Séance du vendredi 12 mars 2004 à 17h10
55e législature - 3e année - 6e session - 29e séance

PL 8986-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Meyrin (création d'une zone de développement industriel et artisanal) au lieu-dit "Au Plantin"
Rapport de Mme Laurence Fehlmann Rielle (S)

Débat

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse. Quelques mots pour rappeler que ce projet de loi de déclassement, qui émane du DAEL, a pour but d'harmoniser les zones de développement industriel dans ce secteur qui, avec la zone aéroportuaire, est soumis à d'importantes nuisances. La modification du régime des zones proposée dans ce projet est conforme aux buts de la loi sur l'aménagement du territoire (LAT) qui préconise de «répartir judicieusement les lieux d'habitation et les lieux de travail», ainsi que «de préserver autant que possible les lieux d'habitation des atteintes nuisibles comme le bruit, la pollution, etc.»

Il convient de souligner que ce secteur n'est plus un lieu propice à l'habitat. Il a été rappelé en commission que, si ces terrains étaient actuellement libres de construction, on ne pourrait plus y construire des habitations en raison des nuisances qui règnent actuellement dans ce secteur. Malgré ce constat, les propriétaires des villas sises dans ce périmètre ne sont pas menacés par le changement proposé par le projet de loi, mais on ne peut simplement plus y implanter de nouvelles constructions destinées à l'habitat. Un certain nombre d'opposants se sont néanmoins manifestés, car ils craignent notamment que ce changement de zone n'ait pour effet de dévaloriser leur parcelle. L'avis de droit très détaillé qui figure dans le rapport répond à ces oppositions. En résumé, il conclut que le présent projet n'aura pas pour effet de générer une moins-value de ces terrains, car ce n'est pas le changement de zone qui rend ces terrains impropres à l'habitat - c'est le droit fédéral qui établit que ces terrains sont soumis à de trop fortes nuisances. La majorité de la commission est arrivée aux mêmes conclusions que cet avis de droit et vous propose d'accepter ce projet de loi.

Mme Anne Mahrer (Ve). Comme l'a rappelé ma collègue Fehlmann Rielle, la commission s'est prononcée en faveur de ce projet de loi. En préambule, je voudrais juste rappeler qu'en 1995 les zones de bruit dites «zones NNI» ont été remises en cause par le Tribunal fédéral. C'est pourquoi, pendant la période entre 1995 et 2001, avant l'adoption de nouvelles normes, des autorisations de construire ont été délivrées, notamment dans ces zones situées en valeur d'alarme, par exemple à Genthod et à Meyrin en l'occurrence, et parmi d'autres communes encore. Il est bien clair que les Verts soutiendront la démarche du Conseil d'Etat qui vise à harmoniser les zones de développement en tenant compte des niveaux d'immissions relevées dans le cadastre du bruit. Le principe de précaution interdit d'ailleurs l'extension de l'habitat dans ces zones résidentielles fortement exposées au bruit. C'est le cas, bien sûr, du secteur du lieu-dit «Au Plantin», puisque les nuisances aéroportuaires ont atteint dans cette commune un degré de sensibilité 4.

A part cela, on a parlé tout à l'heure de développement durable, or je souhaiterais que, dans le cas d'une augmentation du trafic aérien, on tienne compte des coûts induits, non seulement des nuisances sonores, mais aussi des nuisances dues aux gaz à effet de serre. J'aimerais qu'on se souvienne que le kérosène reste à un prix dérisoire, qu'il n'est pas taxé, qu'il provoque un cinquième du total des nuisances que supporte le climat suisse, qu'il est bien sûr responsable du réchauffement climatique.

En conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous recommandons de voter ce projet de loi.

M. Jacques Baud (UDC). Dans ce changement de zone, tout le monde est d'accord: les communes, la commission et le DAEL. Je rappelle que ce changement de zone est lié à des lois fédérales que nous devons appliquer, et qu'il s'agit en l'occurrence de la prolongation des pistes d'aéroport sur un territoire réputé impropre au logement. Dans ce sens tout est bien, nous allons suivre cette loi, nous sommes pour.

Mais j'aimerais tout de même rappeler ceci: il y a, sur cette zone, des propriétaires de villas, or qui dit changement de zone dit changement au niveau des impôts immobiliers. J'aimerais qu'on fasse un petit effort pour que ces gens-là ne soient pas désanvantagés par une augmentation des impôts immobiliers et qu'on tienne compte de ce facteur.

M. Rémy Pagani (AdG). Comme l'a dit Mme Mahrer, nous avons affaire à une première difficulté face à ce déclassement, celle de respecter les zones de protection contre le bruit de l'aéroport. Il ne s'agit pas seulement de protéger les habitants contre ces nuisances sonores, mais aussi de penser aux travailleurs qui seront dans ces zones industrielles que nous créons, et de les protéger de la pollution - en l'occurrence extrêmement importante - générée par le trafic aérien. C'est bien facile de dire que ces zones sont impropres à l'habitation, mais on doit aussi mener une réflexion approfondie sur le fait d'y implanter de l'industrie. Bien évidemment, on comprend que devoir rester huit heures par jour dans ces zones est moins dommageable pour la santé que de devoir y habiter en permanence, mais toujours est-il que des problèmes se posent. D'ailleurs, pour preuve, la zone de l'aéroport en tant que telle est mise «sous cloche» pour permettre à l'ensemble de l'activité aéroportuaire de fonctionner et aux employés d'y travailler en zone climatisée.

En l'occurrence, il faudra mener une réflexion pour permettre, le cas échéant, aux travailleurs qui viendront s'y implanter, d'y mener leur activité en étant protégé contre ces nuisances. Bien évidemment, cela engendre des coûts, des coûts qui devront être ajoutés à ceux que Mme Mahrer a explicités par rapport aux effets de serre et à la problématique de pollution atmosphérique due à ce type d'industrie.

Chacun se gargarise du fait qu'on puisse se rendre de plus en plus facilement de Genève à Paris en avion, alors que nous investissons l'ensemble des efforts financiers dans le chemin de fer. Pendant ce temps, des compagnies d'aviation proposent un aller-retour Genève-Paris à un prix dérisoire. Là aussi, il faut réfléchir; il faut se demander si nous devons continuer à mettre à disposition des infrastructures pour ce type de transports qui génèrent de la pollution atmosphérique, des effets de serre et des inconvénients pour ceux qui doivent habiter dans ces zones. Cette réflexion doit être poussée de manière globale. Nous encourageons le département dans ce sens.

La deuxième problématique - vous l'avez relevée - concerne le nombre d'oppositions qui ont été soulevées contre ce déclassement. Nous avons débattu hier soir des droits des propriétaires privés, notamment dans le cas de reclassements de certains terrains à Lancy. Aujourd'hui, nous sommes dans la même situation, avec des propriétaires qui disent être très bien chez eux et ne pas vouloir participer au développement de Genève, qui font opposition et continueront à le faire. Je le regrette, mais une fois de plus, l'exemple est significatif: nous avons hier souscrit à la demande de certains propriétaires de villas de reclasser des zones de développement en zones villas, et aujourd'hui nous donnons un message inverse - qui, bien évidemment, nous convient - à d'autres propriétaires, puisque nous déclassons une zone villas en zone industrielle. L'Alliance de gauche soutient cette politique et continuera à la soutenir, toujours est-il que ce parlement a donné deux messages contradictoires en presque moins de vingt-quatre heures, ce qui doit paraître bizarre à qui veut comprendre la politique de notre canton en matière de gestion du territoire.

M. Claude Blanc (PDC). Quand M. Pagani a abordé la deuxième partie de son intervention et s'est mis à parler des propriétaires opposants à ce projet de loi, je me suis dit que, peut-être, je n'aurais pas besoin de prendre la parole, parce qu'il allait me couper l'herbe sous les pieds en exprimant ce que je voulais dire. Malheureusement, cela n'a pas été le cas.

Je voudrais relever au préalable que je ne conteste en aucune manière ce projet de déclassement. J'ai bien compris ce que j'ai lu dans le rapport, de même que le commentaire qu'en a fait Mme Fehlmann Rielle. Il est vrai que ce n'est pas le déclassement de la zone villas en zone industrielle qui va faire perdre de la valeur à ces terrains, et que c'est la législation fédérale qui l'impose en fonction des activités de l'aéroport. Néanmoins, je vous rappelle que, dans la commune de Meyrin, la zone villas vaut à peu près 650 francs le mètre carré, et la zone industrielle 200 francs. Il y a donc très certainement une perte réelle pour les propriétaires de ces terrains.

Je voulais en venir à la question suivante, que j'adresse à M. le conseiller d'Etat Moutinot - qui, d'ailleurs, va peut-être me répondre que ce point est réglé: ces gens-là vont souffrir de cette situation, puisqu'un propriétaire de villa à Meyrin possédait un terrain qui valait 600 francs le mètre carré jusqu'à ce que l'aéroport devienne la cause d'une perte de substance. Ces propriétaires-là subissent indiscutablement - pas du fait de notre projet de loi, mais du fait de la situation - un préjudice dont j'aimerais savoir s'il a été prévu de le couvrir. Certains propriétaires avaient déjà obtenu des dédommagements de la part de l'aéroport pour des nuisances qu'ils doivent subir, des doubles vitrages qu'ils ont dû installer et d'autres aménagements qu'ils ont dû réaliser. Il me semble qu'il serait quand même injuste qu'ils ne soient pas dédommagés là aussi.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de soutenir ce projet de loi. Je ne pense pas, contrairement à ce qu'a dit M. le député Pagani, qu'il y a un message contradictoire entre le vote d'hier et celui d'aujourd'hui, tant il est vrai que, dans un cas, il s'agit d'une zone habitable, et que dans l'autre, en bout de piste de l'aéroport, il s'agit d'une zone qui, juridiquement et de fait, est extraordinairement impropre à l'habitat.

Pour répondre aux questions de MM. Blanc et Baud, je dirais que les conséquences économiques de cette décision sont variables en fonction des cas: selon que les personnes ont acquis leur terrain il y a fort longtemps ou plus récemment, selon qu'elles ont été indemnisées lors du processus d'indemnisation de l'aéroport, selon l'état de leur maison et que sais-je encore. La valeur des villas n'est pas toujours la même: certains propriétaires les ont entretenues, tandis que d'autres pas, voyant que l'on se dirigeait vers une telle issue - car celle-ci a quelque chose de logique. Les règles d'indemnisation générales de l'Etat, à raison des nuisances ou de la dévalorisation d'une parcelle, sont applicables, mais encore faudra-t-il examiner au cas par cas, pour déterminer ceux qui pourraient y prétendre en fonction de ces différentes normes qui régissent la responsabilité de l'Etat en cas d'expropriation matérielle ou en cas d'atteinte aux droits de voisinage, puisque telles sont a priori les deux situations possibles. De la même manière, en matière fiscale - et je ne suis pas un expert fiscaliste ! - la valeur de la propriété dépendra des différentes situations.

J'aimerais aussi dire à toutes celles et à tous ceux qui semblaient craindre que dès demain il y ait des trax là-bas, qu'il n'en est évidemment pas question ! Les personnes qui souhaitent rester dans ces maisons, parce qu'elles en sont propriétaires, y resteront tant que les projets ne se développeront pas. Evidemment, à partir du moment où il s'agit d'une zone industrielle, nous n'autoriserons ni nouvelles constructions, ni agrandissements, qui auraient pour effet de pérenniser une situation contraire à celle qu'entérinera votre vote.

La loi 8986 est adoptée en trois débats par article et dans son ensemble.