Séance du
vendredi 25 juin 2004 à
8h
55e
législature -
3e
année -
10e
session -
52e
séance
PL 9265-A
Premier débat
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. J'ai peut-être un mot à ajouter à mon rapport, Monsieur le président, mais j'attends que mon collègue Mouhanna soit là, par courtoisie envers lui. Voilà.
Le rapport de minorité nous dit que les mesures prises par le Conseil d'Etat durant la période 1993 à 1998 ont représenté une ponction sur la masse salariale de 2,7 milliards sans avoir nullement contribué à diminuer le déficit. S'il n'y avait pas eu cette ponction, le déficit aurait été augmenté de 2,7 milliards.
C'est ma seule remarque, Monsieur le président.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Eh bien ! Pour quelqu'un qui enseigne la sociologie avec quelques incursions dans le domaine de l'économie, je trouve votre raisonnement un peu faible...
Monsieur Weiss, vous savez très bien que 2,7 milliards, c'est à peu près 15% du revenu cantonal, qui est actuellement de l'ordre de 22 milliards. A l'époque, il était entre 17 et 19 milliards. Il y a un rapport, qui est calculé en général comme indicateur principal de l'évolution du produit intérieur brut qu'on appelle «croissance», «décroissance» ou «dépression», etc. Une somme pareille, Monsieur - 2,7 milliards - cela représente 15%. Et sur quelques années, cela fait 3% de réduction du revenu cantonal. Cette mesure a donc contribué, comme vous le savez, à un ralentissement de l'activité économique. Il y a eu plusieurs milliers de postes en moins; le chômage a donc été alimenté par cette politique-là. On ne parle jamais des conséquences de ce genre de politique !
Vous parlez souvent, Monsieur, de suppressions de postes indolores. Vous prétendez, sur les bancs d'en face, supprimer des postes sans licencier, en étant «humains». Ce que vous ne dites pas, c'est que, derrière, il y a des centaines, voire des milliers de postes qui ne sont pas offerts; le chômage s'étend et s'aggrave; en même temps, les conditions de travail des uns et des autres se dégradent et, évidemment, les prestations en subissent les conséquences. Demandez à qui vous voudrez - et vous le savez, Monsieur - si la qualité de la formation, si les situations dans les hôpitaux et les EMS se sont améliorées... Vous verrez que non. Ce sont des conséquences directes, absolument directes, de cette politique de restriction budgétaire, de cette politique de récession et de cette politique d'attaques systématiques contre tout ce que représente le service public et tout ce qu'il défend.
Concernant les mesures qui sont proposées ici par le Conseil d'Etat, on constate dans le rapport que le Conseil d'Etat a déjà pris des mesures à plusieurs reprises. Je rappelle d'ailleurs que dans les années 1990, les annuités ont été bloquées ou différées cinq ou six fois; la progression de la prime de fidélité a également été soit supprimée, soit différée. Cela n'a en rien contribué à redresser la situation au niveau des finances publiques. Toutes ces mesures-là ont d'ailleurs été prises dans un climat absolument inacceptable entre l'Etat employeur et le personnel. C'était en effet, la plupart du temps, des mesures prises unilatéralement par le Conseil d'Etat. Ces mesures ont été prises sans aucune négociation, sans respect pour des accords passés, puisque le Conseil d'Etat a violé des accords à plusieurs reprises. Et cette politique-là n'est pas de nature à motiver le personnel, elle est même de nature à décourager les gens de venir travailler dans la fonction publique. Autrement dit, nous allons avoir - nous, c'est-à-dire Genève - beaucoup de difficultés à recruter des gens de qualité pour aller dans la fonction publique. Et vous savez très bien que les gens qui vont travailler dans la fonction publique sont au service de la population: ils assurent des prestations dans les domaines de l'éducation, de la santé, du social, de la sécurité. Si vous continuez avec cette politique-là, Mesdames et Messieurs, vous verrez que Genève et sa population vont en subir les conséquences ! Malheureusement, vous n'en êtes pas conscients, je dirais même qu'il y a une certaine irresponsabilité dans cette politique-là.
Enfin, il y a quelque chose de comique dans ce que dit le Conseil d'Etat à propos de ces projets de loi. Alors qu'il s'en prend, une fois de plus, à la fonction publique, il souligne les mérites de ses employés, l'engagement du personnel, etc. C'est sans doute précisément pour récompenser cet engagement qu'on s'en prend aux salaires et aux conditions de travail... Une drôle de manière de reconnaître l'engagement des uns et des autres au niveau des services publics !
Peut-être cela devrait-il inciter la droite à méditer un peu, puisqu'elle est adepte du salaire au mérite. Si j'ai bien compris, d'après le Conseil d'Etat, plus les gens sont méritants, plus ils doivent accepter de faire des sacrifices... Comme ça, au moins, les gens peuvent savoir que, lorsque la droite parle de salaire au mérite, cela veut dire que les plus méritants vont encore passer à la caisse !
Je tenais à dire cela. Je ne félicite pas le Conseil d'Etat pour ce genre de projets de loi, qui ont été déposés sans aucune discussion ou négociation préalable. Donc, nous rejetterons ce projet de loi.
M. Rémy Pagani (AdG). Ce dont il est question aujourd'hui, c'est de l'ensemble de la politique du personnel. On a vu dans les années 1990 les dégâts que cette politique causait, notamment avec le nombre considérable de personnes engagées de manière temporaire, avec des contrats reconductibles, le nombre considérable de personnes en occupation temporaire. A cela, s'ajoute aujourd'hui le problème des jeunes employés qui prennent l'engagement de travailler pour l'Etat et qui ne verront pas leur prime de fidélité servie comme il se doit.
Je ne sais pas trop pourquoi on appelle ce mécanisme «prime de fidélité»... En fait, c'est un treizième salaire dont il est question. On fait croire à la population qu'il s'agit d'un quatorzième salaire, comme on en sert dans beaucoup d'entreprises. En l'occurrence, il est question d'un demi treizième salaire, voire, pour certaines catégories de personnel, encore moins. Vous savez en effet, Mesdames et Messieurs, que le treizième salaire, à l'Etat, est servi complètement après de nombreuses années de service. Alors, quand on nous fait croire que les conditions salariales sont meilleures que dans le privé... Pour certaines catégories de personnel, le treizième salaire n'est pas acquis après quinze années de service.
Je rappelle aussi qu'un certain nombre de personnes ont pris le PLEND et ont été remplacées par des personnes jeunes. Celles-ci seront touchées de plein fouet par les mesures que vous allez prendre, Mesdames et Messieurs, je pense notamment aux maîtresses d'écoles et aux infirmières.
Nous estimons que cette manière de faire est inadmissible. Elle l'est d'autant plus, je vous le rappelle, Mesdames et Messieurs, que le personnel de la fonction publique, contrairement à certains dans le privé, met trois ans pour être titularisé. Pendant ces trois ans, bien évidemment, les meilleurs d'entre eux peuvent aller trouver ailleurs des conditions de travail préférables. Alors, si vous attaquez encore ces conditions de travail, vous ne vous donnez pas les moyens d'avoir des personnes compétentes au sein de l'Etat. Au contraire, ces personnes compétentes prendront la décision de ne pas reconduire leur contrat de travail et de s'en aller dans le privé, qui leur offrira de meilleures conditions de travail. Ce sont ces décisions-là qu'il vous appartient de prendre, Mesdames et Messieurs !
Malheureusement, on s'aperçoit de plus en plus dans l'administration que, du fait de la dégradation des conditions cadres faites à ce personnel, le turn-over augmente. Il y a passablement de gens qui se demandent à quoi sert d'attendre trois ans... Si, en plus, on leur coupe la moitié, voire la totalité de la prime de fidélité, et qu'on refuse de leur servir la prime censée compenser le coût de la vie, que dire ? Il est question de cela, Mesdames et Messieurs les députés !
Nous estimons qu'il y a lieu de réviser, sur le fond, l'ensemble de la politique salariale et de la politique du personnel. Si l'on continue comme ça, la majorité du personnel que nous allons engager ne pourra pas satisfaire aux tâches importantes de l'Etat. Nous vous recommandons donc de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC salue le courage du Conseil d'Etat, qui touche aux mécanismes salariaux. Ce n'est pas une décision qui va de soi, nos collègues de l'Alternative l'ont relevé. Nous notons toutefois que, ces trois dernières années, ce même Conseil d'Etat, avec l'appui de la commission des finances, a participé à une hausse importante de la masse salariale de la fonction publique de ce canton qui, aujourd'hui, atteint les 3 milliards de francs. Donc, 50% des dépenses de cet Etat concernent la fonction publique. Pour faire un parallèle avec la situation fédérale, ce ne sont que 10% des dépenses totales de l'Etat qui concernent la fonction publique, et le Conseil fédéral, dans cette masse salariale, a encore décidé de faire d'importantes économies.
C'est ainsi que, dans ce canton, on a, notamment, décidé d'engager des collaborateurs de l'Etat dans la classe finale, alors qu'auparavant ils étaient engagés deux classes en dessous. C'est ainsi que le personnel hospitalier, dès 2001, a été réévalué de deux classes. C'est ainsi qu'en 2003, dans une situation budgétaire extrêmement tendue, les travailleurs sociaux ont bénéficié d'une réévaluation qui coûte à ce canton, en un an, 7 millions de francs. Je crois que nous ne pourrons pas, dans ce canton, assainir la situation des finances sans une participation du personnel de l'Etat, et je pense que ce personnel de l'Etat peut y collaborer: il serait possible de définir un certain nombre de tâches auxquelles on renonce, et alors on pourrait maintenir les mécanismes salariaux. Mais, dans ce canton, on a décidé qu'il fallait encore augmenter le nombre de collaborateurs de l'Etat et, donc, on ne peut pas maintenir les mécanismes salariaux. Je crois qu'il s'agit d'un choix de doctrine. Le Conseil d'Etat a choisi sa doctrine. Nous ne l'approuvons pas forcément, nous aurions effectivement préféré que l'on s'attaque à une analyse qui permette de cibler quelles sont les tâches prioritaires de l'Etat et de renoncer à certaines d'entre elles. Malheureusement, nous n'avons pas le choix et, donc, nous soutiendrons ce projet de loi du Conseil d'Etat.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. Alberto Velasco (S). Ainsi, Monsieur Catelain, vous pensez que le Conseil d'Etat a du courage. Je pense plutôt qu'il est téméraire dans cette histoire... (L'orateur est interpellé.)Oui, mais pas dans ces conditions !
En réalité, on demande aujourd'hui à la fonction publique de contribuer au redressement des finances à raison de 21 millions supplémentaires, alors que, pendant 10 ans, elle a déjà contribué à cet assainissement.
Monsieur Catelain, vous êtes un peu choqué de savoir qu'on engage les gens dans leur classe de fonction plutôt que deux classes en dessous de celle-ci. Mais vous, Monsieur, quand vous êtes engagé dans le privé, on ne vous engage pas deux classes en dessous; on vous engage selon vos capacités, selon votre formation... (L'orateur est interpellé.)Exactement, Monsieur ! Alors, je ne vois pas pourquoi l'on devrait faire différemment avec la fonction publique. C'est incroyable ! En ce qui nous concerne, nous, les socialistes, évidemment que nous ne voterons pas l'entrée en matière de ce projet de loi.
Monsieur le rapporteur de majorité, vous pensez que les charges de personnel sont en explosion, c'est pour cette raison que vous approuvez ce projet de loi. En fait, si l'on regarde les chiffres qui nous sont donnés par ratio, on constate que les charges de personnel rapportées à la population étaient de 4625 francs en 1995 et qu'elles sont de 4419 francs dans le budget 2004, deuxième version. Et sans être convertis en francs constants. Si tel avait été le cas, on aurait vu que les charges prévues pour 2004 auraient été inférieures.
Les charges de fonctionnement n'évoluent pas, non plus, aussi rapidement que vous le croyez. De même, le ratio aux impôts sur ces charges était de 120% en 1995; il est toujours de 120% en 2004. Evidemment, si vous prenez les chiffres absolus, il y a alors des augmentations considérables; mais si vous les rapportez à la population et en francs constants, eh bien, les choses changent.
Monsieur le rapporteur général et de majorité, vous suiviez un peu les prestations que le Conseil d'Etat a mises en place depuis dix ans, eh bien, vous verriez qu'elles ont augmenté. C'est dommage que personne ne fasse le calcul, non seulement en francs constants et en fonction de la population, mais aussi en fonction des prestations mises en place dans ce canton. Alors, on verrait, Monsieur Catelain, que cette fonction publique ne coûte pas si cher que cela ! Si ces prestations devaient être fournies par le privé, elles nous coûteraient bien plus cher et les charges seraient beaucoup plus importantes. Vous le verrez: avec les coupes que vous avez effectuées - et que nous combattrons par des amendements - il faudra, si nos amendements sont rejetés, faire réaliser ces travaux par des entités privées, et l'on sait déjà qu'elles coûtent beaucoup plus cher. (Exclamations de M. Pierre Froidevaux.)Et les prestations que vous offrez au canton, Monsieur, on les connaît, et l'on sait qu'elles coûtent beaucoup plus cher que les prestations publiques ! M. Unger pourrait peut-être dire quelques mots là-dessus.
Pour ces raisons-là, nous trouvons assez scandaleux que l'on s'en prenne de nouveau à la fonction publique, alors que pour 21 millions le Conseil d'Etat s'empêche d'entrer en dialogue, notamment avec l'Alternative. En ce qui nous concerne, Mesdames et Messieurs, nous refuserons l'entrée en matière.
Je reviendrai sur le prochain projet de loi pour commenter certains chiffres que le rapport de majorité nous a balancés hier dans la figure ! (Applaudissements.)
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
M. David Hiler (Ve). Au cours des années 1990, notre cité a connu une crise extrêmement grave. La première, en réalité, qu'elle connaissait depuis la Deuxième Guerre mondiale. L'économie a eu un recul important. A ce moment-là, il a fallu prendre un certain nombre de mesures d'urgence, parmi lesquelles demander à la fonction publique de renoncer à une partie de son pouvoir d'achat: 12% si l'on s'en tient à l'indexation - 13%, comme l'a rappelé M. Mouhanna, si l'on ajoute le transfert de l'assurance accident non-professionnel. Il était légitime dans les années 1990 - et les Verts l'on dit ici à plusieurs reprises - de demander ce sacrifice, sans lequel en réalité nous ne serions jamais revenus à l'équilibre comme nous l'avons fait en 1999. Le gros de l'assainissement des finances s'est effectué sur les salaires de la fonction publique et peu de mesures structurelles ont été prises à cette époque.
Nous prétendons qu'aujourd'hui nous sommes dans une situation doublement différente. D'abord, la crise a été fulgurante, il est vrai, mais, semble-t-il, de courte durée. Les horlogers de Genève - dont on sait l'importance, relativement à l'impôt sur les sociétés - annoncent des bénéfices pour 2003; les banques annoncent également des bénéfices substantiels pour 2003. Il n'y a donc pas lieu, pour cette première raison, de prendre des mesures d'urgence.
Il y a une autre raison, qui est très importante, c'est qu'on ne peut pas toujours faire passer les mêmes à la caisse. Nous devons dire aux personnes qui veulent s'engager à l'Etat, à celles qui y travaillent, que nous reconnaissons la difficulté d'une série de fonctions et que nous n'allons pas faire d'arbitrage au moyen des salaires ! Comme l'a dit avec bon sens M. Catelain, si les recettes ne suffisent pas à couvrir les dépenses de l'Etat, c'est au niveau de la précision des tâches et de leur limitation qu'il faut agir. On ne peut pas, année après année, simplement dire aux gens qu'il vont perdre 1% de leur pouvoir d'achat chaque année.
Ce qui m'a vraiment choqué, c'est de penser que ces 20 millions ont été pris par le Conseil d'Etat avant même de puiser dans les réserves du fonds d'équipement. Dans un cas on n'embête personne, et dans l'autre on dit à des gens que ça va recommencer comme dans les années 1990... Ces gens, sur le terrain, font de leur mieux et ne sont pas responsables des erreurs que le Conseil d'Etat ou le Grand Conseil a pu faire ces dernières années. On dit à ces gens : «Vous allez repasser pour un tour !»
J'en veux pour preuve - et ce sera le deuxième débat - que la question de la suppression de l'indexation semestrielle n'est pas problématique sur le principe. Cette proposition est extrêmement mal prise, parce qu'on n'a jamais dit une chose simple aux gens: c'est qu'ils auront l'indexation annuelle. L'indexation de novembre à novembre, les employés l'auront en 2005. C'est un mécanisme qu'on enlève aujourd'hui. Les 20 millions ne résolvent aucun problème, et je crois que M. Weiss sera d'accord. C'est un expédient, qui plus est un expédient de mauvais goût, parce que ce qu'il suscite est certainement beaucoup plus grave que l'économie qu'il permet.
Evidemment, le Conseil d'Etat peut se frotter les mains en disant qu'il a économisé 20 millions et des heures de grève... Je peux comprendre ce genre de logique, mais je crois vraiment que nous avons besoin aujourd'hui d'un engagement du Conseil d'Etat, de ce Conseil d'Etat, indiquant clairement qu'il n'a pas l'intention de poursuivre dans cette voie. Il a dû aller vite parce que les chiffres de 2003 l'ont surpris, mais nous aimerions l'entendre ! Pour le moment, ce que nous avons entendu, c'est: «Pour 2004, nous ne négocierons pas ! Pour 2005, on verra !» M. Cramer le fait très bien... Mais nous aimerions entendre quelque chose d'un peu différent, maintenant. En toute amitié.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je vais revenir sur deux interventions, celle de M. Velasco d'abord. Je suis heureux d'apprendre que celui-ci souhaite que la rémunération de la fonction publique se calque sur celle du privé. Je pense donc que vous allez soutenir le projet de l'Entente en commission ad hoc.
M. Hiler, quant à lui, a raison en partie sur un point. Il est vrai que l'assainissement des finances de l'Etat est dû en partie aux efforts de la fonction publique. C'est vrai, on ne peut pas le nier, mais je rappelle aussi que cet assainissement est dû, pour une bonne moitié, à une augmentation des recettes. Lorsqu'on observe la courbe de l'augmentation des recettes durant cette période, on peut constater que les recettes ont participé à cet assainissement.
En revanche, Monsieur Velasco, l'effort budgétaire demandé à la fonction publique pour 2004 s'élève à 21 millions. D'accord, c'est un sacrifice, mais je vous rappelle que, dans le rapport sur les comptes 2002 de l'Etat de Genève, il est indiqué que l'augmentation de la masse salariale de la fonction publique s'élève à plus de 7%, soit 200 millions en un an. Comment voulez-vous être crédible en contestant une diminution de la masse salariale de 21 millions d'un côté et en acceptant une hausse de 200 millions de l'autre ? Il faut être sage, on doit accepter ce qui est acceptable. Je l'ai dit: ce n'est pas forcément idéal. J'aurais préféré une réduction du nombre de postes et le maintien des mécanismes salariaux. Je pense qu'effectivement, pour la motivation des collaborateurs de l'Etat, ce n'était pas ce qu'il y avait de mieux. A défaut de mieux, on prend ce qui vient.
Le président. La parole est à M. Spielmann à qui il reste une minute dix pour s'exprimer.
M. Jean Spielmann (AdG). Monsieur le président, pourriez-vous nous épargner ces calculs à chaque intervention d'un député de gauche ? Je pense qu'on a autre chose à faire.
Le président. Je le fais pour l'ensemble des députés.
M. Jean Spielmann. Je prendrai la parole quand j'aurai besoin de la prendre. Si vous souhaitez la guerre sur ce terrain-là, j'y suis prêt, mais je pense vraiment que ce que vous êtes en train de faire n'est pas intelligent.
En ce qui concerne les interventions précédentes et les débats budgétaires, permettez-moi, Mesdames et Messieurs d'en face, de rectifier un certain nombre de vérités que vous essayez d'asséner jusqu'à ce que l'on puisse imaginer qu'elles correspondent à une certaine réalité.
Il est vrai - M. Hiler l'a dit tout à l'heure - que nous avons vécu une grande crise et qu'une bonne partie des réductions de dépenses ont été faites sur le dos des fonctionnaires. Si l'on examine l'évolution du budget de l'Etat et des comptes, en francs constants, on peut faire plusieurs constats. Les dépenses de fonctionnement ont été relativement stables, puisque, entre 1992 et 2003, les dépenses en francs constants par habitant ont passé de 5005 francs à 5017 francs. Donc, en francs constants, le fonctionnement est quasiment stable.
Sur la même période, pour les investissements, on est passé de 594 francs à 607 francs par habitant. Vous trouverez ces chiffres les documents qui nous ont été remis et notamment dans celui concernant le budget 2004.
Il apparaît donc une stabilité des dépenses tant au niveau du fonctionnement qu'à celui de l'investissement. En ce qui concerne, par contre, la fonction publique et le nombre de fonctionnaires durant la même période, ce nombre est passé de 25'200 employés en 1992 à 23'000 aujourd'hui, soit une réduction de 2'200 employés. Comment pouvez-vous nous expliquer ces différences et ces augmentations ? Oui, Monsieur Jeannerat, regardez l'heure, c'est tout ce qu'il a à faire...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Jean Spielmann. Je trouve d'une faiblesse insigne les interventions politiques des bancs qui nous font face... Nous avons un débat politique particulièrement important. Ainsi, il est faux de prétendre que le nombre de fonctionnaires a augmenté. Forcément, à un moment donné, on est allé tellement loin dans les baisses qu'on n'arrivait plus à assumer les tâches essentielles, et il a fallu réengager du personnel. Alors, vous faites partir vos calculs dès ce moment-là pour montrer que cela a augmenté. En fait, ce n'est qu'une correction. Parce que l'élément fondamental que vous oubliez et que vous n'êtes pas capables de gérer, c'est que la population a augmenté de 44000 habitants durant la même période. En d'autres termes, cela signifie quatre villes, puisqu'une ville est une agglomération de 10'000 habitants au moins. Quatre villes en douze ans ! C'est cela qui fait que les tâches augmentent. A partir du moment où nos seules matières premières sont l'enseignement et la culture, il est évident qu'il faut investir dans le domaine de l'enseignement, simplement pour permettre à notre société de poursuivre ses activités.
Ensuite, l'américanisation de la société et la privatisation...
Le président. Veuillez conclure, Monsieur le député !
M. Jean Spielmann. ... L'abandon des fondements mêmes de cette société; la solidarité et une politique favorisant davantage le domaine social, tout cela entraîne des dépenses qui sont aujourd'hui beaucoup plus élevées ! Et dans les secteurs que l'UDC vient toujours mettre en avant ici, celui de la sécurité et celui de la tranquillité de notre société, la politique de la droite a causé des dégâts considérables. Mesdames et Messieurs les députés, depuis cette période dont je parlais, on a supprimé tous les postes de police de quartier, on a réduit la police de proximité, on a réduit les possibilités de sécurité dans ce canton. Il n'y a aucune ville et aucun pays au monde qui a réduit de pareille manière sa sécurité et supprimé autant de postes de gendarmerie !
Le président. Veuillez conclure, Monsieur le député !
M. Jean Spielmann. Alors, quand vous parlez de sécurité, Mesdames et Messieurs, vous parlez d'effectif, et c'est exactement le contraire que vous nous amenez.
Puisqu'il est question de la fonction publique, vous avez effectivement déposé une série de projets de loi. Je vous rends attentifs à un élément essentiel: la modification fondamentale que vous amenez, c'est de passer d'un système de statut de la fonction publique à un système de convention collective. Mesdames et Messieurs, quand vous aurez fait le pas dans cette direction-là, la convention collective vous interdit de modifier quoi que ce soit dans les contrats signés avec les employés engagés. C'est la loi qui tranchera.
Aujourd'hui, vous pouvez renier les contrats que vous avez signés avec les employés, baisser les salaires sans même discuter avec eux; demain, vous ne pourrez plus le faire.
J'appelle le Conseil d'Etat à comprendre cela et à discuter de cette question. On ne pourra pas réformer la fonction publique et améliorer le système sans parler avec les employés de la fonction publique. Or vous êtes, Mesdames et Messieurs, en train de leur tourner le dos, de fermer la porte et de mettre en place un système qui vous empêchera de revenir en arrière. Vous entrez dans un cul-de-sac, vous faites une erreur politique monumentale. Allez-y, faites des conventions collectives ! Cela nous évitera de discuter ici des conditions de salaires, parce que cela ne se fera plus de cette façon-là. Et, dernier élément...
Le président. Veuillez conclure, Monsieur le député. (Commentaires. Brouhaha.)
M. Jean Spielmann. A chaque signature de convention collective vous aurez une bagarre, comme c'est le cas actuellement avec le bâtiment et d'autres secteurs d'activité. Est-ce cela que vous voulez avec l'Etat ? Je pense que c'est une faute politique majeure que vous êtes en train de commettre, mais je ne pense pas que l'on puisse revenir en arrière. C'est à la population de trancher, et la population s'aperçoit aujourd'hui que tout ce dont vous êtes capables, c'est de creuser le déficit et d'augmenter la dette publique. Il est temps de changer cette majorité pour pouvoir faire une autre politique: celle qui doit être conduite sur le terrain social. (Applaudissements.)
Le président. Une précision, Mesdames et Messieurs les députés: le Bureau et les chefs de groupe ont décidé d'octroyer cinq minutes par groupe sur ces projets de lois. Si le temps est annoncé - il l'est pour tous les groupes, de gauche ou de droite - c'est pour veiller au respect de ce qui a été défini. Et je souhaite que chacun respecte ce qui a été défini par le Bureau et les chefs de groupe.
M. Alberto Velasco (S). Monsieur Catelain, vous me faites dire des choses que je n'ai pas dites. Je n'ai pas dit qu'il fallait se calquer sur le privé. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que dans le privé, Monsieur, quand on engage un cadre, on l'engage et on le paie en fonction de sa formation, de ce qu'il sait faire et de ce qu'il doit faire. Je n'ai pas dit qu'il fallait engager le personnel au salaire des femmes qui travaillent, par exemple à la Placette, pour 2500 ou 3000 francs par mois. Je n'ai pas dit cela, Monsieur Catelain ! Je ne souhaite pas que cela arrive et j'espère que vous ne désirez pas cela non plus.
S'agissant des charges salariales, Monsieur Catelain, c'est vrai qu'elles ont augmenté de 7%. Cependant, il faut toujours relativiser les chiffres. Il faut les relativiser d'abord à l'égard de l'augmentation de la population; il faut les relativiser à l'augmentation des postes; enfin, il faut comprendre pourquoi il y a eu une augmentation des postes dans la fonction publique.
Si vous regardez les chiffres, vous comprendrez que les charges des dépenses sociales ont explosé durant les deux dernières années. Si vous lisez le rapport de l'Hospice général, vous verrez que le nombre de personnes, dans ce canton, qui n'arrivent pas à finir le mois et qui doivent s'adresser à l'Hospice général pour boucler leur budget, est en augmentation. Ce sont des charges sociales pour le canton, ce sont des charges qui influent directement sur le nombre de fonctionnaires et d'employés qui doivent faire face à cette situation. Quand on voit les augmentations des chiffres, Monsieur Catelain, il faut les relativiser et les expliquer. Cela prend alors tout son sens.
M. Pierre Kunz (R). Je ne serai pas long du tout. J'aimerais répondre à M. Spielmann et à M. Velasco en leur disant que les chiffres qu'ils nous balancent, on les connaît. Il y a dix ans qu'ils nous balancent les mêmes chiffres, ils devraient peut-être les réviser de temps en temps.
J'aimerais simplement dire à M. Spielmann que la réalité n'est pas du tout celle qu'il nous a décrite. La réalité, c'est que, entre 1992 et 2003, le budget de l'Etat a augmenté de 2 milliards, ce qui représente à peu près 40%. Pendant ces dix ans, la population a augmenté de 10% et l'inflation a été inférieure à 10%.
Quant à M. Hiler, il devrait peut-être prendre contact avec son collègue Ber... Comment s'appelle-t-il déjà ?
Une voix. Brélaz !
M. Pierre Kunz. Merci ! Monsieur Hiler, prenez contact avec M. Brélaz à Lausanne !
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Hier, le Conseil d'Etat s'est peut-être senti peu appuyé par ce parlement et par sa droite. Qu'il sache aujourd'hui qu'il a son appui total dans les mesures qu'il prend, avec peut-être une réserve. Comme l'a dit M. Hiler, il est préférable de prendre des mesures structurelles plutôt que des mesures d'ordre conjoncturel. De cela, nous pourrons discuter plus tard.
Ce qui est certain, c'est que les 20 ou 21 millions qui sont en cause aujourd'hui représentent environ 70 postes. Si, dans les dernières années, et notamment au cours de la dernière législature, il n'y avait pas eu - avec l'ampleur que nous avons connue - de hausses des effectifs de la fonction publique, les mesures proposées aujourd'hui seraient inutiles. Cela, je crois, doit être clairement dit !
Dans cette question des coûts de personnel, M. Catelain a raison lorsqu'il rappelle ce qu'il en est pour le petit Etat. Il faut cependant prendre en considération l'ensemble de l'Etat, y compris les institutions subventionnées. On verra alors que les coûts de personnel ne représentent pas 50% du total du budget de l'Etat, mais qu'ils sont probablement beaucoup plus proches de 70%. En d'autres termes, il faut ajouter un bon milliard aux trois milliards qu'il a indiqués.
Enfin, M. Pagani a affirmé tout à l'heure que les augmentations étaient diminuées, voire arrêtées dans certains cas. Il convient d'être plus précis. En ce qui concerne la prime de fidélité, contrairement à ce que certains ont prétendu, elle n'est pas diminuée de moitié; c'est son augmentation qui est diminuée de moitié.
Ce qui est en cause dans cette affaire, ce sont les automatismes. S'il y avait précisément un statut du personnel plus flexible avec des possibilités individualisées, alors les augmentations seraient possibles dans certains cas. Avec le statut que nous connaissons aujourd'hui, elles sont empêchées pour tout le monde, notamment pour ceux qui s'engagent beaucoup pour le fonctionnement de cet Etat.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Quand j'entends les différents représentants des groupes de droite, je me dis de deux choses l'une: soit ils ne sont pas sincères, soit ils ne connaissent rien aux chiffres qu'ils ont sous les yeux. Il n'y a que des mensonges dans ce que j'ai entendu jusqu'ici.
Je commence par M. Kunz qui dit que l'inflation a augmenté de moins de 10%. Monsieur Kunz, l'indice genevois des prix à la consommation, je l'ai ici, je vous en donne un exemple : en 1991, l'indice est de 129 points; en 2003, il est de 158 points, soit à peu près 30 points de plus en treize ans. Vous divisez 30 par 129 et vous obtenez entre 20 et 25%. Vous dites n'importe quoi, Monsieur ! Vous balancez n'importe quel chiffre et vous voudriez encore qu'on vous croie... Dès que vous êtes confronté aux chiffres, Monsieur, évidemment, vous ne savez plus quoi dire, parce que vous savez que vous mentez !
Quant à M. Catelain, qui prétend que la masse salariale a augmenté, il fait l'amalgame entre ce qu'on appelle masse salariale et salaire, et c'est là encore un mensonge éhonté. J'ai ici les décisions du Conseil d'Etat depuis 1991. De 1991 à 1993, les mécanismes salariaux ont été payés. Après, que s'est-il passé ? 1993: blocage des annuités et 0% d'indexation. 1994: annuités, mais 1% d'indexation. 1995: pas d'annuités. 1997: pas d'annuités. 1999: versement décalé. 2000: versement décalé. 2001: versement décalé. La prime de fidélité, c'est pareil ! Je prends l'indexation: 1% en 1993; 1% en 1994; 1% en 1995; 0% en 1996; 0% en 1998; 0% en 1999; 0,5% en 2000.
Mais qu'est-ce que vous racontez, Messieurs ? Vous allez faire croire aux gens qu'ils ont touché quasiment 5% de salaire en plus chaque année ? Monsieur Catelain, quand vous dites que le personnel hospitalier, soignant et social a été réévalué... eh bien, si les gens sont tant privilégiés, et si vous aviez les qualités pour aller travailler dans le secteur de la santé, vous seriez un privilégié ! Il y a tellement de privilèges dans la fonction publique qu'il y a de nombreux endroits où l'on ne trouve pas de personnel ! On a dégarni les hôpitaux des pays voisins, parce qu'on n'en trouve plus ici. Ils sont tellement privilégiés... (L'orateur est interpellé.)Mais qu'est-ce que vous attendez ? Bien sûr qu'il y a une différence du coût de la vie, entre le niveau de vie suisse et les autres. Vous voulez payer les salaires au prix de ceux du Bengladesh, Monsieur Weiss ! Sauf pour M. le banquier que vous connaissez et dont je ne dirai pas le nom. Alors non, Monsieur Weiss ! Les travailleurs dont parle M. Catelain ont été réévalués parce que, justement, ils accomplissent un certain nombre de tâches et qu'ils ne gagnent pas des millions.
Quant à vous, les uns et les autres, je ne vous ai pas entendus vous offusquer ou vous indigner quand il s'agit de payer des centaines de millions pour les ardoises laissées par des spéculateurs de toutes sortes ! C'est pourtant ce qu'a laissé à l'Etat la gestion calamiteuse de la Banque cantonale. Un seul spéculateur laisse une ardoise de plus de 540 millions - une fois et demi, voire deux fois le déficit que vous voulez atteindre ! - et vous ne vous êtes pas offusqués, vous ne vous êtes pas indignés, Mesdames et Messieurs !
M. Catelain trouve qu'il y a trop de fonctionnaires... C'est-à-dire trop d'enseignants. (Remarque.)Il faut plus d'élèves, donc moins de qualité ! Il estime qu'il y a trop de personnel soignant... donc, les gens qui ont recours à l'hôpital subiront les conséquences du manque de personnel. Ils sont trop payés; ils sont trop... Mais, finalement, il roule pour ce Monsieur ? Je n'arrive pas à savoir ! (L'orateur est interpellé.)
Quand il parle, on dirait que M. Catelain trouve que la seule personne au monde qui mérite son salaire, sa place et son poste, c'est lui-même ! C'est ainsi que ça se passe dans ce Grand Conseil.
Il y a une chose que nous n'accepterons pas, à l'Alliance de gauche, c'est que l'on continue de s'attaquer aux salariés, aux travailleurs, et qu'on ne s'en prenne pas, précisément, à ceux qui contribuent à cette crise économique: ceux qui licencient alors qu'ils engrangent des millions et des milliards ! C'est inadmissible, et la fonction publique n'est rien d'autre pour vous qu'un adversaire, un ennemi. Parce que ce que vous faites subir à la fonction publique, vous voulez le faire subir doublement ou triplement aux travailleurs du secteur privé. Vous voulez vous en prendre à la population et aux prestations, parce que les riches, selon vous, ne le sont jamais assez et les autres le sont toujours trop ! Cette politique, nous la connaissons, mais vous allez la payer, et nous nous engageons à vous la faire payer !
M. Pierre Kunz (R). Je voudrais simplement faire remarquer à mon très honorable collègue Mouhanna, professeur de mathématiques emporté ce matin par sa fougue, qu'il confond les pourcents d'inflation avec les points d'inflation. (Brouhaha. Rires.)
Une voix. Arrête ! Ce n'est pas vrai !
M. Pierre Kunz. Quoi qu'il en soit, j'ai bien parlé de la période de 1992 à 2003.
M. Souhail Mouhanna. Vous ne savez rien, Monsieur Kunz !
M. Pierre Kunz. Ah, je ne sais rien... Comme je vous disais l'autre jour, je ne sais rien, mais j'en parle d'autant plus à mon aise. (Brouhaha. Exclamations.)
Le président. Messieurs, calmons-nous un peu ! Monsieur Mouhanna, je vais vous laisser répondre, mais essayons de faire en sorte que les débats se déroulent dans de bonnes conditions.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Monsieur Kunz prétend que je confonds les points et les pourcents. Monsieur, j'ai ici l'indice suisse. Demandez à qui vous voulez parmi ceux qui savent de quoi ils parlent. 1991: 129 points; 2003: 158 points. Je n'ai pas dit qu'il y avait 30% de différence. J'ai divisé 158 par 129. Faites la division et vous verrez que j'ai raison ! C'est vous qui ne savez pas de quoi vous parlez. Voilà !
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Je crois que les débats vont se dérouler beaucoup plus sereinement. Je voudrais féliciter M. Mouhanna d'avoir fait référence à l'indice suisse. Je pense que le Conseil d'Etat devrait utiliser l'indice suisse plutôt que l'indice genevois des prix à la consommation.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Le Conseil d'Etat prend la parole sur les deux projets de lois, de façon à permettre au débat de se dérouler sereinement ensuite. Le Conseil d'Etat tient d'abord à rappeler en préambule que depuis le début des années 1990 les collaboratrices et collaborateurs de l'Etat ont été mis à contribution en termes d'efforts dans le rétablissement des finances publiques, chacun peut le constater - cela a été dit par les uns et cela doit être reconnu par tous.
Ces mesures ont été prises à l'époque dans une situation qui était extrêmement tendue sur le plan financier et qui a duré extrêmement longtemps. Le Conseil d'Etat de l'époque, tout comme celui d'aujourd'hui, d'ailleurs, a toujours choisi de ne pas «licencier» - j'insiste sur ce terme, parce que ce choix est toujours le sien aujourd'hui. Le Conseil d'Etat l'a dit à différentes reprises: il a toujours voulu éviter le licenciement.
Celles et ceux qui observent les collectivités publiques constateront que ce n'est pas toujours la norme ailleurs. Parfois, il y a des choix bien plus contraignants qui conduisent à des effets beaucoup plus importants à l'égard de celles et de ceux qui ont un emploi aujourd'hui.
J'aimerais souligner un autre élément, non pas pour vous mettre tous d'accord, mais pour, au moins, vous mettre tous à jour. J'espère que cela évitera aussi à M. Mouhanna des ennuis de santé inutiles, que je ne souhaiterais en aucun cas déclencher. Le Conseil d'Etat a calculé en pourcentage d'indexation l'effort réalisé par les collaboratrices et collaborateurs durant ces années-là. Compte tenu du fait que des indexations de rattrapage ont été versées ces dernières années pour un montant équivalent à 2%, le différentiel constaté par les services de l'Etat atteint 9,175% - vous n'aurez donc pas, les uns et les autres, à vous lancer des chiffres à la tête ! Ce n'est d'ailleurs pas là le plus important.
Aujourd'hui, le Conseil d'Etat doit élaborer un second budget 2004. Il doit élaborer un plan financier quadriennal qui amène un retour à l'équilibre, nécessaire aussi bien pour la stabilité des conditions de travail des uns et des autres que pour la stabilité économique et sociale du canton. En début d'année, le Conseil d'Etat a donc dû faire le choix de quelques mesures; celles-ci ne remettent en cause ni le mécanisme des primes de fidélité, ni le mécanisme d'annuités dans leur application. En revanche, le Conseil d'Etat a décidé, c'est vrai, de décaler la progression de la prime de fidélité et de l'annuité. Les mécanismes ordinaires de progression des salaires sont maintenus de ce fait-là.
Compte tenu du temps à disposition, on peut se demander s'il aurait été préférable - mais plus hypocrite - de se lancer dans une négociation préliminaire sans choix plutôt que de prendre une décision que l'on assume, ce que le Conseil d'Etat a décidé de faire.
Alors, il est important de se souvenir qu'on demande un effort en terme salarial, dans le sens monétaire du terme, de réception de la moitié plutôt que de l'entier de ce qui est dû; mais, en terme de progression, le mécanisme est reconnu et intégré au salaire. Le Conseil d'Etat estime que le jour où une politique salariale devra être débattue, elle devra l'être dans un tout autre contexte, et certainement pas dans le contexte de l'urgence budgétaire.
En ce qui concerne le remplacement de l'indexation semestrielle par une indexation annuelle, j'aimerais rappeler que, de tout temps, le législateur a prévu que le Conseil d'Etat peut définir un plafond différent de celui fixé par la répercussion mécanique de l'indice lui-même. Et pour cause: nous avons connu des périodes de grandes difficultés, y compris en terme d'inflation.
Le Conseil d'Etat a souhaité introduire - c'est la véritable modification actuelle - une indexation annuelle plutôt qu'une indexation semestrielle. Il y a deux raisons à cette mesure. Tout d'abord, il lui a semblé équitable, dans le système actuel, de toucher un endroit tout différent de que ce que nous connaissons ailleurs. En effet, notre canton est le seul en Suisse à pratiquer l'indexation semestrielle. Et nous sommes probablement un des seuls Etats - en dehors de ceux où l'inflation est incontrôlable et progresse chaque mois - à pratiquer de la sorte.
Je rappelle aussi que l'allocation de vie chère est maintenue. Elle ne fait pas progresser les salaires, mais elle est versée chaque mois en supplément des salaires considérés comme les plus faibles, c'est-à-dire ceux inférieurs à la classe 13 annuité 2. Cela signifie qu'il y a toujours le bonus social voté dans les années 1990 et que la prise en compte, mois par mois, des inconvénients de la progression de l'indice est appliquée pour tous les salaires concernés - cela doit être dit dans ce débat. Ce n'est pas avec plaisir que le Conseil d'Etat est intervenu dans ces mécanismes sans pouvoir négocier; il ne les a pas remis en cause, il en a modifié l'application.
Je tiens à ajouter que depuis plusieurs semaines nous avons non seulement rencontré les associations du personnel, mais que nous avons aussi réalisé des efforts en matière de calendrier de travail - la dernière rencontre date de la semaine passée. Le Conseil d'Etat l'a dit: il souhaite pouvoir négocier dans le cadre du budget 2005.
Mesdames et Messieurs les députés, la fonction publique, nos collaboratrices et collaborateurs, ne doivent pas devenir - je l'ai déjà relevé dans cette enceinte - l'enjeu politique des uns et des autres ! Plus l'année avancera, plus les élections s'approcheront, et plus cette déontologie devra être respectée. Et ce n'est pas parce que nous devons prendre des mesures difficiles que ceci doit servir de fanion. Ni aux uns, ni aux autres.
Nos collaboratrices et collaborateurs vont de toute façon être sollicités pour la mise en place de l'évaluation des prestations, pour l'identification des indicateurs, pour tout le travail de fond qui va commencer maintenant. Nous souhaitons qu'ils puissent l'effectuer dans les meilleures conditions possibles, avec sérénité et, au moins sur le principe, avec un appui de l'ensemble de ce parlement.
C'est vrai que tout ceci se réalise dans un contexte difficile, mais le Conseil d'Etat est persuadé qu'il est possible, malgré les conditions pénibles, de le faire avec sérénité. Pour cela, il faut aussi que le parlement fasse sa part, qui n'est pas dans les discours politiques, mais dans la tenue de chacun vis-à-vis de la fonction publique.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 47 oui contre 39 non.
Suite des débats: Session 10 (juin 2004) - Séance 59 du 26.06.2004