Séance du
vendredi 23 janvier 2004 à
20h45
55e
législature -
3e
année -
4e
session -
20e
séance
La séance est ouverte à 20h45, sous la présidence de M. Pascal Pétroz, président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, Laurent Moutinot, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Carlo Lamprecht et Charles Beer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Thomas Büchi, Roger Deneys, René Desbaillets, Michel Halpérin, Christian Luscher, Jacques-Eric Richard, Eric Rossiaud, François Thion, Pierre Schifferli, députés.
Communications de la présidence
Le président. Je vous rappelle que nous avons décidé, hier à 17h, de traiter des points en urgence. Nous traiterons donc préalablement à tout autre objet, les points 127, 130, 51 et 107.
Annonces et dépôts
Le président. La motion suivante est retirée par ses auteurs:
Proposition de motion de Mme et MM. Guy Mettan, Anne-Marie Von Arx-Vernon, Pascal Pétroz, Pierre-Louis Portier, Patrick Schmied pour la création d'un Samu social à Genève ( M-1531)
Préconsultation
M. Rémy Pagani (AdG). Nous avons demandé que ce projet de loi sur la police soit traité en urgence. Il est en effet lié à une conférence de presse du Conseil d'Etat au sujet de la répartition du produit des amendes. Nous pensons qu'il est judicieux, pour que chacun comprenne les enjeux de ce projet de loi, de discuter de celui-ci dans le cadre de la préconsultation.
Nous estimons qu'il y a un problème de répartition du produit des amendes d'ordre entre la Ville de Genève et le canton. Je trouve qu'il faudra s'y attacher de manière sérieuse en commission, même si le Conseil d'Etat veut faire passer en force ce projet de loi en prétendant que la répartition est correcte entre le produit des amendes et celui des horodateurs. Nous en avons discuté dans notre groupe et nous pensons qu'il y a lieu de débattre sérieusement de la propension de certain à augmenter les tarifs des parkings. Il faut que ces gens-là fassent preuve de modération, car un certain nombre de discussions doit avoir lieu. Ce problème a d'ailleurs suscité des réactions de la part de nos concitoyens.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Pour ma part, je ne fais pas la même lecture de cette loi que M. Pagani. En effet, je crois savoir - la présidente pourra certainement le confirmer mieux que moi - qu'il s'agit avant tout de résoudre un problème pratique. Il faut le reconnaître : il y a un problème en ce momement avec le service des contraventions, lequel n'arrive pas mener à bien le recouvrement des amendes d'ordre. Il s'ensuit inévitablement que l'argent ne rentre pas dans les caisses de la Ville de Genève.
Vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, je préside la commission cantonale de sécurité municipale. Il s'agissait de trouver une solution à ce problème. Celle qui est proposée ici arrange la Ville de Genève. J'aurais souhaité, en ce qui me concerne, que nous votions sur le siège. Je ne sais pas ce que Mme Spoerri suggère, mais je ne vois aucun inconvénient à ce que nous donnions immédiatement cette facilité à la Ville de Genève.
En revanche, et là c'est plutôt le président qui s'exprime que le député, le vote de la loi sur les agents de sécurité municipaux a produit de nombreux bienfaits. Cette loi a uniformisé les rapports entre l'Etat et toutes les communes. La Ville de Genève s'est intégrée dans un deuxième temps à cette loi. Il ne faudrait pas que ce projet de loi soit le début du changement de l'état actuel qui est bénéfique pour toutes les parties. Au sein de la commission cantonale, nous admettons ce projet de loi, parce qu'en effet il y a un problème pratique qu'il faut résoudre; et ce problème ne peut se résoudre que par une modification de la loi sur la police. Cependant, cela doit rester une exception. Je tiens à ce que notre Grand Conseil soit le garant de la poursuite de la politique de collaboration entre l'Etat et les communes, toutes les communes, y compris la Ville de Genève.
Le président. Monsieur le député, demandez-vous formellement la discussion immédiate. Dans ce cas, nous appliquons l'article 130 alinéa 2 de notre règlement: «A l'issue de la préconsultation, le projet de loi est renvoyé en commission, à moins que le Grand Conseil ne décide de passer à la discussion immédiate.» Je vais donner la parole aux différents groupes pour qu'ils puissent s'exprimer, après quoi nous voterons sur la discussion immédiate.
M. Sami Kanaan (S). Nous soutenons la discussion immédiate pour ce projet de loi. Il y a effectivement des clauses de prudence qui sont suffisamment bien formulées. Il est établi clairement qu'il s'agit d'une situation exceptionnelle et que la loi vise à régler un problème pratique.
M. Christian Grobet (AdG). Je pense que c'est une grave erreur, lorsqu'un texte législatif est soumis à l'approbation du Grand Conseil, de ne pas l'examiner en commission.
Nous avons déjà eu l'occasion, dans ce Conseil, de commettre des erreurs de rédaction, même sur des textes qui sortent de commission. Je pense que ce n'est pas sérieux de voter en discussion immédiate un texte législatif qui nécessite d'être examiné de près.
Que le projet de loi soit urgent, c'est possible. Il y a beaucoup de moyens de le traiter avec diligence. Je ne pense pas que l'on soit à trois semaines près. Nous pouvons le renvoyer à une commission ad hoc ou à une commission qui disposerait du temps nécessaire pour l'examiner immédiatement. Il est également possible de rendre un rapport oral lors de la prochaine séance du Grand Conseil. Encore une fois, je ne pense pas que nous soyons à trois semaines près et le passage en commission donnerait une meilleure garantie que le texte correspond effectivement à ce qui est souhaitable.
Je demande en conséquence que le projet de loi soit renvoyé en commission. S'il y a urgence, alors de deux choses l'une: soit nous constituons une commission ad hoc avec des gens disponibles qui peuvent se réunir la semaine prochaine déjà, à midi par exemple, soit nous renvoyons ce projet à une commission permanente. Il est vrai que la commission judiciaire, qui traite actuellement la loi sur la police, me paraît relativement surchargée. Cela retarderait peut-être le traitement de ce projet, mais je rappelle que nous avions l'espoir de terminer la loi sur la police jeudi prochain. Il est donc envisageable que la commission judiciaire traite de ce projet de loi dans quinze jours et rapporte oralement à la prochaine séance du Grand Conseil.
Cela me semble être une solution adéquate. Je le répète, notamment en ce qui concerne ces compétences communales, nous avons déjà eu l'occasion de nous tromper et de devoir rectifier ensuite des lois.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je vous rappelle que nous sommes en procédure de préconsultation, en dépit de quoi plusieurs députés du même parti se sont inscrits, de même que certaines personnes qui se sont déjà exprimées.
M. Portier, je ne vous donne donc pas la parole, car vous vous êtes déjà exprimé tout à l'heure. (Le président est interpellé.)Monsieur le député, l'article 130 alinéa 2 stipule: «A l'issue de la préconsultation, le projet de loi est renvoyé en commission, à moins que le Grand Conseil ne décide de passer à la discussion immédiate.» Je suis obligé de procéder au débat de préconsultation qui prévoit une intervention par groupe d'une durée de cinq minutes.
M. Pierre Froidevaux (R). M. Portier a dit tout à l'heure tout le bien qu'il fallait penser de ce projet de loi. Personne ne remet en cause la qualité de celui-ci, mais ce n'est pas parce qu'il est excellent que nous allons le voter en discussion immédiate. Nous avons besoin de l'évaluer. Nous sommes un parlement de milice et nous avons certes entendu quelqu'un de très expérimenté se prononcer sur ce projet, mais nous avons tout de même besoin d'entendre l'Association des communes genevoises.
Je dois dire en outre que je n'ai pas encore compris l'urgence qu'il y avait à traiter ce projet de loi, mais admettons... (L'orateur est interpellé.)C'est de l'argent, d'accord, mais cet argent existe de toute façon. Il est question ici de la manière dont il est réparti; les amendes, elles, existent toujours.
Ce que je vous propose, c'est de renvoyer ce projet de loi dans une commission qui pourra le traiter assez rapidement. (L'orateur est interpellé.)Non, elle a beaucoup à faire, mais elle est un peu paralysée ! Je vous propose concrètement de renvoyer ce projet de loi en commission fiscale, dans la mesure où elle a certes des objets en suspens, mais elle ne peut pas les voter. A mes yeux, ce projet pourrait être parfaitement traité dans cette commission. Je vous demande donc formellement, Monsieur le président, que ce projet de loi soit renvoyé à la commission fiscale.
M. Gilbert Catelain (UDC). Si j'ai bien compris, le service de recouvrement du canton est surchargé. Par conséquent, on peut penser qu'un certain nombre de mandats de répression dus à la Ville de Genève ne sont pas perçus. Je suis convaincu qu'il y a une surcharge de ce service, que c'est un problème urgent et qu'il ne faut pas attendre trois semaines pour le traiter sous peine d'assister à une accumulation du retard dans ce service.
C'est tout de même surprenant que ce problème soit du à une politique répressive de la Ville de Genève qui a effectivement compris que la prévention dans le domaine de la LCR n'était pas très efficace et qu'il fallait passer à un niveau de répression plus élevé.
J'aimerais simplement que la présidente du département clarifie bien quel est le problème qui est en jeu, parce qu'il ne ressort pas si clairement que cela du rapport. Le rapport, pour moi, n'est pas si clair... Je ne vois pas où se situe le problème de répartition entre la commune et le canton dont nous parle M. Grobet. Pour ma part, je n'ai pas du tout compris cela, j'ai simplement compris qu'il y avait un problème d'encaissement des amendes parce qu'un service est surchargé. Mais il ne me semble pas qu'il y ait une incidence sur la répartition des amendes; c'est du moins ce que j'ai compris. Effectivement, il s'agit simplement d'un problème technique. Et les modalités techniques sont réglées au niveau de l'administration.
Le groupe UDC devrait suivre la proposition du groupe PDC, en fonction des indications que voudra bien nous donner la présidente du département.
M. Olivier Vaucher (L). Apparement les deux précédents orateurs n'ont pas lu l'exposé des motifs, pourtant relativement simple et bref, de ce projet de loi du Conseil d'Etat. Le souhait exprimé par ce projet de loi est particulièrement simple, et c'est pour cela que notre groupe, fort de l'exposé des motifs et de la demande du Conseil d'Etat... (Brouhaha.)... soutient la proposition d'entrer en discussion immédiate, comme l'ont suggéré MM. Portier et Kanaan.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. En effet, c'est très simple. Si vous regardez la page 2 de l'exposé des motifs, vous pouvez constater la vitesse à laquelle évolue le nombre d'affaires que nous devons gérer en matière de transformation des amendes d'ordre en contraventions pour la Ville de Genève. C'est une évolution exponentielle !
A chaque jour qui passe, Mesdames et Messieurs les députés, ce sont des centaines et des centaines d'amendes d'ordre qui ne sont pas traitées ! C'est un manque à gagner pour l'Etat et, en raison de la situation budgétaire actuelle - dont vous avez vous-mêmes décidé, Mesdames et Messieurs ! - il n'y a aucune perspective raisonnable de redresser la situation.
Ce qui est proposé ici - en tenant compte, d'ailleurs, des remarques tout à fait légitimes de M. Portier - c'est que, par voie de convention, dans une situation exceptionnelle, la Ville de Genève serait autorisée à procéder elle-même à la conversion en contraventions des amendes d'ordre infligées. C'est ce que prévoit l'article 4 alinéa 5 lettre d: «Toutefois, si des circonstances exceptionnelles le justifient, le Conseil d'Etat peut, pour une durée déterminée et moyennant convention, autoriser une commune à procéder elle-même à la conversion en contraventions des amendes d'ordre infligées sur son territoire par ses agents de sécurité municipaux et ses agents municipaux, ainsi qu'à leur recouvrement;».
Il se trouve qu'actuellement les circonstances exceptionnelles justifient une telle autorisation. Je tiens cependant à souligner que nous ne touchons en aucune façon au principe fondamental de la collaboration; nous nous donnons, dans des circonstances exceptionnelles et après discussions avec la Ville - et M. Hediger pourrait en témoigner si nécessaire - les moyens de résoudre un problème. J'ajoute que l'Association des communes genevoises a également été mise au courant de cette situation. Il s'agit d'un transfert provisoire de la gestion, point final ! Ce n'est pas plus compliqué que cela.
Alors, si vous voulez attendre, Mesdames et Messieurs les députés, nous le pouvons. Le Conseil d'Etat vous avait proposé, lors de votre dernière session déjà, de traiter cet objet en urgence. Vous n'avez pas souhaité le faire, vous vous êtes donné un délai de réflexion. Il serait raisonnable ce soir d'aller de l'avant.
Le président. Je vous donne lecture une nouvelle fois de l'article 130 alinéa 2 de notre règlement : «A l'issue de la préconsultation, le projet de loi est renvoyé en commission, à moins que le Grand Conseil ne décide de passer à la discussion immédiate.» Il en résulte que le principe est le renvoi et l'exception est la discussion immédiate. Je vais donc mettre aux voix la proposition d'entrer en discussion immédiate préalablement à tout autre vote.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée par 49 oui contre 20 non et 7 abstentions.
Premier débat
Mme Michèle Künzler (Ve). Pour le groupe des Verts, il semble effectivement urgent de régler cette situation. Ce Grand Conseil a reçu des pétitions d'habitants des Grottes qui se plaignent du parcage sauvage dans leur quartier. Je ne vois pas pourquoi on attendrait encore, simplement pour encaisser des amendes qui sont dues. Personne n'est obligé d'avoir des amendes. Je propose donc de passer au vote maintenant.
M. Christian Grobet (AdG). Notre Conseil a décidé, démocratiquement, de passer à la discussion immédiate. Je le regrette, parce que nous allons maintenant être obligés de regarder ce texte de plus près et de soulever un certain nombre de questions - que je vais bien entendu poser.
Car voici ma préoccupation: vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, toute contravention peut faire l'objet d'une opposition devant un tribunal qui juge non seulement si la contravention est justifiée, mais aussi si la procédure a été respectée. C'est ainsi que nous avons déjà eu l'occasion de voir le Tribunal fédéral annuler des amendes pour une raison ou pour une autre. D'ailleurs, cela peut déjà commencer au stade du Tribunal de police.
J'estime qu'en matière de droit pénal - parce qu'il s'agit ici de droit pénal - il est très discutable que la question soit réglée par voie de convention entre le Conseil d'Etat et les communes. J'aimerais donc savoir quel est le contenu de cette convention et à quoi elle sert. En effet, elle ne sera probablement pas publiée dans le Recueil systématique des lois. On peut se demander pourquoi on a choisi de recourir à une convention alors que, d'ordinaire, l'application d'une loi se fait au moyen d'un règlement adopté par le Conseil d'Etat et qui figure au Recueil systématique afin qu'il soit possible de s'assurer que les conditions légales et réglementaires applicables sont remplies. Dans le cas qui nous occupe, on ne sait pas quelle forme aura cette convention. Elle ne figurera vraisemblablement pas dans le Recueil systématique, elle ne sera pas connue des citoyennes et des citoyens. Je doute que des procédures pénales puissent être réglées par voie de convention. (L'orateur est interpellé.)Peut-être que Mme Spoerri a une réponse à ces questions ! On vient de nous dire que tout est urgent, qu'on est pressé... C'est donc, sans doute, que la convention est déjà toute prête ! Parce qu'il ne faut pas venir nous dire ce soir que c'est urgent, si la convention n'est pas encore rédigée !
Je souhaiterais même, pour que nous puissions voter en toute connaissance de cause, qu'on nous remette le texte de la convention. Je suppose que Mme Spoerri l'a dans ses affaires, qu'on pourrait facilement en faire cent photocopies et les distribuer aux députés afin que nous puissions savoir en quoi consiste cette convention. Si cette convention n'a pas été rédigée, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas sérieux. Le Conseil d'Etat ne peut pas venir plaider l'urgence devant notre Conseil si l'élément essentiel d'application de cet article n'a pas été élaboré ! Et je ne suis pas d'accord, en tant que député, de voter la tête dans le sac, sans connaître l'élément essentiel d'application de cette disposition légale ! C'était le premier point.
Alors, je serai aimable et je ferai la proposition suivante au Conseil d'Etat: si vous voulez, Mesdames et Messieurs, aboutir ce soir, biffons le terme «convention» de cet article ! Cette convention est peut-être totalement inutile et, en supprimant cette mention dans le texte de loi, le problème que je soulève serait résolu. Et peut-être que ce qui est prévu dans la convention pourrait simplement figurer dans le règlement.
Deuxièmement, si l'on me consulte, en tant qu'avocat, pour contester une contravention qui est notifiée, non pas comme il est prévu par la police, mais par une commune dans le cadre de la dérogation, je constate que seules des circonstances exceptionnelles peuvent justifier cette situation. Or quelles sont les circonstances exceptionnelles qui justifient que ce ne soit plus la police qui notifie la contravention, mais la commune ? Si la circonstance est seulement le manque de quelques fonctionnaires au service compétent, elle me semble assez peu exceptionnelle. On peut très bien imaginer que si la commune engage dix fonctionnaires pour faire ce travail, l'Etat peut en faire de même. Ainsi, la référence, dans la loi, à des circonstances exceptionnelles au regard des circonstances réelles pourrait amener un tribunal à nier le caractère exceptionnel de ces dernières. La condition légale ne serait donc pas remplie. Là aussi, je serai aimable, en tant que juriste, et je proposerai de biffer cette allusion à des circonstances exceptionnelles. Et peut-être Mme Spoerri a-t-elle une idée qui justifierait l'inscription de cette condition dans la loi. Elle nous le dira; elle nous dira s'il est nécessaire de prévoir cette condition.
Troisièmement, si nous introduisons la possibilité d'une dérogation, je pense qu'il faudrait supprimer la mention: «de la compétence exclusive de la police». Il faudrait simplement indiquer: «de la compétence de la police», puisque nous introduisons une dérogation.
Bref, vous prétendez, Madame la conseillère d'Etat, qu'il est urgent de voter ce texte - ce dont je ne suis pas du tout convaincu, bien que je sois le premier à souhaiter que ces amendes puissent être réclamées. Sans doute ce texte a-t-il été élaboré un peu vite. Tout ce que je demande, pour ma part, c'est que ce texte de loi nous soit expliqué en détail. S'il s'avère que sa rédaction est mauvaise et qu'elle peut entraîner l'annulation de contraventions par le Tribunal de police, nous n'aurons pas gagné trois semaines, mais nous aurons perdu six mois, voire une année.
M. Philippe Glatz (PDC). Je dois dire que j'ai été tout à fait sensible à l'argumentation développée par M. Grobet. J'ai peur ce soir, sous prétexte d'efficience, d'efficacité technique et bureaucratique, que l'on passe à côté des vraies questions. Je suis heureux qu'un juriste ait pu rappeler dans cette enceinte qu'il y a un certain nombre de règles de droit et qu'il convient d'examiner les choses avec un peu de distance, quand bien même on nous alerte sur le fait que le nombre d'affaires transmises s'accroît d'année en année. Il semble que cela soit une phénomène incommensurable. Mme la présidente du département nous parlait de centaines et de centaines, mais ce sont des milliers et des milliers. Je lis bien qu'on est passé de 37'000 affaires en 2002 à plus de 75'000 en 2003.
Il est une vraie question : comment expliquer cette augmentation ? Mais nous nous cantonnons aujourd'hui à des questions d'efficacité bureaucratique : comment encaisser le plus rapidement possible et le mieux possible ces amendes, sans réfléchir trop longtemps aux questions de droit. C'est pourquoi je me rangerai à l'avis exprimé ici par M. Grobet.
M. Jean Spielmann (AdG). Une idée est venue, à plusieurs reprises déjà, au sujet de l'affectation des amendes d'ordre et plus spécialement des amendes de circulation dans le centre-ville. Certaines villes, en France, financent la gratuité des transports publics avec le produit des amendes infligées à ceux qui, circulant en milieu urbain, étaient en contravention faute d'avoir respecté les dispositifs ou, tout simplement, faute d'avoir pu garer leur voiture correctement. Les municipalités de ces villes ont estimé intelligent d'affecter ces recettes au développement des transports publics; c'est le cas de villes comme Compiègnes et d'autres encore. Cela permet aux personnes sanctionnées par ces amendes de se demander si, en définitive, il ne serait pas plus judicieux de prendre les transports publics plutôt que d'écoper d'une amende en allant au centre-ville avec sa voiture.
On pourrait donc examiner, dans le cadre de l'explosion des recettes des amendes d'ordre, cette formule consistant à assurer le financement des transports publics par ces recettes, permettant ainsi le transfert modal.
C'est la discussion que je voulais ouvrir dans le cadre de ce projet de loi. S'il est voté en discussion immédiate, c'est évidemment impossible. Au vu des différentes interventions, je pense qu'il conviendrait de renvoyer ce projet de loi en commission pour examiner les différents aspects juridiques qui ont été soulevés, mais aussi pour voir si, sur le fond, il ne vaudrait pas mieux affecter le produit des amendes d'ordre dans la mobilité au centre-ville plutôt que de le verser simplement dans le budget de l'Etat.
Je propose donc formellement le renvoi en commission judiciaire de ce projet de loi.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Je m'exprimerai sur le renvoi en commission. J'aimerais cependant dire deux choses au préalable: tout d'abord, M. Grobet est quand même le champion pour noyer le poisson. Il nous parle de la police qui notifie des amendes d'ordre... Monsieur Grobet, vous êtes un des juristes éminents de ce département... (Rires.)... de ce parlement, excusez-moi ! Vous savez très bien que vous ne parlez pas du sujet dont il est question ce soir. Il s'agit ici purement et simplement d'un problème de recouvrement. Voilà qui méritait d'être précisé.
Ensuite, je trouve un peu fort que vous vous opposiez à ce texte, Monsieur Grobet, dans la mesure où il a été déposé à la demande expresse de M. Hediger qui représente la Ville de Genève dans la commission de sécurité municipale. Or où siège M. Hediger dans ce parlement ? Je vous le demande...
Cela étant, j'ai demandé la discussion immédiate parce que je pensais qu'il s'agissait seulement d'un problème technique. Je vois que cela mérite un certain nombre d'explications, des personnes feignant de ne pas comprendre.
Je soutiens donc le renvoi en commission, mais en commission judiciaire évidemment, et non pas en commission fiscale, parce que c'est toujours la commission judiciaire qui a traité les problèmes de sécurité et de police municipale.
M. Gilbert Catelain (UDC). M. Grobet a soulevé un problème législatif, mais il me semble que, dans la mesure où il s'agit d'un problème de recouvrement, la convention doit permettre de contourner ce problème législatif. De nombreux cantons l'ont fait : ils ne sont pas passés par un acte législatif, mais par une convention, signée entre les parties intéressées et le pouvoir judiciaire. Et dès lors que le Procureur de la République et canton de Genève signerait cette convention, le problème serait, à mon sens, liquidé. D'ailleurs, cette procédure existe déjà à Genève - il faudrait peut-être vous renseigner auprès du pouvoir judiciaire.
Un renvoi en commission me semble tout à fait superflu, puisque nous nous rendrons compte qu'il est tout à fait possible d'entériner cette modification législative par le biais d'une convention signée par le Procureur.
M. Bernard Lescaze (R). Le groupe radical était pour le renvoi en commission, il l'est toujours. Je ne sais pas si M. le député Grobet est habile à noyer le poisson, mais le député Portier l'est à faire des queues de poisson. (Rires.)Alors, pas d'excès de vitesse ce soir ! M. Portier est revenu sagement à une bonne position.
Ce projet de loi pose effectivement un certain nombre de questions importantes. On voit tout d'un coup que l'on s'inquiète parce que le recouvrement ne se fait pas et que la période de prescription pourrait être atteinte. Dans l'exposé des motifs lui-même, je constate que les chiffres effarants qui nous sont données, 75'905 amendes d'ordre qui devraient être converties, datent du 31 janvier 2003. C'est-à-dire il y a une année ! Sans doute ce chiffre a-t-il encore augmenté, mais, alors, où était l'urgence puisque, pendant une année, on n'a rien fait ?
Je constate en outre que les fameuses circonstances exceptionnelles mentionnées dans le projet de loi sont essentiellement dues à l'imprévoyance. Celle de l'Etat d'une part, celle, peut-être aussi, des communes concernées, et notamment de la Ville de Genève qui savait très bien que, si elle augmentait le nombre de ses agents de sécurité municipaux et de ses agents municipaux de quelques dizaines à plus de cent, évidemment que le produit des amendes augmenterait lui aussi considérablement ! Cela figure d'ailleurs dans le budget de la Ville de Genève qui ne l'ignorait donc pas. C'est donc bel et bien une double imprévoyance !
Enfin, je rappelle tout de même que la majorité de ce Grand Conseil - je me tourne vers mes amis de la droite et du centre - a voté la suppression de la préconsultation pour que, précisément, la plupart des projets de loi aillent en commission et que seuls les projets que nous entendons refuser soient traités en discussion immédiate. Alors, je ne crois pas, d'après ce que j'ai entendu de M. Catelain ou de M. Portier, qu'ils veuillent, à la fin, refuser ce projet. Pour toutes ces raisons, il faut effectivement renvoyer ce projet en commission. (Applaudissement.)
M. Sami Kanaan (S). Si cela peut rassurer les âmes sensibles, les faux naïfs et les hypocrites de ce parlement, allons en commission. (Exclamations.)Non, c'est choquant !
La loi est enfin appliquée dans ce canton, et c'est la cause principale de l'augmentation du nombre des amendes d'ordre dont s'étonne M. Glatz. La Ville de Genève et les communes ont engagé des agents municipaux; on applique enfin la loi et, en terme de produit des amendes, nous sommes toujours en dessous des autres cantons. Enfin on applique la loi dans ce canton en matière de sécurité routière, et vous faites les surpris.
Deuxième remarque, la Ville de Genève n'a simplement pas le droit, aujourd'hui, de procéder au recouvrement. Elle n'est donc pas prévoyante ou imprévoyante: elle n'a pas le droit d'entreprendre certaines démarches. Nous essayons ici de régler un problème pratique pour ne pas dévaloriser les règles du jeu dans ce canton. La question est de savoir si l'on veut que la loi soit crédible et applicable. C'était facile à régler. Cela devrait d'ailleurs être du niveau d'un règlement.
Je rappelle à M. Grobet, qui est évidemment un fin juriste, qu'il ne s'agit pas ici de modifier les procédures ou les voies de droit qui demeurent totalement inchangées. C'est seulement que le service qui gère la procédure sera sous-traité à la Ville de Genève. Mais les voies de droit, en faveur ou en défaveur des plaignants, restent inchangées. Nous aurions pu voter ce soir, être efficaces pour une fois... Nous irons en commission, si vous le voulez, et nous perdrons encore six mois au détriment de la crédibilité de la loi et des caisses publiques. Tant pis !
M. Rémy Pagani (AdG). Je m'étais inscrit alors que la demande de renvoi n'était pas formulée. Comme nous n'avons plus droit qu'à un orateur par groupe, je passe la parole à mon collègue Christian Grobet.
Le président. Monsieur Grobet, je vous prie d'intervenir brièvement. Parce que vous nous avez déjà expliqué les choses par le menu et que vous êtes sur le point d'obtenir ce que vous avez demandé.
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, je vous prie de m'excuser, mais si quelqu'un a voulu que les débats soient aussi brefs que possible, c'est moi ! En préconsultation, j'ai recommandé de renvoyer cet objet en commission, et une majorité s'est dégagée en faveur de la discussion immédiate à l'issue de laquelle nous finirons tout de même par renvoyer cet objet en commission. Alors, ne me reprochez pas de faire traîner les débats !
J'aimerais dire à M. Kanaan que je n'ai pas de leçon à recevoir de sa part, parce que je me suis battu ici, bien avant vous, pour que la Ville de Genève ait des compétences en la matière. Sur le fond du projet de loi, entendons-nous bien, je suis tout à fait d'accord ! La question n'est pas d'être un fin juriste ou autre chose: je suis tout simplement un modeste juriste... (Brouhaha. L'orateur est interpellé.)... qui veut s'assurer... Je suis très modeste, Monsieur Blanc ! J'ai dit tout à l'heure que je ne prétendais pas du tout détenir la vérité. Vous relirez ce que j'ai dit dans le Mémorial, Monsieur ! J'ai simplement dit que ce texte m'interpelle: je crains qu'il ne donne des arguments à certains avocats pour plaider que les conditions prévues par la loi ne sont pas réunies pour que la commune puisse procéder au recouvrement. Par sécurité, j'ai même proposé les éléments qui pourraient être enlevés du projet de loi. Je ne suis donc pas en train de le saboter, mais d'essayer de trouver une solution, comme je l'ai déjà fait plusieurs fois en séance plénière pour des projets entachés d'erreurs rédactionnelles. Vous le savez très bien, Monsieur Blanc !
J'ai le souci que, lorsque nous votons une loi, elle ne soit pas remise en cause devant les tribunaux. Je sais qu'en matière d'amendes d'ordre et d'autres contraventions, de taxation, etc., des pratiques ont été annulées faute de base légale ou en raison d'une base légale insuffisante.
Donc, Monsieur Portier, je ne cherche pas à noyer le poisson. Vous avez fort bien dit que c'était une question technique, et je suis intervenu sur la question technique et non pas sur le fond du débat. Je le dis ici: l'Alliance de gauche est favorable au projet de loi, mais veut s'assurer que, sur le plan technique, le texte est exact.
Nous voulons aussi nous assurer que d'autres dispositions de la loi sur la police ne doivent pas être adaptées dans le but poursuivi par ce projet. Y-a-t-il ici des dispositions de la loi de procédure pénale qu'il faudrait modifier ? Y-a-t-il une disposition transitoire qui réglerait le sort des amendes d'ordre déjà infligées ? Ce dernier élément semble avoir été totalement oublié. Il me semblerait prudent d'avoir une disposition transitoire indiquant que la loi s'applique à ce paquet d'amendes en retard. Vous pouvez hocher la tête, Monsieur Kanaan: quand vous aurez un citoyen qui se plaindra qu'une disposition pénale est appliquée avec effet rétroactif, alors que le droit pénal n'admet pas l'effet rétroactif... Ce sont des questions qui ne sont pas si simples, et je suis honoré qu'un éminent juriste comme M. Lescaze, qui connaît bien le droit public... (Brouhaha.)... admette qu'il y a des problèmes à examiner. Peut-être que le projet conviendra en fin de compte, mais j'aimerais simplement en être assuré.
J'ai demandé à Mme Spoerri si elle pouvait nous transmettre le projet de convention indispensable pour l'application de cette loi. Il ne me semble pas l'avoir reçu. J'en déduis, Madame, que vous ne l'avez pas ! C'est un argument supplémentaire en faveur du renvoi en commission. A charge pour le président de celle-ci, M. Gros, qui s'est montré très expéditif, de proposer éventuellement une heure de séance supplémentaire.
Je ne doute pas, Madame Spoerri, que, si vos excellents conseillers sont présents et nous donnent toutes les réponses voulues, nous pourrons voter rapidement. Sinon peut-être, à l'examen, des modifications s'avéreront nécessaires.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Tout cela me fait rire, voyez-vous. C'est plutôt bon signe.
Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat ne va pas vous imposer des projets de loi. Celui-ci était soigneusement étudié.
Non, Monsieur - j'allais dire: «Monsieur le conseiller d'Etat» - Monsieur le député Grobet, je n'ai pas de convention à vous présenter avant que vous ne votiez.
Allons en commission ! Cette situation est urgente. Je pense qu'elle pourra être réglée relativement vite en commission pour autant qu'elle soit traitée séparément et dans les meilleurs délais. Nous vous apporterons alors tous les arguments qui sembleraient manquer ce soir.
Ce que je ne voudrais pas, c'est que l'on donne l'impression au public que le Conseil d'Etat a bâclé son travail ou n'a pas été capable de faire une analyse juridique. Je n'aimerais pas que ce soit ainsi que vos paroles, Monsieur le député, si vous m'entendez encore, soient interprétées. C'est tout ce que je voulais dire.
Le président. Je mets aux voix la proposition de renvoi en commission judiciaire. Le vote électronique est lancé.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée par 61 oui contre 9 non et 3 abstentions.
Ce projet de loi est renvoyé à la commission judiciaire.
Débat
M. Claude Aubert (L), rapporteur. J'aurais voulu pouvoir me taire, mais le sujet est assez intéressant et je crois qu'il faut dire quelques mots pour placer le contexte. En effet, nous avons ici un rapport concernant la planification hospitalière et nous devrons, très prochainement, parler d'un autre rapport qui traite de la planification sanitaire qualitative. Or, dans d'autres documents, nous trouvons mention de la planification sanitaire qualitative et nous trouvons également la notion de planification sanitaire dans les dispositions de la LAMal. Cela me fait penser à cette blague de l'époque de la Société des nations. Vous vous en souvenez peut-être : un humoriste avait dit qu'il ne s'agissait pas de la Société des nations, mais de la satiété des notions...
Il est important de placer deux ou trois éléments pour comprendre la position de ce rapport. D'abord, il y a une loi, la loi K 1 10 de 1995, qui précise que le Conseil d'Etat présente au Grand Conseil tous les quatre ans un plan directeur de l'ensemble des prestations sanitaires publiques - promotion de la santé et soins - en tenant compte des activités privées. Il est dit que le Grand Conseil dispose de six mois pour adopter ce plan directeur sous forme de résolution.
Cette loi n'a pas été abrogée, et l'on se demande si le présent rapport est un avatar, au sens quasi théologique, de ce plan directeur. Si ce rapport a l'importance qu'on lui donne, la loi K 1 10 ne devrait-elle pas tout simplement être abrogée ?
Il y a une deuxième loi, J 3 05, qui stipule que, dans le cadre de la législation fédérale, l'approbation de la planification sanitaire est attribuée au Grand Conseil. Il n'est toutefois pas indiqué comment le Grand Conseil se prononce et sous quelle forme il est saisi.
Il y a encore une troisième source, qui est le rapport 281 de 1998 et la résolution 344 de la même année. On trouve le commentaire d'un expert en la matière, à savoir le président Segond. Ce dernier expliquait : «La planification sanitaire est à la politique de la santé ce qu'un plan directeur est à l'aménagement du territoire. Cela n'implique ni le vote d'une loi, ni le vote d'un plan. La résolution est la forme qui a force de poids politique, mais pas d'effet juridique.»
Si l'on suit ces trois sources, il devient important, en ce qui concerne la planification hospitalière ou la planification sanitaire, de pouvoir répondre à la question suivante : qui demande quoi à qui et selon quels moyens ?
S'il s'agit d'un rapport, comme vous le savez, il s'agit d'en prendre acte ou de le renvoyer au Conseil d'Etat ou en commission. S'il s'agit d'une résolution, on peut voter pour ou contre la résolution et les différents points du texte peuvent être modifiés.
Pour conclure, nous pensons que le sujet est suffisamment important pour que, après avoir pris acte du présent rapport - qui est, me semble-t-il, assez représentatif des travaux de la commission - nous mettions, en commission de la santé et avec le président Unger, un peu d'ordre dans ces différents éléments pour que les mots veuillent dire la même chose dans toutes les acceptions.
De ce point de vue là, il nous semble utile, après avoir pris acte de ce rapport, de bien préciser qui demande quoi à qui et sous quelle forme.
Présidence de Mme Marie-Françoise De Tassigny, première vice-présidente
Mme Jocelyne Haller (AdG). Pour notre groupe, il n'y avait, au début des travaux de la commission de la santé, aucun a priori sur le rapport relatif à la planification hospitalière. Il y avait, en revanche, de nombreuses questions à ce propos, notamment au sujet de la réduction de la capacité hospitalière publique et privée, la réduction de la durée d'hospitalisation et la délégation de certaines tâches aux cliniques privées; autant de sujets qui sont lourds d'enjeux.
Les membres de notre groupe auraient souhaité entendre encore certains partenaires, notamment les représentants du personnel et le Forum santé avant de se prononcer. On nous a rétorqué que ces interrogations seraient abordées lors des débats qu'ouvrira le projet de loi cadre sur la santé. On nous a également affirmé qu'il était impératif de prendre acte rapidement de ce rapport en raison de l'urgence avec laquelle devait être établie la liste hospitalière. Cette contrainte a été le motif d'interruption des débats de la commission de la santé. La délégation de confiance inconditionnelle qui nous a été suggérée ne nous a pas convaincus. C'est pourquoi le rapport de M. Aubert insiste sur toute une série de réserves à la caution apportée par la commission de la santé au rapport RD 483-A.
La commission a même eu une discussion sur l'opportunité de prendre acte de rapports sur lesquels les débats ne peuvent être menés à terme ou si le passage en commission est finalement à bien plaire.
Pour ces motifs, dans la logique des positions exprimées par les membres de notre groupe en commission de la santé, l'Alliance de gauche s'abstiendra de prendre acte de ce rapport.
M. Pierre Guérini (S). Le rapport 483-A est d'une excellente facture. Au-delà de cette excellence et des visions d'avenir qu'il contient, nous avons ressenti au cours des travaux de la commission une certaine frustration de n'avoir pu approfondir les intentions qui y sont exprimées et qui sont les reflets des choix stratégiques et de la politique qu'entend mener le président du DASS pour les années 2003 à 2010, pour peu, ce que je lui souhaite, qu'il soit toujours en place à cette échéance.
Au motif d'une certaine urgence à prendre acte de ce rapport pour des raisons de délais confédéraux et en raison de l'élaboration en cours d'une nouvelle loi cadre, un certain nombre d'audition ont été refusées par une majorité de la commission. Nous avons ainsi été empêchés de connaître les avis de l'ensemble des acteurs concernés. Nous avons aussi entendu - c'est du moins ce que j'ai compris - que ce n'était pas une obligation de soumettre ce rapport à notre Conseil, mais qu'il aurait plus de poids sur le plan fédéral s'il était adopté par une large majorité de la commission de la santé. C'est là que se situe le problème. En effet, la nécessité d'avoir une planification hospitalière a été exprimée par ce Grand Conseil bien avant l'entrée en vigueur de la LAMal puisqu'en 1995 déjà la loi K 1 10 a été votée. Cette dernière instituait un plan directeur quadriennal des prestations sanitaires. Le premier plan devait être soumis avant le 31 mars 1996.
Cette loi avait été votée à l'unanimité de ce Conseil, et il apparaît clairement que la volonté des députés était de pouvoir se prononcer sur le contenu du plan quadriennal, puisque la loi précise : «Le Grand Conseil dispose de six mois pour l'adopter sous forme de résolution.» Il est vrai qu'une résolution n'a aucun effet juridique contraignant pour le Conseil d'Etat, mais c'est tout de même un outil qui permet aux députés soit d'exprimer leur plein accord, soit d'émettre un certain nombre de désirs.
A ce jour, cette loi n'a jamais été appliquée, du moins je n'en ai trouvé aucune trace. Il y a bien eu des rapports avec les limites afférentes à ce type de procédures.
Une autre obligation qu'institue cette loi, c'est l'obligation d'établir un budget quadriennal qui doit être répercuté de manière explicite dans le budget annuel de l'Etat.
Le groupe socialiste estime que, s'il est important d'avoir une vision d'avenir, il est tout aussi important de respecter les formes prévues par la loi pour l'exprimer. Cela aura l'avantage d'avoir un seul document pour l'ensemble des prestations de santé. Ce document, comme le demande la loi, comprendra la promotion de la santé, la planification qualitative et les soins.
En conclusion, même si les termes de la loi K 1 10 ne correspondent pas mot pour mot aux demandes faites par la LAMal, l'esprit est, lui, tout à fait en accord avec les objectifs de la loi fédérale. Il n'est donc pas nécessaire de créer d'autres formes de présentation.
Pour l'heure, le groupe socialiste recommande tout de même de prendre acte du rapport RD 483-A. Cette recommandation est aussi valable pour le RD 490-A.
M. Pierre Froidevaux (R). La lecture de ce rapport pourrait bien donner des boutons à M. Blanc puisque le compte rendu des débats mentionne la présence de trois radicaux en commission dont deux auraient accepté et un qui aurait refusé ce RD 483. Il s'agit d'une erreur et, pour ma part, je n'ai pas accepté ce texte.
Ma première remarque portera sur la question de l'urgence. Pourquoi faut-il traiter cet objet en urgence, alors que vous savez tous que la liste des établissements a été transmise à l'OFAS. Vous avez tous reçu cette liste sur votre messagerie. Cela signifie que l'ensemble des éléments de la planification hospitalière ont été transmis à Berne indépendamment de notre vote de ce soir. Il y a donc, théoriquement, une prise de position politique à adopter et, si j'ai bien écouté le rapporteur, celle-ci n'est pas près d'être exprimée, puisqu'elle devrait l'être par une résolution que la commission doit encore élaborer.
Si je suis l'avis de M. Aubert, nous ne votons pas, nous prenons acte du rapport. Je n'ai donc pas d'explications à fournir quant à mon opposition à cette planification telle qu'elle était présentée par le Conseil d'Etat. Je m'exprimerai plus longuement sur la résolution.
En revanche, si le rapport qui nous est soumis a un sens, je dois alors vous expliquer clairement les enjeux. Vous savez sans doute que, dans le projet de planification hospitalière du Conseil d'Etat, le secteur privé était inclus au même titre que le secteur public. Je m'interroge : est-ce que véritablement le secteur public est subsidiaire à l'activité privée ou bien cette dernière doit-elle être considérée à l'égal du secteur public ? Autrement dit, cette planification vise-t-elle à étatiser l'ensemble du secteur privé hospitalier ? C'est une question à laquelle j'ai obtenu une réponse très curieuse, puisque les représentants des cliniques privées m'ont dit qu'il était plus facile de traiter avec le Conseil d'Etat genevois qu'avec Berne. Mais je ne connais pas le contenu de l'accord passé entre les cliniques privées et l'Etat. Là, je pose la question aux partis de droite de ce parlement : voulez-vous étatiser l'ensemble des cliniques privées ?
Des voix. Non !
M. Pierre Froidevaux. Non ! Donc, vous n'avez pas à accepter ce rapport.
Je pose maintenant la question à la gauche : s'il y a effectivement un accord entre l'Etat et les cliniques privées, quel type d'accord y-a-t-il ? Allons-nous encore subventionner davantage un nouveau secteur, le secteur privé ?
Des voix. Non !
M. Pierre Froidevaux. Non ! Il n'y a donc pas de possibilité, chers collègues, de se prononcer sur un tel rapport. Je propose donc de suivre l'avis du rapporteur : il n'y a pas de débat politique ce soir sur le sujet; il n'y a pas d'urgence. Nous prenons acte de ce rapport, sans rien voter.
Une voix. C.Q.F.D. !
M. Philippe Glatz (PDC). Je dois dire que j'ai eu un peu de peine à suivre le raisonnement de M. Froidevaux... (Rires.)
Plusieurs voix. Moi aussi !
M. Philippe Glatz. Il n'a jamais été question que le secteur privé puisse être subventionné, ni qu'il y ait des accords particuliers. M. Froidevaux confond d'ailleurs liste et planification. Ce rapport nous parle du système qui préside, ou qui a permis l'élaboration d'une liste. On ne parle pas de la liste.
Ce sur quoi nous devons nous prononcer, c'est le système qui nous est proposé. Or, vous vous en souviendrez, autrefois, lorsque l'on parlait planification hospitalière, on parlait de «lits». M. Aubert l'a souligné fort opportunément, il est une grande nouveauté dans ce rapport, on ne parle plus simplement de lits, de «lits-sommiers». Il est question maintenant de «lits-force de soins», de «lits-capacité de soins» , c'est-à-dire du lit considéré comme étant une possibilité de soins parce qu'il est entouré de soignants.
Voilà la grande nouveauté de ce rapport. Ce n'est rien moins qu'une modification de culture. C'est pourquoi, Monsieur Froidevaux, les représentants de l'ACPG se ont déclaré que ce rapport pouvait parfaitement leur convenir, étant un progrès par rapport à une situation antérieure figée et établie sur des concepts éculés. Voilà pourquoi nous pensons qu'il y a là un véritable progrès. C'est une manière plus dynamique d'aborder les choses.
Je souhaite revenir maintenant sur la page 2 de ce rapport où figurent quatre objectifs, dont : réduire l'offre en journées d'hospitalisation; instaurer une régulation de l'offre quantitative; favoriser l'adaptation de l'offre aux besoins à long terme. C'est peut-être la seule critique que nous ayons à faire sur ce rapport : il aurait fallu placer l'objectif trois en position un, pour une simple question de logique. Nous pensons qu'il est inutile de partir de la prémisse consistant à croire qu'il y a davantage d'offre que de demande. Il s'agit d'abord d'analyser les choses de manière objective et de faire en sorte que l'offre et la demande soient en adéquation afin de répondre aux attentes de la population en matière de soins. A commencer systématiquement avec des préconcepts du type «on offre trop», le risque est grand de se tromper.
Puisque le Conseil d'Etat nous propose aujourd'hui d'analyser en continu la véritable adéquation entre l'offre et la demande de la population, nous ne pouvons que prendre acte avec satisfaction de ce qui nous est proposé ici et qui, je dois le dire, connaissant un peu le domaine, est un grand progrès par rapport à ce qui existait et par rapport aux listes établies par d'autres cantons, qui ne sont basées que sur des éléments très normatifs. Nous sommes ici dans une phase d'analyse plutôt dynamique. Je vous recommande donc d'approuver ce rapport.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
M. Christian Grobet (AdG). Je dois dire que certains des propos de M. Froidevaux me paraissent tout à fait pertinents. Vous pouvez sourire, Monsieur Unger... Mais je me permets de dire que le but de l'exercice n'est effectivement pas très clair. On nous dit qu'il faut prendre acte rapidement de ce rapport parce qu'il est attendu à Berne. Cela signifie bien que ceux qui souhaitent que l'on prenne acte rapidement de ce rapport entendent l'invoquer à Berne ! C'est donc que notre décision de ce soir portera un message politique. Autrement, je ne vois pas quel est l'intérêt d'accélérer la procédure en fonction de la demande de Berne.
Alors, malgré toute l'amitié et le respect que je vous porte, Monsieur Unger, je ne peux pas voter un chèque en blanc sans savoir ce que signifie ce vote. Je crois qu'il y a là une ambiguïté fondamentale. Et il est regrettable, effectivement, que nous n'ayons pas débattu de ce rapport en même temps que de la résolution dont on nous parle et qui se trouve toujours en commission. A ce moment-là, en prenant acte du rapport, nous voterions en même temps sur une résolution qui donnerait la position du Grand Conseil. Il est alors probable que nous serions en désaccord, Monsieur Froidevaux, sur cette position.
Sur le fond, nous sommes inquiets du message que pourrait entraîner ce rapport. Par exemple, je prends le troisième paragraphe de la page 3 du rapport qui, à mon avis, me semble extrêmement inquiétant. En effet, on n'y parle pas de l'ensemble des lits hospitaliers publics et privés, mais de l'Hôpital cantonal ! On évalue à 1013 le nombre de lits dont aura besoin l'Hôpital cantonal en 2010. Pas 1014, ni 1015, non, précisément 1013 lits! Cette évaluation a des conditions: le taux d'hospitalisation devra rester fixe, 87 sur 1000 habitants; la durée de séjour devra se stabiliser à 8,5 jours; le taux d'occupation devra s'élever à 92% et, surtout, que le bassin de population soit de 460'000 habitants. Il convient de remarquer que le taux d'occupation de 92% est fréquemment dépassé dans certaines circonstances : il est probable que des canicules telles que celle de l'été dernier se reproduiront en raison de l'irresponsabilité des autorités face à la pollution atmosphérique.
Quant au bassin de la population, je note qu'on ne nous dit pas quel est le chiffre actuel. Si l'on parle du bassin de population, c'est que cela va au-delà du canton de Genève. On s'aperçoit que le taux d'augmentation de la population est extrêmement élevé - inquiétant, à mon avis. A cela s'ajoute l'entrée en vigueur des accords bilatéraux à partir de fin juin, et je m'inquiète vraiment du nombre de personnes qui viendront à Genève. Et surtout, ce qui s'est avéré être une réalité - et qui est confirmé dans ce rapport - c'est qu'il y a un nombre de personnes beaucoup plus élevé que par le passé qui s'adressent à l'Hôpital cantonal pour y être soignées. Il ne s'agit pas seulement de la qualité des soins, mais du fait que certaines personnes, qui avait des polices d'assurance leur permettant d'être soignées dans des cliniques privées, ont dû renoncer à ces contrats d'assurance. Tout le monde sait que le prix de la médecine va devenir de plus en plus cher... Chacun rouspète contre l'augmentation des primes, mais il n'y a aucune raison que cela s'arrête ! En outre, les gens sont de plus en plus exigeants en matière de soins; je pense que les médecins qui sont dans cette salle vous le diront... Personne ne veut attendre quarante-huit heures - M. Froidevaux est bien placé pour le savoir - on veut voir immédiatement un médecin, on veut obtenir immédiatement des radios, etc. J'imagine que c'est difficile pour les médecins de contenir la demande de prestations.
Un autre phénomène, qui n'existait pas il y a vingt ans, s'est développé: quiconque a un pépin de santé que son médecin n'aurait pas décelé menace de procès en dommages et intérêts. C'est la méthode américaine ! Je le déplore, parce que la médecine n'est pas une science exacte. J'exerce également une profession d'indépendant : à la moindre erreur, on risque de vous demander des sommes colossales de dommages et intérêts. Alors, les médecins, par mesure de précaution, effectuent tous les examens nécessaires, et les coûts augmentent ! Donc, les gens prendront de moins en moins de polices d'assurance complémentaire; ils iront de moins en moins dans les cliniques privées, mais viendront de plus en plus à l'Hôpital cantonal.
Or ce paragraphe qui figure à la page 3 du rapport n'a pas été inventé par le rapporteur: ce dernier a repris la méthode de calcul des lits de vos experts, Monsieur Unger. Eh bien, moi, je la conteste, Monsieur le conseiller d'Etat ! Je suis très inquiet que ce soit insuffisant et que, par une volonté de bloquer le nombre de lits en dessous des besoins de notre population, vous refouliez les gens vers les cliniques privées dont ils ne seront pas en mesure de payer les frais. Il est aussi possible qu'on en arrive à subventionner les cliniques privées, ce que nous n'acceptons pas. C'est là toute l'ambiguïté de ce rapport !
J'aimerais, Monsieur le conseiller d'Etat, qu'en votre qualité de président du DASS vous teniez un discours clair : comme la presse le laisse entendre, allez-vous confier à des cliniques privées certaines prestations que l'Hôpital cantonal devrait fournir, notamment en ambulatoire ? Cela reviendrait à privatiser des prestations que l'Hôpital cantonal devrait fournir ! Refusera-t-on à des femmes de venir accoucher à la Maternité ? J'aimerais entendre un discours extrêmement clair à ce sujet.
Je terminerai avec un dernier élément. M. Aubert a rédigé un excellent rapport qui mentionne également la question des infirmières. Où en est-on avec la formation des infirmières ? Avons-nous toujours un nombre de places insuffisant à l'Ecole d'infirmières ? Va-t-on enfin rétablir le présalaire qui inciterait plus de gens à apprendre le métier d'infirmière et d'infirmier ? Parce que le recrutement à l'étranger risque de poser des problèmes.
Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). Monsieur Froidevaux, vous avez ce soir un comité de soutien. Je partage en effet tout à fait votre position ainsi que celle de M. Guérini. M. Aubert a bien fait de souligner le dilemme que constituent ces rapports du Conseil d'Etat. Nous avons déjà vécu cette expérience et je regrette, pour ma part, que la commission de la santé n'ait pas eu l'esprit assez critique pour oser aller étudier un peu plus à fond les problèmes importants soulevés par ce rapport.
M. Aubert a parlé de dilemme et il est vrai qu'il est question d'objets importants : une réduction mesurée de la capacité hospitalière, une augmentation de la capacité des lits, une orientation des soins... Tout cela n'est quand même pas rien. Monsieur Aubert, vous écrivez plus loin : «L'étude de ces objectifs impliquerait des analyses fouillées et des auditions multiples.» Je me demande pourquoi la commission de la santé ne l'a pas fait. Personnellement, je le regrette. C'est un manque de courage, un manque d'esprit critique que je trouve tout à fait regrettable. J'aimerais ici rappeler, Monsieur le président, les travaux de la commission de la santé et de celle des affaires sociales qui avaient travaillé sur le rapport du Conseil d'Etat au sujet de la planification sanitaire qualitative. Nous nous sommes trouvés devant le même dilemme: nous avions un rapport du Conseil d'Etat particulièrement épais et nous pouvions soit prendre acte sans examiner la question plus avant, soit étudier ce rapport à fond, s'approprier les questions et essayer de donner un avis politique sur ces problèmes. Nous avons choisi la deuxième solution, le travail a duré, je crois, environ une année, les anciens députés présents s'en souviennent. Ce travail a donné lieu à une motion de la commission de la santé - peut-être même conjointement avec celle des affaires sociales. Nous avions mis au point toute une série de recommandations très élaborées que j'ai rappelées au moment du renvoi de ces deux rapports en commission, il y a quelques mois. Or que s'est-il passé à la commission de la santé où vous avez étudié ces rapports ? On a une nouvelle fois rappelé que le Grand Conseil avait fait des recommandations dans une motion envoyée par la plénière au Conseil d'Etat, mais personne n'en a tenu compte.
D'un côté il faudrait prendre des décisions les yeux fermés et, d'un autre côté, quand on fait les choses sérieusement, il n'en est pas tenu compte ! J'aimerais quand même vous rappeler que les instances de décision des établissements concernés - comme la direction de l'Hôpital cantonal - prétendent ensuite que les options politiques proviennent du Grand Conseil. On entend souvent dire : «Nous ne faisons qu'obéir au Grand Conseil». Alors, je vous demande de réfléchir un peu, parce qu'on nous fait porter la responsabilité des décisions, bien que, lorsque nous prenons nos responsabilités, il n'en est pas tenu compte ensuite.
En ce qui me concerne, je ne prendrai pas acte de ce rapport et je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à ne pas le faire non plus. Il faut rester cohérent avec notre travail de député qui consiste à prendre acte de textes que nous avons vraiment étudiés.
M. Gilbert Catelain (UDC). Ce Grand Conseil a reçu le rapport du Conseil d'Etat au mois d'avril 2003; il a été traité dernièrement, et nous en discutons au mois de janvier 2004. C'est peut-être tout bête, mais il faut bien voir que nous sommes saisis d'un rapport qui traite de planification. C'est très bien... Cette planification conditionnera la politique de santé hospitalière dans ce canton pour les années 2003 à 2010. Nous sommes en 2004, n'est-ce pas ?
Pour ma part, quand j'entends parler de planification, je pense que des mesures seront prises. On sait comment fonctionnent l'Etat et l'administration: ce n'est pas simple, il y a une inertie, et, si l'on veut changer les choses, cela prend un certain nombre d'années. Pour que la planification entre en vigueur pour les années 2004 à 2010, cela signifie que, cette année déjà, il faut qu'elle soit appliquée. Autrement, ce n'est pas une planification, c'est de la poudre aux yeux !
Nous avons été informés en commission, c'était très intéressant, nous avons vu quelle était l'idée du Conseil d'Etat. Celui-ci nous a dit, et il avait raison, que planifier, c'était transformer l'incertitude en erreur... Le ton était donné. Ne rêvons pas: notre marge de manoeuvre dans ce domaine, comme celle du Conseil d'Etat, est réduite. C'est, en fait, un exercice alibi. Nous avons une loi fédérale sur l'assurance-maladie qui nous oblige à avoir une planification hospitalière. Si cette loi ne nous obligeait pas à la faire, le Conseil d'Etat ne l'aurait pas forcément effectuée et nous n'aurions pas été saisis par ce rapport. Dans cette hypothèse, personne ici n'aurait demandé au Conseil d'Etat d'élaborer une planification, ni d'élaborer un rapport.
Je crois que nous sommes en train de discuter pour pas grand-chose... surtout moi ! L'UDC s'abstiendra de se prononcer sur ce rapport, notamment parce que, comme je viens de le dire, nous ne sommes déjà plus dans la phase de planification. Il n'est donc plus possible d'intervenir dans la phase de réalisation.
Il y a néanmoins des zones d'ombre dans ce rapport. Celle évoquée par M. Froidevaux est patente : c'est une planification qui intègre les acteurs privés. Ils ont été intégrés, c'est certain, mais nous les avons tout de même sentis un peu gênés aux entournures, ces partenaires privés. Nous l'avons bien vu lors de leur audition en commission, ils étaient un peu en porte-à-faux; même le président de la commission l'était, surtout quand nous avons parlé des projets de collaboration avec la France. Nous avons tout de suite constaté la peur de voir la clientèle privée partir en France, puisqu'il est prévu dans cette planification que les infrastructures soient exploitées selon leur potentiel. Et il est inutile de construire une infrastructure à Genève alors qu'il existe la même à l'étranger. Or pour mettre cela en place - surtout avec la France - il faudra du temps. Ce n'est pas l'horizon 2010, c'est l'horizon 2020, surtout lorsqu'il faudra parler du financement, je peux vous l'assurer.
Mon éminent collègue, qui a assisté à la construction de l'Hôpital cantonal, me disait que ce dernier était prévu, à l'origine, dans les années cinquante, pour un bassin de 800'000 habitants. On voit bien l'erreur de planification qui a été commise à ce niveau-là.
Vraiment, on ne peut que s'abstenir par rapport au bel effort qu'a fait le Conseil d'Etat en matière de planification, tout en rappelant que nous sommes désormais en phase de réalisation et que nous n'avons guère de pouvoir dans ce domaine.
M. Philippe Glatz (PDC). Une brève et dernière intervention pour dire que je suis un peu surpris que M. Grobet se soit exprimé aussi longuement, alors qu'il n'a, peut-être, pas eu connaissance du rapport lui-même. Nous examinons ici le rapport de M. Aubert, qui est un «rapport sur un rapport». Il s'agit donc d'une synthèse. Mais le rapport original présentait un développement beaucoup plus élargi de toutes ces données. Il me semble un peu curieux de pouvoir se prononcer de manière si prompte sur la base d'un rapport de six pages, alors que le rapport émanant du Conseil d'Etat était beaucoup plus étayé.
Cela dit, M. Catelain a relevé que les partenaires privés auraient été «gênés aux entournures». Bien sûr - et cela vaut aussi pour M. Grobet - les privés ne sont pas des partisans de la planification ! Ils sont plutôt partisans de la liberté. (Brouhaha.)Nous nous sommes cependant rangés à l'argumentation selon laquelle entre laisser-faire et dirigisme exagéré, il y avait une voie médiane. C'est cette voie médiane qui nous est proposée dans le cadre de la méthode et du système qui a été mis en place pour essayer d'apprécier l'adéquation entre la force de soins et les besoins qui peuvent s'exprimer. Celle-ci n'est pas figée, mais elle doit être dynamique. Or aujourd'hui, et c'est bien la force de cette nouvelle manière de voir les choses, on ne peut pas dire qu'il y aura 1017 lits demain, Monsieur Grobet ! Ce que l'on dit, c'est que, demain, il y aura un certain nombre de lits que nous serons capables d'adapter en fonction des réels besoins, car nul ne peut savoir comment on soignera les gens en 2010. Je vous rappelle que les progrès de la médecine sont si rapides, que les évolutions techniques, technologiques et biologiques sont tellement rapides que nul ne peut aujourd'hui dire quelle sera la manière de mieux soigner en 2010. L'hôpital aura-t-il encore le rôle central qu'il a aujourd'hui ? Peut-être que ce sera tout à fait autre chose. En six ans, la manière d'aborder les soins peut complètement changer, et nous le souhaitons d'ailleurs, car il reste de grands progrès à faire en matière de soins.
Voilà pour ce qui concerne cette planification sanitaire, dont je rappelle encore qu'elle est une exigence liée à la LAMal. Et l'article 39 de cette loi impose qu'il y ait un système qui nous permette d'essayer de prévoir, plus ou moins bien, ce que sera la capacité hospitalière.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Peut-être dépasserai-je les trois minutes que j'aurais aimé consacrer à ce rapport, compte tenu de la densité des échanges que vous avez eus à son sujet. Permettez-moi, si vous êtes d'accord, de commencer par répondre rapidement aux deux dernières questions posées par le député Grobet au sujet de la pénurie de personnel infirmier et, en particulier, de places de formation.
Mon collègue Charles Beer est parfaitement d'accord de doubler la capacité de l'Ecole d'infirmières afin que nous puissions non seulement former d'éventuelles candidates genevoise, mais aussi des infirmières de France voisine qui viennent ensuite travailler dans nos hôpitaux - et qui sont actuellement à la charge de la France alors que nous bénéficions de leurs compétences. Il faudra cependant attendre que nous disposions du terrain de Battelle, car le Bon Secours est actuellement à l'étroit. Cela devrait prendre entre trois et cinq ans.
Vous m'aviez interpellé l'an dernier, Monsieur Grobet - alors que je remplaçais Mme Brunschwig Graf - au sujet des indemnités. Vous l'aviez fait sur un ton peu amène, vous m'en vouliez très fort, et cela m'avait blessé... J'avais passé un été détestable suite à cela... (Exclamations.)Eh bien, Monsieur le député, les indemnités pour les infirmières ont été réintroduites en cours d'étude, conformément aux engagements de Mme Brunschwig Graf et aux dispositions des conventions intercantonales en vigueur.
Ces deux questions, un peu hors sujet, étant réglées, abordons la planification. Vous l'avez demandé les uns et les autres: à quelle planification avons-nous affaire ? S'agit-il de la planification prévue par la loi K 1 10 de notre législation cantonale, qui mentionne une planification qui n'est décrite dans aucun autre texte, ni au niveau fédéral, ni au niveau cantonal ? Répondons-nous à la loi d'application de l'assurance-maladie, et en particulier aux articles auxquels nous nous sommes référés ? Ou répondons-nous - et c'est la réponse que nous donnons - à l'article 39 de la LAMal, qui impose que les cantons établissent une liste hospitalière ? Celle-ci doit comprendre aussi bien les établissements publics que privés. Ce qui fait que nous devons répondre des lits agréés dans le canton. Ces indications devraient permettre d'éclairer ce flou juridique parce que, selon la loi à laquelle on se réfère, on a l'impression que le travail n'a pas été fait ou ne l'a pas été complètement.
Ensuite... Monsieur le président, pourriez-vous demander à M. Froidevaux de se taire ?
Le président. Ce serait judicieux, en effet ! Monsieur Froidevaux, il est inutile que je vous le demande... vous avez compris. Merci !
M. Pierre-François Unger. Ensuite, j'aimerais indiquer que la méthode employée n'a été ni la contrainte ni l'arbitraire - je remercie le député Glatz de l'avoir souligné. Cette méthode de travail a concerté l'ensemble des acteurs, privés et publics, mais qui détenaient des lits, puisqu'il est question d'une liste hospitalière. Encore une fois, il ne s'agissait pas de planifier autre chose: ni du qualitatif, dont nous aurons l'occasion de parler une prochaine fois, ni de l'ambulatoire, dont on parlera peut-être en fonction de l'évolution de la LAMal.
Cette expérience nous a montré que nous pouvions ensemble définir un profil, toutes choses étant égales, par ailleurs - et vous avez raison, Messieurs les députés Grobet et Catelain, de mentionner la mouvance des choses, elle est fondamentale. C'est pourquoi, si vous lisez le rapport de M. Aubert, vous trouverez en page 2 le point 4 qui mentionne la capacité de mettre en place un système d'information pour éclairer les décisions en matière de planification et, surtout, la nécessité de poursuivre, tout au long du processus de planification, la concertation que je qualifierai d'adaptative.
Qui sommes-nous pour savoir comment les choses évolueront, qu'il s'agisse de la population, des assurances, des décisions législatives fédérales ? L'Etat cantonal sera-t-il ou non contraint de financer les lits privés, comme c'était la volonté dans la deuxième révision de la LAMal ? De cela, nous ne savons rien. C'est la raison pour laquelle la liste hospitalière que nous vous proposons aujourd'hui devra, à l'évidence, être modifiée en fonction de ces différents impératifs.
Enfin, il est - je crois - fondamental de bien voir que le projet de loi cadre sur la santé, la révision du dispositif législatif sanitaire mis à l'heure actuelle en consultation, est une étape essentielle qui donnera, lui, une base légale claire, dynamique et compatible avec le droit fédéral, ce que notre droit n'est plus tout à fait en mesure d'assurer, compte tenu des différents mouvements que le droit fédéral a connus, ou auxquels nous nous étions préparés et qui, finalement, n'ont pas eu lieu.
Alors, nous aurons certainement ce débat une nouvelle fois, si le député Froidevaux est encore là lorsque les choses se passeront... (Rires.)Ce débat dans lequel, Monsieur le député, vous voulez toujours opposer les acteurs: le privé, le public, qui vole de l'argent à qui, etc. La seule chose dont vous n'avez jamais parlé, Monsieur le député, c'est des patients ! Et je trouve que c'est innommable. Parce que la mission de la LAMal est simple en ce domaine : il s'agit d'offrir un accès aux soins et des possibilités de soins à l'ensemble des gens qui en ont besoin. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le Conseiller d'Etat. (Commentaires.)Vous n'avez pas été mis en cause, Monsieur Froidevaux... (Chahut.)Devons-nous voter pour savoir si M. Froidevaux a été mis en cause ? (Exclamations.)Bien ! Monsieur le député, nous allons faire un «compromis helvétique»: je vous donne la parole, mais pas plus de deux minutes.
M. Pierre Froidevaux (R). Monsieur le président, chers collègues, je ne crois pas m'être jamais exprimé très longuement dans cette enceinte.
Si je ne parle pas des patients, c'est que, effectivement, je m'en occupe le plus clair de mon temps: je commence tôt le matin et finis tard le soir et, en plus de cela, je fais de la politique pour essayer de défendre les intérêts des uns et des autres.
S'agissant précisément de la planification hospitalière, un concept a été expliqué par le président du département: il y a une liste des établissements qui doivent être pris en compte pour la LAMal; il convient de savoir si le secteur public est subsidiaire au secteur privé ou si l'ensemble est considéré de la même manière. Et le président du département n'a pas répondu à cette question fondamentale qui est pourtant sous-jacente à l'ensemble des travaux. Nous devons savoir si l'on considère les établissements privés comme étant libéralisés, et essayant de se développer selon les règles de la concurrence, ou si l'on décide de mettre tout ensemble. Cette question n'étant pas tranchée après le discours du président, je demande, formellement cette fois-ci, le renvoi de ce rapport en commission.
Le président. Nous allons procéder à deux votes... Monsieur le Conseiller d'Etat, vous souhaitez prendre la parole ? Vous l'avez.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Extrêmement rapidement, puisque la question de M. le député Froidevaux est absolument précise. Le secteur public est-il subsidiaire au secteur privé ? Non, Monsieur le député, pour une raison simple: le secteur public, comme le secteur privé, d'ailleurs, mais parfois avec une latitude plus grande pour ce dernier, a, lui, la mission d'assurer la pérennité du service public.
Et vous savez bien que jamais, et en aucun endroit, il n'existe de système de soins en l'absence de secteur public. Par conséquent - et c'est la méthode que nous avons utilisée pour cette liste hospitalière - nous avons cherché la concertation par la réunion des acteurs qui sont complémentaires, mais dont aucun n'est subsidiaire à l'autre. Si tel devait être le cas, ce n'est pas le privé qui demanderait la subsidiarité au public, mais vraisemblablement plutôt l'inverse. (Applaudissements.)
Le président. Je ne suis pas très content, Monsieur Froidevaux. Vous avez demandé la parole en estimant avoir été mis en cause et, plutôt que de répondre à cela, vous en avez profité pour demander le renvoi en commission. Je vous le dis franchement, Monsieur le député, je considère que ce sont des méthodes pour le moins discutables, que je n'apprécie pas.
Cela étant, M. Froidevaux ayant demandé le renvoi en commission, un député par groupe peut s'exprimer à ce propos.
M. Christian Grobet (AdG). M. Froidevaux est assez grand pour se défendre lui-même, cependant le renvoi en commission peut être demandé à tout moment. Précisément au terme d'un débat, un député peut se lever pour demander le renvoi. Et pour ne rien vous cacher, Monsieur le président, nous étions, dans notre groupe, en train de nous demander si, à la suite de la déclaration de M. Unger, nous n'allions pas demander le renvoi.
Nous vous avions interpellé, Monsieur le conseiller d'Etat, dans le but d'obtenir certaines explications. Celles que vous avez fournies, Monsieur, ne répondent pas aux préoccupations que nous avons exprimées tout à l'heure. En effet, nous continuons à être gênés par l'interprétation qui pourrait être donnée à la décision de ce soir. Normalement, lorsque nous prenons acte d'un rapport, cela ne signifie ni que nous sommes pour, ni que nous sommes contre. Au fond, cette décision n'implique ni approbation, ni désapprobation. Ce qui est gênant en l'occurrence, c'est qu'il a été dit qu'il y avait urgence à prendre acte de ce rapport. J'en reviens donc à ma question de tout à l'heure : quelle est l'urgence ? Est-ce qu'il y a urgence parce que notre décision de prendre acte de ce rapport sera interprétée d'une certaine manière vis-à-vis de l'autorité fédérale ? Rien n'empêche le Conseil d'Etat d'envoyer son rapport à l'autorité fédérale sans que le Grand Conseil n'en ait pris acte. Du reste, au point où nous en sommes, je préférerais presque, Monsieur Unger, que vous envoyiez votre rapport à Berne sans que le Grand Conseil n'en ait pris acte. De cette façon, l'autorité fédérale ne pourra pas interpréter la décision du Grand Conseil. Peut-être aurions-nous alors le temps de donner suite aux demandes complémentaires d'auditions, dont même le rapporteur semble admettre la légitimité. Il serait, de la même manière, possible d'aborder la résolution qui aurait dû, si j'ai bien compris, accompagner le rapport. (Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente, a repris à la présidence durant l'intervention de M. Christian Grobet.)
Du reste, Monsieur le président... Tiens, il a disparu ! (Rires.)Je ne voulais pas manquer de respect à la vice-présidente qui s'est substituée au président, mais je n'avais pas remarqué cette substitution. J'aurais voulu dire deux mots aux président... Ah, le voici ! Monsieur le président, je voudrais que vous n'ayez pas, à l'égard de l'Alliance de gauche, la même attitude qu'à l'égard de M. Froidevaux tout à l'heure... (Rire de M. Blanc.)J'attendais l'éclat de rire caractéristique de M. Blanc, évidemment...
Tout à l'heure, M. Glatz prétendait que je connaîtrais mal le sujet, faute d'avoir lu le rapport. Que savez-vous de ce que j'ai lu et de ce que je n'ai pas lu, Monsieur Glatz ? Vous n'êtes pas chez moi pour voir les documents que je lis avant la séance du Grand Conseil. Il semble, en revanche - et c'est ce que je voulais dire - que vous n'avez pas remarqué, Monsieur Glatz, que les deux députés de l'Alliance de gauche se sont abstenus en commission.
Donc, Monsieur le président... Excusez-moi de ne pas m'adresser à vous, Madame la présidente, mais je souhaite quand même m'adresser au président, assis à la place d'un député. Nous sommes donc à l'aise, Monsieur le président, pour nous associer à quelqu'un d'autre qui, semble-t-il, s'était abstenu ou avait voté non, mais qui, en tout cas, n'avait pas voté oui, pour réclamer maintenant le renvoi en commission. Je ne crois pas que vous puissiez nous le reprocher à ce stade du débat. C'est tout ce que je voulais vous dire, malgré votre excellente présidence.
La présidente. Merci de vos compliments au président, Monsieur Grobet ! Je donne la parole à M. Guérini.
M. Pierre Guérini (S). Je crois qu'il faut arrêter de dépenser de l'énergie au sujet de ce rapport. Je ne crois pas que cela avance beaucoup les choses de le renvoyer en commission. Prenons notre souffle et quelques vitamines pour les travaux sur la loi cadre. M. Unger s'est tout de même engagé, dans le cadre de la commission, à accepter toutes les demandes d'auditions que nous pourrions formuler, en précisant que nous retrouverions tous les éléments de ce rapport dans la loi cadre.
Néanmoins, ce qui continue de me gêner, c'est qu'un plan directeur impose une résolution, tandis que ce rapport n'en impose pas. Je trouve cela regrettable. A la décharge de M. Unger, il n'était pas président du département quand cette loi est entrée en vigueur. Il y a donc eu un passage de témoin entre M. Segond et M. Unger en plein milieu d'un plan quadriennal. Pour la suite, comme l'a dit M. Aubert, soit nous respectons les dispositions de cette loi, soit nous l'abrogeons.
M. Philippe Glatz (PDC). Je crains que nous ne soyons en train de tomber dans un piège : on assiste à l'émergence ici de toutes sortes d'arguments artificiels qui viennent se joindre à diverses demandes. Ne seraient-ce pas des manoeuvres dilatoires visant à nous empêcher d'aborder ce soir le point 51 de notre ordre du jour ? C'est la question que je suis en train de me poser connaissant le parlementarisme dont certains sont capables de faire preuve ici.
M. Claude Aubert (L), rapporteur. Deux remarques, dont la première avec mon chapeau de rapporteur. Pour ceux qui aiment les textes et qui aiment comprendre ce que les textes veulent dire, j'aimerais rappeler que l'article 39 de la LAMal dispose d'une manière très claire : «Les établissements hospitaliers admis sur la liste correspondent à la planification établie par un canton ou, conjointement par plusieurs cantons, afin de couvrir les besoins en soins hospitaliers, les organismes privés devant être pris en considération de manière adéquate.»
Il doit donc y avoir une liste, mais aussi une planification, et l'on voit aussi que le problème des organismes privés est posé.
Je vous fais part, Mesdames et Messieurs les députés, de ma deuxième remarque, cette fois avec mon chapeau de député libéral. Je pense que cela n'amène pas très loin de renvoyer le rapport en commission. Nous pouvons en prendre acte, mais en suggérant que la commission, dans l'esprit de la loi K 1 10 et par analogie, dispose de six mois pour adopter le plan directeur, en l'occurrence pour accepter les suites de ce rapport sous forme de résolution. Pourquoi la commission de la santé ne pourrait-elle pas, suite à ces débats, choisir de travailler à l'élaboration d'une résolution ? Donc, selon les libéraux, il ne faut pas renvoyer cet objet en commission.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
Le président. Monsieur Froidevaux, le parti radical s'étant déjà exprimé sur le renvoi en commission, vous n'aurez pas la parole. Nous entendons faire application de l'article 174 de notre règlement... (Remarque de M. Jean-Michel Gros.)Il n'est tout de même pas mis en cause à chaque intervention, Monsieur Gros, et la ficelle est un peu grosse !
Voici la teneur de l'article 174: «Un débat est ouvert sur chaque rapport, puis le Grand Conseil en prend acte, à moins qu'il ne décide de le renvoyer en commission ou au Conseil d'Etat.»
Nous avons été saisis d'une demande de renvoi en commission qui prime tout autre vote. Je vous soumets cette proposition par vote électronique.
Mis aux voix, le renvoi du RD 493-A à la commission de la santé est rejeté par 55 non contre 21 oui et 4 abstentions.
Le président. Nous nous prononçons maintenant sur les conclusions du rapport de M. Aubert, soit de prendre acte du rapport du Conseil d'Etat. Le vote électronique est lancé.
Il est pris acte de ce rapport par 52 oui contre 2 non et 25 abstentions.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il est 22h30 et nous devons encore traiter deux points en urgence : le point 51, projet de loi 8705, et le point 107, M 1520.
M. Rémy Pagani (AdG). Il me semble que le projet de loi 8705 nous prendra au moins une heure, voire une heure et demie parce qu'il y a un rapport de minorité. Je propose d'inverser l'ordre des deux objets et d'examiner en premier lieu la motion concernant la place Cornavin. (Brouhaha.)
M. Philippe Glatz (PDC). Je dénonçais tout à l'heure les manoeuvres parlementaristes consistant à faire durer les débats, à jouer l'horloge, de manière à éviter de traiter certains sujet. J'en ai maintenant la preuve parce que M. Pagani demande que nous ne traitions pas ce point sous prétexte que cela peut durer une heure. Nous avons le temps, nous sommes là pour cela ! (Applaudissements.)
Le président. Je demanderai en premier lieu aux charmants députés qui composent cette assemblée de se calmer, il semble qu'il règne un certain énervement... Il est tard, nous approchons du week-end, malgré cela nous pouvons rester courtois, cela vaudra mieux pour tout le monde.
Je fais voter la proposition de M. Pagani, soit d'inverser l'ordre du traitement des points 107 et 51. Cette proposition devra recueillir la majorité des deux tiers puisqu'il s'agit d'une modification mise aux voix en dehors de la première séance de la journée.
Mise aux voix, cette proposition est rejetée par 37 non contre 36 oui et 4 abstentions.
Premier débat
M. Mark Muller (L), rapporteur de majorité. Ce projet de loi a un caractère éminemment technique et procédural. Pour en résumer le sens et la finalité, je vous citerai simplement une phrase du rapport de M. Etienne : «Ce que veut la droite, en vérité, c'est qu'il n'y ait plus de recours possible une fois l'autorisation de construire entrée en force.»
Effectivement, nous souhaitons que, dès lors qu'une autorisation est entrée en force, il ne soit plus possible de la remettre en question ou du moins à des conditions restrictives, voire exceptionnelles.
M. Alain Etienne (S), rapporteur de première minorité. Ce projet de loi des partis de l'Entente vise une fois de plus à restreindre le droit d'agir des associations. Ce projet de loi nie totalement le travail considérable qui est réalisé par les associations qui se battent pour la préservation du patrimoine. Les demandes de mise à l'inventaire ou les demandes de classement permettent d'alerter le Département sur la valeur patrimoniale d'un bâtiment. Comment peut-on juger ces demandes irrecevables si l'on reconnaît une qualité patrimoniale au bâtiment concerné ?
Le patrimoine bâti n'est pas figé. C'est une matière qui évolue, notamment en ce qui concerne le patrimoine moderne. Il est primordial de prendre en compte les expertises des associations de protection du patrimoine, ou alors il faut donner encore plus de moyens au Service des monuments et des sites pour effectuer son travail prospectif.
Il n'est pas correct de légiférer pour sanctionner telle ou telle association qui dérange dans le paysage du canton. Il n'est pas juste non plus de dire que les associations sont source de blocage; bien au contraire, l'intervention des associations en amont permet justement d'éviter les recours par la suite. Il n'est pas plus correct de légiférer pour des exceptions.
En commission, nous avons demandé des statistiques afin de juger si cette modification méritait notre accord. L'Entente a voulu traiter cet objet au pas de charge, et nous n'avons obtenu aucun chiffre.
Les mauvaises conditions de travail en commission sont à déplorer. (Exclamations.)Ce qu'il y a encore de plus intolérable dans cette affaire, c'est le refus des commissaires de l'Entente de procéder à l'audition de la CMNS.
Ce projet de loi n'est pas acceptable, il ne sert qu'à défendre des intérêts particuliers. C'est pourquoi je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de le refuser.
Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG), rapporteuse de deuxième minorité. On parle beaucoup d'urgence ce soir, mais l'urgence de M. Muller et des milieux qu'il défend est une urgence à deux vitesses. Elle vise à protéger des intérêts particuliers, on verra lesquels plus tard.
Je vous rappelle que ce projet de loi tend à modifier une loi qui a été votée à l'unanimité de ce Grand Conseil en mai 2001 et qui prévoit que les demandes de mise à l'inventaire et de classement - car il est question ici de protection du patrimoine, ce qui devrait être le souci de l'Etat - ne soient pas utilisées pour faire traîner les plans localisés de quartiers et les autorisations de construire, mais bien pour servir le patrimoine. C'est pour cela que cette loi avait été votée en 2001.
Pas plus tard que deux mois après l'entrée en vigueur de la loi, l'Entente dépose un projet de loi pour en modifier une disposition. Il n'y avait aucun cas concret sur lequel baser une modification et, malgré cela, les signataires du projet prétendent que les conséquences de ces dispositions sont insupportables, que la loi est incohérente, qu'elle présente des aspects inacceptables, que les délais sont trop longs. Tout cela, alors que la loi n'avait pas encore été appliquée...
Les travaux de la commission commencent en automne 2002 et - alors que ce projet de loi demande la suppression des préavis de la CMNS - les commissaires de l'Entente refusent l'audition de cette commission, qui était pourtant concernée au premier chef; les travaux sont bâclés et, deux séances plus tard, on vote, et un délai est fixé aux rapporteurs. M. Etienne et moi-même, rapporteurs de minorité, déposons nos rapports en février 2003, et c'est là que l'urgence semble être à deux vitesses, parce que le rapport de majorité de M. Muller ne sera déposé qu'en novembre 2003.
Et malgré ce délai de neuf mois pour déposer le rapport de majorité, l'Entente sollicite, pour cette session, le traitement en urgence de ce projet de loi... On se demande vraiment où est l'urgence et quels intérêts elle sert ! J'aimerais beaucoup que M. Muller nous explique la raison de cette urgence, à propos d'un projet lui ayant nécessité neuf mois pour rendre son rapport de majorité.
Je pense qu'il n'y aura malheureusement pas de débat ce soir parce que des consignes ont été données dans ce sens.
Ainsi, il n'y a aucun cas concret montrant que la loi votée en 2001 était inacceptable, et il n'y aura aucun débat ce soir sur cet objet... Au vu de ces éléments, je demande quels intérêts ce texte défend. J'en déduis, en l'absence d'avis contraire, que ce sont les intérêts de quelques propriétaires dans ce canton, intérêts qui guident cette modification législative au détriment de l'intérêt général et au détriment, surtout, de la défense du patrimoine qui devrait être la préoccupation de tous.
Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser l'entrée en matière de ce projet de loi.
M. Yvan Galeotto (UDC). Ce projet de loi a pour but de ne pas entraver une autorisation de démolir ou construire en force. En effet, comme vous avez pu le remarquer, Mesdames et Messieurs, ce projet comporte trois modifications d'articles, essentielles au bon fonctionnement et à la rapidité d'exécution des dossiers en cours. Ces modifications portent sur les procédures de classement et de mise à l'inventaire. Nous avons pu débattre largement de ces points en commission et, par la même occasion, auditionner les représentants de la Société d'art public et d'Action patrimoine vivant. L'un d'eux nous a même expliqué qu'il y aurait atteinte aux droits démocratiques...
Mesdames et Messieurs les députés, au vu de ce projet de loi, nous demandons que ces procédures visant à la protection du patrimoine soient initiées très en amont avec des représentants de toutes les parties qui défendent les droits du patrimoine et qu'elle accordent leurs violons une bonne fois ! Même s'il y a recours pendant la procédure en force, elle devra être menée avec diligence et célérité. Il s'agit de ne pas nuire aux propriétaires concernés.
Pour conclure, l'UDC vous invite à soutenir ce projet de loi dans son ensemble et vous en remercie par avance.
M. Christian Grobet (AdG). Nous déplorons très vivement ce projet de loi. Notre patrimoine, c'est probablement ce que nous avons de plus précieux et la liste est particulièrement longue des bâtiments dignes d'intérêts qui auraient dû être conservés. Il y a dans cette salle des historiens de l'art qui pourraient rappeler toutes les démolitions du siècle dernier, et plus particulièrement celles intervenues après la Seconde Guerre mondiale. Les historiens de l'art savent que, de manière générale, en Europe occidentale, les démolitions d'immeubles après la guerre ont été beaucoup plus importantes que les destructions dues aux bombardements intervenus durant la guerre de 1939-45. C'est tout de même un paradoxe !
Il y a des quartiers, comme celui de Saint-Gervais avec la maison Rousseau et des bâtiments du XVIIe siècle, qui ont totalement disparu. Je pourrais citer maints autres exemples. On peut surtout citer celui de certains bâtiments dont la démolition était programmée, qui ont été sauvés et devant lesquels tout le monde aujourd'hui se pâme d'admiration... y compris ceux qui voulaient les démolir. Je crois que c'est la meilleure démonstration qu'on peut changer d'opinion et prendre conscience au dernier moment de ce qu'un bâtiment doit être préservé.
Prenons l'exemple de l'hôtel Métropole. Ce bâtiment - s'il n'est pas forcément le meilleur exemple de sauvegarde - a été une sorte de révélateur à Genève. Les milieux bien pensants considéraient qu'il fallait le démolir : il y a eu une votation populaire au résultat cinglant qui a permis de sauver ce bâtiment. Je vous rappelle qu'un référendum ne pouvait intervenir que pour des bâtiments publics, et non pas pour des bâtiments privés. C'est ainsi qu'à l'époque d'autres bâtiments, comme l'ancien hôtel de Russie ou l'hôtel des Bergues, ont disparu. Et tous ceux qui étaient pour la démolition de l'hôtel Métropole ont reconnu après coup qu'elle aurait constitué une grave erreur.
Prenons encore l'exemple du quartier des Grottes. Tout le monde à Genève s'accorde pour le juger formidable; plus personne en revanche ne se souvient que ce quartier devait être totalement rasé. On peut mentionner encore l'exemple du quartier de Villereuse, de l'ancienne prison de Saint-Antoine, etc.
Je revendique le droit à l'erreur de ceux qui prévoient la démolition d'un bâtiment, mais l'erreur peut être corrigée et, parfois, des prises de conscience interviennent et font apparaître la nécessité de conserver un bâtiment. Que propose la loi actuelle ? Dans des cas où une décision a été prise avec un préavis de la CMNS, il est possible de solliciter une nouvelle fois l'avis de cette commission. Dans l'hypothèse où elle maintient son avis, la demande de protection est déclarée irrecevable. C'est une question d'un mois au maximum, Mesdames et Messieurs les députés !
J'aimerais savoir, Monsieur Moutinot - s'il est possible de vous distraire un instant de votre entretien avec M. Weiss, dont on sait qu'il se fout de ce qui se raconte ici... (L'orateur est interpellé.)Mais oui, vous l'avez dit tout à l'heure, Monsieur Weiss! J'ai beaucoup de sympathie pour vous, mais il est clair que, quoi qu'on dise, vous voterez cette loi, et que la protection du patrimoine ne vous intéresse pas !
Bref, j'aimerais demander à M. Moutinot combien de fois l'alinéa 3 de l'article 10 a été appliqué, autrement dit, combien de fois cette commission des monuments, de la nature et des sites a-t-elle été sollicitée, depuis l'adoption de la loi, pour réexaminer un préavis favorable à une démolition ? Finalement, c'est cela le problème ! Y-a-t-il eu un abus de la part des associations de protection du patrimoine ? (L'orateur est interpellé.)Bon, il y en a peut-être eu un, d'abus...
Des voix. Lequel ?
M. Christian Grobet. Mais il n'y en a pas eu...
Une voix. La Roseraie !
M. Christian Grobet. C'est très bien que vous me parliez de la Roseraie ! Parce que, dans cette affaire-là - précidément, Monsieur Muller, et vous devriez le savoir ! - la commission des monuments et des sites a considéré que les villas de la Roseraie devaient être préservées ! Et c'est le Tribunal administratif qui n'a pas voulu suivre le préavis de la commission des monuments et des sites !
Je dois relever, malgré tout le respect dû au Tribunal administratif, que je trouve assez paradoxal que, chaque fois que le préavis de la CMNS est favorable à une démolition, le Tribunal administratif dit qu'il faut suivre le préavis, parce que c'est un préavis technique, et parce que le Tribunal ne doit pas se substituer à la CMNS. En revanche, lorsque la CMNS estime qu'il faut préserver un bâtiment, eh bien, c'est dans ces cas-là que le Tribunal administratif substitue son point de vue à celui de la commission. Il y a là - je regrette de le dire face à des magistrats - un double langage qui est choquant de la part d'une juridiction, qui applique une règle une fois et ne l'applique pas une autre, selon le cas dont il s'agit.
Mais, même s'il y avait eu une décision, comme vous le prétendez, à tort, en ce qui concerne l'avenue de la Roseraie, Monsieur Muller, cela ne justifierait pas la modification législative que vous nous proposez ! Il faudrait qu'on nous démontre - et c'est pour cela que j'interpelle M. Moutinot - qu'il y a eu ce que j'appelle des «abus de reconsidération» de préavis en application de la nouvelle loi. A cela s'ajoute, Monsieur Muller, le préavis de la CMNS qui avait été sollicitée à se prononcer dans le cadre d'un plan de site à ce sujet...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Christian Grobet. ... le préavis était antérieur à la disposition légale de l'article 10 !
Je reprendrai la parole, Monsieur le président. D'ailleurs, je me réinscris immédiatement ! En effet, le préavis de la CMNS constitue un problème en tant que tel: il s'agit de savoir qui prend le préavis pour la CMNS et qui l'interprète !
J'aimerais conclure avec un dernier exemple...
Le président. Je vous prie de vous interrompre, Monsieur le député. Vous reprendrez la parole, comme vous en avez le droit.
M. Christian Grobet. J'aimerais mentionner, à l'intention de M. Lescaze, qui est signataire de ce projet de loi, l'exemple de l'immeuble de James Fazy qui a été classé ! Et...
Le président. Je vous prie de vous asseoir, Monsieur le député !
M. Christian Grobet. Il me reste vingt secondes !
Le président. Pas du tout, vous avez déjà parlé huit minutes et trente secondes ! (M. Grobet continuer à parler sans micro.)La parole est donnée à M. Weiss, qui va brièvement répondre à la mise en cause dont il a fait l'objet.
M. Pierre Weiss (L). Je fais aimablement remarquer à Monsieur Grobet que, certes, j'ai momentanément considéré que les propos d'un conseiller d'Etat étaient au moins aussi intéressants que les siens. Néanmoins, j'ajoute que, dans la discussion précédente, je n'ai cessé d'être attentif à ses propos et c'est parce que j'y ai été particulièrement attentif que j'ai voté différemment de lui.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). J'observe, Monsieur le président, que l'ordre des demandes de parole n'est pas respecté.
Je voudrais, en préambule, à l'instar que Mme Blanchard-Queloz dénoncer la mascarade que nous imposent les députés de l'Entente, et en particulier M. Muller, en demandant l'urgence pour le traitement de ce projet de loi. Le rapporteur de majorité ne semble en effet guère en avoir ressenti l'urgence au moment de déposer son rapport. Cette manoeuvre est purement scandaleuse.
Cette urgence est d'autant moins justifiée que - cela a déjà été dit - ce projet de loi, déposé en 2002, vise à annuler celui qui a été voté par une majorité d'entre nous en 2001. Imposer maintenant un nouveau projet de loi est totalement absurde et sert, en fait, à protéger les intérêts de quelques particuliers.
A cela s'ajoute que ce projet contrevient aux droits démocratiques en voulant empêcher les associations à but idéal d'intervenir dans le débat sur la protection du patrimoine bâti de ce canton.
Il faut peut-être préciser également qu'une demande de mise à l'inventaire peut empêcher une démolition, mais elle n'entrave pas forcément la réalisation de certains travaux.
Je tiens aussi à dénoncer la façon dont les travaux ont été menés en commission : ils ont été purement et simplement bâclés. J'en veux pour preuve que l'audition de la CMNS, qui avait son mot à dire, nous a été refusée. En fait, nous n'estimions pas judicieux de rouvrir le débat sur ce sujet, mais tant qu'à déposer un projet de loi, alors il fallait au moins permettre le débat.
Pour ces raisons, vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, nous demandons le refus, pur et simple de ce projet de loi.
Le président. Je suis un peu surpris que vous disiez que je ne respecte pas l'ordre des demandes de parole. Vous imaginez bien, Madame, que lorsqu'un député est mis en cause, on ne va pas attendre deux heures après l'intervention litigieuse pour le laisser répondre...
Mme Michèle Künzler (Ve). Mes préopinantes l'ont très bien dit, il n'y a aucune urgence à traiter ce projet de loi ou, plus précisément, aucune urgence qui soit avouable ici... Ce doit être une urgence qui concerne des particuliers, et certainement pas notre parlement. Ce projet de loi aurait très bien pu attendre !
D'autre part, le groupe des Verts pense que, malheureusement, quand on commence à introduire des lois préventives concernant des choses qui n'ont jamais existé, cela devient grave ! Parce que c'est un peu la méthode de George Bush qui, pour intervenir, prétend que des armes sont cachées... (L'oratrice est interpellée.)Mais c'est la même chose ! On l'a dit clairement dans ce projet de loi: voilà une loi préventive ! Donc, cela veut bien dire ce que cela veut dire ! Et il y a eu zéro abus et zéro problème pour l'instant ! Mais l'on imagine que, peut-être, il pourrait y en avoir.
Nous déposerons donc un amendement qui vise à permettre de revenir sur le préavis de la CMNS. Tout le monde peut se tromper dans une commission, et nous estimons qu'il doit être possible de recourir quand une autorisation est en force. En revanche, pour faire un pas dans votre sens, nous demanderons que la deuxième décision de la CMNS soit prise dans le mois suivant le dépôt du recours. C'est d'ailleurs exactement ce qui se passe, mais, voilà, la possibilité de revenir sur la décision de la commission doit rester ouverte; elle n'a jamais été utilisée jusqu'ici, mais elle doit exister.
Nous acceptons pourtant de faire un pas dans votre sens, en précisant que la commission ne doit pas prendre plus d'un mois pour statuer à nouveau sur ce problème. Je vous engage donc vivement à voter cet amendement.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. Rémy Pagani (AdG). Ce projet de loi s'inscrit dans une série de textes qui s'attaquent aux droits démocratiques de la majorité de la population et du corps électoral. Nous avons appris la semaine dernière, Monsieur Muller, que vous entendiez vous attaquer au droit de pétition. Ce droit est destiné à toute la population de notre canton; il existe dans notre République depuis au moins 300 ans. Le Grand Conseil est, en vertu de ce droit, obligé d'enregistrer n'importe quelle pétition. Et vous proposez aujourd'hui, Monsieur, que les membres de la commission des pétitions aient le droit de déterminer quelles sont les bonnes et les mauvaises pétitions !
Ce projet de loi s'inscrit tout à fait dans la ligne que vous avez instaurée depuis que vous disposez à nouveau de la majorité dans ce parlement. Cette ligne consiste à démanteler petit à petit - tranche de saucisson par tranche de saucisson - l'ensemble des droits démocratiques. Je les rappelle brièvement: le débat de préconsultation, le droit de parole des députés que vous avez restreint... (L'orateur est interpellé.)Et M. Annen nous dit à l'instant qu'il va y en avoir encore... Malheureusement. Et je trouve cela scandaleux.
En l'occurrence, nous avons ici un projet de loi qui fait partie de l'«arsenal», si j'ose dire, qui vise à nous faire taire pour que tout ce qui se passe dans cette République puisse être caché et non plus dénoncé. Malheureusement pour les promoteurs de ce projet de loi, la vie est ainsi faite que certaines personnes, quand elles constatent des injustices - et, là, il va y en avoir, j'en citerai une ou deux - eh bien, certaines personnes se rebiffent. Elles se rebifferont, je l'espère, elles sont de plus en plus en train de s'organiser; là, je pense au référendum qu'on nous promet sur le cadeau qu'il est question de faire à l'Ecole internationale, par exemple. Je pense à d'autres référendums qui sont en vue et je me réjouis d'être dans la rue avec ces personnes pour manifester notre désapprobation quant aux méthodes que vous voulez instaurer dans ce parlement et dans la République.
Comme exemple de ces méthodes, je prendrai simplement celui de la manière dont ce projet de loi a été traité en commission. Je participe depuis des années aux travaux de la commission de l'aménagement; or j'ai été absent une heure ou une heure et demie, et le projet de loi a été traité dans ce laps de temps... Par ailleurs, je m'attendais à ce qu'on auditionne au moins les principaux intéressés, c'est-à-dire la CMNS. Et la CMNS n'a pas été auditionnée ! C'est extrêmement grave ! (L'orateur est interpellé.)Allez-y, Monsieur Blanc ! Il faut le dire très clairement: la CMNS vous dérange ! On ne sait pas pourquoi, parce qu'au niveau du travail qu'elle a accompli...
M. Bernard Annen. Elle nous empêche de construire !
M. Rémy Pagani. Citez-nous des exemples, Monsieur ! Mes collègues ont demandé à la commission de l'aménagement de lui présenter des cas concrets... (Remarque.)Oui, un cas ! Est-ce qu'on légifère, est-ce qu'on s'attaque aux droits démocratiques des citoyens en présentant un projet de loi pour un seul cas ? Et encore, il est disputé parce que nous ne faisons pas la même interprétation que vous sur ce cas précis !
Donc, d'autres projets vont arriver, Mesdames et Messieurs les députés ! Et j'allais oublier le découpage en morceaux des préavis de la commission d'architecture et de la CMNS, c'est la prochaine étape de votre programme !
Donc, on va diminuer petit à petit l'ensemble des droits qui sont acquis, et qui, de plus, l'ont été par des votations populaires, dois-je vous le rappeler ! Des droits des citoyens qui nous paraissent fondamentaux ! Et pourquoi fondamentaux, Monsieur Annen ? Parce que, vous le savez comme moi, le fait de ne pas discuter des enjeux de certaines constructions nous amène à des recours ! Et on est allé, il y a de cela trente ans, jusqu'au Tribunal fédéral pour la modification «bénigne» de l'entrée d'un parking... Or, avec ce projet de loi, vous ouvrez tout grand la voie - nous l'avons relevé en commission sur moult projets de lois - à des recours qui seront justifiés... Parce que déplacer l'entrée d'un parking ici plutôt que là est une chose justifiée de la part de voisins; et ces derniers n'étant pas entendus, pour la CMNS ou pour d'autres, ils se trouveront légitimés, et à raison, d'aller d'abord au Tribunal administratif puis au Tribunal fédéral. Et nous nous retrouverons dans la même situation que M. Vernet, soit avec une pléthore de recours de citoyens - non pas d'associations à but idéal que nous voulons protéger, mais de citoyens propriétaires, c'est-à-dire de vos milieux, Mesdames et Messieurs ! - qui feront recours parce que leurs récriminations, légitimes, n'auront pas été entendues et prises en compte !
Alors, je le regrette, ce projet de loi va prétendument dans le sens d'une amélioration des procédures, mais, dans la pratique - nous l'avons vécu, il y a trente ans - il ouvre la voie à toute une série de recours qui freineront encore plus les projets que vous voulez mener à terme.
Bien qu'il fasse partie d'une stratégie caractéristique des milieux que vous représentez, Monsieur Muller, ce projet de loi doit être retiré, parce qu'il est complètement incongru. Ou, s'il n'est pas retiré, il conviendrait de prendre la peine d'écouter la CMNS, ce serait la moindre des politesse, ce qui n'a même pas été fait en commission.
M. David Hiler (Ve). J'aimerais revenir sur un ou deux points d'histoire et poser, ensuite, quelques questions au responsable du département.
Il est tout à fait exact - comme l'a rappelé M. Grobet - que, dans les années 50, puis dans les années 60, il y a eu des destructions massives à Genève et que nous avons perdu à cette occasion les plus beaux joyaux de notre patrimoine. Il est exact aussi qu'à cette époque un certain nombre de mouvements sont nés pour s'opposer à ces destructions. La vérité veut qu'on dise qu'il émanaient en premier lieu du parti libéral, puis du mouvement Vigilance.
Dès la fin des années 60, cette opposition à la destruction du patrimoine s'est élargie, du point de vue politique. Vous vous rappellerez, peut-être, Mesdames et Messieurs les députés, que la CMNS a été créée à la suite de la construction du bâtiment de la Caisse d'épargne qui avait suscité - c'est tout de même intéressant - une réaction extrêmement vive de la part des commerçants de la Corraterie qui étaient à l'origine du mouvement de protestation.
Ensuite, pendant les années 70 et 80, il y a eu, si l'on peut dire, un mano a manoconstant entre les milieux de la promotion et les milieux de la protection du patrimoine. Au bout de 25 ans de pratique de la protection du patrimoine, nous devrions, à mon sens, être arrivés à un stade où les choses se passent de manière un moins erratique. M. Moutinot sait que je pense que le canton de Berne a choisi la bonne manière de procéder. Ce canton a débloqué un budget assez conséquent, sur un certain nombre d'années, pour faire un inventaire complet des bâtiments dignes de protection et prendre ensuite les mesures adéquates, correspondant à ce que nous appelons ici la mise à l'inventaire ou le classement. Or, une bonne partie des problèmes que nous connaissons en matière d'aménagement du territoire, problèmes liés aux plans localisés de quartier, aux recours de dernière minute, viennent du fait que nous ne disposons pas d'un tel instrument à Genève. Je pense que cela simplifierait la vie à tout le monde une bonne fois pour toutes de déterminer un certain nombre d'instruments de protection. Cela permettrait aussi de ne pas s'intéresser à la protection d'un bâtiment que lorsqu'il est menacé. Suivons l'exemple de Berne, allons de l'avant et c'est ainsi que nous deviendrons efficaces d'un double point de vue : en ce qui concerne la construction d'un certain nombre de logements nécessaires et en ce qui concerne la protection du patrimoine.
Je n'ai toujours pas compris pourquoi cet inventaire de ce qui doit être conservé n'est pas fait de façon exhaustive. S'il est possible de le faire à Berne, vu la taille du canton de Berne et vu la richesse extrême du patrimoine de ce canton, qui a connu moins de destructions qu'ici, il doit être possible de le faire à Genève. Pourquoi diable n'allons nous pas de l'avant ?
Comme beaucoup d'autres, je ne pense pas que cette loi présentait un quelconque caractère d'urgence. En revanche, il y a moyen aujourd'hui de résoudre valablement cette problématique. J'espère que le département s'en souciera le plus rapidement possible. J'aimerais donc connaître clairement le point de vue de M. Moutinot et je me réserve, Madame la présidente, la possibilité de poser de nouvelles questions en fonction de sa réponse.
M. René Koechlin (L). En préambule, j'aimerais rappeler que la loi sur la protection de la Genève fazyste - cela recouvre un périmètre assez vaste - est due à la plume de M. Denis Blondel, alors député libéral. (L'orateur est interpellé.)«Minet» pour les intimes, c'est exact...
La protection du patrimoine est le fait, je crois, de tous les citoyens attentifs, intéressés par l'architecture et plus généralement par le patrimoine. Je remercie M. Hiler parce que je pense qu'il a un peu rehaussé le débat. Il l'a nettement rehaussé; merci.
Ce dont il est question ce soir, c'est de la sécurité du droit et de rien d'autre. Lorsqu'une autorisation de construire ou un plan localisé de quartier est en force, il peut et doit être réalisable à la forme et au fond. Cela, c'est la sécurité du droit.
Les droits démocratiques, Monsieur Pagani, sont très largement respectés dans tous les cas de figure. Pour un plan localisé de quartier, le peuple - que vous semblez vouloir défendre et que je défends avec vous - a quatre fois l'occasion de se prononcer : il y a deux enquêtes publiques de trente jours, un délai référendaire de quarante jours à la suite du vote de délibération du conseil municipal, puis il y a encore trente jours de délai de recours après l'arrêté du Conseil d'Etat. Si vous trouvez que ce n'est pas suffisant pour préserver les droits démocratiques, alors je ne sais pas ce que c'est que la démocratie, franchement !
Il en va de même pour l'autorisation de construire : il y a un délai de trente jours après sa publication pour recourir. Par conséquent, ceux qui ne seraient pas d'accord, qui ne partageraient pas la teneur d'une telle autorisation, ont tout loisir de s'y opposer avec de bonnes raisons, qui peuvent avoir trait à la protection du patrimoine.
Ce que je demande à l'association Action patrimoine vivant - dont nous avons ici quelques éminents représentants - c'est de bien vouloir se réveiller ! Parce qu'elle intervient trop tard ! Quand les autorisations de construire ou les plans localisés de quartier sont en force, il est trop tard ! Il est inadmissible qu'on les remette alors en question du point de vue de la sécurité du droit. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi a tout son sens et qu'il est urgent de le voter. Parce que, de ces abus, nous en voyons tous les jours ! Et nous en avons assez, ils sont scandaleux.
Par ailleurs, je partage totalement l'avis de M. Hiler. Déterminons une fois pour toutes quels sont les monuments et les bâtiments qui méritent d'être mis à l'inventaire ou d'être classés. J'ignorais que c'était fait de façon aussi systématique dans le canton de Berne: bravo, tant mieux ! Allons-y, mettons-nous au travail et cessons de rendre le droit insécure parce que cela, c'est totalement inadmissible. Je suis d'ailleurs étonné que M. Grobet, qui est juriste, puisse défendre des attaques irrecevables contre la sécurité du droit, c'est-à-dire contre la sécurité des autorisations de construire et des plans localisés de quartier en force. (Applaudissements.)
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
M. Christian Grobet (AdG). Voyez-vous, Monsieur Koechlin, il y a un point sur lequel je suis entièrement d'accord avec vous : avec l'intervention de M. Hiler, le débat s'était élevé d'un niveau. Malheureusement, avec votre intervention, il est retombé à son niveau antérieur. (Rires.)
Je suis affligé par votre intervention : vous êtes architecte, vous connaissez très bien les lois en vigueur et vous prétendez cependant que toutes les voies de recours sont largement ouvertes. Vous savez, Monsieur Koechlin, que la qualité pour recourir est extrêmement limitée dans notre canton. Notamment en matière de démolition d'immeubles, les personnes qui peuvent recourir contre une autorisation de démolir doivent invoquer un intérêt juridique extrêmement restrictif. A la fin des années 70, le Tribunal administratif avait rendu une succession d'arrêts relevant que des démolitions d'immeubles violaient de manière flagrante la loi sur les démolitions mais que, malheureusement, il ne pouvait pas annuler ces autorisations qui violaient la loi parce que les recourants n'avaient pas la qualité pour agir. Avant de brandir le droit de recours comme un argument, vous devriez tout de même, Monsieur Koechlin, en rappeler les limites.
En revanche, vous avez eu raison de rappeler qu'il fut un temps - ce n'est plus tellement le cas aujourd'hui - où les libéraux avaient dans leurs rangs des gens qui étaient soucieux de la protection du patrimoine. Vous avez raison de dire, Monsieur, que la protection du patrimoine n'est pas l'apanage d'une formation ou d'un courant politique, mais qu'il est le fait de gens situés dans tous les bords politiques. Mais quand vous prétendez, Monsieur, que tout le monde se soucie de la protection du patrimoine, ce n'est tout simplement pas vrai ! Les exemples de démolitions qui ont marqué les années 1950 à 1970 démontrent qu'il y avait beaucoup de démolisseurs. Je dirai que M. Vernet, libéral, a été l'un de ceux qui ont fait avancer la protection du patrimoine. Il a été justement l'un de ceux qui avaient évoqué ce qui fait horreur à M. Koechlin aujourd'hui, c'est-à-dire la remise en cause d'une autorisation de construire et la sécurité du droit.
M. Hiler aurait pu ajouter à son exposé le cas de l'immeuble dit Golay, à la place de la Petite-Fusterie, qui devait être démoli et pour lequel il y avait une autorisation à cet effet. Or le sauvetage de cet immeuble, malgré l'autorisation de le démolir, a donné lieu à la nouvelle loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites, votée en 1975 par le Grand Conseil à l'instigation de M. Vernet qui, précisément, avait admis qu'il y avait de graves lacunes dans la loi. C'est ainsi également qu'il a introduit des voies de recours contre les dérogations qui ne pouvaient pas être portées devant la commission de recours. C'est grâce à la modification légale apportée du temps de M. Vernet - sur proposition de députés socialistes, certes - que, par exemple, la villa Edelstein a pu être sauvée et que tout le monde en reconnaît aujourd'hui le bien-fondé.
Alors, il peut y avoir des arguments nouveaux qui n'ont pas été invoqués au moment où une décision a été prise. Et l'un des principes du droit - puisque je sais que vous aimez, Monsieur Koechlin, nous rappeler des principes, et que vous semblez mieux connaître le droit que certains juristes, qui se montrent peut-être, justement, prudents dans l'analyse des voies de droit - j'aimerais rappeler quand même qu'il y a un grand principe de notre droit des pays démocratiques, c'est la possibilité de reviser des décisions qui ont été prises ! On peut demander la révision des jugements ! On peut demander la révision des autorisations ! C'est un principe consacré dans notre ordre juridique, parce qu'on admet qu'il peut y avoir des faits nouveaux. Aussi, je suis parfaitement d'accord avec vous: si quelqu'un demande une chose, qui a été refusée, sans formuler de nouveaux arguments, eh bien, la demande doit être déclarée irrecevable ! Mais vous pouvez invoquer des arguments. Et je regrette que cette affaire n'ait pas été évoquée plus en détail et que, surtout, M. Lescaze - peut-être en est-il gêné... Il a disparu...
Une voix. Il est là-bas !
M. Christian Grobet. J'aimerais bien que M. Lescaze évoque le cas de l'immeuble de James Fazy. L'immeuble historique auquel vous, en particulier, Monsieur Lescaze, et votre parti politique, étiez attachés au maintien.
Alors, c'est vrai qu'Action patrimoine vivant a remis en cause une ou deux autorisations de démolir, mais pas plus nombreuses que les doigts de la main... Eh bien, je me félicite, Monsieur Koechlin qu'Action patrimoine vivant ait sauvé de la démolition l'immeuble au boulevard de la Tour où James Fazy a vécu !
Effectivement, à cette occasion, nous avions remis en cause une autorisation de construire et, après deux ans de bataille, nous avons eu gain de cause. Et M. Lescaze lui-même, membre de la sous-commission de la CMNS, a relevé que le préavis de la commission avait été mal rédigé. Les décisions sont notées par un procès-verbaliste et, en l'espèce, le collaborateur du département avait mal rédigé la décision. J'aimerais bien que vous le disiez, Monsieur Lescaze... Ne jouez pas le modeste dans cette affaire ! Vous m'avez vous-même affirmé que la reconsidération du dossier était justifiée. La CMNS a donc reformulé le préavis et M. Moutinot - à qui je tiens à rendre hommage ici - a pris la décision de faire classer cet immeuble. C'est un exemple parmi d'autres !
Il faut savoir que la CMNS est divisée en sous-commissions et que des décisions peuvent être prises à cinq contre quatre sans tenir compte de certains éléments; ce n'est pas la plénière qui se prononce ! Ainsi, ne serait-ce qu'en raison du système dans lequel les préavis sont émis, il se justifie qu'ils puissent être réexaminés. Ils peuvent contenir une erreur ! Et demander simplement trente jours supplémentaires pour sauver éventuellement un bâtiment de la démolition n'est excessif en rien. Or refuser ce délai supplémentaire de trente jours est indigne de notre parlement: cela mettra en péril des bâtiments, comme celui de James Fazy qui ne méritait pas d'être démoli parce qu'il y avait une erreur dans un préavis !
Le président. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits M. Rémy Pagani et M. Moutinot.
M. Rémy Pagani (AdG). Nous avons effectivement fait le tour de la problématique. Je relève l'inconsistance des arguments en faveur de cette loi : M. Muller, rapporteur de majorité n'a même pas pris la parole... ou une seule fois. C'est une manière d'éviter le débat dans ce parlement.
Une fois de plus, c'est nous qui allons récupérer les pots cassés. Nous nous trouverons dans la même problématique que celle du quartier des Grottes. Je peux en parler en connaissance de cause.
A cette époque, un magistrat - je ne sais plus lequel c'était, mais paix à son âme - avait décidé, purement et simplement, de rayer un quartier de la carte, du haut de la Servette jusqu'à la gare de Cornavin, sous prétexte qu'il fallait y construire des bureaux et moderniser ce quartier.
Aujourd'hui, dans la presse et pratiquement tous les mois, on voit «sanctifier» ce qui a pu se faire dans ce quartier, sa beauté et son humanité. Je rappelle qu'il a fallu dix ans - mais dix ans de lutte acharnée des habitants - pour faire d'abord évoluer le droit, le droit de recours notamment, parce que nous nous trouvions dans la situation qu'a indiquée M. Grobet: des immeubles allaient être démolis, qui n'étaient peut-être pas que partie intégrante du patrimoine mais, surtout, qui permettaient à des habitants d'avoir des logements à bon marché. C'est ainsi qu'on se trouve dans des situations comme celle d'il y a six ans, quand M. Joye avait décidé, un matin, de démolir la villa Blanc, que tout le monde regrette aujourd'hui - en regardant les photos... (Brouhaha.)On aurait pu l'intégrer, comme on l'a fait dans d'autres lieux, à la construction de logements, avec une maison de quartier par exemple. Mais M. Joye a décidé un matin de rayer ce bâtiment de la carte, il a estimé qu'il n'y avait pas d'élément architectural à préserver et il a envoyé les trax... Tout le monde l'a déploré, y compris le Tribunal qui a pris une décision de sauvegarde alors que la villa était déjà démolie.
Pour ces motifs et vu la mauvaise qualité des débats en commission, je demande le renvoi en commission de ce projet de loi, pour que nous puissions au moins, par décence, auditionner la CMNS, dont il convient tout de même de rappeler qu'elle est constituée majoritairement par des personnes proches de la majorité de ce parlement.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Je répondrai tout d'abord aux questions qui m'ont été posées, d'une part par M. Grobet et d'autre part par M. Hiler. Y-a-t-il eu, dans le cadre de la législation actuelle, des abus ? Non. M. Bernard Zumthor, directeur de la direction du patrimoine et des sites, a retrouvé - à la demande la commission qui l'avait interpellé sur ce sujet - un cas, celui de la menuiserie Boddi à Vernier. Il n'en n'a pas retrouvé d'autre. Lorsque la Société d'art public a été auditionnée par la commission, elle a affirmé - sauf erreur par la voix de M. Malek Ashgar, aujourd'hui conseiller administratif à Versoix - qu'elle n'avait jamais utilisé l'arme de la demande de classement dans un cas similaire. Je ne permettrais pas de mettre en doute la parole de ce magistrat communal. Donc, à la question «y-a-t-il des cas d'abus ?», je réponds: non.
M. David Hiler pense que l'on pourrait éviter tout cela en ayant un inventaire total et crédible. Fondamentalement, Monsieur le député, je suis d'accord avec vous, et grâce aux crédits votés par votre Grand Conseil, dont notamment un million, il y a deux ans, à votre instigation, nous avançons dans le travail d'inventaire. Il y a tout de même une réserve : la question de la protection du patrimoine n'est pas figée une fois pour toutes. Les milieux spécialisés, les milieux professionnels évoluent dans leur appréciation de ce qui doit être protégé... (Brouhaha.)
Le président. Vous constatez, Monsieur le conseiller d'Etat, que j'ai rameuté les troupes afin que vous ayez un auditoire complet.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président, de votre sollicitude.
Il est exact, Monsieur Hiler, que, plus la richesse patrimoniale du canton sera inventoriée, plus nous pourrons prendre des mesures en amont pour que les règles de droit soient claires au sujet des immeubles protégés et de ceux qui ne le sont pas. Evidemment, nous éviterons les situations d'insécurité juridique dénoncées à juste titre par M. Koechlin. Néanmoins, la protection du patrimoine n'est pas une donnée invariable, un absolu figé une fois pour toutes. On le voit de nos jours avec le patrimoine moderne, les immeubles construits par Le Corbusier, par Saugey et d'autres architectes, il y a quelques décennies. Personne n'imaginait classer ou protéger ces bâtiments il y a quelques années encore. Aujourd'hui, ces bâtiments présentent un intérêt architectural; j'ai d'ailleurs dû présenter au Conseil d'Etat un arrêté de classement en faveur d'un immeuble plus jeune que moi... Cela démontre que l'architecture moderne progresse.
La manière dont vous posez la question, Monsieur Hiler, est juste. Les inventaires doivent être tenus, ils ne sont toutefois pas une certitude, car ils vieillissent. Non seulement les spécialistes ont cette impression-là, mais la populations elle-même a aussi une sensibilité au patrimoine bâti qui évolue. Cette sensibilité évolue manifestement dans le sens d'une meilleure prise en compte de ce que d'aucuns appelleraient «le cadre de vie», d'autres «le visage aimé de la patrie», d'autres encore «les lieux dans lesquels ils ont toujours vécus».
Nous ne pouvons pas, dans un débat de ce type-là, faire l'économie des principes posés par les experts et les spécialistes; mais il faut aussi - parce que nous ne légiférons pas que pour les spécialistes - se souvenir que la population genevoise est extrêmement sensible à la qualité du patrimoine bâti. Le courrier que je reçois en atteste. On peut même dire qu'un certain nombre de bâtiments ne méritent pas cette sensibilité, mais il font partie du cadre de vie de nos concitoyens.
C'est pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il faut être extrêmement prudent. Toute erreur en matière de protection du patrimoine est irréparable dans la mesure où un bâtiment démoli ne peut être reconstruit. Je vous concède, Monsieur le rapporteur de majorité, que le projet que vous soutenez n'apporte pas des bouleversements révolutionnaires au système actuel. Il y a par conséquent dans ce débat une part idéologique, une part émotionnelle. Cependant, Mesdames et Messieurs les députés, si vous voulez agir avec prudence et retenue, si vous voulez vous donner le maximum de garanties de préserver le patrimoine de toute erreur, il vous faut refuser ce projet.
M. David Hiler (Ve). J'avais annoncé, Monsieur le président, que je me réservais la possiblité de répondre très brièvement à M. Moutinot.
Je crois profondément, Monsieur le conseiller d'Etat, que vous faites une erreur en prétendant que le fait d'avoir un inventaire exhaustif signifie qu'il est fixé définitivement. Bien sûr que ce n'est pas le cas puisque l'on construit de nouveaux bâtiments.
L'inventaire est fixé selon un certain nombre de critères scientifiques et l'on se donne un certain temps pour évoluer. On laisse les doctrines évoluer en fixant une révision tous les dix ans par exemple, cela peut-être une révision heurtée parce qu'il y a un soulèvement dans un quartier, mais la démarche même de l'inventaire ne signifie pas que l'on fixe définitivement ce qui doit être protégé. En revanche, on fait connaître à tous un certain nombre d'invariants valables pour une décennie, après quoi on établit une nouvelle liste de critères invariants. Si on ne connait pas ces critères, si on ne se donne pas la peine de cette systématique, il y a toujours le risque de se dire que les gens utilisent la protection du patrimoine à de tout autres buts. C'est parce qu'il existe aujourd'hui un certain consensus, parce que nous ne sommes pas dans une période de variation extrême des sensibilités à l'égard du patrimoine, qu'il faut faire ce travail ! Un tel inventaire simplifiera la vie de tout le monde, même si - rassurons M. Blanc - il ne s'agit pas de paroles d'Evangile, mais d'un jugement humain, de spécialistes, dans une société donnée, à un moment donné.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Je crains, Monsieur le député, que vous ne m'ayez mal compris. J'ai dit clairement l'importance qu'il y a à terminer la tâche d'inventaire parce qu'elle favorise effectivement la sécurité du droit. J'ai aussi dit que ce n'était pas la panacée précisément en raison de l'écoulement du temps qui fait que, après un certain temps, on peut considérer différemment la valeur de tel ou tel bâtiment. Il me semble que nous sommes parfaitement d'accord.
Nous travaillons sur cet inventaire dans la limite des moyens que votre Grand Conseil nous a accordés et dont je le remercie. Néanmoins, il ne sera pas éternellement parole d'Evangile, d'où les conseils de prudence que j'ai donnés dans mon intervention de tout à l'heure.
Mesdames et Messieurs les députés, à 23h30 il faut être clair: il y a dans cette affaire une partie qui relève d'un processus de désignation d'un bouc émissaire. La protection du patrimoine sert de bouc émissaire pour les obstacles ressentis à l'acte de construire. Cela est faux ! J'ai la responsabilité de construire pour l'Etat de Genève. J'ai également la responsabilité de faire en sorte que le secteur privé puisse construire pour répondre à la demande de logements. Je constate que c'est une tâche extraordinairement difficile, que les obstacles sont nombreux; ceux liés à la protection du patrimoine en font partie, mais je peux vous promettre que ce n'est pas l'obstacle principal que je rencontre.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons procéder à deux votes: le premier au sujet de la demande de renvoi en commission formulée par M. Pagani; le second sur la prise en considération du projet de loi. Nous allons voter par électronique. Je mets aux voix la proposition de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi de ce projet en commission est rejeté par 41 non contre 38 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 44 oui contre 36 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement présenté par Mme la députée Künzler. Je vous donne la parole, Madame, pour présenter votre amendement.
Mme Michèle Künzler (Ve). Je dois tout de suite avouer que j'ai commis une erreur en mentionnant dans mon amendement à l'article 7 la notion de classement. Il faut donc lire «la mise à l'inventaire» à l'article 7 et «le classement» à l'article 10. Mon amendement à l'article 7 se formule donc ainsi: «Elle est soumise sans délai à cette commission qui statue dans le mois suivant. Si cette dernière confirme son précédent préavis, la demande de mise à l'inventaire est déclarée irrecevable.»
Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, il me semble qu'il faut toujours laisser une petite marge pour agir. Dans ce cas, on laisse trente jours supplémentaires pour revenir sur une décision, parfois malheureuse, même si elle a été prise il y a cinq ans.
Je pense, Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente, que c'est faire un pas dans votre sens. La commission pourra en effet déclarer irrecevable une demande qui lui parviendrait un mois après sa décision et qui ne présenterait pas d'éléments nouveaux.
C'est une porte de sortie pour tout le monde, car on ne peut pas simplement dénier à une commission le droit à l'erreur. Il faut souligner cet élément et c'est pourquoi nous maintenons cet amendement.
M. Christian Grobet (AdG). Tout d'abord j'aimerais formuler une demande d'interprétation de cette proposition législative. Vous aurez remarqué, Monsieur Moutinot, que le chiffre 1 de l'alinéa 2 de l'article 7 a été modifié. Jusqu'à présent ce chiffre mentionnait simplement une autorisation de construire ou de démolir en force, puis la commission a ajouté la mention «depuis moins de cinq ans». Or, en principe, une autorisation de construire ne peut pas durer cinq ans. Le nombre de renouvellements d'une autorisation est limité par la loi. Il est clair que si le chantier est ouvert le problème est réglé. Cependant, dans l'hypothèse ou l'autorisation est périmée, par exemple parce qu'elle n'a pas été renouvelée, on ne pourrait pas invoquer une autorisation périmée. C'est comme cela que je comprends ce texte dans la mesure où le texte parle bien d'une autorisation en force. Je pense cependant que cette adjonction de la mention «depuis moins de cinq ans» est de nature à entraîner une confusion.
Sur le fond, il va sans dire que nous soutenons la proposition de Mme Künzler. Il est vrai qu'il peut y avoir une mobilisation de l'opinion publique au sujet de tel ou tel bâtiment. Cela s'est passé ainsi en certaines circonstances. Je pense que la possibilité de réexaminer un cas est véritablement une nécessité. Le fait de refuser cette possibilité de réexaminer une décision peut créer des difficultés à l'autorité.
Je le dis parce que j'ai exercé précédemment les fonctions qui sont aujourd'hui celles de M. Moutinot. Et sur la base de cette expérience, j'affirme qu'accepter que le chef du département, sur une question aussi sérieuse que celle-ci, ne puisse pas consulter à nouveau la commission des monuments, de la nature et des sites et bénéficier d'une modification du préavis - mais bien entendu sur des motifs pertinents, comme cela a été le cas en certaines circonstances, est une grave erreur. Cela risque de causer plus de troubles qu'autre chose.
M. Mark Muller (L), rapporteur. L'amendement de Mme Künzler a le mérite d'avoir une certaine logique et d'être parfaitement cohérent avec la position des Verts et de l'Alternative, puisqu'il revient en fait à ne pas modifier la loi actuelle. Ce que vous nous proposez, Madame, correspond, dans les grandes lignes, à ce que prévoit la loi actuelle. C'est pourquoi celles et ceux qui sont favorables à ce projet de loi rejetteront purement et simplement cet amendement.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Ce que vient de dire le rapporteur de majorité n'est pas tout à fait exact. La proposition de Mme Künzler est à mi-chemin entre le droit actuel et la proposition que défend M. Muller. A cet égard, elle a le mérite d'une certaine prudence et elle est, par conséquent, raisonnablement acceptable.
Pour répondre à la question de M. Grobet, je dois indiquer que les autorisations de construire ont désormais une durée de validité de deux ans. Elles peuvent être renouvelées pour une année. Je ne me souviens pas si la loi dispose d'une limite absolue ou si l'exception peut se prolonger. Je n'ai pas la loi sous les yeux et je ne veux pas vous dire de bêtises. Si quelqu'un a la loi, qu'il ait la bonté de la lire... (Brouhaha.)Je ne sais pas par coeur quelle est la date butoir. Je ne peux donc pas vous éclairer, la loi ne m'est pas parvenue dans les délais requis. (Brouhaha.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons voter sur l'amendement de Mme Künzler.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 41 non contre 35 oui et 3 abstentions.
Le président. L'article 7 alinéa 2 est donc adopté dans la teneur qui figure dans votre rapport.
Nous sommes saisis du même amendement pour l'article 10 alinéa 3. J'imagine, Madame la députée que vous le retirez... C'est le cas.
Mis aux voix, l'article 10 alinéa 3 (nouvelle teneur) est adopté, de même que l'article 13 alinéa 1 (nouvelle teneur).
Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.
Troisième débat
La loi 8705 est adoptée article par article.
La loi 8705 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 44 oui contre 36 non.
(Brouhaha. L'assemblée commence à se lever.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai pas levé la séance. Il nous reste une urgence qui est la motion 1520... (Exclamations.)Si cela vous convient - et vous manifesterez votre approbation au sujet de la proposition que je vais vous faire - je suggère que nous allions nous coucher, car il est 23h45... (Applaudissements.)Je vous souhaite un bon retour chez vous !
La séance est levée à 23h45.