a dit, pour l'essentiel, mais je voudrais aussi revenir sur deux petits points ayant trait à ce que Mme Martine Brunschwig Graf prétend, lorsqu'elle dit que l'on ne coupe que dans l'augmentation et qu'il ne s'agit donc pas d'une diminution.
Il y a une leçon de choses que les gens vivent tous les jours lorsqu'ils vont faire leurs achats. Je vais refaire la démonstration que j'ai déjà faite mais qui suscite du scepticisme chez la plupart des gens qui l'entendent. Entre le 1er janvier 1990 et le 1er janvier 2000, il y a eu 25% d'inflation. Quelqu'un qui gagnait 5 000 francs, le 1er janvier 1990... (Manifestation dans la salle. L'orateur est interpellé.)Voilà, les premières réactions se font sentir, parce que ces gens n'ont rien compris à l'inflation et aux dégâts qu'elle produit.
Entre le 1er janvier 1990 et le 1er janvier 2000, ces 5 000 francs sont restés les mêmes - je vous concède qu'il y aura certainement eu des augmentations de quelques pourcents entre-temps - par conséquent le pouvoir d'achat de cette personne a diminué de 25%. En n'indexant pas, et c'est la tendance que vous adoptez aujourd'hui, vous entrez dans le mécanisme qui vise à faire en sorte que les gens recevront bien évidemment le même salaire - voire le même salaire augmenté d'un ou deux pourcents - alors que, en fait, leur pouvoir d'achat sera attaqué par l'inflation. C'est d'ailleurs pour cela que les syndicats sont, d'une certaine manière, condamnés à demander l'indexation du salaire plus l'indexation réelle: pour essayer de compenser ce mécanisme qui fait que, du fait de l'inflation, les salaires sont «attaqués». C'est dans ce processus que vous engagez la fonction publique. Nous le déplorons.
On nous dit qu'il y a une crise économique; mais j'ai négocié, cette année encore, des augmentations de salaires, voire des quatorzièmes salaires dans certains secteurs, et des compensations du renchérissement de 0,8%. Ne venez donc pas nous dire que la crise économique ne permet pas de garantir une indexation semestrielle des salaires à la fonction publique, ni, comme nous le proposons aujourd'hui, une inscription de l'indexation des salaires dans la loi. Cela est déplorable.
C'est un signe politique négatif de plus que vous donnez à la fonction publique. J'espère que nous ne franchirons pas le pas décisif qui nous ferait tomber dans l'abysse devant lequel nous nous trouvons aujourd'hui.
M. Alberto Velasco (S). Pour nous, les socialistes, il est vrai que les éléments du précédent projet pourraient être soumis à négociation et peut-être beaucoup moins justifiés dans la loi. En l'occurrence, nous estimons que l'indexation ne peut pas être laissée à l'arbitraire du Conseil d'Etat. Il nous semble que l'amendement de M. Mouhanna s'impose. C'est la raison pour laquelle nous voterons cet amendement.
J'aimerais dire au rapporteur de majorité que les arguments qui ont jusqu'à présent été donnés consistaient à dire que ces coupes dans les salaires correspondent à 30 millions de francs. Cette somme, qui équivaut peut-être à 1% par rapport au budget de l'Etat, contrairement à ce qui est dit, n'est pas sans incidence. Car les calculs effectués sont parfois faux: certains éléments peuvent en effet faire arrêter une machine. Prenons une image: une roue de vélo, avec deux rayons en moins, ne fonctionne plus. Cela ne représente que 2% des rayons de la roue, mais elle ne fonctionne plus, votre roue.
S'agissant de la fonction publique, si, en valeur absolue, les chiffres permettent de dire que ce pourcentage ne représente pas grand-chose, ce que ces chiffres induisent comme comportement, par la suite, est une démoralisation. Cette démoralisation entame le travail et l'engagement que l'on peut demander aux fonctionnaires.
Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous, socialistes, voterons l'amendement de M. Mouhanna. Si cet amendement est refusé, nous rejetterons ce projet de loi.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Puisque M. Pagani souhaite que ces informations soient données, je vais répéter ce que j'ai dit jeudi soir: la fonction publique a consenti des sacrifices durant les années nonante. Ces sacrifices ont été, à divers moments, renouvelés, ce pendant plusieurs années, c'est une réalité.
Le résultat du retard pris sur l'indexation atteint, depuis 1991: 9,175%. Durant les périodes un peu meilleures que nous avons connues, en 2000, en 2001 et encore l'année dernière, nous avons versé une forme de rattrapage qui a permis de diminuer l'écart consenti en matière d'indexation dans les années difficiles. (Manifestation dans la salle.)Cet écart de rattrapage est, au total, de 2%, Monsieur Mouhanna. Les effets ont été versés en plusieurs fois, de l'ordre de 0,7% environ à chaque fois. Le dernier rattrapage, je le rappelle, était de 0,7%, versé au 31 décembre 2002, pour le 1er janvier 2003. Je rappelle par ailleurs que, avec l'indexation semestrielle de l'an dernier, les salaires ont été adaptés, au 1er juillet 2003, de 0,78%, ce qui, bien sûr, est aussi valable pour l'année 2004. Ce sont donc bien les salaires adaptés au 1er janvier 2003 qui sont en vigueur depuis le début de cette année.
Loin de moi l'idée de prétendre qu'il soit plaisant de ne pas appliquer l'entier de l'indexation. C'est cependant une réalité. Vos amendements sont une formule mais la réalité fait que c'est l'alinéa 8 de l'article 14 qui autorise en fait le Conseil d'Etat, pour des raisons budgétaires ou économiques impérieuses, à ne pas donner l'entier du renchérissement. Quelle que soit la formule adoptée, c'est cet alinéa 8 qui permet à certains moments de prendre des dispositions qui ne concernent pas la compensation intégrale du renchérissement. Par conséquent, quelle que soit votre proposition, elle ne change strictement rien à l'application de la loi actuelle.
En revanche, même si ce n'est pas totalement satisfaisant pour vous, j'aimerais rappeler que les membres du personnel situés dans les classes 1 à 13 de l'échelle des traitements bénéficient d'une allocation unique de vie chère, qui a toujours été respectée depuis le début des années nonante et depuis le moment où elle a été introduite. Cette allocation unique de vie chère, versée en fonction de l'évolution de l'indice, permet de tenir comptes des problèmes liés à l'indexation. J'ajouterai que cette allocation unique de vie chère est versée à l'ensemble des retraités, puisque la loi le permet.
Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il faut laisser la systématique de la loi telle qu'elle est actuellement. En refusant l'amendement, vous n'amputez absolument rien aux droits principaux puisque, comme je viens de le dire, c'est l'alinéa 8 de l'article 14 qui permet des dérogations et que personne n'a proposé d'amendement à cet alinéa.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
Le président. Merci, Madame la vice-présidente du Conseil d'Etat. Monsieur Mouhanna, vous souhaitez parler après le conseiller d'Etat ? Vous avez la parole.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Madame la conseillère d'Etat... (Protestations dans la salle.)...vous êtes en train de prendre des mesures extrêmement sévères à l'égard de la fonction publique...
Une voix. Mais non !
M. Souhail Mouhanna. Ayez la patience d'entendre deux ou trois mots. D'un côté, vous prenez des mesures lourdes, de l'autre... De toute façon, les mots vous passent par-dessus la tête, vous vous en fichez royalement. Vous voyez comment vous êtes. (L'orateur est interpellé.)Le mépris, c'est plutôt la manière dont vous réagissez chaque fois que je prends la parole.
Le président. Monsieur Mouhanna, s'il vous plaît. Dites ce que vous avez à nous dire pour que nous puissions voter. (Brouhaha.)
M. Souhail Mouhanna. Mme la conseillère d'Etat a mentionné l'alinéa 8 de l'article 14. Je suis disposé à faire un amendement, Madame, si vous êtes d'accord de le soutenir. (L'orateur est interpellé.)Voilà donc votre réaction; cela ne sert donc à rien.
Je m'attendais parfaitement à ce que l'amendement soit refusé. Je voulais simplement démontrer que le Conseil d'Etat n'a nullement l'intention d'accorder l'indexation annuelle. Tout ce qu'on lit dans ces exposés des motifs, c'est foutaise, un point c'est tout !
Le président. Bien, en réalité, nous allons procéder au vote distinct de deux amendements, le premier portant sur l'alinéa 1 de l'article 14, le second portant sur l'alinéa 2 du même article. Nous commençons à voter sur le premier amendement proposé par M. le député Rémy Pagani, à l'article 14 alinéa 1. L'appel nominal est demandé.
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 45 non contre 36 oui et 1 abstention.
Le président. Nous votons maintenant sur l'amendement proposé par M. le député Pagani à l'article 14 alinéa 2. L'appel nominal est aussi demandé.
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 46 non contre 36 oui.
Mis aux voix, l'article 14 est adopté, de même que l'article 1 (souligné) et l'article 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 9266 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 9266 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 46 oui contre 37 non.