Séance du jeudi 13 mai 2004 à 20h30
55e législature - 3e année - 8e session - 41e séance

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Pascal Pétroz, président.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Micheline Spoerri, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat et Laurent Moutinot, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Bernard Annen, Jeannine de Haller, Roger Deneys, Jacques Follonier, Philippe Glatz, Jacques Jeannerat, Georges Letellier, Alain-Dominique Mauris, André Reymond, Pierre Schifferli, Patrick Schmied, Louis Serex et Salika Wenger, députés.

E 1266-A
Prestation de serment de M. HEIMO Patrick, élu Juge assesseur au Tribunal des baux et loyers (choisis parmi les milieux immobiliers) (Entrée en fonction immédiate)

Le président. M. Patrick Heimo est assermenté. (Applaudissements.)

Correspondance

Le président. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.

Courrier de la commission des droits de l'Homme du Grand Conseil concernant son voyage au Gabon et nous informant qu'un rapport suivra à ce sujet ( C 1802)

Courrier de l'Association des étudiantEs HES en design céramique et objets de la Haute Ecole d'Arts Apliqués de Genève concernant la décision de fermeture définitive de l'orientation HES design céramique et objets ( C 1803)

Résolution du Cartel Intersyndical du personnel de l'Etat et du Secteur subventionné concernant le projet de budget 2004 et des annonces de préavis de grève ( C 1804)

Communiqué de presse de l'Association RHINO concernant le projet de vente de l'immeuble occupé depuis plus de 15 ans par des familles ( C 1805)

Annonces et dépôts

Le président. Je vous informe que la pétition suivante est parvenue à la présidence:

Pétition pour la sauvegarde d'un troupeau de chèvres ( P-1481)

Cette pétition est renvoyée à la commission des pétitions.

Interpellations urgentes écrites

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez trouvé sur vos places les interpellations urgentes écrites suivantes:

Interpellation urgente écrite de M. Mark Muller : Que produisent et que coûtent les Fondations HBM ? ( IUE 91)

Interpellation urgente écrite de M. Antonio Hodgers : E-voting : hacking durant la phase test ( IUE 92)

Interpellation urgente écrite de M. Pierre Weiss : Le Cartel, combien de divisions ? ( IUE 93)

Interpellation urgente écrite de Mme Françoise Schenk-Gottret : Asile : aide d'urgence après une non- entrée en matière ( IUE 94)

Interpellation urgente écrite de Mme Françoise Schenk-Gottret : Interdiction de travailler pour certains requérants d'asile : changement de pratique ? ( IUE 95)

Interpellation urgente écrite de M. Luc Barthassat : Restoroute de Bardonnex: où en est-on presque 9 mois après l'adoption de la motion 1470 ? ( IUE 96)

Interpellation urgente écrite de M. Alain Charbonnier : Evasion et condition de détention de mineurs ( IUE 97)

Interpellation urgente écrite de Mme Salika Wenger : Combien d'externalisations dans les services de l'Etat ? ( IUE 98)

IUE 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98

Le président. Conformément à l'article 162D de notre règlement, le Conseil d'Etat, respectivement le conseiller d'Etat interpellé, répondra par écrit lors de la session suivante, à savoir celle de juin.

Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours normal de notre ordre du jour, ou plus précisément les urgences que nous avons votées à 17h, et nous en revenons à notre débat sur la résolution 487, point 101 de notre ordre du jour.

R 487
Proposition de résolution de Mmes et MM. Gabriel Barrillier, Mark Muller, Pierre Weiss, Patrick Schmied, Jacques Jeannerat, Hugues Hiltpold, Renaud Gautier, Stéphanie Ruegsegger, Jacques Baudit, Pierre-Louis Portier, Janine Hagmann, Pierre Kunz, Bernard Annen, Florian Barro pour la constitution d'une commission ad hoc sur le personnel de l'Etat

Suite du débat

M. Souhail Mouhanna (AdG). Nous discutons d'une proposition visant à créer une commission ad hocpour discuter de l'abolition du statut de la fonction publique. Pour présenter cette proposition, M. Muller, avec beaucoup de cynisme et d'aplomb, a prétendu que cette abolition du statut de la fonction publique devait se faire, pour le bien du personnel.

Le même M. Muller a fait des déclarations à la presse disant que le cartel intersyndical n'est pas un interlocuteur crédible.

M. Mark Muller. C'est vrai.

M. Souhail Mouhanna. Eh bien, vous avez votre opinion, mais je crois que vous avez atteint un degré inouï de mépris pour les milliers de gens qui sont descendus dans la rue. D'ailleurs, il y avait dans la rue un nombre de personnes qui représente à peu près la moyenne de la participation aux votations. Mais le mépris que vous avez pour les travailleurs, qu'ils soient dans le public ou dans le privé, vous empêche de voir que votre propre crédibilité aux yeux d'une immense majorité de la fonction publique est proche du zéro absolu, au sens thermodynamique du terme...

Maintenant, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, vous avez prétendu que la situation de l'Etat de Genève était dramatique, que la dette avait explosé, qu'il était temps de mettre de l'ordre, etc. C'est véritablement les pyromanes qui jouent aux pompiers !

Voyons un peu la situation. Comment en est-on arrivé là, Mesdames et Messieurs ? Comme vous le savez, la droite est majoritaire depuis la guerre. Il n'y a eu qu'un seul épisode de quatre ans où vous étiez minoritaires. Nous avons même connu une période monocolore où les sept conseillers d'Etat étaient issus de vos rangs et où vous aviez une très confortable majorité au Grand Conseil.

Qu'est-ce que vous avez fait pendant ce temps-là, Mesdames et Messieurs les représentants de la droite ? Eh bien, de 1991 à 1998, vous avez accumulé près de 4 milliards de dettes, avec une moyenne annuelle de 450 millions de déficit ! Pendant la même période, vous avez prétendu chaque fois que le seul moyen de résorber le déficit consistait à s'en prendre à la fonction publique.

En dix ans, les mécanismes salariaux de la fonction publique ont été respectés une seule fois. Cela vous ne le dites pas. Pendant la même période, vous avez tous reçu, dans les documents du département des finances, la situation au niveau des postes à l'Etat. Entre 1991 et aujourd'hui, il y a plus de 1000 postes en moins, tous secteurs confondus, pour 70 000 habitants en plus.

M. Christian Luscher. Et les établissements autonomes ?

M. Souhail Mouhanna. Ils sont compris dans ces chiffres, Monsieur ! Les mensonges que vous alignez du matin au soir ne trompent plus personne, rassurez-vous !

Qui est responsable de cette dette ? Eh bien c'est vous ! Qui est responsable des déficit ? C'est encore vous, Mesdames et Messieurs !

En plus, ce que vous oubliez de dire, Mesdames et Messieurs, c'est que, dans la dette que nous avons, il y a près d'un milliard qui est dû à la Banque cantonale. Vous ne vous êtes pas indignés quand, par exemple, un seul promoteur et deux spéculateurs laissent des ardoises de l'ordre du milliard. Vous ne vous êtes pas indignés quand un seul promoteur a laissé un trou de 534 millions, comme l'a écrit la «Tribune de Genève» l'autre jour. 534 millions dont une partie va à la Banque cantonale à la charge des citoyennes et des citoyens; dont une partie va aux banques UBS et Crédit Suisse qui suppriment des milliers d'emplois et qui réalisent en même temps des milliards de bénéfice, ces banques qui transfèrent aux collectivités publiques le coût social et financier des dégâts sociaux et qui demandent aussi à ces collectivités publiques de réduire leurs dépenses.

Naturellement, pour vous, faire le bien de la fonction publique et de la population, qu'est-ce que c'est ? C'est supprimer des postes dans le secteur de la santé par exemple. C'est donc pour le bien du personnel soignant qu'on supprime les postes... Et c'est pour le bien des malades que vous aggravez les conditions de travail du personnel soignant... C'est pour le bien des élèves que vous vous attaquez aussi aux conditions de travail des enseignants ! C'est pour le bien de la population que vous vous attaquez aux conditions de travail des policiers !

Ce que vous voulez, Mesdames et Messieurs, M. Catelain l'a dit, c'est véritablement un Etat policier. Parce que votre projet de loi n'est pas tout seul. J'ai ici une vingtaine de projets de loi que vous avez déposés; des textes de toutes sortes... Beaucoup d'entre eux prévoient des baisses d'impôts. Vous avez également voté ici un certain nombre de lois qui ont pour seul objectif d'empêcher le débat démocratique, de bâillonner l'opposition, de réduire le temps de parole, de supprimer le débat de préconsultation.

Finalement, ce que vous voulez de ce côté-là, c'est véritablement empêcher que la population soit au courant de vos manoeuvres et de vos projets qui visent essentiellement le démantèlement de l'Etat social.

Vous avez aussi déposé un projet de loi pour réduire le droit de manifester, le droit des citoyennes et des citoyens de s'exprimer. La manifestation est un moyen comme beaucoup d'autres, un moyen démocratique de s'exprimer. Cela, évidemment, vous voulez également le supprimer.

En même temps, vous voulez transformer la police genevoise en un instrument de répression. Vous voulez, Mesdames et Messieurs, une police qui soit au service de votre politique à vous, et non pas une police citoyenne et républicaine comme nous la voulons !

Ce que vous êtes en train de vouloir faire ne trompe personne ! Vous prétendez vouloir réduire le déficit et la dette, mais vous n'arrêtez pas de creuser des siphons qui débitent le récipient des caisses des collectivités publiques beaucoup plus vite que les robinets ne le remplissent. Les cadeaux fiscaux que vous avez fait, ce sont des cadeaux que la population paie extrêmement cher !

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député. Vous en êtes à sept minutes.

M. Souhail Mouhanna. Voyez, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez limité le droit de parole et j'en subis les conséquences...

Ce que vous croyez pouvoir faire, Mesdames et Messieurs, tout simplement, c'est mater la fonction publique. Mater les enseignants et les autres fonctionnaires, tous les travailleurs dont le travail, Mesdames et Messieurs, n'est pas moins honorable que le vôtre !

Certains d'entre vous n'hésitent pas à dire qu'il faudra apprendre à faire plus avec moins. Eh bien, nous essayerons aussi de faire en sorte qu'il y ait moins de profit pour les gens que vous défendez, c'est-à-dire ceux qui en ont le moins besoin, ceux qui sont de plus en plus riches au détriment de l'ensemble de la population. Vous croyez, Mesdames et Messieurs, pouvoir aller beaucoup plus loin que ce que d'autres ont fait dans d'autres cantons et d'autres pays. Eh bien, vous vous trompez parce que la population finira bien par faire le lien entre le bulletin de vote et les dégâts de votre politique. La fonction publique vous répondra comme il le faut.

Monsieur Catelain, vous avez affiché votre mépris pour les syndicats, eh bien, les syndicats, Monsieur, sont à l'origine des acquis sociaux dont vous bénéficiez vous-même et bien d'autres. Les syndicats seront au rendez-vous et vous verrez que la population aussi. Un nouveau palier dans la résistance sera d'ailleurs franchi ce week-end, et vous allez l'apprendre à vos dépens. Nous sommes persuadés que la population finira par vous renvoyer, au moins le temps qu'il faut pour que vous puissiez vous refaire une conscience sociale et républicaine. (Applaudissements.)

Le président. Monsieur le député, vous avez affirmé tout à l'heure être brimé par la limitation du temps de parole. Permettez-moi de vous dire que vous avez parlé 8,55 minutes. J'ai donc été... souple !

Mme Michèle Künzler (Ve). Je vais revenir à des choses très basiques. C'est peut-être parce que je suis la seule femme qui va s'exprimer à ce sujet...

Je voulais parler simplement d'une question d'horaire et rappeler peut-être aux auteurs de la résolution un principe de réalité. Nous avons plus de vingt commissions permanentes que vous avez déjà de la peine à occuper, et vous voulez créer encore une commission supplémentaire parce qu'aux finances cela n'avancera pas assez vite... Pourquoi cela n'avance-t-il pas assez vite ? Parce que vous n'avez pas voulu examiner le budget en son temps ! Si vous l'aviez fait, nous aurions pu avoir un espace pour étudier, normalement, dans une commission existante, vos projets de loi, Mesdames et Messieurs !

Vous n'avez pas, non plus, voulu changer le fonctionnement de ce Grand Conseil en instituant d'autres horaires qui permettraient à tous de participer... C'est une réelle fuite en avant !

C'est à un tel détail qu'on voit exactement comment vous fonctionnez, Mesdames et Messieurs ! Vous lancez des grands projets dont vous dites qu'ils sont urgents, vous voulez tout régler tout de suite, et, en réalité, vous vous dégonflez toujours parce que vous n'êtes même pas capables de suivre les travaux d'une commission pendant une année sur ce sujet, qui est primordial !

Ce qui importe maintenant pour la population, c'est de rétablir la confiance et la stabilité. C'est de cela qu'on a besoin, pas de l'agitation perpétuelle et de grands slogans vides de sens ! (Applaudissements.)

M. Rémy Pagani (AdG). Je crois que M. Luscher ferait bien de ne pas exagérer dans ses propos, parce qu'on pourrait lui rappeler le trou financier qu'il laisse dans le stade après avoir «passé la patate chaude» à quelqu'un d'autre. (Brouhaha. Applaudissements sur les bancs de l'Alternative.)Ce que je veux dire, Monsieur, c'est que vous feriez mieux d'être humble dans cette discussion parce que vous êtes le prototype de ceux qui ont mis Genève sur la paille... (Commentaires.)Oui, en proposant et en soutenant des projets qui sont des puits sans fond, notamment la Banque cantonale ou d'autres dossiers aussi importants.

Cela étant, Mesdames et Messieurs les députés, je trouve que la situation est relativement cocasse dans la mesure où elle se répète. Nous avons eu affaire à un gouvernement monocolore qui a vidé les caisses par des dépenses somptueuses, on l'a vu... (L'orateur est interpellé.)...somptuaires, vous avez raison, mais somptueuses aussi, puisqu'au passage certains se sont pris quelques menues monnaies. Ce gouvernement monocolore avait au moins l'avantage d'être en lien avec la majorité parlementaire.

Dans le cadre de la politique des caisses vides d'alors, nous avons vu l'Entente crier haro sur la fonction publique. Aujourd'hui, on nous ressert le même plat, la même politique des caisses vides, avec 12% de baisses d'impôts !

Bien évidemment, il fallait s'y attendre, aujourd'hui nous sommes au pied du mur. On nous ressert également l'affaire du gouvernement, mais un peu différemment. Cette majorité qui gouvernait dans les années 1990 s'est complètement disqualifiée vis-à-vis de son propre gouvernement. Elle lui met, si j'ose dire, le fusil dans le dos en lui ordonnant de faire ce qu'elle veut sous peine d'être désavoué. Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, vous avez désavoué deux fois votre propre gouvernement et je m'étonne d'ailleurs que le gouvernement ici présent se comporte de cette manière. Parce qu'une première fois, en décembre, il a été désavoué par sa propre majorité qui lui a renvoyé son projet de budget. Le gouvernement a été désavoué une deuxième fois, le 1er avril - Madame Brunschwig-Graf, vous avez beau sourire, c'est ainsi - en effet, il a proposé un budget que sa propre majorité n'est pas capable de suivre. Vous avez, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, reçu un deuxième camouflet, et je m'étonne que vous restiez aussi stoïques. Si j'étais à votre place, cela me poserait de véritables problèmes politiques. (Exclamations.)

Il y a tout de même une logique, que M. Blanc rappelait d'ailleurs : soit on est avec son gouvernement, soit on se démet parce qu'on y a pas sa place. Le parti radical en a d'ailleurs tiré les conséquences; ou du moins le peuple en a tiré les conséquences pour le parti radical... Je trouve grotesque la situation dans laquelle nous nous trouvons.

On nous propose une commission ad hocqui va discuter de la modification du statut de la fonction publique, ou plutôt de la destruction de ce statut... Prenons un seul exemple, Mesdames et Messieurs les députés, des modifications que vous proposez : le PLEND. Celui-ci a été encore validé comme étant une solution pour faire des économies, pour permettre aux anciens qui ont travaillé longtemps dans la fonction publique de s'échapper, si j'ose dire, et prendre une retraite anticipée bien méritée. Après 35 ans de travail, on peut estimer que cette retraite anticipée est bien méritée ! En contrepartie, l'Etat fait des économies substantielles. Or vous nous dites aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, vouloir faire des économies, et l'une des premières choses que vous tentez de supprimer, c'est le PLEND, qui permet de faire réellement des économies ! Je prends cet exemple-là, mais il y en aurait d'autres.

Comment est-il possible de faire des réformes contre 25 000 personnes, Mesdames et Messieurs. N'importe quel employeur - et j'en côtoie passablement - dans l'économie privée vous dira que le B.A. BA pour faire marcher une entreprise, moyenne, grande ou petite, c'est de consulter le personnel et de faire des réformes avec, non pas l'accord, mais l'assentiment ou la neutralité du personnel. Or aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, vous vous mettez à dos les fonctionnaires et votre propre gouvernement, qui pourrait éventuellement mettre en place une réforme. On se demande laquelle, mais en tous cas une réforme... (L'orateur est interpellé.)Oui, Monsieur Kunz, il l'a fait ! Et j'ai entendu M. Muller dire à la radio qu'il n'y avait jamais eu de réforme. Mais ce n'est pas vrai, Mesdames et Messieurs ! Les trois années probatoires avant la nomination, ce n'est pas une réforme peut-être ? Les évaluations périodiques, ce n'est pas une réforme ? Les améliorations - si j'ose dire - dans la procédure de licenciement, ce n'est pas une réforme, selon vous ? Il faudrait connaître vos dossiers pour parler en conséquence ! Vous pourriez au moins répondre au journaliste qui vous interroge qu'il y a certes eu des réformes, mais que vous n'en êtes pas contents, Monsieur Kunz !

Peut-être que vous n'êtes pas contents de ces réformes, mais il y en a eu. Le statut de la fonction publique a été négocié et réformé quoi que vous en pensiez. Aujourd'hui, vous vous mettez à dos la fonction publique. Bien évidemment, les employés réagissent, comme il se doit dans n'importe quelle entreprise, et cette réforme prendra des dimensions pires que celles de la modification de la loi sur la police !

Prenons l'exemple de la police, justement. Mme Spoerri a négocié un accord avec la police; le Grand Conseil a voulu rediscuter de cet accord; cela nous a pris une année et demi. J'étais à la commission judiciaire et je sais de quoi je parle. Nous, simples députés, quels moyens avons-nous pour négocier un statut d'employé ? C'est pratiquement impossible. Effectivement, au cours de nos travaux, nous avons voté un coup parce que nous estimions qu'il y avait des réformes à faire, ensuite nous nous sommes rendu compte que nous faisons de grâves erreurs, puis nous sommes revenus en arrière. Cela a duré une année et demie. C'est même au niveau de la méthode que votre projet de loi ne convient pas ! Nous n'avons pas les capacités, nous députés, de négocier convenablement.

On ne sait toujours pas, aujourd'hui, combien gagne le corps de police et individuellement un policier. (L'orateur est interpellé.)Ce n'est pas n'importe quoi ! M. Catelain peut le dire : il a posé la question à la dernière séance de commission.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Rémy Pagani. Donnez-nous le chiffre, Monsieur Luscher, si vous le connaissez !

Les seuls qui sont capable de négocier quelque chose en connaissance de cause, c'est le gouvernement, comme d'ailleurs n'importe quel employeur. Non seulement, Mesdames et Messieurs, vous vous affrontez à la fonction publique frontalement - on verra ce que ça donne - mais vous mettez aussi le gouvernement, seul capable de négocier des conditions de travail, hors course depuis le départ !

Je vous souhaite bon courage. Nous ne nous associerons pas à votre démarche parce qu'elle est à rebours du bon sens : on ne fait pas le bonheur des gens contre eux !

Le président. Je salue à la tribune du public la présence de M. Schneider, ancien député, et de M. Lanfranchi, ancien juge au Tribunal administratif. (Applaudissements.)Le fait d'applaudir détend apparemment !

La parole est à M. le député Luscher qui a été mis en cause. (Commentaires.)

M. Christian Luscher (L). Je n'ai pas été mis en cause ? Vous plaisantez ! Je vous remercie de me donner la parole, Monsieur le président.

Une fois de plus, pour cacher le caractère creux de ses discours, M. Pagani a cru utile de s'en prendre à l'un de ses collègues. Il s'en est pris à moi relativement au stade et à la BCGe.

Deux très brèves réponses à ce syndicaliste qui ne pense qu'à flatter son électorat : en ce qui concerne le stade, le crédit a été voté à un moment où la gauche était majoritaire, et c'est grâce à certaines personnes éclairées de ce parlement, parmi lesquelles figure Mme Loly Bolay, que ce stade a pu être érigé. Ce stade fait aujourd'hui la fierté de Genève.

Pour ce qui concerne la Banque cantonale de Genève, j'aimerais rappeler que le conseil d'administration de cette banque était composé de représentants de l'ensemble des fractions politique de ce parlement. Il y avait et il y a toujours parmi les membres du conseil d'administration de la BCGe, ne vous en déplaise, Monsieur Pagani, des membres de l'Alliance de gauche qui, durant les quinze dernières années, ont voté comme l'ensemble des membres de ce conseil d'administration.

Alors, avant de vous en prendre à vos collègues députés et de penser à flatter vos électeurs, vous feriez mieux de vous renseigner un tout petit peu ! (Applaudissement.)

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Nous vivons une crise budgétaire importante, une crise de nos finances cantonales. On sait que, pour résoudre les problèmes financier dans une entreprise comme dans une communauté politique, il faut souvent repenser à la manière de gérer le personnel qui représente généralement le poste le plus important quant au budget. Pour nous, démocrates-chrétiens, il est donc important de proposer quelque chose, d'y réfléchir tous ensemble et ensuite de négocier avec la fonction publique.

Il est indispensable de repenser les rapports employeurs-employés, et c'est ce à quoi nous vous invitons ce soir en vous proposant la création de cette commission.

J'avais surtout pris la parole pour vous parler de l'amendement qui a été déposé sur vos tables, mais j'aimerais tout de même revenir sur une ou deux petites choses, notamment sur ce qu'a dit M. Hiler.

Il nous a dit que ce n'était vraiment pas le moment de faire ce type de proposition. Monsieur Hiler, il y a cinq ans que je siège dans ce parlement, je suivais auparavant les travaux politiques de cette République; j'ai entendu de tout temps dire que ce n'était pas le moment. Ce n'est jamais le moment, semble-t-il. C'est vrai qu'en pleine crise financière nos propositions ont l'effet d'un électrochoc, et la réaction de la fonction publique est quelque part compréhensible. On sait que, dans toute entreprise, dans toute collectivité, lorsqu'on propose des changements, eh bien, ces derniers font peur ! C'est une réaction normale.

Nous sommes profondément navrés que l'on puisse mal interpréter nos propositions. Vous nous accusez, Mesdames et Messieurs, de penser que les enseignants sont des planqués, que les infirmières ne font rien et que nous négligeons les médecins... Il n'y a rien de tout cela dans notre projet !

Cela m'amène à commenter les propos de M. Mouhanna qui dit que nous voulons mater la fonction publique. C'est vraiment extrêmement grave de nous accuser de cela. Il n'y a rien de vrai dans tout cela ! Ce que M. Mouhanna cherche à faire, c'est à apeurer la fonction publique. En cela, il est un obstacle au dialogue... (Applaudissements.)Il est un obstacle à la réforme que nous souhaitons instaurer et qui, nous en sommes certains, sera profitable à tous. Cette résolution se veut simplement le départ d'une réflexion participative qui doit moderniser le fonctionnement de l'Etat.

J'en viens maintenant à l'amendement que nous avons déposé. Comme vous l'avez vu, Mesdames et Messieurs, les démocrates-chrétiens sont signataires de cette résolution, or, lors d'un dernier caucus, nous avons pensé que ce problème était suffisamment grave sur le plan politique et qu'il concernait au premier chef l'ensemble de nos 25 000 employés, mais encore tout le canton. Alors, il faut que notre Grand Conseil s'imprègne véritablement des enjeux que nous allons mettre en discussion, nous l'espérons, dans un moment. Dès lors, il nous semblait important que nous siégions, comme nous avons la coutume de le faire, avec des commissions de quinze personnes.

C'est pour cette raison que nous proposons cet amendement. Nous vous remercions de lui réserver un bon accueil pour le bon fonctionnement et surtout pour la compréhension mutuelle des enjeux dont nous allons discuter.

M. Alberto Velasco (S). Je constate que ce soir nous avons un nouveau concept : la réflexion participative. C'est très intéressant... Participative en quoi ? Cela, c'est ce qu'on verra !

Je trouve le projet de loi intéressant parce que c'est un vrai projet libéral... (Brouhaha.)Et je m'étonne que le PDC l'ait suivi totalement... (Commentaires.)

Quand on étudie les deux projets de loi sur la réforme de l'administration, on mesure là leur intérêt. Qui se situe à deux niveaux - et M. Muller a eu raison de dire tout à l'heure qu'il s'agissait de changer le terme de «fonctionnaire» pour celui de «collaborateur». De la même manière, dans certaines entreprises et à l'Etat, le terme d'«usager» a été changé pour le mot «client». Vous savez, Mesdames et Messieurs, qu'il existe, à l'office cantonal de la population, un «service de la clientèle», de même qu'à l'office cantonal du chômage. Je ne savais pas que les chômeurs étaient des «clients» et qu'il y avait une politique de marché au niveau du chômage. C'est pourtant ainsi : si vous prenez un annuaire, vous trouvez ces services. (Remarque.)Oui, Madame, c'est vrai !

Je pense que c'est le résultat des cours de management que l'on donne aux responsables ou aux cadres de la fonction publique pour les préparer à la réforme que vous nous présentez ici, Mesdames et Messieurs !

C'est un projet d'abord idéologique - M. Weiss sera d'accord. On implante d'abord les mots, puis le concept, et on s'attaque ensuite à la fonction... C'est plus facile ainsi, et c'est ce que vous êtes en train de faire.

Le deuxième aspect, c'est une réforme économique qui s'attaque aux salaires. L'article 5 de votre projet de loi indique chose suivante : «Assurer les prestations à des conditions concurrentielles sur le marché du travail.» Qu'est-ce que ça veut dire ? Parce que je connais des gens qui gagnent 2500 francs sur le marché du travail... Cela veut-il dire que les engagements à l'Etat seront mis en concurrence avec le prix du marché ? Vous nous expliquerez cela en commission, je suppose, mais il y a un problème.

Parlons de la mobilité. Vous dites, Mesdames et Messieurs, que la mobilité doit se faire entre départements, mais aussi avec le secteur privé. Cela signifie que vous confondez le secteur privé avec la fonction publique. C'est vous qui le dites !

A l'article 13 sur les salaires, vous écrivez que le salaire sera dépendant du marché de l'emploi... Au moins vous avez le courage d'être clair ! (L'orateur est interpellé.)On entendra votre intervention après, Monsieur Weiss !

A la limite, une réforme de l'administration pour chercher une certaine efficacité en vue de dégager les synergies potentielles pour de nouvelles prestations, nous pourrions en discuter. Mais ce vous voulez en réalité, c'est baisser la masse salariale de l'Etat ! Vous voulez élaguer cet Etat en l'alignant sur le privé. Ensuite, avec les recettes dégagées, vous viendrez demander une nouvelle baisse d'impôts... C'est cela que vous cherchez !

L'alignement sur le marché implique, pour les enseignants, un horaire de 40 heures d'enseignement, puisque c'est ce qui se pratique dans le privé. Dans certaines situations, il y a un surmenage très important; je connais des écoles privées dont les enseignants sont dans des situations très difficiles pour exercer leur métier. Voilà ce que vous cherchez !

Alors, Monsieur Muller, nous viendrons à votre commission, mais pas pour une réflexion participative, plutôt pour une réflexion combattive. (Applaudissements.)

M. Christian Brunier (S). Soyons clairs, Mesdames et Messieurs, il y a un seul point commun entre vous et nous: c'est que nous sommes aussi favorables à la réforme de l'Etat, mais pas n'importe comment ! Nous sommes favorables à la réforme de l'Etat pour que celui-ci s'adapte aux besoins de la population. La réforme de l'Etat implique un certain nombre d'aspects méthodologiques - j'y reviendrai.

Je crois que nous avons prouvé que nous sommes, par exemple, pour plus d'efficacité de l'Etat envers les citoyennes et les citoyens de ce canton; nous sommes pour plus de mobilité des fonctionnaires à l'intérieur de l'Etat; nous sommes pour plus de transparence, bien entendu. Nous l'avons prouvé dernièrement, ici, lors du débat sur les offices des poursuites et des faillites, à la différence des signataires des projets de lois qui n'avaient pas soutenu nos projets de réforme de l'époque. C'étaient alors des réformes très concrètes et dans un esprit très participatif...

Mesdames et Messieurs de l'Entente, dans un des projets qui serait traité par votre commission ad hoc - un nouvelle lourdeur de l'administration ! - vous écrivez : «Une réforme réussie du statut de la fonction publique exige, nous semble-t-il, l'abandon des approches strictement idéologiques.»

Je vous prends au mot et je vais sortir de l'approche idéologique pour vous parler sur un plan presque professionnel, puisque, vous le savez, une de mes activités est d'accompagner des réformes dans une entreprise, que vous avez d'ailleurs citée en modèle, ce dont je vous remercie.

Mener à bien une réforme est un acte compliqué. Beaucoup de réformes, vous le savez très bien, n'aboutissent d'ailleurs pas ou n'aboutissent que partiellement. Un certain nombre de spécialistes se sont penchés sur la question et qui, pour ne pas les renouveler, ont analysé les échecs des réformes. Ils ont tiré de ces analyses un certain nombre d'actions méthodologiques pour essayer de réussir des réformes. Bien sûr, ces méthodes diffèrent entre elles sur plusieurs points de vue, comme toutes les méthodes. Elles ont cependant un certain nombre de points communs. Ces points communs de réussite des réformes, cités par ces différentes méthodes, eh bien, vous en êtes très éloignés avec vos projets de loi !

Première règle assez élémentaire pour mener à bien une réforme, c'est: mobiliser les collaboratrices et les collaborateurs de l'Etat, puisque qu'il est question de cela. Il ne s'agit pas de les mobiliser dans la rue, comme vous l'avez fait tout à l'heure ! Et il faut lire le bouquin jusqu'au bout ! C'est derrière le projet de réforme, derrière les ambitions de la réforme qu'il faut les mobiliser ! Cela, vous n'êtes pas du tout arrivé à le faire.

Une des clés de cette mobilisation, bien sûr, c'est le partage et l'adhésion aux objectifs de la réforme. Là aussi, quelle négociation avez-vous menée, Mesdames et Messieurs ? Aucune ! Vous n'avez mené aucune discussion avec la fonction publique, on l'a vu tout à l'heure. Vous n'avez mené aucune négociation avec vos fonctionnaires ! D'ailleurs, les fonctionnaires du parti radical ont fait savoir dernièrement, même à travers les médias, qu'ils n'étaient pas très contents. Vous n'avez mené aucune discussion avec les patrons de l'Etat... (L'orateur est interpellé.)Ne dites pas que c'est faux, je n'ai pas fini ma phrase, Monsieur Muller ! Vous n'avez mené aucune négociation avec les patrons de l'Etat, qui sont dans cette salle et qui sont votre majorité gouvernementale. Pourtant, à première vue, le gouvernement ne partage pas votre point de vue sur ces projets de loi extrémistes.

Vous êtes d'ailleurs dans l'incohérence totale puisque, si je continue à vous lire, à la page 20 du PL 9275, vous citez un expert - Monsieur Muller, il faudrait écouter, cela peut vous intéresser.. Vous écrivez donc : «Il n'est peut-être pas inutile de rappeler que si le sens du dialogue et le respect des personnes se traduisent difficilement en ordre juridique, leur absence condamne à l'échec le statut le mieux conçu et les techniques de gestion du personnel les plus affûtées.»

C'est le diagnostic de votre propre échec, Mesdames et Messieurs ! Vous dites que s'il n'y a pas de dialogue, s'il n'y a pas de respect de la fonction publique, on fonce dans le mur. Or, vous êtes en train de foncer tout droit contre le mur ! Sur le papier, en tout cas, vous êtes lucides, mais peut-être n'est-ce pas vous qui avez écrit ce projet... Cela ne m'étonnerait pas. Quoi qu'il en soit, vous êtes en train de foncer dans le mur. (L'orateur est interpellé.)

Alors, Monsieur Weiss, je voudrais vous dire qu'il y a une étude de SAP - une grande multinationale, donc plutôt de votre côté que du nôtre - qui annonce que 70% des réformes d'entreprises échouent parce qu'il n'y a pas suffisamment de concertation et que les aspects humains ne sont pas assez pris en considération. Vous êtes en plein dans ce cas de figure ! Vous êtes en train d'accumuler toutes les conditions pour que la réforme échoue.

Une autre règle pour mener à bien une réforme, c'est de capitaliser les expériences passées et de valoriser les collaborateurs et les collaboratrices avec qui vous allez devoir travailler et concevoir les réformes. En l'occurrence, vous faites l'antithèse exacte : une avalanche de mépris ! Vous êtes dans le mépris total avec les fonctionnaires. On a entendu tout à l'heure les pires critiques sur la fonction publique. Et vous généralisez : tout le monde dans le même paquet; tous des planqués, il faut les secouer; on n'arrive pas à licencier les mauvais... Comme si tout le monde était mauvais... Une avalanche de critiques contre la fonction publique ! (Exclamations.)

Mesdames et Messieurs, je vous recommande la lecture d'un ouvrage qui est presque une référence dans l'organisation d'entreprise et dans les réformes des entreprises publiques et privées, puisque l'auteur a agi dans les unes comme dans les autres. Cet auteur, c'est Hervé Sérieyx. Monsieur Weiss, vous secouez la tête... Vous le connaissez, mais visiblement vous n'avez pas compris ce qu'il écrit. Le livre dont je parle, Monsieur Weiss, s'intitule «Zéro mépris». A entendre les déclarations que vous avez faites tout à l'heure, il y a encore visiblement quelques lacunes dans la lecture de M. Sérieyx...

Laisser croire que le problème de l'Etat est un problème de statut de la fonction publique est un leurre. Comme tout statut, ce dernier doit évoluer, nous sommes d'accord. Pourtant, il doit évoluer dans la négociation. Il doit s'adapter aux évolutions de la population, il doit donc se faire dans le dialogue complet. Une réforme ne se décrète pas, elle se construit avec les gens qui sont actifs dans la fonction publique pour qu'ils deviennent les acteurs de leur propre changement.

Preuve en est que le statut n'est pas bloquant, je vous rappelle qu'il y a un certain nombre de services - le service des automobiles et de la navigation, par exemple - donc un certain nombre d'entreprises publiques, un certain nombre de départements, qui ont connu des réformes - que l'on soit pour ou contre, c'est ainsi... Le président du gouvernement a réformé profondément son département; les fonctionnaires de ce département bénéficient pourtant du statut de la fonction publique ! Alors, on voit que lorsqu'il y a volonté de réforme, celle-ci est possible.

J'aimerais maintenant citer un conseiller d'Etat radical, à l'époque où le partir radical était bien plus centriste qu'aujourd'hui. Il s'agit de M. Guy-Olivier Segond... (Commentaires.)

M. Pierre Kunz. Cela lui a bien réussi, n'est-ce pas ?

M. Christian Brunier. Quand Guy-Olivier Segond était sur vos listes, au moins vous aviez un conseiller d'Etat, Monsieur Kunz !

Bref, Guy-Olivier Segond disait une chose très juste : «Une réforme qui fonctionne est une réforme dont on n'entend pas parler.» Quand les fonctionnaires sont dans la rue, vous êtes sûrs qu'aucune réforme n'est possible.

Le président. Monsieur le député, vous devez conclure !

M. Christian Brunier. J'aimerais seulement faire un appel à deux personnes qui ont joué un rôle moteur dans ce projet : MM. Weiss et Muller. D'ailleurs, «Weissmuller» est un nom prédestiné pour les tarzans de la jungle économique... (Rires.)

Messieurs, on ne lance pas une campagne pour aller au Conseil d'Etat en prenant le risque de déstabiliser totalement la fonction publique. Finalement... (Brouhaha.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de laisser parler M. Brunier. Quant à vous, Monsieur le député, je coupe votre micro dans dix secondes.

M. Christian Brunier. Je finis très vite... Dans vos projets de loi, vous avez, Mesdames et Messieurs, pris une sorte de période modèle pour la réforme de l'Etat, c'est la période du gouvernement monocolore. C'est une période où l'Etat n'a pas fonctionné et où les gens étaient dans... (Le président coupe le micro de M. Brunier.)

Le président. Vous avez parlé neuf minutes, Monsieur le député, je suis désolé. Je donne la parole à M. Weiss.

M. Pierre Weiss (L). Je remercie tout d'abord M. Brunier qui, en matière de gestion de son entreprise est certainement aussi bon qu'en matière de gestion de son temps. Sans doute les ouvrages qu'il a lus sur les liens entre politique et relations humaines l'ont-ils aidé.

Comme l'a dit Mark Muller - qui d'ailleurs se joint à moi pour remercier le préopinant de ses conseils avisés en matière de campagne éléctorale - je désire rappeler que le but de ce projet de loi, c'est de rendre justice à ceux qui travaillent, et nous savons qu'ils sont la grande majorité au sein de la fonction publique. C'est en particulier au nom du «Zéro mépris» - que je connais au moins aussi bien que M. Brunier, mais probablement depuis plus longtemps que lui - qu'il s'agira de passer d'un égalitarisme aveugle à d'avantage d'équité.

J'ai quatre remarques à faire et trois propositions.

Ma première remarque porte sur les considérations du professeur Hiler. Celui-ci s'est posé aujourd'hui en arbitre de nos difficultés cantonales. Je rappelle qu'il a proposé dans la «Tribune de Genève» une diminution de 30% de l'effectif du DAEL. On appréciera son talent de pyromane et on le lui rappelera à l'occasion.

Ma deuxième remarque concerne les propos de M. Mouhanna. Il a sans doute mal fait le compte en ce qui concerne la différence entre les effectifs en 1991 et en 2004. Au projet de budget 2004, ils sont supérieurs à ce qu'ils étaient en 1991. Je relève au passage que depuis une dizaine d'années, les charges de l'Etat ont augmenté de 26% et la dette de 57%. Pendant ce temps, la population du canton augmentait de 10% et le revenu cantonal brut de seulement 15%.

Ma troisième remarque consiste à rappeler à M. Mouhana qu'il s'agit de ne pas faire un amalgame entre la défense de l'Etat social et la défense de ceux qui travaillent pour l'Etat social.

Ma quatrième remarque s'adresse à M. Pagani à qui je dirai qu'il convient de regarder avec un peu plus d'attention ce qui a pu être dit sur les bancs de l'Entente au sujet du PLEND. Il s'agira - pour autant qu'une décision soit prise sur ce point - d'adapter la loi actuelle aux besoins de l'Etat et en particulier de ne pas renchérir les charges de l'Etat quand il accorde un PLEND à ses collaborateurs. Cela signifie en clair que le PLEND doit d'autant mieux être envisagé qu'il ne s'accompagne pas d'une recréation de poste.

Mes trois propositions sont les suivantes. Tout d'abord, je voudrais parler du fait que le projet de loi constitutionnelle qui a été déposé par l'Entente vise précisément à mener à une consultation populaire afin qu'il y ait une légitimité démocratique pour les propositions que nous faisons. Elles peuvent être jugées négatives, néfastes par certains; elles peuvent être jugées positives par d'autres. Si le cartel les juge négatives, il est possible que la population les juge positives. Je crois qu'il était de notre devoir et de notre «responsabilité citoyenne» - comme on aime à dire sur les bancs d'en face - de prévoir un mécanisme amenant le peuple à se prononcer, en dernière instance, non pas à l'issue d'une campagne référendaire qui procéderait à nouveau de l'amalgame, mais par le biais d'une modification de la Constitution, qui obligerait précisément à procéder à ce vote populaire.

Ensuite, une remarque concernant l'amendement déposé par le PDC; il y a effectivement matière à discuter sur la proposition d'avoir non pas neuf membre mais quinze en commission. Il y aura d'autant plus matière à discuter que les uns et les autres pourront, en conscience, assurer de leur présence dans ladite commission.

Enfin, je m'exprimerai sur le déni démocratique, et c'est ainsi que je conlurai. Lorsque l'on parle de démocratie et de possibilité de s'exprimer pour les uns et les autres, je souligne que ce soir, les portes de ce Grand Conseil ont été fermées par la rue et par personne d'autre. C'est le désordre de la rue qui nous a empêchés de délibérer à temps. Le désorde dans la rue a été la cause de certains types de désagréments dont vous aurez peut-être, Mesdames et Messieurs d'en face, à rendre compte un jour.

C'est par ces mots, en particulier par la question de savoir si, à vos yeux, ce qui est bon pour Berne ne serait pas bon pour Genève, que j'aimerais conclure. En effet, le projet de loi que nous avons déposé s'inspire de celui qui a été adopté par deux tiers du peuple suisse et par une majorité importante de ce canton concernant le personnel de l'administration fédérale. Nous souhaitons tout simplement proposer une adaptation visant à instaurer sur le plan cantonal ce qui a été adopté par les Genevois pour le niveau fédéral. Nous aurions peine à croire que les Genevois soient à ce point inconséquents. Au contraire, nous croyons en leur cohérence. C'est pour cela qu'au terme des discussions qui auront lieu au sein de cette commission ad hoc de notre Grand Conseil nous croyons que, loin d'empirer les choses, nous améliorerons le statut de la fonction publique, de même que les conditions de service au public que rend l'administration dans ce canton. Et c'est à elle finalement que j'adresse mes voeux d'apaisement et de compréhension pour les intentions que nous poursuivons ce soir.

Le président. Je salue à la tribune du public la présence de Mme Maulini-Dreyfuss, ancienne députée. La parole est à M. Christian Grobet.

M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais tout d'abord déclarer qu'il y a un point au moins sur lequel nous sommes d'accord, je ne dirai pas avec l'Entente, mais - cela fera plaisir à M. Portier - avec le PDC. Ce point, c'est le nombre de membres dans la commission. Porter ce nombre à quinze est un minimum; je pense qu'il est indécent de vouloir parler d'une réforme aussi importante que celle que vous proposez en petit comité: une commission de neuf membres aurait comme conséquence que seuls deux partis auraient deux représentants dans cette commission, les autres groupes n'en ayant qu'un seul, avec les problèmes de remplacement que cela peut poser si le titulaire est empêché. Je pense qu'il est inadmissible de faire une pareille proposition ! Par là, Mesdames et Messieurs, vous démontrez quel est l'état d'esprit qui vous anime ! Et je rends hommage au PDC de s'être au moins distancié de cette proposition visant à discuter de cette affaire en petit comité.

Sur le fond, Mesdames et Messieurs, vous indiquez - M. Muller l'a dit tout à l'heure - que votre but est de promouvoir un fonctionnement efficace de l'Etat... comme si son fonctionnement n'était pas efficace... Vous voulez améliorer la qualité des prestations à la population et motiver le personnel de l'administration cantonale... J'ai passé douze ans au Conseil d'Etat et je connais l'état d'esprit de la fonction publique. Pourtant, je ne donnerai pas mon opinion, mais celle que j'entends tous les jours de personnes venant d'autres pays qui font éloge du fonctionnement de l'administration dans notre pays, et tout particulièrement à Genève. Il y a beaucoup - M. Lamprecht pourrait le déclarer - de grosses entreprises, d'organisations internationales qui viennent à Genève parce qu'on sait que, contrairement à d'autres pays qui nous sont proches, l'administration fonctionne de manière irréprochable, je me permets de le dire.

Bien entendu, on pourra toujours démontrer qu'il y a tel ou tel dysfonctionnement ! Vous me permettrez de relever que ces quelques dysfonctionnements n'ont rien de comparable avec ceux que l'on voit dans d'autres pays, avec la corruption qui existe même dans des pays qui nous sont proches. Nous avons des fonctionnaires qui travaillent consciencieusement et qui, j'en suis persuadé, sont honnêtes et qui font bien leur travail. Beaucoup d'entre eux sont très engagés !

Vous pouvez regarder, par exemple, le fonctionnement des Services industriels. Quelle qualité de prestations nous avons ! Quand il s'agit d'aller à l'hôpital... Encore hier, j'ai vu une personne faire le choix d'aller à l'Hôpital cantonal, à cause des risques que représente une clinique privée qui ne peut pas assurer des soins de qualité vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Regardez la qualité de nos écoles publiques ! Regardez nos TPG - pour ceux qui les prennent - les bus sont rigoureusement à l'heure ! Des exemples, nous pouvons en donner de multiples.

Venir dire aujourd'hui que l'administration travaillerait mal, c'est une insulte, Mesdames et Messieurs les députés d'en face, à l'égard de celles et ceux qui font consciencieusement leur travail tous les jours et à la satisfaction de la population !

Alors, ce n'est pas votre véritable programme que vous énoncez, Mesdames et Messieurs, quand vous prétendez améliorer la qualité des prestations de l'administration et motiver le personnel ! Et en guise de motivation, vous marquez un autogoal sensationnel ! Il n'y a que des patrons arrogants de l'économie privée qui se permettent de traiter le personnel comme vous le faites aujourd'hui ! Vous venez aujourd'hui proposer une solution, sans même - cela a été relevé à juste titre par M. Brunier - en discuter avec le personnel ! Mesdames et Messieurs, quel est le patron d'une entreprise privée qui oserait se comporter de cette manière-là ? Et vous prétendez aujourd'hui donner l'exemple de l'économie privée ?!

Il est vrai - et je peux le dire avec mon expérience - que, malheureusement, l'économie privée ne se comporte plus du tout comme il y a 30 ou 40 ans: les relations de travail se sont très fortement dégradées, les employés sont démotivés, se sentent humiliés...

M. Pierre Kunz. Quelle horreur !

M. Christian Grobet. C'est la réalité, Monsieur, et c'est une triste réalité ! Parce que notre pays avait la fierté d'avoir de bonnes relations entre employeurs et employés. Nous avions mis en place en 1936 les conventions collectives qui, avec d'autres pays, comme les pays scandinaves, étaient un exemple. Je dis bien «étaient» parce qu'aujourd'hui ces conventions collectives sont en train de s'effriter, à un tel point que les conséquences seront graves lorsque les accords bilatéraux sur le libre passage des Européens dans notre pays entreront en vigueur ! L'instrument qu'étaient les conventions collectives s'est malheureusement effondré, et vous verrez les conséquences !

La réalité, Mesdames et Messieurs les députés d'en face, ce n'est pas du tout que vous voulez améliorer le fonctionnement de l'administration ou motiver l'administration - que vous êtes en train de démotiver ! Ce que vous voulez faire, c'est appliquer les mauvaises recettes appliquées dans certains secteurs de l'économie privée : augmenter les cadences, augmenter les rythmes de travail, faire en sorte que les employés n'osent plus répondre et soient dociles face au patronat ! On le voit à travers ce projet de loi ! Vous pouvez secouer la tête, Monsieur Portier...

Qu'est-ce que vous demandez à travers ce projet de loi ? Supprimer la protection - qui n'est, du reste, pas aussi forte que cela - à l'égard des fonctionnaires ! Vous voulez, Mesdames et Messieurs, réduire le personnel ! Vous le dites tel quel. Qu'en résultera-t-il, de la réduction du personnel ? Déjà aujourd'hui, vous refusez d'engager un certain nombre de collaborateurs pour faire face, par exemple, à l'augmentation du nombre des malades à l'Hôpital cantonal, qui est réelle parce que les gens ne peuvent plus se payer des hôpitaux privés ! Vous refusez d'augmenter le nombre d'enseignants, alors qu'il y a de plus en plus d'enfants qui viennent dans les écoles, avec pour conséquence la dégradation de la qualité de l'enseignement, alors que la formation de jeunes est l'avenir de notre pays ! (Commentaires.)C'est cela que vous préconisez !

Non seulement vous voulez bloquer les engagements, mais, en plus, vous voulez faire des économies ! M. Weiss a dit quelles économies vous envisagiez... Vous voulez réduire le personnel et, ainsi, dégrader la qualité des prestations de l'administration. Vous voudrez ensuite la privatiser pour favoriser les milieux que vous représentez ! (Exclamations.)

Je suis persuadé que la population ne marchera pas dans ce démantèlement des services publics de notre canton, qui fonctionnent correctement et méritent pas d'être traités comme vous le faites ! (Applaudissements.)

M. Pierre Kunz (R). Permettez-moi, Mesdames et Messieurs, parce que je ne peux pas faire autrement, de répondre d'abord très brièvement à M. Grobet. Monsieur, malgré l'admiration que j'avais et que j'ai encore pour l'homme d'Etat - je dois le dire, même si je ne partage pas du tout vos idées - je tiens à indiquer que le discours que vous venez de tenir ici est tout simplement populiste et que, de plus, vous ne connaissez rien du tout à l'économie privée et aux entreprises. (Applaudissements sur les bancs de l'Entente et de l'UDC.)Certains avant vous, Monsieur Grobet, ont affirmé ici que la modernisation, la flexibilisation que nous voulions avaient pour but de «tondre les fonctionnaires»; que ces mesures dénotent un «profond mépris pour les fonctionnaires»; qu'elles se font contre la fonction publique ou encore qu'elles visent à «secouer» la fonction publique. Je ne vais bien entendu pas essayer de vous convaincre du contraire, Mesdames et Messieurs de la gauche, parce que je sais que c'est inutile. Par contre, j'aimerais essayer de vous expliquer pourquoi il faut, et vite - vite ! - modifier, transformer, moderniser, flexibiliser la gestion des ressources humaines de l'Etat.

Car c'est de cela qu'il est question. Le chef de l'office cantonal du personnel - je crois que ce service s'appelle comme ça - nous a en effet dit en commission de contrôle de gestion qu'il n'y avait pas, à l'Etat de Genève, de politique de gestion de ressource de personnel.

A Genève, 15% des emplois - c'est-à-dire un travailleur sur six - sont occupés par des fonctionnaires cantonaux, communaux ou para-étatiques. Cela représente environ 40 000 personnes. Or, Mesdames et Messieurs, ce segment de la population active présente les taux d'absentéisme - de la population active ! - les plus hauts du canton. (Brouhaha.)C'est la vérité et nous vous le dirons en commission, nous vous le montrerons. De plus, et c'est encore bien plus grave, c'est dans cette population qu'on trouve le pourcentage de dépression et de troubles psychiques le plus élevé parmi la population active. (Commentaires.)

Pourquoi ? Pourquoi ? Je vais vous dire pourquoi. Principalement pour trois raisons dont la première est le système de promotion à l'ancienneté. Conséquence de ce système : c'est probablement dans la fonction publique que l'on trouve la plus grande proportion de cadres possédant certes de bonnes connaissances professionnelles, mais souvent très peu compétents, voire incompétents sur le plan des relations humaines. Les dégâts de cette incompétence sont considérables sur la santé psychique des collaborateurs de l'Etat.

La deuxième raison est la raideur des relations hiérarchiques et la lourdeur kafkaïenne des procédures administratives. Cette raideur et cette lourdeur constituent, Mesdames et Messieurs, la plus formidable machine à broyer l'engagement individuel, la motivation et la créativité des serviteurs de l'Etat.

La troisième raison est ce qu'on appelle la sécurité de l'emploi. Une prétendue sécurité qui se révèle catastrophique sur deux plans : d'abord pour les individus qui, avec le temps, deviennent prisonniers de cette pseudo-sécurité et qui acceptent, qui avalent, jusqu'à s'en rendre malades, les pires stupidités administratives et les pires comportements de leurs supérieurs; ensuite pour l'Etat qui se trouve dans l'impossibilité d'honorer les mérite de ses bons collaborateurs, qui se trouve entraîné de surcroît dans l'inefficacité administrative en raison de l'inefficacité de trop de ses collaborateurs.

Et c'est, Mesdames et Messieurs, cette organisation, ce statut que veulent maintenir la gauche et le Cartel ! (Exclamations. Une partie des députés de l'Alliance de gauche et du parti socialiste quitte la salle.)

Le président. Voilà, laissons partir les gens qui le souhaitent...

M. Pierre Kunz. Pour conclure, Mesdames et Messieurs, les radicaux estiment qu'il faut nommer rapidement la commission ad hoc de quinze membres réclamée par la résolution 487 et la charger de se mettre au travail sans délai. ( Applaudissements.)

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. En regardant la longue liste des orateurs, j'ai vivement souhaité que le dernier d'entre eux - sans savoir qui ce serait - soit capable de comprendre quels sont les enjeux...

En préambule, j'aimerais dire ici et au nom du gouvernement que, quelles que soient nos opinions politiques sur la question, on n'a pas le droit, pour quelque raison que ce soit, d'insulter, dans cette enceinte, qui que ce soit à coups de citations. La fonction publique est comme l'ensemble de notre population : elle compte des gens très engagés, des gens honnêtes, des gens qui ont parfois des défauts. Elle a parfois des services qui dysfonctionnent. Elle a cependant une qualité, c'est qu'elle assume au quotidien et de façon publique toutes les actions qu'on lui confie. Ce n'est pas une mince affaire ! Pour cette raison déjà, que l'on soit collaborateur ou cadre dans la fonction publique, on mérite le respect. Mesdames et Messieurs les députés, la fonction publique ne peut pas servir d'argument électoral ni d'enjeu.

J'ai entendu ici beaucoup de déclarations. Il y en a au moins une qui fait l'unanimité : sur presque tous les rangs, chacun convient qu'il doit y avoir une évolution. Vous n'êtes pas d'accord sur les moyens, Mesdames et Messieurs, mais le Conseil d'Etat n'est pas l'auteur du projet de loi constitutionnelle, ni du projet de loi qui l'accompagne. Il est l'employeur et à ce titre, il tient à rappeler ici qu'il est l'interlocuteur de la fonction publique en ce qui concerne ses conditions de travail, son statut et son organisation. Vous avez choisi d'avoir un débat, tout d'abord parlementaire et ensuite populaire. Ce dernier est nécessaire, puisque l'article 120 de la constitution prévoit aujourd'hui que le Conseil d'Etat nomme les fonctionnaires et les employés dont l'élection n'est pas réservée à d'autres corps par la constitution et par la loi. Dès lors, tout débat que vous entamez sur cette question ouvre forcément - non pas parce que vous le voulez, mais parce que vous y êtes tous contraints - un débat populaire. Celui-ci aura probablement lieu selon les décisions que vous prendrez.

J'aimerais ajouter que, si chacun reconnaît ici qu'il est important que le statut évolue, il faudra se poser les questions de savoir comment, à quel moment, sous quelle forme et avec qui. Si je comprends l'impatience, parfois, à faire évoluer les choses - je suis moi-même, je l'ai souvent dit, impatiente; le gouvernement peut l'être aussi - je vous dis qu'il est important de procéder de façon que chacune et chacun se sente non seulement concerné, mais aussi respecté.

Ce qui me gêne dans le débat de ce soir, c'est qu'il avait bien commencé mais qu'il y a eu des dérapages de différentes natures. Mon souci, au nom du gouvernement, c'est que nous avons devant nous, sur bien des points, des obstacles à surmonter. Ils ne peuvent pas être surmontés par des enjeux de politique électorale, ni pour la fonction publique, ni pour le budget, ni pour la réforme GE-Pilote, ni pour le plan financier quadriennal. A un moment donné, il faudra savoir se parler, même s'il y a des divergences !

Vous allez, Mesdames et Messieurs les députés, créer une commission. Vous aurez à vous demander comment vous aller travailler et vous aurez à demander aussi au gouvernement comment il entend travailler. Le gouvernement viendra vous dire quelles sont ses priorités. Il est extrêmement attaché à la réforme GE-Pilote, à la l'évaluation des prestations et au fait que le personnel doit y participer, et qu'il faut qu'il puisse y participer; il est extrêmement attaché à la réforme du système d'évaluation des fonctions et à la politique salariale qui y sera liée; il souhaite faire aboutir cette réforme.

Ce que le gouvernement vous dira le moment venu, c'est que, quoi que vous choisissiez, vous devrez tenir compte du fait qu'à la fin quelque chose doit aboutir. Le pire qui pourrait arriver dans cette République, c'est un échec par division politique qui aboutirait à un immobilisme sur tous les fronts qui ne pourrait satisfaire personne. Ceci, Mesdames et Messieurs, c'est votre responsabilité politique et la nôtre ! Nous devons connaître et porter cette réforme et faire en sorte que le meilleur puisse arriver. Réforme il doit y avoir, mais pas n'importe comment !

Pour terminer, je dirais deux choses. Je ne crois pas, Monsieur Kunz, que vous soyez mis en cause par mes propos. Je crois qu'il faut bien entendre que les cadres, comme les collaborateurs, acceptent la critique, mais ils ont besoin aussi de soutien. Le Grand Conseil, lorsqu'il vote les comptes, lorsqu'il vote les budgets, lorsqu'il vote les lois, leur confie une mission, leur donne quittance de la gestion et reconnaît aussi leur travail, quelles que soient les erreurs pouvant être commises, quelles que soient les difficultés pouvant être rencontrées.

Je voudrais m'adresser encore à M. Pagani. Monsieur, vous avez cru bon d'insulter le gouvernement monocolore; dans vos propos vous avez même laissé entendre des choses inadmissibles par rapport à certains anciens collègues quant à la façon dont ils auraient pu s'enrichir ou non... (L'oratrice est interpellée.)Si, il l'a dit !

Ces propos sont l'illustration d'un état d'esprit - quel que soit le groupe dont on est membre - qui n'est pas digne de ce parlement. Que l'on attaque les fonctionnaires ou le gouvernement, on attaque toujours l'institution ! Or aujourd'hui, ce dont nous avons besoin, c'est de respect, partout et en tout temps ! Et nous avons chacun notre part à apporter dans ce domaine. (Applaudissements.)

Le président. Monsieur Kunz, le Bureau s'est consulté et n'a pas considéré que vous ayez été mis en cause. Je ne pourrai donc pas vous donner la parole, j'en suis navré.

Nous votons maintenant sur l'amendement présenté par MM. Pierre-Louis Portier et Guy Mettan. Cet amendement vise à augmenter le nombre de membres de la commission de neuf à quinze.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 65 oui, 1 non et 14 abstentions.

Le président. Je mets aux voix la proposition de résolution ainsi amendée.

Mise aux voix, la résolution 487 est adoptée par 44 oui, 39 non et 1 abstention.

Le président. Nous passons maintenant à l'urgence suivante, que nous avons acceptée à 17h, soit le point 105 de notre ordre du jour.

RD 530
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la mise en oeuvre du projet GE-Pilote
R 488
Proposition de résolution du Conseil d'Etat sur la mise en oeuvre du projet GE-Pilote

Débat

M. Souhail Mouhanna (AdG). Tout à l'heure, Monsieur Portier, vous m'avez mis en cause en me traitant «d'empêcheur de négocier»... Je regrette que vous accordiez si peu d'intérêt à la chose publique, Monsieur Portier, et que vous n'ayez pas suivi ce qui s'est passé depuis pas mal d'années déjà... Vous auriez appris, par exemple, que depuis 1980 - c'est-à-dire déjà vingt-quatre ans - je participe à des négociations avec le Conseil d'Etat et que je signe des accords ! C'est la première chose.

Deuxième chose, Monsieur Portier, vous vous trompez d'interlocuteur ! Parce que les négociations doivent se dérouler entre la partie patronale - soit le Conseil d'Etat - et les représentants du personnel de la fonction publique...

Eh bien, si vous ne l'avez pas lu, je vais vous le rappeler ! Le premier considérant de la demande du personnel de la fonction publique au Conseil d'Etat et au Grand Conseil indique ceci: «Considérant le refus du Conseil d'Etat de négocier le projet de budget 2004, le plan financier quadriennal, le projet GE-Pilote et toute autre mesure qui touche le personnel de la fonction publique et du secteur subventionné...». Et la première revendication est la suivante, je cite: «L'Assemblée du personnel de la fonction publique et du secteur subventionné réunie ce 4 mai 2004 sur la Treille exige l'ouverture immédiate de négociations avec le Cartel sur les conditions de travail et les prestations...». Monsieur Portier, votre affirmation tombe «à côté de la plaque», tout simplement parce que l'autorité patronale est le Conseil d'Etat ! Ce qui m'amène maintenant à m'adresser au Conseil d'Etat, puisque celui-ci propose une résolution pour examiner en urgence le projet GE-Pilote.

Madame la vice-présidente du Conseil d'Etat, tout à l'heure vous avez tenu un discours moralisateur qui a dû faire plaisir à certains... Mais j'aurais aussi aimé que vous adressiez le même discours de responsabilité au Conseil d'Etat, lui-même, parce que, Madame la vice-présidente du Conseil d'Etat, si le Conseil d'Etat veut la participation du personnel, la moindre des choses, c'est de ne pas procéder comme vous le faites... Vous présentez le projet GE-Pilote, vous présentez des mesures contre la fonction publique, contre le pouvoir d'achat, contre les effectifs, contre le personnel des services publics, et vous n'avez jamais ouvert des négociations sur ces objets ! S'il y a mépris pour le personnel, c'est bien celui affiché par le Conseil d'Etat !

Ce qui se passe, c'est que la droite de ce parlement est en train de transformer notre République en une espèce de République bananière, car, au fond, elle confisque le pouvoir normalement dévolu au Conseil d'Etat ! Nous ne sommes plus en démocratie... Nous sommes presque sur le chemin de la dictature ! C'est ce qu'on appelle une «démocrature»... C'est le régime que vous êtes en train d'installer ! (Exclamations.)Les négociations doivent se dérouler entre les représentants du personnel et l'employeur ! Le Grand Conseil prendra les décisions le moment venu !

Monsieur Weiss, vous prétendez avoir envie que le peuple se prononce, dans la mesure où vous présentez un projet de loi constitutionnelle... Mais ne soyez pas de mauvaise foi, Monsieur Weiss ! Vous proposez deux projets de lois: un modifiant la loi constitutionnelle et l'autre, comportant plusieurs pages, dans lequel vous vous attaquez aux conditions de travail du personnel, et celui-là ne propose pas une loi constitutionnelle ! Mais comptez sur nous pour lancer un référendum et tout faire pour que la population puisse se prononcer à ce sujet ! Avec votre optimisme béat, vous vous imaginez que le peuple va toujours vous suivre aveuglément ... Votre arrogance est telle que vous ne pouvez même pas imaginer que la population finira par prendre conscience des dégâts de votre politique !

Et, enfin, Mesdames et Messieurs les députés, vous prétendez vouloir améliorer le statut de la fonction publique, réduire le déficit, etc. Je vous donne un simple exemple de votre mauvaise foi et de votre cynisme... Monsieur Weiss, vous êtes l'un des instigateurs de la suppression du PLEND, alors que vous êtes membre de la commission des finances et que, comme nous tous, vous avez entendu que le PLEND engendre des économies pour l'Etat ! Ce que vous voulez, c'est régler des comptes ! Vous êtes en train de déclarer la guerre ! Vous ne voulez pas véritablement réduire le déficit de l'Etat, parce que vous creusez des trous dans les caisses des collectivités publiques ! Ce n'est pas le déficit que vous voulez combler ! Ce n'est pas la dette que vous voulez résorber ! Ce que vous voulez, c'est démanteler l'Etat social ! Vous voulez la République des copains et des coquins: c'est votre camp ! Nous vous ferons face, et vous verrez que la population sera bien moins dupe que vous ne le croyez !

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. En demandant l'urgence pour cet objet, le Conseil d'Etat n'avait nullement l'intention d'ouvrir un débat sur GE-Pilote - nous sommes donc dans le cadre politique, Monsieur Mouhanna - dont le contenu reste encore à mettre en place, il voulait simplement que la résolution soit renvoyée en commission pour que les députés puissent l'y examiner. Ainsi, nous verrons bien si les envolées que nous entendons dans cette enceinte sont justifiées ou si elles méritent un examen plus approfondi...

Je demande donc formellement, au nom du Conseil d'Etat, le renvoi en commission.

Le président. Merci, Madame la vice-présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission - j'imagine que vous désirez renvoyer cet objet à la commission des finances, Madame la conseillère d'Etat... Par conséquent, un député par groupe peut s'exprimer: je donne immédiatement la parole à M. le député Pierre Weiss, pour le groupe libéral.

M. Pierre Weiss (L). Je ne sais pas s'il faut renvoyer cet objet à la commission des finances ou à la commission de contrôle de gestion... Je pencherai plutôt pour la commission de contrôle de gestion.

Au nom du groupe libéral, je voulais simplement dire que nous soutenons le projet GE-Pilote et, bien sûr, son renvoi en commission.

Quant aux interventions intempestives ou excessives des uns ou des autres, je crois que le peuple saura les juger...

Le président. Merci, Monsieur le député, d'avoir précisé dans quelle commission il est souhaité que cet objet soit renvoyé.

Monsieur David Hiler, pour les Verts, vous avez la parole.

M. David Hiler (Ve). D'emblée, nous aimerions dire que le projet était urgent, puisqu'il aurait dû être mis en place il y a déjà quelques années, lorsque l'Inspection cantonale des finances, tirant bilan de l'opération NPM, a proposé qu'un certain nombre d'indicateurs soient mis en place.

Deuxième point: ce projet doit-il être renvoyé en commission ? Oui, si l'on veut... Mais, à vrai dire, Mesdames et Messieurs les députés, c'est le Conseil d'Etat, en tant que responsable de l'Etat, qui devrait commencer aujourd'hui à mettre en route la politique qu'il entend mener. En effet, ce qui nous inquiète - y compris dans le fait de renvoyer cet objet en commission, puisque c'est de cela dont il s'agit - c'est la lenteur invraisemblable des délais. En réalité, cette opération devrait s'étendre jusqu'à 2007 - ce qui est extrêmement long - et la première phase, qui va jusqu'à fin 2005, est en fait une phase préparatoire et conceptuelle - si je puis m'exprimer ainsi... C'est ce qui nous fait souci !

Car, de quoi s'agit-il, en somme ? Chaque administration doit définir clairement ses objectifs, les formaliser, puis se donner la possibilité de vérifier s'ils sont atteints, quel est le degré de qualité des services rendus et combien ils coûtent. Mais il me semble, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il ne faut que quelques mois pour mettre en place les premiers indicateurs, les indicateurs les plus vitaux ! Faut-il plusieurs années pour les formaliser ? Je ne crois pas ! Et nous avons besoin de cette méthode rapidement, là où elle n'existe pas... Parce que ce qu'on ne dit pas assez, c'est que la plupart des éléments constitutifs de cette méthode existent à l'instruction publique - je vous renvoie au fascicule qui paraît chaque année - et au sein de l'Hôpital cantonal - à un niveau de sophistication extrêmement rare, au point qu'on peut les comparer au niveau international !

On peut donc se demander - puisque cela a été possible à l'hôpital, grâce à M. Gruzon - pourquoi vous faudrait-il autant de temps pour mettre cette méthode en place ! Le risque, Madame Brunschwig Graf, c'est l'usine à gaz... La définition des indicateurs que vous demandez est normalement le travail des chefs de service. Vous devez leur donner un certain délai... (L'orateur est interpellé par Mme Brunschwig Graf.)Ce n'est pas ce qui est écrit dans le calendrier que j'ai sous les yeux, Madame Brunschwig Graf ! Sommes-nous vraiment en discussion ? Attendez-vous ou non le résultat du travail de la commission, puisque l'on parle de renvoyer cet objet en commission ? Quelle est, au fond, l'articulation avec la réalité ?

Vous voudrez bien m'en excuser, Madame la présidente, mais je vais en profiter pour répondre à M. Weiss qui m'a interpellé tout à l'heure. Si j'ai une démarche provocatrice par rapport au DAEL, c'est justement parce que je ne veux pas virer tout le monde - pas les 30% ! Si l'on analyse bien la situation, on doit avoir un réel potentiel d'économies sur les postes, à moyen terme... Rien qu'en simplifiant la circulation interne des documents.

A partir de là, on n'a toujours pas dit qu'on licenciait qui que ce soit ! Cela veut juste dire qu'on veut que ça fonctionne et que les excellents juristes qui «peuplent» le DAEL sont extrêmement utiles à des dizaines d'endroits à l'Etat. La polyvalence est réelle, et il en est de même pour les commis administratifs. Cela n'a en réalité rien à voir avec le débat sur le statut des fonctionnaires ! Là, il s'agit d'efficacité. Je remarque, d'ailleurs, que le débat est tout de suite moins vif et intéresse moins de personnes - ce que, nous, les Verts, trouvons un peu désolant ! En effet, si nous voulons que le service public s'améliore, nous devons savoir ce qu'il faut faire en priorité et si c'est bien fait... La qualité est un indicateur essentiel. Les gens attendent-ils trois mois pour recevoir un document ? Ou y a-t-il un délai maximum au-delà duquel on estime qu'il y a dysfonctionnement du service ? C'est cette démarche que nous soutenons, tout en disant que, si on avait pu l'effectuer en haute conjoncture, le degré d'adhésion spontanée des fonctionnaires aurait évidemment été beaucoup plus élevé !

En dernière analyse, nous disons clairement ceci: on peut faire une résolution... Le rendez-vous est dans six mois... Contrairement à ce que montre aujourd'hui l'étude des comptes, la plupart des services doivent avoir ces indicateurs. Aujourd'hui, l'administration - pas l'hôpital ou l'enseignement public - à 90% n'a pas de tels indicateurs, d'après le premier passage en revue à la commission des finances. Nous sommes donc ravis qu'un projet soit initié dans ce sens. Nous vous mettons en garde, par rapport au dossier qui nous a été distribué, contre les dangers d'une structure qui serait trop externe aux services, en rappelant quand même que le métier d'un chef de service est de diriger d'abord et de fixer les méthodes et les objectifs en accord avec le pouvoir politique. C'est à lui de le faire, et c'est comme cela qu'on aborde le problème concrètement.

Nous ne nous opposons pas au renvoi en commission, mais admettez tout de même la théâtralisation de votre démarche - parce ce vous avez toutes les armes pour le faire, depuis des années, et sans notre assentiment...

Présidence de Mme Janine Hagmann, deuxième vice-présidente

La présidente. Je vous remercie, Monsieur le député, et je salue à la tribune la présence de M. Cristin, ancien député. (Applaudissements.)

Monsieur Robert Iselin, je vous donne la parole.

M. Robert Iselin (UDC). Une fois n'est pas coutume, l'UDC comprend fort bien - et pourrait les adopter - les arguments avancés par M. Hiler.

Il n'est pas utile d'avoir une grande discussion en commission pour mettre en place ce que le rapport désigne comme de «nouvelles modalités de pilotage et de gestion de l'action publique orientée sur les prestations». C'est plus que nécessaire... Il reste que leur utilité dépendra de l'usage qui en sera fait. Et je dois vous dire que votre serviteur se pose quelques questions sur ce point.

Toutefois, je peux souscrire exactement aux propos tenus par M. Hiler. Si vous voulez absolument renvoyer cet objet en commission, renvoyons-le, mais nous pourrions nous en passer !

M. Sami Kanaan (S). Je serai relativement bref dans la mesure où j'approuve largement l'intervention de David Hiler...

A priori, le groupe socialiste est tout à fait intéressé à une démarche transparente, ouverte et menée de manière équitable, dans la bonne foi, pour avoir un débat sur l'efficacité de l'Etat. Cette démarche devrait être permanente, elle ne devrait pas occasionner de grands débats, tout à coup, comme si rien n'avait jamais été fait jusqu'à maintenant et comme s'il fallait tout faire dorénavant. Cela devrait être un souci permanent, d'ailleurs l'Etat est en réforme permanente, on a tendance à l'oublier. A entendre certains députés ici, on a l'impression que l'Etat est figé à jamais depuis deux siècles à Genève et que rien n'a été adapté... C'est complètement faux !

Cela dit, des mesures d'adaptation sont certes nécessaires, que ce soit dans la gestion des ressources humaines, dans les structures, dans les procédures. Toutefois, le débat s'annonce sous de mauvais auspices, parce que c'est le plus mauvais moment pour l'entamer, dans la mesure où il ne peut bien se passer - surtout, sa mise en oeuvre - que si les principaux intéressés sont non seulement associés mais motivés pour le faire, de manière pleine, entière. A mon avis, la meilleure source d'informations pertinentes sur des économies judicieuses dans le fonctionnement de l'administration, c'est justement les collaborateurs de l'administration, les fonctionnaires, qui sont bien placés pour les donner. Si on les associait correctement, dans un climat serein et dans la bonne foi, je suis certain qu'on recueillerait d'excellentes idées de leur part.

Malheureusement, le climat n'est pas serein ! Et il est évident, à tort ou à raison, que toute démarche évoquant l'efficacité de l'Etat est interprétée comme une volonté de faire des économies, de diminuer le nombre de postes, de diminuer les prestations. Il est évident que ce n'est pas la direction que nous suivrons, et nous surveillerons d'assez près la manière dont ce débat s'emmanchera,

Je suis assez d'accord avec David Hiler pour dire que les choses pourraient aller plus vite, d'autant plus que les bases existent déjà. Et il est vrai que le Conseil d'Etat n'a pas besoin, en théorie, de cette résolution. Il n'a pas besoin du label GE-Pilote; il n'a pas besoin d'interpeller le parlement. Cela dit, s'il a besoin, en quelque sorte, d'un feu vert symbolique, pourquoi pas ? Le Conseil d'Etat est aussi conscient que si le parlement vote aujourd'hui cette résolution cela ne l'engage à peu près à rien... Parce que le parlement peut parfaitement changer d'avis lorsque des projets de lois de restructuration lui seront soumis.

Nous aurions pu estimer qu'il n'était pas indispensable de renvoyer cet objet en commission de contrôle de gestion, même si, ensuite, il était pertinent d'associer cette dernière. Si c'est l'occasion de clarifier la démarche et de poser en commission les questions soulevées par David Hiler - c'est-à-dire comment utiliser ce qui existe déjà, comment associer le personnel le mieux possible à cette démarche et de manière constructive ? - eh bien, cela peut aider, effectivement, à créer un climat un tant soit peu serein ! Mais, il est clair que l'interaction avec le débat que nous avons eu tout à l'heure sur la fonction publique ne va pas dans ce sens, et, à un moment donné, il faudra faire des choix sur ce que la majorité de droite de ce parlement veut vraiment. Si elle veut une réforme de l'Etat, nous pourrons la suivre sur certains points; si elle veut diminuer les prestations, il est clair que nous ne la suivrons pas !

Nous voulons donc bien accepter le renvoi de cet objet en commission, même si nous ne sommes pas sûrs que ce soit utile à ce stade.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Pour ce qui est de savoir s'il faut ou non renvoyer cet objet en commission, puisque tout le monde veut que le personnel puisse s'exprimer, la moindre des choses serait que le Conseil d'Etat fasse preuve du sens des responsabilités - sens des responsabilités que la vice-présidente du Conseil d'Etat a recommandé tout à l'heure à tout le monde... Que le Conseil d'Etat entende les milliers de gens qui réclament que des négociations aient lieu ! Qu'il suspende toute discussion sur les projets concernant le personnel et qu'il accepte de s'asseoir à la table des négociations avec les représentants du personnel ! Cela serait, sans nul doute, faire preuve d'un sens des responsabilités...

Vous parlez toujours de l'efficacité de l'Etat... Je crois que si vous étiez véritablement soucieux de son efficacité, de la motivation et des résultats des travailleurs de la fonction publique, vous cesseriez de les dénigrer, vous les respecteriez et vous leur donneriez les moyens de faire correctement leur travail ! Cela générerait de meilleurs résultats que ce que vous prétendez vouloir obtenir !

M. Guy Mettan (PDC). Je serai bref, parce que je souffre d'une petite allergie et ne peux m'exprimer longuement. Je tiens tout de suite à préciser que ce n'est pas une allergie aux propos entendus dans cette salle, qui sont toujours pleins de verve et toujours passionnants... (Exclamations.)Non, c'est une allergie au pollen actuellement dans l'air.

Tout cela pour vous dire que le parti démocrate-chrétien, comme l'ensemble de l'Entente, serait tout à fait d'accord de renvoyer cette proposition de résolution directement au Conseil d'Etat, cela ferait gagner du temps.

M. Hiler nous disait tout à l'heure que nous avions trop tardé à prendre position sur ce sujet... Je lui répondrai que cela fait déjà huit ans - c'était en 1996 - que nous avons pris connaissance du rapport Arthur Anderson qui mettait l'accent exactement sur le même problème, dont nous discutons ce soir. Et il faut bien constater que la majorité de gauche de ce Grand Conseil, lorsqu'elle le pouvait, n'a absolument pas profité de l'occasion pour se saisir du problème...

J'aimerais dire également que l'efficacité de l'Etat nous tient effectivement très à coeur parce qu'on peut voir que notre administration souffre d'un problème tout à fait paradoxal, en ce sens qu'elle est extrêmement hiérarchisée, avec énormément de postes de chefs, tout en étant très peu dirigée. Et c'est un des problèmes que nous voulons essayer de résoudre à travers le projet GE-Pilote.

C'est pourquoi je vous suggère de le renvoyer immédiatement au Conseil d'Etat.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés...

Une voix. Madame !

Mme Martine Brunschwig Graf. Madame la présidente... Tous ces féministes me ravissent le coeur !

Par égard pour vous, le Conseil d'Etat avait proposé le renvoi de ces objets en commission... Cependant, après avoir attentivement écouté tous les intervenants et constaté leur voeu d'aller de l'avant, le Conseil d'Etat se rallie bien entendu - sans état d'âme, au contraire ! - au renvoi immédiat de ces objets au Conseil d'Etat. Pour ne rien vous cacher, nous sommes non seulement prêts à mener ce travail dans les meilleurs délais, mais, également - pour rassurer M. Mouhanna et comme nous l'avons déclaré aux représentants des associations du personnel - prêts à discuter les modalités de cette mise en oeuvre avec le personnel, ce qui est la moindre des choses.

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter préalablement sur la demande de renvoi en commission de contrôle de gestion. Si le vote est positif, ces objets seront renvoyés en commission; si tel n'est pas le cas, nous voterons sur la demande de renvoi au Conseil d'Etat. Je vous soumets cette demande au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.

Mis aux voix, le renvoi à la commission de contrôle de gestion du rapport divers 530 et de la proposition de résolution 488 est rejeté par 47 non contre 25 oui et 5 abstentions.

Le président. Par conséquent, je vous soumets maintenant la demande de renvoi au Conseil d'Etat de la proposition de résolution, toujours au moyen du vote électronique.

Mise aux voix, la résolution 488 est adoptée par 57 oui contre 10 non et 10 abstentions. Elle est renvoyée au Conseil d'Etat.

Le Grand Conseil prend acte du rapport divers 530.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons à l'urgence suivante, soit le point 100 de notre ordre du jour.

M 1587
Proposition de motion de Mme et MM. Gilbert Catelain, Yvan Galeotto, Jacques Baud, Caroline Bartl, Robert Iselin, André Reymond, Jacques Pagan, Claude Marcet demandant la suspension du traitement des membres de la fonction publique en cas de grève

Débat

M. Gilbert Catelain (UDC). Vous avez eu l'occasion de prendre connaissance de cette proposition de motion, qui est d'une actualité brûlante, à voir la manifestation à laquelle nous avons assisté ce soir. Et nous savons que le Cartel intersyndical a prévu une journée de grève le 14 mai prochain et que d'autres journées de grève pourraient éventuellement suivre...

Il ne s'agit pas, à travers cette motion, de vouloir limiter le droit de grève - garanti constitutionnellement - pour les membres de la fonction publique, bien au contraire, mais de s'assurer que la pratique de ce droit de grève soit respectée. A savoir que les jours de grève soient effectivement déduits du revenu des employés de l'Etat, qu'un contrôle soit organisé au niveau de l'Etat et des établissements publics autonomes et que - c'est ce qui nous importe surtout - soient publiées les dispositions législatives dans la «Feuille d'avis officielle», sachant que celles-ci sont rappelées régulièrement dans ce journal. Cela nous semble en effet important, parce qu'il y a longtemps que les membres de la fonction publique n'ont pas fait grève, de rappeler quels sont les risques auxquels ils s'exposent, d'autant plus qu'on a relevé un taux de participation important. Je rappelle à cet égard que certains d'entre eux sont en quelque sorte contraints et forcés de faire grève, sinon leurs collègues de travail ne veulent même plus boire le café avec eux... (Rires.)Ces grèves créent un climat malsain au sein de la fonction publique. Il ne serait donc pas très honnête de ne pas leur dire quels sont les risques auxquels ils s'exposent.

Cette motion veut simplement rappeler les dispositions législatives, s'assurer que le droit sera appliqué et qu'il n'y aura pas de négociations après coup entre le Conseil d'Etat et les syndicats, par exemple, 30 F le jour de grève au lieu de 500 F...

Voilà, c'est tout ce que j'ai à dire par rapport à cette motion. Je pense qu'il faut la renvoyer directement au Conseil d'Etat, afin qu'elle garde encore sa valeur.

M. Rémy Pagani (AdG). Je pensais, au début de son intervention, que M. Catelain enfonçait des portes ouvertes, mais je me rends compte qu'une fois de plus la volonté sous-jacente est d'enlever une attribution à l'employeur - le Conseil d'Etat - soit sa capacité à évaluer dans quelle mesure il doit faire payer ou non les heures de grève. Et, en l'occurrence, on lui met un deuxième fusil dans le dos en lui disant que, si, par impossible, le parlement décidait de soutenir la proposition de M. Catelain aujourd'hui, on l'empêcherait de négocier le paiement des heures de grève.

Pour enfoncer des portes ouvertes comme M. Catelain, je rappelle que la grève était une habitude ancienne dans notre pays et qu'elle est devenue un droit tout récemment inscrit dans la Constitution fédérale. Je trouve un peu facile que M. Catelain reproche à une bonne partie des fonctionnaires de se «sentir contraints» de faire grève demain... Ce sont des grandes personnes, majeures et vaccinées, si j'ose dire, qui font grève en toute indépendance, car c'est un droit qui leur est garanti par la Constitution fédérale. Ces fonctionnaires n'ont pas de leçon à recevoir de M. Catelain !

En ce qui concerne le paiement des heures de grève, bien évidemment - n'importe quel employeur vous le dira, y compris le Conseil d'Etat - une procédure administrative est en place et les cadres sont chargés de répertorier qui fait grève ou pas, de remplir un questionnaire et d'imputer sur les salaires, le cas échéant, les heures de grève. Cela me paraît tout à fait normal que le gouvernement, en l'occurrence l'employeur, pratique de la sorte. Il semble normal également que les assemblées des travailleurs qui se réuniront demain matin à 9h - ou même à 6h du matin, pour certains - puissent décider de faire autrement. Il est légitime qu'elles puissent se déterminer quant au service minimum et, aussi, sur le fait de remplir ou non les questionnaires concernant les heures de grève. Pouvoir se déterminer à ce sujet fait partie des attributions démocratiques des assemblées du personnel. Et le Cartel de la fonction publique a donné des consignes très précises en ce sens.

Cela étant, j'aimerais revenir sur la question du paiement ou non des heures de grève. Mesdames et Messieurs les députés, les entreprises sont libres ! J'ai d'ailleurs dernièrement fait une grève - ou, même, deux - dans une entreprise de l'aéroport, dans laquelle l'employeur a pris en charge les heures de grève, car il a visiblement bien compris qu'il était responsable de la situation catastrophique dans laquelle il avait mis ses employés. Cela fait aussi partie de la liberté de l'employeur de déterminer, de manière négociée avec ses employés, s'il veut leur faire prendre en charge tout ou partie des heures de grève.

J'estime donc, Monsieur Catelain, que nous n'avons pas à enlever au Conseil d'Etat cette latitude - qui est petite - car vous lui avez enlevé déjà beaucoup de ses prérogatives. Par exemple, la possibilité de négocier sur GE-Pilote, puisque la majorité de ce parlement vient de lui «renvoyer le bébé» en lui demandant de faire appliquer ce projet. Ensuite, la création d'une commission ad hoc pour démanteler le statut de la fonction publique vient d'être décidée, contrairement à l'avis du Conseil d'Etat. Tout cela est réglé comme du papier à musique, dans le but tout simple d'enlever tous les pouvoirs au Conseil d'Etat de négocier... Je le déplore ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Je trouve qu'en votant cette nouvelle contrainte pour le gouvernement vous faites peu de cas de celui-ci, alors que, jusqu'à maintenant, il représente la majorité de ce parlement. Toujours est-il que les membres de la fonction publique réclament le paiement des heures de grève, parce que, si la situation est ce qu'elle est, vous en êtes responsables ! Et ce n'est pas aux employés de payer les conséquences des mesures aberrantes que vous décidez de prendre dans cette République !

J'ajoute pour terminer, Monsieur Catelain, que, si les heures de grève sont prises en charge par les employés, les caisses de solidarité des syndicats payeront, le cas échéant, ces heures à celles et ceux qui seraient en difficulté financière. Ces fonds de solidarité ont été mis en place à l'époque par les ouvriers, les employés, depuis que le système salarial existe dans le monde, pour atténuer les effets des grèves, qui sont malheureusement parfois nécessaires.

M. Souhail Mouhanna (AdG). M. Weiss aime beaucoup, étant donné qu'il est futur candidat au Conseil d'Etat, intervenir et montrer combien... (Exclamations.)Moi, je ne suis pas candidat au Conseil d'Etat ! (Rires et exclamations.)Je ne suis candidat à rien ! (Le président agite la cloche.)Il a parlé de désordre dans la rue, tout à l'heure... Vous avez tous pu constater que la manifestation du 4 mai, qui a rassemblé plus de dix mille personnes, a été une formidable démonstration de dignité. Elle s'est déroulée sans aucun incident et sans désordre. On sait que des pyromanes allument des incendies... Eh bien, il y en a quelques-uns dans ce parlement pour provoquer le désordre !

Monsieur Catelain vous prétendez que des fonctionnaires ont fait grève, de peur que leurs collègues ne prennent plus le café avec eux... Quel mépris pour ces personnes, pour leur dignité, pour leur sens des responsabilités ! Ce mépris à l'égard du personnel de la fonction publique est absolument insupportable ! Il ne faut pas s'étonner, avec des attitudes pareilles, Monsieur Catelain, que beaucoup d'entre eux aient envie de faire grève et de descendre dans la rue. Et j'espère que beaucoup de monde vous a entendu ce soir !

Monsieur Catelain, le but de tous vos projets de lois n'est pas d'enlever l'équivalent de quelques heures de grève... Vous voulez amputer le pouvoir d'achat des membres du personnel de la fonction publique de l'équivalent de mois de salaire, jusqu'à la retraite ! Alors ne prétendez pas aujourd'hui que le problème porte sur le paiement des heures de grève ! Mais la justice voudrait que les incendiaires payent les dégâts de l'incendie qu'ils ont allumé, c'est-à-dire ceux qui, en réalité, ont provoqué les grèves ! Si le mouvement de la fonction publique est suffisamment fort et si la population soutient son action - la lutte contre la précarité et la défense de l'Etat social - le Conseil d'Etat et les forces de droite devront - j'en suis persuadé - respecter les travailleurs et faire payer les heures de grève par les incendiaires !

M. David Hiler (Ve). Je serai bref... Monsieur Catelain, franchement, ce qui me surprend dans votre proposition, c'est que vous la défendiez en même temps que vous prétendez vouloir appliquer les normes usuelles des entreprises à l'Etat de Genève...

Monsieur Catelain, dans toute l'histoire des grèves - et pas seulement dans les cas cités par M. Pagani - le moment important est de connaître la part des jours de grève qui va être payée. Cela entre dans le rapport de forces - si l'on veut - et cela fait partie de la dynamique sociale depuis un siècle et demi, au bas mot. Dans le cas d'espèce, ce sont bel et bien les propositions du Conseil d'Etat qui sont à l'origine des arrêts de travail de la fonction publique. Et, évidemment, les projets de lois de la droite incite particulièrement les fonctionnaires à ne pas se rendre à leur travail. C'est tout à fait vrai, mais il est important, me semble-t-il, que le Conseil d'Etat garde toute latitude pour pouvoir négocier avec la fonction publique un règlement global incluant - comme c'est toujours le cas - un accord sur le paiement ou non, à un certain pourcentage, des jours de grève. C'est le premier point.

Deuxième point, Monsieur Catelain: tous les fonctionnaires savent que les heures de grève ne sont pas payées, que c'est un risque qu'ils courent... En l'occurrence, ce risque va plus loin, parce que beaucoup de personnes que je connais travaillent mais refusent de remplir le formulaire... Ils s'exposent donc, par solidarité et par sens du devoir mélangés, à être sanctionnés pour cette raison. A un moment donné, il faut laisser l'employeur et l'employé discuter, parce que, Monsieur Catelain, si les règles sont fixées à l'avance, cela ne peut pas marcher. A mon avis - je me permets de le dire - le Conseil d'Etat a eu une capacité assez médiocre, jusqu'à présent, à négocier avec les organisations représentatives, mais, si des cautèles lui sont fixées de surcroît, cela ne va pas arranger les choses !

Pour commencer, Monsieur Pagani, tout de même, il ne faut pas dramatiser ! Moi, si j'étais le Conseil d'Etat, je ferais un rapport pour M. Catelain dans les six mois... C'est le but de la motion ! Mais ce n'est pas parce que le parlement vote une ânerie que le Conseil d'Etat est forcé de le suivre à chaque fois... Quand il ne veut pas le suivre, il sait bien le faire ! Il garde donc toute sa liberté d'arbitre quoi que nous votions. Et il doit bien savoir que nous le savons !

Ensuite, Monsieur Pagani, je ne peux pas vous suivre sur un point: ce que nous venons de voter, soit le renvoi de la résolution au Conseil d'Etat, revient à lui demander de faire son travail. C'est la loi et la constitution qui fixent ses compétences dans les domaines couverts par GE-Pilote. Le Conseil d'Etat aime mieux les bravos que les sifflets... Comme chacun d'ailleurs ! Il a donc pensé qu'il était judicieux de demander son avis au parlement... Mais perdre du temps avec cette affaire n'aurait pas été adéquat... Prétendre que c'est le parlement qui négocie avec les syndicats sur cet objet aurait été faux également... Le Conseil d'Etat est maintenant dans un cadre légal fixé, c'est à lui de fixer les modalités: soit il sait négocier, et les choses se passeront bien, soit il ne sait pas négocier, et il remontera sur sa montagne avec un air très méprisant... Et les choses se passeront mal !

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi il faut rejeter la proposition de M. Catelain ! (Applaudissements.)

M. Alain Charbonnier (S). Je serai bref. Nous sommes tout à fait d'accord avec M. David Hiler.

Monsieur Catelain, deux remarques: la fonction publique n'a pas attendu que l'UDC siège dans ce Grand Conseil pour faire des grèves et le Conseil d'Etat n'a pas attendu la présence de l'UDC pour négocier et régler les problèmes de paiement de jours de grève.

Je vous propose donc, vous qui êtes très à cheval sur les économies, de retirer cette motion. Cela évitera un rapport et du travail pour l'administration publique.

M. Gilbert Catelain (UDC). Si j'ai bien compris les différents intervenants, le personnel de l'Etat sait qu'il n'est pas payé lorsqu'il fait grève, mais, par ailleurs, on lui fait miroiter qu'il y aura de toute manière des négociations à la fin de la grève et qu'il sera payé... Il ne prend donc pas beaucoup de risques, puisque, jusqu'à présent, cela a été le cas ! (Exclamations.)

Une voix. C'est faux !

M. Gilbert Catelain. En grande partie ! C'est vous qui l'avez insinué ! (Exclamations.)Vous l'avez insinué ! (Exclamations. Le président agite la cloche.)Vous l'avez laissé entendre ! En tout cas, je l'ai interprété comme cela ! C'est peut-être faux, mais je l'ai compris comme cela ! (Exclamations. Le président agite la cloche.)

Le président. Laissez parler M. Catelain, s'il vous plaît !

M. Gilbert Catelain. Vous avez fait une comparaison avec le secteur privé ! Moi, je m'en suis abstenu, parce que la comparaison n'est pas forcément glorieuse pour le secteur public... A Genève, le pourcentage du nombre de jours de grève effectués par employé de la fonction publique est beaucoup plus élevé que dans l'industrie et le secteur privé, même si ce dernier négocie - ce qui ne doit pas être très intéressant. Nous pourrions déposer une motion pour demander au Conseil d'Etat de nous faire un rapport à ce sujet, sur les dix dernières années.

Il n'empêche que la journée de grève de demain, si l'Etat devait négocier à la fin de cette série de manifestations et de grèves... (Exclamations.)... à raison de dix mille fonctionnaires, coûterait grosso modo 5 millions de francs, pour une non-prestation ! Nous avons discuté tout à l'heure du projet intitulé «GE-Pilote», grâce auquel le coût de chaque prestation sera analysé... Alors, d'accord, en 2007 le coût de chaque prestation sera analysé... Cela voudra-t-il dire que le coût des jours de grève potentiels seront intégrés dans l'évaluation du coût d'une prestation ? C'est complètement aberrant !

On ne peut pas, d'un côté, renvoyer directement au Conseil d'Etat une résolution demandant de mettre en oeuvre le projet GE-Pilote, qui propose d'analyser chaque prestation et de déterminer son coût, et, de l'autre, dire que les conséquences des jours de grève ne sont pas graves, alors que chaque journée de grève coûte 300 F à 500 F par employé, soit 5 à 30 millions de francs à la collectivité pour dix jours de grève dans l'année !

Je rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que la situation des finances publiques est catastrophique, que notre budget n'est toujours pas adopté et que nous n'avons pas les moyens actuellement de nous permettre le moindre écart. Nous n'avons en effet même pas la capacité d'avoir un budget équilibré ni de rembourser la dette, alors que les Etats Unis ont déjà annoncé qu'ils allaient augmenter leurs taux d'intérêt et que nous devons dès lors nous attendre, d'ici à la fin de l'année, à une augmentation du taux d'intérêt que nous allons payer sur la dette. Et une augmentation de 1% du taux d'intérêt sur la dette coûterait 130 millions à l'Etat de Genève en 2004 ! (L'orateur est interpellé.)Il ne faut pas tout mélanger, je suis d'accord !

Notre problème c'est qu'un jour de grève coûte à l'Etat, et respectivement à la collectivité, environ 5 millions de franc ! Nous demandons une chose simple, claire et compréhensible par le citoyen: celui qui fait grève n'est pas payé et il n'y a pas de négociations possibles ! Il n'y en aura pas, puisque nous annonçons d'entrée que les personnes qui font grève - ce qui est leur droit, garanti par la Constitution, et ce qui figure dans le statut du fonctionnaire - ne sont pas payées: c'est la contrepartie. Je suis navré, Monsieur Pagani... (Exclamations.)...mais il n'y aura pas de négociations ! Vous avez déjà signalé que les questionnaires ne seront pas forcément remplis et que, l'Etat ne pouvant exercer aucun contrôle, les heures devraient être payées pour tous... Le système que vous avez décrit tout à l'heure montre très bien qu'il pèche par manque de contrôle et qu'il n'y a pas de volonté d'application. Nous, nous voulons cette volonté d'application et que les jours de grève ne soient pas payés, ce qui me semble relever de la plus élémentaire logique. Si l'Etat ne fournit pas de prestations, le citoyen ne doit pas payer ces non-prestations ! C'est tout ce que nous demandons !

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je vais d'abord dire un mot au député Hiler à propos du Conseil d'Etat qui ne saurait pas négocier... En effet, cela fait onze ans que je suis au gouvernement - il est temps que je m'en aille, diront certains... (Exclamations.)Je vais au-devant de toutes sortes de souhaits, j'adore, en fin de soirée ! Donc, j'ai vu défiler toute sortes de conseillers d'Etat avec des expériences diverses... Eh bien, j'ai toujours entendu des députés décréter que nous ne savions pas négocier ! Je désespère du reste de trouver des députés qui disent le contraire ! C'est vous dire ! Je me réjouis déjà de la prochaine cohorte qui va nous faire des démonstrations extraordinaires !

Cela étant, je voudrais tout de même rappeler deux ou trois choses. Il est inexact de dire que le Conseil d'Etat a payé des heures de grève... (Exclamations.)C'est faux ! Certaines personnes ici pourraient témoigner qu'elles ont vu leur feuille de paie amputée des heures de grève ! Cela a été le cas en 1998, durant la période de la majorité de gauche... (Exclamations.)Cela a été le cas dans les années 90... (Exclamations. Le président agite la cloche.)Je tendais la main vers le Grand Conseil - et je ne voyais pas que des conseillers d'Etat assis sur ces bancs... En tout cas pas encore ! Si me rappelle bien, nous avons même été au Tribunal fédéral à cette occasion, parce que la manière dont nous avions décompté les heures de grève avait été contestée. Suite à l'arrêt du Tribunal fédéral - le célèbre arrêt Poux - nous avons pu appliquer une méthode qui est utilisée à chaque fois dans les différents lieux, avec des formulaires à remplir par les personnes concernées, sur la base desquels sont effectuées les retenues. Le Conseil d'Etat donne tout simplement, de façon très administrative mais très transparente, les instructions nécessaires.

Pourquoi le fait-on ? Parce que, vous l'avez rappelé à votre manière dans la première partie de votre intervention, Monsieur Pagani - nous aurions même pu nous arrêter là... - le droit de grève est reconnu, il est reconnu à toutes et à tous, moyennant un service minimum à respecter ! Et la contrepartie est connue: que ce soit dans le privé ou le public, les heures de grève ne sont pas payées. Le Conseil d'Etat, ayant appris le premier préavis de grève, a donné les instructions nécessaires, les a fait connaître aux organisations représentatives du personnel, a pris les décisions classiques dans ce genre de situation. Il n'a effectivement nul besoin d'une motion, étant donné que cela fait partie des dispositions qui sont appliquées depuis plus d'une dizaine d'années. C'est tout !

Je pense qu'il serait opportun de ne pas prolonger ce débat, étant donné les assurances que je vous donne à ce sujet et puisque cela fait partie - M. Hiler l'a rappelé - des relations entre employeur et employé, qui sont, comme vous le voyez, parfaitement codifiées.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la proposition de motion qui nous occupe, au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée par 39 non contre 34 oui et 3 abstentions.

Le président. Avant de terminer notre séance, nous passons au point 125 de notre ordre du jour.

M 1589
Proposition de motion de Mmes Jeannine De Haller, Marie-Paule Blanchard-Queloz pour une modification des dates des vacances scolaires de fin d'année 2004 et de février 2005

Débat

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG), rapporteuse. Monsieur le président, je... (Brouhaha.)Mais...

Une voix. J'ai déjà pris mes billets d'avion !

Une autre voix. Il y a ceux qui vont faire du ski, aussi !

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz. On n'a plus d'argent...

Le président. Ne vous laissez pas distraire par les remarques intempestives de vos collègues.

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz. Monsieur le président, lorsqu'on me fait rire, c'est toujours agréable...

Les auteurs de cette motion remercient le Grand Conseil d'avoir accepté l'urgence d'en discuter pendant cette session. En effet, cette motion s'accompagne d'un projet de loi qui demande que les vacances scolaires soient fixées par le Conseil d'Etat et non pas par le département.

En ce qui concerne les fêtes de Noël, cette motion demande que ces dernières soient fixées le plus près possible du 24 décembre. En effet, cette année elles ont, pour des motifs qui nous échappent, été fixées une semaine avant la fête de Noël. Toutes les associations de parents d'élèves ont réagi, mais sans succès. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cette motion en urgence... (Le président agite la cloche.)Afin que, pour cette année, le Conseil d'Etat intervienne auprès du département - qui prend ces décisions-là - en vue de modifier les dates des vacances scolaires. Le but est que les vacances scolaires soient le plus près possible de Noël et qu'elles soient repoussées jusqu'au 10 janvier.

En ce qui concerne 2005, on s'est aperçu que les vacances scolaires tombaient en même temps que celles de tous les autres cantons romands et, pour ceux et celles qui ont la chance de pouvoir partir en vacances, c'est vrai que cela pose d'énormes problèmes de circulation, donc de danger.

Ainsi, je remercie le Grand Conseil de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, en espérant qu'il pourra prendre les décisions qui s'imposent.

M. René Desbaillets (L). Le groupe libéral va soutenir cette motion. En effet, si nous sommes d'accord qu'une saine répartition des vacances entre la période d'études et de vacances soit équilibrée pour nos élèves, il n'en reste pas moins que l'on doit se soucier des problèmes économiques.

Ces vacances 2004, fixées pour moitié avant Noël et pour moitié après Noël, causent de vrais problèmes pour les familles, notamment les familles étrangères qui regagnent souvent leur pays avec leurs enfants. Pendant la semaine avant Noël, dans certaines branches de l'économie, notamment la restauration, l'hôtellerie et les commerces... (Le président agite la cloche.)... c'est le gros boum de fin d'année, et les bouclements comptables, effectués dans le domaine de la finance, ne permettent pas à un grand nombre de personnes de prendre des vacances. Alors, voir des enfants en vacances et des parents qui doivent continuer leur activité pour n'avoir, ensuite, qu'une semaine de vacances à passer avec eux, ce n'est pas rationnel ! Il faut absolument essayer de grouper ces vacances après Noël.

Puisque l'on va discuter de cet étagement des vacances en commission, ce sera aussi l'occasion de discuter des vacances «blanches». En effet, en 2005, cinq ou six cantons romands fixeront leurs vacances de neige à la même période. C'est une aberration ! Une aberration pour ceux qui peuvent partir en vacances de ski, parce qu'ils paieront leurs locations plus cher, qu'ils seront contraints à de longues heures d'attente, etc. Par ailleurs, si une répartition des vacances s'effectue sur plusieurs semaines, cela ne peut être que mieux pour l'industrie touristique.

Et si la France parvient très bien à répartir les vacances de ses dizaines de millions d'habitants, je ne vois pas pourquoi, en Suisse romande, il ne serait pas également possible de le faire pour que tout le monde puisse prendre des vacances sereinement. D'autant plus que, lorsque les vacances sont mieux réparties, cela coûte moins cher.

Nous demandons donc le renvoi de cette motion en commission de l'enseignement.

Mme Marie-Louise Thorel (S). Les dates des vacances scolaires sont connues et diffusées depuis fort longtemps. Pour mémoire, le calendrier est établi depuis 2001; ce dernier permet, entre autres, aux entreprises de planifier les vacances de leurs employés. Il est donc, nous semble-t-il, un peu tard, pour les modifier pour l'année en cours. Par ailleurs, des consultations ont eu lieu. J'ai reçu le résultat de mon syndicat, qui montrent que la SPG ne souhaitait pas du tout modifier les vacances de cette année.

En revanche, le groupe socialiste est d'accord d'envoyer cette motion en commission de l'enseignement afin d'en parler.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Je partage la plupart des conclusions de ma préopinante, Mme Thorel. Effectivement, ces dates sont connues depuis longtemps; les parents et les entreprises ont déjà pris leurs dispositions. Par conséquent, pour 2004, c'est plus de la gesticulation qu'autre chose que d'accepter cette motion.

Par ailleurs, lors de son intervention de tout à l'heure, Mme Blanchard-Queloz constatait que les vacances de Noël tombaient à la même date pour l'ensemble des cantons romands. Je lui ferai remarquer que Noël aussi tombe à la même date pour l'ensemble des cantons romands ! Et que c'est peut-être pour cela que les vacances tombent en même temps... Il y a donc une certaine logique à tout cela.

En outre, il y a un second élément qu'il nous paraît important de ne pas éluder dans notre réflexion: si nous décalions d'une semaine les vacances de Noël, elles commenceraient le 25 décembre. Or, même si l'on sait que le 24 décembre n'est pas un jour férié officiel, il est pratiquement certain qu'on le revendiquerait comme jour supplémentaire de congé. Et tant qu'à faire, puisque le 24, qui est un vendredi, deviendrait un jour de congé, pourquoi ne pas donner également le jeudi, de façon à faire le pont à partir du mercredi soir ?!

Nous estimons, pour notre part, que la consultation a été faite selon les méthodes traditionnelles, que chacun a pu s'exprimer, que chacun a été consulté - y compris les parents - et que, par conséquent nous refuserons cette motion.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter... Pardon, Monsieur le conseiller d'Etat, je n'avais pas vu votre inscription. Tel est le cas maintenant, vous avez la parole.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. La question des vacances scolaires semble devenir une préoccupation à partir du moment où l'on se rapproche de la date fatidique des vacances de Noël. Comme cela a été dit - mais je me permets de le remettre en évidence - ces dates ont été fixées en 2001. Elles ont été publiées et sont connues de toutes et tous. Ces dates de vacances ont pris en considération un certain nombre d'éléments dont, notamment, le rythme scolaire, ainsi que le fait qu'en 2005 les dates des vacances de Pâques étaient particulièrement proches des vacances de Noël.

Lorsque j'ai reçu, ce printemps, un certain nombre de lettres me demandant le report de ces dates, je me suis longuement interrogé - surpris moi-même par cette semaine de vacances placée pratiquement une semaine avant Noël. J'ai alors procédé à des consultations dont j'aimerais, succinctement, vous donner les résultats.

L'ensemble des associations professionnelles d'enseignantes et d'enseignants ont dit que, certes, les dates étaient mal placées, mais qu'il ne convenait désormais pas de reporter les vacances. Lors de l'organisation d'une soirée à laquelle j'ai assisté, j'ai consulté l'ensemble des associations de parents: le GAPP, Groupement cantonal genevois des associations de parents d'élèves; la FAPECO, Fédération des associations de parents d'élèves du cycle d'orientation du canton de Genève, et la FAPO, Fédération des association de parents du postobligatoire. Toutes ces associations ont conclu à une non-demande unanime de report des dates de vacances. Il n'y a donc, du point de vue des corps professionnels ou parentaux constitués, aucune demande de report.

Nous nous sommes cependant interrogés pour savoir si, du côté des entreprises ou des salariés, dans le secteur privé, ces dates avaient pu représenter un inconvénient. Nous avons donc écrit aux associations concernées, et les réponses ont été unanimes: nous n'avons reçu aucune plainte, aucune demande de report. Plus encore: un certain nombre d'entreprises se sont arrangées pour voir leurs vacances organisées en fonction du planning programmé par les autorités scolaires depuis des années.

A partir de là, les choses sont claires: si nous repoussons les dates de vacances pour telle ou telle raison, les seules personnes qui seront dans l'embarras - et elles sont d'ores et déjà des dizaines à m'avoir écrit en ce sens - seront les personnes qui auront programmé leurs vacances en tenant compte des dates fixées par les autorités. Je comprends que cette situation comporte des inconvénients, mais, lorsqu'aucun groupe constitué ne formule la demande que vous relayez aujourd'hui, il y a des risques derrière cette démarche. Je tenais à vous rendre attentifs à cela avant que vous ne puissiez étudier le problème en commission.

Pour ce qui est des vacances de février, j'aimerais rappeler qu'en 2002 et 2003 le fait que d'autres cantons - comme ceux du Valais et de Vaud - aient connu leurs dates de vacances en même temps que les écoliers genevois ne semble guère avoir posé de problème.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons procéder plusieurs votes s'il y a lieu. Nous avons été saisis d'une demande de renvoi de cette motion en commission de l'enseignement. Si cette demande est acceptée, nous en resterons là. Si, en revanche, elle est refusée, nous voterons sur le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat. Nous procédons au premier vote, par électronique.

Mis aux voix, le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'enseignement est rejeté par 39 non contre 27 oui et 5 abstentions.

Le président. Nous votons maintenant sur l'acceptation de cette proposition de motion, soit son renvoi au Conseil d'Etat. Le vote électronique est lancé.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée par 35 non contre 28 oui et 5 abstentions.

Le président. Je lève la séance. Nous nous retrouvons demain 15h. Bonne nuit !

La séance est levée à 22h45.